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TEXTE ADOPTÉ n° 694

« Petite loi »

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

27 juin 2001

RÉSOLUTION

sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'action des Etats membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable (COM [2000] 7 final/n° E 1587).

L'Assemblée nationale a adopté, en application de l'article 151-3 du Règlement, la résolution dont la teneur suit :

Voir les numéros : 3001 et 3095.

Transports.

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité instituant la Communauté européenne et notamment ses articles 5 et 16,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'action des Etats membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable (COM [2000] 7 final/ n° E 1587),

Considérant que la proposition de règlement susvisée a pour objet de développer la « concurrence régulée » dans le domaine de la fourniture de transports publics au moyen de la conclusion de contrats de service public d'une durée de cinq ans ;

Considérant que, à cette fin, cette même proposition prévoit d'harmoniser les principaux aspects des procédures d'adjudication existant dans les différents Etats membres, d'une part, et, d'autre part, de renforcer la sécurité juridique des opérateurs et des autorités en ce qui concerne les aides d'Etat et les droits exclusifs dans le secteur des transports ;

Considérant toutefois que le texte n'apporte pas la preuve que l'ouverture systématique à la concurrence soit le seul moyen efficace pour développer les services publics de transports collectifs et répondre ainsi aux enjeux sociaux et environnementaux posés par l'usage excessif de l'automobile ;

Considérant que l'obligation impartie aux autorités compétentes de fournir des services de transports suffisants mérite d'être approuvée ; que, dans cette perspective, les autorités des Etats membres doivent veiller très étroitement à ce que, dans un domaine se rapportant à l'exécution de services d'intérêt général visés à l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne et dont la déclaration du Conseil européen de Nice des 7 à 9 décembre 2000 a rappelé le rôle irremplaçable, l'application du principe de « concurrence régulée » contribue réellement au développement des transports publics de voyageurs, notamment en ce qui concerne la qualité de la vie des citoyens et la protection de l'environnement ;

Considérant toutefois que l'obligation imposée aux autorités compétentes des Etats membres de soumettre les transports publics de voyageurs à la procédure de l'appel d'offres ne tient pas compte de l'existence de conceptions extrêmement variées en ce qui concerne le développement souhaitable de ce marché ; que ces autorités risquent de se voir retirer la possibilité de fixer les modalités selon lesquelles leurs transports peuvent être gérés ; que, dès lors, une telle obligation risque de porter atteinte au principe de la libre administration des collectivités territoriales des Etats membres consacré, en ce qui concerne la France, à l'article 72 de la Constitution ;

Considérant que l'inclusion, à l'article premier, du transport de voyageurs par chemin de fer dans le champ d'application de la proposition de règlement susvisée, a pour effet de l'ouvrir subrepticement à la concurrence, alors que le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont, d'un commun accord, décidé de renvoyer en 2005 l'examen du dossier de la libéralisation de ce secteur, lors de la réunion, le 22 novembre 2000, du comité de conciliation sur le paquet ferroviaire ;

Considérant que le projet de règlement recèle le risque d'un démantèlement des réseaux intégrés de métro des grandes métropoles, lequel est contraire aux objectifs de développement du transport public et de l'amélioration de la qualité de service de ce dernier ;

Considérant que la fixation à cinq ans de la durée des contrats de service public par l'article 6 de la proposition de règlement limite le pouvoir de décision des autorités compétentes et ne permet ni d'amortir les investissements ni de développer les réseaux ;

Considérant que, s'il convient d'éviter que le pouvoir des autorités compétentes ne soit encadré étroitement par une liste exhaustive de critères de qualité, il est toutefois utile de compléter, de façon limitée, celle fixée à l'article 4 de la proposition de règlement ;

Considérant que la disposition prévue à l'article 9, paragraphe 2, autorisant une autorité compétente à ne pas attribuer de contrat de service public à un opérateur si cela amène ce dernier à détenir plus du quart du marché considéré de services de transports publics de voyageurs, risque d'avoir pour effet d'exclure les opérateurs historiques sur la base de critères, au surplus, imprécis ;

Considérant enfin que la disposition prévue à l'article 9, paragraphe 3, de la proposition de règlement n'offre pas de réelle garantie du maintien des droits sociaux des travailleurs en cas de changement de l'opérateur ;

1. Constate que la proposition de règlement susvisée n'est pas conforme au principe de subsidiarité tel qu'il est défini à l'article 5 du traité instituant la Communauté européenne ; que, en conséquence, il importe de consacrer très clairement non seulement le droit des autorités compétentes à choisir elles-mêmes le mode d'organisation et de gestion de leurs transports publics le mieux adapté à la situation locale et le plus efficace, d'une part, et, d'autre part, celui de pouvoir modifier leurs choix à l'expiration du contrat.

2. Estime que la gestion directe des transports publics de voyageurs par les autorités compétentes doit être reconnue comme une des modalités de gestion des services publics et figurer explicitement au deuxième considérant de la proposition de règlement ; que lorsque les transports publics sont exploités sous la forme de gestion directe, il n'est pas fait usage de la procédure d'appel d'offres définie à l'article 6 de la proposition de règlement.

3. Estime que l'ouverture du transport de voyageurs par chemin de fer à la concurrence, telle qu'elle résulte de l'article premier de la proposition de règlement, est contraire aux décisions du comité de conciliation du 22 novembre 2000 sur le paquet ferroviaire aux termes desquelles le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont renvoyé en 2005 l'examen de l'opportunité de la libéralisation de ce secteur ; que, dès lors, doit être supprimée à l'article premier de la proposition de règlement l'expression : « par chemin de fer » afin d'exclure explicitement du champ d'application de ce texte le transport ferroviaire de voyageurs.

4. Estime indispensable que soit reconnue la spécificité des réseaux intégrés de transports dans les grandes métropoles en raison de la densité du réseau et de la multiplicité des pôles d'échanges rendant les lignes de transports publics à la fois complémentaires et interdépendantes ;

Demande en conséquence que l'article 7, paragraphe 4, de la proposition de règlement reconnaisse aux autorités compétentes la possibilité d'attribuer directement des contrats de service public pour des ensembles cohérents soit de lignes de métro, soit de lignes de métro et de lignes d'autobus afin de bénéficier pleinement des avantages de l'intégration des réseaux et de la maîtrise des coûts.

5. Juge nécessaire que les contrats de service public soient conclus dans l'objectif d'une qualité de service optimale, avec une tarification abordable pour tous les usagers, pour une durée qui ne soit plus fixée à cinq ans, mais par l'autorité compétente, en fonction des prestations demandées à l'opérateur ; que, lorsque les installations sont à la charge de ce dernier, il soit tenu compte de la nature et du montant de l'investissement à réaliser sans que, dans ce cas, la durée puisse dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en _uvre.

6. Estime opportune la mention, dans la liste des critères de qualité prévue à l'article 4, de celui tiré du sérieux des candidats qui doivent être en mesure de remplir les missions de service public fondées sur les principes de continuité, d'égalité de traitement et d'adaptabilité et de garantie d'accès aux services.

7. Juge nécessaire l'abrogation de la disposition prévue par l'article 9, paragraphe 2.

8. Juge indispensable que l'article 9, paragraphe 3, soit remplacé par une disposition aux termes de laquelle s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel opérateur et le personnel de l'entreprise.

9. Demande, en conséquence, aux autorités françaises de s'opposer à l'adoption de la proposition de règlement susvisée en l'état actuel de sa rédaction.

Délibéré en séance publique, à Paris, le 27 juin 2001.

Le Président,

Signé : Raymond FORNI.