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le 28 novembre 2001

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N° 3419

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 novembre 2001.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 3369) DE M. JEAN ANTOINE LEONETTI ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, relative au renforcement de la lutte contre l'impunité des auteurs de certaines infractions,

PAR M. JEAN ANTOINE LEONETTI,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Justice.

La Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Michel Bourgeois, Mme Danielle Bousquet, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, M. Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Francis Delattre, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Laurence Dumont, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. Roger Franzoni, M. Pierre Frogier, M. Claude Goasguen, M. Louis Guédon, Mme Cécile Helle, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Henry Jean-Baptiste, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean Antoine Leonetti, M. Bruno Le Roux, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Dominique Perben, Mme Catherine Picard, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Michel Vaxès, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann, M. Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 5

I. - LA FORTE POUSSÉE DE LA DÉLINQUANCE 6

1. Une évolution générale préoccupante 6

2. L'augmentation de la délinquance des mineurs 8

3. Les fondements du sentiment d'impunité 9

II. - UN TRIPLE ÉCHEC 11

1. La sanction : un débat occulté 11

2. La police : une action entravée 13

3. Le partenariat : une relation déséquilibrée 15

III. - REPENSER LA SANCTION POUR PRÉVENIR LA RÉCIDIVE 17

1. Pour une prévention conforme à l'idéal républicain 17

2. Favoriser le recours aux mesures de réparation 19

3. Conforter le rôle et l'information des élus locaux 24

DISCUSSION GÉNÉRALE 26

TABLEAU COMPARATIF 31

« Qu'on examine la cause de tous les relâchements et on verra qu'elle vient de l'impunité des crimes et non pas de la modération des peines. »

Montesquieu.

MESDAMES, MESSIEURS,

La sécurité est aujourd'hui la première préoccupation des Français et ne bénéficie pas des moyens législatifs, techniques et humains nécessaires.

Les chiffres, pourtant, sont alarmants : la délinquance progresse ; elle est le fait d'individus de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. Notre modèle républicain d'intégration ne fonctionne plus et de véritables « zones de non droit », où la police ne peut guère pénétrer sans l'intercession de « médiateurs », se développent sur notre territoire.

Face à cette situation, il est temps d'agir concrètement et de renoncer à pratiquer une « politique du verbe », sans contenu réel. Le débat sur la petite et la moyenne délinquance est occulté. Aucune action significative n'est engagée pour conforter le rôle et la valeur pédagogique de la sanction. Le développement d'une réponse policière de proximité est entravé par le manque de coordination, l'insuffisance des moyens mis à la disposition des forces de sécurité et l'alourdissement des contraintes procédurales.

L'opposition parlementaire, consciente que l'augmentation de la délinquance est devenue une problématique majeure pour notre société, a avancé de nombreuses propositions pour combler ce décalage entre les attentes des Français et les actions du Gouvernement. Ses arguments, formulés, notamment, dans le cadre de l'examen de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, n'ont pas été entendus. Le groupe UDF-Alliance a donc décidé de replacer ces questions au centre des débats, en faisant usage de la faculté qui lui est offerte par l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, de demander l'examen en séance publique d'une proposition de loi.

La proposition de loi n° 3369, présentée par le rapporteur et cosignée par les trois présidents des groupes politiques de l'opposition à l'Assemblée nationale, tend à renforcer la lutte contre l'impunité des auteurs de certaines infractions. Elle préconise, à cet effet, des solutions qui sont à la fois mesurées et ambitieuses.

Mesurées, car elles ne touchent pas, délibérément, à l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, à l'échelle des peines ou aux pouvoirs des maires en matière de police. Ce texte préconise, tout simplement, des solutions de bon sens qui devraient pouvoir faire l'objet d'un examen non partisan, sans prétendre résumer l'ensemble des mesures qui pourraient être décidées, demain, pour faire face au danger que représente l'explosion de la délinquance.

Ambitieuses, car elles tendent à répondre, concomitamment, à deux défis majeurs, dans le respect des prérogatives respectives de l'Etat, de la police et de la justice : améliorer le traitement de la délinquance de proximité, en favorisant le recours à la réparation et à la médiation pénales et l'exécution des mesures ainsi décidées ; conforter l'information et les pouvoirs de coordination des élus locaux en matière de sécurité.

Gageons que ce travail saura être évalué comme une contribution raisonnable, mais résolue, au service de la sécurité, droit naturel et imprescriptible, facteur de cohésion et de justice sociales. Une sécurité qui ne devrait être ni de droite, ni de gauche, mais un droit et une liberté que les citoyens revendiquent.

I. - LA FORTE POUSSÉE DE LA DÉLINQUANCE

La violence et l'insécurité ne sont malheureusement pas des phénomènes nouveaux. Leurs causes sont bien identifiées : urbanisation non maîtrisée héritée, le plus souvent, des années 1960, chômage, exclusion, difficultés d'intégration pour les nouvelles générations de l'immigration, dysfonctionnements du système éducatif, dilution de l'autorité parentale, consommation de drogue, autant de facteurs qui s'associent dans une société en quête de sens, de repères et de valeurs.

Toutefois, les agressions contre les personnes et les biens, ainsi que les incivilités, progressent. Les espaces périurbains et le milieu rural sont également affectés. Aucun lieu, aucune rue, quartier, école, stade, moyen de transport, n'est plus à l'abri de la violence et de l'insécurité.

Cette insécurité est bien réelle, il ne s'agit pas seulement d'un sentiment : les statistiques publiées par le ministère de l'intérieur confirment cette très forte poussée de la délinquance, en particulier depuis deux ans. L'évolution de la délinquance des mineurs est particulièrement inquiétante.

1. Une évolution générale préoccupante

Depuis 1998, chaque année, la criminalité globale augmente. En 2000, la dégradation a été brutale : 203 985 faits supplémentaires ont été enregistrés par la police et la gendarmerie nationales, soit une progression de 5,7 % (+ 4,5 % pour la police et + 9,4 % pour la gendarmerie).

 

ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ GLOBALE

Années

Nombre de
crimes et délits

Évolution de la
criminalite globale

 

1991

3 744 112

+ 7,2 %

1992

3 830 996

+ 2,3 %

1993

3 881 894

+ 1,3 %

1994

3 919 008

+ 1,0 %

1995

3 665 320

- 6,5 %

1996

3 559 617

- 2,9 %

1997

3 493 442

- 1,9 %

1998

3 565 525

+ 2,1 %

1999

3 567 864

+ 0,1 %

2000

3 771 849

+ 5,7 %

Au cours du premier semestre de l'année en cours, la situation s'est encore détériorée. Tous services confondus, la hausse a été de 9,58 % par rapport au premier semestre de l'année précédente, l'augmentation étant, de nouveau, plus marquée dans les zones contrôlées par la gendarmerie (+ 17,69 %) que dans celles relevant de la compétence de la police nationale (+ 7,02 %).

Par type d'infraction, le bilan est toujours aussi négatif.

-  Les vols et recels de vols, qui constituent près de 62 % du total des infractions, ont progressé de 3,7 % en 2000. La hausse a été plus forte au premier semestre de l'année en cours : + 9,83 %.

-  Les infractions économiques et financières (notamment les escroqueries, faux et contrefaçons) ont augmenté de 19,1 % en 2000 (+ 10,84 % au premier semestre 2001).

-  Les crimes et délits contre les personnes (en particulier les coups et blessures volontaires et les menaces et chantages) ont crû de 9,1 % en 2000 (+ 10,36 % au premier semestre 2001).

-  Les « autres infractions » ont progressé de 5,6 % en 2000, l'ensemble des composantes de cette catégorie étant orienté à la hausse : + 1,9 % pour les infractions à la législation sur les stupéfiants, + 3,8 % pour les destructions et dégradations de biens et + 17,1 % pour les délits divers. Au premier semestre 2001, la variation a été de + 8,14 %.

-  La délinquance de voie publique a augmenté de 2 % en 2000 et de 11,05 % au premier semestre 2001. On rappellera que cet agrégat regroupe la majeure partie des crimes et délits enregistrés par les services de police et de gendarmerie, ainsi que les infractions les plus durement ressenties par la population : cambriolages, vols d'automobiles (et d'accessoires), vols « à la roulotte », destructions et dégradations de biens, vols avec violence et à main armée...

2. L'augmentation de la délinquance des mineurs

En 2000, le nombre de mineurs mis en cause pour des crimes ou des délits par les services de police et de gendarmerie a augmenté de 2,9 % par rapport à 1999 (175 256 personnes, contre 170 387). Cette évolution, qui n'est malheureusement pas nouvelle, s'est prolongée au cours des six premiers mois de l'année en cours.

NOMBRE DE MINEURS MIS EN CAUSE

Années

Vols
(y compris recels)

Infractions
économiques et financières

Crimes et délits contre les
personnes

Autres infractions (dont stupéfiants)

Criminalité globale

1991

72 877

2 247

8 012

18 495

101 631

1992

68 911

1 759

8 552

19 642

98 864

1993

64 283

1 697

8 972

17 960

92 912

1994

72 403

2 138

11 207

23 590

109 338

1995

78 946

2 285

14 088

30 914

126 233

1996

85 901

2 664

17 479

37 780

143 824

1997

87 352

3 211

19 774

44 100

154 437

1998

91 379

3 371

22 675

54 362

171 787

1999

85 141

3 528

24 227

57 491

170 387

2000

84 810

4 606

26 724

59 116

175 256

Au cours de la dernière décennie, le nombre des mineurs mis en cause a crû de 16,4 % pour les vols (et recels de vols), 105 % pour les infractions économiques et financières, 233,5 % pour les crimes et délits contre les personnes et 219,6 % pour les autres infractions, dont celles liées aux produits stupéfiants.

La proportion de mineurs dans le total des personnes mises en cause est également très dépendante de la nature des infractions. Ainsi, 57,8 % des personnes impliquées dans des vols de véhicules à deux roues à moteur sont des mineurs, contre 8,6 % et 5,3 % en matière, respectivement, de trafic de stupéfiants sans usage et d'homicides. La part des mineurs dans la délinquance de voie publique est de 35 % environ.

Les moins de 25 ans représentent près de 80 % du total des usagers de drogues interpellés : la consommation de produits de synthèse (extasy ou LSD notamment) est en augmentation chez les jeunes, ainsi que les pratiques dites de polyconsommation (association de plusieurs produits psychoactifs, simultanément ou en alternance). Le trafic est de plus en plus organisé en réseaux familiaux, ethniques ou centrés autour de foyers de délinquance, implantés au c_ur des cités ou des quartiers sensibles.

Au total, la participation des mineurs à la criminalité globale est passée de moins de 10 % en 1972 à 13,2 % en 1991 et 21 % en 2000. Il ne s'agit, de surcroît, que d'une moyenne nationale : dans certains quartiers, communément appelés « banlieues », « quartiers difficiles » ou « zones à risque », la part des mineurs dans la délinquance quotidienne atteint, voire dépasse, la barre des 50 %.

PART DES MINEURS MIS EN CAUSE
(rapport mineurs mis en cause / total des personnes mises en cause)

(en %)

Années

Vols
(y compris recels)

Infractions
économiques et financières

Crimes et délits contre les
personnes

Autres infractions (dont stupéfiants)

Criminalité globale

1991

25,8

1,4

7,9

8,2

13,2

1992

24,0

1,9

8,2

8,6

13,9

1993

23,3

2,0

8,4

8,1

13,5

1994

24,6

2,2

8,9

9,2

14,1

1995

27,6

2,4

10,0

11,4

15,9

1996

30,0

2,8

11,8

13,7

17,9

1997

32,1

3,8

12,7

15,1

19,4

1998

34,1

4,5

14,6

18,7

21,8

1999

33,3

4,8

15,2

18,5

21,3

2000

33,4

6,2

15,9

17,5

21,0

Ces éléments chiffrés peuvent être complétés par une appréciation qualitative : la délinquance des mineurs est non seulement de plus en plus importante mais, également, de plus en plus violente. De plus, l'âge des mineurs délinquants diminue régulièrement : « Les délinquants de 8-9 ans ne constituent plus une exception », soulignait récemment M. Yves Bot, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre (1).

On ajoutera que, souvent, cette violence est le fait de mineurs multirécidivistes, totalement déstructurés, habitués des commissariats, interpellés et, parfois, condamnés à de multiples reprises, qui agissent en bandes et sèment la terreur dans leur quartier.

Le constat est clair : la délinquance des mineurs n'a rien à voir avec celle d'il y a cinq, dix ou vingt ans. Elle concerne des enfants plus jeunes, pour des actes plus graves et de nature différente.

3. Les fondements du sentiment d'impunité

Les Français ont souvent le sentiment que les délinquants bénéficient d'une certaine impunité. Les délinquants aussi... ce qui accroît leur détermination et encourage la récidive. Cette situation résulte de la faiblesse du taux d'élucidation, d'une part, et de l'importance des classements sans suite, d'autre part.

· Le taux moyen d'élucidation s'établit, en 2000, pour l'ensemble des crimes et délits, à 26,8 %. Il était de 27,6 % l'année précédente.

Ce pourcentage est déjà, en soi, très faible. Mais, là encore, il ne s'agit que d'une moyenne : celle-ci est encore plus basse pour certaines infractions courantes, notamment les vols dits à la roulotte, les vols d'accessoires, les vols d'automobiles et les cambriolages, qui ne sont élucidés qu'à, respectivement, 5,2 %, 7,2 % et 8 %.

FAITS ÉLUCIDÉS ET FAITS CONSTATÉS

(en %)

Années

Vols
(y compris recels)

Infractions
économiques et financières

Crimes et délits contre les
personnes

Autres infractions (dont stupéfiants)

Criminalité globale

1991

15,2

103,9

76,8

52,8

36,8

1992

14,3

109,0

77,5

49,3

32,9

1993

14,0

108,8

76,5

47,0

32,2

1994

15,3

109,0

77,4

48,9

34,9

1995

14,6

101,0

77,5

46,2

32,5

1996

14,1

93,5

76,8

42,2

30,2

1997

13,1

86,5

75,6

43,1

29,5

1998

12,5

85,2

73,6

42,8

28,7

1999

11,6

74,9

70,6

43,0

27,6

2000

11,3

59,7

69,1

43,4

26,8

· Les statistiques publiées en octobre dernier par le ministère de la justice sur l'activité du parquet en 2000 fondent également ce sentiment d'impunité. 5 039 643 procès-verbaux ont été reçus cette année là, dont 3 141 172 pour des infractions concernant des auteurs inconnus. 4 606 961 affaires ont été traitées. Dans cet ensemble, 3 317 874 affaires (72 %) ont été jugées « non poursuivables », dont 2 997 153 (65,1 %) pour défaut d'élucidation. Le nombre des affaires dites « poursuivables » n'était donc plus que de 1 289 087, soit 28 % seulement du total des procès-verbaux reçus ; 32,1 % d'entre elles (413 876) ont été classées sans suite. Des procédures alternatives aux poursuites n'ont été engagées que pour 19,2 % des affaires poursuivables (247 481), soit 5,4 % du total des procès-verbaux reçus. 627 730 affaires ont donné lieu à des poursuites.

La progression du taux de classement des plaintes et procès-verbaux est constante. Elle s'explique, en particulier, par l'insuffisance des moyens en personnel et l'impossibilité pour les tribunaux correctionnels de juger davantage d'affaires.

Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que les Français placent la sécurité
- toutes les enquêtes l'attestent - au premier rang de leurs préoccupations. Les chiffres précités justifient leurs attentes. Encore pourrait-on observer que ces statistiques minorent la gravité de la situation, quatre délits sur cinq ne faisant pas l'objet de plaintes selon une étude menée en 1999 par l'INSEE et l'IHESI. De plus, elles ne prennent pas en compte l'ensemble des « incivilités », vocable fourre-tout sans signification juridique précise et souvent sans réponse pénale, qui désigne une multitude de petits désordres et de comportements incorrects ou agressifs (graffitis, vandalisme, etc.).

Ce sentiment d'impunité décourage les victimes de porter plainte et les expose aux menaces, aggrave le sentiment d'insécurité et minore les statistiques de la délinquance.

II. - UN TRIPLE ÉCHEC

Depuis 1997, le Gouvernement a affirmé à plusieurs reprises que la sécurité est, après l'emploi, sa première priorité. Alors que le chômage repart à la hausse... son bilan en matière de sécurité, sanctionné par les statistiques précitées de la délinquance, est catastrophique. Alors que ni la police de proximité, ni les contrats locaux de sécurité, ni le recrutement massif d'adjoints de sécurité n'ont pu enrayer la progression de la délinquance, peu de choses ont été prévues et mises en place pour systématiser le principe de la réparation et/ou de la sanction dès la première infraction.

1. La sanction : un débat occulté

La petite et la moyenne délinquance n'est pas une notion précise ni un concept juridique. Elle recouvre, pourtant, les infractions qui affectent le plus la population dans sa vie quotidienne : injures, menaces, chantage, vols, dégradations de biens publics et privés... Dans certains quartiers, ces faits sont une réalité quotidienne pour des populations souvent défavorisées.

Régulièrement, l'opposition a invité le Parlement à se pencher sur les insuffisances du dispositif en vigueur dans notre pays, plus particulièrement en ce qui concerne l'enfance délinquante. La majorité a refusé a priori toute discussion : la sanction serait un sujet tabou. Le débat est légitime, pourtant, et il devrait être possible de l'aborder sans remettre en cause le principe d'indissociabilité de l'enfance délinquante et de l'enfance en danger, qui structure l'ordonnance du 2 février 1945. Pour le rapporteur, il s'agit moins, en effet, de renforcer le caractère répressif de cette ordonnance, qui conjugue, à juste titre, des mesures de protection, d'éducation et de punition (2), que d'utiliser davantage les possibilités qu'elle prévoit et de procéder à des ajustements ponctuels, mais nécessaires.

Il n'est pas contestable que l'application de cette législation se heurte à des difficultés pratiques. Les mesures éducatives et, notamment, la réparation, sont trop rarement utilisées. 12 000 actions de ce type seulement ont été décidées, pour des mineurs, en 2000, alors qu'il s'agit souvent de la réponse la mieux adaptée aux actes de petite et moyenne délinquance. Surtout, comme l'écrivait récemment M. Henri Cuq (3), l'un des principaux inconvénients de ces mesures éducatives est leur délai d'exécution. Bien qu'il soit en très légère diminution ces dernières années, le nombre de mesures en attente demeure trop important (7 102 en 2000). Or, la condition de leur efficacité réside dans l'immédiateté de leur exécution. Une mesure de réparation effectuée plusieurs mois après les faits n'a de sens ni pour l'auteur de l'infraction, ni pour la victime.

L'ordonnance de 1945 prévoit, également, la possibilité de placer des mineurs dans des structures spécialisées, quel que soit leur âge.

-  Les centres d'action éducative (CAE), qui accueillent, en journée, les jeunes délinquants, en concurrence avec le secteur associatif habilité, proposent, avec l'aide d'éducateurs, de psychologues et d'assistantes sociales, des stages de formation, d'insertion en entreprise ou des activités sportives, artistiques ou culturelles.

-  Les foyers d'action éducative (FAE) bénéficient des activités des CAE et des autres centres de jour du secteur associatif.

-  Les centres de placement immédiat (CPI), créés en janvier 1999, ont pour mission d'assurer l'immédiateté et la continuité de la prise en charge des mineurs, notamment les plus difficiles d'entre eux. Ils doivent permettre une évaluation de la situation médicale, familiale, scolaire ou professionnelle du mineur durant un à trois mois, puis déboucher sur des propositions d'orientation.

-  Les centres éducatifs renforcés (CER) accueillent des délinquants multirécidivistes pour un séjour de rupture de quelques mois. Créés en 1996, ils se caractérisent par un fort taux d'encadrement destiné à assurer un accompagnement permanent des jeunes délinquants. Par un programme d'activité intensif, ils cherchent à favoriser la réinsertion sociale de jeunes en voie de marginalisation.

Mais les chiffres sont dérisoires. Les foyers d'action éducative ne peuvent héberger que moins de 1 000 mineurs. Les centres de placement immédiat n'accueillent qu'une dizaine de mineurs chacun ; il en existe une quarantaine en France. Les centres éducatifs renforcés accueillent cinq à six délinquants multirécidivistes ; il en existe 47. Au total, en 2000, 1 700 mineurs ont été accueillis dans les CPI et les CER. On rappellera que le nombre de mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie était, l'année dernière, d'environ 175 000.

Dans le même temps, les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse sont toujours notoirement insuffisants, tant sur le plan humain que sur le plan matériel, pour pouvoir prendre en charge efficacement tous les mineurs délinquants.

Pour autant, si la principale critique que l'on peut faire à l'ordonnance de 1945 est de ne pas être appliquée, il n'y a pas non plus de raison valable de refuser, ponctuellement, de procéder à certains ajustements.

En 1998, déjà, Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck avaient avancé quelques pistes intéressantes : systématiser les procédures de suppression, de suspension ou de mise sous tutelle des prestations familiales et sociales à l'encontre des parents défaillants de mineurs délinquants ; sanctionner plus souvent la provocation d'un mineur à commettre des infractions ; inciter les parquets à requérir la fixation par les juges des enfants d'une contribution financière à la charge des parents dont un enfant fait l'objet d'un placement ; créer une amende civile dont seraient redevables les parents cités en qualité de civilement responsables et qui ne défèrent pas à une convocation des juridictions pénales pour mineurs (4).

D'autres ont également jugé légitime de débattre de l'ordonnance de 1945 : on pourra se référer, par exemple, à la proposition de loi déposée récemment dans ce sens par M. Georges Sarre et plusieurs de ses collègues, dont M. Jean-Pierre Chevènement. Deux mesures - ostensiblement répressives cette fois - étaient préconisées : appliquer la procédure de la comparution immédiate aux mineurs récidivistes ; remettre en cause, en cas de réitération, le principe de la responsabilité pénale atténuée (5).

Récemment, une proposition de loi de M. Henri Cuq soutenue par l'ensemble de l'opposition, portant sur la révision de l'ordonnance de 1945, a été rejetée par la majorité sans même ouvrir le débat sur ce sujet majeur.

Le refus de parler de l'ordonnance de 1945 est révélateur, en fait, d'une difficulté plus générale à repenser la sanction, sa nature et son rôle. L'angélisme prévaut trop souvent : « ce n'est pas de sa faute, parce qu'il est mineur » ; « ses parents n'y sont pour rien, ils sont dépassés »... Le responsable serait la société elle-même, renvoyée à sa propre culpabilité ; l'autorité, qui s'exprime à travers la sanction, ne serait plus une réponse adaptée. Au total, rien n'est fait pour réaffirmer la frontière entre le bien et le mal, qu'un certain nombre de jeunes, qui manquent de repères, ne parviennent déjà plus à distinguer. Il n'existerait rien en dehors de la prévention... une attitude pourtant également contraire à l'esprit de l'ordonnance de 1945.

Finalement, le débat sur la sanction fait bien partie de ces thèmes que l'actuelle majorité ne parvient pas à aborder, pour des raisons largement idéologiques. Conscient du décalage qui le sépare sur ce point de l'opinion publique, le parti socialiste a finalement consenti, après quatre années d'exercice du pouvoir, à organiser... une rencontre nationale ! « Mieux prévenir, mieux punir », annonçait fièrement le programme de la journée de travaux consacrée à ce thème, à Evry, le 27 octobre dernier. « Il faut qu'on donne le sentiment qu'on n'a pas de problème avec la punition », expliquait alors M. Julien Dray (6).

2. La police : une action entravée

Aux défaillances de l'appareil judiciaire et/ou éducatif s'ajoutent celles de la réponse policière, qui nuisent à l'élucidation des faits et donc à la prévention et à la répression de la délinquance.

Colloque de Villepinte, octobre 1997 : Des villes sûres pour des citoyens libres... L'affiche, là encore, était séduisante ; le slogan annonçait la mise en place de la police de proximité, dont les principes directeurs seront fixés lors du conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999. La réalité est décevante.

La mise en place et la généralisation à marche forcée de la police de proximité - présentée comme une « révolution » alors qu'elle ne recouvre, finalement, qu'une simple remise au goût du jour de l'îlotage traditionnel - se heurte à de fortes difficultés. Certaines ont été relevées à plusieurs reprises : manque d'implication des personnels de base, communication interne insuffisante, implication inégale des partenaires, polyvalence limitée, responsabilisation incertaine, accueil du public à améliorer et horaires de présence insuffisants... Le principal obstacle au succès de cette réforme réside dans l'insuffisance des effectifs de la police nationale. Cette difficulté, évidente sur le terrain, a été accrue par des charges supplémentaires qui mobilisent davantage encore la police et la gendarmerie : pression migratoire en hausse, application du plan « Vigipirate renforcé », mesures de protection liées au passage à l'euro... Dans ce contexte, la perspective du passage aux 35 heures est un véritable « casse-tête » pour les responsables de la police nationale. Les recrutements ont été trop comptés et les objectifs fixés en 1995 par la loi n° 95-73 d'orientation et de programmation relative à la sécurité oubliés.

Le bien-fondé des ambitions de la LOPS n'a pourtant pas été contesté. En ce qui concerne la sous-administration de la police nationale, qui réduit d'autant la présence policière sur la voie publique, les travaux conduits, en 1998, par la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale étaient, de ce point de vue, intéressants : « Le respect de l'engagement pris en 1995 par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité - la création de 5 000 emplois administratifs et techniques de 1995 à 1999 - peut être tenu sans que cela n'entraîne un surcoût budgétaire. En profitant des départs à la retraite attendus au cours des prochaines années, les différences de coûts salariaux permettent, en effet, de gager la création des 3 200 emplois administratifs manquants par la transformation de seulement 2 200 emplois de policiers actifs. A budget constant, une telle transformation permettrait donc d'affecter un millier de policiers supplémentaires dans les zones prioritaires » (7). La réalité est tout autre : 800 emplois l'année dernière, 300 cette année... et encore ces chiffres sont-ils contestés par certaines organisations syndicales de la police. Les dividendes de la croissance n'ont pas servi à renforcer les moyens des forces de sécurité, mais à financer des dépenses (les 35 heures notamment) qui, désormais, contribuent à creuser le déficit public de notre pays.

Sans doute des adjoints de sécurité (ADS) ont-ils été recrutés en grand nombre. Mais comment penser que des emplois-jeunes peu formés et, par définition, inexpérimentés, peuvent constituer une alternative au recrutement de policiers ? Entraîné dans une sorte de « fuite en avant », le Gouvernement a décidé de leur conférer, dans le cadre de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, la qualité d'agent de police judiciaire adjoint (APJA), les plaçant à cet égard sur un terrain d'égalité par rapport aux policiers municipaux, pourtant mieux formés et plus expérimentés. De même, les ADS pourront-ils désormais participer aux contrôles routiers, dont on sait qu'ils exposent ceux qui les pratiquent à des risques significatifs.

Les autres réformes annoncées sont restées lettre morte. Ainsi, le Gouvernement s'était engagé à redéployer plusieurs milliers de policiers vers les 26 départements les plus sensibles. Selon la Cour des comptes, dans son rapport sur L'exécution des lois de finances pour l'année 2000 (juin 2001) : tous fonctionnaires de police confondus, les départements précités n'ont augmenté leurs effectifs, en 2000, que de 132 personnes !

La réponse policière face aux problèmes de la délinquance n'a donc pas été renforcée, bien au contraire. D'autant que l'action des forces de sécurité a été entravée par les contraintes procédurales supplémentaires imposées par la loi du 15 juin 2000 relative à la présomption d'innocence et aux droits des victimes, notamment pour la mise en _uvre des mesures de garde à vue et pour la rédaction de nouveaux éléments qui doivent figurer dans les procès-verbaux. Certaines dispositions (création du juge des libertés et de la détention, juridictionnalisation de l'application des peines, instauration de l'appel en matière criminelle...) ont entraîné des charges supplémentaires de gardes, transfèrements et escortes judiciaires. La baisse significative des mandats de dépôt est liée à l'augmentation des seuils permettant le placement de la personne présentée en détention provisoire : elle est plus marquée que celle des gardes à vue puisqu'elle s'établit, sur les huit premiers mois de l'année, à 12,5 %. Dans un certain nombre de départements, on peut considérer qu'elle affecte directement le niveau de la délinquance.

Le Gouvernement demande aujourd'hui en urgence une évaluation de ces mesures législatives dont il paraît évident qu'elles entravent l'action de la police. Enfin, les forces de police et de gendarmerie sont de plus en plus souvent les cibles de délinquants et paient cette année un trop lourd tribu à la cause de la défense de leurs concitoyens.

3. Le partenariat : une relation déséquilibrée

Les contrats locaux de sécurité (CLS), corollaires de la police de proximité également annoncés lors du colloque de Villepinte, ont été présentés comme l'instrument d'un nouveau partenariat tendant à mobiliser l'ensemble des acteurs de la sécurité. L'heure est à la « coproduction ». L'idée est pertinente mais son application n'a pas tenu ses promesses.

Les différents intervenants en matière de sécurité, publics ou privés, ont été invités à travailler ensemble et à formaliser leurs intentions et priorités dans des contrats locaux de sécurité : maires, préfets, procureurs, recteurs, présidents de conseil généraux, bailleurs, entreprises de transport, acteurs économiques ou militants associatifs... Attirés par la promesse d'effectifs renforcés dans leur commune, les élus ont apposé leur paraphe : plus de 540 contrats ont été signés à ce jour. Les policiers supplémentaires ne sont jamais arrivés, les partenaires ont baissé les bras, les contrats n'ont pas résisté à la durée et, trop souvent, sont restés lettre morte. La complémentarité des actions de la police et de la justice, ainsi que de la sécurité et de la prévention, la mise en jeu de la responsabilité des détenteurs de l'autorité parentale, la nécessité d'accompagner les familles en difficulté : les CLS n'ont guère contribué à relever ces défis. A travers un partenariat déséquilibré, souvent factice, l'Etat s'est défaussé de ses responsabilités sans remplir ses obligations.

Le manque de suivi révèle, en fait, le défaut majeur de la démarche engagée : l'absence de coordinateur. Le maire, élu du suffrage universel, dont les citoyens attendent qu'il règle l'ensemble des problèmes de leur vie quotidienne, aurait été le mieux placé pour remplir ce rôle. Lorsque les Français rencontrent, dans leur ville, leur quartier ou leur rue, des difficultés particulières, notamment en termes de sécurité, c'est à lui qu'ils s'adressent. De fait, l'article L. 2211-1 du code général des collectivités territoriales dispose que : « Le maire concourt par son pouvoir de police à l'exercice des missions de sécurité publique ». Il ne dispose pas, pourtant, des moyens requis pour assumer dans de bonnes conditions la mission qui lui est impartie.

Alors que le Gouvernement parle de justice ou de police de proximité, le seul fait d'envisager que les maires puissent coordonner, dans leur commune, les actions entreprises en matière de sécurité, déclenche une levée de boucliers. Tout juste a-t-il accepté, dans le cadre de la loi précitée relative à la sécurité quotidienne, face à la poussée de la délinquance et aux pressions de certains membres de sa propre majorité, deux timides concessions aussi insuffisantes qu'inefficaces :

-  L'article 1er de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité a été modifié afin de consacrer, a posteriori, le concept de « coproduction » et les contrats locaux de sécurité : « L'Etat associe, dans le cadre des contrats locaux de sécurité, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale, qui participent également à la politique de sécurité. D'autres personnes, morales et privées, et notamment les associations, les bailleurs sociaux et les entreprises de transport, peuvent concourir à l'élaboration et à la mise en _uvre de ces contrats ».

-  Les articles L. 2215-2 et L. 2512-15 du code général des collectivités territoriales ont été modifiés en ce qui concerne, cette fois, l'association et l'information des maires : « Sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire, le représentant de l'Etat dans le département associe le maire à la définition des actions de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité, et l'informe régulièrement des résultats obtenus. Les modalités de l'association et de l'information du maire peuvent être définies par des conventions que le maire signe avec l'Etat ».

Le seul intérêt de ces dispositions est de révéler la façon dont le Gouvernement conçoit la « coproduction » et l'information des maires, mais aussi les différences qui existent, de ce point de vue, entre la majorité et l'opposition.

La reconnaissance de la « coproduction », donc de l'existence d'une multiplicité d'acteurs dans le domaine de la sécurité, amène nécessairement à se poser la question suivante : quelle est l'instance coordinatrice ? Le Gouvernement répond : l'Etat. L'opposition répond : le maire, qui représente les populations et qui est donc le mieux placé pour connaître la réalité des problèmes d'insécurité dans sa commune.

Quant à l'information des maires, la loi sur la sécurité quotidienne la fait dépendre du bon vouloir des préfets : il est d'ailleurs significatif qu'elle ait été inscrite dans le chapitre du code général des collectivités territoriales consacré aux pouvoirs du représentant de l'Etat dans le département. Les modalités de cette information seront définies dans des conventions, alors qu'il devrait s'agir d'un droit. Demain, comme aujourd'hui, c'est encore par la presse ou la rumeur publique que les maires apprendront, trop souvent, que des actes délictueux ont été commis dans leur commune.

Une justice paralysée, une police entravée, des partenaires démobilisés : un triple échec qui ne profite qu'aux délinquants et éloigne toute perspective d'intégration pour des jeunes engagés sur une voie déviante. Les Français ne s'y trompent pas. Dans un récent sondage, plus de 63 % des personnes interrogées se déclaraient insatisfaites de la politique de sécurité menée actuellement par le Gouvernement (8).

III. - REPENSER LA SANCTION POUR PRÉVENIR LA RÉCIDIVE

La présente proposition de loi tend à rompre avec des années d'immobilisme face à la petite et moyenne délinquance. Elle vise à mettre fin à l'impunité dont bénéficient certains délinquants, et à permettre aux élus locaux de coordonner les initiatives et les moyens mis en _uvre en matière de sécurité de proximité.

1. Pour une prévention conforme à l'idéal républicain

Quelle attitude adopter face à la petite et moyenne délinquance, de plus en plus précoce et de plus en plus violente ? Les vieux clivages prévention/répression ont réapparu, qui ne permettent pas de répondre de façon satisfaisante à cette question.

La majorité, comme on l'a vu, malgré de grandes déclarations sur le thème : « Mieux prévenir, mieux punir », auxquelles le rapporteur a déjà fait allusion, ne pense qu'en termes de prévention, ce qui l'empêche de s'interroger sur l'efficacité des solutions proposées en la matière. Pratiquée, en particulier, dans le cadre des conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD), dont l'articulation avec les CLS n'a pas fait l'objet d'une réflexion sérieuse, la prévention est trop tardive et ne permet pas d'identifier les véritables délinquants. Elle ne débouche, fréquemment, en ce qui concerne les mineurs, que sur des mesures ponctuelles, qui n'apportent pas de solution durable : animation, installation de paniers de basket, création d'une salle de musique, organisation de stages de voile ou de cheval... autant d'initiatives locales utiles et nécessaires, mais qui ne sont pas porteuses d'une véritable politique d'intégration. L'objectif est davantage d'« occuper » des jeunes en déshérence, pour qu'ils se « tiennent tranquilles », sans se préoccuper de leur insertion, parfois jugée improbable a priori. Trop souvent, ces initiatives ne durent que le temps d'une médiatisation ou de l'acquisition d'une bonne conscience.

Ne parler que de répression ne suffit pas, d'autant que, faute de structures adaptées à la situation des mineurs, la prison est souvent la seule alternative qui s'offre au juge. Or, à l'évidence, elle n'est pas adaptée pour les primo-délinquants et les auteurs d'infractions de petite ou moyenne importance. Le taux de récidive est important. Soustraits pour un temps à leur zone d'influence, les délinquants y reviennent, généralement, au bout de quelques semaines ou quelques mois, endurcis par leur incarcération.

Les tenants de la prévention et de la répression s'accusent mutuellement d'être trop laxistes ou trop sécuritaires... mais la juxtaposition des solutions qu'ils préconisent est catastrophique. En pratique, des jeunes peuvent commettre plusieurs actes de délinquance sans se heurter à la sanction et au rappel de ce qui est bien ou mal, permis ou interdit. Un jour, pour un délit plus grave ou en raison du grand nombre d'infractions commises, une peine de prison leur est infligée, incomprise, rejetée, inefficace pour prévenir la récidive. L'angélisme préventif et la sanction brutale ne s'associent, ou ne se succèdent, que dans l'échec.

Dans ce contexte, par quels moyens restaurer l'une des ambitions majeures de toute démocratie : faire de ses enfants des citoyens, c'est-à-dire des êtres libres et responsables ? Deux orientations, indissociables, s'imposent.

· Il faut, en premier lieu, redonner du sens et, partant, du contenu, à la sanction.

La sanction, qui marque la frontière du bien et du mal, doit être permanente. Positive en récompense et négative en punition, liée à la vie de l'enfant et sous-jacente à toute politique préventive, elle peut servir de repère moral ou légal sur le chemin de la citoyenneté.

Pour ne pas avoir à punir trop tard et trop fort, la sanction doit être non seulement systématique mais précoce et rapide, en particulier pour les jeunes primo-délinquants. Le temps n'a pas la même signification pour les majeurs et les mineurs : six mois n'est rien pour un adulte ; c'est une éternité pour un enfant.

La sanction doit être, enfin, adaptée à l'infraction ainsi qu'au parcours et à la personnalité de son auteur ; elle doit avoir une dimension et une portée éducative.

Les mesures alternatives aux poursuites (réparation et médiation) pourraient satisfaire à l'ensemble de ces conditions. Elles permettent d'apporter une réponse judiciaire à des actes souvent classés sans suite et d'éviter d'engager des procédures devant des juridictions déjà « encombrées ». La « troisième voie » demeure, néanmoins, insuffisamment et mal utilisée ; elle souffre, de surcroît, d'un manque d'implication et de suivi de la part des « partenaires » de la sécurité.

· Il convient, en second lieu, de se donner les moyens d'une véritable politique partenariale de proximité en termes de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité.

Actuellement, les maires président les conseils communaux de prévention de la délinquance et peuvent signer des contrats locaux de sécurité ; ces instances doivent être réunies afin de lier la prévention et la sanction qui sont indissociables dans une action équilibrée.

Les différents intervenants doivent être associés à la conception et à la mise en _uvre des actions engagées en matière de sécurité, ce qui suppose qu'ils soient réunis, sur un plan d'égalité, au sein de structures de débat et de réflexion - qui pourraient être nommées « conseils locaux de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité » - et informés des actes délictueux commis sur le territoire communal ou intercommunal, à travers un « observatoire de la délinquance » institué en leur sein.

Ils doivent également être associés, dans un « conseil de la réparation pénale », à la définition, l'évaluation et le suivi des mesures alternatives de traitement pénal. Cette instance pourrait être chargée, dès lors que le procureur de la République saisi d'une plainte ou d'une dénonciation ne se prononce pas dans un délai relativement bref - un mois par exemple -, de proposer, pour certaines infractions « mineures », commises par des primo-délinquants ou des récidivistes uniques, des mesures alternatives de traitement pénal. Ainsi, la troisième voie déboucherait sur des mesures réellement adaptées, concertées et rapidement prononcées puis exécutées.

Ces réformes, enfin, doivent être conduites dans le respect des prérogatives légitimes et, parfois, constitutionnelles, de chacun : Etat, police, justice, élus locaux, partenaires de la sécurité.

Si le conseil de réparation pénal doit pouvoir débattre et proposer des mesures alternatives de traitement pénal, il doit néanmoins être présidé par un délégué du procureur de la République, indépendant et impartial, qui déciderait seul des mesures alternatives à mettre en _uvre.

Quant aux maires et aux représentants des différentes collectivités locales, leur implication est fondée car ils connaissent les attentes de la population ; ils sont en mesure de dépister très tôt les enfants en difficulté, d'agir en direction des familles, en association avec les structures scolaires, sanitaires et sociales. Mais il ne saurait être question qu'ils exercent des prérogatives qui appartiennent à l'Etat ou qu'ils se substituent à la justice ou à la police et la gendarmerie nationales : il s'agit, plus modestement, qu'ils puissent coordonner les initiatives et les actions entreprises.

La présente proposition de loi, à travers quatre articles étroitement liés les uns aux autres, met en _uvre ces orientations.

2. Favoriser le recours aux mesures de réparation

Les trois premiers articles de la proposition de loi ont pour objet de faciliter et d'accélérer le recours aux mesures alternatives de traitement pénal, pour certaines infractions de petite et moyenne importance commises par des primo-délinquants ou des récidivistes uniques.

· L'article 1er porte sur les maisons (et les antennes) de justice et du droit (MJD), dans le cadre desquelles prendrait place le nouveau dispositif de réparation pénale proposé par le rapporteur.

On rappellera que les MJD sont nées au début des années 1990 à l'initiative du procureur de Pontoise, pour assurer une présence judiciaire de proximité permettant de répondre de manière efficace à la délinquance quotidienne et aux petits litiges d'ordre civil. Elles ont été institutionnalisées par le législateur et dotées d'un cadre légal par la loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et au règlement amiable des conflits.

L'article L. 7-12-1-1 du code de l'organisation judiciaire prévoit, aujourd'hui, la possibilité d'instituer ces structures originales, placées sous l'autorité des chefs du tribunal de grande instance dans le ressort duquel elles sont situées. Corrélativement, il leur assigne les missions suivantes : « assurer une présence judiciaire de proximité et concourir à la prévention de la délinquance, à l'aide aux victimes et à l'accès au droit ».

Le législateur, après avoir défini l'objet et les missions des MJD, a toutefois renvoyé à un décret en Conseil d'Etat la détermination des modalités de leur création et de leur fonctionnement. Au terme de trois années de réflexion... ce décret a finalement été publié au Journal officiel du 6 novembre 2001 (9).

Selon les termes du décret, les MJD sont constituées, après approbation du garde des Sceaux, par une convention passée entre le préfet, les services déconcentrés du ministère de la justice, le maire de la commune d'implantation ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) incluant cette commune, le bâtonnier de l'ordre des avocats, une ou plusieurs associations _uvrant dans le domaine de la prévention de la délinquance, de l'aide aux victimes ou de l'accès au droit et, le cas échéant, le président du conseil départemental d'accès au droit. D'autres collectivités territoriales et personnes morales intéressées peuvent être signataires de cette convention, qui est conclue pour une durée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction.

Dans le cadre des orientations définies par un « conseil de la maison de justice et du droit » où sont représentés, notamment, les signataires de la convention, l'organisation quotidienne de la structure repose sur l'action d'un certain nombre d'intervenants : magistrats, éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, conciliateurs, délégués et médiateurs du procureur pour la mise en _uvre des mesures alternatives aux poursuites, avocats, huissiers, notaires, membres d'associations d'aide aux victimes, d'accès au droit ou de contrôle judiciaire et, éventuellement, délégués du médiateur de la République.

Leur financement repose sur une mutualisation des moyens entre l'Etat (crédits de la politique de la ville et de la justice, pour le fonctionnement et les dépenses de personnel) et les collectivités locales (prise en charge des frais d'installation immobilière et, le cas échéant, mise à disposition d'employés municipaux).

Les MJD remplissent, essentiellement, les deux fonctions présentées ci-après.

-  Elles mènent une action purement judiciaire : elles sont le lieu où s'exercent les mesures alternatives aux poursuites pénales et le règlement amiable des litiges civils. A cet effet, le parquet sélectionne les affaires qui ne justifient pas des poursuites pénales et qui, pour la plupart, feraient l'objet d'un classement sans suite ; il choisit la mesure adaptée (médiation, réparation, composition, rappel à la loi...) et classe le dossier si la procédure aboutit.

-  Elles participent à la mise en _uvre de la politique d'aide à l'accès au droit définie par les conseils départementaux de l'accès au droit.

Les antennes de justice remplissent les mêmes missions que les MJD mais ont une structure plus légère ; elles ne sont soumises ni au code de l'organisation judiciaire, ni à une validation de la chancellerie.

Au 1er mai 2001, il n'existait encore que 67 MJD (et 56 antennes de justice), soit moins d'une par département, implantées, notamment, dans les communes situées dans les zones prioritaires de la politique de la ville.

L'article 1er propose de conférer à l'article L. 7-12-1-1 du code de l'organisation judiciaire une nouvelle rédaction qui apporte au dispositif en vigueur les deux modifications exposées ci-après.

-  L'institution des MJD deviendrait obligatoire dans les communes ou, le cas échéant, les communautés de communes, communautés d'agglomérations ou communautés urbaines comptant plus de 50 000 habitants. Corrélativement, il est proposé d'étendre le cadre législatif précité aux antennes de justice et du droit.

Ce changement, qui paraît nécessaire pour garantir le développement effectif de ces structures, avait déjà été défendu, en 1998, par M. Claude Goasguen, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits. Celui-ci avait fait valoir que le caractère obligatoire de la création des MJD permettrait que celle-ci ne dépende pas de la situation financière des collectivités locales intéressés (10).

-  Il est précisé, en outre, que les maires et les présidents des EPCI concernés en sont membres de droit : la consécration législative, et non plus réglementaire, de leur présence renforcerait le caractère solennel de celle-ci et, partant, les liens entre la MJD et le conseil local de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité, institué par l'article 4 de la proposition de loi (voir infra).

Dans cette perspective, il est également prévu que les maisons et antennes de justice et du droit remettraient, chaque année, au conseil local de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité, un rapport sur leur activité.

· L'article 2 crée, au sein des maisons et antennes de justice et du droit, une nouvelle institution : le conseil de la réparation pénale. Celui-ci serait chargé de mettre en place, pour les personnes qui reconnaissent avoir commis, pour la première ou la seconde fois, une infraction visée au dernier alinéa de l'article 41-1 du code de procédure pénale, inséré par l'article 3 de la proposition de loi (voir infra), les mesures alternatives de traitement pénal prévues par ce même article.

Le conseil de la réparation pénale serait structuré autour de la personnalité du délégué du procureur de la République. On rappellera que les délégués du procureur, qui peuvent être des personnes physiques ou morales, sont nés, il y a plusieurs années déjà, de l'initiative d'un certain nombre de procureurs. Ils ont été légalement reconnus par le législateur dans le cadre de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale : l'article 41-1 relatif aux mesures de réparation prévoit que celles-ci peuvent être proposées par le procureur de la République « directement ou par délégation » ; l'article 41-2 relatif à la composition pénale précise que celle-ci peut être proposée par le procureur de la République « directement ou par l'intermédiaire d'une personne habilitée ». Consécutivement, le décret du 29 janvier 2001 (11) a encadré cette pratique déjà relativement répandue.

Dans le même esprit, pour alléger le mécanisme de la réparation pénale que les procureurs de la République ont bien du mal à maîtriser, il est proposé que le conseil de la réparation pénale soit présidé par leur délégué. Surtout, celui-ci déciderait des mesures alternatives susceptibles d'être proposées aux auteurs des infractions, après avis du conseil.

Les autres membres du conseil de la réparation pénale sont désignés de façon non limitative. Au premier rang figurent un représentant du maire de la commune (ou du président de l'EPCI) dans laquelle est implantée la MJD, ainsi que des représentants de l'Etat, et notamment du service de la protection judiciaire de la jeunesse. Il est précisé que : « D'autres personnes pouvant concourir à l'exécution rapide et au suivi socio-éducatif des mesures proposées peuvent être associées audit conseil ».

Certaines modalités de fonctionnement du conseil sont renvoyées à une convention entre les parties, qui pourra être intégrée dans la convention constitutive de la maison ou antenne de justice et du droit. Cette convention pourra préciser, en particulier, le délai au terme duquel les infractions portées à la connaissance du procureur feront l'objet, en l'absence de décision de sa part, d'une proposition de mesure alternative par le conseil (voir infra l'article 3 de la proposition de loi). La convention fixera également la composition précise du conseil, les engagements financiers de l'Etat et des collectivités territoriales ainsi que les moyens mis à la disposition du délégué du procureur de la République.

· L'article 3 tend à modifier l'article 41-1 du code de procédure pénale, afin de prévoir les modalités et les conditions de saisine du conseil de réparation pénale.

On rappellera que cet article prévoit que : « S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits », le procureur de la République a la possibilité, avant d'engager des poursuites, directement ou par délégation :

-  de procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi ;

-  de l'orienter vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ;

-  de lui demander de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements ;

-  de lui demander de réparer le dommage résultant de ceux-ci ;

-  de faire procéder, avec l'accord des parties, à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime.

Ces différentes formules peuvent être proposées à des majeurs comme à des mineurs, quel que soit leur âge. S'agissant de ces derniers, et en application de l'article 12-1 de l'ordonnance du 2 février 1945, elles peuvent également être proposées par la juridiction de jugement, mais elles revêtent alors une autre signification, leur valeur judiciaire l'emportant sur la dimension éducative.

Les mesures ainsi ordonnées peuvent consister à faire effectuer à l'auteur d'une infraction une action de réparation en direction de la victime (réparation directe) ou de la société (réparation indirecte) : excuses, remise en état de ce qui a été abîmé, entretien d'espaces verts pour les collectivités locales ou travaux au bénéfice de personnes morales ou d'organismes tels que la RATP... Elles sont donc particulièrement adaptées aux infractions commises par les mineurs puisqu'elles leur permettent d'appréhender leur propre responsabilité et de prendre conscience de la portée de leurs actes à l'égard de la victime et de la société.

L'article 3 propose de compléter l'article 41-1 du code de procédure pénale de façon à prévoir que, lorsque la personne mise en cause reconnaît s'être rendue coupable de certaines infractions pour la première ou la seconde fois, les mesures énumérées ci-dessus seront mises en place par le conseil de la réparation pénale, en l'absence de décision de la part du procureur de la République sur la suite donnée à l'affaire dans un délai maximum de trente jours à compter de la réception de la plainte ou de la dénonciation. Les infractions visées sont celles qui, sans faire partie des actes les plus graves, tendent à s'accroître dans les statistiques des plaintes déposées : vol simple, extorsion, recel, dégradation de bien public ou privé dans la limite d'un préjudice de 500 euros, usage de stupéfiants ou atteinte aux personnes telles que les injures, les menaces ou les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours.

On observera que ce dispositif ne s'appliquerait pas à la « composition » visée à l'article 41-2 du code de procédure pénale. Ce choix se justifie par les différences substantielles qui existent entre les mesures alternatives aux poursuites prévues par l'article 41-1 et la composition pénale. Alors que les premières résultent d'une initiative prétorienne de certains procureurs, fondée sur leur pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites et tendent à réparer le trouble à l'ordre public occasionné par l'infraction ou le dommage causé à la victime, la composition pénale tient davantage de la transaction. Elle fait intervenir un juge, prévoit de véritables sanctions dont certaines sont assimilables à des peines (par exemple le travail non rémunéré au profit d'une collectivité) et son exécution éteint l'action publique. Au demeurant, le procureur de la République ne peut recourir à la composition pénale que pour des personnes majeures (12).

Eviter les classements sans suite pour des délits mineurs, apporter dans tous les cas une réponse judiciaire rapide à ce type d'infractions, assurer le dynamisme et le suivi des mesures prononcées : tels sont les objectifs recherchés à travers ce nouveau dispositif, qui s'articule avec un renforcement du rôle et de l'information des élus locaux.

3. Conforter le rôle et l'information des élus locaux

Aux termes de l'article L. 2211-1 du code général des collectivités territoriales, comme on l'a vu : « Le maire concourt par son pouvoir de police à l'exercice des missions de sécurité publique ». L'article L. 2212-1 dispose, quant à lui, que : « Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs ». Pourtant, il ne dispose ni des moyens, ni de l'information nécessaires pour assumer dans de bonnes conditions ses missions et répondre ainsi aux attentes de la population.

Dans le cadre de l'examen de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, l'opposition, en s'inspirant de l'expérience des CCPD, mais en établissant un lien entre prévention et sûreté, avait déjà proposé de créer des conseils locaux, communaux ou intercommunaux de sécurité, pour permettre aux maires de coordonner l'ensemble des moyens de l'Etat et des collectivités locales, afin de répondre, sur le fondement d'informations fiables et précises, aux actes délictueux.

Cette proposition a été rejetée. On observe, pourtant, qu'elle allait dans le sens des préoccupations de nombreux acteurs de la politique de la ville et/ou de la sécurité. Certains seraient bien inspirés d'approfondir le diagnostic établi, en mars 1999, par le groupe de travail « Prévention, sécurité et violences urbaines » du Conseil national de la ville (CNV) : « Le CNV préconise de rebaptiser les conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD) en conseils locaux de prévention et de sûreté (CLPS) pour refléter la nécessaire prise en compte simultanée de la prévention, de la répression et de la solidarité. (...) Le CLPS doit être une large instance de débat démocratique et ouvert et en même temps une instance opérationnelle de traitement des problèmes. (...) Ses formations seraient coprésidées par le maire, le préfet et le procureur de la République. (...) Les coprésidents du CLPS sont garants, pour les services relevant de leur autorité, de la mise en _uvre effective du contrat local de sécurité ».

Sur le plan de l'information des élus locaux, on pourra également se référer au travail précité du CNV qui, parmi « les problèmes importants qui restent à résoudre ou méritent débat », retenait : « La mise en place d'outils statistiques et autres données pertinentes à l'échelle des différents territoires pour mesurer le sentiment d'insécurité, la réalité de la délinquance et l'impact des actions dans le cadre d'une évaluation permanente ».

Dans le même sens, l'article 4 propose d'insérer, dans le code général des collectivités territoriales, un nouvel article, numéroté L. 2212-1-1, qui prévoit deux mesures.

· Le paragraphe I crée, dans les communes ou les communautés de communes, communautés d'agglomérations ou communautés urbaines de plus de 50 000 habitants, un conseil local de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité.

Présidé par le maire ou le président de l'EPCI, le conseil associe des représentants des collectivités territoriales intéressées et de l'Etat (dont le préfet et le recteur), ainsi que, le cas échéant, d'autres personnes morales et privées telles que des associations, bailleurs sociaux et entreprises de transport.

Les missions du conseil sont encadrées de la façon suivante : définir des actions à mener sur le territoire communal ou intercommunal pour prévenir la délinquance et lutter contre l'insécurité ; arrêter et évaluer des mesures alternatives de traitement pénal susceptibles d'être proposées aux auteurs, mineurs en particulier, de certaines infractions de petite ou moyenne importance ; élaborer des programmes d'action, qui peuvent prendre la forme d'un contrat associant l'ensemble des parties concernées. Ces contrats sont destinés, bien sûr, à intégrer et à se substituer aux actuels contrats locaux de sécurité ; par coordination, il conviendrait donc de supprimer le dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, modifié, comme on l'a vu, par l'article 1er de la loi relative à la sécurité quotidienne.

· Le paragraphe II crée, au sein des conseils locaux de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité, des observatoires de la délinquance, présidés par le maire, le président de l'EPCI ou leur représentant.

L'observatoire a pour objet d'assurer un suivi statistique des crimes et délits commis sur le territoire communal ou intercommunal. A cette fin, il est informé des faits dénoncés et des plaintes déposées auprès des services de police et de gendarmerie. Il analyse les causes et l'évolution de la délinquance, ainsi que les mesures alternatives de traitement pénal proposées par le conseil de la réparation pénale et leurs résultats.

Ainsi, cet organisme garantira l'information des élus sur l'état de la délinquance ; par coordination et pour les raisons déjà évoquées par le rapporteur, il conviendrait de supprimer les modifications apportées par la loi sur la sécurité quotidienne aux articles L. 2215-2 et L. 2512-15 du code général des collectivités territoriales, relatives à l'association et l'information des maires en matière de sécurité.

L'observatoire permettra également aux partenaires de la sécurité de s'impliquer et de suivre les mesures alternatives de traitement pénal. Il est prévu, à cet égard, qu'il remette, chaque année, au conseil local de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité, un rapport qui fait état de ses analyses et conclusions, y compris en ce qui concerne les programmes mis en place par le conseil de la réparation pénale.

*

* *

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Claude Goasguen a tout d'abord observé que la proposition de loi ne réformait pas substantiellement le code de procédure pénale, mais tendait seulement à lutter contre le sentiment, croissant dans l'opinion publique, de l'impunité des auteurs de certaines infractions, en s'appuyant sur des dispositions existantes, comme le recours aux mesures de composition pénale, tout en les complétant utilement. Il a considéré que, ce faisant, le dispositif proposé apportait au problème de la délinquance une réponse de nature plus politique que juridique.

Puis, évoquant la nomination de M. Julien Dray en tant que parlementaire en mission sur l'évaluation des conséquences de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, il s'est félicité que la nécessité de répondre rapidement et de façon concrète aux difficultés rencontrées dans l'application de la loi soit désormais unanimement admise. A cet égard, relevant le nombre particulièrement élevé de décisions du parquet tendant au classement sans suites d'affaires qui auraient pourtant pu donner lieu à des poursuites, il a expliqué cette situation par l'incapacité du ministère public à faire face au nombre croissant de missions qui lui sont confiées par le législateur, notamment depuis l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000. Il a poursuivi son propos en indiquant qu'il était personnellement favorable à une réforme profonde du code de procédure pénale qui limiterait l'intervention des magistrats du parquet aux crimes et aux délits particulièrement graves, tandis que le reste des affaires relèverait de la compétence de « juges de paix ».

S'agissant du dispositif de la proposition de loi, M. Claude Goasguen a considéré qu'elle tendait à instaurer une justice de proximité plus collective et à associer davantage les élus locaux aux actions conduites en matière de lutte contre la délinquance. Considérant que ces dispositions étaient raisonnables et équilibrées, il a indiqué que son groupe politique les soutiendrait et a conclu son propos en regrettant que les propositions de l'opposition soient trop souvent caricaturées dans les médias par certains responsables de la majorité.

Convenant que la proposition de loi traitait d'un sujet préoccupant et relevait, à juste titre, le faible taux d'élucidation des affaires ainsi que la lenteur de l'exécution des mesures alternatives aux poursuites, Mme Christine Lazerges a, cependant, jugé que les mesures proposées relevaient davantage de la compétence du pouvoir réglementaire que de celle du législateur.

Puis, évoquant les différents articles de la proposition de loi, elle a, tout d'abord, considéré que la création obligatoire d'un conseil de la réparation pénale dans les communes ou communautés de communes de plus de 50 000 habitants n'était pas une mesure satisfaisante ; jugeant que ce seuil ne correspondait à aucune réalité concrète, elle a observé que certaines communes dont la population était inférieure pouvaient connaître des problèmes de délinquance plus importants que d'autres villes pourtant plus peuplées.

Elle a ensuite regretté que la proposition de loi tende à la création d'une nouvelle structure, sans prendre en compte les instruments existant, comme les conseils communaux de prévention de la délinquance ou les contrats locaux de sécurité, insistant sur la nécessité de renforcer la coordination entre ces deux éléments de la politique de sécurité. Après avoir souligné que certaines communes avaient déjà pris en compte cette exigence, en désignant un seul élu en charge de ces deux instruments, elle a indiqué que le Gouvernement préparait deux décrets respectivement relatifs à l'articulation des compétences des conseils communaux de prévention de la délinquance avec les actions conduites dans le cadre des contrats locaux de sécurité et à l'instauration d'un réseau national d'associations chargées de la mise en place et du suivi de l'exécution des mesures de réparation en matière pénale, à l'image du système existant aux Pays-Bas. Observant que le conseil de la réparation pénale dont la création est proposée n'aurait pas, en revanche, de telles compétences, elle a jugé qu'il n'apporterait donc aucune amélioration par rapport au droit en vigueur.

Faisant ensuite référence aux dispositions de la proposition de loi qui permettraient de dessaisir le procureur de la République, au profit du conseil de la réparation pénale, des affaires pour lesquelles il n'a pas pris de décision dans les trente jours suivant la réception d'une plainte ou d'une dénonciation, Mme Christine Lazerges a considéré qu'elles étaient contraires à la Constitution et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés. Elle a souligné, en effet, qu'il n'était pas acceptable, dans un Etat de droit, que des justiciables soient privés de la protection des règles du code de procédure pénale et de l'intervention de ministère public au seul motif que celui-ci n'aurait pas respecté un délai par ailleurs arbitraire, donc contestable. Tout en indiquant qu'elle partageait l'objectif de la proposition de loi, elle a conclu son propos en jugeant que le dispositif préconisé n'était pas satisfaisant et indiqué que, en conséquence, le groupe socialiste s'opposerait à son adoption.

M. Louis Guédon a, en préambule, évoqué les différents dispositifs existants en matière de prévention de la délinquance, pour déplorer leur manque de contenu et de cohérence : il a ainsi estimé que les contrats locaux de sécurité, dénués de réelle portée, étaient d'abord des mesures d'affichage destinées à répondre à la pression de l'opinion publique, puis a décrit les conseils intercommunaux de prévention de la délinquance comme des instances de débat et de communication sans réelle efficacité pratique ; il a enfin jugé que les commissions d'aide aux victimes ne constituaient qu'une institution factice, au sein de laquelle policiers et magistrats se renvoyaient la responsabilité de l'échec des procédures de médiation pénale.

Face au mécontentement croissant de l'opinion devant l'inaction des pouvoirs publics en matière de délinquance, il a déclaré souscrire pleinement aux objectifs de la proposition de loi, qui permet de renforcer la place des maires dans le dispositif de lutte contre l'insécurité. Il a ainsi jugé indispensable que ceux-ci, conformément aux souhaits d'une grande majorité d'entre eux, soient davantage impliqués, notamment dans le suivi des travaux d'utilité publique confiés aux jeunes mineurs délinquants. Il a plaidé, à travers la réhabilitation de ces travaux, pour une répression appropriée des faits de petite et moyenne délinquance, seule à même de faire comprendre aux jeunes que leur liberté a des limites, définies par le respect de la liberté d'autrui.

Tout en insistant sur le rôle primordial du maire, il a approuvé le choix de M. Jean Antoine Leonetti de maintenir les magistrats comme présidents des maisons de justice et du droit ; il a également déclaré souscrire à sa suggestion d'associer les présidents des EPCI, pour permettre le développement d'une politique de sécurité commune dans les bassins urbains comprenant des communes de dimension modeste. Rejoignant néanmoins les propos de Mme Christine Lazerges, il a contesté le seuil retenu de 50 000 habitants pour l'instauration des conseils locaux de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité, considérant que cette limite revêtait un aspect arbitraire, difficilement conciliable avec la réalité de la délinquance sur le terrain.

M. Jean-Yves Caullet a souhaité, en premier lieu, saluer la présentation pragmatique et apaisée qu'avait faite le rapporteur de sa proposition, très éloignée des discours caricaturaux sur la délinquance, trop souvent entendus ces derniers temps. Constatant que sa proposition de loi était modeste et ciblée, il a déclaré approuver la démarche qui consiste à traiter la question de la sécurité et de la délinquance, non comme un thème du débat politique, mais comme un sujet d'action concret.

S'agissant du diagnostic et du sentiment d'insécurité qui lui est lié, il a considéré que le traitement actuel de la délinquance ne mettait pas suffisamment l'accent sur les incivilités et la récidive, ce qui était de plus en plus mal supporté par les Français. Il a néanmoins contesté les propositions faites par M. Jean Antoine Leonetti, estimant notamment que le seuil de 50 000 habitants retenu pour la création de conseils locaux de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité ne correspondait à aucune réalité concrète ; rappelant, en outre, que les structures intercommunales n'exerçaient aucune compétence en matière de police, il s'est également interrogé sur les pouvoirs qui seraient confiés aux présidents des établissements publics de coopération intercommunaux.

M. Dominique Raimbourg s'est déclaré en accord avec l'essentiel du diagnostic dressé par M. Jean Antoine Leonetti, estimant, à son tour, que la faiblesse du taux d'élucidation des affaires, l'ampleur de la récidive et la lenteur d'exécution des peines suscitaient une incompréhension et un sentiment d'injustice au sein de la population française. S'agissant des solutions préconisées par la proposition de loi, il a contesté l'instauration d'un délai de 30 jours à partir duquel le procureur de la République serait dessaisi au profit du conseil de la réparation pénale ; il s'est notamment interrogé sur le mode de computation de ce délai, et, plus particulièrement, sur son point de départ.

Il a également évoqué la mise en place des conseils locaux de prévention de la délinquance, qui, comme les contrats locaux de sécurité actuellement, risqueraient de se heurter à la question récurrente de l'absence de moyens. Il a fait état du manque de statistiques locales fiables, qui rend difficile la définition d'objectifs à atteindre dans le cadre des contrats locaux de sécurité. Evoquant l'expérience menée actuellement dans la région nantaise, où près de 1 000 à 1 200 affaires, soit 25 % des affaires du tribunal correctionnel, sont résolues par le biais de la médiation pénale, il a insisté, en conclusion, sur l'importance qui s'attachait à développer les dispositifs de réparation pénale.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  Les solutions préconisées par la proposition de loi sont effectivement mesurées, ce qui explique qu'elles soient considérées comme insuffisantes par certains. Toutefois, même s'il ne s'agit que d'un premier pas, ce texte a le mérite de s'attaquer au défi majeur que représente l'impunité des auteurs de certaines infractions et, dans cette perspective, d'apporter des réponses concrètes à une population inquiète, une police trop souvent impuissante et des élus locaux privés de moyens d'action.

-  Le caractère prétendument réglementaire des mesures proposées est contestable. Il est significatif, à cet égard, que la majorité ait jugé utile et possible de légiférer sur les contrats locaux de sécurité dans le cadre de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, ce qui montre que l'appréciation des limites du domaine législatif est aussi une question d'opportunité. De plus, le caractère obligatoire de certaines mesures prévues par la proposition de loi rend nécessaire le recours à la loi.

-  Le seuil de 50 000 habitants à partir duquel la création des maisons et antennes de justice et du droit et des conseils locaux de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité deviendrait obligatoire peut être discuté. Le cas échéant, une autre limite pourrait être retenue. Cela étant, la proposition de loi n'empêche pas des villes ou des structures de coopération intercommunale de moindre importance de mettre en place de telles instances si elles le jugent nécessaire.

-  Le rôle qui serait confié, en matière de sécurité, aux présidents de certains établissements publics de coopération intercommunale, est légitime, dès lors que la politique de la ville fait partie des compétences obligatoires de ces groupements. Leur reconnaître des prérogatives en matière de lutte contre la délinquance apparaît comme la conséquence logique des transferts de compétences opérés au cours de la période récente.

-  Le fait de prévoir un délai au terme duquel, en l'absence de décision de la part du procureur de la République, le conseil de la réparation pénale serait saisi de certains actes de délinquance n'a rien de choquant. Des délais butoirs ont déjà été institués dans d'autres cadres et avec des conséquences beaucoup plus graves, en particulier par la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui prévoit la libération quasi automatique de criminels potentiels lorsque la durée de leur détention provisoire devient excessive. Les mesures préconisées par la proposition de loi tendent à accélérer les procédures dans le respect des principes constitutionnels qui s'imposent au législateur, l'autorité judiciaire n'étant pas dessaisie, le délégué du procureur de la République devenant compétent au terme du délai de trente jours précité.

-  Prévoir la mise en place, par décret, d'un vaste tissu associatif pour le suivi des mesures alternatives aux poursuites, n'apparaît pas comme une solution suffisante et pourrait même appeler des objections, la démocratie n'étant jamais gagnante lorsque l'Etat se défausse de ses responsabilités sur des acteurs privés.

-  L'exemple des Pays-Bas témoigne du caractère mesuré des solutions préconisées par la proposition de loi, les mesures alternatives aux poursuites pouvant même être décidées, dans ce pays, par un officier de police judiciaire. Cette faculté est excessive au regard du principe de la séparation des pouvoirs et il paraît préférable que le prononcé d'une sanction reste de la compétence d'une personnalité extérieure et impartiale. Il est néanmoins indispensable que l'ensemble des acteurs de la sécurité soient associés à la mise en _uvre des programmes alternatifs aux poursuites, afin qu'ils bénéficient d'une nouvelle dynamique, ce qui permettrait d'éviter, comme cela s'est produit récemment, qu'un jeune délinquant, coupable d'actes de violence à l'encontre d'un représentant des forces de l'ordre, ne se voit infliger qu'une simple rédaction à titre de sanction.

-  La proposition de loi permettrait donc de mettre fin à cet enchaînement catastrophique qui, d'infractions non élucidées en classements sans suite ou en sanctions non exécutées, confère aux petits et moyens délinquants une quasi-impunité. Le dispositif proposé est à la fois souple et pragmatique ; il permet aux acteurs locaux de la sécurité de l'adapter aux réalités du terrain, y compris en ce qui concerne la nature des infractions transmises au conseil de la réparation pénale et les modalités de sa saisine.

Saluant l'état d'esprit constructif dans lequel s'était déroulé la discussion de cette proposition de loi, M. Bernard Roman, Président, a jugé que, au-delà des désaccords, un consensus avait pu émerger sur le diagnostic actuel de la délinquance. Il a exprimé sa satisfaction que ce constat ait pu être fait loin des discours caricaturaux sur la délinquance.

A l'issue de la discussion générale, la Commission a décidé de ne pas procéder à l'examen des articles et, en conséquence, de ne pas formuler de conclusions.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte de référence

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Texte de la propositions de loi

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Code de l'organisation judiciaire

Article 1er

L'article L. 7-12-1-1 du code de l'organisation judiciaire est ainsi rédigé :

Art. L. 7-12-1-1. -  Il peut être institué des maisons de justice et du droit, placées sous l'autorité des chefs du tribunal de grande instance dans le ressort duquel elles sont situées.

« Art. L. 7-12-1-1. -  Il est institué, dans les communes ou, le cas échéant, dans les communautés de communes, communautés d'agglomérations ou communautés urbaines comptant plus de 50 000 habitants, des maisons ou antennes de justice et du droit, placées sous l'autorité des chefs du tribunal de grande instance dans le ressort duquel elles sont situées. Les maires et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale concernés en sont membres de droit.

Elles assurent une présence judiciaire de proximité et concourent à la prévention de la délinquance, à l'aide aux victimes et à l'accès au droit.

« Les maisons et les antennes de justice et du droit assurent une présence judiciaire de proximité et concourent à la prévention de la délinquance, à l'aide aux victimes et à l'accès au droit.

Les mesures alternatives de traitement pénal et les actions tendant à la résolution amiable des litiges peuvent y prendre place. »

« Les mesures alternatives de traitement pénal et les actions tendant à la résolution amiable des litiges peuvent y prendre place.

Code général des collectivités territoriales

Art. L. 2212-1-1. -  Cf. infra art. 4 de la proposition de loi.

« Les maisons et les antennes de justice et du droit remettent chaque année au conseil local de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité visé à l'article L. 2212-1-1 du code général des collectivités territoriales un rapport sur leur activité. »

 

Article 2

Après l'article L. 7-12-1-1 du code de l'organisation judiciaire, il est inséré un article L. 7-12-1-1-1 ainsi rédigé :



Code de procédure pénale

Art. 41-1. -  Cf. infra art. 3 de la proposition de loi.

« Art. L. 7-12-1-1-1. Il est institué, au sein des maisons et antennes de justice et du droit, un conseil de la réparation pénale, chargé de mettre en place, pour les personnes qui reconnaissent avoir commis, pour la première ou la seconde fois, une infraction visée au dernier alinéa de l'article 41-1 du code de procédure pénale, les mesures alternatives de traitement pénal prévues par ce même article.

 

« Le conseil de la réparation pénale est présidé par le délégué du procureur de la République. Il est également composé d'un représentant du maire de la commune ou, le cas échéant, d'un représentant du président de la communauté de communes, de la communauté d'agglomérations ou de la communauté urbaine dans laquelle est implantée la maison de justice et du droit, ainsi que de représentants de l'Etat, dont un représentant du service de la protection judiciaire de la jeunesse. D'autres personnes pouvant concourir à l'exécution rapide et au suivi socio-éducatif des mesures proposées peuvent être associées audit conseil.

 

« Les mesures alternatives de traitement pénal sont décidées par le délégué du procureur de la République, après avis du conseil.

 

« Les modalités de fonctionnement du conseil de la réparation pénale font l'objet d'une convention entre les parties, qui peut être intégrée dans la convention constitutive de la maison ou antenne de justice et du droit. Cette convention peut préciser, dans la limite de trente jours, le délai au terme duquel les infractions portées à la connaissance du procureur de la République font l'objet, en l'absence de décision de sa part, d'une proposition de mesure alternative de traitement pénal par le conseil, ainsi que la liste des infractions concernées. Elle fixe également la composition précise du conseil, les engagements de l'Etat et des collectivités territoriales concernées pour la prise en charge du coût des programmes de réparation et de médiation, ainsi que les moyens mis à la disposition du délégué du procureur de la République pour garantir son impartialité et son indépendance. »

Code de procédure pénale

Art. 41-1. -  S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, directement ou par délégation :

Article 3

L'article 41-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

1° Procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des obligations résultant de la loi ;

 

2° Orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ;

 

3° Demander à l'auteur des faits de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements ;

 

4° Demander à l'auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci ;

 

5° Faire procéder, avec l'accord des parties, à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime.

 

La procédure prévue au présent article suspend la prescription de l'action publique.

 
 

« Lorsque la personne mise en cause reconnaît s'être rendue coupable pour la première ou la seconde fois d'un vol simple, d'une extorsion, d'un recel, d'une dégradation de bien public ou privé dans la limite d'un préjudice de 500 euros, d'un usage de stupéfiants ou d'une atteinte aux personnes telles que les injures, menaces ou violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours, les mesures énumérées ci-dessus sont mises en place par le conseil de la réparation pénale, en l'absence de décision de la part du procureur de la République sur la suite donnée à l'affaire dans un délai maximum de trente jours à compter de la réception de la plainte ou de la dénonciation. »

 

Article 4

Après l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2212-1-1 ainsi rédigé :

 

« Art. L. 2212-1-1. - I.- Il est institué, dans les communes ou, le cas échéant, dans les communautés de communes, communautés d'agglomérations ou communautés urbaines comptant plus de 50 000 habitants, un conseil local de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité.

 

« Présidé par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale concerné, le conseil associe des représentants des différentes collectivités territoriales intéressées et de l'Etat, dont son représentant dans le département et le recteur d'académie. D'autres personnes, morales et privées, notamment les associations, les bailleurs sociaux et les entreprises de transport, peuvent également être représentées. Le conseil se réunit au moins une fois par mois.

 

« Le conseil définit des actions à mener, sur le territoire de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunal concerné, pour prévenir la délinquance et lutter contre l'insécurité. Il arrête et évalue des mesures alternatives de traitement pénal qui peuvent être proposées aux auteurs, mineurs en particulier, de certaines infractions de petite ou moyenne importance. Il élabore des programmes d'action à court, moyen et long terme, qui peuvent prendre la forme d'un contrat associant l'ensemble des parties concernées. Il assure le suivi de ces contrats.

 

« II.- Un observatoire de la délinquance, présidé par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale concerné, ou leur représentant, est institué au sein de chaque conseil local de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité.

 

« L'observatoire assure un suivi statistique régulier des crimes et délits commis sur le territoire communal ou intercommunal. A cette fin, il est informé des faits dénoncés et des plaintes déposées auprès des services de police et de gendarmerie, ainsi que des crimes et délits constatés par ceux-ci, et des suites, répressives, judiciaires ou éducatives, données à ces affaires. Il analyse les causes et l'évolution de la délinquance sur le territoire communal ou intercommunal. Il examine les mesures alternatives de traitement pénal proposées par le conseil de la réparation pénale et apprécie les résultats obtenus par celui-ci. Il remet chaque année au conseil local de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité un rapport qui fait état de ses analyses et conclusions. »

 

Article 5

Les charges éventuelles qui découleraient, pour les collectivités locales, de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.

 

Les charges qui incomberaient à l'Etat sont compensées, à due concurrence, par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

_________________________

3419. - Rapport de M. Jean-Antoine LEONETTI (commission des lois) sur la proposition de loi (n° 3369) relative au renforcement de la lutte contre l'impunité des auteurs de certaines infractions-Justice-

() « Le rôle du procureur de la République », in : « Violence et délinquance des jeunes, Les études de la Documentation française, 2001.

() Les peines qui peuvent être prononcées sont déjà très significatives : un mineur de treize ans ayant commis un acte grave (infraction punie d'au moins sept ans d'emprisonnement) peut être retenu à disposition d'un officier de police judiciaire ; un mineur de plus de treize ans peut être placé en garde à vue ; la détention provisoire est possible en matière criminelle au-delà de treize ans. Des peines, parfois lourdes, peuvent être prononcées : jusqu'à vingt ans de réclusion criminelle pour les plus de treize ans.

() Rapport n° 3300, 3 octobre 2001.

() Réponses à la délinquance des mineurs, Rapport au Premier ministre, 1998.

() Proposition de loi n° 3292, 2 octobre 2001.

() Le Figaro, 26 octobre 2001.

() La gestion des effectifs et des moyens de la police nationale, Annexe n° 2 au rapport d'information n° 1781 présenté, le 7 juillet 1999, au nom de la Mission d'évaluation et de contrôle, par M. Tony Dreyfus.

() Enquête réalisée par l'Institut BVA et publiée dans Valeurs actuelles le 14 septembre 2001.

() Décret n° 2001-1009 du 29 octobre 2001 modifiant le code de l'organisation judiciaire et relatif aux maisons de justice et du droit.

() Rapport n° 1019 présenté par M. Jacques Brunhes, 29 juin 1998, page 87.

() Décret n° 2001-71 du 29 janvier 2001 modifiant le code de procédure pénale et relatif aux délégués et aux médiateurs du procureur de la République et à la composition pénale (JO du 30 janvier 2001).

() Sur ce point, on pourra se reporter à la contribution de M. Jean Volff, procureur général près la cour d'appel de Toulouse, dans La Gazette du Palais, mars-avril 2000 : « La composition pénale : un essai manqué ! ».


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