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le 25 janvier 2002

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N° 3533

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 janvier 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI (n° 2879), autorisant l'approbation de la convention d'Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés (ensemble une annexe),

PAR M. PIERRE LEQUILLER,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Philippe Briand, M. Bernard Brochand, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. Michel Grégoire, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

INTRODUCTION 5

I - L'INSUFFISANCE DU CADRE JURIDIQUE ACTUEL POUR LUTTER
     CONTRE LE TRAFIC DE BIENS CULTURELS
8

A - UN TRAFIC INTERNATIONAL EN AUGMENTATION 8

B - LE CADRE JURIDIQUE ACTUEL DE LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC DES
     BIENS CULTURELS
10

1) La convention de l'Unesco de 1970 insuffisante ? 10

2) Le droit communautaire, comme les autres législations régionales,
trop limités face à un phénomène d'ampleur mondiale 11

3) Les obligations en vigueur dans le domaine de
la transparence des transactions 13

II - L'APPORT DE LA CONVENTION UNIDROIT 15

A - LE CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION 15

1) Une définition très large des biens culturels 15

2) Les objets archéologiques 16

B - LE PRINCIPE DE LA RESTITUTION D'UN BIEN CULTUREL VOLÉ 17

1) Une règle qui prévaut souvent dans le droit positif des Etats 17

2) L'indemnisation de l'acquéreur de bonne foi 18

3) Les régimes de restitution dans la convention Unidroit
et dans la directive communautaire de 1993 20

C - LE RETOUR DES BIENS CULTURELS ILLICITEMENT EXPORTÉS :
     L'AFFIRMATION DE LA SOLIDARITÉ DES ETATS IMPORTATEURS
     DE BIENS CULTURELS
21

1) Le pouvoir d'appréciation des autorités de l'Etat requis 21

2) Les garanties accordées au possesseur de bonne foi 23

D - LES RÈGLES DE PRESCRIPTION 24

1) Un régime favorable au propriétaire dépossédé 24

2) Un apport nouveau au régime de revendication des biens volés 24

E - LA TRANSMISSION DES DEMANDES DE RETOUR OU DE RESTITUTION
DES BIENS CULTURELS
25

III - ORGANISER LA MISE EN _UVRE DE LA CONVENTION EN FRANCE 28

A - ADOPTER UNE LOI D'APPLICATION DE LA CONVENTION 28

B - ACCOMPAGNER L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA CONVENTION
     D'UNE CAMPAGNE D'INFORMATION
29

1) Formalités relatives aux biens culturels présents dans les collections
avant l'entrée en vigueur de la convention Unidroit 29

2) Précautions recommandées après l'entrée en vigueur de la convention 30

CONCLUSION 32

EXAMEN EN COMMISSION 35

ANNEXE 1 : liste des Etats signataires 48

ANNEXE 2 : lettre du Rapporteur à M. Hubert Védrine 45

ANNEXE 3 : lettre du Rapporteur à Mme Catherine Tasca 46

Mesdames, Messieurs,

Le vol et le trafic des _uvres d'art constituent un phénomène permanent et endémique, mais qui connaît une extraordinaire expansion : l'on assiste à une recrudescence des vols et cambriolages, et même des attaques à mains armées ainsi qu'en ont été victimes le Musée Marmottan à Paris et le Stewart Gardner Museum de Boston. Il faut y ajouter les pillages qui surviennent lors des conflits armés et le pillage des sites archéologiques, qui s'est répandu à partir des années 1960.

C'est ainsi que le trafic des biens culturels se situe en deuxième position derrière le trafic de drogue en terme de flux financiers ; les experts de la criminalité internationale considèrent que ces deux trafics peuvent d'ailleurs être liés.

En Europe, les pays riches en patrimoine culturel, comme la France et l'Italie, ont connu un triplement des vols en vingt ans. La situation s'aggrave depuis quelques années, dans les pays d'Europe centrale et orientale, car l'ouverture des frontières et les difficultés économiques favorisent l'évasion frauduleuse d'_uvres du patrimoine artistique dont le prix est peu élevé pour les amateurs occidentaux. Quant aux pays en développement, ils sont victimes d'un pillage organisé, notamment à l'encontre des sites archéologiques, pillage rémunérateur pour les réseaux d'intermédiaires impliqués, et contre lequel il est difficile de lutter.

Des instruments juridiques existent déjà : les principaux sont la Convention de l'Unesco de 1970, et, pour l'Union européenne, un règlement et une directive communautaires. Mais, pour différentes raisons que nous exposerons, ils ne suffisent pas à endiguer ce trafic en constante expansion.

La lutte contre le vol et le trafic d'_uvres d'art implique une collaboration internationale, à laquelle doivent prendre part les musées, les marchands (respectant la déontologie de la profession), l'administration, la police, les assureurs ainsi que les juristes. C'est ainsi que plusieurs organisations internationales ont partie liée dans ce problème : le Conseil de l'Europe, l'Union européenne, Interpol et naturellement l'Unesco.

Cependant, l'on constate, malheureusement, que la Convention de l'Unesco, comme les mesures de coopération policières, pénales ou administratives, comme les codes de déontologie adoptés par les musées et les marchands, sont insuffisants pour endiguer ce qui peut être considéré comme un fléau mondial. Les problèmes liés à ce trafic ne peuvent évidemment être réglés sur un plan national, ni même régional. C'est pourquoi est apparue la nécessité d'une action internationale comportant une unification du droit relatif au trafic des biens culturels, réalisée par la présente convention.

Selon M. Pierre Lalive d'Epinay1, qui a activement participé en tant qu'expert aux travaux préparatoires de la convention et assumé la présidence de la Conférence diplomatique réunie en juin 1995, ce nouvel instrument constitue aujourd'hui, sur le terrain du droit privé - qu'il considère comme la clé essentielle d'un progrès en la matière - « non seulement le meilleur, mais le seul effort international et universel sérieux tendant à prévenir, ou tout au moins à freiner, la revente d'objets culturels volés ou illicitement exportés et acquis par des acquéreurs négligents ou aveuglés par la passion - une revente sans laquelle la majorité des vols perdrait tout intérêt ».

Les rédacteurs de la convention ont dû surmonter les obstacles que peut constituer l'un des conflits de lois et d'intérêts les plus complexes qui soient, comme l'ont souligné les experts de droit international mobilisés sur le projet. Aussi le texte final reflète t-il un compromis politique et juridique difficile.

La convention a été signée par 22 pays. Elle a été ratifiée à ce jour par huit Etats, dont l'Italie, et a fait l'objet d'une procédure d'adhésion de la part de cinq Etats, dont la Chine2. Elle est donc entrée en vigueur à l'égard de treize pays.

La question posée aujourd'hui est celle de la ratification par la France de cet instrument très novateur, qui doit contribuer à une moralisation du commerce des biens culturels et à une prise de conscience en profondeur pour les professions mais aussi pour les particuliers. L'entrée en vigueur de la convention entraînera une évolution de notre droit dans les domaines concernés, et elle obligera les professions du commerce des biens culturels à plus de vigilance et de responsabilité.

Votre Rapporteur a examiné les évolutions juridiques exigées par la convention. Il a également tenté d'appréhender les contraintes qui en résulteront pour les professions. Cet examen l'a conduit à adopter une position favorable à la convention, mais à demander au Gouvernement que la ratification soit accompagnée, au plan national, de l'adoption d'une loi par laquelle le législateur formulera un cadre d'interprétation pour certaines dispositions de la convention nécessairement imprécises, s'agissant d'un instrument international devant s'appliquer à des pays aux régimes juridiques très divers. Il l'a également conduit à demander une action au plan européen, afin que les autres Etats au marché de l'art actif s'associent au processus de ratification.

I - L'INSUFFISANCE DU CADRE JURIDIQUE ACTUEL
POUR LUTTER CONTRE LE TRAFIC DE BIENS CULTURELS

A - Un trafic international en augmentation

Le phénomène du vol et du recel de biens culturels est international, mais la France, de même que l'Italie, est un des pays du monde les plus touchés. La criminalité qui porte atteinte à ce patrimoine culturel et artistique se caractérise à la fois par des vols commis en série par des malfaiteurs chevronnés et par des recels successifs qui constituent des réseaux d'écoulement, structurés au niveau national et international.

Tous les pays sont concernés par le vol d'objets d'art, car ils peuvent être pays victimes, pays de transit ou pays de destination.

En France, le nombre de vols d'objets d'art recensés varie entre 6000 et 7000 par an, ce qui représente plusieurs dizaines de milliers d'objets chaque année. Le tableau ci-dessous donne une approche statistique de ce phénomène.

« Vols de biens culturels sur le territoire national »



ANNÉES



MUSÉES

CHÂTEAUX -DEMEURES DE CARACTÈRE


LIEUX DE CULTE


GALERIES
MAGASINS

AUTRES HABITATIONS
DIVERS



TOTAL

1993

27

296

178

127

5514

6142

1994

38

466

253

95

5866

6718

1995

38

736

202

50

4700

5726

1996

47

572

173

85

4576

5463

1997

25

501

266

96

4681

5569

1998

47

1266

241

73

6230

7857

1999

44

760

229

88

4867

5988

2000

39

641

276

93

4713

5762

Une partie difficilement chiffrable de ce préjudice quitte le territoire national vers les pays de transit traditionnels (Pays-Bas, Belgique, Suisse) pour des pays de destination tels que les Etats-Unis, le Japon et toutes les places financières à monnaie forte. Les biens volés franchissent souvent les frontières en direction de pays dont la loi favorise la revente à un acquéreur de bonne foi, le Japon ou la Suisse par exemple. La chaîne des receleurs est alimentée « en flux tendu » et la fréquence des vols a consolidé les réseaux du trafic et l'intégration progressive des objets sur le marché licite.

Le patrimoine mobilier protégé par la loi du 31 décembre 1913 est souvent touché par les vols : une centaine d'objets classés monuments historiques ont été dérobés en 2000 dans soixante-quatre lieux différents. De même, de nombreux objets non protégés sont convoités, dérobés dans les monuments nationaux et appartenant au domaine public de l'Etat.

Le taux d'élucidation de ces affaires est difficile à apprécier : une centaine seulement sont élucidées chaque année par les services de police et de gendarmerie et concernent des objets volés parfois plusieurs années auparavant. En 2000, les enquêtes diligentées par l'Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) ont permis la découverte de biens culturels d'une valeur globale de 23 millions de francs. En 1999, ce chiffre avoisinait les 25 millions de francs. Chaque année réapparaissent sur le marché de l'art des _uvres volées qui sont rendues à leur propriétaire : on peut citer en exemple la découverte en Belgique, cette année, de deux statues classées volées en 1998 au château de Vaux-le-Vicomte.

Les pays européens riches en patrimoine artistique sont très touchés par ce phénomène depuis environ trois décennies. Ainsi par exemple, le service de police italien spécialisé transmettait en 1994 à Interpol une étude établissant que la période 1970-1990 avait vu près de 300 000 vols de biens culturels. Depuis, 30 000 à 40 000 disparitions d'objets sont signalées, données qui expliquent l'importance accordée par l'Italie à la ratification.

Mais les pays d'Europe centrale et orientale constatent qu'ils sont devenus plus vulnérables face à ce phénomène : la République tchèque estime perdre chaque année 10% de son patrimoine artistique. La Russie, la Croatie et la Pologne connaissent une recrudescence des vols, en particulier dans les églises et les chapelles.

La pratique des fouilles illicites du sous-sol a pris aujourd'hui une proportion sans précédent. Les pays au riche patrimoine archéologique sont ainsi victimes du pillage archéologique : il s'agit aussi bien de pays européens, comme l'Italie et la Grèce, que de pays d'Afrique (Bénin, Nigeria), d'Amérique latine ou d'Asie (Chine).

B - Le cadre juridique actuel de la lutte contre le trafic des biens culturels

1) La convention de l'Unesco de 1970 insuffisante ?

La Convention UNESCO de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'exportation, l'importation et le transfert de propriété illicites de biens culturels fait figure de référence dans la lutte contre le trafic international de biens culturels. Cependant, malgré l'importance symbolique du texte et, en particulier, de son préambule, qui posent le principe d'une responsabilité collective des Etats, la convention doit être considérée comme insuffisante, car elle n'a entraîné que des engagements des pouvoirs publics sans atteindre la sphère du droit privé, et sans toucher, donc, les particuliers possesseurs de bonne foi de biens culturels illicitement exportés.

a) Les principaux éléments de la convention

L'article 7, point b, de la convention, prévoit un mécanisme de restitution des biens culturels volés « dans un musée ou un monument public civil ou religieux ou une institution similaire » et figurant sur l'inventaire de l'institution, à la requête de l'Etat d'origine du bien. Le droit à indemnisation du propriétaire du bien évincé à la suite de l'action en revendication est reconnu, dans la mesure où il est acquéreur de bonne foi.

La convention a été ratifiée ou acceptée par quatre-vingt-onze Etats à ce jour. Il est regrettable que certains de nos partenaires européens - la Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni n'aient pas ratifié la convention. La Suisse procède actuellement à sa ratification. On soulignera que les Etats-Unis ont été le premier pays à accepter la convention, ce qui équivaut à la ratification. L'« assainissement » des tractations autour des biens culturels s'y est traduite, pour les objets d'archéologie surtout, par une hausse notable des prix (probablement du fait de la rareté des biens d'origine licite), mais qui n'a pas découragé les acheteurs, rassurés par la provenance licite garantie des objets. Certains experts critiquent cependant l'application sélective de la convention faite par les Etats-Unis, lorsqu'ils refusent par exemple de restituer à la France des livres du XVIème siècle volés à la bibliothèque Mazarine et acquis par une université américaine lors d'une vente aux enchères.

b) l'application de la convention en France

En 1982, le Gouvernement a adhéré à la convention, avec l'objectif de renforcer la coopération internationale en matière de lutte contre le pillage des biens culturels. La procédure de ratification a été engagée en 1983, puis stoppée en raison des objections formulées par le ministère des Finances inquiet quant au coût budgétaire de l'indemnisation des acheteurs de bonne foi d'un bien culturel volé. Les réticences internes ayant par la suite été surmontées, la France a ratifié la convention en 1997.

L'entrée en vigueur tardive de la convention et les conditions restrictives de l'action en revendication expliquent qu'à ce jour, aucune action en restitution n'ait été introduite en France sur le fondement de cette convention. La France n'a pas non plus engagé d'action dans un autre pays sur cette base.

c) un mécanisme trop limité

Le champ d'application de la convention est assez limité, d'où le progrès considérable qu'apportera la convention Unidroit. L'autre insuffisance de la convention de 1970 se situe dans l'absence de mécanisme juridique s'exerçant sur le terrain du droit privé, et permettant à un particulier d'engager l'action juridique. Le mécanisme prévu ne peut être actionné que par les Etats pour des biens volés à des musées, institutions religieuses ou monuments publics. Au contraire, la convention Unidroit permettra une action qu'il s'agisse d'un bien de propriété publique ou privée.

La convention de l'Unesco a cependant joué un rôle considérable dans la prise de conscience de la nécessité de lutter contre le trafic international. Elle a eu pour conséquence l'adoption, par de nombreux Etats, de législations de protection du patrimoine et de contrôle de l'exportation des biens culturels. C'est ainsi que la plupart des pays africains ont adopté des réglementations interdisant la sortie du territoire à des biens culturels non accompagnés de certificats d'exportation, notamment.

2) Le droit communautaire, comme les autres législations régionales, trop limités face à un phénomène d'ampleur mondiale

a) Le droit communautaire

La France a joué un rôle très actif dans l'élaboration de la réglementation européenne relative aux biens culturels : le règlement sur l'exportation des biens culturels (la protection des trésors nationaux) et la directive sur la restitution des biens culturels illicitement exportés.

Le règlement du 9 décembre 1992 a harmonisé les règles relatives à l'exportation des biens culturels faisant l'objet d'une protection particulière. La définition de ces biens relève du droit interne des Etats membres : en France les trésors nationaux sont régis par la loi du 31 décembre 1992, modifiée notamment par la loi du 10 juillet 2000 relative à la protection des trésors nationaux.

La directive du 15 mars 1993 a pour objectif d'assurer la restitution des biens classés « trésors nationaux » au sens de l'ancien article 36 du Traité CEE et qui ont quitté leur territoire en infraction à la législation nationale et au règlement de 1992. Elle organise un mécanisme de restitution du bien culturel volé et permet l'indemnisation du possesseur si celui-ci a exercé la « diligence requise » lors de l'acquisition. La directive est inspirée par le projet préliminaire de convention Unidroit, élaboré par le comité d'experts constitué au début des années 1990.

Le champ d'application ratione materiae de la directive est donc assez limité. Le mécanisme de restitution qu'elle prévoit est lui aussi limité : il ne concerne que les sorties illicites hors du territoire de l'Etat d'origine, et ne peut donc s'appliquer aux biens volés et déplacés dans un autre Etat membre.

Aucune action en restitution n'a été introduite par la France depuis l'entrée en vigueur de la directive. Les cas connus de déplacements illicites de « trésors nationaux » au sens de la directive ont été réglés selon le droit commun, dans le cadre de contentieux pénaux. Aucune action n'a été introduite en France par un autre Etat membre de l'Union. Le rapport commandé par la Commission européenne sur l'application de la directive fait état d'une seule demande judiciaire engagée par la Finlande auprès de la Haute Cour de Londres.

b) La quasi absence d'instruments régionaux traitant du trafic des biens culturels

La Convention Unidroit comble incontestablement une lacune du droit international, vu la quasi-absence d'instruments dans ce domaine : on citera le Commonwealth scheme, qui établit une procédure pour le retour d'objets volés ou illicitement exportés au sein du Commonwealth. Une législation type a été rédigée qui pourrait être la base de législations nationales dans les 54 Etats membres.

Certains pays, ainsi les Etats-Unis ont privilégié la voie des accords bilatéraux avec les pays victimes du vol de biens culturels.

3) Les obligations en vigueur dans le domaine de la transparence des transactions

Votre Rapporteur rappellera brièvement les obligations imposées par le droit français aux professionnels du commerce de l'art et aux vendeurs professionnels.

Les dispositions du Code pénal relatives au recel (articles 321-7 et 321-8) sanctionnent le défaut de tenue du registre des biens mobiliers mis en vente ou l'inexactitude de ce registre. L'identification des biens et celle des personnes les ayant proposés à la vente doit y être portée. Les organisateurs de ventes publiques doivent tenir un registre spécial d'identification.

La notion de recel couvre l'ensemble des biens volés sortis illicitement du territoire national.

La jurisprudence reconnaît l'existence d'une obligation générale de renseignements du vendeur professionnel à l'égard de l'acquéreur sur le bien vendu. Dans les transactions d'_uvres d'art, l'absence d'information ou la communication d'information volontairement erronée sur l'origine de propriété sont de nature à engager la responsabilité du vendeur professionnel, si cette origine pouvait être connue à la suite d'un minimum de vérifications.

Les articles 2279 et 2280 du Code civil autorisent la revendication par leur propriétaire des biens meubles volés ou perdus à l'encontre du possesseur actuel du bien, même si celui-ci est de bonne foi, dans le délai préfix de trois ans à compter de la perte ou du vol du bien. La jurisprudence a défini la notion de bonne foi de l'acquéreur lui ouvrant droit au remboursement du prix d'acquisition, ainsi que les obligations incombant à l'acheteur et au vendeur.

Les diligences requises pour admettre la bonne foi de l'acquéreur, au sens de l'article 2279 du Code civil sont variables selon les circonstances de la vente : vente publique ou non, qualité du vendeur, montant du prix, consultation de registres ou de listes de biens culturels volés ou illicitement exportés, accessibles aux particuliers.

La notion de mauvaise foi est interprétée de manière extensive : un acquéreur qui omet par exemple de procéder à des vérifications élémentaires sur l'authenticité des documents présentés ou sur l'identité du vendeur commet une imprudence grave, assimilable à la mauvaise foi. Les éléments objectifs de la transaction permettent de caractériser la mauvaise foi du vendeur ou de l'acquéreur : prix très inférieur à la valeur du bien, lieu de l'acquisition, non-respect de certaines formalités légales, acquisition auprès d'un non-professionnel, par exemple.

Pour ce qui concerne l'acquisition d'_uvres d'art par l'Etat, le décret n°90-1027 du 14 novembre 1990 impose certaines obligations pour garantir l'Etat contre d'éventuelles actions en revendication et pour vérifier l'entrée licite du bien sur le territoire français. Le recours à la base de données TREIMA3 sur les objets d'art et les biens culturels volés et illicitement déplacés, gérée par l'OCBC, doit en principe garantir la sécurité juridique des transactions réalisées pour le compte de l'Etat.

II - L'APPORT DE LA CONVENTION UNIDROIT

L'adoption de la convention Unidroit a marqué l'achèvement d'un long processus : près de dix ans de réflexion au sein de l'Unesco et du Conseil de l'Europe, et cinq années de travaux préparatoires puis de négociations sous l'égide de l'Institut international Unidroit, chargé de l'élaboration de la convention par l'Unesco. Les travaux ont d'abord réuni des experts gouvernementaux, puis des délégués de 78 Etats de toutes les parties du monde, et enfin des représentants, réunis au sein d'une conférence diplomatique tenue à Rome en juin 1995.

A - Le champ d'application de la convention 

1) Une définition très large des biens culturels

Au sens de la convention Unidroit (article 2), les biens culturels sont ceux qui, à titre religieux ou profane, revêtent une importance pour l'archéologie, la préhistoire, l'histoire, la littérature, l'art ou la science et qui appartiennent à l'une des onze catégories énumérées à l'annexe de la convention.

La convention établit une définition autonome des biens culturels, sans renvoi à la législation interne de chaque Etat partie. Cette solution a l'avantage de favoriser une mise en _uvre harmonisée quant à la définition du champ d'application ratione materiae de la convention, en limitant les distorsions dans l'application d'un pays à l'autre.

Les rédacteurs de la convention, d'abord partagés entre la technique de la définition générale et celle de l'énumération ou des listes, ont finalement décidé de s'en tenir à une simple variante de la définition des biens culturels adoptée par la Convention de l'Unesco de 1970. Les catégories retenues par la convention Unesco sont reprises dans l'annexe de la convention Unidroit, car les Etats ne sont pas forcément parties aux deux conventions.

Les détracteurs de la convention critiquent le champ d'application trop large de celle-ci. Il est vrai que l'annexe inclut des catégories de biens qui ne correspondent plus à la notion classique de l'objet d'art. On y trouve aussi bien le matériel ethnologique, les archives de toutes catégories, les timbres, mais aussi les « collections et spécimens rares de zoologie, de botanique, de minéralogie et d'anatomie, ainsi que les objets présentant un intérêt paléontologique ».

Cette définition est non seulement large mais évolutive. Elle apparaît en cela particulièrement adaptée et efficace au contexte actuel où des collections et des valeurs se créent autour d'objets qui n'intéressaient auparavant que des milieux scientifiques restreints et dont la demande alimente aujourd'hui un trafic illégal : c'est l'exemple de la restitution par la France à Madagascar, en 1999, de 315 _ufs fossiles de dinosaure volant, dont l'exportation est interdite. Ces _ufs estimés à une valeur de 500 000 dollars, avaient été saisis par la douane française au Havre alors qu'ils allaient alimenter un marché illicite.

Il convient de noter que cette définition ne s'applique dans toute son ampleur qu'aux biens culturels volés et non aux biens illicitement exportés. Pour ce deuxième cas, les articles 5 et 7 ont pour effet de restreindre la définition par des conditions supplémentaires. Toutefois, les biens d'usage traditionnel ou rituel des communautés autochtones ou tribales sont très protégés (on soulignera que les communautés d'Amérique du nord ont été particulièrement vigilantes quant à la rédaction de la convention).

2) Les objets archéologiques

Il est intéressant de souligner que, en vertu de l'article 3 paragraphe 2, les objets archéologiques issus de fouilles illicites sont assimilés par la convention à des biens culturels volés, si « cela est compatible avec le droit de l'Etat où lesdites fouilles ont eu lieu ». Il en est de même des objets mis au jour au cours de fouilles licites mais qui sont ensuite illicitement retenus.

Cette assimilation constitue un apport juridique très important pour de nombreux pays riches en patrimoine archéologique : l'Italie, par exemple. Ces pays sont en effet fréquemment sujets au pillage archéologique (notamment les pays en développement qui manquent de moyens pour effectuer et protéger les sites), avec pour conséquence la perte d'informations archéologiques, historiques et scientifiques, ainsi que le souligne le préambule de la convention. La convention donnera des moyens d'action à ces Etats qui ignorent, de par la nature des choses, le contenu archéologique de leur sol et ne découvrent souvent l'existence de trésors archéologiques qu'après l'excavation illicite, le transport et la vente à l'étranger.

Cette disposition, fortement réclamée par les Etats détenteurs d'un patrimoine archéologique, a été acceptée par la majorité des Etats lors de la Conférence de Rome. Néanmoins, elle est fort critiquée par une partie de la profession des marchands d'antiquités : cette règle pourrait donner lieu à des revendications abusives de la part de certains Etats, qui introduiraient des actions en justice en vue d'obtenir la restitution d'objets issus de fouilles anciennes, bien antérieures à l'entrée en vigueur de la convention, et pour lesquelles la « traçabilité » souhaitable ne pourrait être démontrée, les objets se trouvant depuis trop longtemps dans les patrimoines privés.

Cependant, l'assimilation juridique qui a été décidée se rattache au droit d'une majorité de pays, pour lesquels les antiquités se trouvant dans le sol sont la propriété de l'Etat. Font exception le droit des Etats-Unis et le droit du Royaume-Uni.

B - Le principe de la restitution d'un bien culturel volé

La convention établit, dans ses articles 3 et 4, que « le possesseur d'un bien culturel volé doit le restituer » mais qu'une compensation raisonnable lui est due à certaines conditions. L'une des avancées principales de la convention est d'admettre que toute personne, et non les seuls Etats, pourront demander la restitution d'un bien culturel volé.

1) Une règle qui prévaut souvent dans le droit positif des Etats

Ce principe, dont la mise en _uvre suscite l'appréhension chez certains marchands, n'est pas révolutionnaire, constituant une extension du principe « nemo dat quod non habet », déjà en vigueur dans de nombreux pays de common law, mais aussi de droit civil. Ce principe de protection du propriétaire illégalement dépossédé s'est imposé comme le seul efficace pour lutter contre les vols.

Le principe de restitution ne doit pas être dissocié de la compensation qui peut être attribuée au possesseur du bien culturel volé de bonne foi. Celui-ci a droit, aux termes de l'article 4 paragraphe 1 et 4, au paiement d'une indemnité équitable à condition qu'il n'ait pas su ou dû raisonnablement savoir que le bien était volé et qu'il puisse prouver avoir agi avec la diligence requise lors de l'acquisition.

Le terme de « bonne foi » n'est pas utilisé, mais il s'agit bien là de l'idée qui a prévalu. La formulation retenue a l'avantage d'expliquer en quoi consiste cette diligence dont doit faire preuve l'acheteur d'un bien culturel.

Ces dispositions, qui représentent un compromis heureux entre des systèmes juridiques très différents et des intérêts divergents, constituent un grand progrès par rapport au droit positif actuel. Elles inciteront les acheteurs de biens culturels à être prudents. Elles sont entièrement approuvées par les musées et les institutions opérateurs dans le domaine des biens culturels, lesquels craignent toujours de ne pas voir leur droits reconnus lorsqu'un objet leur est dérobé et revendu à l'étranger.

Il n'est pas précisé à qui l'objet doit être restitué : ce sera au juge de le décider. Il s'agira généralement du propriétaire, mais cela peut être un musée ou une galerie dépositaire.

2) L'indemnisation de l'acquéreur de bonne foi

Pour avoir droit au paiement d'une indemnité équitable, le possesseur du bien culturel doit « prouver avoir agi avec la diligence requise lors de l'acquisition », comme le prévoit l'article 4, alinéa 4. On soulignera que cette disposition est très favorable : certaines législations nationales excluent l'indemnisation du possesseur de bonne foi. De même, les conventions bilatérales signées par les Etats-Unis avec les pays d'Amérique latine ou d'Afrique victimes du trafic prévoient une restitution sans indemnisation.

a) Le possesseur doit faire la preuve de sa bonne foi

La convention institue, par rapport au droit français, un renversement du fardeau de la preuve en matière de possession mobilière ; la preuve de la bonne foi, nécessaire pour se voir indemnisé en cas de restitution, se trouvera à la charge du possesseur, disposition critiquée par certains représentants de la profession du commerce d'antiquités. Cette disposition résume la pratique jurisprudentielle de la plupart des pays dans le domaine des biens volés, qu'il s'agisse de biens culturels ou non.

Le Gouvernement précise que ce renversement de la charge de la preuve n'aura, dans la pratique, que des effets limités par rapport à l'application de la présomption formulée par l'article 2279 du Code civil en faveur du possesseur. En effet, cette présomption n'est pas irréfragable et tombe devant toute preuve contraire. Le possesseur doit alors restituer le bien réclamé.

Le possesseur pourra faire valoir un faisceau de preuves pour faire reconnaître sa bonne foi. Les juges apprécient déjà « les circonstances de l'acquisition, parmi lesquelles le prix payé et la qualité des parties ». Ainsi, il est considéré qu'un prix exceptionnellement bas justifie de plus amples renseignements, ou que dans certains cas, l'acheteur aurait dû se rendre compte que le vendeur n'avait pas qualité pour transférer la propriété du bien. Aussi les éléments mentionnés par la convention ne sont pas nouveaux, à l'exception de la référence à la consultation de documentation et de registres disponibles.

On soulignera que la directive communautaire du 15 mars 1993 avait déjà fait dépendre le droit à indemnité de l'exercice par le possesseur d'un certain nombre de diligences variables selon les circonstances de l'acquisition.

Il est certain que l'objectif de la convention est bien de modifier les comportements d'achats des particuliers, qui doivent se montrer vigilants face aux objets qui leur sont proposés. De nombreux vols sont en effet commis parce qu'il existe une demande de la part d'acheteurs passionnés mais peu regardants quant à l'origine du bien qu'ils convoitent. La consultation des registres publics ou privés de biens volés (accessibles sur Internet) devra faire partie des précautions souhaitables.

b) La notion d'indemnité équitable

La convention, dans ses articles 4 et 6, emploie un terme inévitablement imprécis, traduit de l'expression «  fair and reasonable compensation ».

En réponse à la demande du Rapporteur, le Gouvernement a apporté les précisions suivantes. Le montant de l'indemnisation sera évalué par les juges judiciaires conformément aux principes du droit français, en matière d'indemnisation de la perte du droit de propriété ou d'atteinte grave à l'un de ses attributs. Dans toutes les situations, le possesseur de bonne foi se verra donc indemnisé de son entier préjudice, en application de l'article 545 du Code civil. En cas de restitution d'un bien culturel volé à son propriétaire, les tribunaux judiciaires indemniseront le possesseur de bonne foi de la perte totale de la valeur du bien au jour de la demande judiciaire.

Cette obligation d'indemnisation représente une contrainte pour les pays en développement, dont les ressortissants peuvent être dans l'impossibilité de revendiquer, faute des ressources nécessaires. La convention prévoit certes que le demandeur peut réclamer le remboursement à une autre personne, et un tiers à l'origine du transfert du bien doit être condamné, si cela est possible, à payer l'indemnité. Cependant, obtenir le remboursement de l'intermédiaire malhonnête apparaît souvent difficile voire impossible.

c) La simultanéité de la restitution du bien et de l'indemnisation.

Votre Rapporteur s'est interrogé sur le point de savoir si la formulation des articles 4, § 1, et 6, § 1, prévoyant que le possesseur a droit au paiement d'une indemnité équitable « au moment » de la restitution ou du retour, était suffisamment précise. L'application de ce mécanisme doit être conforme à nos principes constitutionnels, et, en particulier, au principe de la juste et préalable indemnité garantie par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.

Il importe en effet de garantir la simultanéité de la restitution ou du retour du bien, ordonné par le juge, et de l'indemnisation du possesseur de bonne foi. Comment éviter, par exemple, qu'un Etat se retranche derrière son privilège d'immunité d'exécution pour ne pas respecter la décision judiciaire rendue en France ?

Les voies d'exécution de notre procédure civile donnent aux parties et aux juges la possibilité de garantir le paiement effectif de l'indemnité, en procédant, selon les circonstances, à la consignation des sommes ou à la mise sous séquestre du bien dans l'attente du paiement (en fonction de la qualité du demandeur et de son pays de résidence, par exemple). Votre Rapporteur estime cependant souhaitable que ce point soit précisé dans une loi comportant les modalités d'application de la convention Unidroit, à l'instar de la loi de 1995 transposant la directive communautaire de 1993, même si le parallèle n'est pas exact, la convention étant en principe d'application directe dans notre droit interne.

3) Les régimes de restitution dans la convention Unidroit et dans la directive communautaire de 1993

L'article 13, paragraphe 3 de la convention d'Unidroit comporte une clause de déconnexion pour les Etats membres « d'organisations d'intégration économique » : en vertu de cette clause, les Etats membres de l'Union européenne pourront, dans leurs relations réciproques, appliquer les mécanismes de restitution de la directive de 1993 en ce qui concerne les biens entrant dans le champ d'application de la directive. On se rappellera cependant qu'il ne s'agit que des « trésors nationaux ».

Ensuite, le mécanisme de restitution ne concerne que les sorties illicites du territoire d'origine du bien culturel. Les biens culturels volés et déplacés dans un autre Etat membre de la Communauté, mais sans violation de la législation nationale ou du règlement communautaire de 1992, ne sont pas restituables par le mécanisme de la directive.

La convention Unidroit s'appliquera en conséquence à toutes les autres actions en restitution de biens volés et pour les actions en retour de biens illicitement exportés non régis par la directive.

C - Le retour des biens culturels illicitement exportés : l'affirmation de la solidarité des Etats importateurs de biens culturels

Le chapitre III de la convention affirme le principe du retour des biens culturels illicitement exportés. On notera que l'article 5, paragraphe 2, inclut dans cette catégorie les objets exportés temporairement pour exposition, recherche ou restauration, et non retournés conformément à l'autorisation d'exportation. Par cette disposition très novatrice, les Etats qui auront ratifié la convention seront tenus d'ordonner le retour d'un bien culturel se trouvant sur leur territoire en violation d'une loi étrangère.

L'affirmation de ce principe traduit l'engagement des Etats « importateurs » de biens culturels de se montrer solidaires des Etats d'origine des biens qui, souvent, connaissent des difficultés ou sont dans l'impossibilité de faire appliquer leur législation relative à la conservation du patrimoine et à l'exportation des biens culturels.

La question des modalités du retour de biens culturels illicitement exportés a été très débattue au cours des négociations : l'on peut même dire qu'est apparu à ce sujet un fossé entre les deux groupes de pays. D'un côté, les pays victimes de l'exportation illicite de biens et attachés à défendre leur patrimoine culturel, qui estimaient du devoir des Etats « importateurs » d'accorder leur concours de façon quasi automatique pour le retour des objets, au nom d'une solidarité internationale basée sur la coopération politique et la morale. De l'autre côté, les pays « importateurs », où se trouvent les collections publiques et privées qui « aspirent » à elles les objets culturels, pouvaient s'interroger sur l'opportunité d'assumer des obligations à la place des premiers.

Le groupe des Etats « importateurs » a été rassuré par les dispositions qui encadrent l'application du principe du retour des biens illicitement exportés et apportent des garanties à l'Etat requis. A défaut, de nombreux Etats n'auraient pas signé la convention, qui se serait heurtée à leurs principes constitutionnels.

On soulignera que les actions en retour ne sont engagées que par les Etats : l'idée d'autoriser les personnes privées à présenter des demandes en retour, qui avait été suggérée par les Pays-Bas, n'a pas été retenue.

1) Le pouvoir d'appréciation des autorités de l'Etat requis

L'Etat requis conserve le pouvoir de décider s'il y a lieu de donner suite à la demande. Il lui appartient d'abord d'apprécier s'il y a bien eu violation d'une loi étrangère réglementant l'exportation des biens culturels en vue de protéger le patrimoine culturel de l'Etat demandeur.

Ensuite, il vérifiera que la preuve a bien été apportée que l'exportation du bien porte « une atteinte significative à l'une ou l'autre des valeurs énumérées à l'article 5 :

a) La conservation matérielle du bien ou de son contexte ;

b) L'intégrité d'un bien complexe ;

c) La conservation de l'information, notamment de nature scientifique ou historique, relative au bien ;

d) L'usage traditionnel ou rituel du bien par une communauté autochtone ou tribale, ou encore le bien revêt pour l'Etat demandeur « une importance culturelle significative ».

C'est l'Etat requérant qui devra apporter à l'appui de sa demande de retour toute information permettant au juge de l'Etat requis de déterminer si les conditions du retour du bien sont réunies.

L'extension large donnée par la convention à la notion de bien culturel suscite l'inquiétude de certains représentants de la profession des antiquaires et négociants en objets d'art : la crainte est formulée de voir les juges admettre trop souvent « l'atteinte significative » aux intérêts de l'Etat requérant, obtempérant à des revendications excessives et injustifiées, et, abdiquant toute souveraineté, ordonner le retour d'objets soudain réclamés par leur Etat d'origine, découvrant leur existence à la faveur d'une exposition ou d'une vente publique.

Cette crainte est injustifiée. De la rédaction de l'article 5, il ressort que le juge saisi par un Etat d'une demande de retour d'un bien culturel conservera la liberté d'appréciation et d'interprétation de la convention qui est la sienne dans toute demande d'entraide ou d'assistance prévue par une convention internationale.

Le juge pourra, comme il le fait dans d'autres domaines, apprécier si l'exportation du bien était licite ou non. Il pourra aussi, sans trop de difficulté, établir avec l'aide d'un expert dans le domaine concerné si l'exportation du bien porte « une atteinte significative » à l'intégrité d'un bien complexe ou si le bien revêt pour l'Etat requérant une importance culturelle significative. Il est certain qu'aujourd'hui, cette notion peut apparaître imprécise : il appartiendra à la jurisprudence d'en définir les contours.

Une autre hypothèse semble également redoutée par les marchands d'art primitif : ceux-ci craignent que les possesseurs d'objets se trouvant depuis longtemps ou depuis peu dans les collections privées ne puissent apporter la preuve qu'un objet a été intégré dans une telle collection avant l'entrée en vigueur de la convention. Il en résulterait alors un risque d'application rétroactive de fait de la convention, déstabilisante pour les collectionneurs privés mais aussi pour les gestionnaires de collections publiques, qui pourraient se trouver confrontés aux mêmes revendications.

Ce risque d'application rétroactive de fait est apparu réel à votre Rapporteur. Il peut cependant être évité si des mesures sont prises pour accompagner l'entrée en vigueur de la convention dans notre pays. Ces mesures seront évoquées plus loin.

Enfin, on notera que les rédacteurs ont prévu, dans l'article 20, la réunion périodique d'un comité spécial pour examiner le fonctionnement pratique de la convention.

2) Les garanties accordées au possesseur de bonne foi

De même que dans le cas, décrit précédemment, de la restitution d'un bien volé, le possesseur d'un bien illégalement exporté peut obtenir une indemnisation s'il n'a pu suspecter que le bien avait été illégalement exporté.

Le parallélisme n'est cependant pas complet. L'article 6 de la convention admet que le retour dans le pays d'origine n'entraîne pas automatiquement l'expropriation : il peut y avoir un accord entre le possesseur et l'Etat requérant au terme duquel le possesseur peut rester propriétaire du bien (ce qui évite l'indemnisation) ou décider de transférer la propriété à une personne de son choix résidant dans l'Etat requérant.

Au plan du droit français, quelle sera l'indemnisation du possesseur de bonne foi, contraint de retourner le bien illicitement exporté, dans son pays d'origine, mais qui en demeure propriétaire ? Le montant de son indemnisation dépendra de la nature et de l'importance des limites apportées à son droit de propriété par la décision de retour. L'indemnisation pourra être équivalente à la valeur du bien, en cas de restrictions importantes à ses droits de propriétaire.

Comme dans le cas d'un bien volé, c'est au possesseur de faire la preuve de sa bonne foi afin d'obtenir une indemnisation.

Les opposants à la convention soulignent que l'un des moyens de preuve les plus usuels, le certificat d'exportation, peut être contesté dans son authenticité par le pays d'origine : l'indemnisation du possesseur serait alors, selon eux, aléatoire. L'existence de phénomènes de corruption permet souvent le trafic des biens culturels, grâce à de faux certificats. Il ne fait cependant pas de doute que le juge pourra alors privilégier le principe de l'apparence en faveur de l'acquéreur ; l'existence de ce certificat fera en tout cas partie du faisceau de preuves apportées par le possesseur.

D - Les règles de prescription

1) Un régime favorable au propriétaire dépossédé

Les délais de prescription de la demande de restitution d'un bien volé résultent d'un compromis largement accepté par la France : on y retrouve notamment un principe d'imprescriptibilité pour les vols de biens appartenant à des collections publiques, auquel notre pays tenait particulièrement.

L'action en restitution se prescrit normalement en 3 ans. Le point de départ est une double connaissance, de l'endroit où se trouve le bien culturel et de l'identité du possesseur. Le délai absolu de prescription est de 50 ans à compter du moment du vol.

Un régime spécial s'applique pour les objets faisant partie de collections publiques, au sens large, ou d'un monument ou site archéologique. Le seul délai de prescription est alors le délai de 3 ans déjà mentionné.

La convention permet aux Etats d'appliquer des règles plus favorables à la restitution ou au retour des biens culturels des biens culturels (article 9, § 1). Chaque Etat est donc libre de déroger à ces règles par une déclaration allongeant à 75 ans, comme l'a fait la Chine dans une déclaration annexée, ou au-delà, les délais de prescription. Le Gouvernement français a l'intention de déposer une déclaration précisant l'imprescriptibilité des actions relatives aux archives publiques, aux archives classées et aux objets mobiliers classés, en vertu du droit interne français.

Pour le retour d'un bien illicitement exporté, l'on retrouve le délai de prescription de 3 ans à partir du moment où ont été identifiés l'endroit où se trouve le bien culturel et l'identité du possesseur. Le délai absolu de prescription est également de cinquante ans à compter de la date de l'exportation ou de la date à laquelle le bien aurait dû être retourné.

2) Un apport nouveau au régime de revendication des biens volés

Les détracteurs de la convention soulignent que les règles de prescription imposées par la convention remettent en cause les règles de prescription du Code civil pour la revendication des biens meubles et des biens volés.

Tout d'abord, il n'existe pas de difficulté d'articulation entre les règles de l'article 2279 du Code civil (prescription triennale ne concernant que les biens perdus ou volés) et les règles de prescription de l'article 3 de la convention. En effet, les règles de la convention auront vocation à s'appliquer dans l'ordre juridique français, dès leur entrée en vigueur, aux actions en restitution qui présenteront un caractère international. Ces demandes judiciaires seront cumulativement régies par le corpus de règles matérielles uniformes issues de la convention et par les dispositions de droit interne, applicables en vertu des règles de conflit de lois, pour toutes les autres questions non réglées par le texte de la convention.

Le régime actuel de revendication des biens mobiliers volés ou perdus continuera donc à s'appliquer à toutes les demandes en revendication hors du champ d'application de la convention.

Le régime de la convention est plus favorable au propriétaire dépossédé que l'article 2279 du Code civil qui fait courir le délai de revendication du jour de la perte ou du vol. Ce régime est incontestablement adapté à la réalité du trafic illicite et au caractère spéculatif des transactions, dans lesquelles l'achat du bien culturel est vu comme un investissement. On ajoutera que, dans le domaine des biens meubles culturels déplacés, certains textes n'ont fixé aucun délai : la Déclaration de Londres de 1943 concernant les biens pris sous l'occupation nazie ou la Convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé.

On ajoutera que la prescription triennale de l'article 2279 n'a pas une portée absolue. La revendication de biens volés demeure possible sans délai en cas de détention précaire ou de possession « viciée ».

E - La transmission des demandes de retour ou de restitution des biens culturels

La transmission des actions en restitution peut avoir lieu selon plusieurs procédures. La France a opté pour la transmission par les voies diplomatiques ou consulaires (option C) : les postes auront donc la charge de transmettre les demandes de retour ou de restitution des biens culturels à l'Office central de lutte contre le trafic de biens culturels, autorité centrale désignée pour retransmettre les demandes aux autorités judiciaires compétentes.

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Une inconnue demeure sur la façon dont la convention sera appliquée. Les Etats victimes des vols et d'exportations illicites de biens culturels feront-ils fréquemment appel à la convention ? Seront-ils prêts à indemniser les possesseurs de bonne foi si ceux-ci ont été abusés par des intermédiaires quant à l'origine du bien et à la régularité de son exportation hors du pays d'origine ? Comment les tribunaux des pays « d'importation » interpréteront-ils la convention ?

Il est peu probable que l'entrée en vigueur de la convention se traduise par une inflation des demandes de restitution ou de retour. Il faut évidemment prendre en considération les formalités, les lenteurs et les frais inévitablement élevés de la procédure. Lors de la conférence de Rome, nombre d'Etats ont exprimé la crainte que pour des raisons pratiques et financières, le chapitre III de la convention relatif aux biens illicitement exportés ne demeure lettre morte. L'hypothèse de la constitution d'un fonds spécial a même été évoquée. Aussi est-il vraisemblable que les demandes de retour ne s'exercent que pour des biens d'une grande importance au regard du patrimoine et de l'identité culturelle du pays d'origine.

III - ORGANISER LA MISE EN _UVRE DE
LA CONVENTION EN FRANCE

Votre Rapporteur a souligné les aspects extrêmement positifs de la convention. Il en a aussi décrit les aspects nécessairement imprécis, s'agissant d'un texte visant à s'appliquer dans des pays au système juridique très différents.

Afin d'éviter que ces imprécisions n'entraînent des inconvénients et une insécurité pour les acteurs du marché de l'art et des biens culturels français, il souhaite que, d'une part, la ratification de la convention par notre pays soit accompagnée de l'adoption d'une loi apportant un certain nombre de précisions et que, d'autre part, l'entrée en vigueur de la convention soit l'occasion d'une information complète du public sur ses conséquences.

A - Adopter une loi d'application de la convention

La directive communautaire du 15 mars 1993 relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat membre a fait l'objet d'une loi de transposition : la loi n° 95-877 du 3 août 1995. La présente convention a vocation, en principe, à s'appliquer directement dans notre droit interne.

Cependant, votre Rapporteur estime nécessaire que l'application en France de la présente convention soit accompagnée par une loi apportant un certain nombre de précisions à destination des acteurs du marché de l'art et des biens culturels, mais aussi des particuliers. Cette loi apporterait également un cadre d'interprétation de la convention pour les magistrats qui devront l'appliquer lors des demandes de restitution ou de retour.

Un tel texte devrait ainsi formuler les moyens de se prémunir contre un risque d'application rétroactive de fait de la convention. Des éléments de procédure devraient être précisés pour garantir l'indemnisation effective du possesseur de bonne foi et ce qu'il advient en cas de non paiement de l'indemnité. Il convient d'éviter en effet que des acteurs honnêtes et de bonne foi soient pénalisés par l'imprécision de la convention.

Votre Rapporteur souligne que, selon M. Georges Droz, ancien Secrétaire général de la Conférence de droit international privé de La Haye et membre du comité d'experts à l'origine de la convention, la grande majorité des Etats européens ont l'habitude d'accompagner la ratification des conventions d'un texte national d'application, ce que notre pays fait au contraire rarement.

B - Accompagner l'entrée en vigueur de la convention d'une campagne d'information

Il est certain que la convention doit entraîner une évolution des comportements pour les marchands comme pour les collectionneurs et acheteurs en général.

Votre Rapporteur, dans un souci d'information, évoquera un certain nombre de précautions qui pourraient être prises par ceux-ci, tant en prévision de l'entrée en vigueur de la convention qu'après son entrée en vigueur. Ces éléments ont été suggérés au cours des auditions conduites par votre Rapporteur ; il sera indispensable qu'ils soient précisés par le ministère de la Culture dans une action d'information à destination du public.

Ils s'adressent davantage aux particuliers amateurs plutôt qu'aux marchands et galeristes, car ceux-ci sont déjà tenus à un certain nombre d'obligations par le droit en vigueur et la convention ne met pas d'obligation nouvelle à leur charge.

1) Formalités relatives aux biens culturels présents dans les collections avant l'entrée en vigueur de la convention Unidroit

Ces biens ne sont pas concernés par la convention, et ne peuvent donc faire l'objet d'une action en restitution ou en retour. Toutefois, comme le souligne le Syndicat national des Antiquaires, un tel bien pourrait être revendiqué à l'avenir, sur la base de la convention, s'il venait à être exposé dans une manifestation culturelle ou mis en vente publique. Même s'il appartient au requérant d'apporter la preuve que le bien a été volé ou illicitement exporté après l'entrée en vigueur de la convention à l'égard de la France, il peut être utile que son propriétaire présente devant le juge des éléments permettant de démontrer que ce bien était déjà en sa possession à une date antérieure à l'entrée en vigueur de la convention.

Pour ce faire, l'on peut actuellement considérer qu'une preuve par tous moyens peut être apportée. L'on citera, par exemple, les moyens suivants :

- facture et photographie de l'objet. Si celles-ci n'existent pas, on peut suggérer les éléments suivants :

- photographies prises par le possesseur à son domicile et comportant un élément permettant de dater le moment de la possession ;

- certificat d'expert ou constat effectué par un expert et décrivant les biens figurant dans la collection ;

- déclaration d'assurances ;

- constat d'huissier ;

- dépôt de l'inventaire des biens chez un notaire.

2) Précautions recommandées après l'entrée en vigueur de la convention

La prudence de l'acheteur est ici particulièrement importante : on soulignera que la convention ne prévoit aucune indemnisation de l'acquéreur d'un bien culturel volé ou illicitement exporté si l'acquéreur a été négligent.

Une première précaution consiste à acquérir les biens culturels auprès d'un marchand, mais ce n'est pas une précaution suffisante, comme on le voit dans l'affaire, très médiatisée, de l'achat par l'Etat français lui-même auprès d'un marchand en Belgique, des statuettes Nok en provenance du Nigeria destinées au futur Musée des Arts premiers du Quai Branly, statuettes qui se sont avérées être issues d'un vol et avoir été illégalement exportées.

Le futur acheteur de biens culturels pourrait donc manifester les préoccupations suivantes :

- exiger le certificat d'exportation établi par les autorités du pays d'origine du bien s'il s'agit d'un bien d'origine étrangère dont l'exportation est soumise à autorisation. Cela permet de vérifier également si le bien n'est pas interdit d'exportation ;

- obtenir, de façon plus générale, un certificat de garantie de l'origine du bien, fourni par le vendeur ;

- s'assurer que le prix payé est un prix raisonnable : l'acquisition à un prix dérisoire est un élément permettant au juge d'établir le défaut de vigilance du possesseur ;

- la consultation des registres de biens volés est recommandée : ainsi la base de données gérée par Interpol, à laquelle on accède notamment par le site de l'Unesco.

- s'il s'agit d'un bien important, l'ambassade du pays d'origine peut être consultée, ou bien l'Unesco. La consultation de la « liste rouge » publiée par l'ICOM est également pertinente ( tous les marchands professionnels en sont destinataires).

A contrario, si aucune documentation n'est disponible sur le bien, le possesseur pourra être considéré de bonne foi.

A la demande du Rapporteur relative aux nouvelles obligations éventuelles qui s'imposeraient aux marchands, le Ministère de la Culture a précisé que la convention n'en impose aucune par rapport à l'obligation générale de renseignement à l'égard de la clientèle.

La convention n'oblige pas les marchands d'art et les galeristes à maîtriser l'ensemble des législations relatives à la circulation des biens culturels, mais simplement de connaître les mesures de protection du patrimoine des quelques pays avec lesquels ils font habituellement du commerce.

Les nouvelles technologies de l'information jouent un rôle important dans la diffusion des législations nationales et dans la connaissance des objets volés.

Les professionnels étaient sont destinataires des documents édités par le Conseil international des Musées (ICOM) et notamment du Code d'éthique des négociants. Ils peuvent facilement avoir accès aux bases de données informatisées d'_uvres volées, publiques et privées, qui existent en France, en Italie et dans les pays anglo-saxons.

Aussi la convention ne génère-t-elle pas de charges ou de contraintes légales, supplémentaires pour les professionnels de l'art français.

Les achats réalisés à l'étranger appellent également certaines précautions : l'acheteur est censé connaître les interdictions ou restrictions à l'exportation d'antiquités ou d'objets de fouille : elles figurent notamment dans les guides de tourisme.

En conclusion, votre Rapporteur estime souhaitable qu'une mission d'information du public soit confiée à un organisme existant (le bureau français de l'ICOM, par exemple) ou à créer (auprès d'un musée, éventuellement). Des conseils pourraient y être donnés aux professionnels mais surtout aux particuliers et collectionneurs sur la manière dont leur collection peut faire l'objet d'un inventaire qui garantirait les objets importants d'une éventuelle demande de restitution ou de retour, ou sur les précautions à observer en cas d'achat d'un bien culturel important.

CONCLUSION

La Convention Unidroit représente une avancée dans le domaine du droit international des biens culturels.

Chacun constate que l'état actuel du droit favorise le trafic illicite. La France mène une action de coopération avec de nombreux pays en développement, afin de mettre à leur disposition les moyens et l'expertise nécessaire pour réaliser des inventaires, améliorer la conservation et la présentation du patrimoine. Cette action doit être développée. La France souhaite accroître la pratique des échanges et des prêts d'_uvres, prêts en faveur de nos musées (et notamment du futur Musée des Arts premiers) mais aussi des musées des pays partenaires.

Même si la convention Unidroit n'est qu'un progrès sur cette voie vers une coopération plus poussée, et même si elle n'éliminera pas en soi le trafic illicite, la France, qui avait signé cette convention dès 1995, est logique avec elle-même, sur le plan diplomatique et celui de son image dans le monde, en approuvant un instrument international visant à lutter contre le vol et l'exportation illicite des biens culturels.

L'application de la convention apportera plus d'efficacité à l'effort de moralisation du commerce d'_uvres d'art et d'antiquités. Les propriétaires, les collectionneurs, les musées seront mieux protégés contre le vol. En même temps, les acquéreurs devront remplir un devoir de curiosité et se montrer scrupuleux lorsqu'ils projettent d'acheter un bien culturel. Cette exigence confirmera l'obligation, qui existe déjà, faite aux opérateurs du commerce international de fournir aux acquéreurs des garanties quant à l'origine légale du bien offert à la vente.

Si certaines des solutions qui résultent du compromis sont proches de notre droit ou de notre jurisprudence, on a vu que l'adhésion à la convention nous contraindra par exemple à renoncer, dans les litiges à caractère international, à notre principe traditionnel « en matière de meubles, possession vaut titre ». Mais face au trafic d'_uvres d'art et d'objets issus de fouilles illicites, l'application de ce principe conduit à favoriser le vol et le pillage. De nouveaux délais de prescription plus longs que ceux de notre droit interne s'appliqueront.

Si l'esprit de cette convention est positif, le Rapporteur estime qu'il faut que son application au droit français défende bien le possesseur de bonne foi, et la protège contre le risque d'application rétroactive de la convention. De même, l'indemnisation du possesseur de bonne foi devra se monter, conformément au droit français, à son entier préjudice, et le mécanisme devra garantir au possesseur de bonne foi le paiement effectif de l'indemnité avant retrait du bien, par consignation des sommes et mise sous séquestre du bien dans l'attente du paiement. Dans le cas de la constatation de la validité d'un certificat d'exportation par l'Etat requérant, il incombera à cet Etat d'apporter la preuve de la mauvaise foi de l'acquéreur, et le principe de l'apparence jouera en faveur de l'acquéreur. Pour ce qui concerne le renversement de la charge de la preuve en matière de possession mobilière, la présomption en faveur du possesseur dépossédé est une présomption simple qui pourra être combattue par tous moyens de preuve. Enfin, le juge devra veiller dans son interprétation à ce qu'il n'y ait pas une utilisation abusive de la notion « d'importance culturelle significative » du bien culturel par l'Etat requérant.

Si Mme Catherine Tasca, Ministre de la Culture et de la communication, a pu lors de son audition apporter un certain nombre de précisions aux questions du Rapporteur, celui-ci estime que l'entrée en vigueur de la convention doit s'accompagner d'une loi d'application apportant les précautions indispensables mentionnées dans ce rapport. Il demande au Gouvernement de confirmer qu'un projet de loi sera prochainement déposé, et adopté avant la ratification définitive par la France de la convention.

La poursuite des travaux parlementaires au Sénat permettra d'affiner le contenu indispensable de cette loi d'application.

Parallèlement, pendant cette procédure, le Rapporteur souhaite que des efforts diplomatiques soient développés pour que d'autres ratifications interviennent au sein de l'Union européenne.

Au sein de l'Union européenne, la France sera le troisième pays à ratifier la convention, après la Finlande et l'Italie. Les Pays-Bas ont initié la procédure de ratification. On constate que les grandes places du marché de l'art que sont le Royaume-Uni, l'Allemagne et la Belgique n'ont pas entrepris cette démarche, ou l'ont suspendue, comme dans le premier pays cité4. Il est évidemment souhaitable que les pays européens parties ne restent pas isolés dans ce processus, auquel la Suisse devrait bien évidemment se joindre également.

Votre Rapporteur a attiré à ce sujet l'attention de M. Hubert Védrine, Ministre des Affaires étrangères, par un courrier joint en annexe au présent rapport. Il y demande au Gouvernement d'entreprendre des discussions avec ses partenaires européens afin d'obtenir un rapprochement des positions.

Les réserves ci-dessus ont pour but, ainsi que Mme Catherine Tasca s'y est engagée, de prévoir les évolutions législatives nécessaires afin de pleinement « garantir le droit de propriété » du possesseur de bonne foi. Le délai nécessaire à la poursuite de la procédure de ratification permettra d'avoir connaissance du résultat de l'étude promise par la Ministre, étude qui doit être effectuée conjointement avec le Ministère de la Justice. Dans l'attente de l'achèvement de cette étude, le Rapporteur émet un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

1. Audition de la Ministre de la culture et de la communication

La Commission a entendu Mme Catherine Tasca, Ministre de la culture et de la communication, au cours de sa réunion du mercredi 9 janvier 2002.

Le Président François Loncle a rappelé que le calendrier prévisionnel de la Commission comportait l'examen de la convention Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés.

Le Rapporteur, M. Pierre Lequiller, ayant fait part de ses interrogations sur l'opportunité de ratifier la convention alors que nos principaux partenaires européens, à l'exception de l'Italie, ne l'ont pas fait, souhaiterait obtenir des précisions quant aux conditions d'application de cette convention en France.

Il serait également important de connaître les mesures d'accompagnement prévues par le Gouvernement pour informer les professionnels et les particuliers des évolutions qu'entraînera l'entrée en vigueur de la convention, dans la mesure où celle-ci institue une sorte de « traçabilité » des _uvres d'art et des biens culturels en général, avec les objectifs de moralisation et de plus grande transparence des transactions dans le domaine du commerce de l'art. Pour toutes ces raisons, l'audition de la Ministre a été jugée souhaitable.

Mme Catherine Tasca a indiqué qu'à côté du marché licite de l'art s'était développé, au cours des dernières décennies, un commerce illicite de biens culturels qui repose sur le vol, le pillage des sites archéologiques, le démantèlement et la destruction, souvent irréparables, des monuments et du patrimoine culturel des pays victimes de ces actions. Ce phénomène occupe désormais une place de premier rang parmi les opérations commerciales illégales, à côté des trafics de drogue et d'armes.

Tous les Etats sont concernés par ce trafic, mais en Europe la France demeure, devant l'Italie, le pays le plus pillé. Face à l'ampleur du pillage et des vols, force est de constater l'insuffisance des instruments juridiques internationaux. A cet égard, la mise en _uvre de la convention de l'UNESCO de 1970 a démontré les insuffisances de son dispositif de restitution, limité aux seuls biens publics volés dans leur pays d'origine.

Pour lutter contre un phénomène international aux aspects multiples, il faut d'abord prévenir en amont le développement de ces trafics et, dans les pays en voie de développement notamment, généraliser les inventaires et les mesures de protection des sites et des collections. Il est nécessaire de créer dans les pays importateurs de biens culturels les conditions juridiques favorables à une plus grande transparence des transactions d'_uvres d'art, en généralisant l'obligation de vérification de l'origine et de la provenance des biens culturels proposés à la vente.

Tel est l'objet de la convention d'Unidroit de 1995 sur les biens culturels, signée par la France dès le 24 juin 1995, à l'issue de la Conférence diplomatique de Rome : créer des règles uniformes de droit privé entre les Etats parties à la convention, destinées, d'une part, à garantir la restitution des biens volés à leur propriétaire et, d'autre part, à assurer le retour matériel dans leur pays d'origine des biens culturels illicitement exportés.

La présente convention reprend les avancées normatives de la convention de l'Unesco de 1970 sur les biens culturels et de la directive communautaire 93/7 du 15 mars 1993 relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat membre. Pour le retour de biens illicitement déplacés, la loi du 3 août 1995, transposant la directive précitée, prévoit dans notre droit un mécanisme communautaire de retour des biens. La convention d'Unidroit institue au plan international un mécanisme similaire dans ses principes et son dispositif.

S'agissant du régime de restitution des biens volés, la convention d'Unidroit consacre les mêmes principes que ceux de la convention de l'UNESCO : le droit du propriétaire dépossédé à revendiquer son bien et le droit à indemnisation de l'acquéreur de bonne foi. Mais le champ d'application de la convention est plus vaste et couvre l'ensemble des biens culturels, incluant les biens privés et le produit des fouilles archéologiques illicites.

En outre, la convention d'Unidroit adopte un régime uniforme des règles de prescription des demandes en restitution ou en retour. Ces dispositions assurent une meilleure efficacité de la mise en _uvre de la convention, en évitant le rejet d'actions qui auraient été déclarées forcloses, par application des législations nationales.

La protection du patrimoine garantit la préservation et la transmission des valeurs culturelles profondes de chaque pays. Toute contribution à des mesures de protection des patrimoines nationaux garantit ainsi dans le présent et pour les générations futures la diversité culturelle de l'humanité. La convention permettra de mieux protéger ces patrimoines face à la passion des collectionneurs, pas toujours regardants quant à l'origine des biens qui sont l'objet de leur désir.

M. Pierre Lequiller a indiqué tout d'abord que la convention d'Unidroit n'avait été ratifiée à ce jour que par huit Etats, et cinq Etats y ont adhéré. Elle est donc entrée en vigueur à l'égard de treize pays.

L'esprit de cet instrument est louable, car il vise à lutter contre le trafic de biens culturels qui se situerait en deuxième position après celui de la drogue, auquel il est souvent étroitement lié. Les vols et les trafics touchent toutes les régions du monde - l'Europe, en particulier l'Italie, la Grèce, et la France, mais aussi l'Asie, l'Amérique du Sud, l'Afrique. Sur tous les continents, les sites archéologiques sont pillés. La convention d'Unidroit est donc un instrument de moralisation internationale.

Il a rappelé que la convention de l'UNESCO de 1970, ratifiée par 91 Etats et notamment par la France, n'entraînait qu'un engagement des pouvoirs publics sans atteindre la sphère privée. Alors que la convention de l'UNESCO ne concerne que les relations d'Etat à Etat, engageant seulement les Etats à faciliter la récupération de biens culturels classés qui de ce fait, ne doivent pas être exportés, la convention d'Unidroit a pour objectif de lutter contre le vol et le pillage des biens culturels entendus dans un sens beaucoup plus large et de favoriser la restitution ou le retour par la voie judiciaire des biens volés ou illicitement exportés, y compris ceux détenus par des propriétaires privés.

Tout en étant favorable à l'esprit et au principe de la convention d'Unidroit, il a estimé nécessaire, compte tenu des termes imprécis sur certains points de cet instrument destiné à s'appliquer à des pays aux régimes juridiques très variés, que le Gouvernement et le Parlement réfléchissent à un texte d'application, qui en préciserait l'interprétation juridique. Il a souhaité que des réponses ou des précisions soient apportées aux questions suivantes :

- La convention ne s'appliquera pas de manière rétroactive. Elle prévoit qu'il appartient à l'Etat requérant de prouver que le vol ou l'exportation illicite a eu lieu après l'entrée en vigueur de la convention. Toutefois, comment le propriétaire pourra-t-il se défendre, sachant qu'il ne connaîtra pas toujours l'historique de l'objet qui est en sa possession ? Quels moyens, quels documents devra-t-il conserver en vue de l'éventualité d'une demande judiciaire en retour du bien qu'il possède ? Comment éviter, en pratique, le risque d'une application rétroactive de fait de la convention ?

- Comment concilier les dispositions de la convention en vertu desquelles le possesseur d'un bien culturel volé ou illégalement exporté a droit à une indemnisation équitable au moment de la restitution ou du retour et le principe de la juste et préalable indemnité garantie par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen ? Comment garantir que l'indemnité a été effectuée avant que le bien ne soit retourné dans son pays d'origine ?

- Comment la notion d'indemnité équitable figurant dans la convention doit-elle être comprise en droit français? S'agira t-il d'une indemnisation équivalente à la valeur du bien ou à une valeur partielle seulement ?

- en cas de contestation par le pays d'origine de la validité du certificat d'exportation accompagnant un bien culturel, il conviendrait de privilégier le principe de l'apparence en faveur de l'acquéreur et de préciser qu'il revient à l'Etat requérant d'apporter la preuve du fait que l'acquéreur a acquis le bien en étant conscient du caractère fallacieux du certificat d'exportation.

- le Syndicat national des antiquaires, ainsi que des personnes visant à représenter les collectionneurs se sont opposés à la ratification de la convention, apportant des arguments visant à montrer le caractère contradictoire de celle-ci avec les principes constitutionnels français. Quelles réponses peut-on apporter à ces arguments ?

- la convention établit que le possesseur d'un bien culturel volé a droit à une indemnisation équitable au moment de la restitution, mais uniquement s'il peut apporter la preuve qu'il n'a pas su ou pu raisonnablement savoir que le bien était volé et qu'il a agi avec diligence au moment de l'acquisition. Cette disposition entraîne un renversement de la charge de la preuve opposé à la pratique du droit français. Faut-il accepter une telle évolution ?

M. Pierre Lequiller a considéré que l'objectif louable de la convention ne devait pas empêcher de consacrer une attention particulière à son application par le juge français. La convention de l'UNESCO a été peu appliquée, mais a conduit à une prise de conscience très positive. S'il en était de même pour la convention d'Unidroit, ce serait évidemment un progrès, car il est important, par la dissuasion, de sensibiliser les collectionneurs à la nécessité de vérifier l'origine et la traçabilité des objets à acquérir et de faire en sorte que les collectionneurs non vigilants et les receleurs soient sanctionnés.

Mais il convient aussi d'éviter que les acteurs français honnêtes et de bonne foi ne soient pénalisés par le manque de précision de la convention. Aussi a-t-il estimé opportun, comme le préconisait le juriste Georges Droz, qui a participé aux travaux préparatoires, qu'à l'instar de la directive européenne de 1993, une loi de transposition, d'application de la convention en droit national soit élaborée, comme cela se fait dans de nombreux pays, afin de mieux protéger ces acteurs français honnêtes contre les aléas politiques dans les pays d'origine, contre les évolutions du droit et de la jurisprudence nationaux ou même contre des pratiques illégales dont ils ont été eux-mêmes victimes, face à des Etats dont l'administration est corrompue. Ce texte pourrait être élaboré pendant le processus de ratification.

Une action doit par ailleurs être menée à l'égard des pays européens pour les inciter à mener la même démarche, car le marché de l'art français et les professions concernées ne doivent pas être pénalisés par l'entrée en vigueur de la convention. Une lettre a été adressée au Ministre des Affaires étrangères à cette fin.

En effet, ce texte comporte des contraintes importantes. Il peut moraliser le marché mais aussi avoir un impact négatif pour le marché de l'art français.

Aussi faut-il également que les pays liés par la convention améliorent leur classification des objets exportables et non exportables, qu'ils effectuent des inventaires des biens protégés, et qu'une coopération soit menée en ce sens.

Enfin, il est très important d'accompagner la ratification de la convention d'une véritable communication à destination des professions et des particuliers, dans la mesure où ceux-ci devront modifier leur comportement d'achat : quelles sont les actions prévues par le Gouvernement ? Ne pourrait-on pas confier à un organisme existant (ICOM par exemple) ou à un organisme à créer une mission d'information du public afin que des conseils y soient donnés en cas de projet d'achat d'un bien culturel important ou sur la manière dont un inventaire des collections doit être fait en prévision de l'application de la convention ?

Mme Catherine Tasca a répondu au Rapporteur.

La première question concerne la défense du possesseur de bonne foi et le risque d'application rétroactive de fait de la convention. M. Pierre Lequiller craint que dans le cadre d'une procédure en restitution ou en retour d'un bien culturel, le possesseur de bonne foi ne puisse faire la preuve de la date de l'acquisition ou de l'entrée en possession de son bien, ce qui conduirait les juges à appliquer la convention rétroactivement à des vols ou à des exportations illicites antérieures à l'entrée en vigueur de la convention entre la France et le pays requérant ou sur le territoire duquel le bien a été volé ou illicitement déplacé. En réalité, à la seule exception du renversement de la charge de la preuve en matière de possession de bonne foi, la convention d'Unidroit n'apporte aucune règle nouvelle harmonisée en matière de droit de la preuve.

Les demandes judiciaires en restitution ou en retour présentées en France seront donc régies par notre droit. En matière de possession mobilière, la preuve de la propriété peut se faire par tous moyens. Dans l'hypothèse évoquée, un particulier pourra donc produire tout acte notarié, facture, documents de famille, lettres et même témoignages. De son côté, le professionnel disposera de ses documents professionnels et de ses registres.

Mais surtout, cette recherche devrait être inutile dans la plupart des cas puisqu'en réalité, il appartiendra au propriétaire ou à l'Etat requérant de justifier en premier lieu que le vol ou le déplacement illicite du bien revendiqué est survenu à une date postérieure à l'entrée en vigueur de la convention.

La question de l'indemnisation du possesseur de bonne foi appelle les précisions suivantes. Le montant de l'indemnisation sera évalué par les juges judiciaires conformément aux principes du droit français, en matière d'indemnisation de la perte du droit de propriété ou d'atteinte grave à l'un de ses attributs. Dans toutes les situations, le possesseur de bonne foi se verra donc indemnisé de son entier préjudice, en application des dispositions de l'article 545 du Code civil.

Toutefois, il convient de distinguer les deux hypothèses d'indemnisation prévues respectivement aux premiers paragraphes de l'article 4 et de l'article 6 de la convention. En cas de restitution d'un bien culturel volé à son propriétaire, les tribunaux judiciaires indemniseront le possesseur de bonne foi de la perte totale de la valeur du bien au jour de la demande judiciaire.

Le cas du possesseur de bonne foi, contraint de retourner le bien illicitement exporté, dans son pays d'origine, est différent car il peut en demeurer propriétaire. Dans ce cas, le montant de son indemnisation dépendra de la nature et de l'importance des limites apportées à son droit de propriété par la décision de retour. L'indemnisation pourra être équivalente à la valeur du bien, en cas de restrictions importantes à ses droits de propriétaire.

Il convient aussi d'assurer au possesseur de bonne foi le principe - posé aux articles 4 et 6 - de simultanéité de la restitution ou du retour du bien, ordonné par le juge, et de l'indemnisation du possesseur.

Bien évidemment, il importe que soit garantie l'entière exécution par le propriétaire initial ou par l'Etat requérant de leur obligation de payer l'indemnité mise à leur charge. En particulier, il serait choquant, et contraire aux dispositions de la convention, qu'un Etat puisse se retrancher derrière son privilège d'immunité d'exécution pour ne pas respecter la décision judiciaire rendue en France. Mais notre droit donne aux parties et aux juges tous les moyens juridiques de garantir au possesseur de bonne foi le paiement effectif de l'indemnité, en particulier, dans le cas de la consignation des sommes ou de la mise sous séquestre du bien dans l'attente du paiement.

Dans le cas d'une contestation de la validité d'un certificat d'exportation, il incombera effectivement à l'Etat requérant d'apporter la preuve de la mauvaise foi de l'acquéreur.

Le Gouvernement a pris connaissance des griefs d'inconstitutionnalité soulevés par le Syndicat des antiquaires, qui ne lui sont pas apparus fondés. Cette question de la constitutionnalité a été examinée au cours des travaux interministériels et devant le Conseil d'Etat. La convention consacre le droit à indemnisation du possesseur de bonne foi à l'issue d'une procédure judiciaire respectant les principes de notre droit. Elle consacre aussi les acquis du droit communautaire et notamment du régime communautaire de la restitution, déjà admis comme conforme à la Constitution.

Pour privilégier les droits du propriétaire victime du vol d'un bien culturel, la convention d'Unidroit consacre deux règles nouvelles par rapport à notre régime de revendication des biens volés.

La première a trait au renversement de la charge de la preuve en matière de possession mobilière. Toutefois, il faut souligner que ce renversement n'aura, dans la pratique, que des effets limités par rapport à l'application de la présomption édictée à l'article 2279 du Code civil, en faveur du possesseur de bonne foi. En effet, cette présomption n'est pas irréfragable et tombe devant toute preuve contraire. Actuellement, le revendiquant d'un bien volé peut toujours détruire cette présomption par tous moyens de preuve. La convention institue une nouvelle présomption simple en faveur du propriétaire dépossédé, qui pourra être combattue par tous moyens de preuve. Le possesseur pourra faire valoir un faisceau de preuves pour voir reconnaître sa bonne foi et obtenir l'indemnisation.

Le second apport réside dans un nouveau régime de prescription des revendications de biens culturels, qui tient compte à la fois des particularités du marché de l'art et de la sécurité juridique des transactions légalement conclues. Par exemple, la prescription triennale de l'article 2279 du Code civil n'a pas une portée absolue : la revendication de biens volés demeure possible sans délai en cas de détention précaire ou de possession « viciée ».

La lutte contre le commerce illicite des biens culturels passe nécessairement par l'adoption de moyens juridiques nouveaux. Cette convention vise à la moralisation du marché, ce qui explique les choix des rédacteurs, qui ont tenu compte du caractère très particulier de ces flux alimentés par l'absence de vigilance des acquéreurs. Sans inversion du régime de la preuve, la convention serait inopérante.

M. Pierre Lequiller a évoqué la nécessité d'un projet de loi destiné à adapter notre droit à la convention.

Remerciant le Rapporteur d'avoir appelé son attention sur ces questions de droit privé, Mme Catherine Tasca a reconnu la légitimité de ces préoccupations.

Néanmoins, les travaux interministériels préalables au dépôt du présent projet de loi, conduisent à considérer a priori que notre droit permet d'y apporter toutes les solutions conformes à notre tradition juridique et à notre Constitution. Cependant Mme Catherine Tasca a indiqué qu'elle avait demandé au Ministère de la Justice de faire examiner ces questions, très rapidement et de manière approfondie. Si des modifications de notre droit se révélaient nécessaires, le Gouvernement serait prêt à mettre à l'étude un projet de loi comportant les évolutions juridiques impliquées par la convention. En tout état de cause, ceci ne devrait pas retarder l'adoption du projet de loi de ratification.

La présente convention ne doit pas être regardée comme une source de contraintes et de sujétions supplémentaires pour notre marché de l'art. Au contraire, la place de Paris a tout à gagner, y compris à l'égard de ses concurrents britanniques, pour se développer et garantir à sa clientèle une meilleure transparence des transactions, par la vérification de la provenance et de l'origine de propriété des _uvres d'art. En effet, la ratification de la convention représentera à terme une garantie supplémentaire pour les acheteurs qui seront sûrs de pouvoir acquérir des _uvres dans le respect des législations des pays d'origine.

La Ministre s'est dite profondément persuadée que la ratification de la convention d'Unidroit n'engendrera aucune difficulté pour le marché de l'art et aucun risque de voir le marché français « contourné » au profit de la place de Londres, par exemple.

Il est vrai que nos partenaires européens sont en retard, sauf l'Italie qui a ratifié la convention et les Pays-Bas qui ont engagé le processus de ratification. Néanmoins, la France les convaincra d'autant mieux qu'elle aura elle-même ratifié, ce qui pourra servir de base à des discussions bilatérales ou multilatérales.

La coopération avec les pays du Sud, les plus victimes du trafic, doit être en effet un volet actif de notre politique culturelle extérieure. La France a une expertise qui devrait lui permettre d'assister ces pays le mieux possible.

Enfin, il importe de sensibiliser le plus large public à ces questions. La protection du patrimoine n'est pas uniquement la «chose » des professionnels du marché de l'art ou de l'Etat. Une meilleure protection du patrimoine passe par la prise de conscience de la gravité du commerce illicite, qu'il soit celui de réseaux organisés ou, dans une moindre mesure, de particuliers à l'occasion de voyages touristiques. Une véritable pédagogie doit être entreprise.

Le ministère étudie en effet les actions qui seront mises en place pour informer le grand public des conséquences de l'entrée en vigueur de la convention. Il importe de dépasser, en France, l'approche souvent manichéenne entre marché et culture.

Mme Catherine Tasca a par ailleurs estimé que la préoccupation de disposer d'un texte national éclairant l'application de la convention pouvait sembler légitime. Mais les discussions interministérielles ont montré que l'arsenal juridique français actuel était suffisant. Cependant, il sera demandé à la Ministre de la justice d'examiner les questions soulevées par le Rapporteur ; et s'il s'avère que des évolutions législatives supplémentaires sont nécessaires, notamment pour garantir le droit de propriété, le Gouvernement proposera un projet de loi pour y répondre.

Pour autant, il est indispensable de ne pas retarder la ratification de la convention. Compte tenu des engagements de la France pour la défense des cultures, sa position est très attendue dans le monde entier.

M. Pierre Brana a demandé quel était le nombre minimum requis de pays ayant ratifié la présente convention pour permettre son entrée en vigueur et s'est interrogé sur le risque de déséquilibre évident si la convention était essentiellement ratifiée par les pays pillés, les pays profitant de ces pillages s'abstenant. Il a par ailleurs souhaité connaître la position des Etats-Unis sur ce texte, mais également les arguments avoués des marchands d'art qui se déclarent inquiets.

M. Pierre Lequiller a fait observer que la question de M. Pierre Brana était fort justifiée dans la mesure où les huit pays qui ont déjà ratifié le présent texte sont la Lituanie, le Paraguay, la Roumanie, le Pérou, la Hongrie, la Bolivie, la Finlande et l'Italie.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a rappelé qu'il était courant que certains objets privés fassent l'objet d'une vente avant même d'être volés. Par exemple, il a déjà été prouvé que des objets d'art avaient figuré dans un catalogue dont la date d'édition était antérieure à la date du vol de ceux-ci. Des parades en la matière sont-elles prévues par la présente convention ?

Déclarant entendre parler des artifices attachés au mercantilisme relatif aux _uvres d'art, M. Georges Hage s'est demandé quel métier faisaient les députés. Le fait de placer son argent pour spéculer, c'est-à-dire le faire fructifier dans les _uvres d'art, témoigne, si vicieux que cet acte puisse être, d'une certaine croyance en la permanence, en l'éternité de l'art et autoriserait presque que l'on pardonne aux mercantiles. Mais une question, même d'un amateur, mérite d'être posée. Ainsi, place de la Concorde, une roue, qu'il a personnellement jugée abominable, tourne toujours et l'on en est à disserter sur son sort ; une controverse s'installe même. Or, pendant que l'on amuse la galerie, tout à côté demeure l'obélisque de Louxor, dont on pourrait se demander si, un jour, l'Egypte n'aurait pas le droit de nous le réclamer.

Mme Catherine Tasca a répondu aux différents intervenants.

Huit Etats ont déjà ratifié la convention, et cinq y ont adhéré, ce qui produit le même effet. La convention est entrée en vigueur après la cinquième ratification. Il faut noter que plusieurs grands pays sont prêts de ratifier la convention ; l'Italie l'a déjà ratifiée et les Pays-Bas ont entrepris la ratification. De plus, on peut espérer que de nombreux pays de l'Union européenne se joindront assez rapidement à la liste si la France, qui est très regardée sur ce sujet, montre l'exemple. A défaut d'une ratification par la France, le train risque de rester en gare. Quant aux Etats-Unis, ils semblent assez prêts à ratifier la convention, mais il faudra juger sur leurs actes.

Les réticences des professionnels du marché de l'art s'expliquent par la crainte assez naturelle de l'entrée en vigueur de nouvelles règles dans un secteur prospère. Ils craignent de nouvelles contraintes, mais celles-ci ne sont pas fondées. Pourtant, les professionnels sont déjà soumis à une obligation générale de renseignement vis-à-vis de leur clientèle. Plus particulièrement, dans le domaine des transactions des _uvres d'art, les tribunaux judiciaires considèrent comme de nature à engager la responsabilité professionnelle du vendeur ou du mandataire l'absence d'information ou la communication d'information erronée sur l'origine de propriété des biens. Sur ce plan, les obligations découlant de la convention pour les professionnels sont donc en parfaite concordance avec les dispositions de notre droit interne. Au contraire, le nouveau système devrait valoriser leur profession en assainissant le marché des flux peu recommandables.

Mme Catherine Tasca a estimé que les anecdotes rapportées par Mme Bernadette Isaac-Sibille étaient révélatrices du caractère très organisé des trafics d'_uvres d'art. L'un des intérêts de la convention sera justement de freiner les agissements de tels vendeurs peu scrupuleux, en agissant sur la demande, puisque c'est l'existence d'un acheteur qui déclenche le vol.

En réponse à M. Georges Hage, Mme Catherine Tasca a rappelé que l'obélisque de la place de la Concorde avait été offert à la France, même si certains pourront discuter des circonstances historiques qui ont conduit à ce présent. La non-rétroactivité de la convention nous protège en tout cas formellement d'une demande de retour.

Quant à la grande roue installée sur la place de la Concorde, la Ministre de la culture considère que l'occupation du site, qui a fait l'objet d'une autorisation temporaire prolongée jusqu'en mai 2001, est illégale. Elle soutient donc la démarche du Maire de Paris visant à porter l'affaire devant les tribunaux.

Il serait souhaitable que les parlementaires fassent _uvre de pédagogie envers les citoyens qui peuvent se laisser influencer par des propos démagogiques. Chacun doit avoir conscience de la nécessité de respecter les lois de protection des monuments historiques et de résister aux menaces et au chantage. Le rappel à la loi que nous souhaitons pour les délinquants doit valoir pour tous.

Le Président François Loncle a remercié Mme Catherine Tasca d'avoir été si complète dans ses réponses aux nombreuses questions et a annoncé que le Rapporteur envisageait une présentation de son rapport en Commission le mercredi 16 janvier prochain.

2. Examen en Commission du projet de loi

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 16 janvier 2002, sur le rapport du Président François Loncle, suppléant M. Pierre Lequiller, empêché.

M. Pierre Brana a souligné, sur ce sujet important, que tout ce qui permettait de lutter contre le vol était forcément positif et emportait ainsi la décision, même si trois problèmes demeurent préoccupants. En effet, le délai de prescription de cinquante ans prévu par la convention, est trop long. Il faut rappeler que notre délai de prescription n'est que de trois ans. Le fait que le détenteur d'une _uvre d'art doive prouver sa bonne foi constitue un renversement de la charge de la preuve telle qu'elle existe dans le droit français. Celui-ci accorde une présomption en faveur du possesseur. Par ailleurs, comment apporter facilement la preuve d'une possession antérieure à l'entrée en vigueur de la convention lorsqu'une _uvre a été transmise par héritage ? Enfin, la définition des biens susceptibles d'être réclamés n'est-elle pas trop large puisqu'il s'agit de "ceux qui ont une importance culturelle significative" ? La crainte se fait jour alors que certains collectionneurs refusent de prêter leurs _uvres, voire même de les faire figurer dans des catalogues sous peine de déclencher des demandes de restitution ou de retour.

Enfin, M. Pierre Brana a plaidé pour l'élaboration d'un texte interprétatif, mais également pour que la France entreprenne des démarches diplomatiques auprès des Etats membres de l'Union européenne afin de les convaincre d'adhérer à ce texte, les places de Londres et de Bruxelles en particulier jouant un rôle important sur le marché de l'art.

Mme Bernadette Isaac-Sibille s'est interrogée sur l'opportunité de conclure des accords bilatéraux avec certains pays non membres de l'Union européenne dont on connaît les richesses culturelles dans la mesure où la définition des _uvres d'art et des collections peut varier selon les pays.

Le Président François Loncle a répondu aux intervenants. Il a précisé que le rapport de M. Pierre Lequiller comportait les demandes de précisions qu'il a adressées à Mme Catherine Tasca, Ministre de la Culture et de la Communication, ainsi que les réponses qu'elle a faites lors de son audition par la Commission. Le Rapporteur a formulé dans ses observations les difficultés réelles qui résulteraient de la ratification de la convention en l'absence de précisions sous la forme législative, et sans une suite du côté des autres pays européens.

Les règles de prescription inscrites dans la convention sont favorables au propriétaire dépossédé. Le délai de prescription absolu est en effet de cinquante ans, mais il est adapté à la réalité de ce phénomène d'où l'aspect spéculatif et d'investissement n'est pas exclu. Ce délai ne s'applique d'ailleurs pas pour les objets faisant partie de collections publiques. Notre pays connaît quant à lui, il faut le souligner, un régime d'imprescriptibilité pour les vols de biens appartenant aux collections publiques.

Il est vrai que le droit français admet une présomption de bonne foi au profit du possesseur d'un bien mobilier. Mais cette présomption n'est pas irréfragable et le revendiquant d'un bien volé peut détruire cette présomption par tout moyen de preuve. Par ailleurs, le délai de prescription de trois ans de notre droit civil n'a pas une portée absolue : la revendication de biens volés demeure possible sans délai en cas de détention précaire ou de possession « viciée ». La convention ne procède donc pas à un bouleversement de nos principes.

La signature d'accords bilatéraux avec les pays d'origine des biens culturels est très pertinente. La France développe une politique de coopération avec de nombreux pays en développement, notamment en Afrique, afin d'améliorer la conservation et la présentation des biens culturels, qui font déjà l'objet d'accords bilatéraux. La protection du patrimoine contre le vol et l'exportation illicite est une autre dimension de cette coopération.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n°2879).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 2879).

ANNEXE 1

Convention d'Unidroit sur les biens culturels
volés ou illicitement exportés, ouverte à la signature à Rome le 24-06-1995

Les Etats suivants ont signé la Convention :

Burkina Faso 24-06-1995

Cambodge 24-06-1995

Côte d'Ivoire 24-06-1995

Croatie 24-06-1995

France 24-06-1995

Guinée 24-06-1995

Hongrie 24-06-1995

Italie 24-06-1995

Lituanie 24-06-1995

Zambie 24-06-1995

Géorgie 27-06-1995

Finlande 01-12-1995

Portugal 23-04-1996

Paraguay 13-06-1996

Suisse 26-06-1996

Roumanie 27-06-1996

Pakistan 27-06-1996

Pays-Bas (avec déclarations) 28-06-1996

Pérou 28-06-1996

Bolivie 29-06-1996

Sénégal 29-06-1996

Fédération de Russie 29-06-1996

Les Etats suivants ont ratifié la Convention :

Lituanie 04-04-1997

Paraguay 27-05-1997

Roumanie 21-01-1998

Pérou 05-03-1998

Hongrie 08-05-1998

Bolivie 13-04-1999

Finlande (avec déclarations) 14-06-1999

Italie 11-10-1999

Les Etats suivants ont adhéré à la Convention :

Chine (avec déclarations) 07-05-1997

Equateur 26-11-1998

Brésil 23-03-1999

El Salvador 16-07-1999

Argentine 03-08-2001

La Convention est entrée en vigueur le 01-07-1998 entre la Chine, l'Equateur, la Lituanie, le Paraguay et la Roumanie, le 01-09-1998 pour le Pérou, le 01-11-1998 pour la Hongrie, le 01-09-1999 pour le Brésil, le 01-10-1999 pour la Bolivie, le 01-12-1999 pour la Finlande, le 01-01-2000 pour El Salvador et le 01-04-2000 pour l'Italie. Elle entrera en vigueur pour l'Argentine le 01-02-2002.

_______________________

N° 3533.- Rapport de M. Pierre Lequiller, au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés (ensemble une annexe).

1 Avocat, professeur honoraire à l'Université de Genève, membre de l'Institut de droit international.

2 L'état des signatures et des ratifications figure en annexe au présent rapport.

3 Il s'agit du « thésaurus de recherche électronique et d'imagerie en matière artistique », base de données implantée à l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels à la Direction centrale de la police judiciaire au Ministère de l'intérieur. Cette base est alimentée par les services de police et de gendarmerie ; elle enregistre également les informations transmises par Interpol et, enfin, elle a accès à la base privée « ARGOS » centralisant les informations émanant de l'ensemble des assurances implantées sur le territoire national.

4 La Commission de la culture du Parlement européen a suggéré l'hypothèse d'une adhésion de l'Union ou de la Communauté à la convention Unidroit ; rapport de M. P. Aparicio Sanchez, adopté le 12 juin 2001.


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