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TEXTE ADOPTÉ n° 342

« Petite loi »

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

16 juin 1999

RÉSOLUTION

sur les propositions de directives relatives aux chemins de fer communautaires (COM [1998] 480 final/n° E 1163).

L'Assemblée nationale a adopté, en application de l'article 151-3 du Règlement, la résolution dont la teneur suit :

Voir les numéros : 1646 et 1683.

Transports ferroviaires.

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les textes intitulés : « proposition de directive du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE relative au développement de chemins de fer communautaires; proposition de directive du Conseil modifiant la directive 95/18 CE concernant les licences des entreprises ferroviaires; proposition de directive du Conseil concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité; document de travail de la Commission : commentaire des différents articles de la proposition de directive concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité » (COM [1998] 480 final/n° E 1163) ;

Considérant que ces propositions de directives visent, selon la Commission européenne, à revitaliser le transport ferroviaire et à porter remède à la dégradation continue de ses parts de marché dans le transport de marchandises ;

Considérant qu'un tel objectif répond au souci unanime d'établir un meilleur équilibre entre les transports routier et ferroviaire pour des raisons d'ordre écologique, économique et social ;

Considérant toutefois que la Commission européenne postule que la revitalisation des chemins de fer passe par l'introduction de la concurrence entre les entreprises ferroviaires et l'arrivée de nouveaux entrants; qu'à cette fin, elle propose, d'une part, d'accorder des droits d'accès à l'infrastructure aux candidats autorisés mentionnés à l'article 19 de la proposition de directive susvisée concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité, et, d'autre part, d'instituer divers organes indépendants des entreprises ferroviaires, en matière de sécurité, d'octroi de licences et de répartition des infrastructures ;

Considérant que la politique ferroviaire de l'Union européenne ne saurait se limiter à ce seul objectif de concurrence, mais qu'elle doit inclure une politique à moyen terme d'investissements, de création ou de modernisation de nouveaux réseaux; qu'au surplus, une réforme aussi vaste que celle proposée par la Commission intervient dans la précipitation, alors que plusieurs Etats membres ont à peine achevé la transposition de la directive 91/440/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au développement de chemins de fer communautaires; qu'elle aurait pour effet de déstabiliser les entreprises ferroviaires, alors que la quasi-totalité d'entre elles sont confrontées aux difficultés découlant de la fragilité de leur équilibre financier; qu'aucun bilan de cette transposition n'a été dressé ;

Considérant que les propositions de directives sous-estiment la contrainte et l'obligation de sécurité; que le seul projet énoncé de transférer à un organisme indépendant les compétences en matière de réglementation, de mise en _uvre et de contrôle de la sécurité actuellement assumées par les entreprises ferroviaires constitue une menace au regard d'une fiabilité généralement reconnue et appréciée ;

Considérant, par ailleurs, que la politique ferroviaire de l'Union européenne ne saurait être valablement discutée en dehors d'une approche intermodale rail-route ;

Considérant qu'elle doit également prendre en considération les obligations de service public auxquelles il incombe aux Etats membres de satisfaire, conformément aux dispositions de l'article 16 du Traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant que les propositions de la Commission en matière d'organisation des entreprises ferroviaires vont à l'encontre du principe de subsidiarité ;

Considérant, enfin, que le postulat invoqué par la Commission ne repose sur la base d'aucune expérience, au plan international, qui soit susceptible de confirmer la pertinence de l'introduction de la concurrence dans le transport ferroviaire; que, dès lors, les propositions de directives susvisées risquent, sur la base d'une simple hypothèse, d'interdire à un groupe d'Etats membres de poursuivre les expériences de coopération dans lesquelles ils sont engagés dans le cadre de la directive 91/440/CEE précitée ;

l. Estime nécessaire de rejeter les propositions de directives susvisées en l'état actuel de leur contenu ;

2. Demande aux autorités françaises d'obtenir que la Commission présente de nouvelles propositions qui prennent en compte, au plan communautaire, les expériences nationales et celles visant au développement de la coopération entre les Etats membres; qui prévoient la reconduction, pour une période de cinq ans au moins, des dispositions de la directive 91/440/CEE précitée; qui impartissent à la Commission d'établir, à l'issue de cette période, un bilan précis, afin qu'une réglementation communautaire soit élaborée en vue de promouvoir le développement durable des chemins de fer ;

3. Considère qu'il est urgent pour les Etats membres de développer une politique commune en vue de mettre en place de véritables réseaux transeuropéens de voyageurs et de transport de marchandises intégrant des objectifs d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement et de service public ;

4. Estime urgent d'émettre un emprunt communautaire destiné au financement des réseaux transeuropéens de transport de voyageurs et de marchandises et prioritairement de ceux identifiés par l'Union européenne dans la liste arrêtée au Conseil d'Essen le 10 décembre 1994 ;

5. Estime nécessaire : de s'attacher à régler, sans délai, l'interopérabilité des réseaux et de mettre en _uvre une harmonisation positive des conditions de travail, de formation et de sécurité entre les entreprises ferroviaires mais aussi entre les différents modes de transport; d'engager une réflexion destinée à promouvoir la multimodalité ;

6. Demande au gouvernement français et à la Commission européenne que soit élaboré dans les meilleurs délais le protocole transport de la convention alpine ;

7. Estime indispensable de parvenir à une vérité des coûts, en tenant compte de l'évaluation des coûts externes pour chaque mode de transport, ainsi que le préconisait d'ailleurs la Commission européenne elle-même, dans un livre vert publié en décembre 1995 ;

8. Estime impérieux que la SNCF et Réseau ferré de France mettent tous les moyens en _uvre pour valoriser pleinement le potentiel technique et humain de grande valeur dont ils disposent, afin de pouvoir répondre de manière dynamique et efficace aux défis auxquels les entreprises ferroviaires sont confrontées, dans le cadre du développement nécessaire de réseaux transeuropéens de transport de voyageurs et de marchandises.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 16 juin 1999.

Le Président,

Signé : Laurent FABIUS.