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N° 3517

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 décembre 2001.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) SUR LE PROJET DE LOI portant réforme de la politique de l'eau (n° 3205),

PAR M. Yves TAVERNIER,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Eau.

La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan est composée de : M. Henri Emmanuelli, président ; M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, M. Yves Tavernier, vice-présidents ; M. Pierre Bourguignon, M. Jean-Jacques Jégou, M. Michel Suchod, secrétaires ; M. Didier Migaud, Rapporteur Général ; M. Maurice Adevah-Poeuf, M. Philippe Auberger, M. François d'Aubert, M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. François Baroin, M. Alain Barrau, M. Jacques Barrot, M. Christian Bergelin, M. Éric Besson, M. Augustin Bonrepaux, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, M. Christian Cabal, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Gilles Carrez, M. Henry Chabert, M. Jean-Pierre Chevènement, M. Didier Chouat, M. Alain Claeys, M. Charles de Courson, M. Christian Cuvilliez, M. Arthur Dehaine, M. Yves Deniaud, M. Michel Destot, M. Patrick Devedjian, M. Laurent Dominati, M. Julien Dray, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Louis Dumont, M. Daniel Feurtet, M. Pierre Forgues, M. Dominique Frelaut, M. Gérard Fuchs, M. Gilbert Gantier, M. Jean de Gaulle, M. Hervé Gaymard, M. Jacques Guyard, M. Pierre Hériaud, M. Edmond Hervé, M. Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, M. Michel Inchauspé, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Marc Laffineur, M. Jean-Marie Le Guen, M. Maurice Ligot, M. François Loos, M. Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, M. Pierre Méhaignerie, M. Louis Mexandeau, M. Gilbert Mitterrand, M. Jean Rigal, M. Gilles de Robien, M. Alain Rodet, M. José Rossi, M. Nicolas Sarkozy, M. Gérard Saumade, M. Philippe Séguin, M. Georges Tron, M. Jean Vila.

INTRODUCTION 7

DISCUSSION GÉNÉRALE 7

EXAMEN DES ARTICLES 13

TITRE II : SERVICES PUBLICS DE L'EAU ET DE L'ASSAINISSEMENT 15

Article 29 : Coordination d'un intitulé de section au sein du code général des collectivités territoriales 16

Chapitre premier : Missions et organisation des services publics de l'eau et de l'assainissement 16

Article 30 (Articles L. 2224-7, L. 2224-7-1, L. 2224-8, L. 2224-8-1, L. 2224-9, L. 2224-10, L. 2224-11, L. 2224-11-1 à L. 2224-11-3 du code général des collectivités territoriales) : Définition, missions et organisation des services publics de distribution d'eau et d'assainissement 16

Chapitre II : Tarification et règlements des services 24

Article 31 (Articles L. 2224-12 et L. 2224-12-1 à L. 2224-12-8 du code général des collectivités territoriales) : Dispositions relatives à la tarification et aux règlements des services publics de distribution d'eau et d'assainissement 24

Chapitre III : Transparence et information 33

Article 32 (Article L. 2224-12-9 du code général des collectivités territoriales) : Avis de la commission consultative des services publics locaux en matière de distribution d'eau et d'assainissement 33

Article 33 (Article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales) : Durée des délégations de service public dans le domaine de l'eau -  Renouvellement du patrimoine 34

Article additionnel après l'article 33 (Article L. 1411-3 du code général des collectivités territoriales) : Date du dépôt du rapport annuel du délégataire 36

Article additionnel après l'article 33 (Article L. 1411-3 du code général descollectivités territoriales) : Contenu du rapport annuel du délégataire 36

Article additionnel après l'article 33 (Article L. 1411-3 du code général des collectivités territoriales) : Certification des comptes produits dans le rapport annuel du délégataire 36

Article additionnel après l'article 33 (Article L. 1411-13 du code général des collectivités territoriales) : Publicité de la mise à disposition des documents relatifs aux services publics 36

Article additionnel après l'article 33 (Article L. 140-4-11 du code des juridictions financières) : Elargissement des pouvoirs des chambres régionales des comptes 37

Chapitre IV : Haut Conseil des services publics de l'eau et de l'assainissement 40

Article 34 (Articles L. 2224-12-10 à L. 2224-12-14 du code général des collectivités territoriales) : Création, missions et fonctionnement du Haut Conseil 40

Article additionnel après l'article 34 (Article L. 462-1 du code de commerce) : Saisine du Conseil de la concurrence par le Haut Conseil des services publics de l'eau et de l'assainissement 44

Chapitre V : Dispositions diverses 47

Article 35 (Article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales) : Dépenses obligatoires des communes en matière d'assainissement 47

Article 36 (Articles L. 131-7, L. 152-1 et L. 152-4 du code de la construction et de l'habitation) : Pose de compteurs individuels d'eau froide 47

Article 37 (Article L. 214-15-1 du code de l'environnement) : Dispositions de coordination 49

TITRE III : RÉFORME DES AGENCES DE L'EAU 50

Chapitre premier : Création, missions et organisation des agences de l'eau Erreur! Signet non défini.

Article 38 (Article L. 213-5 du code de l'environnement) : Missions et organisation des agences de l'eau 54

Chapitre II : Programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau 57

Article 39 (Article L. 213-6 du code de l'environnement) : Objet et modalités d'élaboration des programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau 57

Chapitre III : Dépenses et ressources 59

Article 40 (Articles L. 213-7 et L. 213-7-1 du code de l'environnement) : Dépenses et ressources financières des agences 59

Chapitre IV : Redevances 61

Article 41 (Articles L. 213-8 à L. 213-41 du code de l'environnement) : Règles applicables aux différentes redevances perçues par les agences de l'eau 61

Paragraphe 1 : redevances pour pollutions de l'eau 63

Paragraphe 2 : redevance pour réseau de collecte 73

Paragraphe 3 : redevance pour excédents d'azote 82

Paragraphe 4 : redevance pour consommation d'eau 95

Paragraphe 5 : redevance pour modification du régime des eaux 105

Paragraphe 6 : dispositions communes 114

Article 42 (Article L. 135 L du livre des procédures fiscales) : Dérogation à la règle du secret professionnel en matière fiscale au profit des agences de l'eau 116

Chapitre V : VIIIèmes programmes d'intervention des agences de l'eau 110

Article 43 : Orientations des VIIIèmes programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau 117

Article 44 : Entrée en vigueur et dispositions transitoires 121

Amendements à l'article 63 (coordination) 115

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 117

INTRODUCTION

Nos concitoyens s'inquiètent légitimement de plus en plus de la qualité et du prix de l'eau qui alimente leur habitation. La France a pourtant pris conscience de bonne heure de la nécessité qu'il y avait à protéger les ressources en eau et à veiller sur leur qualité. La loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime des eaux et à la lutte contre leur pollution a fixé les lignes directrices de la politique française de l'eau. Complétée et adaptée aux évolutions politiques et sociales par la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, elle constitue encore l'essentiel des règles dans le domaine de l'eau, désormais intégrées dans le code de l'environnement. C'est aussi de ces deux lois que s'est inspirée l'Union européenne pour l'élaboration de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau : la transposition de cette directive, que le projet de loi portant réforme de la politique de l'eau vise notamment à réaliser, ne modifiera que très marginalement l'organisation actuelle de la gestion de l'eau dans notre pays.

Si l'eau demeure une préoccupation pour les Français, c'est que son prix a fortement augmenté au cours de la dernière décennie et que de nombreuses études mettent en avant la dégradation de la qualité de la ressource. Au cours de l'année 2001, l'État a même été condamné par deux juridictions, l'une nationale, le Tribunal administratif de Rennes, l'autre internationale, la Cour de Justice des Communautés européennes, pour avoir manqué à ses obligations en matière de qualité de l'eau potable. Il apparaît donc indispensable d'améliorer et de rendre plus efficace notre politique de l'eau.

Telle est l'ambition du présent projet de loi, adopté par le conseil des ministres le 27 juin 2001. Ce projet compte soixante-trois articles, regroupés sous six titres, qui poursuivent quatre objectifs principaux : transposer dans le droit français la directive communautaire 2000/60/CE précitée et renforcer la décentralisation de la gestion de l'eau, améliorer la transparence, la démocratie et la solidarité dans le service public de l'eau et de l'assainissement, en vue notamment de garantir l'accès de chacun à l'eau potable, mieux appliquer le principe pollueur-payeur à travers de nouvelles redevances au profit des agences de l'eau et soumettre leur programme pluriannuel au contrôle parlementaire, enfin, améliorer l'exercice de la police de l'eau.

Le projet de loi ayant été renvoyé, au fond, à la Commission de la production et des échanges, votre Commission des finances a souhaité se saisir pour avis de deux titres du projet : le titre II relatif aux services publics de l'eau et de l'assainissement et le titre III portant réforme des agences de l'eau. Le titre II répond aux préoccupations exprimées par votre Commission à l'occasion des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC), qui ont été consacrés de février à mai 2001 à la question du prix de l'eau ; le titre III vise essentiellement à restituer au Parlement ses compétences en matière de fixation des assiettes, taux et modalités de recouvrement des impositions de toutes natures que sont les redevances des agences de l'eau. Sur ces deux thèmes, l'apport de votre Commission des finances peut donc éclairer les débats parlementaires.

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DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du 20 décembre 2001, la Commission des finances, de l'économie générale et du plan a examiné le projet de loi portant réforme de la politique de l'eau (n° 3205).

Après avoir rappelé les conditions particulièrement difficiles dans lesquelles son travail s'est déroulé, du fait de la saisine tardive de la Commission, votre Rapporteur a indiqué que l'avis porte sur deux des six titres que compte le projet, l'un et l'autre essentiels : le titre II relatif aux services publics de l'eau et de l'assainissement, et le titre III portant réforme des agences de l'eau.

Le titre II du projet aborde les problèmes traités dans les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) : partant du constat que le prix de l'eau a fortement augmenté au cours de la dernière décennie, dans des conditions de transparence et de contrôle démocratique peu satisfaisantes, il propose de renforcer la transparence, la démocratie et la solidarité dans le service public de l'eau et de l'assainissement.

Il encadre la part fixe du prix de l'eau afin que l'essentiel de la facturation soit proportionnel au volume consommé, ce qui est plus clair et pousse à une gestion économe de la ressource, le cas des communes touristiques étant néanmoins pris en compte par une définition spécifique, plus large, de la part fixe.

Le projet de loi rend obligatoire la pose de compteurs individuels dans les immeubles collectifs d'habitation neufs, afin de favoriser un partage des factures d'eau de l'immeuble, en fonction des volumes effectivement consommés dans chaque logement. Il impose l'élaboration d'un règlement des services qui devra être communiqué à tous les usagers et confère des compétences obligatoires à la commission consultative des services publics locaux.

Par ailleurs, le projet de loi a pour objectif de moraliser les pratiques des délégataires de services publics de distribution et d'assainissement de l'eau, lesquelles avaient été dénoncées dans les travaux de la MEC. Cette moralisation passe par un encadrement des redevances pour occupation du domaine public en fonction du nombre d'habitants de la commune, comme cela se fait déjà pour d'autres services, une limitation à 12 ans de la durée maximale des contrats, sauf en cas de dérogation justifiée, une obligation d'établir un programme prévisionnel de travaux et de restituer, en fin de contrat, le montant nécessaire à la réalisation des travaux prévus et non réalisés.

Par ailleurs, le Haut Conseil des services publics de l'eau et de l'assainissement sera chargé d'améliorer l'information dans ces secteurs et de remplir une mission de conseil, notamment auprès des collectivités locales, afin qu'elles puissent choisir le mode de gestion le plus approprié.

Enfin, et c'est un élément essentiel, l'eau étant un bien commun vital, le projet garantit à chacun le droit d'accéder à l'eau potable pour satisfaire ses besoins vitaux en interdisant les coupures d'eau pour impayés et en supprimant les demandes de caution solidaire, dépôt de garantie et avances.

Sur tous ces points, le projet va indiscutablement dans le bon sens, même si on peut lui reprocher quelque frilosité.

Le titre III est celui qui est à la fois le plus attendu et le plus critiqué. Les dispositions qui concernent l'organisation interne des agences de l'eau ne sont pas d'une grande portée. Il s'agit essentiellement de placer dans un texte de loi des dispositions actuellement réglementaires, de les mettre en conformité avec la pratique et d'encadrer les politiques menées par les agences par un programme pluriannuel, qui sera désormais voté par le Parlement.

En revanche, le projet modifie profondément les redevances qui constituent la principale ressource des agences de l'eau. L'Assemblée nationale avait adopté, sur proposition du Président de la commission des Finances, un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2001 visant à conférer au Parlement les compétences constitutionnelles qui doivent être les siennes en matière d'encadrement des taux, des assiettes et des modalités de recouvrement des redevances, en figeant les règles actuellement appliquées par les agences. Cet article additionnel n'a pas été redéposé en nouvelle lecture, mais sa pertinence demeure. Le projet veut franchir une étape supplémentaire en réformant profondément ces règles.

Aujourd'hui, les agences perçoivent principalement deux redevances, fixées selon des modalités très variables d'une agence à l'autre : l'une porte sur le prélèvement et la consommation d'eau, l'autre, qui assure 83 % de leur produit total, est relative à la pollution. Le projet propose de les remplacer par cinq redevances : les redevances pour pollution de l'eau, pour réseau de collecte, pour excédent d'azote, pour consommation d'eau et pour modification du régime des eaux. C'est la redevance pour excédent d'azote qui constitue la principale innovation.

L'article 41 fixe précisément les règles que les agences devront respecter pour arrêter les taux de chacune de ces taxes. Le but est de mieux respecter le principe pollueur-payeur et de rendre les redevances plus équitables. Dans le dispositif actuel, les usages domestiques sont nettement défavorisés par rapport aux usages industriels et surtout agricoles. Le projet de loi prévoit par exemple que certains taux seront plus élevés dans les zones écologiquement plus fragiles. Le calcul des assiettes et l'établissement des taux de ces taxes seront encadrés par la loi. Les critères à prendre en compte sont nombreux et complexes.

Les redevances pour pollutions sont modifiées pour mieux en répartir le coût entre les communes, entre les usagers, et pour inciter les collectivités à améliorer l'assainissement. Le mécanisme actuel de la contrevaleur, peu conforme au principe pollueur-payeur, est supprimé. La redevance sera mise à la charge du service d'assainissement pour l'inciter à renforcer son dispositif de dépollution. Les exonérations ou minorations en faveur des petites communes sont supprimées. Elles ne correspondent plus, en effet, à la réalité de la pollution en milieu rural. Enfin, les taux sont fixés en fonction de critères environnementaux, qui permettront de prendre en compte l'état du milieu naturel.

La redevance pour réseau de collecte est destinée à remplacer l'actuel coefficient de collecte qui rend la redevance pollutions très inéquitable entre les usagers : elle sera à la fois plus juste, plus transparente et incitera aux économies d'eau. Elle déroge au principe pollueur-payeur dans la mesure où elle est assise sur les volumes d'effluents rejetés dans les réseaux, indépendamment de leur teneur en pollution. Elle est conçue pour être transitoire et disparaître entre 2008 et 2010. Son rôle est essentiel dans l'équilibre des ressources des agences, puisqu'elle doit rapporter 4,3 milliards d'euros, sur un total de 8,1 milliards d'euros (53 milliards de francs) de recettes fiscales pendant les VIIIèmes programmes.

Le projet de loi généralise la redevance pour modification du régime des eaux. Cette redevance vise les ouvrages dont l'impact peut perturber gravement le fonctionnement des milieux aquatiques et réduire la biodiversité. Elle est complétée par deux volets de lutte contre les inondations, visant à sanctionner l'imperméabilisation des sols et la réduction des champs d'expansion des crues. Comme pour les redevances précédentes, les taux pourront varier entre les bassins, sauf pour le volet inondations pour lequel le projet fixe des taux uniques.

La redevance pour excédent d'azote constitue l'une des principales innovations du texte, et l'une des réponses attendues à la pollution par les nitrates, pour laquelle la France a déjà été condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) en mars dernier. Cette nouvelle redevance serait perçue sur les excédents azotés des exploitations agricoles, calculés à partir d'un bilan retraçant la différence entre les quantités (précises ou estimées par équivalence unitaire) de nitrates entrant et sortant de l'exploitation, afin que ne soit pris en compte que l'azote excédentaire par rapport aux besoins des cultures. Le choix de cette assiette complexe à établir, mais écologiquement justifiée, permet de n'imposer que la pollution diffuse du sous-sol et des eaux souterraines par les nitrates.

La redevance sera payée, pour la première fois en 2004, au titre de l'année 2003. Le produit attendu pour cette première année de perception atteindrait environ 76,2 millions d'euros (500 millions de francs). Ce montant, réduit de moitié par rapport aux avant-projets envisagés, résulte d'arbitrages interministériels, qui ont abouti à la mise en place d'abattements et de seuils destinés à éviter une surtaxation des exploitations de taille moyenne. Compte tenu de la dimension pédagogique revendiquée pour ce nouvel impôt, son produit devrait sensiblement diminuer pour les exercices suivants, pour ne plus atteindre qu'environ 45,7 à 53,4 millions d'euros (300 à 350 millions de francs) par an.

La nouvelle redevance pour la consommation d'eau est assise sur le volume d'eau consommée, c'est-à-dire sur la différence entre l'eau prélevée et l'eau rendue à son milieu d'origine, sans tenir compte de l'usage qui en a été fait. De ce fait, pour éviter de peser trop durement sur les petites exploitations agricoles, les PME-PMI et les petites communes, les taux sont relativement bas, et le produit total de la taxe devrait ainsi être sensiblement réduit par rapport à son produit actuel, ce qui se traduira par une baisse globale du coût pour les usagers. Il est prévu d'exonérer les 7.000 premiers mètres cubes d'eau consommée et d'accorder des taux réduits aux 24.000 premiers mètres cubes. Enfin, pour inciter au développement d'une gestion durable de l'eau, les taux sont plus élevés lorsque l'eau provient de ressources plus fragiles et des taux plus bas sont accordés aux usagers qui respecteront un protocole de gestion quantitative.

Quelle que soit leur complexité, qui est évidente, mais peut-être, au moins en partie, inévitable, ces redevances seront moins inéquitables et plus incitatives à l'adoption de comportements respectueux de l'environnement. Elles ont un objectif pédagogique de protection quantitative et qualitative de l'eau.

Votre Rapporteur a conclu en indiquant qu'il souhaitait une harmonisation des dates d'entrée en vigueur des assiettes des redevances au 1er janvier 2005, et qu'il propose à la Commission d'émettre un avis favorable, sous réserve des amendements qu'il a déposé.

M. Jean-Jacques Jégou a regretté que la Commission examine ce projet de loi dans des délais très courts, alors même que le marathon budgétaire n'est pas terminé. S'il reprend certaines recommandations émises par la MEC, ce projet, comme le montre la tonalité de l'intervention de votre Rapporteur, ne suscite pas l'enthousiasme. Les habitants des zones urbaines assurent aujourd'hui une part importante du financement de la dépollution de l'eau, à travers des prélèvements qui pèsent très fortement sur leur facture. Ainsi, le prix de l'eau atteint, dans plusieurs zones de la région parisienne plus de 20 francs par m3, et, dans certaines situations, les locataires du parc social supportent une facture d'eau équivalente à celle de leur loyer. Le projet de loi semble partir de bonnes intentions. Il faut en effet mieux expliquer la composition du prix de l'eau et poursuivre la solidarité dans la prise en charge des pollutions. Si, comme le propose votre Rapporteur, l'entrée en vigueur des nouvelles redevances devait être retardée de deux années, on ne peut que regretter que la Commission ait renoncé à l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, lors de l'examen, en première lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2001. Cet amendement permettait en effet au Parlement de reprendre ses droits. L'incertitude qui pèse sur l'avenir de ce projet de loi rend son examen difficile pour votre Rapporteur, et peu convaincant pour les autres membres de la Commission.

Soulignant la faiblesse du bilan des mesures prises, au cours de la législature, en faveur de l'environnement, M. Jean-Pierre Brard a dénoncé la frilosité du projet de loi, indubitablement marqué par les arbitrages imposés par certains groupes de pression productivistes, comme la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Il faut donc que le texte aille plus loin en taxant davantage les gros consommateurs d'eau, en assurant mieux la transparence de la gestion de l'eau, en protégeant la ressource et en garantissant l'accès à l'eau des plus modestes de nos concitoyens.

M. Jean-Louis Dumont a rappelé que la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit que, dans les immeubles collectifs, le gestionnaire de l'eau pourra être obligé d'individualiser les contrats. Les organismes HLM, chargés de la distribution de l'eau au sein des logements sociaux, doivent pouvoir être rémunérés pour le service qu'ils rendent en cas de comptage individuel de l'eau. Par ailleurs, il n'est pas normal qu'un même territoire, par exemple un département, relève de deux agences de l'eau différentes, et par conséquent de deux dispositifs de subventions différents. Quel sort est réservé aux producteurs d'électricité hydraulique qui utilisent des turbines de taille moyenne, encouragés par un discours sur la diversification des sources d'énergie, alors que le projet de loi ne correspond pas à ce discours ? Il serait en effet paradoxal de taxer ce type de production. Enfin, on peut s'interroger sur les prises de position adoptées par certaines agences de l'eau. Un des employés de l'agence Seine-Normandie a, par exemple, publiquement déclaré que les pouvoirs publics ne font rien pour lutter contre le saturnisme, alors que le Parlement vote chaque année des crédits à cette fin. Cette attitude, choquante, prouve, s'il en était besoin, l'évidence selon laquelle, dans un domaine aussi sensible, les élus doivent reprendre le pouvoir.

Le Président Henri Emmanuelli s'est inquiété des conséquences du projet de loi sur les finances des petites communes, et s'est étonné de l'absence de prise en compte de la notion de solidarité. En effet, dans certaines régions, les collectivités paient pour lutter contre les excès d'eau, par exemple en menant des travaux importants pour éviter les crues, et cela n'est nullement pris en compte. Le projet procède avec une optique plutôt abstraite, se focalise sur les endroits où la ressource est rare, et ne taxe que la consommation et la distribution d'eau.

Votre Rapporteur a répondu que le projet de loi continuait à exonérer les très petites communes de la redevance pour consommation d'eau, mais que la redevance pour pollutions les touchera plus qu'auparavant, car l'équipement des ménages ruraux, et donc la pollution émise, est devenu très proche de celui des urbains.

M. Jean-Jacques Jégou a demandé pourquoi, pour une même consommation d'eau, un usager serait exonéré dans une petite commune, et taxé dans une ville plus importante. Les communes d'Ile-de-France ne doivent pas être désavantagées.

Votre Rapporteur a précisé que le projet de loi maintient l'application, actuellement en vigueur, de seuils au-dessous desquels la redevance pour consommation n'est pas due ou est minorée. En revanche, s'agissant des redevances pour pollutions, si le projet de loi maintient les seuils de non recouvrement actuellement appliqués, il supprime, d'une part, l'exonération dont bénéficient les communes dont la pollution domestique est inférieure à celle de 400 habitants, et, d'autre part, la minoration d'assiette par application, au bénéfice des communes de moins de 2.000 habitants, d'un coefficient d'agglomération inférieur à 1. Si un habitant du monde rural pouvait, au moment de l'élaboration des règles actuellement en vigueur, être considéré comme polluant moins qu'un citadin, cette différence n'est aujourd'hui plus justifiée, les deux populations bénéficiant du même niveau d'équipement.

Le Président Henri Emmanuelli a dénoncé l'idée reçue selon laquelle l'Ile-de-France serait systématiquement désavantagée. Le « rapport Balligand » a montré à cet égard que cette région bénéficiait plus que les autres des crédits d'État. Il a, par ailleurs, déploré que rien dans le projet de loi ne vise les efforts de péréquation effectués par certains départements, tel celui des Landes, où une interconnexion des réseaux est en cours pour remédier à d'importantes disparités de tarification de l'eau : de 2 à 24 francs par m3, selon le lieu de distribution.

M. Jean-Louis Dumont est lui aussi convenu que cette loi comportait de réelles insuffisances, et abordait les problèmes de manière souvent trop limitée.

Puis, la commission a abordé l'examen des articles.

EXAMEN DES ARTICLES


TITRE II

SERVICES PUBLICS DE L'EAU ET DE L'ASSAINISSEMENT

Les dispositions figurant dans ce titre ont pour objectif premier de rendre plus transparent le fonctionnement des services publics de l'eau et de l'assainissement. Votre Rapporteur est très sensible à ce souci qui répond directement aux préoccupations et préconisations présentées dans le rapport qu'il a rédigé à l'issue des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances, consacrés au prix de l'eau (1).

Au cours des années 1990, le prix moyen de l'eau a presque doublé en France, conséquence, en particulier, des importants travaux d'assainissement que les communes ont dû réaliser pour se mettre en conformité avec la directive communautaire 91/271/CEE sur le traitement des eaux urbaines résiduaires. Cette forte augmentation a été d'autant plus mal acceptée par les usagers qu'elle ne s'est pas effectuée dans des conditions de transparence et de contrôle démocratique parfaitement satisfaisantes.

Le présent titre vise donc à renforcer la transparence du prix et de la gestion des services publics de l'eau et de l'assainissement. Il encadre la part fixe du prix de l'eau, afin que l'essentiel de la facturation soit proportionnel au volume consommé, ce qui est plus clair et pousse à une gestion plus économe de la ressource, et rend obligatoire la pose de compteurs individuels dans les logements neufs. Il impose l'élaboration d'un règlement des services qui devra être communiqué à tous les usagers et confère des compétences obligatoires à la commission consultative des services publics locaux.

Par ailleurs, il moralise les pratiques des délégataires de services publics de la distribution d'eau et de l'assainissement : encadrement des redevances pour occupation du domaine public, limitation à 12 ans de la durée maximale des contrats, obligation d'établir un programme prévisionnel de travaux et restitution, en fin de contrat, du montant nécessaire à la réalisation des travaux prévus non réalisés. Le Haut Conseil des services publics de l'eau et de l'assainissement, que le présent projet crée (article 34), sera chargé d'améliorer l'information dans ces secteurs et de remplir une mission de conseil, notamment auprès des collectivités locales, afin qu'elles puissent choisir le mode de gestion le plus approprié en toute connaissance de cause.

Enfin, il garantit à chacun le droit d'accéder à l'eau potable pour satisfaire ses besoins vitaux en interdisant les coupures d'eau pour impayés et en supprimant les demandes de caution solidaire, dépôt de garantie et avances.

Article 29

Coordination d'un intitulé de section au sein du code général
des collectivités territoriales

Cet article vise à compléter l'intitulé de la section 2 du chapitre IV (Services publics industriels et commerciaux) du titre II (Services communaux) du livre deuxième (Administration et services communaux) de la deuxième partie (La commune) du code général des collectivités territoriales. Cet intitulé est actuellement : « Assainissement » et deviendrait : « Dispositions relatives aux services publics de distribution d'eau et d'assainissement ».

Comme le présent chapitre du projet de loi vise à intégrer dans cette section des dispositions relatives à la distribution d'eau, il est cohérent de faire figurer la distribution d'eau dans son intitulé. L'intitulé proposé permet, de plus, d'insister utilement sur le caractère de services publics industriels et commerciaux des services d'assainissement et de distribution d'eau.

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La commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sans modification.

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Chapitre premier

Missions et organisation des services publics de l'eau et de l'assainissement

Article 30

(Articles L. 2224-7, L. 2224-7-1, L. 2224-8, L. 2224-8-1, L. 2224-9,
L. 2224-10, L. 2224-11, L. 2224-11-1 à L. 2224-11-3
du code général des collectivités territoriales)

Définition, missions et organisation des services publics
de distribution d'eau et d'assainissement

Cet article vise à définir les services de distribution d'eau et d'assainissement, à compléter et préciser les compétences des communes dans ce domaine et à assouplir leur mode de gestion.

Le premier alinéa poursuit la réorganisation de la section 2, dont l'intitulé est modifié par l'article précédent, en créant une première sous-section intitulée « Définitions et dispositions générales ».

A.- DÉFINITIONS

Le I de cet article modifie la rédaction de l'article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales, qui définit un service d'assainissement. Dans sa rédaction actuelle, un tel service est « chargé en tout ou partie, de la collecte, du transport et de l'épuration des eaux usées ». La rédaction proposée substitue à l'expression « service d'assainissement » l'expression « service public d'assainissement », qui lève ainsi tout doute éventuel sur le caractère de service public de l'assainissement (ce doute est d'ailleurs facile à lever puisque cet article se trouve dans le chapitre IV consacré aux services publics industriels et commerciaux). Surtout, elle n'énumère plus directement les missions du service de l'assainissement, mais renvoie à l'article L. 2224-8 (voir infra, III) qui étend la définition du service de l'assainissement à l'assainissement non collectif et intègre dans les missions de ce service l'élimination des boues produites.

Le II de cet article insère un nouvel article (L. 2224-7-1) dans le code général des collectivités territoriales, afin de définir le service public de distribution d'eau. La loi n'avait jusqu'à présent jamais posé une telle définition. Cette dernière permettra de clarifier cette notion et s'avère d'autant plus nécessaire que le présent article (voir infra, IV) fait de l'organisation ou de la définition des services de distribution d'eau une compétence, facultative, des communes.

Les missions d'un service de distribution d'eau seront les suivantes, en ce qui concerne l'eau destinée à la consommation humaine :

- production de l'eau par captage ou pompage ;

- protection du point de prélèvement ;

- traitement ;

- transport ;

- stockage ;

- distribution d'eau.

La distribution d'eau en elle-même, bien qu'elle donne son nom au service, n'est que la phase finale, et l'objectif, d'un processus long et complexe dont cette définition rappelle les étapes. Comme pour la définition d'un service d'assainissement, tout service assurant « tout ou partie » de ces missions est un service de distribution d'eau. Plusieurs services de ce type peuvent donc coexister, de manière complémentaire, sur un même territoire.

B.- COMPÉTENCES DES COMMUNES

Le III définit les compétences des communes en matière d'assainissement. Elle clarifie d'abord la définition actuelle selon laquelle « les communes prennent obligatoirement en charge les dépenses » relatives à l'assainissement en lui substituant l'expression « les communes assurent » l'assainissement. D'une part, l'expression proposée est moins restrictive que l'actuelle ; d'autre part, elle est compatible avec la disposition du projet qui prévoit que, dans le cas d'installations d'assainissement non collectif, les dépenses relatives à des travaux réalisés par les communes soient prises en charge par les particuliers (voir infra).

Les missions du service public de l'assainissement collectif, qui figurent actuellement à l'article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales, sont ensuite énumérées :

- collecte ;

- transport ;

- épuration des eaux usées ;

- élimination des boues produites.

Jusqu'ici, l'élimination des boues relevait de la compétence obligatoire des communes, mais n'était pas un élément du service d'assainissement. Cette nouvelle définition est donc plus claire et plus complète.

Comme auparavant, la compétence obligatoire des communes concerne l'assainissement collectif, mais aussi le contrôle des installations d'assainissement non collectif. En revanche, il est proposé de modifier sa compétence facultative en matière d'entretien des installations d'assainissement non collectif.

L'article L. 2224-8 actuellement en vigueur dispose que les communes « peuvent prendre en charge les dépenses d'entretien des systèmes d'assainissement non collectif ». La rédaction proposée écarte la prise en charge de ces dépenses, mais prévoit la possibilité pour les communes « de faire entretenir les installations d'assainissement non collectif » et la conditionne à la demande des propriétaires.

Elle crée ensuite une nouvelle compétence facultative, elle aussi conditionnée à la demande des propriétaires : les communes pourront faire assurer la remise en état de ces installations ou leur création pour les immeubles existants qui en sont dépourvus. Ce faisant, les communes doivent naturellement respecter le droit applicable dans ce type d'actions : code des marchés publics ou droit applicable aux délégations de service public (articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales). Elles peuvent, dans ce cadre légal, faire effectuer les missions précitées par leurs délégataires. Cette compétence facultative concerne les seuls immeubles existants. En effet, l'article L. 1331-1 du code de la santé publique prévoit l'obligation pour tous les immeubles de disposer d'un système d'assainissement. Tous les immeubles nouvellement construits en sont dotés ; en revanche, les immeubles anciens en sont parfois encore dépourvus ou sont équipés de dispositifs caducs ou mal entretenus. Les propriétaires de ces immeubles respecteront plus facilement l'obligation légale s'ils peuvent confier la réhabilitation ou la création de ces dispositifs à leur commune.

Enfin, le III précise que les échéances réglementaires, issues de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, afférentes à la mission d'assainissement collectif ne concernent pas les services d'assainissement non collectif, alors que l'expression « services d'assainissement municipaux » aurait pu laisser subsister un doute.

Le IV, qui crée un article L. 2224-8-1, confie aux communes une compétence minimale en matière d'organisation du service public de distribution d'eau. Le code ne fait actuellement pas explicitement mention d'une telle compétence, que les communes exercent en fait depuis la Révolution française. Soit les communes assurent la distribution d'eau, ce qui constitue une compétence facultative ; soit elles se contentent de veiller à la coordination des différents services qui peuvent exister sur leur territoire. Mais elles ne peuvent s'abstenir de toute initiative dans ce domaine. La compétence des communes en matière de distribution d'eau reste facultative. Si cette compétence était obligatoire, les communes devraient assurer la distribution d'eau à tous les logements ou établissements de leur territoire, y compris à des bâtiments éloignés, ce qui entraînerait des surcoûts considérables pour le service de distribution.

Lorsqu'elles ne rendent pas ce service, c'est-à-dire dans les zones alimentées par des services purement privés, leur responsabilité est limitée à un rôle de coordination, ce que précise la nouvelle disposition selon laquelle « la personne qui assure le service reste soumise aux dispositions de l'article L. 1321-1 du code de la santé publique ». Ce dernier article oblige toute personne qui offre au public de l'eau destinée à la consommation humaine à s'assurer que cette eau est propre à cet usage. Il serait en effet illogique que la commune puisse être responsable de la qualité de l'eau dont elle n'assure la distribution ni directement ni indirectement. Cette responsabilité revient donc, conformément au code de la santé publique, à la personne qui assure un service privé. Votre Rapporteur considère que le rôle de coordination mentionné à cet article est particulièrement imprécis. D'après les informations qui lui ont été données, ce rôle consisterait essentiellement, pour une commune, à être en mesure d'informer les usagers sur la compétence éventuelle de tel ou tel service privé sur une partie de son territoire. Votre Rapporteur vous propose d'adopter un amendement indiquant que les services privés doivent fournir à la commune les caractéristiques de leurs ouvrages et des informations sur la qualité des eaux distribuées. Le maire pourra ainsi informer les usagers et alerter les services compétents en cas de doute sur la qualité de l'eau.

Le V tire les conséquences de la modification de l'article L. 2224-8 proposée par le III : il précise que le délai d'application des dispositions de cet article (avant le 31 décembre 2005) ne vaut que pour les compétences obligatoires en matière d'assainissement (premier alinéa de cet article), c'est-à-dire le contrôle des installations d'assainissement non collectif et les missions relatives à l'assainissement collectif qui seront énumérées dans un décret en Conseil d'État, mais pas pour les compétences facultatives relatives à l'assainissement non collectif. Ce délai est prévu dans la directive communautaire 91/271/CEE sur le traitement des eaux urbaines résiduaires qui impose la mise en place de systèmes de collecte et de traitement des eaux usées par les agglomérations dans le cadre d'un calendrier tenant compte de leur taille : le 31 décembre 2005, date de l'achèvement du plus long délai prévu, toutes les agglomérations de plus de 2.000 « équivalents-habitants » devront respecter cette obligation.

Le VI modifie l'article L. 2224-10 qui récapitule les compétences des communes selon les zones qu'elles délimitent. Il corrige d'abord une incohérence entre le 1° de l'article L. 2224-10 du code général des collectivités locales et l'article L. 2224-8 du même code : le premier ne reprenait pas l'obligation, fixée par le second, pour les communes, de contrôler les dispositifs d'assainissement non collectifs. Il introduit ensuite deux modifications rédactionnelles qui allègent le texte des 2° et 4°.

C.- ORGANISATION DES SERVICES

Le VII précise le mode de gestion des services publics de l'eau et de l'assainissement. Il complète l'article L. 2224-11 qui ne concernait que les services publics d'assainissement. Comme ces derniers, les services publics de distribution d'eau sont « des services à caractère industriel et commercial ». Cette qualification jurisprudentielle (2) figure donc désormais dans la loi.

Mais le présent article assouplit les règles régissant de tels services à caractère industriel et commercial dans le cas des services de distribution d'eau et d'assainissement. En effet, alors que l'article L. 2224-1 du code général des collectivités territoriales exige que les budgets des services industriels et commerciaux soient équilibrés en recettes et en dépenses, il s'agit ici d'autoriser le vote en excédent de la section d'investissement « afin de permettre les travaux d'extension ou d'amélioration des services arrêtés par l'assemblée délibérante dans le cadre d'une programmation pluriannuelle ». Cet assouplissement est destiné à faciliter la gestion en régie de ces services. Il apparaît que l'obligation d'équilibre du budget empêche les régies de faire des provisions susceptibles de financer des investissements importants, alors que les services gérés en délégation ne sont pas soumis à cette contrainte. Comme ce mécanisme est contraire au principe d'équilibre budgétaire, il doit rester exceptionnel et être justifié par un véritable projet d'investissement. C'est ce qui explique qu'il soit conditionné à la décision préalable de réaliser des travaux dans un cadre pluriannuel.

Le dernier alinéa du VII prévoit que les redevances pour occupation du domaine public par des ouvrages de distribution d'eau et d'assainissement seront encadrées par décret en Conseil d'État. Depuis que les droits d'entrée versés par un délégataire à la commune déléguante sont interdits par l'article L. 1411-2 issu de l'article 40 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, la pratique des redevances pour occupation du domaine public s'est fortement répandue. Comme elle conduit aux mêmes abus, c'est-à-dire à des transferts de charge entre les usagers des services d'eau et le budget général de la commune, qui peuvent représenter jusqu'à 5 % du prix de l'eau payé par les usagers, il est indispensable de l'encadrer. Les modalités de cet encadrement sont renvoyées à un décret en Conseil d'État, comme c'est déjà le cas pour les réseaux d'électricité, de gaz et de télécommunication(3). Pour ces derniers, il existe un plafonnement en fonction de la population de la commune où se trouvent les ouvrages. Cet encadrement devrait permettre de ramener le montant maximal des redevances pour occupation du domaine public à environ 0,1 % de l'ensemble de la dépense du secteur (autour de 12 millions d'euros, soit 80 millions de francs par an).

Cet encadrement n'a pas vocation à s'appliquer aux contrats de délégation en cours, dans la mesure où il pourrait modifier leur équilibre. Une application rétroactive serait contraire à la sécurité juridique. Comme la renégociation des contrats s'accélère depuis quelques années (seuls 300 contrats ont été négociés en 1997, ils étaient 680 en 1999) et continuera à s'accélérer du fait du raccourcissement de leur durée moyenne (elle est passée de 17 ans en 1995 à 11 ans en 1999), tous les nouveaux contrats, et ils seront nombreux, seront soumis à cet encadrement.

D.- D'AUTRES MISSIONS, SOCIALES ET INTERNATIONALES

A travers la création de quatre articles supplémentaires dans le code général des collectivités territoriales, le VIII du présent article énumère les autres missions auxquelles les services publics de distribution d'eau et d'assainissement doivent ou peuvent participer, la plus importante étant la cohésion sociale.

Le nouvel article L. 2224-11-1 a une grande importance sociale puisqu'il vise à assurer l'accès aux services d'eau pour les personnes les plus modestes, y compris en cas d'impayé.

Les impayés en matière d'eau dus à des personnes en difficulté représentent moins d'un millième du montant global des factures d'eau et d'assainissement, qui est de 10,67 milliards d'euros (70 milliards de francs) par an. 150.000 coupures d'eau sont effectuées chaque année en France, dont seulement 20.000 concernent des personnes en difficulté, les autres étant le fait de mauvais payeurs solvables. La nécessité vitale de l'eau n'est évidemment pas à démontrer : priver les personnes les plus modestes de l'accès à l'eau ne peut qu'accroître leur marginalité et mettre en danger leur santé. L'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles (et non l'article L. 155-3, comme indiqué par erreur dans le projet) prévoit que toute personne éprouvant des difficultés particulières du fait d'une situation de précarité a droit à une aide de la collectivité pour accéder ou pour préserver son accès à une fourniture d'eau, d'énergie et de services téléphoniques. La fourniture d'eau et d'électricité ne peut être interrompue avant l'intervention du dispositif de l'article L. 261-4 du code de l'action sociale et des familles.

Cet article L. 261-4 crée en effet un dispositif d'aide et de prévention spécifique, destiné à aider les personnes en difficulté à faire face à leurs dépenses d'eau, d'électricité et de gaz. Ce dispositif repose sur la signature de conventions départementales associant, pour l'eau, l'État, chaque distributeur et chaque collectivité territoriale qui le souhaite. Actuellement, la moitié des départements et 20 % des communes ont adhéré à une convention de ce type. Une nouvelle convention Solidarité Eau, issue d'une circulaire du 6 juin 2000 de la direction de l'action sanitaire du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, remplace la charte Solidarité Eau pour rendre le mécanisme plus opérationnel. Le présent article vise à compléter et renforcer ce dispositif.

Le premier objectif () est de faciliter l'accès des usagers domestiques aux services. Les nouvelles règles de tarification de ces services - transmission du règlement de service, interdiction des cautions solidaires, dépôts de garantie ou avances, prix proportionnel à l'eau consommée, encadrement de la part fixe - introduites aux articles L. 2224-12, L. 2224-12-4, L. 2224-12-5 et L. 2224-12-6 (voir article 36) doivent rendre moins élevé et plus juste le prix de l'eau payé par les usagers.

Le deuxième objectif () est l'application du dispositif d'aide et de prévention précité et son renforcement. L'objectif est « d'assurer à toute personne en situation de précarité, usager du service, un accès à l'eau suffisant pour assurer sa santé et son bien-être et ceux de sa famille ». La notion de « situation de précarité » a ici le même sens que dans le code de l'action sociale et des familles. L'article 3 du décret n° 2001-531 du 20 juin 2001 relatif à l'aide aux personnes en situation de précarité pour préserver ou garantir leur accès à l'électricité dresse la liste des critères à prendre en compte pour décider d'attribuer ou non une aide et en fixer le montant (notamment situation de famille, de santé, surendettement) : une disposition du même type sera prise par décret pour l'application de la garantie d'un accès à l'eau prévue par le présent article. L'usager du service est toute personne habitant un logement dans lequel l'eau est distribuée, sans qu'il soit besoin qu'elle soit abonnée. Si la quantité d'eau nécessaire à la santé peut, à la limite, être mesurée, celle qui est nécessaire au bien-être semble plus subjective et dépendre des individus. L'essentiel est que cette formule assure un accès à l'eau qui ne soit pas trop strictement limité au minimum vital. Il a été précisé à votre Rapporteur que cet article vise à accorder un droit « normal » à l'eau pour tous : ce droit « normal » à l'eau correspondrait à la possibilité de disposer du volume d'eau moyen consommé par chaque habitant, qui a été évalué à 40 mètres cubes par an et par personne dans une enquête de l'INSEE sur la consommation des ménages.

Est posé le principe de l'interdiction de toute coupure d'eau en cas d'impayé. En effet, dans les immeubles à usage de résidences principales, lorsque le contrat est collectif - l'eau est alors réglée par l'intermédiaire des charges de fonctionnement de l'immeuble -, l'eau ne peut être coupée que si tous les occupants légaux (et donc la personne en retard de paiement) y consentent (ce qui semble très peu probable) ou si l'immeuble, insalubre, ne doit plus être habité et a été vidé de ses habitants. Lorsque le contrat est individuel - l'abonné paie alors directement sa facture d'eau -, le présent article rendra obligatoire l'information de l'abonné sur les procédures à suivre dans le cadre des articles L. 115-6 et L. 261-4 précités du code de l'action sociale et des familles. Le manque d'information étant souvent un problème majeur pour les personnes en situation précaire, une telle obligation semble indispensable. Cette information concerne uniquement les abonnés au service puisque les personnes ne relevant pas d'un contrat individuel ne règlent pas directement une facture d'eau. En cas de difficultés pour régler leurs charges, elles peuvent accéder, par l'intermédiaire des services sociaux, à l'aide du fonds de solidarité logement. L'intervention des conventions départementales prévues à l'article L. 261-4 du code de l'action sociale et des familles est donc limitée au cas des abonnés individuels.

La mise en _uvre de ces procédures demandant du temps, il est prévu que les services sociaux contactés pourront obtenir une suspension des poursuites pendant une période de trois mois, renouvelable une fois. Enfin, si le dispositif d'aide et de prévention n'intervient pas, le maintien d'un débit minimal de fourniture d'eau est obligatoire. Il peut être obtenu par la pose d'un limitateur de débit. Ce dispositif vise à inciter les « mauvais payeurs » à régler leur facture, ce qui est le préalable au rétablissement d'un débit normal. Cette facture sera augmentée du prix de l'eau consommée pendant la période de limitation du débit, des frais de pose et de retrait du limitateur de débit et des coûts de recouvrement.

Enfin, il est prévu que l'autorité administrative puisse imposer la mise en place d'une distribution d'eau par borne fontaine. Cette disposition vise certains cas peu fréquents, comme celui de l'occupation sans titre de logements en mauvais état ou la situation de certaines régions de l'île de Mayotte où l'eau consommée, hors du réseau public de distribution dont les prix sont élevés, est parfois la cause de la propagation d'épidémies. Votre Rapporteur estime qu'il est nécessaire de préciser les cas où cette disposition pourra s'appliquer (pour des motifs de santé publique) et le fait qu'il reviendra au préfet d'intervenir, notamment à la demande des directions départementales des affaires sanitaires et sociales. Dans ce cas, et dans la mesure où les volumes d'eau consommés seront très faibles, l'eau fournie sera prise en charge par le service de distribution d'eau, dans le cadre d'une solidarité locale.

Toute coupure d'eau sera ainsi interdite, ce qui induit l'interdiction des compteurs à prépaiement par carte rechargeable, dont le but est justement de couper l'eau au-delà de la consommation déjà réglée. En effet, de tels compteurs étaient installés par des délégataires ou des propriétaires bailleurs au vu de leur seule appréciation de la solvabilité des usagers concernés, et sans prise en compte de leurs besoins réels, notamment en fonction de la taille du ménage.

De manière plus marginale, le nouvel article L. 2224-11-2 autorise les services publics de distribution d'eau et d'assainissement à participer à des actions de coopération décentralisée ou à des actions humanitaires dans le domaine qui les occupe et dans le cadre des engagements internationaux de la France. Certains services mènent déjà de telles actions, qui méritent d'être légalisées.

Le nouvel article L. 2224-11-3 précise enfin que toutes les dispositions de cette section applicables aux communes le sont aussi aux établissements publics de coopération intercommunale et aux syndicats mixtes auxquels elles ont transféré leurs compétences dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement. Il s'agit de tenir compte du développement de l'intercommunalité dans ces domaines : les transferts de compétences s'accompagnent du transfert de toutes les missions de ces services et des responsabilités qui y sont liées.

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M. Jean-Pierre Brard a défendu un amendement visant à garantir un droit d'accès à l'eau le plus large possible, en particulier au bénéfice des ménages les plus démunis.

Votre Rapporteur a salué l'intention de cet amendement et de plusieurs autres sur le même sujet. Cependant, le projet de loi comporte déjà un certain nombre d'éléments allant dans le même sens, et d'autres amendements de votre Rapporteur doivent encore l'améliorer sur ce point.

La commission a donc rejeté, sur proposition de votre Rapporteur, cet amendement.

Un débat s'est ensuite engagé sur un amendement de votre Rapporteur visant à permettre au préfet de demander l'installation d'une borne fontaine pour des motifs de santé publique.

Le Président Henri Emmanuelli, MM. Jean-Louis Dumont et Jean-Jacques Jégou ont souhaité que le maire soit mentionné en premier lieu. M. Pierre Hériaud s'est par ailleurs inquiété des problèmes de sécurité existant sur de nombreux terrains où aucune borne de sécurité incendie n'est installée, et a souhaité une extension du champ du mécanisme à la sécurité publique.

En réponse aux intervenants, votre Rapporteur a précisé que les motifs de santé publique ne concernent que l'eau potable, et il a accepté de modifier son amendement afin de donner compétence au maire, ou à défaut, au préfet. Cet amendement (n° 60), ainsi rectifié, a été adopté.

La Commission a ensuite adopté un amendement (n° 61) de votre Rapporteur visant à obliger les services privés de distribution d'eau à informer les communes sur les caractéristiques de leurs ouvrages et la qualité de l'eau distribuée.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi modifié.

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Chapitre II

Tarification et règlements des services

Article 31

(Articles L. 2224-12 et L. 2224-12-1 à L. 2224-12-8
du code général des collectivités territoriales)

Dispositions relatives à la tarification et aux règlements
des services publics de distribution d'eau et d'assainissement

Cet article vise à imposer l'existence et la publicité de règlements de services et à modifier les principes de tarification notamment par l'obligation de facturation pour toute fourniture d'eau, par l'interdiction des cautions solidaires, des dépôts de garantie et des avances et par l'encadrement de la partie fixe du prix avec dérogation pour les communes à forte variation de consommation d'eau.

Le premier alinéa de cet article poursuit la réorganisation du code en créant, à la suite de la sous-section 1 créée par l'article 30, une sous-section 2 intitulée « Tarification et règlements des services».

Le I de cet article modifie entièrement les dispositions de l'article L. 2224-12 du code général des collectivités territoriales. Actuellement, ce dernier se contente de renvoyer à un décret en Conseil d'État la fixation des conditions dans lesquelles sont instituées, recouvrées et affectées les redevances dues par les usagers et les sommes dues par les propriétaires au titre du service de l'assainissement. La nouvelle rédaction proposée concerne non seulement l'assainissement mais aussi la distribution d'eau et rend obligatoires l'existence et la diffusion auprès des intéressés d'un règlement de service, élaboré par l'assemblée délibérante compétente.

Ce règlement doit définir les obligations respectives du gestionnaire, des abonnés et des usagers, ce qui contribuera à la clarification de la responsabilité de chacun et améliorera les relations entre eux. Il y aura autant de règlements que de services car ceux-là tiennent compte des conditions de réalisation de ceux-ci. Pour que ce règlement remplisse efficacement sa mission, il doit être connu de tous les intéressés. C'est pourquoi, il est prévu qu'il soit adressé à l'usager ou à l'abonné (le premier peut être l'habitant d'un immeuble collectif et dépendre d'un abonnement collectif : il est important qu'il soit directement informé, et pas seulement par l'intermédiaire, toujours aléatoire, d'un syndic) et, le cas échéant, au propriétaire du fonds de commerce ou au propriétaire de l'immeuble. Pour être sûr que cette information soit effectivement diffusée, le présent article prévoit que le destinataire devra accuser réception de ce règlement. En effet, le règlement n'est opposable aux usagers que s'ils en ont eu connaissance. Il apparaît néanmoins que lier son opposabilité à l'obligation d'en accuser réception ne constitue pas une solution idéale : il serait plus simple que le règlement soit joint à toute première facture d'eau, le paiement de cette dernière accusant en quelque sorte réception du document joint.

Le II du présent article insère huit nouveaux articles dans le code général des collectivités territoriales, relatifs aux règles de tarification. Auparavant, celles-ci relevaient soit d'un décret en Conseil d'État (article L. 2224-12 du code général des collectivités territoriales), en ce qui concerne le service d'assainissement, soit de la loi (article L. 214-15 du code de l'environnement), qui définit les principes de base (tarification calculée en fonction du volume consommé, possibilité de fixation d'une partie fixe, autorisation d'un forfait dans certains cas) pour le service de distribution d'eau. Le présent article fixe de nouveaux principes de tarification plus stricts et valables pour l'assainissement et la distribution d'eau.

Le nouvel article L. 2224-12-1 du même code rend obligatoire la facturation de toute fourniture d'eau, quel qu'en soit le bénéficiaire. Cette disposition est destinée à interdire des pratiques très répandues consistant, par exemple, à ne pas facturer l'eau utilisée par certains services publics ou par les bénéficiaires de logements de fonction publics. Cette pratique revient à transférer sur l'usager domestique le coût d'une eau qui aurait dû être payée par une collectivité ou un établissement public, et donc, in fine, par le contribuable. Elle fausse donc le prix de l'eau. Une exception est cependant maintenue ; elle concerne les consommations publiques liées à la lutte contre l'incendie. En effet, il n'est pas envisageable de doter chaque bouche à incendie d'un compteur d'eau. Le coût de cette eau continuera à être à la charge du service, sous une forme forfaitaire, et donc répercutée sur les usagers du service à travers le prix de l'eau. Il est précisé que les communes ont jusqu'au 1er janvier 2005 pour supprimer toute disposition ou stipulation contraire. L'usager devrait ainsi bénéficier d'une certaine baisse de prix, compensée logiquement par une hausse concomitante de la fiscalité locale, et surtout d'une transparence accrue.

Le nouvel article L. 2224-12-2 pose dans la loi le principe selon lequel la fixation du prix de l'eau est par nature une compétence propre de l'assemblée délibérante de la collectivité ou du groupement compétent, dont elle ne peut se départir au profit de l'exploitant. Ce principe a été établi à plusieurs reprises par la jurisprudence administrative (4). La rédaction proposée confie à l'assemblée délibérante concernée l'établissement des règles relatives aux redevances de distribution d'eau et d'assainissement et aux sommes dues par les propriétaires dans les cas de raccordement de leur immeuble aux égouts ou de construction d'un nouvel égout (articles L. 1331-1 à L. 1331-10 du code de la santé publique). Cette compétence obligatoire est ainsi inscrite dans la loi et étendue à l'ensemble des sommes perçues au titre de la distribution et de l'assainissement de l'eau.

L'article suivant (L. 2224-12-3 nouveau) détermine les composantes de ces redevances et interdit tout versement d'argent préalable à l'accès au service.

Les redevances de distribution d'eau et d'assainissement constituent ce qui est communément appelé le « prix » de l'eau. La loi fixera désormais leurs composantes : les charges d'investissement, de fonctionnement, de gestion et de renouvellement nécessaires à la réalisation du service, d'une part, et les charges et impositions de toute nature afférentes à leur exécution, d'autre part. Cette dernière expression recouvre actuellement les redevances versées aux agences de l'eau, dont les collectivités locales seront redevables, notamment au titre des usages domestiques, les prélèvements au profit du Fonds national de développement des adductions d'eau (FNDAE) et de Voies navigables de France, la taxe sur la valeur ajoutée, au taux réduit de 5,5 %, ce qui représente au total, en moyenne nationale, 27 % du prix de l'eau en 1999. L'énumération des composantes du prix de l'eau dans la loi souligne le principe selon lequel « l'eau paie l'eau » : est exclue toute charge qui ne serait pas directement liée au service lui-même.

Le deuxième alinéa de ce nouvel article contribuera à faciliter l'accès des plus démunis aux services de distribution d'eau et d'assainissement en interdisant « les demandes de caution solidaire, de versement par l'abonné d'un dépôt de garantie ou d'avances ». De telles pratiques peuvent être prévues dans les règlements de service fixés par délibération des collectivités responsables du service. Les dépôts de garantie atteignent 90 euros (590 francs) en moyenne ; les avances sur consommations varient beaucoup selon les services, mais peuvent atteindre jusqu'à six mois d'une consommation forfaitaire ; elles constituent alors un dépôt de garantie déguisé. Afin de s'assurer que tout frais d'accès sera interdit, quelle que soit sa dénomination, votre Rapporteur vous propose d'en interdire explicitement toute forme. Ces interdictions visent à supprimer des obstacles à l'accès à l'eau auxquels sont confrontées les personnes les plus modestes. Elles ne risqueront plus d'être privées d'accès au réseau faute de connaître une personne susceptible de payer à leur place ou faute de disposer des sommes nécessaires au dépôt de garantie ou au paiement d'une avance. Le présent article accorde aux services un délai d'un an à partir de la promulgation de la loi pour rembourser les sommes perçues au titre des dépôts de garantie. Ce délai semble d'une durée raisonnable.

Après avoir énuméré les éléments pris en compte dans le prix des services, le présent article fixe le mode de tarification. Celui-ci n'est actuellement déterminé par la loi que pour ce qui est de la distribution de l'eau, à l'article L. 214-15 du code de l'environnement, que le présent projet propose par ailleurs d'abroger (II de l'article 63).

En ce qui concerne le service de distribution d'eau :

Le mode de tarification sera fixé par l'article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales et vaudra pour tous les usagers (domestiques, publics, industriels, agricoles). L'expression « calculé en fonction du volume réellement consommé » est remplacée par l'expression, plus précise, « calculé proportionnellement au volume prélevé sur le réseau de distribution ». Si « en fonction du volume » a toujours été interprété comme « proportionnellement au volume », la formule n'excluait pas une tarification progressive ou dégressive. Dans la rédaction proposée, la première est envisagée plus loin (deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 2224-12-4) et la seconde est exclue. La différence entre eau consommée et eau prélevée peut être à rechercher au niveau des fuites susceptibles d'entraîner des pertes d'eau non consommée mais bel et bien prélevée. Les fuites hors du réseau, c'est-à-dire dans un immeuble ou un appartement, relèvent de la responsabilité du propriétaire ou de l'usager et doivent donc être payées au distributeur.

Parallèlement au principe de proportionnalité du prix au volume, la loi autorise une part fixe, auparavant qualifiée de montant calculé indépendamment du volume, dont elle encadre désormais les composantes. L'article L. 214-15 du code de l'environnement indique seulement que ce dernier tient compte des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement, ce qui est très large et a conduit de nombreuses communes à établir une part fixe qui peut varier de quelques euros à près de 229 euros (1.500 francs) et qui représente en moyenne, pour une facture type de 120 m3, 17 % du prix total (environ 91,5 euros, soit 600 francs). Afin de limiter ces différences, qui contribuent en partie aux variations du prix de l'eau selon les communes, le présent article propose de limiter les composantes de la part fixe : cette dernière ne pourra correspondre qu'aux charges de gestion du comptage et de facturation, et à tout ou partie des charges d'établissement et de renouvellement des branchements.

Le tarif proportionnel peut être remplacé par un tarif progressif si l'assemblée délibérante le décide. Cette possibilité est encadrée : elle doit répondre à des motifs d'intérêt général et ne peut être mise en _uvre qu'après avis de la commission consultative des services publics locaux créée conformément à l'article L. 2143-4 du code général des collectivités territoriales. Une telle tarification progressive, de nature à lutter contre le gaspillage de l'eau, peut s'avérer très pénalisante dans le cas d'un abonnement collectif, puisque la forte consommation, normale dans ce cas, entraînerait une progression du prix pour des usagers dont la consommation d'eau ne serait pas forcément excessive. Il est donc prévu de définir, dans ce cas, un barème spécifique tenant compte du nombre de logements.

Si, comme pour tous les services publics, le prix de l'eau doit être le même pour tous les usagers placés dans la même situation, la jurisprudence(5) reconnaît aux communes ou groupements de communes compétents le droit de fixer des prix différents lorsque le coût du service est notablement différent. Le présent article prévoit dans ce cas la possibilité d'instituer des tarifs spéciaux « pour tenir compte des coûts différents du service de l'eau du fait des caractéristiques techniques ou temporelles de sa distribution ». Ces tarifs pourront être plus élevés ou plus bas que les tarifs normaux. Ainsi, une consommation d'eau nocturne pourrait bénéficier d'un tarif plus bas, si elle permet au service de réduire les coûts de stockage de l'eau pendant cette période de faible consommation.

Enfin, les dispositions de l'article L. 2224-12-4 ne s'appliquent pas à Saint-Pierre-et-Miquelon. La fréquence du gel empêche d'y installer des compteurs d'eau et la tarification de l'eau y est nécessairement forfaitaire.

En ce qui concerne le service d'assainissement collectif :

Le I du nouvel article L. 2224-12-5 est relatif aux seuls usages domestiques. Comme pour le service de distribution d'eau, le principe de base, fixé pour la première fois dans la loi pour ce qui est du service d'assainissement, est celui de la proportionnalité du montant de la redevance au volume. Ce dernier inclut à la fois l'eau prélevée sur le réseau de distribution (c'est-à-dire celle pour laquelle la redevance de distribution doit être acquittée), mais aussi l'eau prélevée sur toute autre source dont l'usage entraîne le rejet d'une eau usée collectée par le réseau d'assainissement. Il peut s'agir par exemple de l'eau provenant d'un puits ou d'un forage individuel. Actuellement, les prélèvements d'eau hors réseau doivent déjà faire l'objet d'une déclaration : l'ensemble de l'eau ainsi prélevée sera supposé être rejeté dans le réseau d'assainissement, sauf si le redevable apporte la preuve contraire grâce à un comptage des rejets.

Les assemblées délibérantes compétentes peuvent aussi établir une part fixe dont les composantes autorisées seront les mêmes que pour la part fixe de la redevance de distribution d'eau : charges de facturation et de relevés des compteurs (s'il y a lieu, l'existence de compteurs spécifiques étant moins systématique que pour le service de distribution), tout ou partie des charges d'établissement et de renouvellement des branchements. L'ensemble des ces dispositions ne s'appliquera pas à Saint-Pierre-et-Miquelon, pour les raisons mentionnées supra.

En revanche, contrairement à ce qui est mis en place pour la distribution d'eau, les assemblées délibérantes ne pourront fixer ni tarifs progressifs, ni tarifs spéciaux. En effet, alors que la distribution collective d'eau n'est pas obligatoire et que les excès de consommation d'eau doivent être combattus, l'assainissement est obligatoire et doit être favorisé pour mieux protéger l'environnement. Il n'est donc pas légitime de prévoir des modalités de tarif différentes selon les usagers domestiques concernés.

Les modes de tarification du service d'assainissement seront différents pour les usages autres que domestiques. Leur cadre est fixé par le II de ce même article L. 2224-12-5. Le montant de la redevance dépendra de ce que contiendront les eaux usées qui devront être assainies, c'est-à-dire « de l'importance, de la nature et des caractéristiques du déversement ». Il est en effet légitime de faire payer les usagers non domestiques en fonction de la « pollution » de l'eau qui sort de leurs établissements avant traitement. Pour les usagers domestiques, toutes les eaux usées présentent peu ou prou les mêmes caractéristiques, seule la quantité varie selon les usagers ; la situation est beaucoup plus contrastée selon les usages industriels ou agricoles. C'est aussi pour répondre à cette diversité et aux investissements spécifiques qui peuvent être nécessaires pour permettre le déversement de telles eaux usées dans les égouts, que l'article L. 1331-10 du code de la santé publique, auquel le présent article fait référence, prévoit la participation éventuelle de l'usager non domestique « aux dépenses de premier établissement, d'entretien et d'exploitation entraînées par la réception de ces eaux ». Cette pratique est maintenue, indépendamment du calcul de la redevance.

Le III du même article aborde le cas de l'assainissement non collectif. La nouvelle rédaction de l'article L. 2224-8 proposée par l'article 30 du présent projet autorise les communes à assurer la remise en état ou la création d'installations d'assainissement non collectif si leurs propriétaires en font la demande. Il est précisé ici que, dans ce cas, elles se font rembourser intégralement par les propriétaires les frais de toute nature occasionnés par ces travaux, diminués des subventions éventuelles obtenues. Cette disposition implique que les particuliers peuvent ainsi bénéficier d'aides publiques, notamment en provenance des agences de l'eau, alors que celles-ci étaient auparavant réservées aux collectivités locales pour des ouvrages collectifs, aux agriculteurs et aux industriels. Des aides pourront être versées aux collectivités locales pour des travaux portant sur des installations d'assainissement non collectif et seront répercutées sur le prix réglé par leurs propriétaires. Ce nouveau dispositif devrait permettre une modernisation et un développement de ce type d'assainissement, parfois mieux adapté et moins cher que l'assainissement collectif.

Le nouvel article L. 2224-12-6 accorde un régime dérogatoire aux communes dans lesquelles la consommation d'eau connaît de fortes variations saisonnières en ce qui concerne l'encadrement de la part fixe des redevances de distribution d'eau et d'assainissement tel que fixé respectivement aux nouveaux articles L. 2224-12-4 (1er alinéa) et L. 2224-12-5 (1er alinéa) du code général des collectivités territoriales. Ce sont essentiellement les communes touristiques qui sont soumises à de fortes variations saisonnières de consommation. La définition de ces communes figure actuellement dans le décret n° 93-1347 du 28 décembre 1993 : le volume d'eau produit pour les usages à caractère domestique pendant trente jours consécutifs y est au moins égal au triple du volume produit en moyenne mensuelle pendant l'ensemble de l'année. Mais ce décret sera prochainement abrogé du fait de l'interdiction du forfait. Il sera donc nécessaire de réintroduire dans un nouveau décret cette définition sans laquelle la dérogation prévue à l'article L. 2224-12-6 ne peut être appliquée de manière pertinente.

Les fortes variations saisonnières de consommation entraînent des surcoûts énormes car les équipements de distribution et d'assainissement doivent être suffisants pour assurer les services aux jours de plus forte consommation alors qu'ils apparaissent surdimensionnés une bonne partie de l'année. Ils sont très difficiles à rentabiliser et c'est souvent grâce à une part fixe assez élevée que les communes parviennent à équilibre les budgets de ces services. Si la part fixe devait être fortement réduite du fait du nouvel encadrement proposé, le prix par m3 en serait nettement augmenté, ce qui pénaliserait les habitants permanents de ces communes. En effet, hors saison touristique, les propriétaires d'une résidence secondaire, qui ne l'occupent pas, paient la part fixe seulement.

C'est pour éviter cet effet pervers qu'il est proposé ici d'élargir les nouvelles composantes de la part fixe dans le cas de communes de ce type. Outre les éléments autorisés pour toutes les communes (charges de gestion et de comptage, charges d'établissement et de renouvellement des branchements), leur part fixe pourra aussi inclure « tout ou partie des surcoûts des installations de production, de stockage et de traitement nécessaires pour faire face à ces variations ». Ces surcoûts seront évalués par l'assemblée délibérante, sous le contrôle éventuel du juge administratif. Cela donnera plus de souplesse, tout en améliorant la transparence du prix de l'eau, puisque les usagers sauront ce qu'ils paient à travers cette part fixe.

Alors que la moyenne actuelle de la part fixe est de 91,5 euros (600 francs), son encadrement devrait conduire à la ramener dans une fourchette de 15,24 euros (100 francs) à 45,73 euros (300 francs) pour une commune normale, tandis que cette dérogation vise à la réduire à une moyenne de 76,22 euros (500 francs) pour les communes touristiques.

Le nouvel article L. 2224-12-7 fixe un délai de trois ans après la promulgation de la loi pour que les communes se mettent en conformité avec les nouvelles règles en matière de tarification, mais il omet d'imposer cette obligation aux communes touristiques. Un amendement corrigera cette omission. Ce délai apparaît largement suffisant puisque les assemblées délibérantes fixent annuellement le prix de l'eau.

Enfin, le nouvel article L. 2224-12-8 reprend et complète les dispositions de l'actuel article L. 2224-12. Il renvoie à des décrets en Conseil d'État la fixation des conditions dans lesquelles sont instituées, recouvrées et affectées les redevances dues pour les services d'assainissement, mais aussi de distribution d'eau, et les sommes perçues auprès des propriétaires à différents titres : somme équivalente à la redevance d'assainissement pour les propriétaires des immeubles raccordables aux égouts mais non encore raccordés (3ème alinéa de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique), somme au moins équivalente à cette redevance et qui peut être majorée pour les propriétaires d'immeubles raccordables mais non raccordés après expiration du délai de raccordement (article L. 1331-8 du même code) et participation éventuelle de l'auteur du déversement aux dépenses de premier établissement, d'entretien et d'exploitation entraînées par la réception d'eaux usées autres que domestiques (article L. 1331-10 du même code).

Pour le calcul de la redevance d'assainissement (article L. 2224-12-5 du code général des collectivités territoriales), les décrets en Conseil d'État peuvent prévoir l'obligation pour les usagers d'être en mesure de justifier les quantités d'eau prélevées et rejetées. D'une part, ils pourront imposer l'installation d'un dispositif de comptage de l'eau prélevée hors réseau de distribution ; d'autre part, l'usager devra être en mesure de justifier les quantités d'eau usée qui ne sont pas rejetées dans le réseau d'assainissement. Ainsi, il sera possible de connaître la quantité exacte d'eau rejetée en ajoutant l'eau provenant du réseau de distribution (mesurée par le distributeur qui la facture) à l'eau provenant d'autres sources et en retranchant à cette eau totale prélevée la quantité qui n'est pas rejetée dans le réseau. Une juste tarification du service d'assainissement nécessite de telles mesures.

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La commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard visant à accorder un quota d'eau gratuit à chaque foyer, votre Rapporteur s'étonnant de la volonté d'étendre ce dispositif à tous les ménages, y compris les plus aisés. M. Jean-Louis Dumont a estimé que l'acte gratuit n'est pas toujours le meilleur acte citoyen, par exemple dans le cas où la gratuité de l'eau distribuée entraîne le renchérissement de l'abonnement, et où par conséquent, une personne est incitée à consommer l'eau de mauvaise qualité tirée de son puits pour ne pas payer un abonnement devenu prohibitif.

Votre Rapporteur a ensuite présenté un amendement tendant à prohiber toutes les formes de frais d'accès à l'eau, quelle que soit leur dénomination. M. Jean-Jacques Jegou, après avoir exprimé son accord avec la suppression des versements de cautions et d'avances, a souligné le risque que comportait cet amendement, qui pourrait fonder la gratuité de la pose du compteur d'eau et du raccordement au réseau, qui sont des formes d'accès à l'eau. M. Augustin Bonrepaux est convenu que la rédaction était peut être imprécise. Le Président Henri Emmanuelli et votre Rapporteur ont au contraire estimé que, compte tenu de la rédaction de l'ensemble de l'article qui serait ainsi amendé, le risque évoqué n'était pas avéré.

M. Jean-Louis Dumont a estimé qu'il serait intéressant de pouvoir supprimer définitivement la facturation forfaitaire de la portion de branchement reliant le compteur individuel au réseau d'assainissement.

La commission a ensuite adopté cet amendement (n° 62), ainsi qu'un amendement de coordination (n° 63).

Elle a également adopté un amendement (n° 64) présenté par votre Rapporteur qui prévoit que les dispositions particulières relatives à la composition de la part fixe du prix de la distribution d'eau dans les communes touristiques entrent en vigueur à la même date que les dispositions générales applicables dans les autres communes.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'article 31 ainsi modifié.

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Chapitre III

Transparence et information

Article 32

(Article L. 2224-12-9 du code général des collectivités territoriales)

Avis de la commission consultative des services publics locaux
en matière de distribution d'eau et d'assainissement

Cet article vise à conférer à la commission consultative des services publics locaux des compétences spécifiques en matière de services de distribution d'eau et d'assainissement. Il constitue l'article unique d'une sous-section 3 intitulée un peu pompeusement « Transparence et régulation » - il n'est guère question de « régulation » dans cet article...

Créée par l'article L. 2143-4 du code général des collectivités territoriales, cette commission consultative n'a pas de compétences fixées par la loi. C'est certainement ce qui explique que, alors que sa constitution est obligatoire dans toutes les communes de plus de 3.500 habitants, elle n'existe dans quasiment aucune commune. La MEC avait critiqué cet état de fait.

Le nouvel article L. 2224-12-9 propose de lui conférer des compétences spécifiques dans le domaine des services de distribution d'eau et d'assainissement.

D'une part, le maire ou le président de l'établissement public aura l'obligation de lui soumettre pour avis, avant présentation à l'assemblée délibérante, les projets suivants :

- projets de règlements des services de distribution d'eau et d'assainissement, désormais obligatoires (voir supra, article 31) ;

- projets de modalités de tarification ;

- projet de rapport annuel sur la qualité et le prix des services publics de distribution d'eau et d'assainissement prévu à l'article L. 2224-5 du code général des collectivités territoriales, communément appelé « rapport du maire » (par opposition au « rapport du délégataire » créée par l'article 2 de la loi n° 95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et délégations de services publics) ;

- projets de programme pluriannuel de travaux (voir infra).

Cette disposition donne ainsi aux commissions consultatives des compétences obligatoires et claires. Elle rendra effective la création de ces commissions sans lesquelles aucun des projets précités ne pourra voir le jour. Les communes de moins de 3.500 habitants, qui ne sont pas soumises à l'obligation fixée à l'article L. 2143-4 précité, ne sont pas non plus concernées par cette disposition. Elles demeurent néanmoins libres de créer la commission consultative et de lui soumettre les documents qu'elles souhaitent.

Votre Rapporteur approuve le principe de confier des missions obligatoires à la commission consultative, afin que sa création soit effective. Néanmoins, il estime que lui soumettre le « rapport du maire » avant sa présentation est inutile et difficilement réalisable dans les délais autorisés. Il propose un amendement qui modifie cette obligation et ramène du 1er juin au 30 mars la date limite du dépôt par le délégataire de son propre rapport, dont le maire utilise les données dans celui qu'il élabore. Votre Rapporteur estime plus pertinent de soumettre à l'avis de la commission consultative le « rapport du délégataire », afin que le maire soit en mesure de poser au délégataire les questions qu'elle aura éventuellement soulevées et tenir compte des réponses obtenues dans son rapport annuel.

D'autre part, la commission consultative obtient un droit d'information : le maire ou le président de l'assemblée délibérante aura obligation de l'informer « de toute question relative à l'organisation des services, leur prix et leur qualité ». A ce titre, il lui transmettra son rapport annuel.

Enfin, publicité sera faite des avis de la commission consultative, dont l'assemblée délibérante (et donc l'opposition municipale qui en fait partie) sera informée.

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La commission a adopté trois amendements (nos 65, 66 et 67) présentés par votre Rapporteur, concernant le rapport annuel du délégataire sur la qualité et le prix des services publics de distribution d'eau et de l'assainissement. A l'heure actuelle, le délégataire est tenu de remettre son rapport avant le 1er juin, le maire ne disposant plus ensuite que d'un mois pour déposer le sien. Les travaux de la MEC avaient déjà critiqué la brièveté de ce délai. Les amendements proposés visent donc, d'une part, à avancer la date de dépôt du rapport du délégataire au 30 mars, et d'autre part, à permettre à la commission consultative de disposer du temps nécessaire pour donner son avis sur chacun des deux rapports.

M. Jean-Pierre Brard a ensuite présenté un amendement tendant, dans un souci de transparence, à publier dans le bulletin municipal les avis de la commission consultative et les résultats de ses travaux.

Votre Rapporteur a estimé que l'idée de donner une large publication à tous les documents relatifs à la gestion de l'eau était à retenir dans son principe. Dans ses modalités cependant, il convient de ne pas suivre cette proposition : étant donné le volume extrêmement important de l'ensemble des documents concernés, une simple mention desdits documents dans le bulletin municipal, avec mise à disposition en mairie, paraît suffisante. M. Jean-Pierre Brard a alors retiré son amendement.

Il a également retiré un amendement qui visait à exiger du gestionnaire d'un service de justifier ses prix auprès du conseil municipal lorsqu'ils sont supérieurs de 30 % à la moyenne nationale, votre Rapporteur estimant qu'on ne peut exiger du gestionnaire qu'il indique au conseil municipal les raisons d'une tarification élevée, puisque, juridiquement, la fixation des tarifs incombe précisément audit conseil.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'article 32, ainsi modifié.

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Après l'article 32

M. Jean-Pierre Brard a retiré un amendement, qui avait pour objet de préciser le contenu obligatoire du rapport du délégataire, après que votre Rapporteur a indiqué qu'il proposait lui-même un amendement sur le sujet.

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Article 33

(Article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales)

Durée des délégations de service public dans le domaine de l'eau
Renouvellement du patrimoine

Cet article vise à assainir les relations entre collectivités délégantes et entreprises délégataires en matière de délégations des services publics de distribution d'eau et d'assainissement. Actuellement, plus de 52 % des communes, abritant près de 80 % de la population française, ont délégué leur service de distribution d'eau ; elles ne sont que 38 % à avoir délégué leur service d'assainissement, ce qui représente néanmoins 53 % de la population.

LES MODES DE GESTION DES SERVICES DE DISTRIBUTION D'EAU ET D'ASSAINISSEMENT EN FRANCE

Mode de gestion

Part des communes

(en %)

Part de la population

(en %)

Service de distribution d'eau

   

- régie

48

21

- délégation de service public

52

79

dont affermage

88

(n.c.)

dont concession, régie intéressée, gérance ou autre

12

(n.c.)

Service de l'assainissement collectif (1)

   

- régie

62

47

- délégation de service public

38

53

dont affermage

85

(n.c.)

dont concession, régie intéressée, gérance ou autre

15

(n.c.)

(1) L'assainissement collectif est assuré dans 58 % des communes abritant 93 % de la population.

Source : Yves TAVERNIER, De l'opacité à la transparence : le prix de l'eau, rapport d'information de la Mission d'évaluation et de contrôle, Commission de finances, Assemblée nationale, XIème législature, 22 mai 2001, n° 3081, p. 14.

Le présent article vise à résoudre deux problèmes spécifiques fréquemment rencontrés : la durée excessive des contrats, qui « enchaînent » parfois plusieurs générations d'élus locaux, et l'utilisation des provisions pour renouvellement, qui sont souvent encaissées par les délégataires, mais pas dépensées pour les travaux auxquelles elles étaient destinées.

Le I du présent article réduit de 20 à 12 ans, sauf exception justifiée, la durée maximale des conventions de délégations dans le domaine de l'eau potable et de l'assainissement. La durée de 20 ans, qui s'applique actuellement à l'ensemble des conventions de délégation et sera maintenue pour les autres domaines (ordures ménagères, autres déchets), a été fixée par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement. Cette durée maximale de 20 ans est très supérieure à la moyenne actuelle de durée des contrats pour l'eau et l'assainissement, qui est proche de 11 ans. Abaisser cette durée maximale à 12 ans revient donc à s'aligner sur la pratique actuelle.

Afin de renforcer le contrôle démocratique des contrats de délégation dans ces domaines, votre Rapporteur est favorable à la fixation d'une durée maximale plus courte, de 10 ans, qui serait ainsi inférieure à celle de deux mandatures municipales et éviterait à un conseil municipal d'être durablement lié par les choix de ses prédécesseurs.

Dans le respect de cette durée maximale, la durée du contrat demeure déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire et, lorsque les installations sont à la charge du délégataire, c'est-à-dire dans le cas de concessions (environ 10 % des services), ne peut dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en _uvre.

De même, les dispositions relatives aux conditions de dérogation à la durée maximale restent inchangées. Cette dérogation est possible si l'autorité délégante soumet au trésorier-payeur général (TPG), pour examen, les justificatifs de dépassement. L'assemblée délibérante doit être informée des conclusions de cet examen avant toute délibération relative à la délégation. Le TPG est ainsi à même de mettre en garde l'assemblée contre les possibles dérives d'une durée trop longue avant que celle-ci n'approuve la convention de délégation. Il est à noter que les demandes de dépassement de la durée actuelle de 20 ans ont été rares depuis 1995 - une quinzaine seulement - et que l'avis défavorable du TPG n'a pas empêché certaines collectivités de conclure des contrats plus longs. Le dépassement peut être justifié par exemple dans le cas d'une concession dans le cadre de laquelle des équipements lourds doivent être construits par le délégataire.

Le II du présent article complète l'article L. 1411-2 en prévoyant l'établissement d'un programme prévisionnel de travaux lorsque le contrat de délégation met à la charge du délégataire le renouvellement des ouvrages ou les grosses réparations. Cette disposition ne concerne que la distribution d'eau et l'assainissement. Elle peut s'appliquer à des affermages, qui comportent très fréquemment ce type de travaux. Le programme prévisionnel de travaux, qui sera obligatoirement annexé au contrat, doit permettre aux co-contractants de se mettre d'accord en début de contrat sur ce que le délégataire doit faire. Les responsabilités de chacun seront ainsi clarifiées. Mais l'intérêt de ce programme se situe surtout dans la disposition suivante.

Si les travaux prévus ne sont pas réalisés avant la fin du contrat, le délégataire devra verser au délégant une somme correspondant au coût des travaux non effectués. Cette obligation légale s'ajoute aux sanctions contractuelles éventuelles. Le but de cette disposition est d'assurer à la collectivité locale la restitution de la part des provisions pour renouvellement, ou pour travaux, non dépensée pendant la durée d'exécution du contrat. Elle devrait surtout assurer un meilleur entretien des réseaux et du patrimoine de ces services.

Votre Rapporteur n'ignore pas le risque qu'elle peut entraîner : les concessionnaires, qui préféreront éviter tout remboursement, réaliseront tous les travaux prévus, y compris ceux dont l'utilité serait la plus discutable. Ils le feront d'autant plus volontiers qu'ils confient souvent ces travaux à des filiales du groupe auquel ils appartiennent. Si cet abus n'est pas exclu, il appartiendra aux collectivités concédantes de bien connaître l'état de leur réseau et de ne pas prévoir de travaux qui ne seraient pas réellement nécessaires.

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Votre Rapporteur a présenté un amendement tendant à réduire la durée maximale des contrats de délégation de service public dans le domaine de l'eau potable et de l'assainissement, sauf exception justifiée et soumise à l'avis préalable du trésorier-payeur général. En effet, au sein des contrats de délégation de service public, s'il est normal que les contrats de concession courent sur une durée suffisante à l'amortissement des ouvrages, les contrats d'affermage, en revanche, ne correspondent qu'à une prestation de service, et leur durée peut donc être réduite. Pour ces contrats, le projet de loi prévoit une durée maximale de 12 ans, soit deux mandatures complètes. Les maires souhaitent, dans leur majorité, la ramener à 8 ou 9 ans. La durée de dix ans, proposée dans l'amendement pour les délégations, semble donc tout à fait raisonnable.

M. Pierre Hériaud s'est dit d'accord sur la réduction de 12 à 10 ans, mais a contesté une partie de l'argumentation développée à l'appui de l'amendement : est-on d'avis de supprimer tous les engagements des conseils municipaux courant sur plusieurs mandatures, ce qui conduirait à des prises de décision trop précaires ? Votre Rapporteur a précisé que les contrats d'affermage étaient visés en l'espèce, ce à quoi M. Jean-Jacques Jégou a répondu que la notion de délégation de service public figurant dans l'article 33 couvrait à la fois la concession et l'affermage alors que les deux systèmes sont différents : une durée plus longue peut être justifiée pour la concession, qui implique des investissements. Il s'est également étonné de la référence faite au trésorier-payeur général.

En réponse à cette dernière observation, votre Rapporteur a déclaré que l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales prévoyait déjà l'avis du trésorier-payeur général, l'amendement ayant pour seul but de remplacer une durée par une autre.

Mme Nicole Bricq a évoqué un risque de renchérissement du coût de l'eau consécutif au raccourcissement du délai des contrats.

Le Président Henri Emmanuelli s'est alors étonné de ces propos qui semblent reposer sur l'idée qu'il n'existe pas de concurrence sur le marché de la distribution d'eau et de l'assainissement. Dans le département des Landes, a été créé un syndicat mixte pour la gestion de l'eau, qui a recruté ses propres personnels, et depuis lors, à chaque renouvellement de contrat, on a constaté une baisse des prix très significative.

M. Jean-Pierre Brard, sur le même sujet, a souhaité ajouter qu'en Ile-de-France, grâce à la Chambre régionale des comptes, les rapports entre gestionnaires et compagnies prestataires ont été rééquilibrés. Certes, des difficultés subsistent : certains amortissements relatifs aux compteurs d'eau, effectués en quatre ans, courent, par contrat, sur quinze ans. L'existence d'un banc d'essai des compteurs ne résout pas la question : cette opération est facturée. Toutefois, l'action combinée de la chambre régionale des comptes et du syndicat intercommunal sont en train de moraliser les pratiques de ce secteur.

Après que le Président Henri Emmanuelli a déclaré que les pratiques parfois abusives des gestionnaires, en termes de tarification de l'eau étaient faciles à démonter avec de la vigilance, mais qu'en la matière les élus doivent exercer leur responsabilité, la commission a adopté cet amendement (n° 68).

M. Jean-Louis Dumont a émis le souhait que le décret prévu par cet amendement puisse être pris au plus vite.

La commission a également adopté trois amendements (nos 69, 70 et 71) présentés par le Président Henri Emmanuelli et visant à :

- préciser le contenu du programme prévisionnel de travaux ;

- préciser les conditions de sa transmission au délégataire et de la prise en compte des modifications souhaitées par celui-ci ;

- faire établir, à l'issue du contrat, un bilan des travaux réalisés.

La commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'article 33, ainsi modifié.

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Article additionnel après l'article 33 

(Article L. 1411-3 du code général des collectivités territoriales)

Date du dépôt du rapport annuel du délégataire

La commission a adopté un amendement (n° 72) de votre Rapporteur pour tenir compte des amendements, votés à l'article 32, avançant au 30 mars la date de dépôt du rapport du délégataire.

Article additionnel après l'article 33 

(Article L. 1411-3 du code général des collectivités territoriales)

Contenu du rapport annuel du délégataire

Votre Rapporteur a présenté un amendement, qui vise à préciser le contenu du rapport annuel en exigeant le respect d'un cadre comptable normalisé, conformément aux préconisations de la MEC.

La commission a adopté cet amendement (n° 73).

Article additionnel après l'article 33 

(Article L. 1411-3 du code général des collectivités territoriales)

Certification des comptes produits dans le rapport annuel du délégataire

La commission a adopté un amendement (n° 74) de votre Rapporteur, prévoyant que les comptes produits dans le rapport du délégataire sont certifiés par un commissaire aux comptes.

Après l'article 33

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard visant à insérer le résumé des documents du délégataire dans le bulletin d'information générale des communes, M. Yves Tavernier ayant rappelé que l'amendement suivant répondait mieux au problème soulevé.

Article additionnel après l'article 33 

(Article L. 1411-13 du code général des collectivités territoriales)

Publicité de la mise à disposition des documents relatifs aux services publics

M. Jean-Pierre Brard a présenté un amendement visant à annoncer dans le bulletin communal d'information la mise à disposition des documents fournis par les délégataires de services publics.

Votre Rapporteur s'est déclaré favorable à cet amendement, en proposant d'élargir cette information aux modalités de tarification des services publics de l'eau, et aux programmes prévisionnels de travaux.

La Commission a adopté cet amendement (n° 75), ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 33

(Article L. 140-4-11 du code des juridictions financières)

Élargissement des pouvoirs des chambres régionales des comptes

La Commission a examiné un amendement de votre Rapporteur visant à élargir les informations dont peuvent disposer les chambres régionales des comptes, son auteur jugeant qu'il est regrettable que celles-ci ne puissent disposer que des informations directement liées au contrat. De ce fait, certaines informations fondamentales leur échappent, telles que la justification des charges indirectes, comme le coût du siège social ou les coûts salariaux concernant plusieurs contrats.

Après que le Président Henri Emmanuelli ait souligné l'opportunité d'un tel dispositif, cet amendement (n° 76) a été adopté par la Commission.

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Chapitre iv

Haut Conseil des services publics de l'eau et de l'assainissement

Article 34

(Articles L. 2224-12-10 à L. 2224-12-14 du code général des collectivités territoriales)

Création, missions et fonctionnement du Haut Conseil

Cet article vise à créer un Haut Conseil des services publics de l'eau et de l'assainissement, à définir ses missions, sa composition et ses prérogatives.

A.- CRÉATION ET MISSIONS DU HAUT CONSEIL DES SERVICES PUBLICS DE L'EAU ET DE L'ASSAINISSEMENT

Le présent article introduit dans le code un article L. 2224-12-10 qui crée ce Haut Conseil. Sa mission est résumée en ces termes : il « contribue à la régulation des services publics de l'eau et de l'assainissement, par l'analyse du prix, de la qualité et de la performance des services ». Ce Haut Conseil, qui sera placé auprès du ministre chargé de l'environnement, a vocation à combattre le fort déséquilibre qui existe actuellement entre les grandes compagnies, presque toujours multinationales, qui dominent les marchés de la distribution de l'eau et de l'assainissement, et les communes ou structures intercommunales qui sont amenées à conclure des contrats de délégation avec elles. Les premières possèdent l'expérience et l'expertise alors que les secondes en sont privées et manquent d'éléments de comparaison entre leur situation et celles d'autres communes, ce qui les place dans une position d'infériorité au cours de la négociation. Des associations, telles Service public 2000, créée sur l'initiative de l'Association des maires de France et de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, tentent de combler ce déséquilibre, mais seules les collectivités de grande taille ont recours à leurs services, tandis que des cabinets de conseil, dont l'indépendance n'est pas toujours certaine, tentent de s'implanter sur le marché du conseil aux collectivités locales.

Afin de disposer de l'ensemble des données nécessaires à la réalisation de comparaisons fiables et solides, le Haut Conseil aura pour objectif d'analyser à la fois le prix, la qualité et la performance des services. Ces trois éléments entrent en effet directement en jeu pour l'évaluation de la qualité d'un contrat de délégation dans le domaine de la distribution et de l'assainissement de l'eau.

Le présent article confie deux types de missions au Haut Conseil : une mission de veille et une mission de conseil prenant la forme de réponse à des consultations.

1.- Une mission de veille

Cette mission de veille a pour objectif l'établissement d'une plus grande transparence et d'une meilleure information. Cet effort portera à la fois sur le fonctionnement, la gestion, l'efficacité des services publics de distribution d'eau et de l'assainissement et sur le secteur du conseil aux collectivités.

Le Haut Conseil devra « apporter son concours aux services de l'État et aux collectivités locales », c'est-à-dire, essentiellement, mettre à leur disposition les informations qu'il aura collectées. Il sera aussi chargé de rendre compte de l'accomplissement des missions, définies aux articles L. 2224-11-1 à L. 2224-11-3, relatives à l'accès à l'eau des personnes en situation de précarité, conformément à l'article 30.

Son rôle d'information s'étend aux élus locaux, aux services de l'État, mais aussi aux usagers, aux associations, aux opérateurs publics et privés. Les usagers et les associations pourront notamment utiliser ces informations au cours des réunions de la commission consultative des services locaux. Elles seront précieuses pour les opérateurs publics et privés dans la mesure où la plupart des informations sont actuellement détenues, pour chaque commune, par l'opérateur qui détient la délégation de service public. Le caractère public d'informations relatives aux réseaux, aux durées des contrats, à leurs conditions financières renforcera indiscutablement la concurrence entre opérateurs privés et gestion en régie. En effet, comme votre Rapporteur l'a mis en avant dans le rapport qu'il a récemment consacré au prix de l'eau dans le cadre des travaux de la MEC, c'est le manque d'information qui empêche le fonctionnement réellement concurrentiel du marché des services de l'eau et de l'assainissement, seul l'opérateur en place détenant les informations nécessaires à la préparation d'un contrat adapté aux besoins. L'intervention du Haut Conseil dans ce domaine pourra donc s'avérer très utile.

Son rôle en matière de transparence du conseil aux collectivités est également essentiel. De nombreux cabinets de conseil proposent en effet leurs services aux collectivités qui vont renouveler leur contrat de délégation. Ce secteur est actuellement peu régulé. En particulier, l'indépendance de ces cabinets par rapport aux multinationales qui interviennent dans ce secteur n'est pas toujours certaine. Le présent article propose que le Haut Conseil émette des recommandations sur les informations à fournir aux collectivités locales par les organismes de conseil. De telles recommandations peuvent être utiles, certes, mais seront-elles suffisantes ? Il convient de faire en sorte que les collectivités puissent avoir confiance dans les conseils qu'elles paient chèrement, ce qui suppose que le Haut Conseil soit très vigilant et leur fournisse le plus d'information possible sur l'indépendance des cabinets de conseil par rapport aux délégataires potentiels.

Cette mission de veille ne peut être réellement efficace que si elle se double d'une mission d'alerte des autorités compétentes, ce que prévoit le présent article. Cette mission demeure modeste : elle consiste essentiellement à saisir les ministres concernés en cas de constat d'une dérive en matière de tarif ou de pratique.

2.- Une mission de conseil

Grâce aux éléments qu'il aura pu recueillir dans le cadre de sa mission de veille, le Haut Conseil sera en mesure d'émettre des avis et des recommandations et donc de remplir une mission de conseil. Trois cas de consultation sont prévus :

- le Haut Conseil est consulté sur les projets de loi, de décrets et d'actes réglementaires ministériels relatifs à l'organisation des services publics de l'eau et de l'assainissement. Cet avis est obligatoire ;

- il peut émettre des avis ou des recommandations sur la mise en _uvre et l'amélioration de la réglementation relative aux services publics de distribution d'eau et d'assainissement. Il le fait soit de sa propre initiative, soit à la demande de personnes ou d'organismes concernés : ministre, collectivités locales, associations agrées de défense des consommateurs ou de protection de la nature et de l'environnement, chambres consulaires ou instances socioprofessionnelles. La liste des personnes susceptibles de saisir le Haut Conseil dans ce cadre est donc large. Elle pourrait être élargie aux commissions consultatives des services publics locaux, dont le rôle est renforcé par ailleurs.

- le Haut Conseil peut enfin être consulté par la collectivité locale, l'établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte responsable de l'organisation d'un service sur des projets de clauses contractuelles ou sur toute question d'ordre général préalablement à sa décision de déléguer le service. Les possibilités de saisine pourraient aussi être élargies à la commission consultative. Il faut par ailleurs comprendre la décision de déléguer un service au sens large : une demande sera recevable en cas de renouvellement de délégation ou de demande de renégociation d'un contrat.

Le Haut Conseil pourra ainsi être consulté en amont et en aval en ce qui concerne les normes générales, et en amont pour les clauses contractuelles. La publicité de ses avis et rapports s'applique aux consultations prévues dans les deux premiers cas, ce qui mérite d'être précisée, la rédaction actuelle laissant penser que cette publicité s'appliquerait aussi aux consultations sur des clauses contractuelles, ce qui n'est pas pertinent.

Votre Rapporteur est par ailleurs favorable à ce que le Haut Conseil soit chargé d'élaborer un modèle de contrat de délégation et un modèle de règlement du service, qui seront facultatifs mais pourront aider les collectivités.

B.- COMPOSITION

La composition du Haut Conseil est fixée par l'article L. 2224-12-11 du code général des collectivités territoriales. Il comptera six membres, tous qualifiés dans le domaine des services publics de l'eau et de l'assainissement. Trois d'entre eux, dont le président, seront nommés par décret ; les trois autres le seront respectivement par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et le président du Conseil économique et social. Aucune condition d'indépendance par rapport aux principaux délégataires de ces services n'est exigée dans le projet de loi : votre Rapporteur approuve les propositions de la commission de la production et des échanges, saisie au fond, en vue de pallier cette lacune.

Ils sont nommés pour six ans et ne pourront avoir plus de 65 ans au moment de leur nomination.

C.- DES POUVOIRS LIMITÉS

Afin de remplir ses missions de veille et de conseil, le Haut Conseil est doté de pouvoirs relativement limités : un pouvoir d'information du Conseil de la concurrence et de saisine de la Commission des clauses abusives (article L. 2224-12-12 du code des collectivités territoriales) ; un pouvoir de collecte d'informations (article L. 2224-12-13 du même code).

L'article L. 2224-12-12 prévoit que le Haut Conseil peut communiquer des informations au Conseil de la concurrence et lui transmettre toute question relevant de sa compétence et pouvant faire l'objet d'un avis. Le Conseil de la concurrence peut saisir le Haut Conseil des questions relevant de sa compétence.

Les relations entre ces deux organes ne sont donc pas symétriques : le Haut Conseil ne peut pas saisir le Conseil de la concurrence dans le cadre de l'article L. 462-5 du code de commerce, c'est-à-dire qu'il ne peut lui soumettre une affaire pour qu'il examine si elle comporte des pratiques entrant dans le champ des articles L. 420-1, L. 420-2 ou L. 420-5 du code de commerce (cas d'entente illicite, d'abus de position dominante ou de prix abusivement bas) et prononce, le cas échéant, des sanctions et des injonctions ou qu'il transmette au procureur de la République celles qui lui semblent justifier l'application de l'article L. 420-6 du même code (participation frauduleuse à une entente illicite ou un abus de position dominante). Pourtant la suspicion de ce type de pratiques anticoncurrentielles est fréquente dans les marchés de la distribution d'eau et de l'assainissement : de part sa fonction de veille, le Haut Conseil peut être amené à connaître de telles pratiques ; il devrait pouvoir en saisir le Conseil de la concurrence. Votre Rapporteur propose un amendement dans ce sens.

Par ailleurs, le Haut Conseil est habilité à saisir la Commission des clauses abusives dans le cadre de l'article L. 132-2 du code de la consommation qui charge cette commission de rechercher les clauses abusives qui pourraient être contenues dans des modèles de contrat.

Il est évident que l'efficacité du Haut Conseil dépendra largement de sa capacité à collaborer avec les autres organes susceptibles d'intervenir sur les problèmes de concurrence et de clauses contractuelles.

La qualité des informations que le Haut Conseil aura recueillies tiendra aussi à l'intensité de ses relations avec ceux qui possèdent ces informations : les collectivités locales, les services d'eaux et d'assainissement, tout organisme, public ou privé, ayant une activité dans ces secteurs. Conformément à la mission générale qui lui est confiée par l'article L. 2224-12-10 précité, l'article L. 2224-12-13 précise que ces informations seront relatives aux prix, aux coûts, à la qualité de service, aux caractéristiques des ouvrages et des prestations. Ce même article indique que les possesseurs de ces informations, mentionnés ci-dessus, sont tenus d'adresser ces informations au Haut Conseil, qui peut leur demander toute précision utile. Cette obligation est pourtant toute théorique puisque la loi ne prévoit aucune possibilité de sanction en cas de refus de communiquer les informations ou de transmission de fausses informations. Votre Rapporteur est favorable à l'octroi de pouvoirs d'enquête au Haut Conseil.

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La commission a tout d'abord examiné un amendement de M. Jean-Pierre Brard visant à obliger chaque agence de l'eau à transmettre annuellement au Haut Conseil une enquête détaillée.

Le Président Henri Emmanuelli s'est interrogé sur les moyens d'actions dont disposera le Haut Conseil. Votre Rapporteur a souligné que ces moyens étaient faibles, mais que la Commission de la production devait proposer des amendements visant précisément à les renforcer. Il a remarqué que l'amendement proposé manquait de précision, sachant que l'article L. 2224-12-13 dotait déjà le Haut Conseil de nombreux pouvoirs.

M. Jean-Pierre Brard a estimé que cet amendement était cependant utile dans la mesure où il était nécessaire de créer un lien permanent entre les agences et le Haut-Conseil, l'étude pouvant porter, par exemple, sur les prix de l'eau. Le texte actuel est très insuffisant et si on considère le poids de certains groupes industriels, il est indispensable de renforcer l'information sur le prix de l'eau. Le Président Henri Emmanuelli a fait remarquer qu'il était facile de critiquer certains grands groupes mais qu'il ne fallait pas oublier la part de responsabilité des élus qui n'utilisent pas pleinement les pouvoirs dont ils disposent. M. Jean-Pierre Brard a répondu que dans le cas du syndicat de l'eau d'Ile-de-France qui regroupe plus de 140 communes, il était impossible à une commune d'avoir individuellement un véritable accès à l'information. Il a alors retiré son amendement expliquant qu'il en préciserait la portée en séance publique.

Un amendement visant à associer le Haut Conseil aux agences de l'eau pour assurer la transparence des services publics de la distribution d'eau et de l'assainissement a été retiré par M. Jean-Pierre Brard.

Un amendement visant à la transmission par le Haut Conseil d'un rapport annuel au Parlement a été retiré par M. Jean-Pierre Brard, un autre amendement, déposé par le Président Henri Emmanuelli, répondant à cette question.

Un amendement rédactionnel (n° 77) présenté par votre Rapporteur, visant à supprimer un alinéa, repris dans la suite du texte, a été adopté par la Commission.

Un amendement (n° 78) présenté par le Président Henri Emmanuelli étendant aux présidents des commissions parlementaires permanentes concernées la possibilité de demander au Haut Conseil d'émettre des avis ou recommandations a été adopté.

Un amendement (n° 79) présenté par votre Rapporteur étendant cette possibilité aux commissions consultatives des services publics locaux a également été adopté par la Commission.

Un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard visant à réduire le champ du secret en matière économique et commerciale a été retiré.

Un amendement (n° 80) présenté par votre Rapporteur visant à déplacer un alinéa, relatif à la publicité des saisines du Haut Conseil a été adopté.

Un amendement (n° 81) présenté par votre Rapporteur étendant aux commissions consultatives des services publics locaux la possibilité de consulter le Haut Conseil sur des projets de clauses contractuelles, ou sur toute question d'ordre général, préalablement à une décision de déléguer le service a été adopté.

Un amendement (n° 82) présenté par votre Rapporteur prévoyant que le Haut Conseil doit rédiger un modèle de contrat de délégation et de règlement des services a été adopté. Mme Nicole Bricq s'est interrogé sur les capacités du Haut Conseil à répondre à des attentes multiples, qui nécessitent un véritable cabinet d'expertise et des moyens lourds.

Un amendement (n° 83) présenté par le Président Henri Emmanuelli, prévoyant que le Haut Conseil dépose chaque année un rapport d'activité sur le bureau des assemblées a été adopté.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard visant à élargir la possibilité de saisine du Haut Conseil par les associations de consommateurs. Mme Nicole Bricq a fait remarquer que l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments pouvait effectivement être saisie par des associations de consommateurs sur le fonctionnement et la tarification du service de distribution d'eau. Votre Rapporteur a rappelé que les associations disposaient déjà d'un droit de saisine pour les problèmes d'ordre général et que l'amendement proposé risquerait de créer un droit de saisine individuel du Haut Conseil transitant par des associations. L'amendement a été retiré par son auteur afin de le préciser.

La Commission a examiné deux amendements présentés par M. Jean-Pierre Brard visant à élargir la composition du Haut conseil à des représentants des agences de l'eau. Votre Rapporteur s'est déclaré défavorable à cet amendement. Le Président Henri Emmanuelli s'y est également déclaré très défavorable : le Haut Conseil doit être à égale distance des agences et des collectivités locales, afin de conserver une certaine neutralité. En outre les amendements, s'ils étaient adoptés, confieraient la majorité du Haut Conseil à des membres des agences de l'eau, ce qui n'est pas souhaitable. Les deux amendements ont alors été retirés.

Un amendement (n° 84) présenté par votre Rapporteur visant à permettre au Haut Conseil de saisir le Conseil de la concurrence, dans le cadre de ses compétences de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles a été adopté.

Un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard visant à élargir la possibilité de saisine du Haut Conseil aux collectivités territoriales et aux usagers a été retiré, dans la mesure où il est par ailleurs satisfait.

Puis la Commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard, visant à permettre au Haut Conseil de saisir l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et les chambres régionales des comptes. Votre Rapporteur s'est déclaré dubitatif sur ce dispositif, car il appartient au Haut conseil de recueillir des avis mais c'est le maire qui est responsable de la qualité de l'eau. Mme Nicole Bricq a fait observer que le Haut Conseil pourrait être amené à saisir l'Agence de sécurité sanitaire dans le cadre de sa mission d'observation de la qualité de l'eau et que les avis de l'Agence étaient publics. Votre Rapporteur a en tout cas estimé que le dispositif prévoyant que le Haut Conseil saisisse la chambre régionale des comptes lorsqu'il a été lui-même saisi par une association habilitée, devait être supprimé. Ainsi rectifié, l'amendement (n° 85) a été adopté après que le Président Henri Emmanuelli ait estimé que ce dispositif aboutirait à des saisines systématiques, chacun étant incité à prendre les précautions maximales.

Un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard visant à associer les agences de l'eau aux missions confiées au Haut Conseil a été retiré, car il est satisfait par le projet.

Un amendement (n° 86) présenté par votre Rapporteur visant à ce que le Haut Conseil obtienne toutes les informations sur les échéances des contrats de délégation en cours a été adopté.

La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de l'article 34, ainsi modifié.

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Après l'article 34

Un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard visant à instituer une coopération organisée entre les agences de l'eau, le Haut conseil et les collectivités locales a été rejeté.

Article additionnel après l'article 34

(Article L. 462-1 du code de commerce)

Saisine du Conseil de la concurrence par le Haut Conseil des services publics de l'eau et de l'assainissement

Un amendement (n° 87) présenté par votre Rapporteur visant à modifier le code de commerce pour permettre au Haut Conseil de saisir le Conseil de la concurrence afin qu'il examine si une pratique dont il a eu connaissance ne relève pas d'une entente illicite, d'un abus de position dominante ou de prix abusivement bas et qu'il prononce, le cas échéant, des sanctions a été adopté.

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Chapitre V

Dispositions diverses

Article 35

(Article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales)

Dépenses obligatoires des communes en matière d'assainissement

Cet article vise à réparer un oubli de la loi du 3 janvier 1992 qui prévoit que les communes ne prennent plus seulement à leur charge le système d'assainissement collectif, mais aussi le contrôle des installations d'assainissement non collectif sans ajouter cette mission à la liste des compétences obligatoires des communes, qui demeure formellement limitée à la prise en charge de l'assainissement collectif.

L'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales dresse la liste des dépenses obligatoires des communes. L'ensemble des missions des communes en matière d'assainissement, collectif et non collectif, fera désormais clairement partie de leur dépenses obligatoires.

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La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sans modification.

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Article 36

(Articles L. 131-7, L. 152-1 et L. 152-4
du code de la construction et de l'habitation)

Pose de compteurs individuels d'eau froide

Cet article vise à modifier le code de la construction et de l'habitation : il introduit un article L. 131-7 qui rend obligatoire la pose d'un compteur individuel d'eau froide dans chaque logement neuf, puis effectue les modifications de coordination qu'il implique.

L'obligation d'installer un compteur individuel d'eau froide dans chaque logement vaut pour les seuls immeubles neufs à usage principal de logement et ne s'applique pas aux logements-foyers. L'objectif est de permettre à chaque ménage logé, propriétaire ou locataire, de connaître la quantité d'eau froide qu'il a consommée. Cette mesure rendra possible le paiement de la quantité d'eau effectivement consommée.

Actuellement, il n'existe souvent qu'un seul compteur pour l'ensemble de l'immeuble. La facture d'eau totale est donc partagée entre propriétaires ou locataires en fonction de la surface du logement, éventuellement pondérée par le nombre de personnes qu'il accueille, selon les dispositions du règlement de copropriété ; elle est payée au syndic de l'immeuble avec les autres charges. Un tel partage ne responsabilise pas les consommateurs d'eau, le coût des surconsommations étant divisé entre tous les habitants de l'immeuble. La possibilité de payer seulement l'eau consommée facilitera la maîtrise, par un ménage, de sa consommation d'eau.

Si le dispositif rend obligatoire la pose de compteurs individuels dans les logements neufs, elle n'impose ni l'individualisation des contrats, ni même la facturation de l'eau consommée dans l'immeuble en fonction de la consommation mesurée dans chaque logement. Cette dernière n'est en effet la règle que si le règlement de copropriété le spécifie. Il apparaît néanmoins logique que les copropriétaires de l'immeuble choisissent cette modalité de répartition de la facture d'eau de leur immeuble, dès lors que les logements seront équipés de compteurs individuels.

L'article L. 131-7 prévoit aussi la pose d'un compteur mesurant la quantité d'eau fournie aux parties communes, notamment pour les opérations de nettoyage. Seul le coût de cette quantité d'eau devra nécessairement continuer à être partagé entre les propriétaires selon une clé de répartition.

Ce problème ne se pose pas pour les maisons individuelles, qui sont déjà équipées d'un compteur individuel. Le présent article n'impose pas cette obligation aux logements-foyers, à cause, notamment, de l'importance des parties communes.

S'il apparaît difficile de rendre obligatoire l'installation de tels compteurs dans tous les immeubles d'habitation, du fait du coût important de leur installation, il est pertinent, pour des raisons à la fois d'équité entre usagers et d'économie d'eau, de l'imposer aux immeubles neufs. Cette mesure poursuit la logique de l'article 93 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Ce dernier obligeait tout service de distribution d'eau destinée à la consommation humaine à procéder à l'individualisation des contrats de fourniture d'eau à l'intérieur des immeubles collectifs d'habitation et des ensembles immobiliers de logements dès lors que le propriétaire en faisait la demande.

Les autres dispositions du présent article 36 sont de coordination. Il s'agit d'abord de compléter deux libellés du code précité pour tenir compte de l'introduction de l'article L. 131-7 : la mention «  (et) fourniture d'eau » est ajoutée après le mot « chauffage » dans le libellé du titre III du livre Ier « Chauffage et ravalement des immeubles. - Lutte contre les termites » et dans celui de son chapitre Ier « Chauffage des immeubles ».

La référence au nouvel article L. 131-7 est ajoutée dans les articles L. 152-1 et L. 152-4, relatifs, l'un, à la constatation des infractions et l'autre, aux peines encourues dans le cas de non-respect de l'obligation légale.

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La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sans modification.

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Article 37

(Article L. 214-15-1 du code de l'environnement)

Dispositions de coordination

Cet article vise à adapter le code de l'environnement aux modifications apportées par le présent titre au code général des collectivités territoriales.

La section 4 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l'environnement ne portera plus l'intitulé « Prix de l'eau », mais l'intitulé « Distribution d'eau ».

Comme les articles L. 214-15 et L. 214-16 ont vocation à être abrogés à l'expiration du délai fixé à l'article L. 2224-12-7 du code général des collectivités territoriales (II de l'article 63 du présent projet), cette section ne comportera plus alors que l'article L. 214-15-1, qui deviendra l'article L. 214-15.

Cet article renvoie, pour les dispositions relatives aux services publics de distribution d'eau, à l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales et à la section 2 du chapitre IV du titre II du livre II du même code (article L. 2224-7 à L. 2224-12-14 précédemment modifiés ou créés) et, pour les dispositions relatives à la qualité de l'eau destinée à l'alimentation humaine, à l'article L. 211-11 du code de l'environnement.

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La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sans modification.

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TITRE III

RÉFORME DES AGENCES DE L'EAU

Le titre III du présent projet porte réforme des agences de l'eau. S'il renforce indiscutablement l'encadrement législatif, il n'entraîne pas de profonds changements dans le fonctionnement des agences. Leurs missions ne sont modifiées que pour tenir compte de la création des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, réalisée par la loi du 3 janvier 1992 précitée, et faire référence à la gestion durable des ressources en eau et des milieux aquatiques. La loi intègre leurs interventions dans le domaine de la coopération internationale et de l'aide humanitaire et confirme la présence de représentants des milieux associatifs dans leur conseil d'administration, autorisée par un décret du 6 septembre 1999. Elle détaille et clarifie leurs ressources et leurs dépenses.

Le présent titre pose le principe de l'élaboration par les agences d'un programme d'interventions sur six ans, qui doit respecter les priorités nationales définies par la loi et dont l'exécution fera l'objet d'un compte-rendu au Parlement. Enfin, sont définies les orientations du VIIIème programme pour la période 2003-2008. Les recettes des agences devraient être d'un niveau équivalent à celui atteint à la fin des VIIèmes programmes, soit environ 8 milliards d'euros (52,5 milliards de francs), et permettre la réalisation de travaux pour un montant total de 20 milliards d'euros (131,2 milliards de francs).

Le renforcement de l'encadrement de l'action des agences de l'eau se double de la mise en place de nouvelles redevances en leur faveur, qui seront elles-mêmes mieux encadrées par le Parlement.

Le régime, actuellement en vigueur, des redevances établies et recouvrées par les agences de l'eau, à leur profit, sans contrôle, pour financer leurs programmes appelle des améliorations sensibles, même si l'on peut s'étonner de leur caractère extrêmement tardif.

En effet, par une décision (n°82-124 L du 23 juin 1982) rendue à la demande du Premier ministre en application de l'article 37 alinéa 2 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a jugé que les redevances perçues par les agences de l'eau « établissements publics à caractère administratif, ne constituent pas des taxes parafiscales au sens de l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ; que, destinées à assurer le financement des dépenses de toute nature qui incombent aux agences, elles ne constituent pas davantage des rémunérations pour services rendus visées à l'article 5 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ; qu'ainsi ces redevances doivent être rangées parmi les impositions de toutes natures dont l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement ».

Depuis cette date, et conformément à la décision du Conseil constitutionnel, il devrait incomber au Parlement de voter le taux, l'assiette et les modalités de recouvrement de ces redevances. Or, depuis 1982, celles-ci ont continué à être fixées par le conseil d'administration de chaque agence en vertu de deux décrets n° 66-700 du 14 septembre 1966 et n° 75-996 du 28 octobre 1975. Outre l'absence de respect des droits du Parlement, ce système n'est manifestement pas conforme à la décision du Conseil constitutionnel, et le Conseil d'État n'a pu que constater régulièrement cet état de fait, depuis un arrêt de principe (SA Outters, n° 31 927, 20 décembre 1985). Il s'inscrit également à contre-courant des dispositions adoptées dans le cadre de la loi organique du 1er août 2001, qui suppriment à compter de l'exercice 2004 le régime des taxes parafiscales créées par le pouvoir réglementaire, en application de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, lesquelles échappaient à l'établissement de l'impôt par la loi.

Ce régime particulièrement insatisfaisant a conduit à deux dérives relevées notamment à l'occasion des travaux de la MEC.

En premier lieu, les barèmes et les taux présentent une forte hétérogénéité, d'une agence à l'autre. Par exemple, pour un même type de pollution, ils peuvent aisément varier de 1 à 3 entre deux agences, comme le démontre l'annexe « jaune » au projet de loi de finances, portant sur les agences de l'eau.

En second lieu, le montant des redevances a connu une croissance forte et régulière, avec une augmentation considérable sur les dix dernières années. En francs constants, ce produit a ainsi été multiplié par un facteur 3,5 entre le IIIème programme des agences (1977-1981) et le VIIème programme en cours (1997-2001). Il s'élève aujourd'hui à un montant total atteignant environ 1,8 milliard d'euros (12 milliards de francs), dont le régime fiscal et l'évolution échappent totalement au Parlement.

En conséquence, en première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2001, la commission des finances, à l'initiative de son président Henri Emmanuelli, puis l'Assemblée nationale, à l'unanimité, avec un avis de sagesse du Gouvernement, ont décidé de conférer un fondement législatif aux pratiques existant aujourd'hui, mais en maintenant le taux et l'assiette des redevances actuelles. L'amendement adopté à cet effet dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2001 (article 33 sexies nouveau) n'augmentait donc pas le montant dû par les assujettis. En revanche, il incorporait ces éléments dans la loi, de même que les modalités de recouvrement qui, actuellement, sont également fixées par décret.

Dans l'attente de la modification sur le fond du régime des redevances, prévue par le présent projet, lequel, au moment de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2001, n'était pas encore inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, l'amendement adopté avait une vocation « conservatoire », ainsi que l'avait indiqué le 5 décembre, en séance publique, le Président de la commission des Finances, et n'avait aucunement vocation à se substituer au présent projet. Il permettait, en revanche, de faire en sorte que les redevances actuellement établies continuent à être perçues, avec l'ensemble de leurs éléments d'assiette et de taux, mais que, en revanche, toute modification postérieure, en particulier tout relèvement des taux ou élargissement des assiettes, ne puisse intervenir que par un vote du Parlement.

Compte tenu de la position adoptée par le Sénat, qui a supprimé le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, en défendant ainsi un pouvoir de décision laissé à la discrétion des conseils d'administration de chaque agence, et non les droits du Parlement, la commission des Finances n'a pas souhaité le reprendre. A l'issue de la discussion du projet de loi de finances rectificative, le régime juridique des redevances est donc demeuré inchangé, aussi contraire à la Constitution et irrespectueux des pouvoirs du Parlement qu'auparavant. De surcroît, si le système actuel de redevance n'est pas conforme à la Constitution, il ne respecte ni le principe d'égalité, ni le principe pollueur-payeur, que le présent projet intègre dans la loi. L'existence de coefficients d'usage dans le calcul de la redevance prélèvement et de coefficients d'agglomérations et de collecte dans celui de la redevance pollution témoigne de la distance prise par rapport à ce principe : les usagers domestiques et les agglomérations les plus grandes sont nettement défavorisés, sans que cette différence de traitement soit justifiée. Le but de leur mise en place était simplement d'augmenter le produit des redevances, afin qu'il suive l'évolution des dépenses des agences. Les redevances s'avèrent de plus dépourvues d'un réel effet d'incitation à l'adoption de pratiques plus respectueuses de l'environnement. Le commissariat général du plan parle de la transformation du principe pollueur-payeur en une logique de pollueur-sociétaire(6).

À travers la création de cinq redevances qui remplaceront les redevances actuellement perçues par les agences de l'eau, le présent projet de loi vise à mettre en place un dispositif plus équitable et plus respectueux du principe pollueur-payeur, qui tiendra compte notamment de la qualité de la ressource en eau et du milieu aquatique. Seule la redevance pour réseau de collecte, qui a pour objet de remplacer les coefficients de collecte, s'éloigne de ce principe : elle doit permettre d'assurer la stabilité des ressources des agences sur le VIIIème programme pendant la phase de montée en puissance des autres redevances ; aussi est-elle présentée comme ayant vocation à n'être que transitoire et à disparaître à l'issue du IXème programme. L'effort financier qu'elle exige sera néanmoins mieux réparti qu'auparavant.

RECETTES DE LA REDEVANCE POUR CONSOMMATION DES VIIèmes PROGRAMMES (NET)
ET HYPOTHÈSE POUR LES VIIIèmes

Source : ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, direction de l'eau

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Le renforcement, ou plus exactement le rétablissement, du rôle du Parlement dans l'encadrement des redevances et dans la détermination des grandes orientations des VIIIèmes programmes d'intervention des agences de l'eau et le fait qu'il confie au Gouvernement la fixation des modalités techniques d'application des redevances ont été perçus par certains comme une forme de recentralisation de la politique de l'eau.

Cette qualification ne résiste guère à l'analyse. Il est d'abord indispensable de rendre constitutionnelles les redevances : confier la fixation de leurs assiettes, l'encadrement de leurs taux et l'organisation de leurs modalités de recouvrement au Parlement est une obligation constitutionnelle indiscutable. Ni les agences de l'eau, ni les comités de bassin, surnommés à tort « parlements de l'eau », ne sont constitués démocratiquement et ne peuvent être omnipotents en matière de redevances. Néanmoins, dans le respect du cadre législatif, les agences de l'eau, après avis des comités de bassin, fixeront les taux applicables dans le bassin de leur compétence et mettront en _uvre la modulation géographique prévue par la loi. Elles auront donc une grande latitude pour adapter les redevances aux exigences et particularités de leur bassin : cette marge de man_uvre demeure importante.

D'autre part, le projet de loi transcrit la directive cadre sur l'eau dont le fondement est la politique de bassins versants : il renforce les outils décentralisés que sont les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) ainsi que les futurs programmes de mesures, confirmant le rôle essentiel des comités de bassin et des préfets coordonnateurs de bassins.

Chapitre premier

Création, missions et organisation des agences de l'eau

Article 38

(Article L. 213-5 du code de l'environnement)

Missions et organisation des agences de l'eau

Le présent article est relatif aux agences de l'eau. Il prévoit d'aménager formellement le nouveau code de l'environnement, de compléter les missions des agences, et de modifier la composition de leur conseil d'administration.

A.- DES STRUCTURES ADMINISTRATIVES ET FINANCIÈRES GLOBALEMENT MAINTENUES

Les agences de l'eau font partie des six structures administratives et financières traitées dans le code de l'environnement et agissant dans le domaine de l'eau (7). L'architecture générale de celles-ci est globalement maintenue par le présent projet de loi.

En effet, le Comité national de l'eau, comité consultatif sur les circonscriptions géographiques des bassins et les projets d'aménagement, créé par l'article 13 de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution repris à l'article L. 213-1 du code de l'environnement annexé à l'ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000, et présidé par un parlementaire, ne fait pas l'objet de changement. Sa composition reste fixée par le décret n° 65-749 du 3 septembre 1965. Les comités de bassin, institués à l'article 13 de la loi de 1964 précitée, repris à l'article L. 213-2 du code de l'environnement et complété par le décret n° 66-699 du 14 septembre 1966, ne sont pas modifiés non plus. C'est le cas, encore, des dispositions relatives au Fonds national de l'eau, compte d'affectation spéciale, créé par le décret n° 54-982 du 1er octobre 1954 modifié par l'article 58 de la loi de finances pour 2000.

En revanche, les communautés locales de l'eau, réunissant des collectivités territoriales et chargées de faciliter la réalisation des objectifs arrêtés dans les schémas d'aménagement et de gestion des eaux, prévues à l'article 7 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 repris à l'article L. 213-9 du code de l'environnement, font l'objet de l'article 6 du présent projet, afin d'étendre leur champ d'intervention. Et les établissements publics à vocation de maîtrise d'ouvrage, institués par l'article 16 de la loi de 1992 précitée, repris à l'article L. 213-10 du code de l'environnement, sont supprimés par l'article 7 du présent projet, lequel propose d'instituer des groupements d'intérêt public afin de réaliser les études et les recherches nécessaires à l'élaboration des schémas d'aménagement et de gestion des eaux. Il convient de rappeler que ces établissements publics n'ont pas été mis en place du fait d'une procédure trop lourde. L'État et les agences de l'eau ont eu recours à la création d'établissements publics aux territoires et aux domaines d'intervention similaires, mais reposant sur les fondements juridiques de la coopération interdépartementale et interrégionale plutôt que sur la loi de 1964.

B.- DES AMÉNAGEMENTS BIENVENUS AU STATUT DES AGENCES DE L'EAU

Les modifications qui concernent les agences de l'eau, pour modestes qu'elles soient, n'en sont pas moins bienvenues.

Il convient, avant de les analyser, de rappeler que les agences de l'eau sont anciennes. Elles ont été créées par l'article 14 de la loi de 1964 précitée, sous l'appellation d'« agences financières de bassin ». Un arrêté du 14 novembre 1991, modifiant l'arrêté du 14 septembre 1966, concernant les noms des différentes agences et les ayant appelées « agences de l'eau », le codificateur - on peut s'en étonner - a modifié le nom des agences retenu par le législateur, lors du transfert de l'article 14 précité vers l'article L. 213-5 du nouveau code de l'environnement, et a retenu l'expression, sans doute plus parlante, d'« agences de l'eau ».

Il s'agit d'établissements publics administratifs chargés de faciliter les diverses actions d'intérêt commun aux bassins ou groupes de bassins. Ils contribuent à l'exécution d'études, de recherches et d'ouvrages d'intérêt commun. À cette fin, ils attribuent des subventions et des avances pour l'exécution des travaux. Ils ne sont donc ni maîtres d'ouvrage, ni maîtres d'_uvre. Ils apportent aux personnes publiques et privées leurs moyens techniques et financiers, la réforme de ces derniers étant au c_ur du présent projet de loi.

Celui-ci propose, tout d'abord, de qualifier les établissements publics de « nationaux », ce qui est peu juridique, de supprimer la mention de leur personnalité civile et de leur autonomie financière, mention effectivement inutile s'agissant d'établissements publics, et surtout de compléter leurs missions.

Votre Rapporteur souligne l'intérêt de viser explicitement les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, le texte de 1964 n'ayant pas été modifié à la suite de la création de ces derniers par la loi de 1992, la gestion durable des ressources en eau et des milieux aquatiques, au travers de la référence à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, et de permettre l'intervention des agences dans le domaine de la coopération internationale. Ce dernier point répondrait au souci manifesté dans la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000, et officialiserait, au demeurant, une pratique.

Par ailleurs, le projet de loi propose d'aménager la composition des conseils d'administration des agences. Votre Rapporteur note qu'il revient, en effet, au législateur, par delà la création législative des agences, catégorie d'établissements publics, de préciser leurs règles constitutives, notamment la composition de leur conseil d'administration. Le Conseil constitutionnel l'a clairement affirmé dans la décision n° 82-124 L du 23 juin 1982.

Le projet de loi prévoit donc, à juste titre, une représentation spécifique des établissements publics territoriaux et de coopération intercommunale, précise la représentation des usagers en mentionnant explicitement les associations agrées de protection de l'environnement, et ajoute un suppléant du représentant du personnel de chaque agence à la liste des membres de son conseil d'administration.

Les innovations sont, au total, relativement limitées puisque le décret n° 99-765 du 6 septembre 1999 modifiant le décret n° 66-700 du 14 septembre 1966 relatif aux agences financières de bassin, qui détaille la composition des conseils d'administration des agences en portant le nombre total de membres à 34, mentionnait déjà les associations, et que le suppléant sus-mentionné était prévu par le décret n° 86-1059 du 19 septembre 1986 modifiant également le décret de 1966.

L'essentiel, aux yeux de votre Rapporteur, est que l'originalité de la composition équilibrée des conseils d'administration, qui permet la confrontation d'intérêts et la gestion tripartite des agences, soit préservée par le projet de loi. Les agences doivent demeurer « le lieu où se construit une politique de l'eau consensuelle et globale au niveau [des] bassins » (8).

Cela étant, le décret, qui devrait préciser la composition des conseils d'administration, devrait respecter, selon votre Rapporteur, les équilibres essentiels et sans doute assurer une représentation aux petites et moyennes entreprises et aux syndicats agricoles.

Le dernier apport du présent article est de permettre aux agences de transiger, sauf en matière de redevance.

La disposition envisagée fait référence à l'article 2044 du code civil. Celui-ci définit la transaction comme un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Les articles suivants du code civil précisent la portée juridique de la transaction, qui a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée, et disposent, notamment, que les communes et établissements publics ne peuvent transiger que sur autorisation.

Dans la mesure où il est de l'intérêt des agences (9) et de leurs contractants d'éviter les contentieux juridictionnels, le présent article autorise donc les agences à transiger.

Une limite est cependant posée. Il est proposé d'exclure de la transaction la matière des redevances.

Plus exactement, le présent article n'interdit pas la transaction en matière de redevances, mais l'interdit aux agences alors qu'il semble dans les intentions du Gouvernement d'interdire toute transaction sur les redevances, compte tenu des dispositions proposées à l'article 41 du projet de loi sur les réclamations, les remises totales ou partielles de redevances. Or, les redevances, impositions de toute nature, peuvent être assimilées, compte tenu de leurs caractéristiques, à des contributions indirectes. L'article L. 251 du livre des procédures fiscales qui admet le principe de la transaction fiscale et les articles R* 247-1 et suivants du même livre qui précisent la procédure pourraient donc trouver à s'appliquer. En matière de contributions indirectes ou de taxe professionnelle, la décision appartient à l'État.

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La commission a examiné deux amendements, le premier présenté par M. Jean-Pierre Brard prévoyant que les agences de l'eau peuvent assister les collectivités territoriales dans l'exercice de leurs missions en matière de services publics de l'eau. Votre Rapporteur a jugé trop large l'objet de cet amendement et a proposé à son auteur de se rallier à son propre amendement permettant aux agences de donner leur avis sur les projets de cahier des charges envisagés par les collectivités locales pour la délégation du service public de l'eau.

Après que M. Jean-Pierre Brard a retiré son amendement, la commission a adopté l'amendement (n° 88) présenté par votre Rapporteur.

La Commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi modifié.

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Chapitre II

Programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau

Article 39

(Article L. 213-6 du code de l'environnement)

Objet et modalités d'élaboration des programmes pluriannuels
d'intervention des agences de l'eau

Le présent article prévoit d'aménager le code de l'environnement et d'accorder une place accrue aux programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau en son sein.

Ceux-ci existent depuis longtemps. L'article 14-2 de la loi du 16 décembre 1964 non codifié comme tous les articles relatifs aux redevances compte tenu de la discussion annoncée du présent projet, et inséré par l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1974 (n° 74-1114 du 27 décembre 1974), y fait référence, en les reliant au plan national tel qu'annexé à la loi qui en porte l'approbation. Sept programmes pluriannuels quinquennaux se sont ainsi succédé.

Le nouveau régime des redevances, le processus de codification, la disparition du plan national et surtout la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau imposaient de revenir sur l'article 14-2.

L'article 63 du présent projet abroge cet article 14-2, mais en 2003. L'article 40 déplace le contenu de l'article L. 213-6 du code de l'environnement relatif aux subventions et avances des agences de l'eau dans un article L. 213-7, permettant ainsi au présent article de proposer de reprendre la définition des programmes - objet de l'article 14-2 -  dans un nouvel article L. 213-6. Cependant, l'entrée en vigueur de celui-ci est prévue lors de la promulgation, ce qui n'est guère cohérent avec l'article 63.

Sur le fond, les programmes sont définis, dans le présent article, comme déterminant les domaines et les conditions d'intervention des agences et prévoyant le montant des dépenses et des recettes nécessaires à leur mise en _uvre. Il y est prévu l'adoption des programmes et de leurs modifications par les agences, après avis obligatoire, mais non nécessairement conforme, des comités de bassins. La durée des programmes, pourtant fixée à six ans par l'article 11 de la directive-cadre précitée, n'est pas indiquée dans le texte proposé par le Gouvernement. Il en est de même du rythme des mises à jour. La durée résulte de l'article 43 du présent projet, non codifié, qui présente un cadre d'orientation pour les VIIIèmes programmes pluriannuels 2003-2008 (cf infra).

In fine, le présent article prévoit, à l'instar de l'actuel article 14-2 de la loi de 1964, une information sur les programmes. Cependant, il y a quelques différences entre les deux articles.

Tout d'abord, l'article 14-2 prévoit une annexe générale, dite communément « jaune », au projet de loi de finances. L'article L. 213-6 proposé par le présent article prévoit un « bilan annuel », sans le lier au projet de loi de finances. Votre Rapporteur le regrette dans la mesure où il estime qu'il est bon que le rendez-vous annuel sur la fiscalité que constitue traditionnellement l'examen du projet de loi de finances soit éclairé par un document jaune sur l'activité des agences et l'utilisation des redevances qu'elles perçoivent. Il considère même que la transformation du régime des redevances - impositions de toute nature - aurait dû militer en faveur du maintien d'une annexe jaune. En présence d'un projet de loi « ordinaire », qui ne peut comporter, en vertu des articles 1er et 32 (dernier alinéa) de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, de disposition relative à l'information et au contrôle sur la gestion des finances publiques et de disposition prévoyant des annexes aux projets de lois de finances, il espère seulement que le bilan proposé sera présenté, à l'avenir, s'il est retenu, à l'occasion de l'examen de chaque projet de loi de finances.

Sans doute pourrait-on s'interroger sur la faisabilité d'un bilan annuel de l'activité des agences - établissements publics, donc autonomes - préparé par le Gouvernement. La pratique connue du document jaune actuel « Agences de l'eau » doit, en vérité, rassurer la Représentation nationale sur la capacité du Gouvernement à rassembler et synthétiser l'information en provenance des six agences de l'eau, qui sont des établissements publics « nationaux ».

Sur le fond, le présent article propose d'élargir l'objet du rapport. Il ne devrait plus « faire état des recettes et des dépenses réalisées » mais constituer une analyse autant quantitative que qualitative de l'exécution des programmes.

Votre Rapporteur approuve cette orientation. Il observe que le rapport du Commissaire au plan de 1997 sur l'évaluation du dispositif des agences de l'eau avait insisté sur la nécessité de disposer d'un système d'information suffisamment développé sur le milieu. L'élaboration du document devrait être en tout cas l'occasion d'homogénéiser les règles de classification interne des actions des différentes agences, et d'établir des grilles d'indicateurs physico-financiers.

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La commission a adopté un amendement (n° 89) présenté par votre Rapporteur prévoyant que le bilan de l'exécution des programmes pluriannuels d'intervention des agences est présenté au Parlement avant le 1er octobre de chaque année.

La Commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi modifié.

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chapitre III

Dépenses et ressources

Article 40

(Articles L. 213-7 et L. 213-7-1 du code de l'environnement)

Dépenses et ressources financières des agences

Les articles L. 213-7 et L. 213-7-1 nouveaux du code de l'environnement visent à inscrire dans la loi deux listes distinctes et exhaustives, qui énumèrent respectivement les dépenses et les ressources financières des agences de l'eau. Ils remplacent l'actuel article L. 213-6 du code de l'environnement, qui dispose :

« L'agence contribue, notamment par voie de fonds de concours au budget de l'État, à l'exécution d'études, de recherches et d'ouvrages d'intérêt commun aux bassins et à la couverture de ses dépenses de fonctionnement.

« L'agence attribue des subventions et des avances remboursables aux personnes publiques et privées pour l'exécution de travaux d'intérêt commun au bassin ou au groupement de bassins directement effectués par elles, dans la mesure où ces travaux sont de nature à réduire les charges financières de l'agence. »

La comparaison de cette rédaction avec celle figurant dans le projet de loi suffit à saisir l'intérêt de la nouvelle rédaction. En effet, dépenses et ressources sont désormais définies dans deux articles distincts formant une sous-section nouvelle du code de l'environnement, distincte de la sous-section suivante relative aux redevances. Jusqu'à présent, aucune liste des ressources des agences ne figurait dans la loi, seul l'article 15 du décret n° 66-700 du 14 septembre 1966 relatif aux agences financières de bassin faisant cette énumération, en méconnaissance de la compétence législative en la matière : la liste des ressources d'une catégorie d'établissements publics fait partie des « règles constitutives » qui président à sa création, et comme telles, relèvent du domaine de l'article 34 de la Constitution. L'énumération qui est proposée est assez large pour ne plus devoir subir de modifications ultérieures : elle reprend en substance celle du décret de 1966 en y ajoutant une catégorie supplémentaire (« produits divers »).

Quant à la liste des dépenses, elle comprend plusieurs améliorations par rapport à la rédaction de l'article L. 213-6 actuel :

- elle mentionne d'emblée le programme pluriannuel d'intervention de l'agence comme fondement des subventions et avances attribuées par elle, conformément à la logique de rationalisation présente dans le projet de loi. L'inscription de ce critère dans la loi doit également permettre au juge de contrôler sa bonne application ;

- la mesure de la subvention ou de l'avance devient la propension des actions ou travaux « à éviter des dépenses futures ou à contribuer à leur maîtrise », et non plus « à réduire les charges financières de l'agence » : on évite ainsi que l'agence puisse se trouver entraînée dans des actions sortant de son champ d'intervention. Cette formulation s'inspire largement de la loi de 1964. Là encore, cette précision doit faciliter le contrôle ultérieur du juge ;

- est introduite une condition supplémentaire à l'octroi des subventions ou avances : celles-ci « ne sont définitivement acquises que sous réserve du respect des formalités requises au titre d'une police spéciale relative à l'eau ». Dans l'optique du contrôle juridictionnel, votre Rapporteur estime qu'il pourrait se révéler utile de préciser davantage la teneur de ces formalités et de mieux définir les modalités de leur respect ;

- la contribution financière des agences au budget de l'État est définie d'une manière plus précise dans ses motifs, et plus générale dans ses modalités : pour les motifs, il est renvoyé à l'article L. 213-5, et pour les modalités, rien n'est précisé, hormis une notion d'obligation induite par l'emploi de l'indicatif présent (« l'agence contribue financièrement »). Cette contribution revêt actuellement deux formes : le prélèvement sur recettes du Fonds national de solidarité pour l'eau (créé par l'article 58 de la loi de finances initiale pour 2000 au sein du compte d'affectation spéciale n° 902-00, repris par l'actuel article L. 213-8 du code de l'environnement), et un versement volontaire sous forme de fonds de concours pour des actions d'intérêt commun entre l'agence et l'État. Le prélèvement sur recettes représente 76,22 millions d'euros (500 millions de francs) par an, tandis que les crédits de fonds de concours sont désormais d'un montant relativement faible (ils financent essentiellement des réseaux de mesure quantitative ou qualitative de l'eau et certaines opérations ponctuelles - des démolitions de barrage par exemple). La formulation générale proposée permet de préserver cette diversité des contributions, même si la tendance générale est à la suppression des fonds de concours.

S'agissant des ressources financières des agences, le seul commentaire qui semble utile à votre Rapporteur a trait à l'affectation des redevances à leur budget. Il faut rappeler que l'institution d'impositions au profit d'établissements publics ou de personnes chargées d'une mission de service public a été admise par le Conseil constitutionnel (par exemple dans une décision 98-405 DC, Taxe d'aéroport), et qu'une loi de finances n'est pas nécessaire pour cela (décision 2000-439 DC, Archéologie préventive). Le Conseil a également admis, à l'occasion de la décision 99-422 DC relative à la taxe générale sur les activités polluantes, la compétence du pouvoir réglementaire pour la fixation d'un coefficient de modulation, dès lors que ce coefficient est encadré par la loi qui établit une fourchette de valeur et des critères de détermination dans des termes permettant au juge d'exercer son contrôle. Tel est le nouveau régime proposé et décrit ci-après.

L'étude d'impact précise que « Le Gouvernement [...] sera attentif, lors de l'élaboration des nouveaux programmes des agences, au maintien du niveau de recettes, de façon à maintenir leur capacité de financement ».

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La Commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article, sans modification.

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Chapitre IV

Redevances

Article 41

(Articles L. 213-8 à L. 213-41 du code de l'environnement)

Règles applicables aux différentes redevances
perçues par les agences de l'eau

Cet article s'ouvre sur une simple présentation, utile dans la mesure où elle correspond à l'esprit de rationalisation et de clarification qui sous-tend l'ensemble du projet de loi. Le I de cet article procède à une « renumérotation » du code de l'environnement, en attribuant aux articles L. 213-8 à L. 213-11 les numéros L. 213-38 à L. 213-41. L'article L. 213-12, devenu sans objet (cf l'article 7 du présent projet de loi), est quant à lui abrogé.

Le II crée une sous-section 4 nouvelle au sein de la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de l'environnement. Intitulée « Redevances », cette sous-section comprend un nouvel article L. 213-8, puis six paragraphes (comprenant les articles L. 213-9 à L. 213-37).

Le texte décrit, dans un nouvel article L. 213-8 du code de l'environnement, les principes généraux qui sont applicables aux nouvelles redevances.

Le premier alinéa de cet article dresse la liste des redevances, chacune d'elles faisant l'objet d'un des paragraphes nouveaux. Cet alinéa réaffirme également le principe selon lequel « l'agence de l'eau établit et perçoit sur les personnes publiques ou privées » ces redevances, lequel figure à l'article 14 de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution, article que le présent projet abroge à compter du 1er janvier 2003 (III de l'article 63).

Enfin, est mentionné dans cet alinéa le « principe pollueur-payeur » qui constitue l'un des axes majeurs de la réforme portée par le projet de loi, et le fondement essentiel du nouveau régime des redevances : tout usager, quel qu'il soit, est désormais censé payer, via les redevances, à proportion de la pollution qu'il occasionne. Plus précisément, selon les informations recueillies par votre Rapporteur, on peut parler d'un « principe du pollueur élargi », c'est-à-dire non pas le principe du pollueur énoncé à l'article L. 110-1 3° du code de l'environnement, lequel restreint le terme « pollution » aux seuls rejets d'eaux usées, mais une notion plus large, qui correspond à une logique de récupération des coûts telle que posée par la directive cadre et l'article 1er du présent projet de loi. Il s'agit d'internaliser tous les coûts pour l'environnement, ceux liés à la pollution comme ceux liés aux prélèvements d'eau et à la modification du régime des eaux.

Ce fondement essentiel du nouveau régime des redevances n'en est pas pour autant unique : la redevance pour réseau de collecte, ainsi qu'il est exposé infra, déroge à ce principe puisqu'elle est assise sur les volumes d'effluents rejetés dans les réseaux, abstraction faite du volume de pollution qu'ils contiennent.

Les trois autres alinéas exposent, dans leurs grandes lignes, les modalités de calcul desdites redevances (assiette et taux). La particularité commune à ces taux réside dans la possibilité qu'ils soient « affectés de coefficients de modulation géographique prenant notamment en compte les priorités énoncées dans les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux ». Par rapport au système existant qui se fonde en priorité, pour le calcul des redevances, sur les besoins de financement des agences, le nouveau dispositif présente l'intérêt de définir un zonage relevant de critères environnementaux (conformément au principe « pollueur-payeur »).

Le texte établit clairement les compétences en matière de fixation des taux ainsi que des éventuels coefficients de modulation et zones de modulation géographique : la compétence générale appartient au Parlement, soit directement (dans les cas où le code de l'environnement fixe lui-même les taux), soit indirectement (dans les cas où le code détermine des limites) ; les conseils d'administration des agences de l'eau, après avis conforme des comités de bassin, disposent d'une compétence résiduelle au sein des marges légalement définies. Les décisions qu'ils prennent dans ce cadre sont publiées au Journal officiel et tenues à la disposition du public au siège de l'agence, pour traduire le souci de transparence vis-à-vis des usagers que promeut le projet de loi.

PARAGRAPHE 1
REDEVANCES POUR POLLUTIONS DE L'EAU

Les redevances pour pollutions constituent la principale recette des agences : en 2000, toutes agences confondues, 1.291,1 millions d'euros (8.469,3 millions de francs) ont été perçus au titre de la taxation des pollutions de l'eau, coefficient de collecte inclus, soit les deux tiers des recettes propres des agences.

À la différence des autres redevances perçues par les agences de l'eau, leur régime est encadré par la loi. L'article 14-1 de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 prévoit en effet explicitement des redevances pour détérioration de la qualité de l'eau, perçues par les agences financières de bassin en fonction de la quantité de pollution produite. Le même article définit les règles générales de calcul de l'assiette de ces redevances, précisées par le décret n° 75-996 du 28 octobre 1975. Seul leur taux, défini par le conseil d'administration de l'agence, n'est encadré par aucune disposition législative ou réglementaire.

Le paragraphe 1 et fixe l'assiette des redevances de pollution et se substitue à l'article 14-1 précité et prévoit un dispositif d'encadrement des taux. Le recouvrement des redevances de pollution est régi par les dispositions du paragraphe 6 du présent article, communes à l'ensemble des redevances.

A.- LES RÈGLES D'ASSIETTE

Conformément au principe pollueur-payeur, l'assiette des redevances pour pollutions mesure la quantité de pollutions engendrées par le consommateur d'eau.

1.- Le dispositif actuel

Les pollueurs, raccordés ou non raccordés à un réseau collectif d'assainissement, sont taxés différemment selon l'usage qu'ils font de l'eau.

a) Usage domestique de l'eau

Pour la pollution produite par l'usage domestique de l'eau, le mode de calcul de l'assiette actuellement en vigueur conduit à appliquer une quantité forfaitaire de pollution à chaque mètre cube consommé par l'usager.

Si la pollution est engendrée par un usage domestique de l'eau, ou un usage assimilé à un usage domestique parce qu'inférieur à un seuil de consommation, une redevance de pollution est en effet facturée au consommateur, et une prime de dépollution est versée à la collectivité maître d'ouvrage du dispositif d'épuration.

L'assiette de la redevance est calculée pour chaque commune selon la méthode de l'équivalent habitant qui consiste à multiplier une quantité forfaitaire de pollution par habitant par une estimation du nombre de pollueurs. Ce dernier additionne le nombre d'habitants permanents et le nombre d'habitants saisonniers, pondéré par un coefficient saisonnier mesurant l'importance de la pollution apportée par l'accueil de la population saisonnière. Cette somme est à son tour pondérée par un coefficient d'agglomération destiné à prendre en compte les pollutions domestiques induites par l'activité urbaine (commerce, artisanat, services municipaux ...).

La redevance est recouvrée selon le système de la contrevaleur qui consiste à évaluer la pollution produite par les habitants d'une agglomération et à diviser cette évaluation par le nombre prévu de mètres cubes d'eau consommés. L'agence notifie aux exploitants des services publics de distribution de l'eau le montant de la contrevaleur de la redevance, exprimée en francs par mètre cube. Cette contrevaleur est facturée au consommateur par l'exploitant. Ce mécanisme est considéré, à juste titre, comme complexe et inéquitable. En évaluant la pollution produite par les habitants d'une agglomération et en divisant cette évaluation par le volume de la consommation d'eau, il taxe les abonnés « à l'aveugle » et rompt le principe pollueur-payeur.

En outre, le taux de la redevance pour pollution due par les abonnés ayant un usage domestique de l'eau est actuellement modulé par un coefficient de collecte qui n'est pas appliqué aux usagers non domestiques, même si ceux-ci utilisent le réseau d'assainissement. Ce coefficient a été mis en place au moment où les agences ont dû faire face à une augmentation des aides à la construction des réseaux de collecte. Il multiplie la redevance pour pollution par un facteur variant actuellement de 2 à 3 selon l'agence.

Au total, les usagers domestiques contribuent dans une proportion très supérieure à la pollution qu'ils provoquent. Ils paient en effet 84 % du produit total des redevances pour pollutions, alors qu'ils contribuent à 35 % de la pollution par matière organique et à 20 % de la pollution par l'azote, et qu'ils bénéficient, à travers les collectivités locales, de 70 % des aides versées par les agences.

La prime de dépollution est assise sur la quantité de pollution supprimée ou évitée par le dispositif d'épuration. Cette assiette est calculée soit forfaitairement en multipliant la capacité d'épuration par des coefficients tenant compte de la charge effective et du rendement du dispositif d'épuration, soit, à la demande de l'agence ou du bénéficiaire de la prime, individuellement par des mesures de débit et de concentration des éléments de pollution. Les primes de dépollution sont versées chaque année, au maître d'ouvrage du dispositif d'épuration ou à son mandataire, et sont portées en recettes du budget d'assainissement de la collectivité concernée. Cette dernière en affecte librement le produit, notamment à la réalisation de travaux, sans être contrainte de le répercuter sur le prix de la redevance d'assainissement qu'elle facture aux abonnés.

Ce mécanisme a été critiqué, notamment en 1996 par la Cour des comptes dans son rapport sur les agences de bassin. Il aboutit à mettre le coût de la pollution à la charge de l'usager, sans garantir que celui-ci bénéficie, par une baisse de sa facture d'eau, des primes liées au dispositif de dépollution que, pourtant, il finance.

b) Usage non domestique de l'eau

Les règles actuellement applicables à un usage non domestique de l'eau aboutissent à asseoir la redevance soit sur la pollution effectivement mesurée, soit sur une pollution évaluée par le biais de coefficients techniques spécifiques à chaque activité polluante.

Les abonnés qui polluent l'eau par un usage non domestique sont taxés, non plus de manière uniforme, mais en fonction de la pollution qu'ils engendrent. En retour, s'ils ont mis en place leur propre dispositif d'épuration, ils perçoivent directement une prime de dépollution.

La redevance est assise sur la quantité de pollution produite calculée soit forfaitairement en multipliant, pour chaque élément de pollution, une grandeur caractéristique d'activité polluante par un coefficient spécifique de pollution, soit, à la demande de l'agence ou du redevable, au réel, en utilisant des coefficients spécifiques mesurant la pollution effective. La redevance est directement payée par le pollueur à l'agence. Les grandeurs caractéristiques et les coefficients spécifiques sont déterminés dans un tableau d'estimation forfaitaire, fixé par arrêté du ministre chargé de l'environnement.

La prime est assise sur la quantité de pollution que le dispositif d'épuration supprime ou évite. Elle est calculée forfaitairement en multipliant les quantités de pollution servant de base à l'assiette des redevances afférentes aux eaux épurées par des coefficients de prime, fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement, tenant compte de la capacité et du rendement du dispositif d'épuration. Toutefois, à la demande de l'agence, du redevable ou du bénéficiaire de la prime, l'assiette est calculée à partir de coefficients particuliers déterminés par des mesures de la pollution réellement évitée ou supprimée. La prime est versée par l'agence au responsable du dispositif de dépollution. Si ce dernier doit par ailleurs verser une redevance, il ne paie ou ne reçoit que la différence, sous réserve de l'application de seuils de non recouvrement ou de non versement.

Le tableau d'estimation forfaitaire actuellement en vigueur ne vise que les activités provoquant des pollutions ponctuelles, à l'exclusion des pollutions diffuses, difficiles à mesurer forfaitairement. L'évaluation des pollutions diffuses par mesure spécifique effectuée par les agences de l'eau reste une modalité théorique de calcul de l'assiette, en pratique non appliquée. En conséquence, au sein des activités agricoles, seules les activités d'élevage et d'aquaculture font l'objet d'une mesure de pollution rentrant dans l'assiette de la redevance (10). En outre, les activités d'élevage sont exonérées de la redevance lorsque l'exploitation n'est pas soumise à la législation sur les établissements classés pour la protection de l'environnement (11). D'autre part, l'assujettissement des éleveurs à la redevance pour pollutions s'est accompagné, en 1993, de la négociation d'un programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) qui prévoit une prise en charge par la collectivité d'une partie du coût des installations de dépollution (12). Celles-ci ouvrent droit à une prime qui vient minorer la redevance due, dont le montant peut ainsi rester en dessous du seuil de non recouvrement (13).

Au total, les règles actuelles de calcul de l'assiette des redevances pour pollutions faussent l'application du principe pollueur-payeur. Si la participation des industriels est généralement considérée comme proportionnelle à la pollution qu'ils provoquent, celle des entreprises agricoles reste très faible. Celles-ci supportent en effet moins de 0,1 % du poids total de la redevance, alors qu'elles sont à l'origine d'un tiers de la pollution par matières organiques et de près des trois quarts de la pollution due à l'azote, et qu'elles reçoivent environ 15 % des aides des agences.

2.- Le dispositif proposé

Le projet de loi apporte plusieurs modifications aux principes généraux qui régissent le calcul de l'assiette des redevances pour pollutions.

Les éléments microbiologiques constitutifs de la pollution ne figurent plus dans l'assiette des redevances. Bien que prévus par les textes réglementaires actuellement en vigueur, ces éléments, très difficiles à mesurer, n'ont, en fait, jamais été pris en compte. 

En revanche, l'assiette est élargie à la quantité de chaleur afin de mesurer les effets des rejets de chaleur sur les milieux aquatiques. Le réchauffement de l'eau est en effet considéré comme augmentant l'impact d'autres pollutions. Les entreprises qui, à la différence d'EDF, ne sont pas dotées d'installations réfrigérantes contribueront donc davantage.

Par ailleurs, les redevances sont assises sur la pollution annuelle rejetée et non plus sur celle du jour normal du mois d'activité maximale, de manière à ne pas pénaliser les secteurs soumis à de fortes variations saisonnières d'activité.

Enfin, le projet de loi introduit une distinction, non prévue par la loi du 16 décembre 1964 précitée, entre l'eau relevant de l'assainissement collectif et celle n'en relevant pas, et met en place un régime d'imposition comportant deux catégories de redevances, dont l'organisation est résumée dans le tableau reproduit page suivante.

Schéma

a) Les redevances pour pollutions de l'eau relevant de l'assainissement collectif

En introduisant dans le code de l'environnement les articles L.213-11 à L.213-14, le présent article met en place un même régime de redevances pour les pollutions produites ou rejetées dans un réseau d'assainissement collectif, qu'elles découlent d'un usage domestique ou non domestique de l'eau.

Ces redevances sont à la charge de la collectivité ou de l'établissement public responsable de la collecte des pollutions. Leur assiette est égale à la pollution nette annuelle rejetée dans le milieu naturel déterminée par différence entre :

- d'une part, la somme de la pollution domestique et assimilée produite dans les zones d'assainissement collectif (c'est-à-dire la pollution engendrée par les usagers domestiques - à savoir, soit seuls les habitants de la zone d'assainissement si celle-ci a été délimitée, soit, dans le cas contraire, l'ensemble des habitants de la commune -, que l'eau soit déversée dans le réseau de collecte ou dans le milieu naturel) et de la pollution non domestique déversée dans le réseau collectif (c'est-à-dire la pollution apportée par l'usage professionnel de l'eau et récupérée par le réseau d'assainissement, à l'exception de celle rejetée dans le milieu naturel) ;

- d'autre part, la pollution supprimée par le dispositif de dépollution.

La pollution est déterminée de la manière suivante :

· la pollution produite ou déversée est mesurée selon des règles inspirées du dispositif actuellement en vigueur :

- la pollution domestique est calculée forfaitairement par application de la méthode de l'équivalent habitant présentée plus haut ;

- la pollution non domestique est égale à la somme des pollutions non domestiques déversées dans le réseau collectif par chacun des établissements raccordés. Chaque déversement est calculé soit directement par application du dispositif actuel de mesure réelle, soit, à défaut, indirectement par recours au tableau d'estimation forfaitaire actuellement utilisé, fixant, par arrêté du ministre chargé de l'environnement, des grandeurs caractéristiques d'activité polluante et des coefficients spécifiques  de pollution. Ces mesures s'effectuent à partir des éléments déclarés à l'agence par la collectivité redevable, à partir des informations qui lui ont été fournies par chaque établissement raccordé ;

· la pollution supprimée est déterminée à partir des éléments suivis par la collectivité redevable ou, pour son compte, par l'exploitant du dispositif de dépollution, permettant de prouver le fonctionnement de celui-ci et d'en mesurer les effets. A défaut de suivi, la pollution supprimée est réputée nulle.

L'ensemble des règles qui viennent d'être décrites vise trois objectifs :

- une incitation à l'assainissement

Actuellement payée par l'abonné, la redevance est désormais supportée par le service public ayant en charge l'organisation de l'assainissement. Elle est facturée par l'agence au responsable de la dépollution (la commune ou le groupement de communes) et non plus aux pollueurs (les habitants et les établissements raccordés), à charge pour le premier d'en répercuter le coût sur les seconds. Directement redevables, les services communaux ou intercommunaux qui ont la maîtrise des dispositifs d'épuration seront ainsi incités à diminuer le montant net de la redevance en rendant l'assainissement plus performant.

Le paiement de la redevance par le responsable de la collecte des pollutions met fin au système de la contrevaleur. La commune ou le groupement de communes sera donc en mesure de répercuter sur les consommateurs la diminution du montant du coût net de la redevance, induite par la généralisation et l'amélioration des installations d'épuration.

En outre, les nouvelles règles de mesure de la pollution domestique devraient inciter les communes à délimiter leurs zones d'assainissement collectif et à contrôler les installations d'assainissement non collectif. Actuellement, la pollution domestique est mesurée en tenant compte de la totalité des habitants de l'agglomération. Le projet de loi donne la possibilité aux communes qui ont délimité leur zones d'assainissement collectif de calculer leur redevance sur la base des seuls habitants desservis en assainissement collectif. Toutefois, à compter du 31 décembre 2005, pour pouvoir bénéficier de cette réduction de base, la collectivité devra remplir la mission de contrôle des installations d'assainissement non collectif que l'article L.2224-8 du code général des collectivités locales leur confie.

- une meilleure répartition entre les communes

Le projet de loi maintient des seuils de non recouvrement - seuils en-dessous desquels la redevance n'est pas due -, dont les montants sont fixés par le II de l'article L.213-10. Correspondant à une pollution produite par 200 « équivalents-habitants », ces seuils bénéficient à tous les redevables, qu'ils relèvent ou non de l'assainissement collectif. Toutefois, le V de l'article 213-11 précise que, pour les pollutions relevant de l'assainissement collectif, ces seuils s'appliquent par unité d'assainissement. Pour chaque élément polluant, un seul seuil d'exigibilité s'imposera à toutes les communes situées dans une unité d'assainissement donnée, c'est-à-dire dans un même « ensemble de zones d'assainissement collectif desservies par un système de réseaux qui sont soit placés sous la responsabilité d'une seule collectivité ou d'un seul établissement public, soit interconnectés » (5° de l'article L.213-10).

Cette disposition interdit de moduler, au sein d'une même unité d'assainissement, l'exonération de la redevance en fonction de la taille de la commune. Elle supprime notamment l'exonération dont bénéficient actuellement, en application de l'article 12 du décret du 28 octobre 1975 précité, les habitants des communes dont la quantité de pollution domestique est inférieure à 400 « équivalents-habitants ». Cette exonération peut en effet aboutir à des situations inéquitables : au sein d'un même syndicat de distribution d'eau, une commune limitrophe d'une commune assujettie peut être exonérée de la redevance, alors que ces deux collectivités bénéficient des mêmes services.

En outre, le projet de loi supprime la possibilité d'appliquer un coefficient d'agglomération inférieur à 1. Comme on l'a vu plus haut, le coefficient d'agglomération s'applique au nombre d'habitants afin de prendre en compte les pollutions assimilées aux pollutions domestiques, c'est-à-dire celles induites par les activités urbaines, et notamment les commerces, l'artisanat et les services publics. Il est actuellement fixé par arrêté et varie entre 0,5 et 1,4 selon l'importance de l'agglomération, les communes de moins de 2.000 habitants bénéficiant d'un coefficient inférieur à 1 qui permet de minorer la redevance due par leurs habitants. Cette minoration est supprimée par le IV de l'article L.213-12 qui prévoit un coefficient fixé par arrêté dans une fourchette allant de 1 à 1,4 selon l'importance de l'unité d'assainissement (14). L'accroissement de redevance ainsi imposé aux petites communes sera cependant atténué, à condition que celles-ci aient délimité leur zone d'assainissement collectif, par la possibilité d'asseoir la redevance sur le nombre d'habitants raccordés au réseau d'assainissement, et non plus sur la population totale.

- une plus grande équité dans la répartition de la redevance entre les consommateurs

Le projet de loi globalise la prise en charge de la pollution rejetée dans le réseau d'assainissement, indépendamment de la nature de l'usage de l'eau. La collectivité responsable de la collecte des eaux usées prend à sa charge, à la fois, la pollution produite par les usagers domestiques de la zone d'assainissement, et celle rejetée dans le réseau collectif par les professionnels raccordés.

Cette globalisation permet de ne faire supporter la redevance qu'aux seuls bénéficiaires du service d'assainissement. Lorsque la commune a délimité sa zone d'assainissement collectif, les abonnés au service de distribution d'eau habitant en dehors de cette zone n'en supportent plus le coût.

La répartition de la redevance, au sein des abonnés relevant du service d'assainissement, entre les particuliers et les professionnels dépendra de la manière dont les communes en répercuteront le coût. La redevance pour pollutions sera portée en dépense du service d'assainissement qui équilibrera son budget en facturant aux abonnés une redevance d'assainissement plus élevée. Afin de maintenir le principe pollueur-payeur, cette augmentation devra être répartie entre les abonnés en fonction de la quantité de pollution produite ou déversée dans le réseau. A cette fin, le service d'assainissement établira le prix de l'assainissement, exprimé par mètre cube d'eau, en fonction des éléments forfaitaires ou déclaratifs à partir desquels l'agence de l'eau a calculé la redevance pour pollutions. Ce dispositif a pour effet de mettre à la charge des collectivités responsables de la collecte l'exécution de formalités qu'elles n'assurent actuellement pas, et qui nécessiteront l'aide des agences de l'eau et des services de l'État.

b) Les redevances pour pollution de l'eau ne relevant pas de l'assainissement collectif

Le projet de loi insère dans le code de l'environnement un article L.213-15 qui crée une deuxième catégorie de redevances visant à taxer la pollution de l'eau rejetée dans le milieu naturel soit directement, soit après avoir transité par un dispositif de dépollution autonome.

Ces redevances sont directement dues par le pollueur, c'est-à-dire par « toute personne dont les activités entraînent le rejet dans le milieu naturel de pollutions ». Cette définition recouvre l'usage non domestique de l'eau par :

- tous les établissements non raccordés à un réseau d'assainissement collectif ;

- les établissements raccordés à un réseau d'assainissement collectif , mais uniquement pour la pollution qu'ils provoquent en rejetant l'eau dans le milieu naturel, la pollution qu'ils rejettent dans le réseau collectif étant prise en charge par la collectivité responsable de la collecte.

La redevance pour pollutions de l'eau ne relevant pas de l'assainissement collectif ne concerne pas les particuliers. Les pollutions produites par les usagers domestiques, lorsqu'ils habitent une commune n'ayant pas délimité sa zone d'assainissement, ou, dans le cas contraire, lorsqu'ils sont raccordés ou raccordables au réseau d'une zone d'assainissement délimitée, entrent en effet dans l'assiette de la redevance directement payée par la collectivité. Reste le cas des usagers domestiques non raccordés et non raccordables à une zone d'assainissement délimitée. Les pollutions de cette catégorie d'usagers, prises en charge par un dispositif d'épuration autonome, n'entrent pas dans l'assiette de la redevance relevant de l'assainissement collectif et seront, en tout état de cause, inférieures aux seuils d'exigibilité fixés, par le II de l'article L.213-10, par référence à la pollution induite par 200 « équivalent-habitants ». Elles ne sont donc pas taxées.

Afin d'éviter une double imposition, les pollutions engendrées par l'azote, réduit ou oxydé, utilisé par l'activité agricole, à l'exclusion des activités de pisciculture, ne rentrent pas dans l'assiette des redevances de pollution. Elles font en effet l'objet d'une redevance spécifique prévue au paragraphe 3 du présent article.

L'assiette des redevances pour pollutions de l'eau ne relevant pas de l'assainissement collectif est déterminée, pour chaque établissement pollueur, soit au réel (détermination directe), soit forfaitairement (détermination indirecte) :

· la détermination directe est effectuée, à la demande du redevable, par un dispositif d'automesure agréé par l'agence ;

· la détermination indirecte consiste à asseoir la redevance sur la différence entre la pollution brute provoquée par l'établissement et la pollution supprimée par le dispositif de dépollution autonome qu'il a mis en place :

- la pollution brute est déterminée selon les mêmes règles que la pollution non domestique de l'eau relevant de l'assainissement collectif : elle est calculée forfaitairement en multipliant des grandeurs caractéristiques d'activité polluante par des coefficients de pollution spécifique, l'agence pouvant toutefois, à son initiative ou à la demande du redevable, effectuer une mesure spécifique de la pollution engendrée par l'activité de l'établissement ;

- la pollution supprimée est, comme celle qui est éliminée par l'assainissement collectif, déterminée à partir des éléments suivis par le redevable ou, pour son compte, par l'exploitant du dispositif d'épuration, permettant de prouver le fonctionnement de celui-ci et d'en mesurer les effets. A défaut de suivi, la pollution supprimée est réputée nulle.

Le recours à la détermination indirecte peut aboutir à taxer deux fois un même établissement qui, pour une même activité, déverse ses pollutions à la fois dans le réseau collectif et dans le milieu naturel. Faute de mesure réelle de la pollution, l'assiette sera calculée en fonction des quantités prévues par le tableau d'estimation forfaitaire qui s'appliquera deux fois, la première pour le calcul de la redevance des pollutions relevant de l'assainissement collectif, la seconde pour le calcul des pollutions n'en relevant pas. Dans ce cas de figure, afin d'éviter une double imposition, il appartiendra aux agences de l'eau d'exclure de l'assiette de la redevance facturée à l'établissement au titre des pollutions qu'il déverse dans le milieu naturel, les activités qui, par ailleurs, entrent dans l'assiette de la redevance facturée à la collectivité responsable de l'assainissement collectif.

Ces nouvelles règles d'assiette reposent sur trois objectifs :

- inciter les établissements à déterminer directement leurs pollutions : la détermination de l'assiette par automesure est la règle, le calcul par grandeurs et coefficients forfaitaires étant réalisé par défaut ;

- inciter les établissements à mettre en _uvre un suivi de leurs rejets, à défaut duquel leur dispositif de dépollution ne sera pas pris en compte dans le calcul de leur assiette ;

- simplifier le dispositif : le système actuel des primes est remplacé par le passage d'une assiette brute mesurant la pollution à une assiette nette prenant en compte l'effet du dispositif de dépollution.

D'après les estimations réalisées par le ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, la répartition, entre les différentes catégories d'usagers, du coût total des redevances pour pollutions (hors redevance pour excédents d'azote) ne devrait pas être bouleversée.

RÉPARTITION DU COÛT DES REDEVANCES POUR POLLUTIONS

(en millions d'euros)

 

VIIème programmes

VIIIème programmes

Usagers domestiques

1.577,85 (1)

2.088,55 (2)

Industries raccordées au réseau d'assainissement collectif

312,52

221,05 (2)

Industries non raccordées au réseau d'assainissement collectif

463,45

472,59

Thermique

-

76,22

Activités agricoles

1,52

n.c. (3)

(320,14 en tenant compte
de la redevance
pour excédents d'azote)

(1) Hors coefficient de collecte

(2) Hors redevances pour réseau de collecte

(3) n.c. : non communiqué

Source : ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement

L'impact du nouveau dispositif dépendra en fait du sort qui sera réservé aux exonérations actuellement en vigueur.

Les modalités de calcul forfaitaire ne devraient pas être modifiées. Notamment, le tableau d'estimation forfaitaire prévu au III de l'article L.213-15 devrait, comme actuellement, se limiter aux pollutions ponctuelles, à l'exclusion des pollutions diffuses, afin d'exclure de l'assiette les pollutions provoquées par les cultures utilisant des engrais, désormais couvertes par la redevance pour excédents d'azote créée par le paragraphe 3 du présent article.

En revanche, le maintien de règles particulières applicables aux élevages soulève une difficulté juridique. Le régime actuel des redevances pour pollutions non domestiques s'apparente à un régime de taxation optionnel, au demeurant peu compatible avec le principe d'égalité devant l'impôt : il repose sur le 2° de l'article 14-1 de la loi du 16 décembre 1964 précitée qui prévoit que les abonnés peuvent être soumis à redevance, et laisse au pouvoir réglementaire le soin de définir le domaine d'application de cette option. Conformément au principe d'égalité devant l'impôt, le projet de loi ne peut que mettre en place une taxation automatique : l'article L.213-15 soumet à redevance toute personne dont les activités entraînent le rejet de pollutions dans le milieu naturel, et ne prévoit qu'une seule exception (les activités soumises à la redevance spécifique pour excédents d'azote), sans retenir de critères permettant d'établir une distinction entre les activités ou les pollutions taxables. On voit mal sur quel fondement les activités d'élevage pourraient toujours bénéficier d'exonérations spécifiques.

B.- L'ENCADREMENT DES TAUX

Les taux des redevances pour pollutions sont actuellement fixés librement par les agences en fonction de leurs dépenses. En insérant un article L.213-16 dans le code de l'environnement, le projet de loi prévoit de les encadrer.

Cet encadrement a pour effet de supprimer les coefficients de collecte actuellement en vigueur. S'il maintient la modulation géographique des taux actuellement prévue par l'article 1er du décret du 28 octobre 1975 précité, le projet de loi supprime en effet la modulation par un coefficient de collecte, prévue par le même article. Les agences de l'eau n'auront donc plus la possibilité d'appliquer aux taux des redevances pour pollutions le coefficient qu'elles appliquent actuellement pour financer les travaux d'amélioration des réseaux de collecte. Afin de compenser la perte de recette induite par la disparition de ce coefficient, le projet de loi crée une redevance de collecte spécifique (cf. infra paragraphe 2 du présent article).

1.- Les règles de droit commun

A l'exception de la chaleur et des sels dissous pour lesquels des règles spécifiques s'appliquent, le taux de la redevance est égal, pour chaque élément constitutif de la pollution, au produit d'un taux de base par un coefficient de modulation géographique.

a) Le taux de base

Le taux de base est fixé par l'agence par rapport à un taux de référence : pour chaque élément constitutif de la pollution, l'agence fixe le taux de base en fonction des priorités et des besoins de financement de son programme, dans une limite de plus ou moins 20 % du taux de référence définis par le II de l'article L.213-16.

b) Le coefficient de modulation géographique

L'agence garde la possibilité de moduler le taux en fonction de la zone de pollution, en appliquant au taux de base un coefficient de modulation géographique.

Pour la plupart des éléments constitutifs des pollutions, ce coefficient est encadré entre un plafond et un plancher, fixés par catégorie de zones géographiques (III de l'article L.213-16). Le projet de loi retient trois catégories de zones. Il prévoit qu'un décret en Conseil d'État classera les éléments constitutifs de la pollution entre ces trois catégories en fonction de trois critères :

· le degré de nocivité de l'élément ;

· l'état de qualité des eaux superficielles, leur sensibilité au risque d'eutrophisation et, pour les unités hydrographiques littorales, de leur densité de pollution anthropique ;

· des risques d'infiltration ou d'écoulement des polluants dans les eaux souterraines, les lacs et les étangs.

Le projet de loi incite à la modulation géographique en imposant que le taux applicable dans une catégorie soit supérieur de 20 % au taux applicable dans la catégorie immédiatement inférieure.

En revanche, pour deux types de pollution, le projet de loi prive les agences de la possibilité de choisir l'ampleur de la modulation géographique. Le V de l'article L.213-16 impose en effet des coefficients de modulation géographique pour :

· les rejets en mer de matières en suspension effectués au-delà de 5 kilomètres du littoral et à plus de 250 mètres de profondeur ;

· les rejets dans les nappes d'eau souterraine de métaux ou métalloïdes et de matières inhibitrices à toxicité aiguë ou chronique.

2.- Les règles applicables aux pollutions dues à la chaleur et au sels dissous

Le VI de l'article L.213-16 prévoit un régime dérogatoire pour les taux applicables aux quantités de chaleur et de sels dissous introduites dans l'eau. Pour ces deux éléments de pollution, l'agence établit un taux entre un plancher et un plafond, fixés par la loi, sans possibilité de modulation géographique.

Les règles de calcul des taux prévus par le projet de loi sont de nature à modifier sensiblement la répartition du poids des redevances pour pollutions.

L'introduction d'un encadrement législatif vise à assurer une convergence entre les six bassins actuels. L'identification de critères permet, par ailleurs, une unification des possibilités de modulation géographique.

En outre, le projet met en place une modulation définie en fonction de critères environnementaux, au détriment des critères économiques actuellement utilisés. Fixés en fonction de l'état des milieux, les taux ont vocation à avoir un impact sur l'environnement, alors qu'ils sont actuellement modulés en fonction des montants des travaux nécessaires à la zone concernée. De plus, le montant global des redevances est contraint par la qualité des milieux récepteurs et par leur sensibilité à la pollution. Certains redevables situés dans des milieux fortement altérés, actuellement assujettis aux taux les plus faibles, pourraient se voir appliqués les taux les plus élevés.

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La commission a adopté un amendement (n° 90) présenté par votre Rapporteur reportant de deux années l'entrée en vigueur de ces redevances.

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PARAGRAPHE 2
REDEVANCE POUR RÉSEAU DE COLLECTE

L'article L. 213-17 (nouveau) du code de l'environnement institue une redevance pour réseau de collecte destinée à remplacer l'actuel coefficient de collecte, foncièrement inéquitable, et appelée à n'être que transitoire, le temps de la montée en charge du nouveau régime de redevances fondé sur le principe pollueur-payeur. En effet, cette redevance déroge audit principe, sans toutefois être dépourvue de tout impact positif sur l'environnement.

A.- LA NÉCESSAIRE SUPPRESSION DU COEFFICIENT DE COLLECTE

Le coefficient de collecte a été introduit en 1982 (IVèmes programmes) dans l'article 1er du décret n° 75-996 du 28 octobre 1975 portant application des dispositions de l'article 14-1 de la loi du 16 décembre 1964, pour permettre aux agences de soutenir financièrement les collectivités locales soumises aux échéances de la directive communautaire « eaux résiduaires urbaines », et mises dans l'obligation d'étendre et d'améliorer leurs réseaux d'assainissement. Votre Rapporteur rappelle que les échéances fixées par la directive sont les suivantes :

- 31 décembre 1998 : mise en conformité de l'épuration dans toutes les agglomérations comprenant plus de 10.000 « équivalents-habitants » dans les premières zones sensibles désignées par la France (Vilaine, Loire) ;

- 31 décembre 2000 : seuil des 15.000 « équivalents-habitants » en zone normale ;

- 31 décembre 2006 : seuil des 10.000 « équivalents-habitants » pour les nouvelles zones sensibles (Rance, Cher, Indre).

Les taux de conformité des réseaux varient selon les types d'échéance, les bassins et les zones ; ils sont parfois nettement insuffisants, mais l'auraient été davantage sans l'introduction du coefficient de collecte. En outre, de nombreuses actions sont en cours dans ce domaine, d'où l'intérêt de conserver une contribution spécifique pour compenser la suppression du coefficient de collecte, et permettre la poursuite des travaux de mise en conformité (suppression des rejets directs d'eaux usées dans le milieu naturel, amélioration du fonctionnement des réseaux existants, mise en _uvre de traitements adaptés pour les rejets en période pluvieuse, dans le cas où des réseaux unitaires collectent à la fois les eaux usées et les eaux pluviales).

Mais c'est bien la suppression du coefficient de collecte qui est première dans le raisonnement ayant présidé à la refonte du système des redevances, tant ce coefficient dénature la redevance dite de pollution, et tant son application est inégalitaire. Selon les bassins, les recettes tirées de l'application de ce coefficient représentent actuellement 100 à 200 % (correspondant à des valeurs du coefficient variant entre 2 et 3) du montant de la redevance de pollution perçue auprès des usagers domestiques, soit environ 0,69 milliard d'euros par an (4,5 milliards de francs) à l'échelle nationale. À titre de comparaison, le produit total de la redevance de pollution perçue auprès des collectivités locales a été de 1,15 milliard d'euros (7,54 milliards de francs) en 2000(15), et l'on estime à 0,87 milliard d'euros par an (5,7 milliards de francs) la part qui reste à la charge des usagers domestiques(16).

L'inégalité de traitement est flagrante entre ces derniers et les industriels raccordés aux mêmes réseaux, puisque le choix a été fait de n'appliquer le coefficient qu'aux usagers domestiques. Ainsi, alors que les industriels raccordés paient 76,2 millions d'euros par an (0,5 milliard de francs) au titre de la redevance pollution, ils paieraient le double s'ils étaient assujettis au coefficient.

S'y ajoute une inégalité géographique entre les usagers des différents bassins, difficilement compatible avec la notion de service public de l'eau promue par le présent projet. Le tableau ci-après dresse la liste des différents coefficients de collecte en vigueur en 2001 :

COEFFICIENTS DE COLLECTE EN VIGUEUR EN 2001 PAR BASSIN HYDROGRAPHIQUE

Adour-Garonne

2

Artois-Picardie

2,19

Loire-Bretagne

3 (ou 1,5 si population municipale < 10.000 équivalents habitants)

Rhin-Meuse

2,8

Rhône-Méditerranée-Corse

2,5

Seine-Normandie

2,8

Source : annexe « jaune » relative aux agences de l'eau, annexée au projet de loi de finances pour 2002.

La nouvelle redevance pour collecte prévoit au contraire une convergence des taux à l'échelle nationale.

Enfin, selon une étude de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la facture d'eau pour l'usager domestique se décomposait comme suit en 1999 :

 

(en  %)

Redevance pollution

15

Collecte et traitement des eaux usées

31

Redevance préservation des ressources

2

Distribution d'eau

42

FNDAE + VNF + TVA

10

Selon la même étude, l'évolution entre 1994 et 1999 de la composante « collecte et traitement des eaux usées » a été de + 22,4 %.

La suppression de ce mécanisme est donc primordiale, fût-ce au prix de quelques aménagements avec certains éléments cardinaux du projet de loi.

B.- UNE DÉROGATION AU PRINCIPE POLLUEUR-PAYEUR

À la différence des autres redevances, lesquelles traduisent directement le principe pollueur-payeur, et même une version « élargie » de celui-ci, la redevance pour réseau de collecte y déroge expressément, en ce qu'elle est assise sur les volumes d'effluents rejetés dans les réseaux d'assainissement et non sur la quantité de pollution qu'ils contiennent.

S'il est logique d'adopter ce système puisque le débit des rejets conditionne directement la taille, donc le coût des réseaux, il faut noter que cette option est favorable aux industriels raccordés dont les pollutions sont plus concentrées que celles des particuliers. Cela étant, les taux applicables aux usagers domestiques d'une part, et aux industriels raccordés d'autre part, sont bien distincts. En outre, le mécanisme proposé comporte quatre avantages par rapport au mécanisme du coefficient :

- une meilleure équité des contributions puisque l'assiette de la redevance est élargie à l'ensemble des usagers raccordés, domestiques ou non ;

- un gain de transparence lié à la séparation entre redevances pour pollutions et redevance pour réseau de collecte ;

- une incitation directe aux économies d'eau ;

- un suivi facilité des pollutions industrielles rejetées dans les réseaux.

La redevance proposée est constituée de deux volets : une redevance pour réseau de collecte des pollutions domestiques et assimilées, et une pour les pollutions non domestiques (causées par les industriels raccordés), assises sur les volumes annuels d'effluents rejetés. Pour les pollutions domestiques, le volume est celui qui est pris en compte pour le calcul de la redevance d'assainissement visée à l'article L. 2224-12-2 du code général des collectivités territoriales (introduit par l'article 31 du présent projet de loi) ; pour les pollutions non domestiques, il s'agit des volumes déversés dans les réseaux et déclarés par les industriels raccordés.

Les taux sont définis, par agence et pour chacune des deux catégories d'usagers, selon le mécanisme général adopté pour les quatre autres redevances : la loi fixe un taux de référence (par exemple 0,23 euro par m3 en 2005 pour les pollutions domestiques), une amplitude maximale de variation par rapport à ce taux (par exemple ± 30 % en 2005), et l'évolution de ces deux données par année pour les VIIIèmes programmes. Dans ces limites et en fonction des priorités de leurs programmes, les agences fixent les taux applicables. S'agissant de la redevance pour réseau de collecte, les graphiques correspondant aux tableaux contenus dans le projet de loi sont les suivants :

graphique

graphique

Source : ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement.

Le produit global attendu, selon les informations recueillies par votre Rapporteur, s'élève à 0,68 milliard d'euros (4,45 milliards de francs par an) pour les usagers domestiques, et à un peu moins de 38,1 millions d'euros (250 millions de francs par an) pour les industries raccordées, soit une recette globale de 4,28 milliards d'euros (28,1 milliards de francs) pour les six années des VIIIèmes programmes. Les usagers domestiques bénéficieront donc d'un léger rééquilibrage.

Le calcul des fourchettes de taux poursuit les objectifs suivants : réduire progressivement les écarts actuels entre usagers domestiques et non domestiques, permettre une égalité des taux entre ces deux catégories à une échéance comprise entre six et huit ans selon les bassins, et maintenir le montant global des recettes tirées des redevances à un niveau constant. La convergence recherchée n'est en fait qu'un prélude à la suppression de la redevance.

C.- UNE REDEVANCE CONÇUE POUR ÊTRE TRANSITOIRE

La redevance de collecte augmentera progressivement pour les industriels raccordés, alors qu'elle se réduira pour les particuliers jusqu'à un équilibre escompté à la fin des VIIIèmes programmes. La convergence des taux « industries » et « usagers domestiques » pourrait être réalisée dès 2008 pour les bassins dont les coefficients de collecte sont actuellement les plus faibles. Pour les autres bassins, la convergence des taux serait assurée en 2010, selon l'étude d'impact du projet de loi. En d'autres termes, la redevance doit atteindre une valeur représentant 80 % de la redevance de pollution, ce qui correspondrait à un coefficient de collecte de 1,8. En fin des IXèmes programmes, elle doit être équivalente à un coefficient de collecte de 1 - ce qui revient à la supprimer -, car parallèlement à son évolution, les taux des redevances pour pollutions augmenteront.

À cette échéance, les dépenses pour établissement des réseaux d'égouts et pour mise en conformité des réseaux auront en principe été effectuées, et par conséquent le retard dans ce domaine sera résorbé ; les besoins de financement liés à ces travaux diminueront donc, le renouvellement des installations étant à financer par amortissement des ouvrages, conformément à l'instruction budgétaire et comptable M 49. S'agissant des modalités de financement d'extensions des réseaux qui se révéleraient nécessaires après l'extinction de la redevance pour réseau de collecte, sous l'effet de l'urbanisation, de la croissance démographique ou du raccordement de nouvelles industries, le produit des autres redevances y pourvoira (la redevance d'assainissement en particulier), et les autres sources de financement seront sollicitées (les subventions en particulier, notamment en provenance des départements), à l'instar de la pratique actuelle.

Cependant, de telles extensions n'auront peut-être pas lieu dans de grandes proportions, car la logique du « tout réseau » a montré ses limites, notamment en termes d'efficience. Toute l'action des agences a été guidée, jusqu'à présent, par une logique curative non maîtrisée ; les coûts auraient certainement pu être réduits en donnant plus d'importance à l'assainissement individuel, et en proportionnant les aides à la performance des systèmes mis en place. Apparaît donc un élément supplémentaire qui plaide en faveur de l'instauration de la redevance de collecte : l'absence actuelle de contribution des industriels aux dépenses engagées par les agences pour la construction et la réhabilitation des réseaux a conduit ces industriels à privilégier la solution du raccordement, au détriment d'un traitement autonome de leurs effluents ; celui-ci, pourtant, est souvent plus efficient et plus fiable (grâce à l'emploi de techniques adaptées et à l'absence de dilution des effluents industriels dans ceux de la collectivité). L'instauration d'une contribution pour les industriels raccordés aura donc sur eux un effet désincitatif au raccordement. En définitive, il faut souhaiter une maîtrise des coûts des réseaux, afin de maîtriser également le montant de la redevance de collecte qui permet de les financer, au bénéfice des consommateurs comme des industriels raccordés.

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Elle a ensuite adopté deux amendements (nos 91 et 92) présentés par votre Rapporteur, de coordination avec le report de l'entrée en vigueur des redevances.

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PARAGRAPHE 3
REDEVANCE POUR EXCÉDENTS D'AZOTE

Ce dispositif représente l'une des principales innovations du texte : cette nouvelle redevance serait perçue sur les excédents azotés des exploitations agricoles, calculés à partir d'un bilan retraçant la différence entre les quantités (précises ou estimées par équivalence unitaire) de nitrates entrant et sortant de l'exploitant, c'est-à-dire donnant lieu à une pollution diffuse du sous-sol, et des eaux souterraines.

Contrairement aux redevances antérieurement en vigueur, il est institué dès sa création sous la forme d'une imposition de toutes natures, le projet de loi déterminant une partie importante des éléments de son assiette et de son taux. Les modalités de recouvrement de cette nouvelle redevance sont, quant à elles, fixées par les dispositions communes à l'ensemble des redevances (articles L.213-23 à L.213-37 du code de l'environnement proposés par le paragraphe 6 du présent article).

Cette redevance représente l'une des réponses possibles au problème réel de pollution par les nitrates que la France doit impérativement combattre, par un moyen ou par un autre. En l'occurrence, le moyen retenu est la voie de la fiscalité, destinée simultanément à financer les dépenses des agences et à inciter les agriculteurs à modifier leurs pratiques de fertilisation. Les détails de l'imposition, tant en termes d'assiette et de définition des redevables, que de taux et de modalités de recouvrement ont été élaborés en ce sens.

A.- UNE IMPOSITION QUI RÉPOND À UN DOUBLE BESOIN INCONTESTABLE

L'imposition des excédents d'azote a pour objet de répondre à un double besoin : réduire la pollution et appliquer le principe pollueur-payeur.

La France doit accroître ses efforts pour réduire la pollution de ses eaux, superficielles et souterraines, par les produits azotés, de façon à éviter un surcoût excessif de traitement pour rendre l'eau potable, ainsi que la prolifération d'algues, que ce soit en eaux douces ou marines. Selon les données du rapport du Commissariat général du Plan, 55 départements connaîtraient une eau distribuée dépassant au moins une fois la concentration maximale admissible, et, parmi ceux-ci, le taux de la population subissant ce type de contrainte dépasserait 10 % dans sept départements.

La France a d'ailleurs été condamnée, le 8 mars 2001, par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) pour manquement aux obligations lui incombant en vertu de la directive n°75/440/CEE du Conseil du 16 juin 1975, « en ne prenant pas les dispositions nécessaires pour que la qualité des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire [notamment pour les eaux superficielles de Bretagne chargées de nitrates] soit conforme aux valeurs fixées » par ladite directive, soit une valeur limite maximale impérative de 50 mg/l, au-delà de laquelle l'eau n'est plus considérée comme potable. La France est également attaquée devant la CJCE par la Commission européenne pour manquement, la commission reprochant aux autorités françaises leur méthode de désignation des eaux polluées par les nitrates en application de la directive « nitrates» n°91/676 du Conseil du 12 décembre 1991, et en particulier le refus de désigner la baie de Seine comme « zone vulnérable ». L'affaire est actuellement pendante, mais les conclusions de l'avocat général de la CJCE donnent raison à la Commission.

De même, un récent jugement du Tribunal administratif de Rennes du 2 mai 2001 a condamné l'État, en raison de sa carence en matière de contrôle des élevages et de mise en _uvre de la directive « nitrates », à verser plus de 114.337 euros (750.000 francs) à la société Suez-Lyonnaise des eaux, pour remboursement des indemnisations mises à sa charge et du « préjudice moral » et de l'atteinte portée à l'image de l'entreprise en cause.

D'autre part, l'application du principe pollueur-payeur, et la responsabilité principale imputable à l'activité agricole en matière de pollution par les nitrates, a conduit le Gouvernement a rechercher les voies d'un relèvement équitable de la part des contributions des exploitants agricoles au financement des agences de l'eau. Selon l'étude d'impact, les redevances perçues par les agences de l'eau au titre de la pollution agricole ne représenteraient aujourd'hui que moins de 3 % des 106,70 millions d'euros (700 millions de francs) d'aides versées par ces mêmes agences pour la maîtrise des pollutions agricoles.

B.- UNE VOCATION DOUBLE, QUI RECÈLE UNE CERTAINE AMBIGUÏTÉ

Tout impôt peut avoir deux objectifs principaux : le rendement fiscal, c'est-à-dire la recherche d'un produit le plus élevé possible, ou l'incitativité, par la recherche de modifications des comportements, motivées par le souci de réduire l'assiette de l'imposition supportée. Il est clair que ces deux objectifs ne sont compatibles que jusqu'à un certain point, la multiplication des réductions incitatives ou le succès de la pédagogie de l'impôt tendant à annuler le produit de celui-ci.

Le cas de la redevance sur les excédents azotés apparaît relativement symptomatique de cette ambiguïté.

En premier lieu, selon l'étude d'impact, cette imposition a un objectif de rendement : les 76,20 millions d'euros (500 millions de francs) qui en sont attendus la première année devraient permettre de « corriger l'actuel déséquilibre très fort entre les redevances perçues au titre de la pollution agricole et les aides des agences à la maîtrise de la pollution agricole ». Il s'agit donc d'une imposition destinée à contribuer au financement de dépenses annuelles nécessaires. Ce prélèvement représenterait 0,35 % du revenu agricole national, et 0,5 % du revenu agricole des exploitations soumises à la redevance.

Mais la même étude d'impact souligne que ce produit devrait aller en diminuant rapidement, dès le second exercice, par une forme de pédagogie de la taxe. Après un premier exercice coûteux, les agriculteurs seraient en effet fortement incités à modifier leurs comportements en améliorant leurs pratiques. En conséquence, le produit de la redevance devrait fortement diminuer. L'étude d'impact, sans préciser les hypothèses de calcul retenues pour ce faire, indique ainsi que le produit attendu devrait s'établir en moyenne entre 53,3 et 61 millions d'euros (350 et 400 millions de francs) par an sur la durée des VIIIèmes programmes (2003-2008), soit environ 45,73 millions d'euros (300 millions de francs) en moyenne annuelle après la première année. L'objectif de réduction de la différence entre les contributions et les dépenses liées au secteur agricole tendrait, en conséquence, à s'éloigner à moyen terme.

On peut également s'interroger sur la logique consistant à taxer lourdement les exploitants agricoles les premières années, si l'objectif de rendement est en réalité, en rythme de croisière, destiné à se stabiliser à un niveau inférieur de 40 % à celui qui peut être anticipé pour ce premier exercice. Si l'objectif consiste à modifier les comportements des agriculteurs, la menace d'une sanction lourde, plutôt que la sanction elle-même, pourrait suffire. Dans ce cas, au lieu de leur imposer, la première année, le paiement d'une nouvelle imposition qui constituera une charge non négligeable, mais simultanément difficilement prévisible compte tenu de son caractère nouveau, il pourrait être aussi efficace, mais moins lourd de conséquences financières, de leur faire connaître courant 2004 le montant qu'ils devraient payer au titre de leur activité en 2003, si la taxe avait effectivement été levée. Ainsi seraient-ils clairement avertis pour l'exercice suivant, c'est-à-dire pour leur activité de 2005, donnant lieu à un premier paiement effectif en 2006, de la taxe qu'ils devraient s'attendre à devoir supporter s'ils ne changeaient rien à leur mode d'exploitation. Compte tenu du coût très élevé de gestion de la redevance, cette solution présenterait cependant l'inconvénient majeur d'être initialement une source de coût pour les agences, et non un mode de financement.

Une voie alternative, sans doute plus raisonnable, consisterait à ne commencer à lever l'impôt qu'une année après qu'auront été pris l'ensemble des textes réglementaires et des décisions des agences nécessaires pour calculer le montant de l'impôt, et que les exploitants, informés par leurs réseaux professionnels, auront pu spontanément évaluer le montant qui leur serait demandé de payer au regard de leur pratique de fertilisation. Ce décalage de perception de l'impôt leur laisserait ainsi le temps nécessaire pour modifier cette dernière dans un sens écologiquement « vertueux », si la vocation pédagogique de l'impôt devait l'emporter sur son aspect de financement des dépenses des agences. Dans cette hypothèse, que votre Rapporteur souhaite privilégier, l'assujettissement ne commencerait qu'à compter du 1er janvier 2005, pour un premier paiement en 2006. En tout état de cause, cette solution semble nécessaire pour permettre au Gouvernement de préparer et publier les textes réglementaires indispensables au calcul de l'assiette de la redevance, et tenir compte des interrogations qui demeurent quant au calendrier de la suite de la procédure parlementaire d'examen du présent projet.

C.- LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE LA REDEVANCE POUR EXCÉDENT D'AZOTE

1.- Une assiette complexe mais écologiquement justifiée

Contrairement à la fraction de la taxe générale sur les activités polluantes pesant sur les produits phytosanitaires, introduite dans notre arsenal fiscal en 2000, et qui est prélevée sur le premier kilogramme de produit utilisé, quelle que soit cette utilisation, la nouvelle redevance proposée par le Gouvernement ne taxe que l'excédent des produits azotés, calculé par différence entre les quantités d'azote contenues dans les engrais, les aliments du bétail et dans les animaux eux-mêmes, entrant dans l'exploitation, et les quantités d'azote en sortant, dans les productions végétales et animales, les fertilisants et les produits agricoles transformés.

Les seules productions végétales exclues de ce bilan seraient les légumineuses, dont les nitrates qu'elles contiennent proviennent, pour une partie importante, de l'azote contenu dans l'air qu'elles absorbent, et non des nitrates entrant volontairement dans l'exploitation. En conséquence, les légumineuses ne seraient pas prises en compte dans le calcul de la quantité de nitrates sortant. De même, les livraisons à des tiers de « fumiers » animaux ne seraient prises en compte en déduction de l'assiette de la redevance qu'à condition qu'elles soient bien réelles, et, en l'occurrence, qu'elles soient officiellement inscrites dans un plan d'épandage.

Le différentiel de quantité d'azote ainsi calculé, par l'agrégation des différentiels individuels calculés type de produit par type de produit, subit deux corrections.

En premier lieu, ce différentiel est calculé séparément dans le bilan pris en compte pour les matières fertilisantes, dont la différence entre les entrées et les sorties est affectée d'un coefficient compris entre 0 et 0,85. Ce coefficient est donc systématiquement inférieur à 1, - ce qui a pour effet de sous-pondérer ce type de produit azoté, tant en entrée qu'en sortie -, et sa valeur est fixée par arrêté, en fonction du « potentiel de minéralisation de l'azote organique ». L'objet de cette sous-valorisation consiste à éviter de pénaliser les agriculteurs qui recyclent des matières fertilisantes qu'ils importent (engrais de ferme ou boues de station d'épuration), dont la part d'azote directement utilisable par les cultures, donc comptabilisée comme sortant de l'exploitation, est moindre que dans les engrais minéraux du commerce.

Inversement, la différence positive des quantités d'azote sortant et entrant dans l'exploitation contenues dans les animaux, le lait et les _ufs (c'est-à-dire la production nette d'animaux, de lait ou d'_ufs, qui vient minorer l'assiette de la redevance) est survalorisée par un coefficient multiplicateur supérieur à l'unité, fixé par arrêté dans une fourchette de 1,2 à 3, selon les productions, pour tenir compte des pertes d'azote par volatilisation dans les élevages puisque la volatilisation ne constituant pas un risque fort de pollution des eaux souterraines.

Le différentiel global, qui tient également compte de la variation de stock de l'exploitation, est ensuite corrigé de façon à tenir compte des quantités d'azote ne sortant pas de l'exploitation sous une des formes précédentes, mais supprimées par un traitement ad hoc.

Seul le différentiel, correspondant bien à la quantité d'azote sortant d'une manière diffuse de l'exploitation, et susceptible de générer effectivement une pollution de l'environnement, fait donc l'objet d'une imposition. Ce dispositif confère donc à ce prélèvement obligatoire un caractère incitatif et pédagogique certain.

Techniquement sophistiqué, le mécanisme proposé ne se caractérise cependant pas par une extrême simplicité. En effet, par construction, il suppose de calculer l'assiette différentielle par équivalence, compte tenu qu'il est évidemment impossible de mesurer concrètement les quantités d'azote contenues dans les intrants et les produits des exploitations. Ces équivalences seront calculées sur la base de teneurs unitaires moyennes en azote, fixées par arrêté, sur la base des teneurs moyennes observées, par catégorie de produits, ou des teneurs indiquées par les fournisseurs, multipliées par le nombre de ces produits.

A partir de ce premier calcul, l'assiette de la redevance tient compte de plusieurs abattements, et d'un seuil d'exonération évolutif dans le temps.

Les trois abattements - 25 kg par hectare de surface agricole utile, 50 kg par hectare de prairie, 50 kg par hectare de cultures non récoltées destinées à retenir les nitrates pour éviter qu'ils ne fuient dans les sols - sont cumulatifs. Ils ont été fixés de manière à ne pas peser trop lourdement sur les exploitations les plus petites, et à réduire le poids de la taxe sur certaines formes de cultures plus vertueuses.

Après ces abattements, il est également tenu compte d'un seuil d'exonération, décroissant progressivement de 3.000 kg en 2003 à 1.000 kg à partir de 2007, à raison d'une diminution de 500 kg par an (soit - 16 % en 2004, mais
- 33 % en 2007). Cette décroissance complétera l'effet de l'élargissement du champ d'assujettissement des exploitants eux-mêmes. Le fait qu'il s'agisse d'un seuil, et non d'une formule du type abattement, se traduit mécaniquement par des ressauts fiscaux, et des solutions de continuité entre la non-imposition et une imposition minimale relativement élevée. Avec le mécanisme proposé, une fois le seuil dépassé, le premier kilogramme d'excédent de nitrates devient, en effet, assujetti à la redevance, et le minimum de redevance due sera alors, au titre de 2003, de 600 euros (3.936 francs) (17) et de 200 euros (1.312 francs) en 2007.

La diminution progressive, mais relativement rapide, du seuil peut également conduire à des effets paradoxaux. En effet, alors même que la redevance est supposée encourager les comportements vertueux en matière de pratiques de fertilisation des sols, cette diminution du seuil d'exonération pourrait, dans certains cas, priver d'effet les efforts consentis en ce sens par les exploitants. Ainsi, si un exploitant passe, par une modification de ses pratiques, de 2.950 kg d'excédents d'azote en 2003 à 2.050 kg en 2005 - soit une baisse d'un tiers -, il devra acquitter la redevance au titre de 2005, alors qu'il ne l'acquittait pas au titre de 2003. Mais il est vrai, inversement, que le rythme de décroissance du seuil dictera celui de la « vertu » exigée des exploitants en matière de diminution d'excédents azotés, et évitera un relâchement de leurs efforts, une fois qu'ils seraient descendus en dessous d'un seuil d'exonération intangible. Enfin, la diminution de ce seuil, ou plus exactement son niveau encore élevé au début de la période considérée, est lié au retard pris dans la mise en _uvre des PMPOA.

Votre Rapporteur s'interroge également sur le fait que, pour les groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC), le seuil est considéré comme s'il n'existait qu'une seule exploitation, ce qui est particulièrement défavorable aux exploitants ainsi regroupés, et n'assure pas la neutralité fiscale du dispositif. En effet, ce choix a pour effet de conduire à un seuil moyen égal à celui retenu pour un exploitant individuel, divisé par le nombre de membres du GAEC. L'administration considère en l'espèce que, « dans leur très grande majorité, les GAEC, qui représentent 25 % de l'assiette de la redevance, sont des regroupements père-fils destiné en réalité à faciliter la transmission, sans réellement regrouper plusieurs exploitations ». Il demeure que le cas des GAEC « vrais », dans lesquels il existe plusieurs exploitations, mais qui, selon le rapport pour 2000 du Conseil des impôts sur l'imposition des revenus, ne dépasseraient pas 15 % de l'ensemble, pourrait justifier d'un traitement plus équitable que celui proposé, pour autant qu'il soit réellement possible de les distinguer des autres types de GAEC.

Sur un autre plan, il y a lieu de souligner que la nouvelle redevance, partiellement liée au chiffre d'affaires de l'exploitation, est l'un des seuls éléments de fiscalité agricole ne tenant pas compte du caractère aléatoire d'une année à l'autre de l'activité agricole, qui se traduit, en matière d'impôt sur le revenu, de cotisations sociales et de contributions sociales, par une assiette calculée en moyenne triennale, (sur option sur l'avant-dernière année). La récente réforme de l'assiette des cotisations et contributions sociales, réalisée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, qui a simplifié ce dispositif, ne l'a pas néanmoins remis en cause. Le lissage de l'assiette sur plusieurs années est en effet le seul moyen de permettre de tenir compte de certaines spécificités de l'activité agricole. Pour les mêmes raisons, on peut considérer que le calcul d'une assiette par moyenne triennale pour la nouvelle redevance pourrait paraître s'imposer, même s'il est incontestable qu'il aurait un prix supplémentaire en terme de complexité de gestion de l'impôt et que, de surcroît, le cycle hydrologique qui conduit à l'entraînement des nitrates dans l'eau étant annuel, un lissage sur trois ans ne correspondrait pas à une véritable réalité hydrologique. Il serait cependant justifié par la nécessité de tenir compte de ce que la pollution par les nitrates peut résulter d'un aléa climatique (sécheresse ou inondation).

La gestion de cette nouvelle redevance appelle également plusieurs commentaires.

En premier lieu, votre Rapporteur ne peut que constater que ce nouvel impôt se caractérise par un coût de gestion rarement atteint en matière de fiscalité, même s'il est vrai que l'existence de cet impôt, calculé sur la base d'un bilan réel de la pollution par les nitrates, est destinée, en elle-même, à contribuer à améliorer les pratiques et, à long terme, à réduire le surcoût du traitement des eaux. Selon l'étude d'impact, ce coût serait de l'ordre d'une centaine de millions de francs, soit 20 % du produit attendu la première année, et 30 % du produit annoncé en rythme de croisière.

Par ailleurs, pour permettre de calculer cette assiette, manifestement complexe à établir et nécessitant des calculs sur la base des documents comptables de l'exploitation (factures d'achats, de ventes, ...), il est prévu que les agriculteurs puissent faire appel aux prestations des centres de gestion agréés. En contrepartie de ce service supplémentaire, qui leur sera naturellement facturé, ils pourront bénéficier d'un abattement de 20 % de la redevance due. Ce seuil de 20 % est égal à celui retenu en matière d'imposition sur le revenu pour l'ensemble des professions indépendantes (artisans, commerçants, et aussi agriculteurs) qui recourent aux services d'une association de gestion agréée. En revanche, on peut s'interroger sur le fait que, en cas de redressement, aucun abattement n'est applicable, même si l'erreur est imputable au centre de gestion. Dans ce cas, c'est au redevable qu'il reviendrait de se retourner contre le centre de gestion fautif, au terme d'une procédure vraisemblablement assez longue. Par ailleurs, il est également clair que, compte tenu de l'effet conjugué des seuils et des abattements, de nombreux exploitants devront supporter le coût du calcul de leur bilan réel par leur centre de gestion, alors qu'ils ne seront en réalité exonérés. Mais c'est précisément l'établissement de ce bilan réel qui justifie l'existence de l'imposition.

2.- Un taux variable d'une agence à l'autre

Le dispositif retenu prévoit non pas un taux unique, mais une fourchette relativement étroite, entre 0,20 et 0,23 euros/kg. Le taux lui-même serait fixé par l'agence de l'eau géographiquement compétente, « en fonction des priorités et des besoins de financement de son programme », c'est-à-dire notamment de son niveau de trésorerie et de ses disponibilités. Ce critère permettra en particulier au juge administratif de se prononcer sur la justification du taux retenu, s'il devait être saisi de cette question au contentieux.

A l'intérieur de la fourchette proposée, le taux demeure en revanche unique, et ne fait, a priori, l'objet d'aucune modulation géographique.

Le texte ne précise pas l'intervention du comité de bassin dans la procédure, mais la rédaction du dernier alinéa de l'article L.213-8 laisse comprendre que le taux applicable sera fixé par délibération du conseil d'administration de l'agence, après avis conforme du comité de bassin.

3.- Un champ des redevables qui s'élargit dans le temps

a) Un périmètre d'assujettissement simple en principe, étendu en deux temps

Les redevables de cette nouvelle redevance seraient exclusivement les exploitants agricoles, et, plus précisément, toute personne exerçant une activité agricole, - principale ou secondaire -, à l'exclusion des activités de pisciculture. Le champ de la notion d'activité agricole n'est pas précisé, mais il découle implicitement de l'assujettissement au régime fiscal des bénéfices agricoles, en application de l'article 63 du code général des impôts.

Cette nouvelle redevance remplacerait ainsi, pour les agriculteurs, la redevance pour pollution de l'eau ne relevant pas de l'assainissement collectif, dont ils seraient explicitement exclus en application de l'article L.213-15.

Toutefois, compte tenu, d'une part, du fait que l'essentiel de la pollution par les rejets de nitrates est dû aux exploitations les plus importantes, et, d'autre part, que l'établissement de l'assiette de la redevance suppose l'existence d'une comptabilité précise permettant de justifier la comptabilité matière azote exigée, le champ des redevables est en réalité limité :

- dans un premier temps, pendant cinq ans à compter de 2003, aux 250.000 exploitations (moins d'un tiers du total de 790.000 foyers fiscaux imposés sous le régime des bénéfices agricoles), soumises au régime du bénéfice agricole réel et réel simplifié pour l'impôt sur le revenu, tel que prévu aux articles 69 à 71 du code général des impôts, c'est-à-dire celles dont le chiffre d'affaires  calculé en moyenne sur deux années consécutives dépasse 500.000 francs (76.300 euros à compter du 1er janvier 2002). Seraient donc exclus les agriculteurs imposés au régime du forfait agricole, - en diminution progressive d'environ 5 % par an, mais en nombre encore significatif -;

- dans un second temps, à compter de 2008, à ceux-ci et aux exploitants soumis au régime simplifié de TVA, prévu par le 5° du II de l'article 298 bis du code général des impôts. Ce dernier régime concerne les exploitants dont le chiffre d'affaires hors taxe sur deux années consécutives dépasse 300.000 francs (46.000 euros). Le nombre total d'assujettis s'élèverait alors à 400.000, représentant environ 70 % de l'ensemble des exploitations. Cette extension avait notamment été souhaitée par le Conseil économique et social (18), qui a considéré que le seuil de 500.000 francs (76.300 euros) de chiffre d'affaires était trop élevé, et qu'« il ne pouvait y avoir de maîtrise de la fertilisation azotée au-dessus d'un seuil fiscal et de laxisme de fait au-dessous ».

Dans les deux cas, seuls les exploitants soumis de plein droit à ces deux régimes seraient assujettis à la nouvelle redevance. Le choix de l'un de ces deux régimes par option n'emporterait donc aucune conséquence en matière d'assujettissement à la redevance sur les excédents d'azote.

Il convient également de souligner que, selon l'étude d'impact, la redevance due ne devrait pas sensiblement augmenter pour les exploitations les plus polluantes, déjà actuellement soumises à une redevance perçue au titre du PMPOA (plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole), mise en place en 1994 et pesant sur les seuls élevages les plus polluants. La nouvelle redevance devrait s'avérer, pour ces éleveurs, d'un montant comparable, à celle préexistante, supprimée par le présent projet.

b) Des cas particuliers, liés au statut ou à l'activité, qui peuvent poser problème

L'étude d'impact considère que le critère du régime fiscal d'impôt sur le revenu et de TVA pour établir une différenciation devant l'impôt, fondée sur un critère de chiffre d'affaires indépendant de la pollution par les nitrates, ne devrait pas être jugé comme contraire au principe d'égalité devant les charges publiques par le Conseil constitutionnel, le régime fiscal constituant en lui-même un critère objectif de différenciation.

Néanmoins, ce choix peut poser quelques difficultés, car il induit des conditions d'assujettissement à la redevance qui peuvent différer en fonction de plusieurs critères, non directement liés à la pollution par les nitrates imputable à l'exploitation agricole considérée.

En premier lieu, les conditions d'assujettissement peuvent dépendre du statut juridique de l'exploitation.

Ainsi, toutes les nouvelles exploitations organisées à l'avenir sous forme de sociétés (hormis les GAEC), ou constituées sous cette forme depuis le 1er janvier 1997, étant exclues de droit du régime du forfait, seraient passibles de la redevance, quelle que soit leur taille et leur importance économique.

En ce qui concerne les GAEC, le principe retenu est identique à celui des exploitations individuelles, à savoir l'assujettissement à la redevance pour les GAEC soumis de plein droit au régime réel, puis, à compter de 2008, au régime simplifié de TVA. Les règles fiscales, telles que fixées par le code général des impôts, d'assujettissement à ces deux régimes réels, et subséquemment à la redevance, sont cependant spécifiques pour les GAEC « dont tous les membres participent effectivement et régulièrement à l'activité par leur travail personnel », et diffèrent légèrement de celles des exploitations individuelles ou des autres exploitations en société :

- pour le régime des bénéfices agricoles réels, la limite de chiffre d'affaires à prendre en compte est de 500.000 francs (76.300 euros) par exploitant membre jusqu'à 1,5 million de francs inclus (228.900 euros), puis de 300.000 francs (45.780 euros) par exploitant au-delà de 4 membres. Un membre d'un GAEC de plus de 4 personnes sera donc assujetti, à compter de 2003, à la redevance dès que son chiffre d'affaires excède ce dernier montant, au lieu de 500.000 francs (76.300 euros) s'il exerce de manière indépendante ;

- pour le régime simplifié de TVA, l'article 298 bis du code général des impôts dispose que la condition d'entrée de droit dans ce régime est appréciée en comparant la recette moyenne par associé à la limite précitée de 300.000 francs (46.000 euros) lorsque les recettes du GAEC sont inférieures ou égales à 900.000 francs (138.000 euros), mais à une limite de 60 % de 300.000 francs (soit 180.000 francs ou 27.600 euros) dans le cas contraire.

Le tableau suivant synthétise les seuils de chiffre d'affaires moyen par associé du GAEC déclenchant de droit l'assujettissement à la redevance. Il met en évidence les différences de traitement entre agriculteurs individuels et regroupés en GAEC, alors que l'organisation juridique de l'exploitation agricole est, a priori, totalement indépendante de la pollution par les nitrates qu'elle est susceptible de causer.

Nombre de membres du GAEC

2

3

4

5 et plus

CA moyen par associé pour assujettissement en 2003 (en euros)

76.300

76.300

57.225

45.780

CA moyen par associé pour assujettissement en 2008 (en euros)

46.000

46.000

34.500

27.600

Les conditions d'assujettissement peuvent également être liées à l'activité. Ainsi les éleveurs qui ont recours à des techniques de production industrielle - par exemple pour des élevages de porcs de charcuterie effectués principalement à partir de porcelets achetés, lorsque la production annuelle commercialisée est d'au moins 300 sujets -, bénéficieraient de conditions favorables. En effet, leurs marges étant faibles, ils ne sont soumis de plein droit au régime réel, et subséquemment à la nouvelle redevance, que si leurs recettes excèdent non pas 500.000 francs (76.300 euros), mais 650.000 francs (99.190 euros à compter du 1er janvier 2002), en application des articles 38 sexdecies A de l'annexe III et 4M de l'annexe IV du code général des impôts.

Dans le même ordre d'idées, mais a contrario, les agriculteurs réalisant des opérations à façon sur des animaux ou des produits appartenant à des tiers, réalisant des prestations de service de type contrat d'élevage ou contrat d'intégration, à marge plus élevée, sont soumis au régime réel, donc à la redevance, dès que leur chiffre d'affaire dépasse 100.000 francs (7.630 euros), car leurs recettes sont prises en compte après division par un facteur cinq, en application du V de l'article 69 du code général des impôts.

Enfin, la sortie de l'assujettissement, fondée sur le même critère de régime fiscal que l'entrée dans celui-ci, ne fonctionne pas de manière symétrique par rapport aux seuils de chiffre d'affaires.

En effet, la sortie du régime réel n'est possible qu'en cas de perte de recettes particulièrement sévères, pour les seuls exploitants individuels, à la double condition que leur chiffre d'affaires passe en deçà de la barre des 300.000 francs (45.780 euros) en moyenne sur deux ans, et qu'ils ne soient pas imposés au titre des bénéfices agricoles avec une assiette triennale.

À compter de 2008, l'assujettissement sera également étendu à l'ensemble des redevables de la TVA au régime simplifié. Dans ce cas, le retour au régime de franchise, et donc la sortie de l'assujettissement, est possible en cas de diminution brutale de chiffre d'affaires, lorsque les recettes moyennes, non pas sur deux ans comme pour l'entrée dans le régime, mais sur trois années consécutives, deviennent inférieures à 300.000 francs (45.780 euros), et à condition que l'exploitant n'ait pas bénéficié, pendant la période de trois ans considérée, d'un remboursement de crédit de TVA.

En conclusion, dans les deux étapes considérées, la possibilité d'une sortie du champ d'assujettissement de la redevance apparaît donc asymétrique entre l'entrée et la sortie du champ de la redevance, l'asymétrie étant cependant sensiblement plus forte dans la première étape (bénéfice réel) que dans la seconde (régime simplifié de TVA), et la première étape étant, au demeurant, appelée à n'être que transitoire, pour une durée limitée à cinq ans.

Une référence plus directe au chiffre d'affaires lui-même pourrait toutefois permettre de pallier ces difficultés, et en particulier d'éviter que, à chiffre d'affaires égal, par exemple pour les très nombreuses exploitations dont le chiffre d'affaires est inférieur au seuil fiscal de 500.000 francs (76.300 euros) mais supérieur au plancher de 300.000 francs (45.780 euros) permettant de sortir du régime réel, celles-ci puissent être, selon les cas, exonérées de la redevance et du calcul du bilan des nitrates, ou assujetties à la redevance et au calcul de ce bilan si elles avaient, quelques années auparavant, un chiffre d'affaires supérieur au premier seuil, mais n'ont pas connu une diminution suffisamment forte de leurs recettes pour sortir du champ du régime réel et de celui, subséquent, de la redevance.

De surcroît, un tel choix pourrait permettre de déconnecter, d'une part, les problèmes liés à l'évolution souhaitable des modalités d'imposition des agriculteurs à l'impôt sur le revenu et à la TVA, et, d'autre part, les questions relatives à l'assujettissement à la redevance nitrate. Une telle liaison pourrait en effet sensiblement accroître les difficultés d'évolution de ces régimes fiscaux, dont l'importance est pourtant sans commune mesure avec celle de la redevance proposée. On voit mal, en effet, comment les bénéficiaires du régime du forfait pourraient être incités à changer de régime fiscal si le passage au régime réel s'accompagne mécaniquement de l'assujettissement à la redevance sur les excédents azotés. De même, l'abaissement, à court ou moyen terme, du seuil du régime des bénéfices agricoles réels au niveau de celui du régime simplifié de TVA, préconisé par le rapport précité, supprimerait la portée du plan d'assujettissement en deux temps, sur cinq ans, proposé par le présent paragraphe.

4.- Le renvoi à de multiples actes réglementaires

L'assiette de la redevance sur les excédents azotés dépendra pour un nombre important de ses composantes, soit du pouvoir réglementaire, en pratique de simples arrêtés des deux ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture, soit du conseil d'administration des agences, sur avis conforme des comités de bassin, notamment pour fixer le taux de la redevance.

La détermination des règles de suivi et de calcul de l'azote supprimé par les installations ad hoc, qui vient minorer l'assiette de la redevance, ne relève que de la compétence du ministre chargé de l'environnement, ce qui ne paraît pas satisfaisant.

Cette délégation de détermination d'un nombre important d'éléments nécessaires pour établir l'assiette de la redevance proposée semble s'éloigner beaucoup des principes qui ont conduit l'Assemblée nationale, en première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2001, à décider qu'il soit donnée force législative à l'ensemble des éléments de taux et d'assiette des redevances en vigueur.

Il ne fait toutefois pas de doute que, compte tenu de la sophistication du dispositif fiscal proposé, une marge de souplesse s'impose d'adapter l'application du texte à la réalité du terrain.

Par ailleurs, les éléments qu'il reviendrait au pouvoir réglementaire de déterminer sont encadrés par des conditions fixées par la loi, permettant ainsi au juge administratif de se prononcer en cas de recours contentieux.

*

* *

Après avoir adopté trois amendements (nos 93, 95 et 96) présentés par votre Rapporteur, de coordination avec le report de l'entrée en vigueur des redevances, la commission a adopté un amendement (n° 94) du même auteur remplaçant, pour déterminer les exploitants agricoles soumis au paiement de la redevance, la condition d'imposition aux bénéfices réels par une condition liée au montant moyen des recettes des deux derniers exercices clos, dans le cas où le chiffre d'affaires tombe au-dessous de 500.000 francs.

Elle a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard instituant un abattement supplémentaire pour les exploitants bénéficiant d'une qualification en « agriculture raisonnée », après que Mme Nicole Bricq a souhaité qu'un tel dispositif soit lié à l'existence d'un contrat territorial d'exploitation, faute de quoi il n'aurait pas de sens, et que votre Rapporteur a indiqué ignorer le sens de la formule « d'agriculture raisonnée » et refusé la création d'un abattement qui viendrait s'ajouter aux quatre abattements déjà prévus par le projet de loi.

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* *

PARAGRAPHE 4
REDEVANCE POUR CONSOMMATION D'EAU

La redevance pour consommation d'eau et les redevances sur la modification du régime des eaux superficielles se substituent à celles existantes pour la consommation et le prélèvement d'eau et, dans certains bassins, pour la modification du régime des eaux.

Le système actuel de la redevance pour la consommation et le prélèvement d'eau, qui a pour seule base légale l'article 18 du décret n° 66-700 du 14 septembre 1966 relatif aux agences financières de bassin créées par l'article 14 de la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964, présente des défauts importants : prenant en compte à la fois le prélèvement et la consommation d'eau, elle est très complexe ; les taux et l'assiette sont fixés par chaque agence, sans encadrement législatif, et sont très différents selon les bassins et même à l'intérieur de chacun d'entre eux ; elle pèse à hauteur de 74 % sur les collectivités locales, c'est-à-dire sur les usagers domestiques, qui ne sont ni les plus gros consommateurs d'eau, ni les principaux pollueurs, à cause de coefficients d'usage sensiblement plus élevés pour l'eau potable.

La refonte de la redevance pour consommation d'eau vise donc quatre objectifs :

- aboutir à un dispositif équitable : la redevance traite de la même manière tous les prélèvements d'eau, quelle que soit leur destination (consommation humaine, agricole ou industrielle), les coefficients d'usage étant supprimés, et elle est assise sur la différence entre le volume d'eau prélevé et le volume restitué au milieu d'origine du prélèvement ;

- prendre en compte le niveau d'atteinte aux ressources en eau : grâce à une modulation en fonction de la catégorie de ressource, le taux de la redevance est d'autant plus élevé que l'avenir de la ressource en eau est menacé par les prélèvements effectués ;

- inciter au développement d'une gestion durable de l'eau : un abattement est accordé aux usagers qui respectent un protocole de gestion quantitative de la ressource ;

- exercer une pression fiscale compatible avec la capacité économique des redevables : la redevance n'est perçue qu'au-delà d'un seuil de consommation de 7.000 m3 et un abattement est accordé pour les 24.000 premiers mètres cubes consommés. La redevance est ainsi progressive et ne pèsera pas sur les plus petites exploitations agricoles.

A.- REDEVABLES ET EXONÉRATIONS

Est redevable de la redevance pour consommation d'eau « toute personne dont les activités entraînent une consommation d'eau » (article L. 213-19, I). Voilà une définition simple : l'usage de l'eau prélevé n'est pris en compte à aucun niveau, seules la quantité d'eau prélevée et la catégorie de la ressource interviennent.

Il faut néanmoins noter, en ce qui concerne la consommation domestique, que le redevable est la collectivité territoriale, et non chaque ménage, conformément à l'article L. 2224-12-3 du code général des collectivités territoriales, modifié par l'article 31 du présent projet. C'est donc la collectivité qui paiera la redevance pour consommation, avant de la répercuter dans la redevance d'assainissement, payée par les usagers du service de l'assainissement.

Le principe de neutralité entre les usagers se distingue nettement de la pratique actuelle des agences en matière de redevance sur la consommation de l'eau. En effet, dans le système actuel, les coefficients d'usage entraînent une très forte modulation entre usagers pour un même mètre cube prélevé sur une même source : l'écart entre le coefficient d'irrigation et le coefficient applicable à l'eau potable est de 1 à 6 pour le bassin le moins inégalitaire et de 1 à 50 pour le plus inégalitaire (le coefficient est de 0,1 pour l'irrigation, de 5 pour l'eau potable !).

Le II de l'article L. 213-19 prévoit deux cas d'exonération :

- les prélèvements effectués en mer, la mer devant s'entendre comme les eaux situées au-delà de la ligne de côtes ; l'eau de mer n'est en effet pas une ressource rare dont il est nécessaire de contrôler les prélèvements ;

- les exhaures, c'est-à-dire l'écoulement des eaux d'infiltration, de mines dont l'activité a cessé ainsi que les prélèvements rendus nécessaires par l'exécution de travaux souterrains, dans la mesure où l'eau prélevée n'est pas utilisée directement à des fins domestiques, industrielles ou agricoles ; cette eau est déplacée sans être réellement consommée, puisqu'elle est intégralement restituée au milieu.

Il existe d'autres activités exonérées de la redevance pour consommation d'eau superficielle d'une part, de la redevance pour consommation d'eau souterraine d'autre part (voir infra).

B.- ASSIETTE ET SEUIL DE LA REDEVANCE

Le III de l'article L. 213-19 distingue le cas de la consommation d'eau superficielle (1°) de celui de la consommation d'eau souterraine (2°) : cette distinction existe déjà dans l'actuelle redevance prélèvement. Mais dans un cas comme dans l'autre, la redevance consommation portera sur la différence entre la quantité d'eau prélevée et le volume restitué, alors qu'actuellement, on considère que toute l'eau souterraine prélevée est consommée.

1.- La redevance due pour la consommation d'eau superficielle

La définition de l'assiette est donc simple : c'est la différence entre le volume d'eau prélevé et le volume d'eau restitué au cours d'une année. La mesure de cette assiette est en revanche techniquement plus délicate.

La possibilité de « mesure directe des volumes consommés » est, certes, mentionnée. Mais cette mesure est difficile à réaliser, en particulier dans certains départements du Sud de la France où la pose de compteurs pour les prélèvements d'eaux d'arrosage est en retard. Elle est même quasiment impossible dans le cas de l'irrigation gravitaire. C'est pourquoi il est mis en place un coefficient forfaitaire pour chaque activité utilisatrice. Le volume consommé résultera alors du produit du volume d'eau prélevé par le coefficient forfaitaire spécifique. Ce dernier doit donc être représentatif de la part de l'eau prélevée que l'activité en question restitue au milieu. Il est prévu de le déterminer à partir de campagnes générales de mesure ou d'études fondées sur des échantillons représentatifs. Si ces mesures sont moins fréquentes et moins systématiques que des mesures portant sur chaque redevable, elles poseront les mêmes difficultés techniques. Elles devront être renouvelées assez fréquemment, et les coefficients revus de la même manière, afin de tenir compte de l'évolution des méthodes de production : si ce n'est pas le cas, la redevance ne remplira plus son rôle d'incitation à la restitution des eaux à leur milieu d'origine.

Une série d'activités sera exonérée de cette redevance : centres de loisirs aquatiques, piscines, aquaculture, réalimentation des milieux naturels (c'est-à-dire, par exemple, la réalimentation en eau de bras morts), submersion de la vigne, lutte contre le gel. Cette eau, dans la mesure où elle provient de ressources superficielles, est entièrement restituée au milieu.

2.- La redevance due pour la consommation d'eau souterraine

L'assiette de la redevance est le volume d'eau prélevé au cours d'une année. Le volume restitué au milieu ne peut en être déduit que pour la part qui fait l'objet d'une « réinjection directe dans la nappe souterraine d'origine ». Seule cette part assure en effet le rétablissement de la situation antérieure au prélèvement. Toute la difficulté reposera dans la mesure de ce volume, alors qu'aucun coefficient forfaitaire n'est prévu dans ce cas. En fait, il semble que de telles réinjections sont rares et nécessitent des techniques particulières, qui permettront la mesure des volumes restitués.

Le calcul de l'assiette ne prendra pas en compte les eaux souterraines prélevées pour le drainage en vue du maintien à sec des bâtiments et ouvrages. En revanche, les prélèvements d'eau souterraine par les aquaculteurs seront soumis à la redevance.

3.- Seuil de la redevance

Le IV de l'article L. 213-19 précise que la redevance n'est pas due lorsque le volume d'eau consommé est inférieur à 7.000 mètres cubes par an. Il s'agit du volume d'eau consommé, c'est-à-dire de la différence entre prélèvement et restitution.

Selon les informations obtenues par votre Rapporteur, ce seuil correspond à des prélèvements en nappe pour environ 150 habitants et à des prélèvements d'eau superficielle pour 450 habitants. Par exemple, dans le bassin Adour-Garonne, 356 communes seront en-dessous du seuil, sur un total de 1.815 communes ; en Seine-Normandie, 150 communes sur 2.800 seront exonérées.

Le nombre d'exploitations agricoles et d'industries qui seront exonérées varie fortement selon les bassins : 4.300 exploitations agricoles de Loire-Bretagne, sur un total de 19.440, seront dans ce cas ; il en sera de même pour 150 industries sur 1.100 en Seine-Normandie.

Outre le coefficient forfaitaire par activité prévu au III pour calculer la part de l'eau superficielle qui est restituée, le V prévoit un volume forfaitaire prélevé, selon l'activité, pour les cas où les volumes prélevés n'auraient pas été l'objet de mesure.

Un décret déterminera les conditions dans lesquelles seront fixés les éléments physiques à prendre en compte pour l'application de l'article L. 213-19 et la valeur des coefficients et volumes forfaitaires spécifiques. Il n'en demeure pas moins que ces coefficients ne correspondront pas forcément à la réalité de la consommation de l'usager concerné : si celui-ci consomme plus d'eau que la moyenne des acteurs de son secteur d'activité, il ne sera pas pénalisé ; s'il fait des efforts particuliers d'économie, il n'en paiera pas moins la redevance à hauteur des coefficients et éventuellement des volumes forfaitaires. L'application de coefficients, si elle est nécessaire à cause de la difficulté des opérations de mesure, n'est pas optimale.

C.- L'ENCADREMENT DES TAUX DE LA REDEVANCE

Le I de l'article L. 213-20 du code de l'environnement dispose que le taux de cette redevance est « modulé en fonction de la catégorie de ressource qui fait l'objet de la consommation d'eau ». Le but est de tenir compte de l'impact du prélèvement effectué sur l'état de la ressource. Pour cela, l'agence de l'eau de chaque bassin sera chargée de classer les ressources d'eau relevant de sa zone géographique selon leur degré de fragilité. Cette classification, fondée sur une bonne connaissance des ressources, sera soumise à l'avis du comité de bassin. Elle pourra être revue si l'état d'une ressource subit des changements qui nécessitent sa classification dans une autre catégorie.

Trois catégories seront définies :

- la catégorie 1 regroupe les ressources ne posant pas de problème : les consommations n'induisent pas de modification notable du régime des eaux et n'altèrent pas la qualité des eaux et du milieu aquatique ;

- les ressources de la catégorie 2 sont fragilisées : les consommations d'eau excèdent la ressource disponible au regard de l'équilibre mentionné à l'article L. 211-1 du code de l'environnement (préservation des écosystèmes aquatiques, protection des eaux et lutte contre toute pollution, restauration de la qualité des eaux, développement et protection de la ressource, conciliation des différents usages de l'eau) et induisent des altérations du milieu aquatique ou imposent des mesures de limitation ou de suspension provisoire des utilisations de cette ressource ; pour entrer dans cette catégorie, une ressource doit donc être déjà détériorée ;

- les ressources sont classées dans la catégorie 3 quand s'ajoutent aux caractéristiques de la catégorie 2 des dommages potentiels pour la production actuelle ou future d'eau potable ; il s'agit donc des ressources dont l'avenir est menacé et qu'il conviendrait de réserver au prélèvement d'eau potable ou d'eau de très bonne qualité nécessaire à certaines activités industrielles. Les ressources de ce type ne sont, heureusement, pas nombreuses.

1.- Limitation des taux applicables

Pour chacune de ces catégories, le II de l'article L. 213-20 du code de l'environnement encadre les taux de la redevance : la loi fixe un taux plafond et un taux plancher pour chaque catégorie, taux entre lesquels l'agence de l'eau fixera un taux par catégorie qui s'appliquera aux usagers de son bassin ; pour les catégories 1 et 2, sont fixées une fourchette de taux pour la période 2003-2005, une pour la période 2006-2007, une pour l'année 2008 et les suivantes. La fourchette tend à se rétrécir et les taux à augmenter d'une période à l'autre. L'établissement de telles fourchettes permettra de réduire les énormes inégalités qui existent actuellement entre les bassins. Le taux applicable à l'eau potable varie aujourd'hui entre 2,6 centimes d'euros (0,17 francs) par mètre cube dans le bassin Rhône-Méditerranée-Corse à 4,6 centimes d'euros (0,30 francs) par mètre cube en Seine-Normandie. La redevance prélèvement payée par Électricité de France passe de zéro en Artois-Picardie à 11,4 centimes d'euros (75 centimes de francs) en Seine-Normandie.

Le tableau ci-après présente les fourchettes prévues par le présent projet de loi :

LIMITES DES TAUX APPLICABLES POUR CHAQUE CATÉGORIE DE RESSOURCES

(en centimes d'euro/m3)

 

2003-2005

2006-2007

A partir de 2008

Ressource de catégorie 1

0,8 à 1,5

1,1 à 1,8

1,2 à 1,8

Ressource de catégorie 2

1,8 à 3

2,3 à 3,8

3 à 3,8

Ressource de catégorie 3

5,5 à 7

5,5 à 7

5,5 à 7

Source : projet de loi.

Cette évolution des fourchettes pour les catégories 1 et 2 n'implique pas nécessairement une augmentation des taux fixés par les agences. Dans la catégorie 1, un taux de 1,3 centime par mètre cube peut être maintenu sur toute la durée du dispositif : il sera en haut de la fourchette entre 2003 et 2005, au milieu entre 2006 et 2007 et en bas à partir de 2008.

L'évolution à la hausse des limites des taux répond néanmoins à une double logique : elle évite que la redevance soit immédiatement élevée pour les catégories, en particulier les agriculteurs, qui ne paient actuellement que très faiblement la redevance de prélèvement (5 % du total perçu, soit 13,3 millions d'euros, 87,3 millions de francs, alors qu'ils sont à l'origine de 68 % de la consommation annuelle d'eau) ; elle permet une augmentation progressive du produit de la redevance, qui compensera, en partie, la décroissance du produit de la redevance pour réseau de collecte.

Pour les ressources de catégorie 3, les taux sont stables dans le temps, mais élevés : il faut en effet éviter que la dégradation de ces ressources ne se poursuive, en incitant fortement les usagers, surtout agricoles, qui sont les plus gros consommateurs, à puiser dans une ressource moins menacée.

C'est aussi la raison pour laquelle les deux mesures de minoration des taux applicables (pour les 24.000 premiers mètres cubes et en cas de respect d'un protocole de gestion quantitative) ne s'appliquent que pour les ressources des catégories 1 et 2.

2.- Minoration de la limite des taux applicables aux 24.000 premiers mètres cubes consommés

Afin de réduire l'impact de la redevance consommation sur les usagers, en particulier sur les exploitations agricoles de faible taille dans les régions où l'irrigation est importante, pour les communes rurales de petite taille ou pour les PME-PMI, et d'introduire un élément de progressivité dans le dispositif (dans certains bassins, les taux de l'actuelle redevance prélèvement sont modulés selon la tranche dans laquelle se trouve le volume prélevé), il est prévu de fixer des fourchettes de taux plus basses pour les 24.000 premiers mètres cubes consommés, provenant des ressources de catégories 1 et 2.

Ce seuil correspond à 80 % de la consommation nécessaire pour irriguer 20 hectares (sur une base de 1.500 m3 par hectare et en considérant une marge d'économie envisageable de 20 %). Les usagers agricoles sont les principaux bénéficiaires de cette réduction des taux : c'est dans leur catégorie que la proportion des redevables compris entre les seuils de 7.000 et 24.000 mètres cubes est la plus élevée. Ainsi, 8.500 exploitants sur les 24.500 que compte le bassin Adour-Garonne sont dans ce cas ; ils sont 8.800 sur 19.440 en Loire-Bretagne. Ce seuil correspond par ailleurs à l'alimentation d'une commune de 500 habitants alimentée par des prélèvements en nappe et d'une commune de 1.500 habitants alimentée en eau superficielle.

LIMITES DES TAUX APPLICABLES POUR LES 24.000 PREMIERS MÈTRES CUBES

(en centimes d'euro/m3)

 

2003-2005

2006-2007

A partir de 2008

Ressource de catégorie 1

0,6 à 1,2

0,9 à 1,8

1,2 à 1,8

Ressource de catégorie 2

0,9 à 1,8

1,2 à 2,5

1,5 à 2,5

Source : projet de loi.

Pour les ressources de catégorie 1, ces fourchettes de taux ne sont pas disjointes des fourchettes fixées pour les mètres cubes consommés au-delà de 24.000 mètres cubes : l'agence de l'eau n'est donc pas formellement obligée de choisir des taux plus bas pour cette partie du volume d'eau consommée ; elle peut même, à la limite, fixer des taux plus élevés ! Ce sera encore plus vrai à partir de 2008, les deux fourchettes étant alors identiques. Dans la mesure où les taux applicables à l'eau provenant de ressources des la catégorie 1 sont peu élevés, fixer un taux plus bas pour les 24.000 premiers mètres cubes est moins nécessaire que pour la catégorie 2 où ils sont nettement supérieurs ; cela n'en est pas moins l'esprit de la loi. Votre Rapporteur propose donc d'inscrire clairement dans le présent article que les taux fixés pour les 24.000 premiers mètres cubes devront être inférieurs à ceux applicables aux volumes supérieurs dans la même catégorie de ressource et dans le même bassin.

Pour les ressources de catégorie 2, les fourchettes minorées sont disjointes des fourchettes « normales » pour les périodes 2003-2005 et à partir de 2008, et se recoupent faiblement pour la période 2005-2007 (le taux plancher normal est de 2,3 centimes d'euro par mètre cube, le taux plafond réduit de 2,5). Les 24.000 premiers mètres cubes seront donc presque nécessairement soumis à un taux inférieur au taux normal valable pour les volumes dépassant ce seuil.

Il est par ailleurs précisé que le seuil de 24.000 mètres cubes vaut pour chacune des exploitations agricoles lorsque les usagers agricoles se regroupent pour la distribution d'eau, mesure qui évitera notamment que les groupements agricoles d'exploitations en commun (GAEC) soient pénalisés par leur taille.

3.- Minoration de la limite des taux dans le cas du respect d'un protocole de gestion quantitative

La loi prévoit enfin des taux plus bas en cas d'application d'un protocole de gestion quantitative de la ressource en eau.

Le IV de l'article L. 213-20 du code de l'environnement définit le contenu et les modalités d'établissement d'un tel protocole.

Comme dans le cas des 24.000 premiers mètres cubes, la minoration des taux ne s'applique que pour les ressources des deux premières catégories. Il n'est donc prévu de protocole de gestion quantitative que pour ces deux catégories, comme mentionné supra.

Un tel protocole doit associer « l'ensemble des usagers » au sein d'une unité hydrographique ou d'un système aquifère cohérent : cela ne suppose pas qu'il y ait forcément unanimité, mais que l'ensemble des usagers, et donc des représentants des différents « usages », soient associés à la négociation, afin d'éviter que toute la ressource soit partagée pour un usage unique, au détriment des autres. Le protocole définit les consommations maximales en volume ou débit pour chaque usage et les règles de répartition entre usagers d'une même catégorie : il vise donc à partager la ressource disponible dans le cadre d'une gestion équilibrée. L'objectif est que l'ensemble des consommations soit compatible, au cours de la période d'étiage, c'est-à-dire des plus basses eaux, avec un bon fonctionnement du milieu aquatique et une réalimentation de la ressource souterraine. Le protocole devra aussi envisager la situation, exceptionnelle, de sécheresse, en définissant les règles de gestion et de répartition dans ce cas. Le contenu du protocole vaut pour cinq ans, ce qui permettra de le revoir régulièrement afin de faire le bilan de son application et de l'adapter aux évolutions de la ressource et des besoins.

L'élaboration d'un protocole de gestion quantitative peut provenir d'un groupe d'usagers ou d'une collectivité territoriale. Il doit être soumis à l'avis du comité de bassin avant d'être approuvé par le préfet. L'un et l'autre s'attacheront à vérifier qu'il est compatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, ce qui est obligatoire.

Un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) peut tenir lieu de protocole s'il comporte des mesures de gestion quantitative équivalente à celles décrites ci-dessus. Cette possibilité pourrait accélérer le développement des SAGE : alors qu'ils ont été créés par la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau et sont obligatoires (l'article 3 du présent projet de loi vise à rendre leur élaboration non obligatoire), seuls trois SAGE ont été approuvés à ce jour. Ces schémas n'ont pas à être aussi précis que les protocoles de gestion quantitative, mais ils peuvent l'être, et ils poursuivent les mêmes objectifs généraux. Leurs conditions d'élaboration sont beaucoup plus encadrées que celles des protocoles (articles L. 212-4 à L. 212-6 du code de l'environnement) mais les obligations imposées aux protocoles font partie de celles qui s'appliquent aux SAGE : respect du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, avis du comité de bassin et approbation par le préfet. En revanche, il n'est pas prévu de durée de validité limitée pour les SAGE. Par souci de parallélisme avec les protocoles de gestion quantitative à proprement parler, il convient de prévoir que les mesures de gestion quantitative contenues dans un SAGE soient aussi révisées tous les cinq ans.

Le protocole de gestion quantitative vise une meilleure gestion de la ressource en eau, au niveau local. En contrepartie de cet engagement, les usagers bénéficieront de taux réduits de redevance consommation. Comme chaque usager paie la redevance individuellement, chacun doit s'engager individuellement à respecter le protocole : cet engagement doit figurer chaque année dans la déclaration prévue à l'article L. 213-23 du code de l'environnement, créé par le paragraphe 6. Il s'agit de la déclaration mentionnant tous les éléments nécessaires au calcul des redevances, qui doit être transmise aux agences de l'eau avant le 1er avril de l'année suivant celle au titre de laquelle elles sont perçues.

Le V de l'article L. 213-20 fixe les taux minorés applicables lorsque le protocole a été respecté par le redevable sur la totalité de l'année au titre de laquelle la redevance est due :

LIMITES DES TAUX APPLICABLES EN CAS DE RESPECT D'UN PROTOCOLE
DE GESTION QUANTITATIVE

(en centimes d'euro/m3)

 

m3 en deçà du seuil des 24.000 premiers m3

m3 au-delà du seuil des 24.000 premiers m3

Ressource de catégorie 1

0,3 à 0,75

0,3 à 0,75

Ressource de catégorie 2

0,3 à 0,75

0,6 à 0,9

Source : projet de loi.

Ces fourchettes de taux n'évoluent pas dans le temps. Celle qui s'applique à la ressource de catégorie 2 est plus élevée et plus étroite au-delà qu'en deçà du seuil des 24.000 premiers mètres cubes. Toutes sont nettement plus favorables que les fourchettes « normales » et que celles applicables aux 24.000 premiers mètres cubes consommés. L'incitation à l'engagement dans un protocole de gestion quantitative est donc forte.

L'existence de limites plus élevées pour les volumes d'eau provenant de ressources de catégorie 2 se justifie par le souci de ménager une ressource qui présente déjà de réels signes de faiblesse. Cette préoccupation est plus secondaire lorsque la ressource relève de la catégorie 1.

Afin de respecter le principe d'équité, cette redevance pour consommation d'eau ne distingue pas les usages de l'eau, contrairement aux coefficients actuellement en vigueur en matière de redevance pour prélèvement, lesquels sont très variables selon les usages et conduisent à taxer le moins fortement les usages portant sur les plus grandes quantités et aux conséquences les plus dommageables sur les milieux aquatiques. Mais, pour que cette redevance puisse être applicable également à tous les usages, ses taux ont dû être nettement revus à la baisse. La réforme fera ainsi chuter le produit de la redevance de 266,36 millions d'euros (1,75 milliard de francs) en 2000, à environ 76,22 millions d'euros (500 millions de francs) par an. On prévoit un produit de l'ordre de 404 millions d'euros (2,65 milliards de francs) sur l'ensemble des VIIIèmes programmes.

RECETTES PRÉVISIONNELLES DE LA REDEVANCE
POUR CONSOMMATION D'EAU SUR L'ENSEMBLE DES VIIIèmes PROGRAMMES

(en millions d'euros)

Ensemble des programmes

Adour Garonne

Artois Picardie

Loire Bretagne

Rhin Meuse

Rhône Méditerranée Corse

Seine Normandie

Total

Part par usage

(en %)

Total

85,07

38,42

59,00

46,65

78,51

96,50

403,84

-

Agriculture

38,72

0,76

19,21

1,22

16,77

5,64

82,32

20

Domestique

34,91

27,14

26,83

19,97

37,65

74,09

220,59

55

Industrie

11,28

10,37

12,96

25,46

24,09

16,77

101,07

25

Source : ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, direction de l'eau.

Le tableau précédent est le résultat des projections réalisées par la direction de l'eau pour évaluer la répartition du produit de cette redevance entre les catégories d'usagers. Pour l'adhésion aux protocoles de gestion quantitative, l'hypothèse retenue est un passage progressif de 50 % en début de programme à 90 % en fin de programme. Sur l'ensemble de la période 2003-2008, les agriculteurs devraient assurer 20 % du produit de la redevance pour consommation d'eau ; les usagers domestiques 55 % et les industries et la production d'énergie 25 %. Ces proportions sont à rapprocher des parts de consommation d'eau de chacun, qui atteignent respectivement 65 %, 25 % et 10 %.

Cet écart entre consommation effective et part des recettes, encore important, quoique réduit par rapport à la situation actuelle (les collectivités locales participent pour 74 %, les industries pour 21 % et l'agriculture pour 5 % au produit de la redevance consommation-prélèvement), s'explique principalement par le seuil de 24.000 mètres cubes, lequel s'applique pour chaque agriculteur et permet donc à cette catégorie de bénéficier de taux moyens plus faibles, et par le fait que, dans les bassins où les prélèvements agricoles sont les plus importants, les taux projetés à partir des taux actuels sont les plus bas.

*

* *

Après avoir adopté un amendement (n° 97) présenté par votre Rapporteur de coordination avec le report de l'entrée en vigueur des redevances, la commission a adopté deux amendements (nos 98 et 99) du même auteur, le premier prévoyant que les taux applicables aux 24.000 premiers mètres cubes soient obligatoirement inférieurs aux taux normaux fixés par les agences, le second prévoyant que, si un schéma d'aménagement et de gestion des eaux comporte des mesures de gestion quantitative, celui-ci doit être révisé tous les cinq ans.

Elle a ensuite rejeté un amendement présenté par M. Jean-Pierre Brard précisant que le seuil de 24.000 mètres cubes est également applicable aux exploitations bénéficiant d'une qualification en agriculture raisonnée, votre Rapporteur l'ayant jugé sans objet.

*

* *

PARAGRAPHE 5
REDEVANCE POUR MODIFICATION DU RÉGIME DES EAUX

La redevance pour modification du régime des eaux, instituée par l'article L. 213-21 du code de l'environnement, couvre deux champs en fait assez différents : la modification du régime hydrologique des eaux (retenues d'eau, dérivation, obstacle...), d'une part, et la prévention des inondations, d'autre part.

A.- MODIFICATION DU RÉGIME HYDRAULIQUE

Le volet de modification du régime hydraulique des eaux se décompose en quatre parties : dérivation, obstacle, stockage et éclusées, ces quatre éléments ayant pour point commun de modifier le régime naturel d'écoulement des eaux et d'avoir ainsi un impact fort sur le milieu aquatique en ralentissant le courant, en piégeant les sédiments, en ne laissant dans les cours d'eau qu'un débit résiduel très faible, provoquant des variations intenses de débit... Ces phénomènes sont à l'origine d'une diminution globale du pouvoir d'épuration naturelle des cours d'eau et d'une dégradation écologique des eaux.

La redevance se substituera, pour partie, à une redevance « prélèvement d'eau » qui s'appliquait à tous les prélèvements d'eau, même restitués, et s'ajoutait à la redevance consommation d'eau, qui ne s'appliquait qu'aux volumes prélevés et non restitués au milieu. Par ailleurs, l'article 18 du décret n° 66-700 du 14 septembre 1966 (modifié par le décret n° 75-998 du 25 octobre 1975) précisait en son I que des « redevances pouvaient être réclamées aux personnes publiques ou privées qui rendaient l'intervention de l'agence nécessaire ou utile (parce qu') elles modifient le régime des eaux dans tout ou partie du bassin ». Usant de cette faculté, les trois agences du Sud (Rhône-Méditerranée-Corse, Adour-Garonne et Loire-Bretagne), plus intéressées par l'hydroélectricité, ont créées une redevance hydraulique, selon des critères différents. Le présent projet consiste à donner une base légale à de telles pratiques tout en les encadrant puisque le Parlement votera une fourchette de taux pour chaque redevance, avec une possibilité de variation de 25% en plus ou en moins afin de permettre au comité de bassin d'adapter des taux aux circonstances locales et à l'importance des efforts à mener pour réduire les perturbations des régimes des eaux.

Les assiettes de la redevance « hydraulique » ont été construites selon deux grands principes : l'assiette doit être représentative de l'impact des faits générateurs de perturbation du régime des eaux, elle doit être facilement compréhensible et les paramètres qui la constituent doivent être précisément définis sans laisser de possibilité d'erreur d'interprétation. Le redevable doit avoir la possibilité de diminuer l'assiette de sa redevance en diminuant l'impact de ses ouvrages sur la ressource en eau. Ainsi, pour que la redevance soit incitative, il faut que les conséquences visées soient très précisément identifiées et clairement reliées aux éléments d'assiette.

1.- La redevance « dérivation »

On entend par dérivation le détournement par un canal artificiel (ou une conduite) d'une partie du débit du cours d'eau, avant restitution totale, partielle ou nulle. Il en résulte des tronçons de rivières court-circuités où le régime des eaux est modifié.

Lorsqu'un volume d'eau est dérivé ou prélevé dans un cours d'eau, par un canal, une conduite, à des fins de production d'eau potable ou industrielle, d'irrigation, de navigation ou de production hydroélectrique, le régime des eaux est modifié sur une certaine longueur de ce cours d'eau. L'impact de la dérivation est un assèchement relatif de l'ensemble du tronçon court-circuité puisque le volume prélevé ou dérivé n'y passe plus.

La loi fixe les seuils au dessus desquels la redevance doit être calculée, ces seuils étant cumulatifs et non alternatifs :

- seuil minimal de longueur de rivière court-circuitée : 500 mètres ;

- seuil minimal de volume dérivé annuellement : 500.000 m3.

L'assiette est calculée en fonction de la longueur du tronçon faisant l'objet d'une dérivation, du rapport entre le volume dérivé au cours d'une année et le volume moyen interannuel, et d'un coefficient de débit. Il a donc été choisi de calculer le rapport volume dévié/volume normal sur toute l'année et non pendant la période d'étiage comme le fait actuellement l'agence Loire-Bretagne. En effet, l'évaluation des débits d'étiage est délicate, alors que les débits moyens sont évalués plus facilement. C'est donc dans un souci de simplification qu'a été retenue cette formule. Par ailleurs, les volumes dérivés aux seuls fins de préservation d'écosystèmes aquatiques, de sites et de zones humides, ou pour satisfaire les exigences de la salubrité publique sont déduits de l'assiette.

L'utilisation d'un coefficient de débit permet de prendre en compte le fait que l'impact d'une dérivation de la moitié du débit d'un cours d'eau est plus importante si elle affecte un grand cours d'eau qu'une petite rivière. Ce raisonnement vaut également pour un obstacle ou des éclusées dont les redevances utilisent le même coefficient de débit. La largeur naturelle du cours d'eau aurait pu être choisie pour tenir compte de l'importance du cours d'eau affecté, mais il est vrai que celle-ci est difficile à mesurer et elle augmente beaucoup en présence d'un barrage artificiel, voire se réduit en cas de dérivation permanente importante. Le débit moyen interannuel, est plus facile à évaluer à partir des statistiques des stations de mesure ou par extrapolation, en l'absence de station. Toutefois, il augmente très vite en fonction de la largeur de la rivière et de la hauteur d'eau et son utilisation pénaliserait excessivement les grands fleuves au regard des sections mouillées intéressées. C'est pourquoi le projet apprécie l'importance du cours d'eau affecté par un coefficient de débit compris entre 0,2 pour ceux dont le module est inférieur à 0,2 m3/s et 40 pour ceux dont le module est supérieur à 1.000 m3/s (Rhône par exemple).

LE COEFFICIENT DE DÉBIT

Classes de débit (m3/s)

Coefficient de débit

Inférieur à 0,2

0,2

Supérieur ou égal à 0,2 et inférieur à 0,3

0,3

Supérieur ou égal à 0,3 et inférieur à 0,4

0,4

Supérieur ou égal à 0,4 et inférieur à 0,6

0,6

Supérieur ou égal à 0,6 et inférieur à 1

1

Supérieur ou égal à 1 et inférieur à 2

1,4

Supérieur ou égal à 2 et inférieur à 5

2,2

Supérieur ou égal à 5 et inférieur à 10

3,2

Supérieur ou égal à 10 et inférieur à 20

4,5

Supérieur ou égal à 20 et inférieur à 50

7,1

Supérieur ou égal à 50 et inférieur à 100

10

Source : ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, direction de l'eau.

2.- La redevance « obstacle »

On entend par obstacle tout ouvrage barrant de façon continue le lit mineur d'une rivière et engendrant une dénivelée de la ligne d'eau. Les deux conséquences de l'obstacle peuvent être caractérisées par une perturbation de la circulation des organismes aquatiques et du transport solide.

L'assiette est calculée en fonction de la hauteur de l'obstacle (« la dénivelée entre la ligne d'eau à l'amont de l'obstacle et la ligne d'eau à l'aval » - 2° du II de l'article L. 213-2 -), du coefficient de débit déjà utilisé par la redevance dérivation et d'un coefficient de rétention variant entre 0,3 et 1.

Ce coefficient de rétention caractérise l'aptitude de l'ouvrage à faciliter la circulation des organismes aquatiques (passe à poissons) ou le transit sédimentaire (vannes...). Le tableau ci-dessous indique les critères de définition de ce coefficient.

LE COEFFICIENT DE RÉTENTION

 

Ouvrages ne constituant pas un obstacle au transit
sédimentaire

Ouvrages constituant
un obstacle au transit
sédimentaire

Ouvrages franchissables dans les deux sens par les migrateurs

0,3

0,6

Ouvrages franchissables dans un seul sens par les migrateurs

0,4

0,8

Ouvrages non franchissables par les migrateurs

0,5

1

Source : ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, direction de l'eau.

Le caractère franchissable de l'obstacle s'apprécie pour l'ensemble des espèces piscicoles susceptibles d'effectuer des migrations et qui sont présentes dans le cours d'eau ou font l'objet d'un programme de réintroduction. Un ouvrage est considéré comme franchissable, dans un sens ou dans l'autre, s'il existe, au niveau de l'ouvrage ou de ses organes annexes, un ou plusieurs dispositifs de franchissement adaptés et fonctionnels permettant la circulation des espèces piscicoles concernées. Dans tous les autres cas l'ouvrage est considéré comme infranchissable. Un ouvrage est considéré comme transparent au transport sédimentaire s'il est équipé d'un dispositif de dégravement efficace ou si son débit d'effacement est inférieur ou égal au débit morphologique.

3.- La redevance « stockage »

Un volume d'eau est stocké dans un barrage. Il en résulte une modification du régime des eaux du tronçon de cours d'eau situé à l'aval, puisque le débit restitué pendant la phase de remplissage est inférieur au débit naturel.

L'impact que l'on veut prendre en compte est celui du stockage pendant la période d'étiage, où tout mètre cube stocké diminue d'autant les débits naturels.

La redevance « stockage » existe déjà dans le bassin Adour-Garonne et correspond à sa spécificité industrielle. EDF et la SHEM, filiale de la SNCF, ont créé des barrages réservoirs importants dans les Pyrénées et turbinent les eaux au maximum en hiver car le prix du kilowatt est plus élevé. A l'inverse, à la fonte des neiges au printemps et au début de l'été, ils stockent les eaux pour remplir leurs réservoirs en vue de l'hiver prochain. Ils privent alors d'eau les riverains en aval, alors que sur la Garonne, par exemple, les étiages sont faibles et il y a une forte pression pour l'eau potable et surtout pour l'irrigation. Ainsi, il est équitable de faire payer une redevance à ce stockage d'eau en été, qui crée un déficit à l'aval du cours d'eau par rapport aux collectivités ou agriculteurs qui consomment l'eau en aval.

La redevance « stockage » est assise sur le « volume d'eau stocké pendant la période d'étiage ». Pour les stockages, le « volume stocké » sera basé sur un bilan mensuel des accroissements du volume stocké (variations positives) dans la retenue pendant la période considérée, déduction faite des volumes stockés à des fins d'écrêtement de crues (il s'agit des volumes stockés dans le cadre des consignes de gestion de crue du barrage et déstockés dans un délai de 30 jours, ou à défaut de telles consignes, des volumes stockés lorsque le débit entrant est supérieur au débit moyen journalier de fréquence quinquennale).

Seuls les réservoirs d'une capacité minimale de 500 000 m3 ont été retenus pour le calcul de l'assiette stockage. Les volumes stockés lors de crues supérieures à la crue de fréquence quinquennale ou dans le cadre des consignes de gestion de crue du barrage, ne sont pas pris en compte pour le calcul.

4.- La redevance « éclusées »

On entend par éclusée une variation brusque du débit restitué au cours d'eau par un aménagement en raison de son mode de fonctionnement. Cet effet de choc engendre des perturbations importantes sur le milieu aquatique. Les éclusées peuvent provoquer un assèchement brutal de certaines zones du lit mouillé, entraînant des mortalités d'alevins et une réduction de la production biologique, donc de la capacité d'auto-épuration.

La redevance pour la restitution sous forme d'éclusées d'un volume d'eau à des fins d'utilisation de l'énergie hydraulique, est assise sur « le produit du coefficient de débit du tronçon où a lieu la restitution par le plus grand des rapports existant au cours de l'année entre le débit maximal turbinable et le débit minimal du cours d'eau pendant les épisodes d'éclusées » (4° du II de l'article L. 213-21).

Une éclusée est définie comme un épisode avec un démarrage de groupe. L'augmentation du débit ne doit pas être imputable au régime naturel du cours d'eau, ni à des apports en amont indépendants du gestionnaire de l'ouvrage.

La redevance n'est pas due lorsque le nombre annuel d'éclusées est inférieur à 50. Le terme d'amplitude de l'éclusée est plafonné à la valeur 80. Les ouvrages en chaîne (ouvrages distants de moins de 500 mètres) sont exclus de la redevance.

5.- Choix des taux et impact économique

Compte tenu de l'importance de la fonction hydroélectrique dans la répartition des redevables potentiels de la redevance (aux alentours de 80 % du total), cette activité a été retenue pour la détermination, dans un premier temps, de taux incitatifs et supportables, ce qui signifie des taux induisant une redevance sujette à modifier les modalités de gestion des ouvrages ou à réaliser des investissements afin de réduire la charge de la redevance et l'impact des ouvrages sur le régime des eaux, sans être exorbitants. De tels taux, pour cette catégorie de redevables, permettent d'assurer la caractère globalement incitatif de la redevance.

TAUX DES REDEVANCES

 

Taux minimal

Taux maximal

Dérivation (en euros/km)

400

670

Stockage (en centimes d'euros/m3)

0,45

0,75

Eclusée (en euros/unités)

85

140

Obstacle (en euros/mètres)

90

150

Source : projet de loi.

Le produit finalement estimé dans le présent projet s'élève à 26,37 millions d'euros (173 millions de francs). Il peut varier entre 19,21 millions d'euros (126 millions de francs) et 32,01 millions d'euros (210 millions de francs) avec la fourchette de taux retenue. Il se répartit comme suit entre les agences et les différents termes de la redevance :

RÉPARTITION DU PRODUIT ESTIMÉ DE LA REDEVANCE MRE ENTRE LES AGENCES

(en millions d'euros)

 

Adour Garonne

Artois Picardie

Loire Bretagne

Rhin Meuse

Rhône Méditerranée
Corse

Seine Normandie

Total

Obstacle

2,21

-

0,72

0,24

3,09

0,08

6,34

Dérivation

2,01

0,23

1,02

1,80

6,05

0,61

11,74

Eclusée

1,95

-

0,38

-

1,69

-

4,02

Stockage

1,28

-

0,49

0,01

1,80

0,69

4,27

Total

7,47

0,23

2,59

2,06

12,65

1,37

26,37

Total (en  %)

28

1

10

8

48

5

100

Source : ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement.

L'analyse de l'impact sur les redevables montre que 86 % du produit de la redevance sont dus à des ouvrages dont la fonction dominante est l'hydroélectricité, 6 % à des ouvrages de navigation et 5 % à des ouvrages d'aménagement en eau potable. La redevance est concentrée sur deux principaux redevables, EDF et la Compagnie nationale du Rhône, qui totalisent à eux deux 82 % (respectivement 70 % et 12 %) du produit de la future redevance. Cela représente une augmentation de 180 % (+ 13,72 millions d'euros, soit 90 millions de francs) par rapport à la redevance liée à la production d'hydroélectricité actuellement payée par EDF et par le CNR aux agences du sud (Rhône-Méditerranée-Corse, Adour-Garonne et Loire-Bretagne).

Les autres redevables importants sont les voies navigables de France avec une redevance de 1,07 millions d'euros (7 millions de francs), ce qui représente 0,6 % de ses recettes en 1998, et les producteurs autonomes qui paieront une redevance de 0,59 millions d'euros (3,9 millions de francs - 0,3 % du chiffre d'affaires de la profession), soit une diminution de 13 % par rapport à la redevance qu'ils paient déjà aux trois agences du Sud.

B.- LA PRÉVENTION DES INONDATIONS

L'enjeu de la prévention des inondations est fondamental pour les populations dans la mesure où des exemples récents (Sud-est et Est de la France en particulier) montrent la nécessité de la protection contre les inondations en site urbain. Il l'est aussi sur la plan économique : l'impact d'une crue centennale en amont de Paris pourrait par exemple se chiffrer à 7,62 milliards d'euros (50 milliards de francs) de dégâts. Le volet Inondations est divisé en deux parties : l'imperméabilisation des sols et la réduction de la surface des champs d'expansion des crues.

1.- L'imperméabilisation des sols

Le volet ruissellement est le premier volet des redevances inondations. Le principe de départ consistait à prendre en compte les modifications des conditions de ruissellement sur les bassins versants : modification des modes d'occupation des sols, prise en compte des pratiques culturales et imperméabilisation. Cette approche correspond bien à la réalité hydrologique des problèmes de changement des conditions du ruissellement. Elle correspond également à une certaine réalité des problèmes sur le terrain, où la maîtrise des eaux de ruissellement en milieu rural constitue, avec les problèmes d'érosion, un réel enjeu. Cependant, elle présente un niveau de difficulté de faisabilité tel que l'hypothèse de la prise en compte de l'ensemble des modifications des conditions de ruissellement n'a pas été retenue. Aussi, seul le ruissellement en milieu urbain à travers l'imperméabilisation est ici concerné.

Dans les zones urbaines, l'objet de la redevance est de permettre la prise en compte des eaux pluviales excédentaires en assainissement urbain à travers des techniques « douces », limitant l'impact de ces rejets sur les milieux récepteurs. Il s'agit, d'une part, d'aider au développement de techniques alternatives et à la mise en place d'une réglementation adaptée au niveau local mais aussi de résoudre les problèmes existants, sous réserve que les solutions ne portent pas atteinte à l'environnement. En milieu urbain, la production d'eaux de ruissellement et les problèmes qui en découlent sont liés pour l'essentiel au développement des surfaces imperméabilisées. Par conséquent l'imperméabilisation peut être considérée comme la première cause des problèmes d'insuffisance des réseaux d'assainissement. Pour le présent article, une surface imperméabilisée est « toute surface aménagée exposée aux pluies et recouverte d'un matériau artificiel qui modifie la capacité naturelle d'infiltration et de rétention des sols, à l'exclusion des emprises au sol des immeubles destinés à l'habitat » (5° du II de l'article L. 213-21).

C'est cette surface imperméabilisée qui constitue l'assiette de la redevance, le seuil étant fixé à 1 hectare. Cependant, un nombre significatif de redevables ont réalisé des ouvrages ou pris des dispositions pour maîtriser les eaux pluviales excédentaires liées à l'imperméabilisation, aussi l'assiette est-elle affectée d'un coefficient de compensation, variant de 0 à 1, reflétant ces efforts. Le taux de la redevance due à raison de l'imperméabilisation des sols est fixé à 150 euros (984 francs) par hectare.

2.- La réduction de la surface des champs d'expansion des crues

Le second volet est donc le champ d'expansion des crues qui couvre les aspects de débordement des rivières : il vise à favoriser une meilleure préservation et une meilleure gestion des champs naturels d'expansion des crues. En effet, un certain nombre d'ouvrages réduisent les possibilités d'expansion des crues : notamment les ouvrages longitudinaux comme les remblais autoroutiers, les canaux, les digues, mais aussi les remblaiements des zones inondables. Compte tenu de l'importance des champs d'expansion des crues dans la gestion des inondations, le fait générateur est la réduction de ces champs d'expansion naturels des crues d'une rivière. La définition des champs d'expansion est : « la zone naturellement inondable par la crue de référence, celle-ci étant la plus forte crue connue ou la crue de fréquence centennale si celle-ci lui est supérieure » (6° du II de l'article L. 213-21).

Dès lors, l'assiette de la redevance est constituée par la surface totale soustraite à l'expansion des crues par un ouvrage quelconque. Celle-ci se compose de l'ouvrage en lui-même, auquel s'ajoute la surface soustraite à l'expansion des crues par cet ouvrage. Le seuil d'imposition proposé par le présent projet est de 100 hectares, ce qui est trop élevé.

Cette assiette est multipliée par un coefficient de rétention, variant entre 0 et 1 en fonction des dispositions prises pour maintenir les conditions d'écoulement ou le régime du cours d'eau. Le taux de redevance due à raison de la réduction de la surface des champs d'expansion des crues est fixé à 15 euros (98 francs) par hectare.

En ce qui concerne les surfaces soustraites à l'expansion des crues, les redevables les plus nombreux seront des collectivités locales. Quant aux redevables les plus importants en termes de contribution, outre les collectivités locales, il s'agira des établissements publics. Les digues forment la majeure partie de l'assiette ; viennent ensuite les canaux, puis les voies ferrées, les autoroutes et les routes, ces ouvrages constituant l'essentiel des ouvrages réduisant les champs d'expansion des crues. Pour l'imperméabilisation des sols, les redevables concernés sont les propriétaires, gestionnaires et concessionnaires des surfaces imperméabilisées. Néanmoins, une limite importante a été fixée à l'assiette de ces redevances puisqu'elles ne concerneront que les ouvrages postérieurs au 1er janvier 2003. On comprend, certes, la difficulté de faire payer des redevances pour des imperméabilisations ou des remblais ou endiguements réalisés parfois depuis plusieurs siècles, mais une telle limitation réduit, d'une part, le rendement de ces redevances et, d'autre part, leur efficacité dans la lutte contre les inondations.

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PARAGRAPHE 6
DISPOSITIONS COMMUNES

Ce paragraphe définit les règles applicables à l'obligation de déclaration, au contrôle par l'agence des éléments déclarés, aux procédures de déclaration d'office, de redressement, ainsi qu'à la procédure de recouvrement. Jusque là, c'était le titre III du décret n° 66-700 du 14 septembre 1966 relatif aux agence financières de bassin qui organisait succinctement tous ces éléments. Or, ces dispositions étaient totalement insuffisantes, tant au regard des droits des contribuables qu'au regard des moyens dont disposaient les agences pour assurer le recouvrement des redevances.

Aussi, les articles L. 213-23 à L. 213-37 du code de l'environnement tels que rédigés dans le présent article encadrent-ils strictement les procédure de recouvrement, les voies de recours, les règles de redressement afin d'assurer une parfaite lisibilité et transparence de ces procédures. Toutes ces dispositions sont reprises, soit du livre de procédures fiscales, soit du code général des impôts, soit enfin du règlement général sur la comptabilité publique.

Le tableau ci-après retrace les dispositions ayant inspiré les articles proposés ici.

Articles du code de l'environnement

Dispositions de référence

Article L. 213-23

Déclaration dans le délai de soixante jours en cas de cession ou cessation d'entreprise

Article 201 du CGI

Article L. 213-24

Contrôle - avis de vérification

Articles L. 10 à L 12 et L. 47 à L. 49 du LPF

Article L. 213-25

Droit de communication

Secret professionnel

Articles L. 81 et L. 83 du LPF

Article L. 103 du LPF

Article L. 213-26

Redressement

Articles L. 55 et L. 57 du LPF

Article L. 213-27

Imposition d'office

1° en cas d'absence de déclaration

2° en cas d'absence de réponse aux demandes de renseignement, justifications ou éclaircissements

3° en cas de refus de contrôle

Procédure

Article L. 66 du LPF

Article L. 69 du LPF

Article L. 74 du LPF

Article L. 76 du LPF

Article L. 213-28

Prescription

Interruption

Articles L. 169 et L. 187 (fraudes ou man_uvres) du LPF

Article L. 189 du LPF

Article L. 213-29

Charge de la preuve

Articles L. 191 à 195 du LPF

Article L. 213-30

Intérêts de retard

- en cas d'absence de déclaration dans le délai prévu, décompte, majoration de 40 %

- en cas de déclaration insuffisante, inexacte ou incomplète

- taxation d'office

Mise en recouvrement après un délai de 30 jours

Article 1728 du CGI

Article 1729 du CGI

Article 1730 du CGI

Article L. 80 D du LPF

Article L. 213-31

Réclamation obligatoire

Suspension du recouvrement par la saisine du juge

(la procédure de sursis de paiement avec constitution de garanties prévue par l'article L. 277 du LPF n'a pas été reprise)

Décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 modifiant le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique (article 7)

Décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique (article 164)

Article L. 213-32

Dégrèvement d'office

Remises totales ou partielles

Article R. 211 du LPF

Article L. 247 du LPF

Article L. 213-33

Établissement du titre de recettes

Mise en recouvrement

Exigibilité

Paiement et majoration

Décret du 29 décembre 1962 (articles 161 et suivants)

Article L. 256 du LPF

Article 1663 du CGI

Article 1761 du CGI

Article L. 213-34

Poursuites exercées par l'agent comptable

Frais de poursuite

Décret du 29 décembre 1962

Tarif détaillé fixé à l'article 1912 du CGI ; ici des règles plus simples ont été retenues

Article L. 213-35

Prescription de l'action en recouvrement

Article L. 274 du LPF

Article L. 213-36

Contestations relatives au recouvrement, contentieux, désignation du juge compétent

Article L. 281 du LPF

Il a néanmoins été procédé à certaines adaptations du texte. Ainsi, à l'article 213-30 relatif aux intérêts de retard, les pourcentages de majoration sont moindres que ceux prévus par le code général des impôts. La mauvaise foi et les man_uvres frauduleuses ne sont sanctionnées que par une majoration de, respectivement, 20 % et 40 % alors que l'article 1729 du code général des impôts prévoit des majorations de 40 % et 80 %. De même, en cas de taxation d'office, la majoration prévue par l'article 1730 du code général des impôts est de 150 % alors qu'elle n'est que de 100 % ici.

Par ailleurs, l'article L. 213-37 ouvre une possibilité aux agences de l'eau, qui n'est pas reprise du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales. Les redevances instituées par le présent projet pourront faire l'objet d'acomptes payable avant le 1er juillet. Ces acomptes seront calculés en fonction des redevances payées l'année précédente, ou si celles-ci n'ont pas encore été liquidées, des redevances de l'année n-2. Cet acompte ne pourra néanmoins pas excéder 70 % de la redevance de référence. Toutes les redevances n'ont pas vocation à être concernées et un décret en conseil d'État précisera les modalités d'application du dispositif, et en particulier la liste des redevances concernées.

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La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

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Article 42

(Article L. 135 L. du livre des procédures fiscales)

Dérogation à la règle du secret professionnel en matière fiscale
au profit des agences de l'eau

Le présent article complète l'article L. 213-25 nouveau du code de l'environnement en prévoyant que les administrations de l'État doivent communiquer aux agences de l'eau les documents de service qu'elles détiennent sans être tenues par le secret professionnel.

Il s'agit de compléter la liste des dérogations à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales qui dispose que « l'obligation du secret professionnel, telle qu'elle est définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, s'applique à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts. Le secret s'étend à toutes les informations recueillies à l'occasion de ces opérations. Pour les informations recueillies à l'occasion d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, l'obligation du secret professionnel nécessaire au respect de la vie privée s'impose au vérificateur à l'égard de toutes personnes autres que celles ayant, par leurs fonctions, à connaître du dossier ».

L'article L. 113 du livre des procédures fiscales prévoit que « des dérogations à la règle du secret professionnel sont établies au profit d'administrations et autorités administratives, collectivités, services, organismes publics et autres personnes dans les cas prévus à la présente section ».

Le nouvel article L. 135 L. complète donc la liste de ces dérogations. Il permet à l'administration fiscale de fournir aux agences les informations nécessaires au recouvrement de la nouvelle redevance azote. Elle pourra ainsi fournir, à partir du 1er janvier 2003, les coordonnées des exploitants agricoles soumis de plein droit à un régime réel d'imposition et, à partir du 1er janvier 2008, ceux des exploitants agricoles et de leurs groupements soumis au régime simplifié pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée.

Néanmoins, comme dispose le troisième alinéa de l'article L. 213-25 du code de l'environnement, les personnes destinataires de ces informations sont elles-mêmes soumises au secret professionnel tel que défini à l'article 226-13 du code pénal : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 100.000 francs d'amende ».

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La commission a adopté un amendement (n° 100) présenté par votre Rapporteur, de coordination avec le report de l'entrée en vigueur des redevances.

La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi modifié.

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Chapitre V

VIIIèmes programmes d'intervention des agences de l'eau

Article 43

Orientations des VIIIèmes programmes pluriannuels
d'intervention des agences de l'eau

Le présent article est un des rares articles non codifiés du projet de loi. Il fixe des orientations aux VIIIèmes programmes pluriannuels d'intervention des agences de l'eau, et en détermine la durée : 2003-2008.

Il s'agit là d'une innovation importante, tant sur la forme que sur le fond.

A.- UNE INNOVATION FORMELLE

Sur la forme, le Parlement est amené à se prononcer pour la première fois sur la politique à mener dans le domaine de l'eau, dans le cadre du respect des directives communautaires et des principes de fond des articles L. 210-1 et L. 211-1 du code de l'environnement, alors qu'actuellement les orientations des programmes sont approuvées par le Gouvernement.

Sept séries de programmes se sont succédé jusqu'à présent. Elles ont évolué. Les Vèmes programmes ont été établis, par exemple, dans des conditions très différentes de celles qu'on a connu antérieurement puisqu'un accord financier, portant sur cinq ans, est intervenu entre le ministère de l'Environnement, le ministère des Finances et les agences, et a prévu une augmentation du produit des redevances de 2 % par an en francs constants. Les VIèmes programmes (1997-2001), dont les grandes orientations ont été arrêtées par le Gouvernement lors d'une réunion de ministres tenue le 20 juin 1996, sous la présidence du Premier ministre, afin de répondre à l'ensemble des objectifs et dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux entrés en vigueur au début de 1997, ont été, quant à eux, prolongés. Leur prolongation d'un an, pour couvrir l'année 2002, a été décidée par le Gouvernement le 12 décembre 2000, sur la base du volume d'interventions atteint pour l'année 2001 en francs constants de 1996, la directive-cadre ayant fixé la durée des programmes à six ans.

Le présent projet fait donc partir la prochaine série de programmes en 2003 et la fait s'achever en 2008. Votre Rapporteur craint cependant que l'année 2003 soit quelque peu prématurée.

Il observe en tout état de cause que le présent article ne fixe pas le contenu précis des programmes. Ceux-ci ne deviennent en aucune manière législatifs. N'est déterminé que l'encadrement des programmes. Le présent article indique les politiques à mener, les matières à traiter obligatoirement, complétant ainsi l'article L. 213-6 du code de l'environnement tel que proposé à l'article 39, les matières facultatives, et rend la fixation d'objectifs quantifiés et de moyens de contrôle de l'efficacité des agences impérative.

L'intérêt de la démarche réside dans le fait que le Parlement s'empare pleinement de la question de l'eau : il appartiendra au Parlement d'adopter les orientations des prochains programmes ; il y aura un débat sur l'eau tous les six ans. L'inconvénient réside dans le fait que toute modification d'orientation devra passer par la loi, alors qu'il n'est pas certain que la matière soit législative. Cela étant, il faut convenir que le présent article présente des orientations qui devraient laisser suffisamment de souplesse aux décideurs, à savoir les agences de l'eau.

Votre Rapporteur observe, toujours sur la forme, que la rédaction du présent article n'est pas toujours convaincante. En effet, les programmes ne peuvent guère « contribuer », en tant que tels, à la réduction des rejets industriels. Ils ne peuvent, en tant que programmes, « contribuer au financement » de certains dispositifs. L'objet du présent article est d'imposer aux programmes certaines orientations. Aussi la rédaction du 4° du présent article aurait-elle dû être généralisée : « les programmes comportent des mesures de soutien... ».

B.- DES INNOVATIONS DE FOND

Le présent article s'inspire évidemment longuement de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

Votre Rapporteur souscrit aux cinq axes retenus : lutte contre la pollution, maîtrise de la consommation d'eau, soutien à la sécurité de l'alimentation en eau potable, soutien à la gestion et à la restauration des milieux aquatiques, contribution à la réduction des modifications du régime des eaux dues aux activités humaines et des risques d'inondations.

Il approuve l'idée selon laquelle les programmes devront privilégier les mesures incitatives.

Il note avec intérêt que les programmes devront favoriser le développement de nouveaux services créateurs d'emplois.

Il est important de relever à cet égard que les agences ont apporté leur contribution au recrutement de 6.260 personnes sous contrat « emplois-jeunes » à la fin du premier semestre 2001. Cette contribution a notamment pris la forme de conseils à l'organisation des services locaux de l'eau.

Cela étant, votre Rapporteur s'interroge sur l'évolution de l'emploi dans les agences elles-mêmes. Leurs effectifs se sont accrus significativement au début de chaque programme. Certes, les dépenses de fonctionnement restent limitées au regard du budget des agences, et celles qui concernent le personnel ne représentent, en 2000, que 4,3 % des dépenses totales de celles-ci. Mais compte tenu de la réforme des redevances, notamment de la création de la redevance pour excédents d'azote, votre Rapporteur considère qu'il conviendra très probablement d'accroître singulièrement les effectifs, et peut-être cette part.

S'agissant du statut des personnels, il relève que les agences emploient essentiellement des contractuels. Sans doute, rien ne s'oppose à ce que des établissements publics administratifs emploient des contractuels, agents publics quel que soit leur emploi, en principe. Mais que la part des fonctionnaires (19) soit aussi faible dans des agences de l'eau qui ont pour mission de « gérer » des impôts, semble à votre Rapporteur quelque peu problématique, bien que les agents contractuels des agences disposent d'un statut spécifique relatif aux conditions d'embauche et à l'échelle indiciaire, adopté par une simple décision ministérielle du 7 février 1979. La qualité des agents des agences de l'eau n'est pas en cause. Et l'article L. 213-25 du code de l'environnement, tel que proposé à l'article 41 du présent projet, reprend fort opportunément l'obligation du secret professionnel - qui va au-delà de la simple discrétion professionnelle qui s'impose à tout fonctionnaire - pour les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'établissement de l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des redevances. Néanmoins, s'agissant des missions régaliennes, permanentes, l'emploi de fonctionnaires paraît une exigence de principe, sauf à vider de son sens le statut de la fonction publique. L'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose d'ailleurs que les emplois civils permanents de l'État et de ses établissements publics à caractère administratif sont en principe occupés par des fonctionnaires. L'exception faite pour les agences de l'eau en 1986, au travers d'une modification du décret n°84-38 du 18 janvier 1984 fixant la liste des établissements publics de l'État à caractère administratif prévu au 2° de l'article 3 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (qui permet des exceptions au principe), devrait donc sans doute être réexaminée.

Votre Rapporteur observe pour conclure ses commentaires sur le présent article qu'à l'occasion de celui-ci, le Gouvernement fait savoir que les nouveaux programmes d'intervention des agences devraient être préparés sur la base d'un niveau de recettes, toutes redevances confondues, sensiblement équivalent à celui atteint à la fin des VIIèmes programmes, afin de permettre aux agences de maintenir leur capacité de financement, soit environ huit milliards d'euros (52,48 milliards de francs). L'introduction des nouvelles redevances devrait permettre de mieux respecter le principe pollueur-payeur et de répartir plus équitablement la charge entre les différents usagers des ressources en eau tout en allégeant celle des consommateurs.

Le montant des travaux prévus par les VIIIèmes programmes des agences de l'eau est estimé à 20 milliards d'euros (131,19 milliards de francs).

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La commission a adopté un amendement (n° 101) présenté par votre Rapporteur de coordination avec le report de l'entrée en vigueur des redevances.

La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi modifié.

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Article 44

Entrée en vigueur et dispositions transitoires

La réorganisation des redevances perçues par les agences de l'eau est donc applicable à partir de l'exercice 2003, ce dans l'hypothèse d'une promulgation de la loi avant le 31 décembre 2002. Il s'agit ici de permettre la transition entre les deux systèmes en évitant toute interruption dans la perception des redevances. En effet, l'ensemble du dispositif proposé par le présent projet induit une redistribution des prélèvements entre les usagers et la taxation d'activités jusque là exclues de l'assiette des redevances. Si ce redéploiement se fait à pression fiscale constante, il convient de s'assurer que, pendant la période d'installation et de mise en place des nouvelles redevances, mise en place parfois complexe, les agences de l'eau ne voient pas leurs revenus baisser et ne soient pas confrontées à des problèmes de trésorerie.

Comme le prévoit l'article L. 213-37 nouveau du code de l'environnement, des acomptes pourront être prélevées par les agences en se fondant sur le montant des redevances prélevées l'année précédente, ou l'avant-dernière année si la redevance au titre de l'année précédente n'a pas encore été établie. La liste des redevances concernée sera établie par un décret en Conseil d'État. Pour les premières années d'application, soit 2003 et 2004 dans l'hypothèse d'une adoption en 2002, l'agence pourra calculer ces acomptes en se fondant sur les informations recueillies lors du prélèvement des redevances existant dans le précédent dispositif.

Le calcul de ces acomptes sera plus ou moins facile selon les redevances.

Concernant la redevance azote, le calcul sera impossible, son assiette étant, pour l'essentiel, nouvelle et non susceptible de recoupement avec les assiettes des redevances existantes. Il est ainsi peu probable qu'elle figure dans la liste des redevances pouvant faire l'objet d'un acompte.

Pour la redevance modification du régime des eaux, les agences les plus concernées (Rhône-Méditerranée-Corse, Adour-Garonne et Loire-Bretagne) pratiquent déjà, sous des formes diverses, une imposition et devraient donc disposer des informations nécessaires.

Pour les redevances pour pollutions de l'eau, les éléments générateurs de pollution sont déjà connus, à l'exception de la quantité de chaleur dégagée, ce qui devrait permettre de calculer les acomptes.

Concernant la redevance pour réseau de collecte, les agences disposent déjà des informations concernant la redevance de réseau de collecte des pollutions domestiques et assimilées puisque l'assiette est la même que la redevance d'assainissement. Par contre, pour la redevance pour réseau de collecte des pollutions non domestiques, l'assiette étant nouvelle, les agences ne disposeront pas des éléments nécessaires au calcul de l'acompte. Néanmoins, cette fraction de la redevance ne représente que 5 % des recettes attendues et ne devrait donc pas fausser le calcul de l'acompte.

Enfin, s'agissant de la redevance consommation d'eau, le calcul d'un éventuel acompte, dans l'hypothèse où cette redevance se trouve sur la liste évoquée ci-dessus, risque d'être difficile, car toutes les agences ne disposent pas des informations relatives au volume restitué au milieu d'origine, élément qui rentre en compte dans la calcul de l'assiette.

Une fois ces acomptes calculés, l'agence devra notifier au contribuable les éléments pris en compte pour le calcul, lequel disposera alors de trente jours pour présenter ses observations, suivant en cela la procédure définie au II de l'article L. 213-27 nouveau du code de l'environnement concernant les impositions d'office.

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La Commission a adopté un amendement (n° 102) présenté par votre Rapporteur de coordination avec le report de l'entrée en vigueur des redevances.

La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de cet article, ainsi modifié.

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Amendements à l'article 63

La commission a adopté deux amendements (nos 103 et 104) présentés par votre Rapporteur, de coordination avec le report de l'entrée en vigueur des redevances.

Mme Nicole Bricq s'est étonnée de l'existence d'une disposition, à l'article 34, relative à la durée du mandat des premiers membres du Haut Conseil des services publics de l'eau et de l'assainissement.

Le Président Henri Emmanuelli a indiqué que la composition du conseil d'administration des agences mériterait sans doute d'être réexaminée, car la représentation des élus locaux, pourtant directement responsables de la distribution de l'eau et de l'assainissement, y est largement insuffisante. Votre Rapporteur pour avis a déclaré partager ce point de vue.

La Commission a enfin émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi modifié.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article 30

(Article L. 2224-8-1 du code général des collectivités territoriales)

Amendement n° 61 présenté par M. Yves Tavernier :

Rédiger ainsi cet article :

« Art. L. 2224-8-1.- Le cas échéant, les services privés qui assurent la distribution d'eau sur une partie du territoire communal doivent informer la commune des caractéristiques de leurs ouvrages et de la qualité des eaux distribuées. »

(Article L. 2224-11-1 du code général des collectivités territoriales)

Amendement n° 60 présenté par M. Yves Tavernier :

Rédiger ainsi le début du dernier alinéa de cet article :

« Pour des motifs de santé publique, le maire, ou, à défaut, le préfet peut imposer... » (le reste sans changement).

Article 31

(Article L. 2224-12-3 du code général des collectivités territoriales)

Amendement n° 62 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, après les mots : « d'avances », insérer les mots : «  et toute autre forme de frais d'accès ».

Amendement n° 63 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de cet article, substituer aux mots : « à ce titre », les mots : « au titre des dépôts de garantie ».

(Article L. 2224-12-7 du code général des collectivités territoriales)

Amendement n° 64 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans cet article, substituer aux mots : « et du premier alinéa du I de l'article L. 2224-12-5 », les mots : « , du premier alinéa du I de l'article L. 2224-12-5 et de l'article L. 2224-12-6 ».

Article 32

(Article L. 2224-12-9 du code général des collectivités territoriales)

Amendement n° 65 présenté par M. Yves Tavernier :

Après le mot : « tarification », supprimer la fin du premier alinéa de cet article.

Amendement n° 66 présenté par M. Yves Tavernier :

Après le premier alinéa de cet article, insérer l'alinéa suivant :

« Le rapport établi par le délégataire en application de l'article L. 1411-3 du code général des collectivités territoriales est transmis à la collectivité déléguante et à la commission consultative avant le 30 mars. Cette dernière donne son avis avant le 1er juin suivant. Après sa présentation à l'assemblée délibérante, le rapport annuel sur la qualité et le prix des services publics de distribution d'eau et de l'assainissement mentionné à l'article L. 2222-5 est transmis à la commission consultative. »

Amendement n° 67 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans le deuxième alinéa de cet article, substituer au mot : « il », les mots : « le maire ou le président de l'établissement public ».

Article 33

Amendement n° 68 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans la quatrième phrase du deuxième alinéa du I de cet article, substituer aux mots : « douze ans », les mots : « dix ans ».

Amendement n° 69 présenté par M. Henri Emmanuelli :

Compléter le deuxième alinéa du II de cet article par la phrase suivante :

« Ce programme doit tenir compte des travaux déjà réalisés, de leur date, et estimer avec exactitude les besoins. »

Amendement n° 70 corrigé présenté par M. Henri Emmanuelli :

Après le deuxième alinéa du II de cet article, insérer l'alinéa suivant :

« Sous peine de nullité du contrat, le programme prévisionnel doit être transmis à l'assemblée délibérante un mois avant la transmission du contrat. Si le délégant décide de recourir à une expertise extérieure sur ce programme, le délai est automatiquement suspendu jusqu'à ce que cette expertise soit fournie. Si, dans le délai d'un mois, le délégant fait savoir qu'il souhaite apporter des modifications au programme prévisionnel, celles-ci doivent lui être transmises avant la signature du contrat. »

Amendement n° 71 présenté par M. Henri Emmanuelli :

Rédiger ainsi le début du dernier alinéa du II de cet article :

« A la fin du contrat, le délégataire établit un rapport rappelant et justifiant les travaux effectués ; il verse... » (le reste sans changement).

Après l'article 33

Amendement n° 72 présenté par M. Yves Tavernier :

Insérer l'article suivant :

Dans la première phrase de l'article L. 1411-3 du code général des collectivités territoriales, la date : « 1er juin » est remplacée par la date : « 30 mars ».

Amendement n° 73 présenté par M. Yves Tavernier :

Insérer l'article suivant :

« L'article L.1411-3 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce rapport respecte un cadre normalisé, déterminé par décret, comprenant notamment des éléments de bilan, la marge bénéficiaire réalisée sur le contrat, les méthodes de calcul des amortissements, des provisions, des charges et produits financiers, ainsi que les modalités de répartition des charges indirectes. »

Amendement n° 74 présenté par M. Yves Tavernier :

Insérer l'article suivant :

« L'article L.1411-3 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les comptes produits dans le rapport sont certifiés par le ou les commissaires aux comptes du délégataire. »

Amendement n° 75 présenté par M. Jean-Pierre Brard :

Insérer l'article suivant :

« L'article L. 1411-13 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La mise à disposition de ces documents, ainsi que celle des modalités de tarification des services publics de l'eau et de l'assainissement et des programmes prévisionnels de travaux prévus à l'article L. 1411-2, est annoncée dans le bulletin d'information générale sur la gestion et les réalisations du conseil municipal, lorsqu'il existe. »

Amendement n° 76 présenté par M. Yves Tavernier :

Insérer l'article suivant :

« La première phrase du premier alinéa de l'article L.140-4-1 du code des juridictions financières est complétée par les mots suivants :

«, ainsi que de toutes pièces de nature à justifier les produits et les charges du compte de délégation. »

Article 34

(Article L. 2224-12-10 du code général des collectivités territoriales)

Amendement n° 77 présenté par M. Yves Tavernier :

Supprimer le cinquième alinéa de cet article.

Amendement n° 78 présenté par M. Henri Emmanuelli :

Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de cet article, après les mots : « des ministres concernés, », insérer les mots : « d'un président d'une commission permanente de l'Assemblée nationale ou du Sénat concernée, ».

Amendement n° 79 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa de cet article, après les mots : « des collectivités territoriales, », insérer les mots : « des commissions consultatives des services publics locaux constituées en application de l'article L. 2143-4, ».

Amendement n° 80 présenté par M. Yves Tavernier :

Avant le dernier alinéa de cet article, insérer l'alinéa suivant :

« Lorsqu'il est saisi en application des deux alinéas précédents, le Haut Conseil exerce une mission de veille et d'alerte des autorités compétentes par la publicité de ses avis et par ses rapports. »

Amendement n° 81 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans le dernier alinéa de cet article, après les mots : « d'un service », insérer les mots : « ou une commission consultative des services publics locaux constituée en application de l'article L. 2143-4, ».

Amendement n° 82 présenté par M. Yves Tavernier :

Compléter cet article par l'alinéa suivant :

« Le Haut Conseil élabore un modèle de contrat de délégation des services de distribution d'eau et d'assainissement et un modèle de règlement pour ces services. »

Amendement n° 83 présenté par M. Henri Emmanuelli :

Compléter cet article par l'alinéa suivant :

« Le Haut Conseil dépose chaque année un rapport d'activité sur le bureau des assemblées. »

(Article L. 2224-12-12 du code général des collectivités territoriales)

Amendement n° 84 présenté par M. Yves Tavernier :

Compléter le premier alinéa de cet article par la phrase suivante :

« Le Haut Conseil peut saisir le Conseil de la concurrence en application de l'article L. 462-5 du code de commerce. »

(Article L. 2224-12-12 du code général des collectivités territoriales)

Amendement n° 85 présenté par M. Jean-Pierre Brard :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Haut Conseil peut saisir l'Agence française de sécurité sanitaire alimentaire et l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale. »

(Article L. 2224-12-13 du code général des collectivités territoriales)

Amendement n° 86 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots : « celles relatives », insérer les mots : « aux échéances des contrats, ».

Après l'article 34

Amendement n° 87 présenté par M. Yves Tavernier :

Insérer l'article suivant :

Dans le deuxième alinéa de l'article L. 462-1 du code de commerce, après le mot : « agréées, », sont insérés les mots : « du Haut Conseil des services publics de l'eau et de l'assainissement ».

Article 38

(Article L. 213-5 du code de l'environnement)

Amendement n° 88 présenté par M. Yves Tavernier :

Compléter le I de cet article par la phrase suivante :

« Elle peut fournir des avis sur les projets de cahier des charges envisagés par les collectivités locales pour la délégation des services publics de l'eau et de l'assainissement. »

Article 39

(Article L. 213-6 du code de l'environnement)

Amendement n° 89 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans le III de cet article, substituer aux mots : « annuel présenté », les mots : « présenté chaque année avant le 1er octobre ».

Article 41

(Article L. 213-12 du code de l'environnement)

Amendement n° 90 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans la dernière phrase du premier alinéa du II de cet article, substituer à l'année : « 2005 », l'année : « 2007 ».

(Article L. 213-17 du code de l'environnement)

Amendement n° 91 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans la première ligne du tableau du II de cet article, substituer aux années « 2003 », « 2004 », « 2005 », « 2006 », « 2007 » et « 2008 », respectivement, les années suivantes : « 2005 », « 2006 », « 2007 », « 2008 », « 2009 » et « 2010 ».

Amendement n° 92 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans la première ligne du tableau du III de cet article, substituer aux années « 2003 », « 2004 », « 2005 », « 2006 », « 2007 » et « 2008 », respectivement, les années suivantes : « 2005 », « 2006 », « 2007 », « 2008 », « 2009 » et « 2010 ».

(Article L. 213-18 du code de l'environnement)

Amendement n° 93 présenté par M. Yves Tavernier :

« Dans le 1° du I de cet article, substituer à l'année : « 2003 », l'année : « 2005 ».

Amendement n° 94 présenté par M. Yves Tavernier :

Compléter le 1° du I de cet article par les mots : «, et que ses recettes moyennes sur les deux derniers exercices clos connus, calculées conformément aux règles prévues par l'article 69 du code général des impôts, demeurent supérieures à 76.300 euros ; ».

Amendement n° 95 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans le 2° du I de cet article, substituer à l'année : « 2008 », l'année : « 2010 ».

Amendement n° 96 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans la première ligne du tableau du 2° du IV de cet article, substituer respectivement aux années : « 2003 », « 2004 », « 2005 », « 2006 » et « 2007 », les années « 2005 », « 2006 », « 2007 », « 2008 », et « 2009 ». 

(Article L. 213-20 du code de l'environnement)

Amendement n° 97 présenté par M. Yves Tavernier :

I.- Dans la première ligne du tableau du II de cet article, substituer respectivement aux années : « 2003-2005 », « 2006-2007 », « 2008 »,

les années : « 2005-2007 », « 2008-2009 », « 2010 ».

II.- En conséquence, procéder aux mêmes substitutions dans la première ligne du tableau du III de cet article.

Amendement n° 98 présenté par M. Yves Tavernier :

Après le tableau du III de cet article, insérer l'alinéa suivant :

« Les taux fixés par les agences en application du premier alinéa du présent paragraphe sont inférieurs à ceux fixés en application du II, applicables dans un même bassin, à une ressource de même catégorie, pour la même période. ».

Amendement n° 99 présenté par M. Yves Tavernier :

Compléter le dernier alinéa du IV de cet article par la phrase suivante :

« Ces mesures devront être révisées tous les cinq ans. »

Article 42

(Article L. 135 L du livre des procédures fiscales)

Amendement n° 100 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans cet article, substituer respectivement aux années : « 2003 » et « 2008 », les années : « 2005 » et « 2010 ».

Article 43

Amendement n° 101 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans le premier alinéa du I de cet article, substituer aux années : « 2003-2008 », les années : « 2005-2010 ».

Article 44

Amendement n° 102 présenté par M. Yves Tavernier :

Dans le I de cet article, substituer à l'année : « 2003 », l'année : « 2005 ».

Article 63

Amendement n° 103 présenté par M. Yves Tavernier :

Après le II de cet article, insérer le paragraphe suivant :

« II bis. - Les articles 38 à 44 de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2005. »

Amendement n° 104 présenté par M. Yves Tavernier :

À la fin du III de cet article, substituer à l'année : « 2003 », l'année : « 2005 ».

3517 . Rapport de M. Yves Tavernier (commission des finances) sur le projet de loi portant réforme de la politique de l'eau (n° 3205)

() Yves TAVERNIER, De l'opacité à la transparence : le prix de l'eau, rapport d'information de la Mission d'évaluation et de contrôle, Commission de finances, Assemblée nationale, XIème législature, 22 mai 2001, n° 3081.

() Conseil d'État, Sieur Bocholier, 4 juin 1975.

() décret n° 97-683 du 30 mai 1997 pour les télécommunications ; loi n° 53-661 du 1er août 1953 et décret n° 58-367 du 2 avril 1958 pour le gaz ; même loi et décret n° 56-151 du 27 janvier 1956, en cours de modification, pour l'électricité.

() notamment, Cour administrative d'appel de Lyon, SA Comalait Industries, 20 mai 1999, à propos d'une commune ; Conseil d'État, Commune de Battigny, commune de Gélaucourt, 6 novembre 1987, à propos d'un syndicat intercommunal chargée de la gestion de l'alimentation en eau potable.

() notamment Conseil d'État, Association Narbonne Liberté 89 et Bonnes, 26 juillet 1996 : le conseil municipal peut fixer un tarif différent pour les usagers du service de distribution d'eau résidant dans un quartier de la commune dans la mesure où cette différence est justifiée par le coût de l'extension du réseau de distribution d'eau à cette partie de la commune et par les conditions de son exploitation pour répondre à des besoins liés à sa vocation principalement touristique.

() Pour une critique argumentée des redevances, voir le Commissariat général du plan, Évaluation du dispositif des agences de l'eau, rapport au Gouvernement, la Documentation française, 1997.

() Il convient d'y ajouter bien entendu le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement (direction de l'eau), la mission interministérielle de l'eau et, au niveau local, les directions régionales de l'industrie et de la recherche, les directions départementales de l'équipement, les directions départementales de l'action sanitaire et sociale, les directions départementales de l'agriculture et des forêts, les directions régionales de l'environnement, et, bien entendu, les maires.

() Rapport du Commissariat général au plan, Évaluation du dispositif des agences de l'eau, Documentation française, 1997, p. 147.

() Les agences ayant la personnalité juridique peuvent ester en justice.

() Le tableau d'estimation forfaitaire fait figurer les cultures utilisant des engrais manufacturés minéraux et organiques, parmi les activités polluante, mais ne prévoit aucune grandeur caractéristique, ni aucun coefficient susceptible d'inclure ces activités dans l'assiette de la redevance.

() Cette exonération est prévue par l'article 14 de l'arrêté du 28 octobre 1975.

() L'État, les collectivités locales et les agences de l'eau prennent en charge les deux tiers du coût d'investissement.

() Ce seuil, fixé par arrêté est égal, pour chaque activité polluante, à 200 équivalents-habitants.

() Si, au moment où les coefficients d'agglomération ont été fixés - en 1975 -, un rural pouvait être considéré comme polluant moins qu'un citadin, cette différence n'est aujourd'hui plus justifiée, compte tenu du niveau d'équipement équivalent qui caractérise les deux populations.

() Source :« jaune » relatif aux agences de l'eau annexé au projet de loi de finances pour 2002.

() Source : La lettre de l'eau, n° 14, décembre 2000.

() Seuil de 3.000 kg X taux plancher de 0,2 euro/kg.

() Avis sur la réforme de la politique de l'eau, présenté par M. René Boué, 15 novembre 2000, à la demande du Premier ministre

() En 2000, on dénombrait dans les agences de l'eau 1795 agents au total, dont 75 fonctionnaires et 1720 contractuels (dont 212 employés sur des contrats à durée déterminée). Le nombre de fonctionnaires a baissé puisqu'en 1987, année du début du Vème programme, il s'élevait à 78. Celui des contractuels a fortement augmenté puisqu'en 1987, il était de 821. Précisons que les agents comptables sont nécessairement des fonctionnaires.


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