N° 257

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2003 (n° 230)

TOME XII

SANTÉ ET PERSONNES HANDICAPÉES

PERSONNES HANDICAPÉES

PAR M. Jean-françois CHOSSY,

Député.

___

Voir le numéro : 256 (annexe n° 38).

Lois de finances

INTRODUCTION 5

I.- DONNER LA PRIORITÉ AUX CRÉDITS POUR LES PERSONNES HANDICAPÉES 7

A. LES CRÉDITS CONSACRÉS AUX PERSONNES HANDICAPÉES EN 2003 8

B. L'ACCÉLÉRATION DES CRÉATIONS DE PLACES EN MILIEU DE TRAVAIL PROTÉGÉ 10

C. LE DÉVELOPPEMENT DES AIDES A L'INTÉGRATION 11

1. L'augmentation du nombre des auxiliaires de vie pour personnes lourdement handicapées 11

2. L'évolution des services d'auxiliaires de vie scolaire 11

D. L'ACHÈVEMENT DE LA RÉFORME DU DISPOSITIF D'ÉVALUATION ET D'ORIENTATION DES PERSONNES HANDICAPÉES 12

1. La réforme des structures 12

2. La rénovation des outils d'évaluation des besoins de la personne handicapée 12

II.- APPORTER DES RÉPONSES SATISFAISANTES AUX PERSONNES LES PLUS LOURDEMENT HANDICAPÉES 13

A. LES LACUNES DE LA PRISE EN CHARGE DU HANDICAP LOURD 13

1. Les prises en charge à domicile 14

2. L'accueil en établissement 18

B. L'ACCUEIL DE PERSONNES HANDICAPÉES FRANÇAISES DANS DES ÉTABLISSEMENTS BELGES 19

1. Près de 3 000 Français sont actuellement accueillis dans des établissements belges qui fonctionnent selon un statut bien particulier et grâce à des financements français 19

2. Cette pratique aboutit à une situation pour le moins paradoxale 21

III.- DÉVELOPPER DES SOLUTIONS NOUVELLES 25

A. LA RÉFORME DE LA LOI D'ORIENTATION DU 30 JUIN 1975 25

1. Aller vers la création de « guichets » uniques 25

2. Faire évoluer les ateliers protégés 26

B. DES BESOINS À SATISFAIRE RAPIDEMENT EN MATIÈRE D'ACCUEIL TEMPORAIRE 27

1. Etat des lieux : des besoins à satisfaire 27

2. Concrétiser sans attendre l'avancée qui a été faite dans la reconnaissance de l'accueil temporaire 29

TRAVAUX DE LA COMMISSION 31

ANNEXE 37

INTRODUCTION

« Les handicapés, en France, n'ont pas encore trouvé leur place convenablement et de façon digne. »

Il s'agit là d'une citation forte du Président de la République, qui soulève de nombreux espoirs dans le monde du handicap. La volonté est bien affirmée, reste à définir les moyens nécessaires à l'ouverture de ce noble chantier car aujourd'hui l'espérance est immense et l'impatience est grande.

Le manque de places d'accueil pour les personnes handicapées est une évidence criante et l'orientation de la personne concernée est encore trop souvent difficile. Le sentiment d'avoir à réaliser un véritable parcours du combattant amplifie l'incompréhension et nombreuses sont les associations proches des difficultés des personnes handicapées qui réclament avec insistance des mesures de simplification administrative.

Mais au-delà de la mise en place d'un « guichet unique », accessible, capable d'informer, de rapprocher les problèmes de leurs solutions, d'orienter et d'aider à la recherche de financement spécifique, il faut aussi s'intéresser à l'innovation dans la prise en compte du handicap.

L'accueil temporaire de la personne handicapée peut apparaître comme une solution nouvelle capable d'apporter le temps nécessaire de répit et de repos aux familles mais il y a aussi d'autres champs à explorer, comme par exemple en matière patrimoniale. La reconnaissance d'un statut de la personne polyhandicapée qui demande et mérite une prise en charge personnalisée et très spécialisée est également urgente.

En outre, notre pays, par rapport aux pays nordiques notamment, a accumulé bien du retard en matière d'insertion par la scolarisation et par le travail. On connaît pourtant les bienfaits d'une intégration scolaire réussie, mais les efforts sont énormes et doivent tenir compte de la volonté du monde enseignant, de la capacité et des potentialités du jeune élève concerné ainsi que des moyens humains et techniques à mobiliser.

Pour ce qui est de la situation de l'emploi, et même si la loi de 1975 élève en obligation nationale la formation, l'orientation et l'insertion des personnes handicapées, force est de constater que la réalité et encore bien loin des intentions du texte. En effet, on peut déplorer qu'il y ait aujourd'hui plus de 200 000 personnes handicapées en recherche d'emploi, même si les centres d'aide par le travail (CAT), les ateliers protégés ou les entreprises adaptées apportent, malgré beaucoup de difficultés liées au surcoût du prix du travail, des réponses intéressantes.

Pour redonner toute sa dignité à la personne handicapée, il faut changer le regard des autres, mais beaucoup de chemin reste à faire pour que l'acceptation du handicap, par ceux qui ne sont pas concernés, se transforme en intégration de la personne différente dans la vie de tous les jours.

Les associations de parents sont nombreuses à jeter « des bouteilles à la mer », à lancer des appels désespérés pour reconnaître l'identité et l'intégrité de la personne fragilisée.

Dans ce domaine nous avons un devoir absolu de solidarité : c'est la réponse de la collectivité, ce doit être l'engagement de chacun.

*

I.- DONNER LA PRIORITÉ AUX CRÉDITS POUR LES PERSONNES HANDICAPÉES

Le budget pour 2003 tend à répondre aux attentes des personnes handicapées en portant une attention particulière à deux secteurs qui connaissent des manques flagrants : celui du travail protégé et celui des aides humaines.

Ces mesures sont indispensables face aux besoins persistants en matière de soutien à la vie à domicile des personnes handicapées. Elles traduisent également un effort indispensable face au manque de places d'accueil pour les handicapés adultes et ses conséquences sur les établissements d'éducation spécialisés : 3 920 jeunes adultes sont maintenus dans des établissements de l'éducation spéciale au titre de l'amendement « Creton ».

Mais en préalable à la présentation de ces mesures et de l'effort budgétaire qu'elles représentent, le rapporteur voudrait insister sur le caractère très critiquable du dispositif de suivi des créations de places en établissements. A la mauvaise connaissance de la population handicapée et donc de ses besoins, s'ajoute celle, encore moins admissible, d'une absence d'un suivi réel de l'offre.

Les dernières données statistiques disponibles relatives au nombre de structures, de places installées et de personnes accueillies dans les établissements médico-sociaux ont été produites en 2000 et portent sur l'année 1998, soit avant le lancement des deux plans pluriannuels de création de places ! Une nouvelle enquête est lancée par la Direction de la recherche et des études statistiques du ministère des affaires sociales. Elle portera sur l'année 2001.

A propos de la mise en _uvre de ces plans, il est simplement fait état, au titre des trois premières années du plan pluriannuel, soit de 1999 à 2001, de la programmation par les services déconcentrés de 3 048 places en maison d'accueil spécialisée (MAS) et en foyer d'accueil médicalisés (FAM), le bilan pour 2002 étant en cours.

Si on peut comprendre que pour 2002 un état des lieux ne soit pas encore effectué, on ne peut que regretter, que les services déconcentrés (DDASS et DRASS) qui sont chargés de la mise en _uvre des plans ne soient pas en mesure de fournir des informations précises sur les crédits effectivement engagés, et surtout sur les places effectivement créées et sur leur destination, par type de handicap. Il est rappelé que ces plans contenaient des mesures destinées spécifiquement à certains handicap : autistes, traumatisés crâniens...

Le chiffre cité de 3 920 jeunes adultes maintenus dans les établissements de l'éducation spéciale date lui aussi de 1998 alors que le plan quinquennal avait justement pour objectif principal de résorber leur nombre. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Cet état de fait a été relevé de façon très vive par la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale pour 2002. Elle y déplore l'impossibilité de tout suivi de l'utilisation de l'enveloppe médico-sociale qui est votée chaque année par le Parlement. Selon ses propres termes : « L'administration centrale ne connaît que de façon lacunaire le parc d'établissements, leur capacité théorique et leur capacité réelle par handicap et mode de prise en charge... Pour la sous-enveloppe personnes handicapées, le défaut d'outils réellement opérationnels de programmation budgétaire et l'absence de lien rigoureux avec les plans annoncés contribuent aussi à interdire une prévision fiable des dépenses. »

Cette situation présente de multiples inconvénients :

- elle empêche une prise de décision rationnelle sur les dépenses nécessaires et leur affectation ;

- elle gêne le contrôle de l'utilisation des fonds votés année après année ;

- elle entretient le mécontentement car les évaluations des besoins les plus diverses ont cours dans le milieu associatif.

Il serait donc impératif qu'un effort particulier soit mis en _uvre dans l'année qui vient et que les résultats précis en soient communiqués aux rapporteurs budgétaires.

Le montant des crédits budgétaires consacrés aux personnes handicapées en 2003 s'élève à 7,1 milliards d'euros, soit une croissance de 5,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.

Ces crédits regroupent les dépenses consacrées à des postes budgétaires aussi importants que l'allocation pour adultes handicapés (AAH) qui s'élève à 4,53 milliards d'euros, soit environ 75 % des crédits.

Depuis 1997, les sommes qui lui sont consacrés sont passés de 3,5 à 4,5 milliards d'euros. Cette évolution s'explique, d'une part, par l'augmentation sur l'ensemble de la période du montant de la prestation, qui est passée de 523 à 570 euros et de celle proportionnelle de son complément d'autre part, par l'augmentation du nombre d'allocataires, qui est passé de 670 000 à environ 750 000.

La dotation pour 2003 est calculée sur la base d'une revalorisation de 1,5 % (évolution prévisionnelle des prix) et d'un taux de croissance du nombre d'allocataires de 2,5 %.

Il regroupe aussi les crédits nécessaires à la poursuite des deux plans pluriannuels 1999-2003 et 2001-2003.

Il comprend surtout un certain nombre de mesures nouvelles, pour un montant total d'environ 49 millions d'euros qui traduisent deux priorités : la création de places supplémentaires pour adultes handicapés et le renforcement des aides à l'insertion.

Avant une analyse plus détaillée de ces deux types de mesures, on trouvera ci-après un tableau de la commission des finances, de l'économie générale et du plan récapitulant les crédits budgétaires consacrés aux personnes handicapées.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES CRÉDITS EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPÉES (en millions d'euros)

Nomenclature

Dispositif

LFI 2001

LFI 2002

PLF 2003

Ressources

Chapitre 44-71 article 40

Garantie de ressources des travailleurs handicapés

853,17

911,1

952,1

Chapitre 46-35 article 50

Allocation aux adultes handicapés

4,046

4277,72

4526,34

Charges communes

Financement de l'AAH des non salariés agricoles

76

55,8

51,8

Chapitre 46-35 article 50

Fonds spécial d'invalidité

242,7

259,16

263,57

 

Education

     

Chapitre 36-81 article 91

Instituts nationaux de jeunes sourds et de jeunes aveugles (subventions de fonctionnement)

11,51

11,81

11,81

Chapitre 6620 article 60

Instituts nationaux de jeunes sourds et de jeunes aveugles (subventions d'équipement)

1,88

0,31

0,46

Enseignement scolaire

Actions en faveur des élèves handicapés

75

79,84

98

Enseignement supérieur

Frais de transport des étudiants handicapés

1

1

1,3

 

Travail

     

Chapitre 46-35 article 40

Financement du fonctionnement des centres d'aide par le travail

1 018,36 

1 050,99

1 096 

Chapitre 44-71 article 30

Financement des ateliers protégés

31,86

38,73

42,92

Chapitre 44 71 article 10

Mesures en faveur de l'emploi

7,33

7,33

7,33

 

Interventions en faveur des personnes handicapées

     

Chapitre 46-35 article 10

Action sociale - crédits non déconcentrés

2,73

2,78

2,78

Chapitre 46-35 article 20

Action sociale - crédits non déconcentrés

38,31

55,44

74,79

Chapitre 66-20 article 10 (A)

Subvention d'équipement social - Etablissements pour enfants et adultes handicapés

3,22

5,24

4,15

Chapitre 46-31 article 50

Aide sociale

16,5

16,5

-

TOTAL

6  425,57

6  773,75

7 133,35

Le plan pluriannuel 1999-2003 de création de places pour adultes lourdement handicapés devait permettre, pendant cette période, la création de 8 500 places nouvelles (2 000 places en 1999 et 2000, 1 500 places en 2001, 2002 et 2003).

Dans le cadre du projet de loi de finances 2003 il est proposé le doublement (3 000 au lieu de 1 500) du nombre de créations de places nouvelles de CAT pour la dernière année du plan pluriannuel, portant ainsi à 10 000, le nombre total de places créées par ce plan.

Évolution des crédits des centres d'aide par le travail (CAT)

de 1999 à 2003

Année

LFI : Chapitre 46-31

article 40

Dont mesures nouvelles pour la création de places

Evolution LFI

(n-1) à LFI (n)

en %

1999

954 865 943

19 970 821

+ 3,71

2000

987 401 613

19 970 821

+ 3,41

2001

1 018 359 436

14 978 116

+ 3,14

2002

1 050 991 126

14 940 004

+ 3,20

2003 (PLF)

1 096 000 000

30 000 000

+ 4,28

Le tableau ci-dessus fait apparaître une augmentation, entre 2002 et 2003, de 45 millions d'euros (soit une évolution de 4,28 %), dont 30 millions d'euros de mesures nouvelles affectées à la création de 3 000 places supplémentaires.

Les crédits consacrés aux CAT passent de 1,051 million d'euros en loi de finances initiale 2002, à 1,096 million d'euros en 2003.

Cette évolution se décompose en :

Le plan triennal 2001-2003 avait prévu le développement du nombre d'auxiliaires de vie : 963 nouveaux postes ont été financés en 2001 et 900 en 2002.

Pour 2003, la mise en _uvre du plan est poursuivie, mais une part significative de moyens nouveaux de soutien à domicile des personnes handicapées sera consacrée aux personnes lourdement handicapées : sur les 709 nouveaux postes financés, 309 s'adressent spécifiquement à ces dernières, dans le cadre d'un dispositif expérimental.

Déjà en 2002, une partie des crédits (0,5 million d'euros) prévus pour le financement de ces postes ont été redéployés en leur direction.

En 2003, 400 nouveaux postes d'auxiliaires de vie seront financés par une mesure nouvelle de 3,8 millions d'euros. Une autre mesure nouvelle de 3 millions d'euros permettra de majorer la participation forfaitaire de l'Etat pour 309 postes nouveaux à destination des personnes lourdement handicapées. A titre expérimental, une forme nouvelle et complémentaire d'intervention à domicile va être mise en place à partir d'établissements assurant habituellement une prise en charge lourde avec hébergement (MAS ou FAM).

Les crédits, consacrés aux auxiliaires de vie scolaire (chapitre 46-31, article 50), participent de façon forfaitaire (à hauteur de 3 917 euros par poste) au financement de ces emplois, qui bénéficient par ailleurs d'autres sources de financement d'Etat.

En 2001, 583 postes d'auxiliaires de vie scolaire ont été créés par redéploiement de crédits initialement destinés au financement de postes d'auxiliaires de vie (750 000 euros). Conformément au plan triennal le nombre de ces postes a été augmenté à la rentrée scolaire 2002.

Pour 2003, 650 000 euros vont être consacrés à la création de 500 nouveaux postes pour la rentrée scolaire.

Un groupe de travail interministériel (ministère de l'éducation nationale et secrétariat d'Etat aux personnes handicapées) a été installé le 17 octobre 2002 en vue de faire des propositions sur la pérennisation de ces emplois en 2003, du fait de la suppression des emplois jeunes.

Sur la base des différents rapports sur le fonctionnement des COTOREP, en dernier lieu le rapport d'information de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances, de l'économie générale et du plan de l'Assemblée nationale, deux circulaires du 27 février 2002 ont organisé le co-pilotage de ces structures et ont généralisé un fonctionnement visant à garantir l'écoute et l'approche globale de la situation et des besoins des usagers.

La coordination et la fonction médicale des commissions sont d'ores et déjà renforcées. Un décret viendra officialiser la fusion des deux sections des COTOREP comme le recommandait le rapport précité.

Mais cette réforme doit nécessairement s'accompagner d'une refonte du système d'information des COTOREP afin d'améliorer sensiblement la connaissance des publics, de rationaliser et d'accélérer la gestion des dossiers et de fournir des instruments de pilotage aux services.

Enfin, à la suite des travaux engagés dans le cadre du programme Handiscol' une refonte du système d'information des commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES) a été engagée.

En même temps, la nécessité d'apporter des réponses de proximité aux usagers, de développer le réseau des équipes ressources susceptibles de conseiller les personnes qui recherchent un conseil en matière d'aide technique, d'aménagement du cadre de vie ou d'aide humaine, a conduit à la mise en place d'équipes techniques d'évaluation labellisées (ETEL) dans le cadre du dispositif de sites pour la vie autonome.

La poursuite de la rénovation des outils qui permettent aux instances d'orientation de se prononcer doit être assurée.

Ainsi, il conviendrait de tirer les enseignements de la nouvelle classification internationale du fonctionnement (CIF) proposée par l'OMS, de continuer la rénovation du guide barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités et de forger, dans le prolongement du récent guide sur l'attribution des compléments d'allocation d'éducation spéciale, de nouveaux outils d'aide à la décision pour l'attribution de prestations comme l'allocation aux adultes handicapés.

Les lieux d'expertise (notamment les nouvelles équipes d'évaluation de la vie autonome), sur lesquels le dispositif d'évaluation et d'orientation des personnes handicapées devra s'appuyer, doivent aussi être dotés de référentiels partagés et validés. Il faut enfin parvenir à une cohérence avec les outils existant dans des secteurs connexes (personnes âgées, régime invalidité) pour éviter des ruptures de droit ou des inégalités de traitement.

II.- APPORTER DES RÉPONSES SATISFAISANTES AUX PERSONNES LES PLUS LOURDEMENT HANDICAPÉES

Le handicap lourd, qu'il s'agisse de polyhandicap, d'autisme, de traumatisme crânien grave ou de handicap moteur sévère est un problème qui reste largement devant nous.

Le polyhandicap est un handicap qui trouve son origine dans une atteinte cérébrale grave et précoce. Il connaît un taux de prévalence stable d'environ 2 pour 1 000 naissances sur lequel il reste difficile d'agir : aujourd'hui encore environ 40 % des polyhandicaps congénitaux résultent de causes inconnues.

Mieux identifié, l'autisme demeure une des grandes exigences, c'est aussi le cas des grands handicapés physiques ou des traumatisés crâniens pour lesquels la reconnaissance est relativement récente.

En effet, les accidents de la vie, qui sont souvent des accidents de la route, les réanimations, la grande prématurité... et aussi la capacité de la médecine à délivrer des soins qui permettent des durées de vie bien plus longues, conduisent à ce que notre société se trouve de plus en plus confrontée à la question de la prise en charge des handicaps les plus lourds. Il est frappant de constater que, dans les établissements qui accueillent les personnes ayant les handicaps les plus graves (de type maison d'accueil spécialisée), on s'accorde généralement à dire que les résidents sont plus lourdement atteints qu'il ne l'étaient il y a une dizaine d'années.

Or, paradoxalement, trop souvent, ce sont ces personnes qui ont le plus de mal à trouver une solution qui leur soit adaptée et soit adaptée à leur famille, d'autant que chacun d'entre eux a des besoins différents et des besoins qui vont varier au cours de leur vie. Cela va de la recherche d'une vie autonome à domicile (comme le souligne l'Association des paralysés de France : « La vie à domicile, rendue possible par des aides adéquates, est l'enjeu majeur des personnes handicapées moteurs »), en passant par des prises en charge séquentielles et des « répits » temporaires, jusqu'à l'accueil permanent dans des structures adaptées.

Or ces difficultés débouchent trop souvent sur des solutions aussi surprenantes que le recours à des établissements d'accueil situés en Belgique.

Une enquête de la DREES sur les aidants des personnes handicapées montre bien le poids et les conséquences pour les proches de l'aide que les familles apportent à celui des leurs qui est handicapé.

Près de deux millions d'adultes de 20 à 59 ans ayant une invalidité reconnue vivent à domicile, 760 000 en bénéficiant d'une aide régulière (soit environ 40 %). Pour 660 000 d'entre eux cette aide relève d'un aidant non professionnel, principalement des membres de l'entourage : conjoints ou ascendants. Dans ce dernier cas, se sont en quasi-totalité des femmes, d'un âge moyen de 63 ans, pour lesquelles la fatigue morale et l'anxiété sont les principales conséquences négatives résultant de leur rôle d'aidant.

De plus il est évident que les contraintes générées par ces situations sont d'autant plus pesantes que le handicap est lourd et que la rigidité de notre système de prise en charge n'offre pas de façon réellement accessible des possibilités de répit par un accueil temporaire, régulier ou ponctuel dans des structures adaptées aux personnes handicapées.

Le budget pour 2003 prévoit des mesures nouvelles pour faire face à ces besoins, la prise en charge de ces personnes reste en effet un problème central.

Les aides humaines et les aides techniques et financières vont nécessiter de nouvelles réflexions sur la formation des auxiliaires de vie, sur l'évolution indispensable vers une meilleure prise en charge des aides techniques par l'assurance maladie, voire sur la définition d'une nouvelle allocation aux personnes handicapées destinée à faciliter leur maintien à domicile.

Le plan triennal avait prévu la création de 3 000 postes d'auxiliaires de vie s'ajoutant aux 1 800 existants. Pour 2002, une partie sera redéployée en direction des personnes très lourdement handicapées et pour 2003 cet effort est amplifié.

- Au titre de 2001, une première tranche de crédits d'un montant total de 9,3 millions d'euros a été déléguée, afin de participer au financement de 963 postes d'auxiliaires de vie supplémentaires.

- Pour 2002, la création de 900 postes d'auxiliaires de vie bénéficiera de crédits proratisés en raison des gels budgétaires auxquels il a fallu procéder en 2002. Il faut cependant souligner qu'une partie de ces crédits (0,5 million d'euros) a été redéployée vers le financement de postes d'auxiliaires de vie spécifiquement destinés aux personnes très lourdement handicapées.

- Pour 2003 deux types de mesures nouvelles sont prévues : 3,86 millions d'euros permettant de créer 400 nouveaux postes d'auxiliaires de vie et 3 millions d'euros pour le financement de 309 postes d'auxiliaires de vie spécifiques à des personnes très lourdement handicapées.

Bien que chacun de ces dispositifs fasse l'objet d'un financement propre, des moyens complémentaires pourront être recherchés auprès des partenaires locaux, à l'image de ce qui se pratique déjà dans quelques départements.

Il faut, en outre, préciser que l'ouverture aux personnes handicapées - autrement que par dérogation -de l'utilisation des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), normalement à destination des personnes âgées, annoncée d'année en année, n'avait en fait jamais été décidée. Elle supposerait bien entendu, au-delà du principe, que la prise en charge soit adéquate pour satisfaire notamment les besoins spécifiques des personnes lourdement handicapées.

Le décret est annoncé et la création des 750 places de SSIAD dédiées aux personnes handicapées prévue par le plan triennal 2001-2003 est poursuivie sur les crédits d'assurance maladie. En attendant, il a été décidé de continuer d'ouvrir des places à titre dérogatoire cette année et une circulaire a été envoyée aux DDASS, dans le cadre de la prise en charge de la vie à domicile des personnes lourdement handicapées.

Enfin, un groupe de réflexion vient d'être missionné pour émettre des propositions en vue d'une meilleure prise en charge par l'assurance maladie des produits, matériels et appareillages dont les personnes handicapées ont besoin.

On peut se féliciter de ces mesures qui permettront d'apporter une aide plus adaptée aux personnes lourdement handicapées.

Mais, plus généralement, se pose aussi la question du financement des services. Comme le fait valoir l'APF, la différence entre le montant de la subvention accordée et le coût moyen d'un poste d'auxiliaire de vie aboutit à ce qu'une part importante soit finalement laissée à la charge de l'usager.

En effet, les services reçoivent une subvention forfaitaire annuelle par poste équivalent temps plein de 9 650 euros, ce qui couvre en moyenne le tiers de leurs dépenses. Le reste est pris en charge par les usagers au moyen de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) ou de la majoration pour tierce personne de la sécurité sociale. Il peut s'y ajouter des subventions d'origine départementale.

La majoration de l'aide de l'Etat pour le financement des postes en direction des handicaps les plus lourds est donc particulièrement bienvenue.

Malgré la volonté qui avait été affirmée par le gouvernement précédent de développer l'insertion des personnes handicapées en encourageant la vie à domicile de celles qui le souhaitent, les modalités de prise en charge des aides à domicile n'ont pas cessé de se dégrader.

Selon l'Association des paralysés de France, l'écart croissant entre l'évolution du SMIC et le niveau de l'ACTP aboutit à ce que le nombre d'heures pris en charge au titre de l'aide à domicile soit passé, en vingt ans, de quatre heures trente à seulement trois heures par jour, ce qui est très insuffisant pour une personne lourdement handicapée. Elle conduit, par exemple, certaines personnes handicapées moteur ayant fait le choix de vivre à domicile à recourir de façon systématique à une hospitalisation, deux à trois jours par semaine, pour compléter leur prise en charge hebdomadaire.

L'insuffisance des prestations légales a d'ailleurs été dénoncé par le Sénat, dans son rapport récent : « Compensation du handicap : le temps de la solidarité ». Il propose d'ailleurs « une refonte ambitieuse de l'ACTP ». Cette situation contraint les personnes handicapées à un véritable parcours du combattant afin de trouver les financements complémentaires qui leur sont nécessaires.

Le décret du 1er avril 2002 a modifié la répartition et les conditions d'attribution des compléments de l'allocation d'éducation spéciale.

Cette allocation est servie, sur décision des commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES), aux personnes assumant la charge d'un enfant handicapé, afin de les aider à faire face aux dépenses supplémentaires entraînées par son éducation. Son montant au 1er janvier 2002 est de 109,40 euros. Cette allocation est assortie de compléments en fonction du niveau d'aide par une tierce personne que nécessite l'éducation de l'enfant.

Ces compléments étaient auparavant au nombre de trois selon que l'aide doit être discontinue, permanente ou assortie de la délivrance de soins continus de haute technicité. Ces compléments étaient de niveaux très différents et dans ce dernier cas, le droit à l'allocation était subordonné à la cessation d'activité de l'un des parents ou à l'embauche d'une tierce personne.

La réforme a eu pour objectif de moduler l'aide apportée aux familles pour mieux l'adapter aux besoins en créant des catégories intermédiaires entre le deuxième et le troisième complément pour arriver à un total de six compléments. Les compléments sont attribués par les CDES en fonction de l'importance du recours à une tierce personne et du montant des frais nécessités par l'état de santé de l'enfant.

On est donc passé de :

trois compléments

à

six compléments

- 82,05 euros

 

- 82,05

   

- 222,22

- 246,15 euros

 

- 314,52

   

- 487,40

   

- 622,92

- 916,32 euros

 

- 916,32

La situation ainsi créée a permis d'améliorer des prises en charge (par exemple, le recours à une tierce personne à mi-temps ou bien la réduction de moitié de l'activité d'un parent ouvre désormais droit à un complément de 314 euros au lieu de 82) et de lisser le saut qui existait entre la deuxième et la troisième catégorie. Elle se révèle toutefois extrêmement complexe à appliquer. Au passage de trois à six compléments s'ajoutent les effets de l'usage combinatoire de trois paramètres : cessation d'activité, embauche d'une tierce personne, frais supplémentaires dus au handicap de l'enfant. Il y a en fait dix combinatoires pour les compléments deux à six, les conditions étant parfois cumulatives.

En témoigne la liste des critères de la troisième et quatrième catégorie :

Troisième catégorie de complément : l'enfant dont le handicap,

- soit contraint l'un des parents à exercer une activité professionnelle à temps partiel réduite d'au moins 50 % par rapport à un temps plein ou l'oblige à recourir à une tierce personne rémunérée pendant une durée au moins équivalente à 20 heures par semaine ;

- soit contraint l'un des parents à exercer une activité professionnelle à temps partiel réduite d'au moins 20% par rapport à un temps plein ou exige le recours à une tierce personne rémunérée pendant une durée au moins équivalente à 8 heures par semaine et entraîne d'autres dépenses égales ou supérieures à un montant de 59 % de la BMAF, soit 201,70 euros ;

- soit entraîne par sa nature ou sa gravité des dépenses égales ou supérieures à 124 % de la BMAF soit 432,92 euros.

Quatrième catégorie de complément : l'enfant dont le handicap,

- soit contraint l'un des parents à n'exercer aucune activité professionnelle ou oblige à recourir à une tierce personne rémunérée à temps plein ;

- soit, d'une part, contraint l'un des parents à exercer une activité professionnelle à temps partiel réduite d'au moins 50 % par rapport à un temps plein ou exige le recours à une tierce personne rémunérée pendant une durée au moins équivalente à 20 heures par semaine et, d'autre part, entraîne des dépenses égales ou supérieures à un montant de 82,57 % de la BMAF, soit 282,28 euros ;

- soit, d'une part, contraint l'un des parents à exercer une activité professionnelle à temps partiel réduite d'au moins 20 % par rapport à un temps plein ou exige le recours à une tierce personne rémunérée pendant une durée au moins équivalente à 8 heures par semaine et, d'autre part, entraîne des dépenses égales ou supérieures à 109,57 % de la BMAF, soit 374,59 euros ;

- soit entraîne par sa nature ou sa gravité des dépenses égales ou supérieures à 174,57 % de la BMAF soit 596,80 euros.

Sa mise en _uvre a donné lieu à l'élaboration d'un questionnaire dans lequel les dépenses doivent être justifiées et qui est très mal ressenti par les parents. C'est particulièrement le cas pour les parents d'enfants polyhandicapés qui considèrent que le seul certificat médical faisant état du polyhandicap devrait suffire à apprécier la lourdeur de la prise en charge que cela suppose à l'évidence.

En outre, il semble que certaines familles qui avaient droit au troisième complément ne se voient pas attribuer le sixième car elles ne remplissent pas certains des critères.

Il est trop tôt pour apprécier en détail les effets de cette réforme. Cette question devra cependant faire l'objet d'un suivi attentif pour que les correctifs nécessaires puissent être apportés.

Des efforts financiers spécifiques pour les personnes lourdement handicapées ont été décidés dans les années passées avec l'augmentation du nombre de places en foyers de vie, en MAS et en FDT.

Le plan quinquennal 1999-2003 de création de places pour adultes lourdement handicapés avait prévu la création de 16 500 places supplémentaires (5 500 en MAS et FDT, 8 500 en CAT et 2 500 en ateliers protégés). L'insuffisante évaluation des besoins au lancement de ce plan a conduit à la mise en place d'un plan de rattrapage triennal 2001-2003 amplifiant l'effort de création de places en faveur des polyhandicapés, des autistes et des traumatisés crâniens.

Comme cela a déjà été dit les difficultés d'évaluation du nombre de places effectivement créées rend difficile un bilan précis des besoins non satisfaits. Il est cependant clair que des besoins persistent spécialement en matière de structures d'accueil pour adultes.

L'association APAH finances regrette par contre que toutes les places offertes par l'éducation spéciale ne soient pas pourvues (124 000 sur 128 700), essentiellement pour des raisons de mauvaise répartition géographique.

A cette incertitude statistique s'ajoutent les pratiques des établissements, qui auront tendance à ne pas donner la préférence à l'accueil des handicapés les plus lourds ou présentant des troubles du comportement et qui faussent les résultats attendus des plans spécifiquement décidés en leur faveur.

Il existe une définition du polyhandicap, au travers des limites fonctionnelles qu'il génère, qui emporte des effets concrets, puisqu'elle est posée par les nouvelles annexes XXIV ter du décret du 27 octobre 1989 relatives à la prise en charge des enfants et des adolescents handicapés. Selon ces annexes, le polyhandicap est « un handicap grave à expression multiple, associant déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde, entraînant une restriction extrême de l'autonomie et des possibilités de perception, d'expression et de relations ». Eventuellement aggravé d'autres déficiences ou troubles, il nécessite le recours à des techniques spécialisées pour le suivi médical, l'apprentissage des moyens de relation et de communication, le développement des capacités d'éveil et intellectuelles concourant à l'exercice d'une autonomie optimale.

Cette importante dépendance de la personne polyhandicapée nécessite une assistance technique et humaine permanente pour les actes de la vie courante mais aussi un accompagnement dans les soins nécessités par son état physique et psychique.

Cette nécessité a été reconnue pour les structures accueillant des enfants et des adolescents même si, comme le font valoir les associations, la prise en charge prévue par les annexes devrait être mieux contrôlée. Son application n'est pas toujours effective, pour des raisons liées aux moyens financiers des établissements, ce qui se traduit notamment par un suivi éducatif très insuffisant.

En outre, l'entrée dans l'âge adulte conduit de fait à une rupture de prise en charge puisqu'il n' y a plus de place spécifique faite à ce handicap. Les associations telles le Groupe Polyhandicap France dénoncent cet état de fait qui est ressenti par les parents comme un véritable « gâchis » après des années d'efforts constants ayant représenté pour la personne elle-même et pour sa famille une somme d'attention et de courage considérable.

Le rapporteur a souhaité analyser plus précisément les raisons pour lesquelles de nombreuses personnes, souvent lourdement handicapées (autistes, polyhandicapées...), étaient conduites à recourir à des établissements implantés en Belgique, y compris lorsqu'elles ne sont pas originaires des régions qui en sont frontalières.

A cette fin, deux établissements belges, n'accueillant tous les deux que des Français mais aux caractéristiques très différentes, ont été visités. L'étude réalisée en mai 2002 par l'Association francophone d'aide aux handicapés mentaux (AFRAHM) sur ces établissements, à la demande du ministre des affaires sociales et de la santé de la région Wallonne, M. Detienne a également constitué un apport précieux.

La cause évidente de cette situation réside dans le manque de places d'accueil sur le territoire français. Cette remarque n'épuise pour autant pas la question car, dès lors, il convient de comprendre pourquoi la Belgique (et plus précisément la Wallonie) est en mesure de proposer un service que la France ne parvient pas à offrir malgré les moyens conséquents qu'elle consacre aux personnes handicapées.

Il s'agit principalement d'adultes affectés de handicap mentaux lourds ou sévères.

 

Masculin

Féminin

Total

De moins de 10 ans

57

21

78

De 11 à 17 ans

443

135

578

De 18 à 21 ans

321

139

460

De 22 à 30 ans

425

354

779

De 31à 40 ans

529

287

816

De 41à 51 ans

381

203

584

De 52 à 65 ans

93

38

131

Plus de 65 ans

2

1

3

Total

2 251

1 178

3 429

Au total, environ un tiers des handicapés ont moins de 21 ans, l'essentiel d'entre eux étant des jeunes adultes dont la moyenne d'âge s'établit entre 22 et 30 ans.

L'enquête de l'AFRAHM fait apparaître que, dans les services accueillant exclusivement des étrangers, se retrouvent en majorité des personnes affectées d'un handicap mental profond (que l'enquête distingue du handicap mental sévère, modéré et léger selon la classification adoptée).

De façon plus globale, dans les établissements concernés :

- les personnes atteintes de déficience mentale comme handicap principal sont majoritaires (77 % de la population de l'ensemble des services) ;

- les personnes souffrant de troubles du comportement comme handicap principal représentent 13 % de l'effectif.

Au fil des quarante dernières années se sont progressivement créés en Belgique francophone des établissements pour handicapés tournés vers l'accueil de Français dans un régime de très grande liberté.

N'étant pas financée par l'État belge et ne concernant à l'origine aucun ressortissant de ce pays, cette activité ne s'exerce pas stricto sensu dans le cadre du système médico-social belge et n'est donc pas soumise à la procédure d'agrément avec toutes les conséquences que celui-ci entraîne.

Toutefois, le nombre élevé de structures et de personnes concernées a finalement conduit la Belgique à chercher à mieux les connaître et à mieux les contrôler.

A cette fin, il a été décidé en 1995 de les soumettre à une autorisation de création qui a eu au moins le mérite de permettre leur recensement.

Ces structures - ou la partie de ces structures consacrées aux étrangers - sont donc désormais soumises au régime de l'autorisation prévu par l'article 29 du décret du 6 avril 1995 et non au régime de l'agrément applicable, comme en France, aux établissements du secteur médico-social.

129 établissements, constitués majoritairement sous un statut associatif, entrent dans cette catégorie. Plus précisément, parmi eux, 32 établissements hébergent exclusivement des Français, les autres sont dits « mixtes ou gigognes ».

Les services mixtes ou gigognes reçoivent aussi des Belges. Il s'agit soit de services qui accueillent des résidents belges sans prise en charge financière de la part de la Belgique car ils n'ont pas d'agrément mais seulement une autorisation au titre de l'article 29, soit d'établissements qui fonctionnent avec deux statuts : un agrément classique leur permet d'accueillir des handicapés belges avec un financement de cet État et, pour une autre part de leur activité, une autorisation au titre de l'article 29 leur permet tant d'accueillir des étrangers (et aussi parfois des Belges...).

Au total, la part des résidents belges dans les structures -ou les parties de structures- autorisées au titre de l'article 29 est tout à fait mineure : 800 Belges pour 2 800 Français. 

La souplesse de fonctionnement dont bénéficient ces établissements est une des raisons de leur succès : rapidité et simplicité de création (qui s'opère parfois à l'aide de donateurs privés) et moindres coûts de fonctionnement.

En effet, n'agissant pas dans le cadre du médico-social ils ne sont pas soumis, par exemple, à l'application de la convention collective, à l'échelle des qualifications professionnelles, aux mêmes critères techniques... Il en résulte une souplesse de fonctionnement et des prix de revient inférieurs.

Les avantages et/ou inconvénients de ce fonctionnement sous le régime de l'article 29 (selon la terminologie belge) sont bien illustrés par l'enquête de l'AFRAHM qui a demandé aux établissements s'ils souhaiteraient ou pas bénéficier d'un financement public belge et pour quelles raisons.

Selon ces services, les avantages à être financés par l'AWIPH seraient un encadrement plus élevé et des infrastructures plus adéquates qui permettraient une meilleure prise en charge, la garantie d'un projet de qualité par les contrôles et les évaluations réalisées, la fin de situations discriminatoires (formation, conventions de travail...) et une moins grande précarité du personnel.

En revanche, sont jugées comme négatives les conséquences qui en résulteraient en termes de rigidité administrative du système, de manque de souplesse et de difficulté d'adaptation en fonction des projets, de perte d'originalité des projets conduits, de rigidité des enveloppes budgétaires qui empêche une réaffectation des économies ... Le choix imposé des résidents est également redouté.

Le financement de la prise en charge est assuré par les conseils généraux ou, dans le cas des enfants, par les caisses d'assurance maladie qui acquittent le prix de journée demandé par l'établissement (sachant que celui-ci est deux à deux fois et demi inférieur au tarif français) et appliquent ensuite les règles relatives à la part contributive restant à la charge de la famille.

Selon l'enquête de l'AFRAHM :

- les caisses d'assurance maladie financent les prises en charge de 41 % des Français ;

- les directions départementales des affaires sanitaires et sociales : 29 % ;

- les conseils généraux : 14 %.

Le prix de journée est défini par conventionnement entre l'organisme payeur et l'établissement qui prend en charge l'accueil de handicapés ayant fait la preuve de plusieurs refus dans des établissements français et munis d'une orientation délivrée par la COTOREP ou la CDES.

Les conventions que passent les caisses d'assurance maladie avec les établissements, après décision au cas par cas de la DRASS de Lille, fixent un certain nombre de normes en matière de modalités technique d'accueil, de prise en charge médicosociale et éducative puisqu'il s'agit d'enfants et de remboursement des frais.

Ce dispositif s'appuie réglementairement sur l'article R. 332-2 du code de la sécurité sociale qui dispose : «  Les caisses d'assurance maladie pourront procéder au remboursement forfaitaire des soins dispensés hors de France aux assurés sociaux et aux membres de leur famille qui sont tombés malades inopinément... Indépendamment des cas prévus à l'alinéa ci-dessus, les caisses d'assurance maladie pourront, à titre exceptionnel, et après avis favorable du contrôle médical, procéder au remboursement forfaitaire des soins dispensés en dehors de la France à un assuré social ou ayant droit d'assuré social, lorsque celui-ci aura établi qu'il ne pouvait recevoir sur le territoire français les soins appropriés à son état. »

En 2001, un rapport de l'IGAS qui portait sur la seule prise en charge au titre de l'assurance maladie dans des établissements belges évaluait à 286 millions de francs les financements assumés à ce titre.

Il résulte de cet état de fait une situation doublement paradoxale.

Pour la Belgique, d'abord, qui accueille sur son territoire des personnes handicapées auquel elle offre un service auquel ses ressortissants n'ont de fait pas accès s'ils bénéficient d'une prise en charge de l'Etat (alors que de surcroît, pour des raisons budgétaires, la Belgique a bloqué depuis plusieurs années toute création de places nouvelles dans ses établissements médico-sociaux et connaît de ce fait des difficultés).

Pour la France ensuite. Le manque de place en France et des coûts de revient inférieurs dans les établissements wallons aboutissent à ce que des organismes payeurs français subventionnent des établissements qui ne sont pas soumis aux règles et aux normes qu'elle a défini - et récemment rénovées - pour les établissements situés sur son territoire, simplement parce qu'elle n'est pas en mesure de fournir elle-même ce service.

La question sous-jacente à cette situation est évidemment celle des garanties de qualité de l'accueil dans ces établissements. Sur ce point, il n'a pas été possible d'avoir dans le cadre de la mission effectuée une vue exhaustive des établissements. Néanmoins, l'étude menée par l'APHRAM met en évidence des éléments intéressants et parfois contradictoires, même si les comparaisons d'un pays à l'autre sont toujours très délicates.

Selon cette enquête, dans les services dénommés SSE (services recevant uniquement des résidents étrangers), le taux d'encadrement par le personnel éducatif est supérieur à celui constaté dans les services mixtes car ils sont nantis de moyens financiers importants.

En revanche, seuls 57 % des SSE élaborent un projet individuel pour la personne handicapée dans l'établissement alors qu'il s'agit d'une obligation posée en France par la loi de janvier 2002 sur le secteur médico-social et d'une condition à la prise en charge financière en Belgique. De mêmes seuls un tiers des SSE est doté d'un conseil des usagers.

Enfin, d'un point de vue budgétaire, selon l'APHRAM, de toutes les structures, ce sont les SSE qui connaissent les coût de prise en charge les plus élevés : 53 254 euros par an pour un service d'hébergement pour adulte, contre 29 581 euros dans les services médico-sociaux wallons... Ces coûts plus élevés, selon l'étude précitée, financent des infrastructures et un encadrement plus nombreux au bénéfice des personnes handicapées.

Au total, pour l'APHRAM  la plupart des services relevant de l'article 29 satisfont aux mêmes conditions de fonctionnement  que les services du médico-social belge ou du moins s'en rapprochent mais selon elle la prudence doit être de mise à l'égard de toute généralisation abusive tant la diversité des services est grande.

Il n'entrait pas dans la possibilité du rapporteur, ni dans sa mission, d'évaluer ces établissements qui offrent effectivement une solution à des parents désemparés et constituent parfois, grâce à leur souplesse de fonctionnement un facteur d'innovation important. Il lui revient, en revanche, de souligner avec force le paradoxe dans lequel on se trouve aujourd'hui.

III.- DÉVELOPPER DES SOLUTIONS NOUVELLES

Le 3 décembre 2001, le Conseil de l'Union européenne a proclamé l'année 2003 « Année européenne des personnes handicapées ». Il invite les États au cours de cette année à sensibiliser la société aux droits, aux besoins et au potentiel des personnes handicapées, notamment en incitant les différents partenaires à unir leurs efforts pour mettre en place et promouvoir un flux d'informations et l'échange de bonnes pratiques.

Cette année sera l'occasion, pour la France, de prendre les mesures fortes et attendues en faveur des personnes handicapées. En particulier, 2003 devra être l'année de la réforme de la loi d'orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées.

Cette réforme, véritable serpent de mer, est attendue depuis des années. Elle sera l'instrument d'une remise à plat et d'une appréhension globale de certains thèmes, seules à même de donner une impulsion nouvelle à la politique suivie en faveur des personnes handicapées, dans une double visée à la fois simplificatrice et innovatrice.

C'est ainsi que parmi bien d'autres sujets, elle devra être l'occasion de se pencher sur deux questions : la mise en place de structures d'accueil et de renseignement uniques dites « guichets uniques » et l'évolution du travail protégé.

Comme le propose le Sénat, à l'issue de ses travaux sur la compensation du handicap, conforter et élargir leur missions pourrait faire des sites pour la vie autonome le cadre idéal de la coordination des aides et des actions en direction des personnes handicapées.

En effet, complexité et blocages sont trop souvent les caractéristiques du fonctionnement des dispositifs d'aide.

Après une première expérimentation dans quatre sites pilotes, le plan triennal 2001-2003 avait prévu la mise en place progressive de sites pour la vie autonome afin de permettre de développer l'accès aux solutions de compensation fonctionnelle des incapacités des personnes handicapées, de simplifier les procédures de financement et ainsi de réduire les délais nécessaires à l'obtention des aides.

Pour l'année 2002, les 43 sites créés en 2000 et 2001 ont été dotés de 13,4 millions d'euros afin d'assurer la continuité de l'action entreprise et de leur conférer une capacité financière plus importante. La territorialisation accrue de ce fonds permettra l'accès aux solutions de compensation fonctionnelle en adaptant le montant de la dotation à la population des départements concernés.

Les 27 sites nouveaux créés en 2002 recevront pour amorcer leur démarrage une dotation proratisée, en raison des gels budgétaires intervenus cette année.

Au total les 70 sites créés en 2000, 2001, 2002 bénéficieront de 228 000 à 350 000 euros chacun en année pleine, selon le poids démographique du département, afin d'accompagner la mise en place du dispositif, de soutenir les équipes techniques d'évaluation labellisées et de contribuer au financement, en complément des dispositifs légaux, des aides techniques et des aménagements de lieu ordinaires de vie prescrits par ces équipes.

La généralisation sera achevée en 2003 avec la création des 30 derniers sites. A cette fin le chapitre 46-31 article 50 a été doté de 8,4 millions d'euros pour 2003.

Ces sites s'adressent à toutes les personnes handicapées quels que soient l'origine ou la nature de leur handicap, leur âge ou leur lieu de résidence. Il semble cependant que, comme le regrette certaines associations, étant centrées sur la coordination et la simplification de la prise en charge des aides techniques, ils soient trop exclusivement dédiés au handicap moteur.

Un premier pas vers leur pérennisation a été effectué par la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale qui permet d'ériger en service médico-social les équipes techniques d'évaluation labellisées de ces sites. Une définition réglementaire d'un financement pérenne de ces sites sera déterminée sur la base d'une évaluation de leur fonctionnement actuel.

C'est donc bien à partir de cet acquis et par une évolution ultérieure que ces structures devraient évoluer vers la conception d'un outil global d'aide à la prise en charge de tous les handicaps.

b) Vers la mise en place d'un guichet unique

Consacrés par une reconnaissance législative qui définirait précisément leur statut, ces « guichets uniques » pourraient jouer le rôle d'interlocuteur et de coordinateur, à même de garantir la continuité des moyens mis à la disposition des handicapés quand leur situation ou leurs besoins évoluent. Ils auraient pour mission d'informer, de rapprocher les problèmes de leurs solutions, d'orienter et de soutenir les familles ainsi que d'aider à la recherche de financements spécifiques.

Les 548 ateliers protégés existants permettent de faire travailler environ 18 000 personnes qui sont encadrées par 2 000 autres personnes.

L'augmentation de la subvention de développement et d'accompagnement versée aux ateliers protégés, même si elle est encore jugée insuffisante par le GAP-Uneta a rendu possible l'amélioration de leurs conditions de fonctionnement. L'aide financière de 100 millions de francs sur 3 ans a permis, en effet, de faire passer la subvention de 8 000 F à 10 000 F pour un coût total de la place de 70 000 F.

Les problèmes financiers rencontrés peuvent toutefois se traduire par des pratiques d'ajustement sur les salaires nets qui ne sont pas augmentés autant qu'il serait possible.

En 2003, les crédits permettront, au-delà du soutien de ces ateliers au regard des emplois existants, de concourir au financement de 500 emplois nouveaux et de moderniser ces structures.

Un des problèmes auquel sont confrontés les ateliers protégés, qui est commun à beaucoup de structures d'accueil de personnes handicapées, est celui des orientations par les COTOREP.

Les ateliers protégés ont vocation à accueillir des personnes trop handicapées pour travailler dans le milieu ordinaire mais sans relever, pour autant, des structures médico-sociales. Selon la même association : « On assiste à un transfert vers l'atelier protégé de personnes qui y sont orientées en raison du manque de place en CAT ». La difficulté est alors de gérer un poste de travail avec des personnes souvent beaucoup plus loin de l'emploi qu'elles ne le devraient car orientées par défaut.

L'accroissement du nombre de places en CAT (3 000 places nouvelles) qui a été décidé pour 2003 devrait permettre d'améliorer cette situation.

Enfin, le secteur du travail protégé peine à remplir sa vocation de filière vers l'emploi ordinaire. A ce titre la création de structures ouvertes ou intégrées à des entreprises, le développement du tutorat ou d'autres solutions innovantes apparaissent aujourd'hui indispensables.

Cette évolution suppose une redéfinition du travail protégé, des missions et des moyens du secteur adapté, qui trouvera toute sa place dans le cadre de la réforme de la loi du 30 juin 1975.

Les conclusions du Groupe de réflexion et réseau pour l'accueil temporaire des personnes handicapées (GRATH) à la suite de l'enquête réalisée en 2001 sur l'accueil temporaire ont permis de dresser un premier bilan. Il existe 147 structures pratiquant l'accueil temporaire, ce qui représente 836 places.

L'enquête qui a été menée sur des personnes reconnues handicapées au moins à 80 % fait apparaître des besoins importants et diversifiés :

- 52 % des personnes interrogées déclarent avoir déjà eu besoin d'un accueil temporaire (dont 23 % pour répondre à un seul besoin et 29 % à des besoins multiples) ;

- plus d'un tiers (36 %) font état d'une demande de répit d'une moyenne annuelle de quatre semaines ;

- un quart aurait besoin d'un accueil temporaire dans le cadre de leur projet de vie un peu plus de cinq semaines par an ;

- un autre quart avait besoin d'un répit moyen de trois semaines pour des raisons liées à l'indisponibilité de l'aidant.

Ces besoins s'articulent autour de trois thématiques :

- le besoin de répit des aidants et les cas d'urgence (hospitalisation des parents...) ;

- la préparation au passage à la vie en établissement parce que l'accueil en famille n'est à terme plus possible (aggravation du handicap, vieillissement des parents...) ;

- le projet de vie lui-même qui grâce à un accueil séquentiel en établissement (répété selon une périodicité régulière) conditionne au bout du compte la vie à domicile.

On pourrait y ajouter un besoin émergent signalé par la responsable d'une structure d'accueil temporaire répondant au statut de maison de vacances : la possibilité offerte à une famille de revivre ensemble pendant quelques jours dans une structure qui offre une prise en charge adéquate alors que cela n'est plus possible parce que les parents sont trop âgés pour pouvoir s'occuper de leur enfant ou sont parfois eux-mêmes en maison de retraite.

b) Des besoins auxquels sont apportés des réponses insuffisantes

Il résulte de l'enquête précitée que 36 % des personnes interrogées n'ont pas trouvé de solution et que 22 % des besoins débouchent sur une hospitalisation, solution toujours coûteuse et généralement inadéquate.

De surcroît, il apparaît que les personnes présentant une déficience psychique ou les personnes polyhandicapées, qui nécessitent une présence de tous les instants, sont celles pour lesquelles les besoins sont les plus grands et les solutions les plus difficiles à trouver.

En effet, les places réservées à l'accueil temporaire (la circulaire relative aux maisons d'accueil spécialisées prévoit que 10 % des places de l'établissement sont réservées à cet effet) ne résistent généralement pas à la pression de la liste d'attente et sont rapidement occupées par des résidents permanents.

S'y greffent d'autres difficultés directement liées au fonctionnement du système :

- inadaptation des organes d'orientation, CDES et COTOREP, qui ne peuvent réagir suffisamment rapidement aux demandes ;

- manque de souplesse des institutions ;

- détermination de la tarification tant pour la personne, pour assurer sa prise en charge, que pour l'établissement qui subit des répercussions sur le taux d'occupation et doit faire face à des problèmes de gestion complexes.

La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale a reconnu le principe de l'accueil temporaire comme mode de prise en charge.

Pour la première fois le principe de l'accueil temporaire a été posé par la loi, de façon unanime et dans un texte organisant le secteur, en précisant que les modalités devront en être définies par décret.

L'article 56 de la loi dispose : L'article L. 314-8 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé : «  Les modalités de fixation de la tarification des établissements et services sont déterminées par un décret en Conseil d'Etat qui prévoit notamment : [...]

2° Les conditions dans lesquelles les personnes accueillies temporairement peuvent être dispensées d'acquitter tout ou partie des frais afférents à leur prise en charge.

L'accueil temporaire est défini par voie réglementaire. » 

La rédaction prudente retenue par le projet de loi révèle la nature des questions qui devront être tranchées pour que ce mode d'accueil puisse se développer efficacement. Il s'agit, principalement, du statut et de l'organisation des structures et de la tarification de l'accueil temporaire.

Sur ce dernier point, et pour résumer, la part restant à la charge de l'intéressé devra être définie et les problèmes de double prise en charge - rendus complexes par la multiplicité des financeurs - trouver une solution. Ce décret est aujourd'hui à l'étude. Il devrait aboutir rapidement pour que puissent se développer sur un mode expérimental les solutions appropriées à la satisfaction d'un besoin largement partagé.

Enfin, il serait logique que l'accueil temporaire soit intégré aux schémas d'organisation sanitaire et sociale pour une meilleure lisibilité et une meilleure coordination des différentes possibilités d'accueil.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-François Chossy, les crédits des personnes handicapées pour 2003, au cours de sa séance du mercredi 6 novembre 2002.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Pierre Forgues a souhaité tempérer l'enthousiasme du rapporteur pour avis pour revenir à la réalité du budget.

Il est certes incontestable que l'insertion des handicapés dans la société fait partie des priorités définies par le Président de la République et que l'année 2003 a été consacrée année européenne du handicap, mais on ne peut dire pour autant que le budget des handicapés pour 2003 marque une rupture forte avec la politique menée par le passé. Ainsi, les crédits sont en augmentation de 5,6 %, alors qu'ils étaient, à périmètre comparable, en hausse de 5,8 % dans la loi de finances pour 2002. Par ailleurs, il faut bien avoir conscience que le budget des handicapés possède une structure particulièrement contrainte puisque 82 % de ses crédits servent au financement de l'allocation pour les adultes handicapés (AAH), dont la croissance n'est pas maîtrisable. La marge de man_uvre budgétaire est donc limitée et les mesures nouvelles annoncées relativement réduites.

De plus, lorsque le gouvernement annonce l'ouverture de 3000 places supplémentaires dans les Centres d'aide par le travail (CAT), il convient de rappeler que le plan pluriannuel adopté pour les années 1999-2003 prévoyait la création de 8500 places au total, dont 1500 places en 2002 et en 2003. Il serait donc intéressant de savoir si les créations supplémentaires annoncées pour 2003, au delà des 1500 places prévues par le plan, correspondent réellement à des créations nouvelles ou s'il s'agit plus simplement de reporter sur 2003 celles prévues pour l'année précédente, compte tenu des gels de crédits et des reports intervenus en 2002.

Il ne s'agit pas de contester l'engagement philosophique du rapporteur pour avis sur la question du handicap, qui peut tout à fait être partagé, mais bien de savoir comment celui-ci sera traduit dans la réalité et quels sont les moyens les plus appropriés pour y parvenir.

M. Pascal Terrasse a souhaité que le sujet des handicapés ne soit pas l'objet de polémiques, considérant que tous les parlementaires ont très certainement, en la matière, les mêmes objectifs, même si les moyens mis en _uvre par les différents gouvernements peuvent différer.

Il a d'abord précisé que le champ du handicap recouvrait des réalités très hétérogènes et qu'il n'était pas possible de traiter de la même façon les handicaps acquis et innés, les enfants et les personnes âgées dépendantes. Or cette question de la définition du handicap n'a jamais été véritablement réglée.

Il a ensuite formulé les observations suivantes :

- Les décrets d'application de la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale du 2 janvier 2002 n'ont toujours pas été publiés, alors que l'attente est grande, notamment en ce qui concerne la mise en place des foyers d'accueil médicalisés ou encore de l'« aide au répit » pour les familles de personnes handicapées .

- L'annonce d'une loi d'orientation pour les personnes handicapées en 2003 paraît tout à fait opportune en cette année européenne du handicap. Ce texte devra notamment préciser la répartition des compétences et des responsabilités entre l'Etat, les collectivités territoriales et les institutions médicales et médico-sociales, car l'application locale de la politique du handicap manque trop souvent de chefs de file identifiés.

- La réforme des CDES et des COTOREP est toujours aussi urgente ; les délais d'examen des dossiers sont scandaleusement longs et seule une réforme des structures pourra y apporter une solution car il ne s'agit pas d'un simple manque de moyens.

- Un effort important doit être fait en ce qui concerne les autistes : les places d'accueil sont trop peu nombreuses et le plan d'action mis en place ces dernières années est clairement insuffisant.

- Enfin, la baisse de 20 % des crédits de subventions d'investissements inscrits sur le budget des handicapés est inquiétante pour les années à venir, car elle obère les possibilités d'investissement du ministère et donc sa capacité à accompagner, sur le terrain, la mise en _uvres des décisions prise au niveau national.

M. René Couanau a considéré qu'un pays comme la France ne pouvait se satisfaire de la situation qui est faite aujourd'hui aux handicapés tant en matière d'accueil et d'intégration que d'aide et d'assistance aux familles. Des progrès importants doivent donc être réalisés. Le budget des handicapés pour 2003 va dans le sens de cet effort et peut donc être considéré comme satisfaisant.

Les retards constatés dans la réalisation des décisions d'ouvertures de places sont tels, comme l'a d'ailleurs souligné la Cour des comptes, que l'on peut se demander s'il existe véritablement sur le terrain, de la part des services déconcentrés, une volonté d'agir et de les réaliser. Il faut aujourd'hui en moyenne trois ans pour qu'une décision prise au niveau administratif soit concrétisée ce qui est inacceptable.

Il faut dire que la procédure applicable est particulièrement absurde car, si les associations obtiennent assez facilement l'autorisation pour l'ouverture de places, elles sont par contre totalement livrées à elles même pour la réalisation des équipements et ne bénéficient d'aucun préfinancement qui leur permettrait de se lancer sans trop de risque dans les investissements. Des mesures pratiques doivent être prises pour faciliter ces opérations et définir la collectivité qui sera à même de fournir un soutien aux associations, qui ne savent pas toujours à qui s'adresser.

Il a ensuite signalé différents points sur lesquels une action serait particulièrement nécessaire :

- L'aide aux famille d'enfants polyhandicapés ne saurait se limiter à une place dans une structure d'accueil de jour, lorsque celle-ci existe. Il convient de leur apporter une aide complémentaire : il s'agit là d'un véritable devoir moral pour notre société.

- La politique de lutte contre l'autisme doit être redéfinie, cette maladie devant être mieux identifiée et traitée.

- Enfin, le cumul d'une AAH et d'un salaire à mi-temps doit être facilité car l'intégration des personnes handicapées à la vie quotidienne passe très certainement par la possibilité d'exercer un travail.

Mme Hélène Mignon a formulé les remarques suivantes :

- Il est essentiel de poursuivre les efforts qui ont été entrepris pour les autistes.

- Il existe effectivement un décalage important entre le moment où les décisions sont prises et leur mise en _uvre et l'expérience a montré qu'il était difficile d'instaurer un lien mécanique entre eux. Toutefois, on peut observer que, s'il subsiste des reliquats de crédits dans le budget de l'Etat, les dossiers quant à eux sont prêts à être lancés.

- Le respect que l'on doit à l'ensemble des handicapés suppose de leur donner la réponse la mieux appropriée. La question se pose pour les handicapés vieillissants. L'âge venant, alors que leur famille a souvent disparu, ils se retrouvent dans une situation particulièrement inconfortable. Ils occupent des places en maison d'accueil spécialisées, qu'attendent les plus jeunes, parce que leur transfert dans des maisons de retraite ordinaires serait une solution totalement inadaptée.

- La presse fait aujourd'hui état de dérives dans les centres d'aide par le travail. Au moment où l'on propose de créer 3 000 places dans ceux-ci, il n'est pas souhaitable de laisser se développer une telle polémique et des initiatives devraient être prises sur cette question, telle la création d'une mission d'information.

- Enfin, s'agissant du lien entre handicap et travail, il faut effectivement étendre la possibilité de cumuler l'AAH et les revenus d'une activité à temps partiel et s'interroger, par ailleurs, sur les conditions d'application des pénalités pour les entreprises ne remplissant pas leurs obligations en matière d'intégration des handicapés.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est félicité que les membres de la commission fassent abstraction de leurs divergences politiques pour débattre des crédits des personnes handicapées. De ce point de vue, la question de la création d'une mission d'information sur les centres d'aide par le travail donnerait un contenu concret au souhait que la commission ait un rôle d'aiguillon dans la politique d'aide à l'insertion des handicapés. Cette proposition sera donc étudiée par le bureau de la commission.

S'agissant de l'autisme, la recherche s'oriente maintenant vers des causes génétiques et la thérapie génique pourrait donc constituer une solution.

M. Jean Le Garrec a jugé la création d'une mission d'information non seulement utile mais nécessaire.

De façon plus globale, trois actions doivent absolument être menées : l'achèvement de la rénovation de l'action sociale et médico-sociale par la publication de ses décrets d'application, la refonte de la loi de 1975 sur le handicap et enfin la réforme des COTOREP.

Mme Martine Carrillon-Couvreur a souligné l'importance des conditions dans lesquelles l'annonce du handicap est faite. Elles doivent pouvoir constituer le point de départ d'une vie décente. Il est donc nécessaire de renforcer l'accueil des couples confrontés à cette situation, notamment dans les services de maternité et dans les hôpitaux. Des dispositions dans ce sens, s'inspirant notamment du texte d'une circulaire de 1982, devraient être inscrites dans la loi.

Elle a ensuite abordé la question des enfants handicapés à l'école. Des progrès ont été faits grâce aux initiatives prises, mais des difficultés demeurent et notamment celle de la participation aux frais de scolarisation dans les classes spécialisées des communes où résident les enfants et qui avoisinent la ville centre dans laquelle ces classes ont, pour des raisons logiques, été implantées. Ce refus de participation repose sur deux arguments : le premier est que les communes n'ont pas connaissance de la scolarisation de ces enfants et le second que les enfants pourraient être scolarisés dans leur commune de résidence. Il convient donc d'éclaircir cette question qui par ailleurs fait actuellement l'objet d'une enquête de la part des préfectures.

Mme Muriel Marlan-Militello a relevé que la hausse du budget s'inscrivant dans un exercice budgétaire contraint, la part relative des crédits consacrés au handicap s'en trouvait accrue d'autant. On doit, en outre, se féliciter de l'orientation clairement retenue en direction d'un soutien aux polyhandicapés qui se traduit par la création de structures et par des moyens supplémentaires pour les auxiliaires de vie.

Ce budget est séduisant d'abord parce qu'il est humble : il ne comporte pas d'effets d'annonce. D'ailleurs, la politique en faveur des personnes handicapées ne passe pas seulement par des questions budgétaires mais également par une évolution des mentalités dans le sens d'une perception banalisée du handicap, à l'instar de ce qui se passe, par exemple, au Canada ou dans les pays scandinaves.

Il est également séduisant par sa dimension concrète. La secrétaire d'Etat aux personnes handicapées a souligné la nécessité d'une telle approche concrète et individualisée du cas de chaque personne « en situation de handicap ». Mieux vaudrait d'ailleurs utiliser cette formule que celle de personne handicapée.

Par ailleurs, s'il faut effectivement élargir les possibilités de cumul de l'AAH avec une activité à temps partiel, il faudrait également opérer un ajustement du dispositif de la couverture maladie universelle afin que son bénéfice soit ouvert aux bénéficiaires de cette allocation.

Enfin, il faut insister pour que les sanctions existantes, en cas de non-respect des obligations légales, comme par exemple en matière d'accessibilité, soient dissuasives et fermement appliquées.

Mme Catherine Génisson a convenu de la difficulté concrète qu'il y a à créer dans des délais rapides des places supplémentaires dans les établissements et a souligné que ces difficultés sont encore plus grandes quand il s'agit de structures innovantes.

Par ailleurs, on insiste souvent sur le handicap congénital. Il ne faut pas négliger le handicap acquis, par exemple celui dont souffrent les traumatisés crâniens qui rencontrent des difficultés dans la recherche de structures d'accueil.

Enfin, s'agissant des sanctions encourues pour non-respect des quotas d'emploi de personnes handicapées, ne faut-il pas les abandonner pour privilégier une logique d'obligation ?

M. Dominique Tian s'est interrogé sur l'application effective de l'obligation d'emploi de handicapés à l'Etat et aux collectivités locales et sur le respect de celle-ci. En ce qui concerne la création de structures, il conviendrait de réfléchir à la prise en compte d'éventuels projets émanant d'entreprises privées.

M. Jean-Paul Anciaux s'est enquis du sort de l'amendement déposé lors de l'examen du projet de loi relatif aux contrats jeunes en entreprise prévoyant la possibilité de cumuler le soutien de l'Etat afférent à ce contrat avec les autres aides à l'emploi des personnes handicapées, amendement dont le sort avait été renvoyé au présent débat sur le projet de loi de finances.

M. Maurice Giro a insisté sur la nécessité d'aider les ateliers protégés car ils apportent une véritable réponse aux personnes ayant un handicap léger. Ces ateliers peuvent notamment intervenir comme sous-traitants d'autres entreprises, ce qui permet de donner du travail à des personnes handicapées et évite de payer des pénalités financières pour le non-respect des quotas d'emploi.

M. René Couanau a observé qu'il ne serait pas souhaitable de créer une mission d'information sur les CAT en simple réaction à une coupure de presse mais qu'il conviendra de mener une réflexion sur le secteur du travail protégé, son fonctionnement et le bilan des créations de place qui ont été décidées.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

- L'essentiel des interventions s'est inscrit dans la perspective de la rénovation de la loi de 1975 et non pas strictement dans le cadre budgétaire, ce qui prouve l'urgence de cette réforme.

- Il est nécessaire de simplifier le dispositif des COTOREP et des CDES. Au-delà de la fusion des deux sections, il serait souhaitable de généraliser la mise en place de guichets uniques en suivant l'inspiration qui a guidé la création des sites pour la vie autonome expérimentés dans certains départements et qui vont être généralisés.

- Le problème soulevé quant aux différents entre les communes pour la prise en charge scolaire des enfants handicapés peut être résolu par l'application de la règle de la réciprocité entre établissements.

- L'aide aux ateliers protégés a été portée à 1 500 euros par poste, mais il faut aller au-delà en définissant un statut de « l'entreprise adaptée » qui en ferait une véritable voie de passage vers une vie professionnelle active.

- L'amendement prévoyant le cumul des exonérations entre le contrat pour l'emploi des jeunes et les aides aux personnes handicapées a été déclaré irrecevable. C'est une bonne idée qu'il faudra reprendre dans le cadre adéquat.

- Des dérives dans la gestion des CAT ne peuvent être tolérées. La question de la création d'une mission d'information de la commission sur ces structures devra être étudiée mais à la condition que ses contours soient clairement définis.

- La définition de la prise en charge de l'accueil temporaire, prévue par la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale, nécessite des textes réglementaires d'application qui seront pris à la suite des conclusions de la mission constituée sur ce sujet, qui a été confiée à M. Olivin, président du groupe de réflexion et réseau pour l'accueil temporaire.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des personnes handicapées pour 2003.

*

A N N E X E

Établissement A

Structure :

Petit établissement associatif de 29 places, plus une place d'accueil temporaire (stage de rupture pour s'accoutumer à la vie en établissement)

Création :

En 1996 sur la base d'un nouveau projet pédagogique et grâce à des financements privés.

Résidents :

Adultes autistes tous de nationalité française (1/3 d'entre eux étaient auparavant en hôpital psychiatrique).

Encadrement :

Pratiquement de 1 pour 1, la prise en charge étant effectuée en totalité par des éducateurs (y compris le nursing).

Personnel :

24 éducateurs à temps plein ;

3 cuisinières ;

3 personnels d'entretien ;

3 personnels administratifs.

Prix de journée :

155 €  financés par les conseils généraux par conventionnement.

Origine géographique des résidents :

Originaires de toute la France (y compris des DOM-TOM) mêmes si ceux originaires des départements limitrophes ou proches sont les plus nombreux (Nord, Pas-de-Calais, Somme, Eure...) avec ceux provenant de la région parisienne

Établissement B

Structure :

Établissement associatif de grande taille (312 résidents) de type institut-médico-pédagogique.

Création :

Dans les années 60.

Résidents :

Enfants lourdement handicapés ou adultes maintenus dans l'établissement au titre de l'amendement Creton.

Encadrement :

Taux d'encadrement de 60 % (qui additionne éducateur et personnel médico-social).

En pratique, dans « l'appartement » visité 17 enfants étaient encadrés par deux éducateurs (6 pour assurer le roulement de 24 h).

Prix de journée :

100 € financés par l'assurance maladie par conventionnement.

(L'établissement réalise des économies d'échelle importante puisqu'il fonctionne avec deux autres associations, qui au total regroupent 600 personnes, et produit lui-même l'essentiel des biens ou des services qu'il utilise : nourriture, élevage, meunerie, boulangerie, boucherie et charcuterie, mobilier, blanchisserie, imprimerie...)

--____--

 

N° 0257 - 12 - Avis de M. Jean-François Chossy sur le projet de loi de finances pour 2003 - Santé et personnes handicapés : personnes handicapés


- Cliquer ici pour retourner au sommaire général

- Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires



© Assemblée nationale

Lorsque l'ACTP est accordée au taux maximum et pour une rémunération de l'aide à domicile au niveau du SMIC

On trouvera en annexe deux fiches présentant les caractéristiques essentielles de ces établissements.

Ces statistiques portent aussi sur les 680 belges qui résident également dans ces établissements.

Enquête réalisée par le CREIA de Bretagne en 2000/2001

«  Les amis de Karen », Vernou la Celle sur Seine.