N° 257

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2002.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2003 (n° 230)

TOME XIII

SPORTS

PAR M. Edouard LANDRAIN,

Député.

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Voir le numéro : 256 (annexe n° 39).

INTRODUCTION 5

I.- UN BUDGET AU SERVICE D'UNE POLITIQUE AMBITIEUSE 7

A. UNE NOUVELLE PROGRESSION DES MOYENS 7

B. DES PRIORITÉS AFFIRMÉES 9

C. UNE CONTINUITÉ ASSUMÉE 12

II.- L'ORGANISATION DES ACTIVITÉS SPORTIVES EN FRANCE : UN MODÈLE ORIGINAL EN PLEINE MUTATION 15

A. UN MODÈLE ORIGINAL QUI A FAIT SES PREUVES MAIS DOIT DÉSORMAIS ÉVOLUER 15

B. LES PROFONDES TRANSFORMATIONS AFFECTANT L'UNIVERS SPORTIF 18

C. L'EXEMPLE PARADIGMATIQUE DU FOOTBALL 22

D. LA RECHERCHE DE SOLUTIONS À L'ÉCHELON COMMUNAUTAIRE 27

TRAVAUX DE LA COMMISSION 31

INTRODUCTION

Les crédits du ministère des sports inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2003 s'élèvent à 400,62 millions d'euros, traduisant une modeste augmentation de 1,3 % par rapport à 2002, auxquels il convient d'ajouter 218,37 millions d'euros dans le cadre du Fonds national de développement du sport (FNDS), quant à lui en nette progression de 6 %.

C'est donc un montant consolidé de 618,99 millions d'euros qui sera mis à la disposition du ministère des sports pour 2003, certes en progression significative de 2,85 % par rapport au budget précédent mais qui demeure hélas un des plus faiblement doté. A périmètre constant, c'est-à-dire en ne prenant en compte que le secteur « sports », la part dans le budget de l'Etat est stable comme le montre le tableau suivant :

Évolution de la part du budget du ministère des sports
dans le budget de l'Etat depuis 1998

Années

Budget général

Budget Sports

Évolution de la part du budget des sports
dans le budget de l'État

1998

241 886

328

0,136 %

1999

254 675

339

0,133 %

2000

253 806

365

0,144 %

2001

260 900

385

0,147 %

2002

266 066

396

0,147 %

2003

273 500

400

0,146 %

Source : ministère des sports

Il est nécessaire d'indiquer que ces choix budgétaires s'accompagnent d'une exigence de méthode, en l'occurrence une large concertation avec l'ensemble des acteurs du mouvement sportif au travers des Etats généraux du sport, dont le président d'honneur n'est autre que Pierre Mazeaud, qui rendra ses conclusions le 8 décembre 2002 et pourrait déboucher sur un certain nombre de propositions de réforme.

Le rapporteur pour avis se félicite d'une telle démarche qui répond aux v_ux du Président de la République et du Premier ministre de renouer le dialogue et de mener une réflexion sur les enjeux cruciaux que représentent les thèmes retenus par les groupes de travail nationaux :

Après avoir exposé les principales actions que le ministère entend conduire en 2003 ainsi que les points les plus importants de ce projet de budget, le rapporteur pour avis s'attachera à confronter le modèle sportif français avec les systèmes retenus au sein des principaux pays de l'Union européenne afin d'en évaluer la pertinence et de suggérer les évolutions éventuelles.

I.- UN BUDGET AU SERVICE D'UNE POLITIQUE AMBITIEUSE

Le projet de loi de finances pour 2003 traduit la volonté de conforter et développer le sport comme composante à part entière de la vie éducative, culturelle, sociale et économique de notre pays. Le ministère des sports est devenu en mai 2002 ministère de plein exercice, chargé de conduire les politiques en faveur du développement et de la promotion du sport.

Afin de présenter une évolution budgétaire à structures identiques, la base loi de finances initiale (LFI) 2002 a été recalculée par le ministère en la diminuant des transferts « jeunesse », c'est avec cette base recalculée que les comparaisons suivantes sont établies.

Le décret du 7 mai 2002 relatif à l'organisation du gouvernement a opéré le transfert des attributions antérieurement exercées en matière de jeunesse par le ministre de la jeunesse et des sports au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

Les décrets n° 2002-892 et n° 2002-901 du 15 mai 2002, relatifs respectivement aux attributions du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, et à celui du ministre des sports, ont précisé notamment le rattachement des directions et de la délégation qui composaient les services centraux de l'ancien ministère de la jeunesse et des sports.

Ainsi la direction du personnel et de l'administration, la direction des sports, la délégation à l'emploi et aux formations et l'inspection générale de la jeunesse et des sports sont désormais placées sous l'autorité du ministre des sports qui dispose, pour l'exercice de ses attributions et, en tant que de besoin, de la direction de la jeunesse et de l'éducation populaire.

Inversement, la direction de la jeunesse et de l'éducation populaire est désormais placée sous l'autorité du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, qui dispose, pour l'exercice de ses attributions et en tant que de besoin, de la direction du personnel et de l'administration, de la délégation à l'emploi et aux formations et de l'inspection générale de la jeunesse et des sports.

Dans la mesure où les emplois budgétaires inscrits au budget du ministère des sports pour 2002 sont ceux de l'ancien ministère de la jeunesse et des sports, il est prévu le transfert de 778 emplois au budget du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche dans le projet de loi de finances pour 2003. Il s'agit des emplois de conseillers d'éducation populaire et de jeunesse (CEPJ) et des emplois affectés à l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP).

Compte tenu de ce transfert, les effectifs budgétaires du ministère des sports stricto sensu sont au nombre de 5 965 emplois pour 2002 et devraient être ramenés à 5 949 pour 2003, sachant que le solde négatif correspond pour l'essentiel à l'externalisation des fonctions des personnels techniques, ouvriers et de service dans les établissements publics sous tutelle du ministère.

L'effort a été porté sur les personnels directement consacrés au développement du sport avec la création de dix emplois de professeur de sport et de trois contrats de préparation olympique et de haut niveau.

Les crédits de fonctionnement courant atteindront 62,82 millions d'euros en 2003, en augmentation de plus de 7 % par rapport au montant inscrit dans la loi de finances initiale pour 2002.

Le rapporteur pour avis constate cependant que l'essentiel de cette augmentation, 4,2 millions d'euros, provient de la très forte réévaluation du loyer de la tour Olivier de Serres qui fait l'objet en 2003 d'une convention d'occupation précaire en raison du déménagement des services prévus pour le mois de septembre 2003.

Réduites au seul chapitre 43-91, les interventions publiques inscrites au titre IV bénéficient de nombreuses mesures nouvelles et d'une augmentation globale de 1,7 % qui profite essentiellement aux priorités du ministre que sont la lutte contre les incivilités et la violence dans le sport, le soutien à l'emploi associatif et le suivi médical des sportifs.

En investissement, les montants inscrits au PLF 2003 augmentent de manière significative aussi bien en autorisations de programme et en crédits de paiement.

Sur le chapitre 57-01, s'agissant des autorisations de programme (AP), 5,422 millions d'euros ont été inscrits en mesures nouvelles et en crédits de paiement sont inscrits 6,086 millions d'euros dont 4,730 millions d'euros au titre des services votés (AP antérieures) et 1,356 million d'euros au titre des AP mesures nouvelles (soit 25 % des APMN).

Ces mesures, qui sont complétées par des subventions du FNDS, sont destinées aux travaux de rénovation et de restructuration de l'INSEP, toujours remis et aujourd'hui incontournables tient à souligner le rapporteur, des écoles nationales et des différents CREPS.

Sur le chapitre 66-50 qui regroupe les subventions d'équipement aux collectivités, 5,258 millions d'euros ont été inscrits en mesures nouvelles pour ce qui concerne les autorisation de programme et 4,914 millions d'euros en crédits de paiement dont 3,6 millions d'euros au titre des services votés (AP antérieures) et 1,314  million d'euros au titre des AP inscrites en mesures nouvelles (soit 25 % des APMN). Ces crédits s'inscrivent dans le cadre d'une volonté partagée avec les collectivités locales d'un aménagement équilibré du territoire.

L'approche de M. Jean-François Lamour se veut pragmatique et axée sur un retour aux fondamentaux du sport que sont le respect de la règle, la priorité de la formation et son exemplarité à l'égard notamment de la jeunesse.

Il s'agit là à la fois d'une déclinaison d'un des thèmes centraux de la politique gouvernementale mais aussi d'une approche particulière au sport puisque l'engouement souvent passionné qu'il suscite génère des incivilités spécifiques.

Cette action ne peut être menée à bien qu'avec le concours du mouvement sportif dans son ensemble, c'est pourquoi un courrier, co-signé par le ministre des sports, M. Jean-François Lamour, et le président du CNOSF, M. Henri Serandour, a été adressé à toutes les fédérations sportives ainsi qu'aux comités régionaux olympiques et sportifs (CROS) et qu'aux comités départementaux olympiques et sportifs (CDOS).

Par ailleurs, par instruction du 5 juin 2002, un appel à projets a été lancé afin que l'ensemble des services du ministère, en partenariat étroit avec le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), les fédérations, leurs instances sportives déconcentrées et l'ensemble des clubs sportifs, soient mobilisés autour du thème de la lutte contre les incivilités et la violence dans et autour du sport.

Les mesures envisagées par le ministère pour agir à l'encontre des incivilités dans le sport visent à accroître de 26 à 35 le nombre de départements concernés et à développer l'intégration d'avenants sport dans les contrats locaux de sécurité (CLS) qui associent la prévention, l'éducation et la sanction. Une importante mesure nouvelle de 2,36 millions d'euros est inscrite dans le budget à cet effet ainsi que pour soutenir les projets des associations et organismes locaux.

Ces mesures tendant également à mieux prendre en compte le besoin en matière de formations adaptées permettant aux acteurs locaux (arbitres, dirigeants, éducateurs, agents territoriaux) d'être plus sécurisés et mieux informés et armés pour faire face aux difficultés. Les actions suivantes ont ainsi été entreprises :

- une formation complémentaire destinée aux arbitres portant sur les problématiques liées à la sécurité et à la gestion des situations de crise et de conflit ;

- une sensibilisation des sportifs de haut niveau accueillis dans les pôles France et Espoir aux problématiques de l'arbitrage ;

- l'intégration d'un certain nombre de jeunes arbitres de haut niveau dans les pôles des filières d'accès au sport de haut niveau ;

- la mise en place et la généralisation au plan régional de formations à destination des arbitres et des différents acteurs locaux.

Le non-renouvellement progressif des contrats emplois-jeunes pose un véritable problème au secteur sportif qui recouvre 20 000 de ces emplois. Le rapporteur pour avis souligne néanmoins que partout où la création de ces emplois s'est opérée de manière raisonnable, il a été possible d'en intégrer les titulaires au sein du personnel des collectivités territoriales.

Mais il convient de saluer l'attention particulière portée par le ministère à la formation, la professionnalisation et au soutien à l'emploi associatif dans le secteur sportif.

En témoigne la relance du plan « sport emploi » initié en 1996 et quelque peu oublié ensuite au profit du dispositif des emplois jeunes, alors même que ce dispositif n'impose pas de limite d'âge et a ainsi permis de recruter pour l'essentiel des personnes de plus de 26 ans, titulaires d'une réelle compétence professionnelle. Il est prévu à son profit une mesure nouvelle de 750 000 euros représentant l'équivalent d'au moins 75 créations nettes.

En outre une mesure nouvelle d'un montant égal est prévu pour le financement de 100 postes « FONJEP-sport  » (Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire) destinés à soutenir l'action des bénévoles en leur facilitant les relations avec les administrations. Dans un premier temps l'objectif est de créer au moins un poste par département mais cette mesure pourra être développée après avoir fait l'objet d'une évaluation.

Enfin la formation des animateurs est elle aussi privilégiée, notamment la formation initiale conduisant aux qualifications jeunesse et sport (+ 0,5 million d'euros) et la validation des acquis de l'expérience (+ 0,4 million d'euros).

L'excellence du sport français de haut niveau est un fait, qu'illustrent notamment les résultats obtenus dans les différents sports collectifs ainsi qu'aux championnats d'Europe d'athlétisme, mais cette qualité demande sans cesse d'être renouvelée.

C'est la raison pour laquelle le sport de haut niveau bénéficie lui aussi d'importantes mesures nouvelles (+ 1,5 million d'euros) en faveur de la préparation des équipes de France aux Jeux olympiques et paralympiques de 2004 et afin d'organiser les différentes compétitions internationales, parmi lesquelles le championnat du monde d'athlétisme.

A cet égard le ministère des sports contribue à hauteur de 22,1 millions d'euros sur trois ans, dont 7,6 millions d'euros au titre de 2003, au budget du groupement d'intérêt public (GIP) chargé de l'organisation de ces championnats qui constituent le troisième évènement sportif mondial après les Jeux olympiques et la coupe du monde de football : 2 000 athlètes de 210 pays sont attendus ainsi que 500 000 spectateurs et 3. 500 journalistes.

Le sport de haut niveau bénéficiera également de deux mesures nouvelles d'intervention, tout d'abord en faveur de l'amélioration des conditions d'accueil au sein des établissements du ministère qui hébergent des filières d'accès (+ 0,2 million d'euros), ensuite pour développer le soutien à l'insertion professionnelle des sportifs en fin de carrière.

Les axes principaux du travail effectué pour les équipements sportifs au cours des quatre exercices précédents, notamment en ce qui concerne leur mise en sécurité et leur accessibilité aux personnes handicapées, seront renforcés par la mise en _uvre des options stratégiques du schéma de services collectifs du sport et la poursuite des objectifs qu'il énonce. Il est également à souligner que certaines de ces orientations de travail rejoignent les préconisations du rapport de notre collègue M. Laurent Cathala sur les établissements du second degré, elles mêmes fondées sur les travaux menés par l'association AIRES et le centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (CERTU) sur le réhabilitation des équipements sportifs.

- à élaborer, dans le cadre du schéma de services collectifs du sport et après consultation des fédérations sportives et des collectivités territoriales, un schéma directeur des équipements sportifs d'intérêt national, conformément aux dispositions de l'article 39 de la loi du 16 juillet 1984 susvisée ;

- à procéder, auprès des fédérations sportives, au recensement des équipements sportifs d'intérêt national conformément aux dispositions de l'article 39 de la loi du 16 juillet 1984 susvisée ;

La rénovation de ce dialogue, tout particulièrement avec les collectivités territoriales, sera prolongée par la mise en _uvre des dispositions du décret n° 2001-252 du 22 mars  2001 et de l'arrêté ministériel du 24 octobre  2001 (relatif aux normes des équipements sportifs pris en application de l'article 33 de la loi du 16 juillet 1984) afin d'instaurer une véritable concertation entre les collectivités territoriales et les fédérations sur la modification des normes édictées par ces fédérations pour les équipements sportifs que requièrent les compétitions qu'elles organisent et sur les conséquences financières que ces modifications emportent pour les collectivités propriétaires desdits équipements.

Le rapporteur pour avis souligne également l'action volontariste du ministère en matière de sécurité des pratiques de loisir comme en témoigne la campagne d'information et de prévention des accidents en montagne l'été.

Parmi les actions prioritaires du ministère de la jeunesse et des sports durant la précédente législature - dont certaines, comme le dialogue avec la jeunesse, ne relèvent plus de la compétence du nouveau ministère - le renforcement de la cohésion sociale et l'amélioration de la santé des sportifs continuent d'être privilégiés.

En 2003, le renforcement de la cohésion sociale s'appuiera en grande partie sur le dispositif du « coupon sport » mis en place en 1998 pour répondre aux principes énoncés à l'article 74 de la loi relative à la lutte contre les exclusions visant à créer un véritable droit d'accès à la pratique sportive. Des coupons d'une valeur faciale de 16 euros pour 2002 sont édités par l'Agence nationale pour le chèque-vacances (ANCV), qui en est l'opérateur, et distribués aux jeunes âgés de dix à dix-huit ans, à raison de trois maximum par personne, par les directions départementales de la jeunesse et des sports en liaison avec les caisses d'allocations familiales.

Ce dispositif qui a prouvé sa raison d'être sur le terrain devrait permettre d'aider 275 000 jeunes à adhérer aux associations sportives et fera l'objet d'une vaste opération d'évaluation afin d'optimiser et de perfectionner ce mécanisme d'accès des plus défavorisés à la pratique sportive.

L'éducation à la citoyenneté est encouragée par le soutien de plus de 2 000 projets sportifs à objectif social, culturel ou éducatif.

L'amélioration de la santé des sportifs et la lutte contre le dopage constituent un axe fondamental de la politique menée par le ministère dans le prolongement du très bon travail mené par Mme Marie-George Buffet durant la période 1997-2002.

L'expérience de ces deux dernières années, en ce qui concerne les volets médicaux des conventions d'objectifs, a montré les difficultés qu'éprouvent de nombreuses fédérations pour se structurer afin d'atteindre les objectifs réglementaires de surveillance médicale des sportifs de haut niveau. Mais certaines fédérations (fédération française de cyclisme notamment) ont été particulièrement loin dans cette organisation.

Pour autant, il semble que le suivi médical des sportifs de haut niveau souffre d'un contenu peut être trop lourd pour constituer un « tronc commun » à toutes les disciplines et génère des dépenses publiques qui posent clairement la question du rapport coût/bénéfice en termes sanitaires.

Les mesures nouvelles inscrites au projet de loi de finances pour 2003 concernent le développement du suivi médical des sportifs (0,4 million d'euros), la promotion de la santé par le sport et une étude épidémiologique sur les sportifs de haut niveau (0,1 million d'euros).

Le soutien au laboratoire national de dépistage du dopage (LNDD), devenu établissement public administratif depuis le 1er janvier 2002, est une des priorités du ministère. Après une période délicate en raison de l'injonction du Comité international olympique de faire accréditer tous les laboratoires au 1er mai 2001 selon la norme EN45001, qui a eu pour conséquence la constitution d'un stock d'échantillons non traités, le laboratoire a retrouvé à partir du 1er mars 2002 une capacité d'analyses de 800 échantillons par mois et fait maintenant l'objet d'une régulation mensuelle plus stricte.

L'activité relative à la recherche a porté essentiellement sur la transmission de la technique du test EPO urinaire aux laboratoires antidopage de Lausanne, de Barcelone, d'Oslo et plus récemment aux laboratoires de Pékin, de Los Angeles et de Kreisha. Pour 2002, les candidatures spontanées des laboratoires antidopage de Moscou, Madrid et Athènes ont été enregistrées. Parallèlement la validation technique intra et inter laboratoires du test EPO a été initiée et financée par le CIO (plus de 22.800 euros).

Le laboratoire a également engagé des travaux relatifs au développement d'une méthode générale de détection des hémoglobines modifiées en collaboration avec les facultés de pharmacie de Montpellier et l'université de Paris VI (Jussieu).

Pour l'année 2003, outre les manifestations sportives habituelles, l'organisation à Paris des championnats du monde d'athlétisme va engendrer un surcoût d'activité pour le LNDD.

En ce qui concerne le personnel, 38 emplois permanents ont été créé en 2002 Deux emplois nouveaux sont prévus au projet de loi de finances 2003, ainsi qu'une mesure nouvelle de 92 808 euros pour tenir compte de la situation des personnels.

Quant aux développements à venir de la lutte contre le dopage, M. Jean-François Lamour s'est déclaré ouvert quant à la possibilité pour le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage de déclencher lui-même les contrôles qu'il souhaite voir opérer et a appelé de ses v_ux le développement opérationnel de l'Agence mondiale antidopage.

Ce premier budget du nouveau ministère dédié au sport est assurément, en raison de son calendrier même, un budget de transition qui mêle priorités nouvelles et continuités des actions entreprises sous la précédente législature dans des domaines essentiels à la pérennité de l'idéal sportif. Le même constat s'impose dans l'action du ministère qui doit notamment élaborer les derniers décrets d'application de la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000 comme en témoigne la délicate confection du décret n° 2002-1269 du 18 octobre 2002 pris en application de l'article 37 de la loi précitée relatif au diplôme nécessaire pour enseigner, animer, entraîner ou encadrer contre rémunération une activité physique ou sportive.

Mais au-delà de sa traduction budgétaire, qui ne représente qu'une partie réduite des dépenses liées au sport tant sont importantes les contributions respectives des particuliers et surtout des collectivités locales en ce domaine, l'action du ministère se traduit par un vaste travail de réflexion sur le modèle français d'encadrement du sport au sein des Etats généraux afin de mieux coller au nouveau paysage sportif qui s'est dessiné au cours des deux dernières décennies.

II.- L'ORGANISATION DES ACTIVITÉS SPORTIVES EN FRANCE :
UN MODÈLE ORIGINAL EN PLEINE MUTATION

Initiés par le Président de la République et annoncés par le Premier ministre dans son discours de politique générale, les Etats généraux du sport doivent créer les conditions d'un vrai dialogue entre le mouvement sportif, les collectivités locales, les acteurs économiques et l'Etat. Ainsi que l'a énoncé son Président d'honneur, M.  Pierre Mazeaud, « il s'agit d'imaginer et de cerner les évolutions du sport français qui nous permettront de relever ensemble les défis auxquels il est confronté ».

Cette initiative témoigne de ce que le modèle français, que chacun loue en sa qualité de composante du génie national, est entré dans une zone de turbulence. Sa spécificité au sein de l'Union européenne et la prégnance des intérêts économiques conduisent à s'interroger sur les voies et moyens nécessaires à son assouplissement.

Il existe à l'évidence une spécificité française dans l'organisation du sport qui tient au rôle important voire prépondérant qu'y tient l'Etat à la différence des autres pays européens.

Historiquement, le mouvement sportif s'est structuré en France à la fin du XIXe siècle avec la création de groupements tels que l'Union des sociétés de gymnastiques en 1873 ou l'Union vélocipédique de France en 1881. Le gouvernement du Front populaire est le premier à prendre en considération le sport comme donnée politique et sociale, avant que le gouvernement de Vichy n'instaure la Charte du sport par un acte du 26 mai 1941 . La Libération voit se structurer une administration d'Etat de la jeunesse et des sports sans que toutefois un ministère ne soit placé à sa tête, la direction qui regroupe l'ensemble de ces activités étant en effet rattachée au ministère de l'éducation nationale.

Il faut attendre 1956 pour que naisse un ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et 1958 pour que le Général de Gaulle érige cette direction en haut-commissariat à la jeunesse et aux sports dont le titulaire, l'alpiniste Maurice Herzog, deviendra ensuite secrétaire d'Etat à partie de 1963. Les années soixante et soixante-dix portent d'ailleurs l'empreinte indélébile du général de Gaulle selon lequel la France doit tenir son rang, y compris dans le domaine sportif. L'échec cuisant de la délégation française aux jeux olympiques de Rome en 1960 marque à cet égard le départ d'un véritable engagement national pour l'organisation et le développement du sport, afin que la France tienne sa place dans le concert sportif international. Depuis lors et sous des formes diverses, ministre de plein exercice, secrétaire d'Etat, ministre ou secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre ou d'un ministre, l'administration de la jeunesse et des sports n'a cessé sous la Vème République d'être dirigé par un membre du gouvernement.

Le rattachement du sport à la sphère d'activité de l'Etat s'est opéré au travers de l'organisation des rapports entre ce dernier et les groupements associatifs qui se sont créés au fur et à mesure du développement des différentes activités sportives.

Il a été ainsi décidé de déléguer aux fédérations sportives les prérogatives essentielles, notamment la capacité d'organiser des compétitions, sous réserve de disposer de l'agrément du ministère. Pour organiser cette relation en cohérence avec ses objectifs, l'Etat demande des garanties précises aux fédérations, en particulier la protection et la sécurité de ses membres, en contrepartie de subventions de fonctionnement pérennes.

Les fédérations agréées par le ministère sont investies par délégation d'une mission de service public et assurent à ce titre l'application de la loi. Pour asseoir leur autorité, les fédérations délégataires disposent du monopole sur le contrôle et l'organisation des compétitions ce qui favorise une certaine stabilité de la famille du sport français. Divers mécanismes de contrôle de la bonne gestion des délégations consenties sont prévus, avec des sanctions à la clé si la fédération ne remplit pas correctement son cahier des charges, lesquelles peuvent aller jusqu'à la suspension de la délégation de pouvoirs et l'interruption du versement de la subvention.

Les fédérations sont rassemblées au sein du CNOSF (Comité national olympique et sportif français), organe né en 1972 de la fusion du Comité national des sports rassemblant les fédérations sportives et du Comité olympique. Cette instance a pour objet de propager les principes fondamentaux de l'olympisme définis par Pierre de Coubertin et, plus généralement, d'assurer le respect de la charte olympique du CIO. Le CNOSF constitue et dirige la délégation d'athlètes participant au Jeux olympiques, il participe au règlement des conflits au sein du mouvement sportif par voie de conciliation et d'arbitrage, il représente la France auprès du CIO et le mouvement sportif auprès de pouvoirs publics.

Au total le modèle français se caractérise par la prééminence et l'interventionnisme de l'Etat, lequel subventionne, contrôle, participe à l'encadrement au sein des fédérations par le biais de détachement de ses agents. Cette configuration se situe à mi-chemin entre le modèle purement étatique qui prévalait au sein des pays de l'ancien bloc communiste et le modèle anglo-saxon d'obédience libéral. Il est à coup sur en décalage avec l'organisation du sport retenue chez nos principaux voisins.

L'existence d'un ministère des sports est une singularité en Europe ou l'administration du sport ressortit généralement de la compétence des collectivités locales, des états fédérés ou du mouvement sportif lui-meme.

En Allemagne, le sport ne relève que très marginalement de l'Etat fédéral et ce sont les Länder qui sont responsables du développement du sport pour autant qu'il s'agisse de domaines dans lesquels les organisations sportives ont besoin d'être aidées. L'activité de ces organisations se développe en dehors de toute intervention législative spécifique, ce qui leur permet de déterminer les programmes et les actions qu'elles souhaitent réaliser, à l'abri de tout contrôle étatique. Cependant même si traditionnellement toute intervention étatique dans la sphère sportive apparaît superflue, un certains nombre de politiques publiques sont mises en _uvre pour promouvoir à la fois le « sport pour tous », mais aussi les talents individuels et le sport d'élite

Sans doute en raison de la faiblesse historique de l'Etat en Italie, l'organisation du sport repose presque intégralement sur le Comité olympique national italien, le CONI, qui tout en étant un organisme de droit public exerce les fonctions de comité national olympique et de fédération des fédérations sportives. Le financement du CONI résulte de subventions publiques et il est placé sous la surveillance du ministère des biens et des activités culturelles, mais son autonomie est néanmoins très affirmée puisque le gouvernement n'est titulaire d'aucune compétence générale en matière de sport et qu'en l'absence de législation les fonctions de direction et de réglementation ne relèvent que de lui.

Ses fonctions, extrêmement larges puisqu'elles intègrent aussi bien la promotion et la garantie de la mission sociale du sport, trouvent leur limite dans les compétences des régions et des collectivités locales.

La tradition libérale a pendant très longtemps tenu le Gouvernement à l'écart des activités sportives et le fait que la majorité des fédérations sportives ait décidé de participer aux Jeux olympiques de Moscou en 1980, en dépit des fermes interventions télévisées contraires de Margaret Thatcher, témoigne de la longue tradition d'indépendance des fédérations sportives britanniques à l'égard de l'Etat.

Au niveau du gouvernement, le sport relève de la compétence du Department of culture, Media and Sports (DCMS) mais les organismes les plus importants échappent peu ou prou à son influence. Il en va ainsi de l'Advisory Sports Council, intermédiaire entre le gouvernement et le monde du sport qui décide de l'attribution des subventions accordées par le gouvernement et qui a été restructuré en 1994 afin de se concentrer sur l'élite sportive, du UK sport qui a pour but de développer et d'aider à la production d'un flux constant d'athlètes de haut niveau ainsi que de promouvoir des standards éthiques et un programme antidopage et enfin du British Olympic Association (BOA), organisation indépendante et autofinancée qui trouve principalement ses ressources dans le sponsoring et qui a pour tâche d'aider à la préparation, la planification et la sélection de la délégation britannique aux Jeux olympiques.

Nombreux sont les observateurs avertis du monde sportif à souhaiter une évolution, un toilettage ou des assouplissements du modèle actuel qui a par ailleurs permis au sport français d'obtenir d'excellents résultats, notamment dans les sports collectifs. Sans dresser le catalogue des réformes nécessaires, le rapporteur pour avis se place également dans cette optique qui consiste à préserver les intérêts de santé public, de cohésion sociale et de solidarité qui font partie intégrante de l'organisation du sport en France, tout en affirmant la nécessité de mieux prendre en compte les évolutions importantes qui se sont fait jour telles l'explosion du sport de masse et la professionnalisation des disciplines les plus économiquement intégrées.

Il est clair tout d'abord que le sport français souffre globalement d'un excès de réglementation nationale et en ce qui concerne le sport professionnel d'une trop forte rigidité qui obère le développement des relations avec le monde économique. Ainsi que nous le verrons avec l'exemple du football, les initiatives sont trop souvent bridées par un cadre juridique qui n'évolue pas aussi rapidement que la réalité économique.

La notion même de service public du sport qui est une des bases de la loi de 1984 recouvre aujourd'hui des réalités très diverses du fait de l'extension de la sphère du sport qui s'est dilatée au point de tendre à l'hégémonie à l'égard de la société civile, ce qui conduit à s'interroger sur la présence du sport loisir en son sein.

Les fédérations, à qui sont déléguées une mission de service public, doivent voir leurs compétences mieux définies et plus précisément financées dans un cadre pluriannuel qui en garantisse la pérennité et elles doivent obtenir, pour leur gestion administrative, des moyens humains qui permettent une professionnalisation des tâches jusqu'ici souvent dévolues de manière un peu hypocrite à des bénévoles. Plus généralement le recours quasiment exclusif au statut de l'association ne permet pas un contrôle efficace des instances dirigeantes des lors qu'un club acquiert une certaine importance.

Le statut du sportif de haut niveau apparaît lui aussi peu satisfaisant en raison de la quasi-absence de dispositif fiscal et social spécifique qui aboutit à un taux de prélèvement excessif.

Le sport a sans doute plus évolué en France au cours des vingt dernières années qu'au cours du siècle précédent. C'est en effet toute l'économie du système qui s'est trouvée modifiée avec des facteurs aussi divers que la décentralisation, la diversité des pratiques sportives et l'explosion du sport loisir, le développement du marchandising et du sponsoring, la place inquiétante prise par le dopage, mais surtout par l'arrivée massive des médias et de la manne financière qui leur est associée et par l'avènement de l'Union européenne en tant qu'acteur majeur dans ce domaine.

Pendant longtemps le champ sportif s'est limité à la relation entre l'Etat et le mouvement sportif, l'arrivée d'un nouvel acteur date en effet du début des années 80, lorsque les médias - Canal + en particulier - ont pris conscience de l'intérêt que représente le sport en tant que spectacle à proposer aux téléspectateurs et en tant qu'élément de fidélisation. Sur le plan international, la révolution est d'autant plus forte qu'elle est menée par de grands groupes financiers, Fininvest et Berlusconi, de puissants médias, Rupert Murdoch ou Léo Kirch, avec l'appui de sponsors à vocation internationale tels Coca cola ou Mc Donald's.

C'est bien entendu le sport le plus populaire, à savoir le football, qui est l'objet de l'intérêt le plus marqué des investisseurs, lesquels souhaitent le transformer en un spectacle rentable. L'idée consiste à soutenir l'organisation d'évènements ou le montage d'équipes susceptibles d'attirer spectateurs, téléspectateurs et sponsors.

Aujourd'hui, les médias (chaînes de télévision bien sûr mais aussi, sans doute bientôt, Internet) sont devenus le premier partenaire du mouvement sportif. Les relations entre ces acteurs se sont développées très vite et en toute autonomie vis-à-vis des pouvoirs publics pour aboutir à la situation actuelle ou aucune discipline sportive ne peut espérer se développer en l'absence d'un étroit partenariat avec une ou plusieurs chaînes de télévision. Les organisateurs recherchent donc une bonne exposition télévisuelle qui génère la notoriété, attire les sponsors, stimule la vente de produits dérivés et bien entendu rapporte d'importants droits de retransmission. Une des conséquences essentielles de cette évolution est le creusement de l'écart entre les disciplines fortement médiatisées, par essence très minoritaires, et les sports plus confidentiels.

Ce marché suscite de nouvelles stratégies d'intégration verticale comme la prise de contrôle de clubs par certains médias, dans le but de maîtriser des acteurs majeurs des compétitions mais aussi de pouvoir être partie prenante des évolutions en cours au sein de la discipline concernée. Ainsi, après l'échec de Lagardère au Racing, c'est Canal + qui a repris le flambeau du football à Paris avec le Paris Saint-Germain, imité ensuite par Pathé à Lyon, M6 à Bordeaux, alors que François Pinault, par ailleurs actionnaire de TF1, est devenu propriétaire du Stade Rennais et le groupe Hersant gestionnaire du FC Nantes.

Il est patent que cette évolution est porteuse d'éléments positifs comme la professionnalisation de la gestion des clubs et la clarification des rapports avec les collectivités locales, mais elle est aussi inachevée puisque la logique économique voudrait que les investisseurs, via les clubs, soient propriétaires des droits de retransmission des images et potentiellement déstabilisatrice pour l'ensemble du secteur.

En ce qui concerne les droits d'exploitation des manifestations et compétitions sportives, l'article 18-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 les réservent aux fédérations qui peuvent les déléguer à leur ligue comme c'est notamment le cas pour le football. Une des revendications les plus fréquemment mise en avant par les clubs les plus avancés dans l'intégration avec les médias, est d'obtenir le droit de négocier directement leurs droits de retransmission afin de mieux valoriser leurs actifs et accessoirement d'échapper à la taxe de 5 % sur ces droits instaurée à l'initiative de Mme Marie-George Buffet lorsqu'elle était ministre des sports. Au-delà de son montant, environ 23 millions d'euros, qui peut paraître dérisoire en regard des enjeux que sont la rénovation des équipements sportifs et le financement des contrats éducatifs locaux, c'est la démarche même que regrette le rapporteur pour avis pour qui cette volonté d'imposer par en haut ce qui pourrait reposer sur un accord entre les différentes parties est symptomatique d'un mode d'intervention dépassé. M. Jean-François Lamour s'est pour sa part longtemps prononcé pour le maintien de la négociation centralisée des droits télévisuels et des mécanismes de redistribution relativement égalitaire entre les différents clubs. Il s'agit là d'un enjeu majeur qui ne pourra en tout état de cause être abordé indépendamment de l'économie d'ensemble du sport.

Les années 90 ont été celles de l'inflation forcenée des droits de retransmission des événements des disciplines phares, mais les exemples d'éclatement de la « bulle spéculative » se sont multipliés avec, par exemple, les faillites de Kirchmédia et d'ITV Digital. Il apparaît qu'après des années de croissance ininterrompue, les droits de retransmission sont appelés à baisser, du moins pour certaines disciplines. C'est ainsi que la fédération internationale d'athlétisme a accepté une diminution des tarifs de retransmission de la Golden League, alors que les responsables de la FIFA ne veulent quant à eux pas en entendre parler.

Il est par ailleurs intéressant de noter que l'exemption aux règles de la concurrence relatives aux dispositions statutaires et aux règles de l'Union européenne de radiodiffusion (UER), qui détient notamment les droits de retransmission exclusifs pour l'Europe des Jeux olympiques jusqu'en 2008, a été remise en cause par une récente décision du Tribunal de première instance de l'Union européenne, ce qui témoigne des incertitudes liées aux enjeux financiers en cause.

Au-delà du l'écart toujours plus important entre le sport spectacle et les disciplines amateures, la logique des investisseurs qui est de se protéger contre les aléas du sort qui transforment une défaite sportive en catastrophe économique, est potentiellement déstabilisatrice. Il est clair en effet que depuis que les ressources les plus importantes viennent des médias, l'exposition d'un club à la télévision est la condition nécessaire à sa bonne santé économique et, corrélativement, la défaite qui abouti à l'absence de qualification pour une compétition européenne ou l'élimination précoce sont des manques à gagner qui empêcheront l'achat de nouveaux joueurs, quand elles ne mettent pas en cause l'avenir même du club. Pour prendre l'exemple le plus évident, le football (mais le basket est lui aussi symptomatique de cette dérive) la lutte contre l'incertitude sportive (la glorieuse incertitude du sport) a conduit à la création d'un club des grands d'Europe, le G 14(), qui aujourd'hui comprend d'ailleurs 18 membres, et qui défend le droit des grands clubs à un traitement particulier, voire à celui d'organiser des compétitions qui réuniraient des clubs invités pour plusieurs années au titre de leur contribution au patrimoine du football, leur garantissant le maintien au sein d'une élite du football qui ne connaîtrait pas les affres de la qualification, les risques de la rétrogradation ou de l'élimination prématurée.

L'argument avancé par ces grands clubs est qu'ils ne sont pas suffisamment rétribués et qu'ils courent trop de risques au regard de leur réputation, des moyens financiers qu'ils investissent dans le football et des recettes télévisées qu'ils génèrent. De là découle la tentation de créer de nouvelles compétitions et de faire passer au second plan les épreuves qui définissent le temps et l'espace du football, les coupes et championnats nationaux par exemple, mais aussi certains matches des équipes nationales qui peuvent occasionner fatigue et blessures pour les joueurs.

On voit la rupture avec l'histoire du sport que cette démarche porte en elle, puisque c'est le principe de la justice sportive s'imposant à tous qui est menacé et que se profile la tentation pour les plus grands de préserver la situation acquise en ne concourant qu'avec leurs pairs. C'est la conséquence ultime de l'idée selon laquelle le football est un spectacle, une activité économique comme une autre, et qu'il convient donc de le traiter comme tel, par exemple en multipliant les têtes d'affiches et autres stars. Mais, outre qu'elle fait peu de cas de l'attachement aux épreuves traditionnelles qui ont leur histoire propre et souvent même leurs légendes se rattachant à l'imaginaire populaire, cette démarche est justiciable du « paradoxe de Sloane » selon lequel il ne faut pas que la domination d'un compétiteur soit écrasante ni que l'incertitude liée au système de promotion/rétrogradation disparaisse, car dans ces hypothèses, les qualités du spectacle sportif se perdent.

Même si les traités constitutifs de l'Union Européenne ne font aucunement mention du sport, le mouvement sportif redoutait que l'affirmation du rôle prépondérant de l'Union ne conduise celle-ci à ignorer la spécificité du sport et à imposer une déréglementation totale en matière de circulation des joueurs en se fondant sur le principe de libre circulation des travailleurs. Le fameux arrêt Bosman rendu le 15 décembre 1995 par la Cour de justice des communautés européennes est à l'origine d'une véritable révolution qui a considérablement modifié le paysage sportif.

Joueur professionnel de nationalité belge et de notoriété médiocre évoluant au sein du club de Liège, Jean-Marc Bosman, lors du renouvellement de son contrat arrivé à expiration en 1990, avait vu son salaire ramené de 20 000 à 5 000 francs par mois sans disposer de la faculté d'être recruté par un autre club sauf obligation pour celui-ci de verser au RC Liège une indemnité de transfert fixée à 2,2 millions de francs. Cette somme qui était objectivement très supérieure à la valeur réelle du joueur, avait été déterminée par le club en conformité avec les règles de l'UEFA et conduisait en pratique à obliger M. Bosman à rester dans son club actuel avec un salaire divisé par quatre alors qu'il avait la possibilité d'être recruté par un club d'un autre Etat membre.

C'est cette circonstance qui a conduit la Cour à examiner si la situation recelait une entrave à la libre circulation des travailleurs, interdite par l'article 48 du traité et à y répondre positivement.

Il est très important de relever qu'à cette occasion la Cour a repoussé les arguments de l'UEFA, mais aussi des gouvernements français et italien, lesquels soutenaient que les règles relatives aux transferts se justifient par le souci de maintenir l'équilibre financier et sportif entre clubs et celui de soutenir la recherche de talents et la formation des jeunes joueurs. Après avoir en effet admis la légitimité de ces objectifs, la Cour a indiqué :

- que l'application des règles relatives aux transferts ne constitue pas le moyen adéquat pour assurer le maintien de l'équilibre financier et sportif dans le monde du football, ces règles n'empêchant pas les clubs les plus riches de s'assurer les services des meilleurs joueurs.

- qu'en raison de l'impossibilité de prévoir avec certitude l'avenir sportif des jeunes joueurs, ces indemnités se caractérisent par leur caractère aléatoire et sont, en tout état de cause, indépendantes des frais réels supportés par les clubs pour former tant les futurs joueurs professionnels que ceux qui ne le deviendront pas.

Quant à la dimension internationale des transferts, les défendeurs avançaient les arguments tenant à la nécessité de préserver le lien traditionnel entre chaque club et son pays et pour maintenir l'équilibre sportif entre les clubs, en empêchant les plus riches d'entre eux de s'attacher les services des meilleurs joueurs. Là encore la Cour a balayé ces arguments pourtant plein de bon sens : d'une part, elle a estimé que le lien entre le club et son pays n'est pas inhérent à l'activité sportive et en mettant en parallèle les liens qui uniraient les clubs à leur région, à leur ville, voire à leur quartier et qui ne sont pourtant pas réglementés, l'olympique de Marseille pouvant aligner autant de bretons, d'auvergnats et d'alsaciens qu'il le souhaite....et, d'autre part, elle a récusé toute efficacité à la clause de nationalité pour maintenir l'équilibre entre les clubs dès lors qu'aucune règle ne limite la possibilité pour ces clubs de recruter les meilleurs joueurs nationaux, laquelle compromettrait tout autant cet équilibre.

Très critiquable et très critiqué cet arrêt fait preuve d'un aveuglement à l'égard de la réalité qui a fait dire à Jacques Delors que « l'arrêt Bosman a méconnu le rôle éducatif, culturel, moral du sport, et notamment du football ».

La conséquence la plus visible de cet arrêt est la multiplication des équipes multinationales dans lesquelles ne sont souvent alignés qu'un ou deux joueurs de la nationalité du club. Cela est particulièrement frappant pour les équipes britanniques qui maintenaient jusqu'alors une politique isolationniste en la matière et qui ont parfaitement assimilé l'intérêt pour elles d'intégrer des joueurs continentaux ou sud américains pour rompre quelque peu avec le parfois lassant « kick and rush ».

Mais outre cet aspect folklorique, l'arrêt Bosman a eu pour conséquence d'exacerber les différences économiques entre les clubs et les pays. Il est en effet évident que la possibilité de faire son marché, sans limitation de nombre, à l'échelle de la planète a favorisé les clubs riches et habitués à vivre au dessus de leurs moyens en accumulant les déficits sans être soumis à un quelconque contrôle.

Une autre conséquence particulièrement dommageable pour le sport français a consisté en l'exil toujours plus précoce des meilleurs jeunes issus des centres de formation qui passent, à juste titre, pour être parmi les meilleurs au monde.

Il apparaît heureusement, ainsi que nous le verrons plus en détail dans la dernière partie, que le maximalisme de l'arrêt Bosman n'est désormais plus de mise et que l'Union européenne travaille désormais à préserver les spécificités qui font du sport autre chose qu'une activité économique pure et simple.

Le football professionnel est à coup sûr le sport qui a connu les plus profonds bouleversements au cours de ces quinze dernières années : le budget cumulé des clubs de division 1, qui était de 300 millions d'euros en 1991, s'élevait à plus de 900 millions d'euros en 2001. Ce triplement de la masse financière résulte de l'augmentation conséquente des droits de retransmission qui a eu pour conséquence de transformer profondément le modèle économique des clubs professionnels lequel reposaient jusqu'alors sur les recettes de billetteries, de sponsoring et les subventions des collectivités locales.

Mais au-delà du risque pour les clubs d'être désormais « média-dépendants », se pose la question de la compétitivité des meilleurs clubs de l'hexagone en regard de leurs homologues européens.

Au début des années 90, avec les belles performances de clubs comme l'Olympique de Marseille, le Paris SG ou encore l'AS Monaco, le football français a occupé durant trois années consécutives la deuxième place aux coefficients de l'UEFA, derrière l'Italie. A l'heure actuelle notre pays ne se classe plus qu'au cinquième rang européen derrière l'Espagne, l'Angleterre, l'Italie et l'Allemagne et, tout aussi significatif, aucun club français n'a atteint le stade des quarts de finale de la plus prestigieuse compétition européenne, la Ligue des Champions depuis quatre ans.

Une récente étude comparative commandée par la Ligue nationale de football au cabinet Deloitte et Touche tend à démontrer un nombre important de distorsions de concurrence d'un pays à l'autre sur les plans économique, juridique et fiscal qui s'exercent souvent au détriment des clubs français.

Il est patent que le fossé se creuse entre les clubs français et les grands clubs européens sur le plan économique, entraînant par là même l'exil des meilleurs joueurs français.

Le cabinet Deloitte & Touche établit chaque année le classement des vingt clubs de football les plus riches du monde en fonction de leurs chiffres d'affaires et juge ainsi la richesse d'un club à partir de sa capacité à générer du chiffre d'affaires indépendamment de la répartition de ses dépenses. Le classement s'appuie sur les informations financières concernant la saison terminée en l'an 2000.

Les clubs anglais et italiens de première division dominent largement le classement, chaque pays plaçant sept de ses clubs dans la liste. Les six autres clubs sont deux clubs allemands, deux clubs espagnols, un club écossais et l'Olympique de Marseille pour la France. Avec huit clubs figurant dans la liste, le Royaume-Uni se taille la part du lion et confirme la popularité et la solidité financière du football britannique. La Fiorentina et l'Olympique de Marseille font leurs premiers pas dans le classement en occupant respectivement les quatorzième et seizième places.

Selon cette étude, la croissance du football a été très forte puisque si ces clubs représentaient, il y a trois ans, un chiffre d'affaires combiné de 8,6 milliards de francs (1,3 Mds d'euros) ce chiffre s'est accru de 69 % depuis. Mais les clubs de l'Hexagone restent très en retrait par rapport aux grandes nations européennes. A titre d'exemple, le chiffre d'affaires 1999/2000 de la D1 française représentait, hors transferts, 4 milliards de francs (0,61 Mds d'euros) contre 8 milliards de francs (1,3 Mds d'euros) pour le championnat anglais et 6,9 milliards de francs (1,05 Mds d'euros) pour l'Italie.

Quatrième classement des clubs de football les plus riches du monde établi par le cabinet Deloitte & Touche pour la saison 1999-2000

1- Manchester United : CA : 1 234 MF / 188 MEuros

2- Real Madrid : CA : 1 094 MF / 166,7 MEuros

3- Bayern Munich : CA : 966,5 MF / 147,3 MEuros

4- AC Milan : CA : 946,5 MF / 144,2 MEuros

5- Juventus : CA : 932,8 MF / 142,1 MEuros

6- SS Lazio : CA : 837,8 MF / 127,7 MEuros

7- Chelsea : CA : 809,3 MF / 123,3 MEuros

8- Barcelona : CA : 793,5 MF / 120,9 MEuros

9- Inter Milan : CA : 727 MF / 110,8 MEuros

10- AS Roma : CA : 676,4 MF / 103 MEuros

11- Arsenal : CA : 646,8 MF / 98,6 MEuros

12- Borussia Dortmund : CA : 627,2 MF / 95,7 MEuros

13- Leeds United : CA : 602,5 MF / 91,8 MEuros

14- Fiorentina : CA : 571,9 MF / 87,2 MEuros

15- Glasgow Rangers : CA : 545,5 MF / 83,1 MEuros

16- Olympique Marseille : CA : 526,5 MF / 80,2 MEuros

17- Tottenham Hotspur : CA : 506,5 MF / 77,2 MEuros

18- Parma : CA : 501,2 MF / 76,4 MEuros

19- Liverpool : CA : 489,6 MF / 74,6 MEuros

20- Newcastle United : CA : 475,9 MF / 72,5 MEuros

21- Bordeaux : CA : 442,2 MF / 67,4 MEuros

26- Lens : CA : 369,3 MF / 56,3 MEuros

27- PSG : CA : 366 MF / 55,8 MEuros

32- Lyon : CA : 308,3 MF / 47 MEuros

La comparaison de l'imposition et des charges sociales pesant sur les clubs européens tend à démontrer que les principaux pays européens disposent d'un avantage comparatif en ce domaine par rapport à la France. Concrètement lorsqu'un club français souhaite recruter une vedette, il doit dépenser 100 euros là où il n'en coûtera que 58 pour un club anglais ou italien, 60 en Espagne et 62 en Allemagne.

Coût des joueurs pour les clubs

 

France

Allemagne

Espagne

Italie

Angleterre

Joueur international

         

Net en poche annuel

1 800 000

1 800 000

1 800 000

1 800 000

1 800 000

Salaire brut annuel

4 032 184

3 675 687

3 442 621

3 354 776

2 986 487

Coût total club

5 728 891

3 682 519

3 453 090

3 370 741

3 341 879

Rapport base 100

100

64,3

60,3

58,8

58,3

Joueur moyen D1

         

Net en poche annuel

219 590

219 590

219 590

219 590

219 590

Salaire brut annuel

480 000

439 949

403 275

399 772

352 496

Coût total club

669 063

445 949

413 744

414 791

394 444

Rapport base 100

100

66,7

61,8

62,0

59,0

Bon joueur D2

         

Net en poche annuel

96 513

96 513

96 513

96 513

96 513

Salaire brut annuel

180 000

187 100

166 588

170 899

147 367

Coût total club

261 7336

193 933

176 719

185 545

164 904

Rapport base 100

100

74,1

67,5

70,5

63,0

La loi n° 99-1124 du 28 décembre 1999 portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives a ouvert aux clubs professionnels la possibilité de recourir à de nouvelles formes juridiques que sont la société anonyme à objet sportif, la nouvelle entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée et la société anonyme sportive professionnelle.

Le contrôle des comptes des clubs professionnels effectué par la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) participe assurément de la bonne gestion des clubs français en prévenant le dérapage de leur endettement, 290 millions d'euros au 30 juin 2001, et conforte la France dans son rôle de « bon élève » de la classe européenne en ce domaine.

Il s'agit là de progrès certains, mais au regard d'autres critères tels que la propriété du numéro d'affiliation, la propriété de la marque ou la possibilité d'entrer en bourse, les clubs français apparaissent en retrait par rapport à leurs adversaires européens.

Cadre juridique des clubs professionnels

 

France

Allemagne

Espagne

Italie

Angleterre

Existence d'une association : obligation légale

oui

Oui

non

non

non

Propriété du n° d'affiliation

Association

Société/ Association

Société

Société

Société

Propriété de la marque

Association

Société

Société

Société

Société

Propriété des droits TV

Fédération

Société/ Ligue

Société

Société

Société

Introduction en bourse

non

Oui

oui

oui

oui

Multipropriété

non

Jusqu'à 49,9%

Jusqu'à 9,9%

Jusqu'à 5%

Uniquement dans des divisions différentes

Il semble que le ministère soit ouvert à la discussion sur plusieurs de ces points, à l'exception de l'introduction en bourse et de la remise en cause de la négociation mutualisée des droits télévisuels. Le rapporteur pour avis est quant à lui favorable à une évolution permettant aux clubs de valoriser plus efficacement leurs actifs et de professionnaliser leur management, mais il souligne le fait que l'introduction en bourse ne saurait être regardé comme une panacée et rappelle les affres dans lesquels a été plongé le calcio en ce début de saison 2002 en raison de la négociation séparée des droits de retransmission.

Il convient d'aborder ces questions sereinement, en gardant à l'esprit que même Manchester United qui est incontestablement le club dont le fonctionnement se rapproche le plus de celui d'une société commerciale (par exemple, le marchandising et le sponsoring représentent 26 % des revenus du club), a vu le cours de son titre baisser de près de la moitié en 2001 et que sa rentabilité à terme pourrait être obérée par les deux phénomènes concomitants que sont l'inflation des salaires des joueurs et la stagnation, voire le recul, des recettes tirées des droits TV.

L'exemple britannique constitue à l'évidence une source d'inspiration qui peut être féconde si l'on ne perd pas de vue les différences culturelles importantes qui entourent le football des deux côtés de la Manche. Il convient en effet de rappeler que le football anglais bénéficie d'une très forte assise populaire qui permet aux clubs de la Premier League de jouer dans des stades remplis à 90 % par les spectateurs (36 % des recettes des clubs anglais proviennent de la billetterie contre 23 % en France), et de transformer ces spectateurs en consommateurs de produits dérivés et autres services estampillés par les clubs.

Plusieurs directions méritent d'être explorées comme le caractère plus convivial et plus intégré des enceintes sportives, le rôle dévolu aux fondations (à cet égard la fondation crée par le PSG en vue de soutenir le développement du football en région parisienne retient l'intérêt) ou l'existence d'une structure permanente de concertation, baptisée « Football task force », qui regroupe des universitaires, des représentants des clubs, des fédérations, des associations de supporters et des experts.

Cette commission qui travaille sur des thèmes tels que l'élimination du racisme des stades, l'accès des handicapés, les politiques tarifaires adaptées au plus grand nombre ou encore les moyens pour permettre aux joueurs de remplir un rôle de modèle pour les jeunes, permet d'entretenir une concertation permanente visant la recherche de solutions consensuelles à rebours de la législation imposée qui prévaut trop souvent dans notre pays.

Par ailleurs, il ne paraît pas possible de faire l'économie d'une réflexion autour des mécanismes de régulation du sport professionnel à l'image de ceux mis en place de longue date aux États-unis, tels que la limitation de la masse salariale par équipe (salary cap) ou la priorité accordée aux équipes les moins bien classées dans le recrutement des joueurs les plus côtés (draft), ne serait ce que pour souligner que les contraintes les plus drastiques et le libéralisme ne sont pas antithétiques.

Il est surprenant de constater combien l'Union européenne a eu un impact sur les organisations sportives internationales dans la période récente, alors même que tout semblait a priori séparer le monde sportif de la construction européenne en dépit du travail à bien des égards pionnier mener par le Conseil de l'Europe.

La déflagration qu'a représentée pour le sport professionnel l'application intégrale à l'univers sportif des principes libéraux de liberté de la concurrence et de circulation des travailleurs à l'occasion de l'arrêt Bosman a ouvert une période de dérégulation et de doute que les récentes prises de position devrait permettre de clore au bénéfice de la préservation d'un modèle européen du sport.

Il est utile de rappeler que le Conseil de l'Europe a été la première instance de coopération intergouvernementale à _uvrer pour le sport, d'abord dans le cadre de la convention culturelle européenne adoptée en 1954, puis par l'intermédiaire du comité directeur pour le développement du sport. Si ses résolutions ne revêtent qu'un caractère incitatif, il n'est pas sans intérêt de noter que la première d'entre elles, adoptée en 1967, traite du « doping dans le sport ».

Mais surtout le Conseil a élaboré deux conventions particulièrement importantes que sont la convention européenne « sur la violence et les débordements de spectateurs lors des manifestations sportives et notamment les matches de football » en 1985 et contre le dopage en 1989. La question de la sécurité à l'occasion des manifestations sportives a particulièrement retenue l'attention du Conseil qui a participé à l'élaboration d'une véritable coopération policière et judiciaire dans ce domaine qui a particulièrement prouvé son efficacité lors de l'Euro 2000 disputé en Belgique et aux Pays-Bas.

On sait que l'absence du sport au sein des traités constitutifs de l'Union européenne a pendant longtemps écarté celui-ci de son champ de compétence, les velléités d'introduction d'une telle disposition se heurtant à l'hostilité des pays traditionnellement les moins interventionnistes. Aussi le point de départ de la reconnaissance des « caractéristiques spécifiques » du sport se situe-t-il dans la déclaration annexée au traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997, selon laquelle :

« La conférence intergouvernementale souligne l'importance sociale du sport et en particulier son rôle de ferment de l'identité et de trait d'union entre les hommes. La conférence invite dès lors les institutions de l'Union européenne à consulter les organisations sportives lorsque des questions importantes relatives au sport sont en cause. A cet égard, il convient de tenir tout particulièrement compte du sport amateur. »

A la suite de cette déclaration, l'Union a exprimé sa vision du sport par le biais d'un rapport présenté à Helsinki en 1999 et de la déclaration du sommet de Nice en 2000. Cette déclaration reconnaît tout d'abord les valeurs éducative, sociale et culturelle de l'activité sportive pour tous et le rôle du bénévolat dans sa mise en _uvre. La nécessité de protéger la santé, l'équilibre psychologique et familial des jeunes sportifs, tout en encourageant leur insertion professionnelle, est également abordée.

Très inspirée des thèses françaises, la déclaration traite du contexte économique du sport en encourageant la mise en place par les fédérations de dispositifs de contrôle de gestion des clubs et en souhaitant l'instauration de mécanismes de répartition des revenus issus de la vente des droits de retransmission télévisuelle, dans une optique de solidarité entre les différents niveaux de pratique mais également entre les différentes disciplines.

Les deux chantiers fondamentaux que constituent la réforme du régime des transferts et la montée en puissance de l'Agence mondiale antidopage (AMA) témoignent aussi bien de la prégnance de l'Union européenne dans le domaine du sport que des résistances qu'elle doit surmonter.

On peu légitimement s'interroger sur l'existence d'un modèle européen du sport au regard de la diversité des organisations retenues et du degré d'intervention de la puissance publique, dont on a vu qu'il pouvait considérablement varier d'un pays à l'autre.

Mais au-delà de ces singularités, en grande partie irréductibles, les pays de l'Union se retrouvent parfaitement sur un ensemble de traits communs qui fondent la spécificité européenne à l'égard du modèle alternatif, à savoir le modèle américain.

Au nombre de ces traits communs, il est possible de citer le système pyramidal au sein des fédérations qui est régi par le principe de la promotion relégation et qui met en place une solidarité interne entre les clubs participant à un même catégorie ainsi qu'entre les clubs les plus puissants et ceux des catégories inférieures. Il se caractérise par l'attachement très marqué des clubs à une collectivité territoriale, ce qui permet au sport de remplir un important rôle d'insertion sociale ainsi que par la vigueur des compétitions entre les équipes nationales à l'échelon européen.

Il convient également de souligner l'accent mis sur la santé des pratiquants et la lutte antidopage qui ne font sans doute pas l'objet d'une attention aussi marqué outre-atlantique. En outre, aux Etats-Unis, ce sont les universités qui jouent un rôle fondamental dans le développement du sport, tandis que la poursuite des profits directement financiers est l'apanage de certains groupes privés contrôlant à cette fin des équipes professionnelles.

Le rapport Lamassoure sur la délimitation des compétences entre l'Union européenne et les Etats inclut les sports dans ses recommandations pour l'avenir de l'Europe en les faisant figurer parmi les compétences partagées. Mais le fait que cette compétence complémentaire soit susceptible de prendre des formes assez diverses incite le ministère des sports à agir afin que l'ensemble des composantes du modèle européen soit désormais du ressort de l'Union pour conduire à leur égard une politique de soutien, de complément et de coordination.

Afin de sortir positivement de « la bonne crise de croissance à laquelle est confrontée notre organisation sportive », selon l'expression du président Henri Sérandour lors de l'ouverture des Etats généraux du sport, le sport français doit évoluer pour se rapprocher sur certains points des solutions retenues, notamment dans le domaine du sport professionnel, par nos principaux partenaires européens tout en continuant d'irriguer le modèle européen de principes solidement ancrés dans la gestion française du sport.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de M. Edouard Landrain, les crédits des sports pour 2003 au cours de sa séance du 16 octobre 2002.

Un débat a eu lieu après l'exposé du rapporteur.

M. Jean-Claude Beauchaud a observé que le rapporteur pour avis n'avait pas abordé la question de la scission de l'ancien budget de la jeunesse et des sports en deux parties. On a pu dire que les directions départementales avaient quelquefois des difficultés à faire cohabiter ces deux types d'action. Il convient cependant d'observer que cette cohabitation s'était progressivement améliorée et avait même fini par donner lieu à une étroite collaboration entre l'ensemble des intervenants dans les contrats éducatifs locaux. Par ailleurs, cette scission aboutit à la situation paradoxale dans laquelle il n'y a pas d'avis budgétaire sur les crédits de la jeunesse. Les personnels des départements, les enseignants et les élus locaux manifestent tous leur inquiétude et se demandent désormais ce que chacun doit faire.

S'agissant des Etats généraux du sport, on ne peut que regretter que leur mise en place très rapide laisse de côté bon nombre d'acteurs. L'existence d'un budget spécifique au sport permettait d'espérer une vraie révolution dans les moyens qui lui sont dévolus. Force est de constater que tel n'est pas le cas et que les critiques formulées les années précédentes sur la faiblesse de ces moyens restent d'actualité. Il faut souligner les efforts accomplis en direction du sport d'élite mais déplorer que l'aide au sport amateur et au développement de la pratique sportive par les masses ne suivent pas : ainsi les évolutions constatées sur les coupons sport ou les emplois-jeunes sont préoccupantes. La part consacrée au sport amateur diminue, ce qui élargit le fossé avec le sport dit marchand alors que le renforcement de la cohésion sociale et l'intégration passent par le sport. En conséquence, le groupe socialiste votera contre l'adoption de ce budget.

M. Jean-Marie Geveaux a considéré que l'on est en présence d'un budget de transition dans l'attente des suggestions et des propositions qui résulteront des Etats généraux du sport et de l'approfondissement prochain de la décentralisation. Si on peut se réjouir de l'augmentation du FNDS à hauteur de 6 %, il convient en parallèle d'effectuer à la fois un important effort d'information en direction du mouvement sportif qui s'inquiète de la possible disparition de celui-ci et de rechercher les moyens de pérenniser ce mode de financement. Il n'y a aucun clivage entre le sport d'élite, qui sert de référence, et le sport de masse dans le rôle d'intégration des jeunes par le sport. Des solutions devront être trouvées pour accompagner la suppression progressive des emplois jeunes, en particulier pour les jeunes qui après avoir été recrutés par ce truchement, ont acquis une compétence technique et obtenus des diplômes qui leur permettent de pallier la suppression d'un certain nombre de contrats techniques départementaux.

M. Alain Néri a tout d'abord regretté que le ministre des sports ne soit pas venu présenté son budget à la commission, notamment afin de fournir des éclaircissements sur la nouvelle articulation entre les secteurs jeunesse et sports.

A périmètre constant, ce budget n'augmente que de 1,3 % ce qui est en retrait par rapport aux augmentations antérieures. S'agissant du FNDS, il a souligné le fait que son augmentation n'est due qu'à une plus grande appétence des Français à l'égard des jeux et a demandé comment allait évoluer la répartition des crédits entre la part régionale, qui avait augmenté sous la précédente législature, et la part de l'Etat. Il a également souhaité connaître les modalités de représentation au sein de la commission nationale du fonds. Il est incontestable que le sport de masse va souffrir de certaines mesures, telles que la diminution de 1,8 millions d'euros du dispositif coupon-sport et la suppression des emplois jeunes puisque 20 000 de ces emplois ont été créés dans le secteur sportif à la satisfaction de tous. De nombreuses autres baisses de crédits sont à déplorer en 2003 : baisse de 880 000 euros pour les contrats éducatifs locaux, de 830 000 euros pour le sport en entreprise et chute des crédits pour la promotion du sport féminin.

La lutte contre le dopage qui avait fait l'objet d'un effort considérable sous le précédent gouvernement, la France étant pionnière dans ce domaine, subit également un net ralentissement. Alors que l'effort aurait dû être accéléré, l'augmentation des crédits correspondants sera de 2 % seulement au lieu de 17 % en 2002. A titre d'exemple, le laboratoire de Châtenay-Malabry voit ses crédits n'augmenter que de 0,1 million d'euros et ses effectifs que de deux emplois supplémentaires.

S'agissant de l'évolution du sport en Europe, il est nécessaire de conserver la solidarité entre les différents niveaux de pratique mais cela passe par un éclaircissement de la répartition des droits de retransmission télévisuels. Globalement ce budget accentue la coupure entre le sport d'élite professionnel et le sport amateur et déséquilibre la relation entre les ligues et les fédérations qui est d'ores et déjà à l'avantage des premières.

M. Bernard Depierre a regretté la faible part du sport dans le budget de l'Etat. L'augmentation de 2,85 % de l'enveloppe globale devra être complétée par des ressources supplémentaires, par exemple basée sur un pourcentage des droits de retransmission télévisuels, si l'on veut maintenir la vie associative et l'animation des clubs qui dépendent pour une large part de la qualité de l'encadrement. Des solutions urgentes devront être trouvées pour le remplacement des emplois-jeunes et la place du sport dans le cadre de la décentralisation devra être précisée afin de mieux apprécier l'action des différents échelons territoriaux. La fin des aides aux centres médico-sportifs est très regrettable. Enfin, dans l'optique de réduire le fossé entre les différentes disciplines, il conviendrait d'envisager une meilleure répartition des crédits entre les fédérations, basée tout autant sur les résultats obtenus que sur les effectifs.

M. Henri Nayrou a déploré le recul de 4 millions d'euros et la perte de 15 postes pour l'administration centrale du ministère des sports dans ce projet de budget. Que vont devenir les 1 300 conseillers techniques régionaux qui font la qualité de la vie sportive ?

S'agissant des droits de télévision, il n'est pas sérieux de dire que l'on pourrait accorder la propriété de ces droits aux clubs tout en maintenant une gestion centralisée.

M. Edouard Landrain a répondu aux questions en faisant les observations suivantes :

- Certes, le budget est insuffisant par rapport aux ambitions, mais c'est au cours de la période de croissance qu'il aurait fallu le faire davantage progresser, notamment en ce qui concerne le prélèvement FNDS. Ce dernier devra bien entendu évoluer, sans doute avec la création d'une fondation, mais conservera en tout cas l'actuelle orientation des crédits en faveur de la part régionale.

- Les emplois- jeunes ont incontestablement répondu à des besoins et leur disparition pose un vrai problème, même s'il s'agit d'emplois éphémères dont la pérennité ne peut venir que de l'effort financier des clubs et des collectivités territoriales. Partout où la raison a présidée à ces embauches, il est possible de trouver une solution par exemple en intégrant ces jeunes au personnel communal.

- Il faut rendre hommage aux efforts accomplis par le gouvernement précédent dans la lutte con

tre le dopage. Toutefois, le présent budget prolonge, bien que dans de moindres proportions, les efforts en direction du laboratoire national et du suivi médical des jeunes.

- L'approche européenne qui recouvre notamment les droits de la télévision, la fiscalité et l'harmonisation des normes, doit faire l'objet d'un vaste débat auquel les fédérations devront être associées et qui s'inspirera également des propositions issues des Etats généraux du sport.

Puis, conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des sports pour 2003.

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N° 0257 - 13 - Avis de M. Edouard Landrain sur le projet de loi de finances pour 2003 - Sports


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Sloane P.J., Sports in the market, The Institute of Economic Affairs, Londres, 1980