N° 260

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2002.

AVIS

PRÉSENTÉ

TOME I

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

PAR M. François LAMY,

Député.

--

Voir le numéro : 256 (annexes n° 1 à 3)

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

I. -  DES RESPONSABILITÉS INTERNATIONALES ASSUMÉES 7

A. LES CONTRIBUTIONS DE LA FRANCE À L'ONU 7

1. La France et l'équilibre financier de l'ONU 7

2. La France et la capacité d'action opérationnelle de l'ONU 8

B. LA PARTICIPATION DE LA FRANCE AUX OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX 9

1. Les opérations conduites en coalition 10

2. Les opérations dirigées par le DOMP 12

3. Les opérations sous commandement national 13

II. -  UNE POLITIQUE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE ACTIVE 15

A. L'UNION EUROPÉENNE : UN DISPOSITIF DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE EN ORDRE DE MARCHE ? 15

1. Des outils de décision désormais en place 15

2. Des forces identifiées et organisées 17

3. La recherche d'un engagement opérationnel 19

4. Le budget de sécurité et de défense de l'Union européenne 20

B. QUELS OBJECTIFS POUR L'OTAN ? 21

1. Un concept stratégique nouveau 21

2. Une mise en _uvre qui peut laisser perplexe 22

3. La participation de la France au budget de l'OTAN 24

C. LA FRANCE ET LES AUTRES INSTITUTIONS EUROPÉENNES DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE 25

1. Ce qu'il reste de l'UEO 25

2. Les missions de l'OSCE 26

III. -  UNE POLITIQUE DE COOPÉRATION MILITAIRE ET DE DÉFENSE DÉROUTANTE 27

A. LES MOYENS BUDGÉTAIRES ET LES IMPLANTATIONS GÉOGRAPHIQUES 27

1. Les moyens d'action budgétaires 27

2. L'effort de réorientation géographique 28

B. -  LES AXES D'ACTION 30

1. La formation, tâche principale de la DCMD 30

2. Les actions relatives au maintien de la paix 33

3. La coopération pour la gendarmerie 34

C. QUEL AVENIR POUR LA COOPERATION MILITAIRE ET DE DÉFENSE ? 35

1. Une diminution drastique des crédits qui s'inscrit dans un processus continu 35

2. Une situation en contradiction avec les orientations de la politique internationale de la France 37

3. Trouver une solution à la mesure des enjeux 38

TRAVAUX DE LA COMMISSION 39

INTRODUCTION

La commission de la défense nationale et des forces armées fait traditionnellement porter son examen des crédits des affaires étrangères sur trois éléments : les cotisations françaises à l'ONU, les dépenses relatives à l'Europe de la défense, qui figurent au chapitre 42-31, et les crédits de la coopération militaire, qui figurent au chapitre 42-29.

Cette année comme les précédentes, la France tient à assurer la solidité financière de l'ONU, aussi bien par ses cotisations au budget ordinaire qu'au budget des opérations de maintien de la paix. La situation internationale montre tout l'intérêt de cette politique délibérée, poursuivie avec constance. Elle contribue à la fois à forger une capacité de résistance internationale à la politique unilatéraliste des Etats-Unis et à permettre à l'ONU de conduire des opérations de maintien de la paix. Les crédits du chapitre 42-31 destinés à l'ONU sont ainsi des crédits bien employés.

La politique menée en matière de sécurité et de défense européennes s'inscrit également dans une continuité. La progression de l'Europe de la défense est très importante, puisque la politique européenne de sécurité et de défense a été déclarée opérationnelle à l'issue du Conseil européen de Laeken en novembre 2001. Elle contraste avec la situation à l'OTAN. L'évolution politique de celle-ci, alliance politique de plus en plus large et facteur de paix en Europe, du fait des nouvelles adhésions et d'un partenariat renouvelé avec la Russie, doit être soutenue. L'évolution, assez confuse en revanche, de l'organisation militaire intégrée rend d'autant plus nécessaire le développement des instruments de la PESD. Ainsi, la politique européenne de sécurité et de défense de la France mérite elle aussi d'être approuvée.

L'évolution des crédits de la coopération militaire bilatérale laisse perplexe. Leur forte diminution, contrastant avec la progression des crédits du ministère de la défense, met brutalement à mal la réforme de la coopération militaire lancée par le conseil de défense du 3 mars 1998. Les réorientations engagées, en faveur des pays d'Europe centrale, orientale et balkanique notamment, ne pourront être poursuivies. Dans les pays traditionnellement amis de la France, il ne sera pas non plus toujours possible de maintenir un dispositif cohérent.

Cette situation pose la question du maintien de la coopération militaire et de défense par le ministère des affaires étrangères. Une réflexion doit être lancée sur ce point. Si le ministère des affaires étrangères ne peut pas prendre d'engagements sur la définition d'une politique, d'objectifs et de moyens, il faut envisager d'autres solutions, notamment le transfert de la conduite opérationnelle de la coopération militaire et de défense au ministère de la défense, le ministère des affaires étrangères conservant en tout cas le contrôle des actions menées. Une décision claire doit être prise.

I. -  DES RESPONSABILITÉS INTERNATIONALES ASSUMÉES

Depuis 1945, les relations internationales s'inscrivent dans un droit international unique et un système global, le système des Nations Unies. La France y exerce des responsabilités éminentes, puisqu'elle est membre permanent du Conseil de sécurité, avec droit de veto, et puissance nucléaire. Parmi les éléments de sa politique envers l'ONU figurent les cotisations qu'elle verse à celle-ci, qui sont inscrites au chapitre 42-31 du budget du ministère des affaires étrangères.

Tous les Etats membres de l'ONU n'ont pas pour cette institution et ses décisions la même considération et le même respect. La capacité d'action de l'ONU reste toujours fragile. Parmi les éléments de cette fragilité, figure sa situation financière. Sans moyens, comment agir ? Un pays peut ne pas payer ses cotisations pour des raisons budgétaires. S'il est assez puissant, il peut aussi faire du non-paiement une arme. Tel est le cas du pays le plus puissant de la planète, les Etats-Unis.

Le budget ordinaire de l'ONU est de 1,25 milliard de dollars par an. Il faut y ajouter le budget des opérations de maintien de la paix, qui évolue en fonction du nombre et de l'importance de ces opérations, mais qui est plutôt au moins de l'ordre du double, ainsi que divers autres budgets, de montant modeste.

Les Etats-Unis avaient adopté une politique résolue de refus d'honorer la totalité de leurs cotisations. Cette situation trouvait son origine dans la volonté du Congrès, qui jugeait trop élevée les quotes-parts du pays, 25 % pour le budget ordinaire et 30 % pour le budget des opérations de maintien de la paix. La participation la plus importante au budget de l'ONU est celle des Etats membres de l'Union européenne pris ensemble : 36 % du budget ordinaire et 39 % du budget des opérations de maintien de la paix. Les Etats-Unis ont obtenu satisfaction à la fin de l'année 2000. Leur quote-part est passée à 22 % pour le budget ordinaire et à 28,5 % pour celui des opérations de maintien de la paix. En conséquence, 582 millions de dollars d'arriérés ont été payés par les Etats-Unis en novembre 2001, sous forme de 475 millions de dollars de cotisations nettes et de 107 millions de dollars de compensation de dettes et de créances. Le versement d'une autre tranche d'arriérés de 244 millions de dollars pourrait intervenir avant la fin de l'année 2002, la condition posée par les Etats-Unis avant d'envisager l'apurement définitif de leur dette ayant été remplie, à savoir de réintégrer la commission des droits de l'homme, après leur échec électoral de 2001.

Ces versements donnent à l'ONU une meilleure capacité d'action, notamment en matière de financement d'opérations de maintien de la paix. Pour autant, la situation financière n'est pas apurée. Le montant total des arriérés de contributions à l'ONU atteignait encore 2 106 millions de dollars au 31 décembre 2001. Après le versement de 244 millions de dollars ci-dessus évoqué, les Etats-Unis conserveront à eux seuls un solde d'arriérés de 627 millions de dollars. En ce qui concerne ce solde, aucun plan de paiement n'est à ce jour annoncé. Seul, le Congrès pourrait éventuellement autoriser un tel règlement. En effet, la législation américaine interdit à l'administration de prendre en charge plus de 25 % des dépenses des opérations de maintien de la paix, alors que la quote-part des Etats-Unis au budget des opérations de maintien de la paix, telle que négociée à l'ONU, est en réalité de 27,3 % ; les Etats-Unis ne règlent donc régulièrement que 91,6 % de la contribution qu'ils doivent au titre de celles-ci. Leur dette a ainsi mécaniquement repris sa croissance.

La France, elle, a pour politique systématique de payer ses cotisations, et si possible à temps. Il arrive, comme en 2000, que la France se trouve en retard de cotisation, les dépenses de l'ONU pour les opérations de maintien de la paix ayant crû en cours d'année plus qu'il n'avait été prévu lors du vote du budget par le Parlement. Dans ce cas, les crédits nécessaires sont votés en loi de finances rectificative. Eu égard à la situation financière habituelle de l'ONU, on voit toute l'importance de ce type de politique pour l'organisation. Réciproquement, l'ONU et les prérogatives qu'elle offre à la France permettent à celle-ci non seulement de faire valoir ses positions sur la scène internationale, mais aussi parfois de les faire adopter, comme les actuelles négociations au Conseil de sécurité sur l'Irak le montrent.

Cette année encore, les crédits provisionnés au chapitre 42-31 ont pour objet le paiement de l'intégralité de la cotisation due par la France. Eu égard à l'outil qu'est l'ONU pour la capacité d'action internationale de la France, l'augmentation de cette cotisation doit être approuvée.

Cotisations de la France au budget ordinaire de l'ONU

(en euros)

1997

1998

1999

2000

2001

2002 (prévisions)

55 769 300

61 503 594

57 497 470

68 271 408

68 853 049

81 729 937

L'action de la France à l'ONU s'est aussi exercée en faveur de la capacité de celle-ci à conduire des opérations de maintien de la paix. Elle a joué un rôle important dans la réforme du département des opérations de la paix (DOMP) au sein du secrétariat général. Le DOMP est chargé de planifier, de constituer, de déployer les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et d'en assurer la direction stratégique. Pour ce faire, le DOMP dispose désormais de services de planification, d'analyse des situations, de suivi des opérations, d'une division militaire et d'un service de police civile, ainsi que de services administratifs et logistiques. Il est actuellement dirigé par un Français, M. Jean-Marie Guehenno.

Une telle réorganisation du DOMP était indispensable pour que l'ONU puisse reprendre la création et la conduite d'opérations de maintien de la paix. Depuis 1998, six opérations nouvelles, très importantes, ont été créées, dont quatre en Afrique. Le nombre d'opérations en cours est de quinze, seize en comptant le BONURCA, qui a succédé à la MINURCA en Centrafrique. Elles mobilisent près de 45 000 casques bleus, contre 10 000 en 1998. Ces missions connaissent de réels succès, à l'exemple de la MINURCA, créée en 1998 et dissoute en 2000, une fois sa tâche accomplie.

La participation des Etats sur le terrain aux opérations de maintien de la paix créées par l'ONU est rémunérée par celle-ci, selon des barèmes assez complexes. De ce fait, la reprise des opérations de maintien de la paix de l'ONU n'a pas entraîné une simple hausse des effectifs sous casque bleu. Elle a aussi entraîné une forte hausse des appels de cotisations au titre du budget consacré à ces opérations. Ainsi, alors que les appels de fonds lancés à ce titre s'élevaient, pour la France, à 51,79 millions d'euros environ en 1998, ils ont été de 81,38 millions d'euros en 1999, de 190,56 millions d'euros en 2000, de 279,72 millions d'euros pour 2001. En 2002, l'appel se limite à 184 millions d'euros et devrait être en 2003 de l'ordre de 160 millions d'euros. Cette diminution est la preuve de la justesse de la politique de la France à l'ONU. Elle s'explique en effet par l'extinction progressive, du fait de leur succès, de certaines opérations, comme la MINUSIL en Sierra Leone, la MINUEE entre l'Ethiopie et l'Erythrée, la MANUTO au Timor oriental et enfin la MINUBH en Bosnie-Herzégovine, qui doit être reprise par l'Union européenne au 1er janvier 2003. On peut ainsi considérer que les montants ainsi versés sont bien employés.

Cotisations de la France au budget des opérations de maintien de la paix de l'ONU

(en euros)

1998

1999

2000

2001

2002

2003 (prévisions)

51 794 005

81 379 603

150 956 389

279 717 178

184 000 000

160 000 000

La reprise des opérations de maintien de la paix par l'ONU ne s'est faite qu'après mûre réflexion. Les opérations les plus importantes, celles qui requièrent l'emploi des moyens les plus lourds et les plus modernes, ne sont plus confiées au département des opérations de maintien de la paix par le Conseil de sécurité. Celui-ci les confie à des coalitions, régionales ou ad hoc, dont il sait qu'elles ont les capacités opérationnelles requises. A vrai dire, ce sont d'abord ses membres qui les composent : les membres du Conseil de sécurité ne laissent plus à personne d'autre qu'eux-mêmes le soin de conduire les opérations les plus importantes.

Le DOMP se voit confier des opérations moins difficiles. Même si les opérations qu'il conduit peuvent mobiliser plus de 10 000 militaires et civils, ce qui implique déjà une capacité d'organisation considérable, elles se caractérisent par une intensité moindre et un besoin de capacité de frappe moins important.

Conformément à son statut au sein de l'ONU, la France participe à ces deux types d'opérations. La nature de sa participation est cependant différente selon les cas. On trouvera ci-dessous une rapide revue de détail de ces participations à laquelle, à titre de référence, on a ajouté les opérations menées par la France dans un cadre bilatéral, en application de l'article 51 de la Charte, et dont le poids est désormais marginal.

Membre du Conseil de sécurité, la France ne peut pas être absente des opérations les plus lourdes décidées ou acceptées par celui-ci. Ces opérations mobilisent l'essentiel des forces qu'elle affecte aux opérations militaires extérieures. Elle est présente dans chacune des huit opérations de ce type en cours.

L'opération la plus importante de l'année est celle qui concerne la lutte contre Al Quaeda en Afghanistan. Elle comporte deux volets. L'opération Enduring Freedom, dont la participation française est appelée Héraclès, trouve d'abord son fondement juridique dans l'article 51 de la charte des Nations unies, qui laisse aux Etats membres la liberté de mettre en _uvre les moyens nécessaires à l'exercice de leur légitime défense, en réponse à une attaque armée, tant que le Conseil de sécurité n'a pas pris les dispositions visant à rétablir la paix et la sécurité internationales. Elle s'appuie cependant aussi sur plusieurs résolutions du Conseil de sécurité visant Al Quaeda et le régime taliban, les résolutions n° 1368 du 12 septembre 2001, n° 1373 du 28 septembre 2001, n° 1377 du 12 novembre 2001 et n° 1378 du 14 novembre 2001, toutes prises après les événements du 11 septembre 2001, et aussi la résolution n° 1333 du 19 décembre 2000, qui visait déjà un certain nombre de graves manquements du régime afghan aux normes minimales du droit international et du droit de la personne. Enduring Freedom a mobilisé en 2002 jusqu'à 67 000 militaires, dont 56 000 Américains. La participation française a été de 3 770 militaires, avec l'engagement du groupe aéronaval et d'un détachement d'avions de combat. La seconde composante est celle de la FIAS (Force internationale d'assistance pour la sécurité). Créée par la résolution du Conseil de sécurité n° 1386 du 20 décembre 2001, elle a pour objet la sécurisation de certains accès de Kaboul, parmi lesquels l'aéroport, et la formation de l'armée afghane. La force est de 4 900 militaires, dont 447 Français.

Les autres importantes opérations menées en coalition sur le fondement juridique d'une résolution du Conseil de sécurité sont d'abord les deux opérations de maintien de la paix en ex-Yougoslavie, la KFOR au Kosovo et la SFOR en Bosnie-Herzégovine. La KFOR, décidée en juin 1999, mobilise aujourd'hui 36 500 militaires environ. Les Français constituent un septième de la force, avec 5 718 militaires. La KFOR, qui travaille dans un contexte moins difficile qu'au début de son installation, est en réalité le bras armé de la mission d'administration de l'ONU au Kosovo, la MINUK. Elle fournit également les forces de l'opération Amber Fox, dont la participation française est dénommée Minerve, qui assure la sécurité des observateurs en Macédoine à la demande du gouvernement macédonien.

La SFOR accomplit les mêmes tâches que la KFOR, mais en Bosnie-Herzégovine, dans un contexte désormais plus apaisé, et pour la bonne mise en application des accords de Dayton, L'effectif de la force, moins important que celui de la KFOR, reste cependant de plus de 16 000 militaires. L'effectif français y est de 2 500 militaires environ, soit le sixième de l'effectif total. La France exerce d'importantes responsabilités de commandement au sein de la KFOR et de la SFOR.

L'opération Southern Watch est une opération de surveillance aérienne de l'Irak menée depuis 1992 en conséquence de la Guerre du Golfe. Elle mobilise 6 000 militaires, mais seulement 167 Français, dont l'activité se réduit désormais à l'entraînement.

Les trois autres opérations de ce type sont de petites opérations menées par des organisations régionales au sens du chapitre VIII de la Charte. Outre l'opération Amber Fox, déjà évoquée, il s'agit de l'EUMM (European Union Monitoring Mission ou Mission d'observation de l'Union européenne) en Bosnie-Herzégovine et de l'opération FMO, qui est une petite opération multilatérale d'observation entre Israël et l'Egypte. Ces trois opérations se déroulent en accord avec les Etats sur le sol desquels elles sont menées.

la france et les opérations déléguées
par le conseil de sécurité

Opération

Date de création

Objet

Effectifs

Surcoûts (1)

Total

Français

Joint Forge (SFOR)

1996

Maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine

16 551

2 550

113,53

EUMM

1991

Mission d'observation en Bosnie-Herzégovine

162

14

1,35

Joint Guardian (KFOR)

1999

Rétablissement de la paix au Kosovo

36 405

5 318

240,15

Southern Watch

1992

Surveillance aérienne de l'Irak

6 000

167

10,68

FMO (Israël-Égypte)

1981

Contrôle et application des accords de Camp David

1 900

17

0,79

Héraclès

2001

Lutte contre Al Qaeda

67 000

3 770

181,22

Pamir (ISAF) (Afghanistan)

2002

Maintien de la paix et formation des forces

4 900

447

21,70

TOTAL

132 918

12 283

569,42

(1) Surcoûts estimés pour l'année, en millions d'euros, au 30 juin 2002.
(Source : ministère de la défense).

Au total, ces opérations mobilisent donc en 2002 12 283 militaires français, un tiers de plus qu'en 2001 (9 023 militaires), malgré la baisse d'intensité des opérations en ex-Yougoslavie, mais du fait des opérations en Afghanistan.

La France détache des forces dans les opérations de maintien de la paix de l'ONU, mais sa participation est de nature bien différente de celle aux opérations ci-dessus examinées.

Elle n'est présente que dans les missions où elle considère que sa présence peut avoir un réel intérêt, pour elle et les pays dans lesquels elles s'exercent. Ainsi, elle ne participe pas aux missions d'observation que sont l'UNMOGIP (surveillance de la frontière indo-pakistanaise), décidée en 1949, la MONUP (mission d'observation de la presqu'île de Prevlaka, en Croatie), décidée en 1996, aux missions d'interposition et d'observation que sont l'UNFICYP (à Chypre), depuis 1964, et l'UNDOF (Golan), depuis 1974 (la règle fixée pour l'UNDOF était qu'aucun pays membre permanent du Conseil de sécurité ne devait y participer). Elle ne participe pas non plus à la MANUTO, au Timor oriental.

Les personnels détachés par la France sont peu nombreux. Ce sont soit des officiers de liaison, soit des observateurs, et non des membres des forces. Ainsi, elle fournit douze observateurs à la MONUIK, au Koweit, trois à la MONUG, en Géorgie, à la demande des Géorgiens, 27 à la MINURSO (Sahara occidental), trois à la MONUC et un à la MONUSIL et à la MINUEE. Dans les mêmes conditions, elle fournit l'un des cinq membres du BONURCA (Bureau des Nations Unies en République de Centrafrique). En fait, la France laisse ainsi le département des opérations de maintien de la paix de l'ONU travailler, tout en se tenant au courant de l'évolution de la situation de la mission, de façon à pouvoir décider de façon adéquate au sein du Conseil de sécurité.

La participation de la France ne devient significative que dans des cas très particuliers. Deux sont des missions de police en ex-Yougoslavie, qui constituent presque des missions annexes à la SFOR ou la KFOR. La France détache 103 gendarmes à la MINUBH-GIP (mission internationale des Nations Unies pour la Bosnie-Herzégovine, Groupe international de police), qui assure la formation de la police bosniaque. Le GIP doit être remplacé au 1er janvier prochain par une mission de l'Union européenne. De même, elle fournit 80 gendarmes à la MINUK, dont la sécurité première est assurée par la KFOR.

Ne reste qu'une seule opération pour laquelle la France fournit des forces à proprement parler, la FINUL au Liban, créée en 1978. Les conditions de participation de la France à la FINUL sont un héritage du passé, que la France ne saurait remettre unilatéralement en cause sans que cela soit considéré comme un acte de politique internationale significatif. La FINUL devrait d'ailleurs voir son format réduit à 2 000 militaires d'ici la fin de l'année, le contingent français se réduisant à 200 militaires.

La participation française aux opérations de l'ONU en 2002 s'est ainsi limitée à 492 militaires, à comparer aux effectifs qu'elle affecte aux missions conduites en coalition et aux 36 500 personnels présents dans l'ensemble des opérations de l'ONU auxquelles la France participe. La mise à disposition d'observateurs et de personnels des forces de l'ordre ne donne pas lieu à remboursement de la part de l'ONU. Le tableau ci-après retrace la participation française aux missions dirigées par le DOMP.

la france dans les opérations conduites par le domp

Opérations

Date de création

Objet

Effectif
de la force

Français

Surcoûts(1)

ONUST

1948

Surveillance de la trêve (Israël, Égypte, Syrie, Jordanie)

144

17 (observateurs)

0,79

FINUL
(Liban)

1978

Rétablissement de la paix au Sud-Liban

3 600

244

6,83

MONUIK
(Koweït)

1991

Surveillance de la zone démilitarisée

1 098

12 (observateurs)

0,78

MINURSO
(Sahara occidental)

1991

Supervision du cessez-le-feu

228

27 (observateurs)

1,92

MONUG
(Géorgie)

1993

Supervision du cessez-le-feu

106

3 (observateurs)

0,3

MINUBH (GIP) (Bosnie-Herzégovine)

1995

Formation de la police

1 526

103 (gendarmes)

3,57

MINUSIL
(Sierra Leone)

1998

Supervision du cessez-le-feu

17 365

1 (observateur)

0,14

MINUK
(Kosovo)

1999

Administration du Kosovo

4 518

80 (gendarmes)

2,72

MONUC
(Congo)

1999

Supervision du cessez-le-feu

3 721

3 (observateurs)

0,32

BONURCA
(Centrafrique)

2000

Consolidation de la paix

5

1 (observateur)

0,05

MINUEE
(Ethiopie-Erythrée)

2000

Supervision du cessez-le-feu et de la zone démilitarisée

4 154

1 (observateur)

0,05

Total

36 465

492

17,47

(1) surcoûts estimés au 30 juin 2002 pour l'année, en millions d'euros

     

(Source : ministère de la défense).

     

Enfin, on complètera cette revue par celle des opérations menées par la France sous commandement national, en application de l'article 51 de la Charte des Nations Unies. En 2002, ces opérations sont au nombre de six, dont cinq reconduites de l'an dernier.

Trois d'entre elles sont des missions souveraines de présence et de surveillance en mer. Elles peuvent cependant rapidement changer de nature si nécessaire. L'opération Corymbe est conduite au large des côtes africaines du Golfe de Guinée. L'opération Renforts Zone maritime de l'Océan Indien, qui correspond à un étoffement temporaire de ces forces, est conduite dans les eaux internationales de l'Océan Indien. L'opération Amarante, nouvellement créée, est une mission de surveillance maritime en Méditerranée orientale.

L'opération Algérie (Ambassade) est, comme son nom l'indique, une opération de protection d'ambassade. Son effectif s'est beaucoup réduit avec la diminution de la gravité de la situation en Algérie.

Enfin deux missions peuvent vraiment prétendre au statut de mission d'assistance bilatérale dans le cadre de l'article 51 de la Charte. L'opération Aramis au Cameroun, qui est une mission de soutien à un pays allié dans le cadre d'un différend frontalier avec l'un de ses voisins, le Nigeria, au titre d'un accord de défense, et l'opération Furet, qui correspond à un renforcement des capacités des troupes françaises du Gabon, peut-être pour les mêmes raisons.

Au total, 759 militaires étaient engagés dans ces opérations à la fin juin 2002. L'importance de celles-ci reste donc très limitée.

opérations extérieures sous commandement national

Opérations

Date de création

Objet

Effectif
de la force

Surcoûts*

 

CORYMBE (Golfe de Guinée)

1991

Présence au large des côtes africaines

179(1)

4,87

ARAMIS (Cameroun)

1996

Soutien de la France au Cameroun dans le cadre de l'accord de défense

66

2,55

AMB. ALGÉRIE

1993

Garde et protection de l'ambassade

53

1,6

FURET (Gabon)

1998

Renforcement des capacités des troupes françaises au Gabon

38

4,17

Renforts Zone Maritime de l'Océan Indien

2001

Présence dans les eaux internationales de l'Océan Indien

242

7,53

Amarante

2002

Surveillance maritime en Méditerranée orientale

181(1)

10,93

 

Total

759

31,65

*Surcoûts estimés pour l'année, en millions d'euros, au 30 juin 2002.

(1) L'effectif varie en fonction du type de bâtiment présent sur zone (aviso, frégate, TCD).

(Source : ministère de la défense)

La répartition des forces françaises entre les opérations menées par la France selon leur statut est retracée par le tableau suivant.

participation de la france aux opérations de maintien de la paix

 

Effectif des forces

France

Effectif

Surcoûts (*)

Opérations en coalition

132 918

12 283

569,42

Opérations dirigée par le DOMP

36 465

492

17,47

Opérations sous commandement national

759

759

31,65

Total

170 142

13 534

601,07

* en millions d'euros.

II. - UNE POLITIQUE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE ACTIVE

Dans le respect de la Charte de l'ONU, la France conduit une politique de sécurité et de défense active. Si elle fait reposer sa sécurité d'abord sur son outil de dissuasion nucléaire, elle a aussi conclu des alliances pour sa défense, ainsi que pour la sécurité et la paix du continent européen. Les crédits consacrés au fonctionnement courant de ces alliances figurent pour l'essentiel au budget du ministère des affaires étrangères.

L'élément le plus novateur de la politique étrangère et de défense de la France est sans doute la part qu'elle prend à l'émergence d'une capacité et d'une politique de sécurité et de défense (PESD) de l'Union européenne. Celle-ci est désormais acquise. Le traité d'Amsterdam, signé le 2 octobre 1997, a mis en place les instruments de la PESD.

Les instruments de formulation de cette politique sont les stratégies communes, les actions communes et les positions communes. Les stratégies communes sont mises en _uvre par l'Union « dans des domaines où les Etats membres ont des intérêts communs importants. » Eu égard à leur importance, les stratégies communes sont de la compétence du Conseil européen et sont décidées à l'unanimité. Le traité prévoit aussi que les stratégies communes « précisent leurs objectifs, leur durée et les moyens que devront fournir l'Union et les Etats membres ». Les actions communes et les positions communes sont les outils de mise en _uvre des stratégies communes. Elles sont décidées par le Conseil de l'Union européenne à la majorité.

Si l'Union européenne ne s'est pas dotée d'une défense commune, elle s'est cependant attribuée le droit de mener des opérations militaires communes pour des missions de maintien de la paix, d'imposition de la paix ou de rétablissement de la paix, connues aussi sous le nom de « missions de Petersberg ». Le traité d'Amsterdam a été établi un mécanisme permettant de mettre en _uvre les stratégies et actions communes dans ce nouveau domaine de compétence.

Le mécanisme de décision créé est tout à fait réaliste : en effet, si, aux termes de l'article 23 du traité sur l'Union européenne, les décisions créant les opérations doivent être prises à l'unanimité, les abstentions n'empêchent pas l'adoption de la décision. Par ailleurs, est introduit le mécanisme de « l'abstention constructive ». Un pays peut accompagner son abstention d'une déclaration formelle. « Dans ce cas », prévoit le traité, « il n'est pas tenu d'appliquer la décision, mais il accepte que la décision engage l'Union européenne ». Une telle décision peut être prise par les deux tiers des voies pondérées seulement.

Un tel mécanisme de décision devait s'accompagner de la constitution des organismes qui permettent l'information préalable à la décision, puis sa mise en _uvre. A l'exemple de l'OTAN, l'Union européenne devait donc se doter d'un secrétaire général chargé de la PESD, d'un comité politique, d'un comité militaire, et d'un état-major.

· Sur le premier point, le traité a attribué au secrétaire général du Conseil les fonctions de Haut Représentant pour la PESC (politique étrangère et de sécurité commune). Pour lui permettre d'assumer pleinement ces nouvelles tâches, il a créé auprès de lui, par une déclaration annexée à l'acte final, une unité de planification et d'alerte rapide (UPPAR). L'UPPAR a pour principales missions la rédaction de « documents d'option », directement utilisables par la présidence en exercice, le Conseil et le secrétaire général dans leur prise de décision, une fonction de suivi et une fonction d'analyse et de prévision.

· Les autres organes ont été définis par les Conseils européens de Cologne (juin 1999) et d'Helsinki (décembre 1999), et mis en place à partir de mars 2000. Les compétences du comité politique, dénommé comité politique et de sécurité (COPS), ont été intégrées par le traité de Nice, signé le 26 juin 2001, au sein de l'article 25 du traité sur l'Union européenne. Le COPS est, en quelque sorte, l'équivalent pour l'Union européenne des institutions que sont pour l'OTAN le Conseil de l'Atlantique Nord et le comité des plans de défense. Il est composé de quinze représentants nationaux de haut niveau (ambassadeurs), membres des représentations permanentes des Etats membres. Il est normalement présidé par la présidence de l'Union, mais peut aussi l'être, par exemple en cas de crise, et à l'exemple du Conseil de l'Atlantique Nord, par le secrétaire général.

Le rôle du COPS est central. De façon générale, il « suit la situation internationale dans les domaines relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, contribue à la définition des politiques, en émettant des avis à l'intention du Conseil, à la demande de celui-ci ou de sa propre initiative et surveille la mise en _uvre des politiques convenues ». Sous l'autorité du Conseil, il est investi de la responsabilité du développement des capacités militaires, en tenant compte de la nature des crises auxquelles l'Union européenne entend répondre.

En cas de crise, le COPS « exerce, sous la responsabilité du Conseil, le contrôle politique et la direction stratégique des opérations de gestion de crise ». Afin de préparer la réponse de l'Union européenne à la crise, il propose au Conseil des objectifs politiques à suivre, examine les options possibles et recommande au Conseil celles qui lui paraissent souhaitables, surveille la mise en _uvre des mesures décidées et en évalue les effets. Au cas où une réponse militaire à la crise est décidée, le COPS exerce également, sous l'autorité du Conseil, « le contrôle politique et la direction stratégique » de cette réponse. A cette fin, il évalue notamment, sur la base des avis et recommandations du comité militaire de l'Union européenne (CMUE), les éléments essentiels (chaîne de commandement, concept d'opération, plan d'opération) à soumettre au Conseil.

· Le comité militaire de l'Union européenne (CMUE) est l'organe militaire le plus élevé de l'Union européenne. A l'exemple du comité militaire de l'OTAN, il est composé des chefs d'état-major des armées, représentés par leurs délégués militaires (REPMIL). Son président, l'un des 15 chefs d'état-major, est élu par ses pairs et nommé pour trois ans par le Conseil. Les avis militaires du CMUE sont arrêtés sur la base du consensus.

Le comité militaire exerce la direction militaire de toutes les activités militaires dans le cadre de l'Union européenne. Il est chargé de fournir au COPS des recommandations et des avis militaires sur toutes les questions militaires au sein de l'Union européenne. En période de crise, il demande des options militaires stratégiques à l'état-major de l'Union européenne, les évalue et les transmet au COPS, en les assortissant de ses évaluations et de ses avis. Sur la base de l'option retenue par le Conseil, il autorise l'élaboration d'une directive générale de planification à l'attention du commandant d'opération (COPER). En cours d'opération, il surveille et suit la bonne exécution des opérations militaires menées sous la responsabilité du COPER.

· L'état-major de l'Union européenne est composé de 135 experts militaires, dont 105 officiers, détachés des Etats membres. Son chef, directement rattaché au secrétaire général, a le titre de directeur général. Il élabore les options militaires stratégiques nécessaires à la formulation des avis militaires du comité militaire et du COPS et met ensuite en _uvre les politiques et décisions du Conseil selon les directives du comité militaire, sous l'autorité duquel, à l'exemple de l'état-major international de l'OTAN, il est placé.

Ses fonctions opérationnelles principales en cas de crise sont l'alerte, l'évaluation des situations et, si une action militaire est décidée, la planification stratégique de celle-ci, y compris l'identification des forces européennes, nationales et multinationales. Une fois l'opération lancée, il en suit en permanence tous les aspects militaires et effectue des analyses stratégiques en liaison avec le COPER, afin de fournir de nouvelles options au comité militaire.

Une fois les mécanismes et instances de décision mis en place, encore faut-il disposer de forces pour mettre en _uvre les décisions prises. A Helsinki, les 10 et 11 décembre 1999, les Quinze s'étaient engagés à « être en mesure, d'ici 2003, de déployer dans un délai de 60 jours et de soutenir pendant au moins une année des forces militaires pouvant atteindre 50 000 à 60 000 personnes », « dans le cadre d'opérations dirigées par l'Union européenne ». Cet « objectif global » a pour but de permettre à l'Union d'assurer l'ensemble des missions consenties dans le cadre du traité d'Amsterdam.

À cette fin, ont été tenues, le 20 novembre 2000, à Bruxelles, une conférence d'engagement des capacités et, le 19 novembre 2001, à Laeken, une conférence d'amélioration des capacités. Ces conférences ont permis d'identifier dans un « catalogue de capacités » les capacités militaires nécessaires à la mise en _uvre de l'objectif d'Helsinki, puis de récapituler dans un « catalogue de forces » les contributions qu'accepteraient de mettre à disposition les Etats membres. Ce catalogue constitue un potentiel de 100 000 hommes, 400 avions de combat, 100 bâtiments, et comprend des contributions additionnelles des Etats tiers.

La France fournit 20 % environ de l'objectif global, 12 000 militaires, une centaine d'avions de combat, 12 bâtiments. Au-delà de l'aspect quantitatif, la qualité et la cohérence des forces mises à disposition lui permettent de prétendre à un rôle de « nation-cadre » en cas d'opération commune. Au contraire de bien d'autres Etats membres, elle dispose en effet de moyens de commandement, de renseignement et de frappe indispensables à la conduite d'une opération importante. Sa participation à une opération pourra ainsi prendre la forme d'un PC de commandement avec son état-major, d'un centre de commandement aérien, d'un Awacs, d'un PC mer embarqué, d'avions de reconnaissance stratégique (4 sur les 9 demandés par le catalogue de capacités) de bataillons d'infanterie aéromobile, d'un groupe aéronaval.

Les forces autrefois mises en place dans un cadre institutionnel pour renforcer l'UEO sont également inscrites à titre national au catalogue des forces. En font partie le corps européen, qui va devenir corps de réaction rapide de l'Union européenne, rassemble 60 000 militaires français, allemands, espagnols et luxembourgeois, et comporte un état-major de 948 personnes, ainsi que les « euroforces » créées par la France, l'Espagne, l'Italie et le Portugal (l'Eurofor terrestre et l'Euromarfor maritime).

Le volume et la qualité des contributions ont permis au Conseil européen de Laeken de conclure par une « déclaration d'opérationnalité » de la politique européenne commune de sécurité et de défense.

Cette constatation n'a cependant pas empêché de repérer des lacunes ou insuffisances entre forces disponibles et capacités souhaitées. Ces lacunes concernent les moyens de commandement et de renseignement, le transport aérien et maritime, les hélicoptères d'attaque. Pour y remédier, les quinze pays membres de l'Union européenne ont engagé un plan d'action. Ce plan d'action européen sur les capacités (PAEC ou ECAP) a été lancé le 11 février 2002 à Bruxelles. Désormais, 18 groupes couvrent, totalement ou partiellement, 24 des 40 domaines déficitaires par rapport à l'objectif global. La France pilote quatre groupes et participe à tous les autres. Les groupes ont pour mission, chacun pour la capacité dont il a la charge, d'affiner l'expression d'un besoin opérationnel commun, de recenser les moyens existants et les projets en cours, d'identifier les collaborations potentielles, de lancer ou d'étendre des coopérations sur des programmes futurs et enfin d'imaginer toute autre forme de solution commune, quantitative ou qualitative, susceptible de combler le déficit capacitaire constaté. Les groupes doivent rendre leurs rapports sur les différentes capacités à partir de septembre 2002.

La PESD désormais opérationnelle, l'Europe a vocation à décider et conduire des missions dans le spectre de Petersberg.

Par l'action commune 210/02/PESC, l'Union européenne a décidé le 11 mars 2002 de créer une mission de police de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine à partir du 1er janvier 2003, pour prendre la suite du groupe international de police (GIP), la mission de police déployée sous l'égide des Nations Unies jusqu'au 31 décembre 2002. Elle sera la première opération politique européenne de sécurité et de défense de l'Union en tant que telle. Cette mission comportera 476 policiers et gendarmes, non armés, chargés d'aider la Bosnie-Herzégovine à établir des dispositifs de police durables, conformément aux meilleures pratiques européennes et internationales.

Cependant, des missions de plus haute intensité militaire sont recherchées. Les Conseils européens de Barcelone (15-16 mars 2002) et de Séville (21-22 juin 2002) ont exprimé la volonté que l'Union européenne assure la relève de l'OTAN en Macédoine.

Cette mission, qui de l'avis général est tout à fait à la portée de l'Union européenne, butte cependant sur le point sensible des relations avec l'OTAN. En effet, il a été admis entre l'Union européenne et l'OTAN que l'Union européenne interviendrait « là où l'Alliance en tant que telle n'est pas engagée », formule qui prend acte de la non-duplication inutile avec les opérations conduites par l'OTAN, sans accorder de droit de premier refus à cette dernière. Par ailleurs, les pays européens, en accord avec les décisions du sommet de Washington de l'Alliance atlantique en avril 1999, sont aussi convenus entre eux que pour la conduite d'opérations de gestion de crise, deux voies seraient possibles. Le première est le recours à des moyens uniquement européens ; dans ce cas l'opération est planifiée et commandée par l'état-major d'un Etat membre disposant de ces capacités, actuellement la France ou le Royaume-Uni, et prochainement l'Allemagne. La seconde est le recours aux moyens de l'OTAN. Dans ce cas, l'opération serait planifiée et exécutée par des états-majors de l'OTAN et commandée par l'adjoint européen du SACEUR. Certains moyens collectifs (avions de reconnaissance Awacs notamment) seraient aussi utilisés. Cette seconde voie est celle des dispositions dites « Berlin plus ».

Certains pays de l'Union européenne, craignant le relâchement du lien atlantique, ne veulent pas que l'Union européenne conduise des actions autonomes avant d'avoir conclu un accord avec l'OTAN sur le recours aux moyens de celle-ci. Techniquement, cet accord serait facile à élaborer. Mais la Turquie, incluse jusqu'ici dans le processus décisionnel de l'UEO, refuse d'en permettre la conclusion, sauf à se voir attribuer dans le processus décisionnel de la PESD le même rôle qu'à l'UEO.

Tant que le blocage perdure, il interdit tout contact entre l'état-major de l'Union européenne et les états-majors de l'OTAN pour la planification militaire de cette opération.

Le développement des instruments de la PESD amène à examiner les modalités de financement et les coûts de la politique étrangère et de sécurité à laquelle la France est associée dans le cadre de l'Union européenne.

Aux termes de l'article 28 du traité sur l'Union européenne, les dépenses, tant administratives qu'opérationnelles, entraînées par la PESD sont, sauf décision prise à l'unanimité du Conseil, à la charge du budget des Communautés européennes, à l'exception notable des dépenses opérationnelles ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. En conséquence, les dépenses engendrées par le fonctionnement des structures militaires de l'Union, comme le comité militaire ou l'état-major de l'Union européenne, sont inscrites au budget administratif du Conseil de l'Union européenne.

En revanche, sauf à ce que le Conseil en décide autrement à l'unanimité, les engagements de forces d'interposition ou de rétablissement de la paix seront à la charge des Etats prestataires. Cette disposition est du reste cohérente avec la procédure de l'abstention constructive, les Etats qui s'abstiendraient n'étant pas tenus de participer au financement d'une opération à laquelle ils ne veulent pas participer. La règle est identique à l'OTAN.

Une première application a été faite avec la reprise par l'Union européenne, sous forme d'action commune, de l'EUMM, la mission européenne de surveillance et de médiation de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine, qui avait été créée par certains Etats membres et était financée par eux. Les coûts de fonctionnement opérationnel de la mission (fonctionnement, personnel local, personnel au sol international) seront financés par le budget communautaire, à hauteur de 20 millions d'euros. En cas de dépassement, le Conseil statuera. En revanche, les indemnités journalières et les frais de voyage des personnels de la mission (18 millions d'euros prévus) sont versés à la mission par les Etats membres dont ceux-ci sont ressortissants.

Les actions de la PESD constituent la sous-section B-8 du budget général des Communautés européennes. En exécution, il est constaté une relative stabilité de la dépense depuis 1998, autour de 30 millions d'euros. Le Parlement européen a eu tendance à limiter le montant des crédits votés. Eu égard aux développements de la PESD, la France cherche avec ses partenaires du Conseil à augmenter les dotations prévues initialement dans l'avant-projet de budget général présenté par la Commission européenne, pour porter le total de la sous-section B8 à 48 millions d'euros pour 2003, ce qui permettrait une meilleure prise en considération commune de nouvelles charges, notamment de celles entraînées par la mission de police de l'Union en Bosnie-Herzégovine ou par des actions d'assistance technique aux pays tiers en matière de lutte contre le terrorisme. L'accord du Conseil en première lecture est cependant soumis à un accord global avec le Parlement européen.

Le budget de la PESC

Titre chapitre

Intitulé

Exécution 2001

Crédits 2002

Crédits 2003

B8-0

PESC

Engagements

Paiements

Engagements

Paiements

Engagements

Paiements

B8-010

Prévention des conflits et gestion de crise

9,2

5,4

8

9

6,5

10

B8-011

Non prolifération et désarmement

2,8

9,4

8

10

7

10,5

B8-012

Résolution des conflits, vérification, soutien au processus de paix et stabilisation

18

11,2

8

10,3

22

25

B8-014

Action d'urgence

0,01

0,9

5,3

5

4

2

B8-015

Actions préparatoires et de suvi

0,2

0,4

0,7

0,7

0,5

0,5

TOTAL

30,21

27,3

30

35

40

48

(Source : Avant-projet de budget général pour 2003 présenté par la Commission européenne).

L'EUMM constitue l'essentiel de la ligne B8-010. La ligne B8-011 sert à financer un certain nombre d'actions de l'Union en matière de non-prolifération et de désarmement, de lutte contre l'accumulation d'armes légères et de petit calibre et de déminage. La mission de l'Union en Bosnie-Herzégovine sera imputée sur la ligne B8-012 qui sert aujourd'hui à financer notamment les actions d'appui au processus de paix au Proche Orient.

Quiconque découvrirait l'OTAN aujourd'hui aurait sans doute du mal à se représenter ce qu'était l'organisation il y a encore une dizaine d'années. Face au bloc communiste du Pacte de Varsovie, l'Alliance atlantique réunissait les Etats-Unis, le Canada et les pays d'Europe de l'ouest. Pour mettre en _uvre le pacte militaire défensif qu'ils avaient conclu, une organisation militaire intégrée avait été mise en place. La France s'en était retirée, préférant confier sa sécurité ultime à sa force de dissuasion nucléaire.

La menace soviétique ayant désormais disparu, l'OTAN attire à elle l'ensemble des pays d'Europe de l'est, pour faire face dans des conditions peu claires à une menace mal définie. La compétence militaire de l'OTAN, qui lui permet de gérer avec succès les crises ouvertes des zones de faille en Europe, tout particulièrement en ex-Yougoslavie, reste cependant entière.

Afin d'adapter l'Alliance aux évolutions de l'environnement géopolitique et stratégique, un nouveau concept stratégique a été adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement lors du sommet de l'OTAN de Washington en avril 1999.

Le concept stratégique réaffirme tout d'abord les missions traditionnelles de l'OTAN. La vocation de l'OTAN demeure la défense collective, la sauvegarde de la liberté, de la paix et de la sécurité de tous ses membres par des moyens politiques et militaires. C'est le rappel des dispositions de l'article 5 du traité de Washington, fondement de la défense collective. Dans ce cadre, l'Alliance doit « fournir une des bases indispensables à un environnement de sécurité euro-atlantique stable ». L'OTAN doit aussi remplir une fonction consultative, en servant « d'enceinte transatlantique essentielle où les Alliés puissent se consulter sur toute question affectant leurs intérêts vitaux ».

Au-delà de ce rappel, le concept stratégique fixe de nouveaux axes d'action à l'OTAN pour assurer et renforcer la sécurité et la stabilité de la région euro-atlantique. Tout d'abord, prenant acte du rôle clé qu'a tenu l'OTAN dans la gestion de la crise bosniaque, le concept stratégique précise que l'Alliance doit s'efforcer de « contribuer à la prévention efficace des conflits et s'engager activement dans la gestion des crises, y compris des opérations de réponse aux crises ». Les missions « non article 5 » deviennent un des éléments essentiels de la nouvelle architecture de l'Alliance.

Ensuite, une dimension de « partenariat et coopération » est développée par le concept stratégique. Il s'agit d'abord du partenariat pour la paix (PPP) et du conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA), mis en _uvre avec les pays d'Europe de l'est. Le concept stratégique de 1999 affirme aussi qu'un partenariat fort, stable et durable de l'OTAN avec la Russie, conformément à l'Acte fondateur OTAN-Russie, serait essentiel au renforcement de la stabilité dans la zone euro-atlantique. L'importance pour l'OTAN des pays de la Méditerranée est également soulignée.

Le nouveau concept stratégique admet le développement, au sein de l'Alliance, d'une identité européenne de sécurité et de défense (IESD). Il est ainsi prévu l'accès de l'Union européenne à des capacités de planification de l'OTAN, une présomption de disponibilité au profit de l'Union européenne de capacités et de moyens communs de l'OTAN pré-identifiés, une identification d'une série d'options de commandement européen pour des opérations dirigées par l'Union européenne et utilisant des moyens de l'OTAN.

Pour la sécurité commune, le nouveau concept stratégique mentionne de nouvelles menaces, telles que le terrorisme ou la prolifération des armes de destruction massive.

Enfin, preuve sans doute que les décisions à l'OTAN résultent bien d'un consensus, l'article 10 souligne la volonté des Alliés de respecter la Charte des Nations Unies, et donc la nécessité d'inscrire les actions militaires dans le cadre de cette charte, notamment des résolutions du Conseil de sécurité.

La mise en _uvre depuis trois ans du nouveau concept stratégique ne manque pas de laisser perplexe. L'application de la garantie de l'article 5 aux nouvelles menaces comme le terrorisme aurait dû connaître une mise en _uvre spectaculaire après les attentats du 11 septembre 2001. Or, les Etats-Unis ont décliné les offres faites par l'OTAN et préféré répondre seuls, acceptant toutefois l'appui militaire de deux alliés, la France et le Royaume-Uni. Ceux-ci ont pu à cette occasion s'apercevoir que certains équipements américains (les transmissions des forces spéciales) étaient incompatibles avec les équipements aux normes de l'OTAN.

La réorganisation du dispositif intégré de l'OTAN pour l'intervention rapide en zone d'ouverture de crise est modérément probante. La France, pays non membre de l'organisation intégrée, a pu tenir pendant les opérations au Kosovo un rôle important sans que cela pose de difficultés opérationnelles. La mise en place des Groupes de Forces Interarmées Multinationales (GFIM), c'est-à-dire d'états-majors destinés à conduire ces actions, n'est pas encore effective. De façon générale, la réforme des structures militaires, destinée à permettre la conduite simultanée de deux opérations de réponse à des crises ne relevant pas de l'article 5 et une opération de défense collective d'échelle limitée, a fait apparaître des difficultés. Le chantier de la réforme du commandement a été rouvert. La liaison opérationnelle avec les forces de l'Union européenne ne s'est pas engagée, du fait du veto turc.

Cette situation militaire contraste avec le développement rapide des capacités de l'Union européenne. Le Royaume-Uni dispose d'un état-major parfaitement capable de conduire en Europe des opérations d'ampleur. Avec l'inauguration récente du nouveau CPCO (centre de planification et de conduite des opérations), par regroupement des moyens du COIA (centre opérationnel interarmées) et de l'EMIA (état-major interarmées de planification opérationnelle), la France se dote également d'un instrument qu'on peut définir comme un GFIM ne relevant pas de l'OTAN. En Macédoine, c'est la situation au sein de l'OTAN qui empêche la prise de responsabilité de la mission par l'Union européenne.

En revanche, sur le plan diplomatique et politique, l'OTAN progresse de façon importante dans la réalisation des objectifs de sécurité euro-atlantique définis par le concept stratégique. L'Alliance s'étend progressivement à l'ensemble de l'Europe. Après l'accession de la République tchèque, de la Pologne et de la Hongrie, un nouvel élargissement devrait être proposé lors du sommet de Prague les 21 et 22 novembre prochains. Neuf pays sont candidats : la Slovénie, la Roumanie, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Macédoine et l'Albanie. Sept pourraient être agréés.

Cependant, cet élargissement est exclusivement politique et non pas militaire. Lors du précédent élargissement, des études avaient été réalisées sur le coût pour les membres de la mise à niveau des équipements militaires des nouveaux entrants. L'expérience a montré qu'on s'est fort bien passé jusqu'ici de cette mise à niveau. Pour l'élargissement à venir, la question n'est même pas posée. On sait que les forces des nouveaux entrants ne sont pas aux standards minimaux de l'organisation. On admet donc que les nouveaux entrants adhèrent sans aucun potentiel opérationnel, et que cela n'a aucune importance.

C'est sans doute aussi pour ce motif que cet élargissement s'effectue dans le cadre de relations améliorées avec la Russie. Le 28 mai 2002 à Rome, le Conseil conjoint permanent OTAN-Russie a été remplacé par le Conseil OTAN-Russie. Il s'agit d'une novation importante. Alors que les mécanismes du système précédent reposaient sur la pré-coordination entre Alliés, la nouvelle structure réunit 20 partenaires égaux pour traiter de thèmes d'intérêt commun. Il existe aussi un partenariat et un dialogue spécifiques entre l'OTAN et l'Ukraine.

L'OTAN dispose de trois budgets : le budget civil, dont la cotisation française figure au chapitre 42-31 du budget des affaires étrangères, le budget militaire et le budget d'investissement. Compte tenu des investissements limités dus à l'élargissement, ces budgets évoluent peu.

Le plafond des ressources allouées en 2003 au budget civil de l'OTAN est de 176 millions d'euros. Il est en hausse de 4 %, du fait de dépenses supplémentaires à prévoir pour l'accueil de nouvelles délégations et de dépenses de sécurité à effectuer après les attentats du 11 septembre. La quote-part française est de 15,35 %. Elle devrait cependant diminuer après l'élargissement. Sur les bases actuelles, la cotisation serait de 26 millions d'euros, contre 25,29 en 2002.

Le budget militaire, qui recouvre les coûts de fonctionnement militaire, devrait être en 2003 de 872,4 millions d'euros, contre 830 en 2002. La France, qui n'appartient pas à l'organisation intégrée, ne participe pas à toutes les dépenses. De ce fait, alors que, lorsqu'elle contribue à une dépense de fonctionnement, sa quote-part est de 15,25 %, elle ne finance que 5,03 % de ce budget. Il est inscrit pour la cotisation française 41,4 millions d'euros à l'article 65 du chapitre 36-01 du budget du ministère de la défense.

Le budget d'investissement devrait être de 709,7 millions d'euros. La participation des Alliés aux différents équipements s'effectue sur une base ad hoc. En pratique, ils participent aux frais des installations qu'ils utilisent, selon des clés de partage de coûts fixées en fonction des parties prenantes à la réalisation de l'équipement. Ainsi la participation de la France va de 12,9044 % pour des équipements financés à 19 à 13,3436 % pour des équipements réalisés à 15. La contribution de la France, imputée au chapitre 54-41, article 63, du budget de la défense, est de 36,8 millions d'euros en 2003.

Au total, la cotisation de la France aux budgets de l'OTAN sera en 2003, avant élargissement, de 105,2 millions d'euros, plus qu'en 2002, mais un peu moins qu'en 2001.

contributions de la France à l'OTAN

(en millions d'euros)

 

1999

2000

2001

2002

2003*

Budget civil (Affaires étrangères, chapitre 42-31)

23,17

23,14

23,79

25,29

27,0

Budgets militaires

dont :

78,5

75,4

81,5

64,5

78,2

- budget militaire (Défense, chapitre 36-01)

39,8

38,7

36,4

36,4

41,4

- budget d'investissement (Défense, chapitre 54-41)

38,7

36,7

45,1

28,1

36,8

Total

101,67

98,54

105,29

89,79

105,2

*Prévisions

(Sources : ministère des affaires étrangères et ministère de la défense).

Les tâtonnements militaires actuels de l'OTAN ne doivent pas faire oublier son exceptionnel rôle de sécurisation et de stabilisation en Europe, à travers l'impact politique de l'élargissement et l'action militaire de l'organisation, en ex-Yougoslavie notamment. La cotisation de la France à l'OTAN mérite donc pleinement d'être approuvée.

Au terme de sa reconfiguration désormais achevée, le rôle de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) se résume à quelques éléments. L'article V du traité de Bruxelles modifié, qui, mis en _uvre à travers l'OTAN, continue à incarner l'engagement de solidarité qui lie tous les Etats membres de l'UEO ; l'Assemblée parlementaire de l'UEO qui, en application de l'article IX du traité, conserve sa fonction de dialogue et d'échange entre les parlementaires européens des 28 pays sur les questions de sécurité de défense ; le Groupement d'Armement de l'Europe Occidentale (GAEO), forum et enceinte informelle à 19 en matière d'armement, dont la présidence est assurée pour deux ans indépendamment de celle de l'UEO ; un Conseil permanent qui se réunira une fois par an et un secrétariat aux effectifs réduits (25 personnes à terme).

Les fonctions que remplissent ces dispositions et institutions trouveront sans doute un jour leur équivalent au sein de l'Union européenne : la défense commune, le contrôle parlementaire de la PESD, l'Europe de l'armement sont des questions en devenir. C'est sans doute parce que des équivalents n'existent pas encore clairement qu'elles subsistent au sein de l'UEO.

Le budget de l'UEO, qui oscillait entre 32,5 et 34,5 millions d'euros depuis 1997, n'a plus été en 2002 que de 20,26 millions d'euros, pensions comprises, dont 6,97 millions d'euros pour l'Assemblée. La France contribue pour 16,75 % à ce budget, comme le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie. Sa contribution, via le chapitre 42-31 du budget des affaires étrangères, s'est limitée à 3,39 millions d'euros. Elle devrait être du même ordre en 2003.

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) présente un caractère tout à fait unique puisque, avec 55 membres, elle regroupe tous les pays du continent européen, et même au-delà, les pays issus de l'ex-URSS en faisant tous partie, ainsi que les Etats-Unis et le Canada.

De par son passé, l'OSCE a été jusqu'ici l'enceinte de consultation et de développement de la confiance entre ses membres, qu'elle réunit sur un pied d'égalité. Elle a été l'instance d'adoption de traités importants. Ainsi, au sommet de l'OSCE d'Istanbul les 18 et 19 novembre 1999, avaient été adoptées l'adaptation du traité sur les forces conventionnelles en Europe (traité FCE), en négociation depuis décembre 1996, ainsi que la charte de sécurité européenne.

L'OSCE a aussi développé une fonction de diplomatie préventive et de surveillance d'élections. Ses missions à l'étranger sont actuellement déployées dans le sud-est de l'Europe, au Kosovo, en Macédoine, en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, en Albanie, ainsi que dans des pays de l'ex-URSS, Lettonie, Estonie, Moldavie, Ukraine, Biélorussie, Géorgie, Tadjikistan, Russie (Tchétchénie) et au Haut-Karabakh. Si les effectifs de ces missions sont en général limités, entre 5 et 15 personnes, certaines missions sont très nombreuses. En ex-Yougoslavie, l'OSCE entretient trois missions très importantes, en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo (550 personnes environ), en Macédoine (180 personnes), tandis qu'en Croatie, la normalisation de la situation a permis la réduction de la mission à 70 personnes environ.

Eu égard au développement des missions de l'OSCE, le budget total de l'organisation a littéralement explosé entre 1995 et 2000, passant de 19,8 millions d'euros à 198,18 millions d'euros, soit une multiplication par près de dix en cinq ans. Il s'est désormais stabilisé, avec 187 millions d'euros en 2002, légèrement supérieur au budget civil de l'OTAN ou à celui du Conseil de l'Europe.

La quote-part de la France au budget de l'OSCE est de 9,1 % pour le budget ordinaire et de 10,34 % pour les « opérations d'envergure », c'est-à-dire les importantes missions précitées. En 2001, elle aura contribué au budget de l'OSCE à hauteur de 19,91 millions d'euros, et en 2002, de 18,46 millions d'euros. Les quotes-parts de la France sont inscrites au chapitre 42-31 du budget des affaires étrangères. Le rôle de l'OSCE, en ex-Yougoslavie notamment, les justifie pleinement.

III. - UNE POLITIQUE DE COOPÉRATION MILITAIRE ET DE DÉFENSE DÉROUTANTE

La coopération militaire et de défense est le troisième aspect de l'action du ministère des affaires étrangères à faire l'objet de l'attention de la commission de la défense nationale et des forces armées. Sa conduite au ministère des affaires étrangères présente une particularité : en matière d'action militaire de l'ONU, de politique européenne de défense, d'action au sein de l'OTAN, le ministère des affaires étrangères donne des impulsions, approuve des orientations, mais c'est le ministère de la défense qui fournit les forces et conduit les actions. En revanche, la coopération militaire et de défense est conduite directement au ministère des affaires étrangères, par une direction spécifique, la direction de la coopération militaire et de défense (DCMD), qui dispose d'un budget à cette fin, le chapitre 42-29.

Ce chapitre, doté de 103 millions d'euros en 2002, est organisé en cinq articles correspondant chacun à un moyen d'action de la DCMD. L'article 10, intitulé « coopération technique-aide en personnel » correspond aux rémunérations des coopérants militaires expatriés. En 2002, il représente plus de la moitié du chapitre, avec 57,8 millions d'euros. Il permet à la DCMD de rémunérer 392 coopérants militaires détachés auprès d'elle par le ministère de la défense et affectés à l'étranger pour une durée de deux ans. L'article 50, intitulé « appui aux coopérants militaires », offre à ceux-ci une autonomie sur place, leur permettant notamment de recruter des assistants locaux. C'est un petit article de 1,2 million d'euros, 1 % du chapitre, mais qui donne une souplesse appréciée.

L'article 40, intitulé « appui aux projets de coopération : matériels, services et entretien d'infrastructures », est doté en 2002 de 22,1 millions d'euros. Il représente un peu plus d'un cinquième du chapitre. Son objet est de permettre le financement des projets jugés intéressants par les chefs de mission militaire sur place ou par la DCMD à Paris. L'entretien des écoles militaires, la fourniture de matériel informatique et d'équipements divers sont les actions auxquelles il concourt. S'agissant du financement d'infrastructures plus lourdes (la construction de locaux, par exemple), il est relayé par un petit budget de subventions d'équipement inscrit à l'article 60 du chapitre 68-80, pour 1,22 million d'euros.

Le troisième levier d'action figure à l'article 20. Il s'agit de la formation des stagiaires étrangers. Y sont inscrits en 2002 22,1 millions d'euros, somme équivalente à l'article 40, afin de financer des formations pour des officiers et sous-officiers, formations qui peuvent être de longue durée (un cycle scolaire) comme de courte durée (un stage technique), en France, ou à l'étranger dans des écoles mises en place par la DCMD, les écoles nationales à vocation régionales (ENVR). L'article permet notamment de constituer des bourses, de payer des frais de transport, de logement ou de stage.

Enfin, l'article 60 finance des actions de coopération avec des organisations régionales. Il s'agit notamment des actions menées vers les pays d'Europe centrale et orientale dans le cadre du partenariat pour la paix et du conseil de partenariat euro-atlantique. Les montants inscrits sont modestes : un peu moins de 305 000 euros en 2002.

Les orientations et les modalités de la conduite de la coopération militaire et de défense ont été profondément réformées à la suite des décisions d'un conseil de défense tenu le 3 mars 1998. Le ministère des affaires étrangères a unifié au sein de la DCMD l'ensemble de cette coopération, autrefois dispersée entre lui-même et l'ancien ministère de la coopération, disparu depuis lors, du moins en tant qu'unité administrative autonome.

La commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale n'avait pas voulu que cette réforme lui reste étrangère. Outre l'examen budgétaire annuel, elle avait décidé l'élaboration d'un rapport d'information présenté en novembre 2001 (Bernard Cazeneuve : la coopération militaire et de défense : un outil de politique étrangère, rapport d'information n° 3394, Assemblée nationale, 11ème législature). Le document analyse les actions menées, leur situation vis-à-vis des accords de coopération et de défense (nombre d'entre eux y sont publiés pour la première fois), les difficultés éventuellement envisageables et l'articulation du travail de la DCMD et des actions de coopération conduites par le ministère de la défense. Le présent avis budgétaire ne saurait permettre de réexaminer l'ensemble des analyses et propositions formulées par un rapport d'information de ce type. Le rapporteur y fera donc régulièrement référence.

En application des nouvelles orientations, et munie de l'outil budgétaire ci-dessus décrit, la DCMD a entrepris de définir des axes d'action lui seraient propres. Le ministère de la défense dispose de son propre dispositif à l'étranger, formé d'une part du réseau des attachés de défense - qui sont aussi les supérieurs hiérarchiques des coopérants militaires, sous l'autorité de l'ambassadeur -, et d'autre part des forces prépositionnées dans le cadre des accords de défense. Les armées conduisent aussi des exercices internationaux bilatéraux ou multilatéraux.

La DCMD a concentré son expertise et son action sur « l'ingénierie de défense », la formation des cadres militaires, notamment celle des officiers, et l'apprentissage du français en milieu militaire. Elle a aussi entrepris de réorienter géographiquement l'action menée. En 1998, pour 634 postes de coopérants militaires, 555, soit 87,5 % se trouvaient en Afrique subsaharienne, 42 (6,6 %) au Maghreb (Maroc et Tunisie), 29 (4,6 %) au Moyen-Orient ou en Asie, et 8 (1,3 %) seulement en Europe. Aujourd'hui, pour 392 postes seulement, 305, soit 77,8 %, se trouvent en Afrique subsaharienne, 36 (9,2 %) en Tunisie ou au Maroc, 29 (7,4 %) au Moyen-Orient ou en Asie et 20, soit 15,1 %, en Europe. Deux postes ont été ouverts pour la première fois en Amérique du sud, l'un en Argentine et l'autre au Venezuela. Un redéploiement réel a donc eu lieu, malgré l'évolution à la baisse du nombre de postes ouverts, celui-ci ayant diminué des deux cinquièmes.

évolution des postes de coopérants militaires techniques (1)

 

2001

2002

 
 

Europe centrale, orientale et balkanique

 

Pologne

2

2

 

République tchèque

3

2

 

Slovaquie

1

1

 

Roumanie

9

8

 

Ukraine

1

1

 

Hongrie

3

2

 

Bulgarie

2

2

 

Croatie

1

1

 

Estonie

1

1

 

Sous-total

23

20

 
 

Maghreb

Maroc

29

27

 

Tunisie

10

9

 

Sous-total

39

36

 
 

Moyen-Orient et Asie

Liban

1

1

 

Jordanie

2

2

 

Arabie Saoudite

6

4

 

Emirats Arabes Unis

3

3

 

Qatar

5

4

 

Cambodge

14

15

 

Sous-total

31

29

 
 

Amérique

Venezuela

-

1

 

Argentine

-

1

 

Sous-total

-

2

 
 

(1) Au 31 décembre.

Afrique sub-saharienne

 

2001

2002

 

Angola

1

1

Bénin

17

18

Burkina-Faso

14

15

Cameroun

37

36

Centrafrique

17

14

Comores (1)

1

1

Congo

8

9

Côte d'Ivoire (2)

27

27

Djibouti

22

22

Ethiopie

1

1

Gabon

24

24

Guinée

13

10

Guinée Equatoriale

3

3

Madagascar

20

19

Malawi

1

1

Mali

17

18

Mauritanie (3)

-

-

Niger

16

16

Nigeria

1

-

Sénégal

25

25

Tchad

27

25

Togo

20

20

Sous-total

312

305

TOTAL GÉNÉRAL

405

392

 

(1) La coopération avec les Comores est suspendue, à l'exception du projet santé.

(2) La coopération avec la Côte d'Ivoire est suspendue, à l'exception des ENVR.
(3)
 La coopération avec la Mauritanie est suspendue, à l'initiative de la Mauritanie.
(Source : ministère des affaires étrangères)

La DCMD a entrepris de privilégier une coopération d'appui et de formation. La concentration de l'action sur la formation est tout à fait nette. Pour 2002, elle est retracée dans le tableau ci-après.

répartition des crédits du chapitre 42-29
consacrés à la formation (2002)

(en millions d'euros)

 

Formation militaire

Formation maintien de la paix

Formation maintien de l'ordre

Autres formations*

Total

Article 10

16,84

1,27

0,75

0,8

19,66

Article 20

13,74

0,08

0,14

2,1

16,06

Article 40

2,83

0,10

0,1

0,25

3,28

Total

33,41

1,45

0,99

3,15

39,00

* Autres formations : partenariat pour la paix et enseignement du français.

(Source : ministère des affaires étrangères)

Il apparaît que sont consacrés directement à la formation non seulement 16 millions d'euros de l'article 20, mais également le tiers des rémunérations des coopérants militaires, soit celles de 130 d'entre eux, et 3,28 millions d'euros à l'article 40. Ainsi, 38 % des crédits du chapitre 42-29 sont directement affectés à la formation, formation militaire d'abord, mais aussi formation au maintien de la paix et formation au maintien de l'ordre. Selon la DCMD elle-même, les efforts dans ces deux derniers domaines sont sous-estimés, seules ayant pu être pris en compte en France les formations effectuées à titre principal, à l'exclusion de modules inclus au sein de formations militaires, et, à l'étranger, les formations à titre principal effectuées dans les ENVR. C'est pourquoi on peut estimer que l'effort de formation représente plutôt 45 % que 38 % de l'effort budgétaire de la DCMD.

La formation représente désormais deux types d'actions. Le premier est l'organisation de formations de haut niveau en France. Il s'agit des formations de l'enseignement militaire supérieur, qui peuvent durer plusieurs années, mais aussi des stages techniques de spécialités pour les sous-officiers. Les formations des stagiaires étrangers peuvent être communes avec celles des officiers français. Cependant, pour répondre à une demande excédant les capacités d'accueil, des filières spécialisées, démarquées des filières françaises, ont été développées, comme le cours supérieur international de gendarmerie à Melun, le cours spécial de l'école de l'air à Salon-de-Provence ou le cours spécial de l'école navale à Lanvéoc-Poulmic.

Relève également des formations reçues en France l'organisation de sessions spécifiques de l'IHEDN. Chaque année, se tiennent le FICA (forum international du continent africain, pendant trois semaines), et la SICEB (session internationale Centre Europe, Etats baltes et balkaniques), pendant huit à dix jours. Ces sessions permettent aux militaires étrangers stagiaires à la fois de bénéficier de rencontres avec leurs homologues français et d'apprendre à se connaître entre eux, selon les méthodes éprouvées de l'IHEDN.

Hors apprentissage du français, transports et bourses d'études, le budget de la formation en France pour 2003 est de 13,2 millions d'euros, en baisse de près de 2 millions d'euros par rapport à 2002. Le nombre de stagiaires formés en 2002 est de 1684. La ventilation du coût des stages en France par région est la suivante :

répartition des stages de formation
en france en 2003

(en millions d'euros)

Afrique

7,24

54,85 %

Afrique du nord et Moyen Orient

1,63

12,36 %

Europe

2,32

17,57 %

Asie

1,65

12,50 %

Amérique

0,36

2,73 %

TOTAL

13,20

100,00 %

(Source : ministère des Affaires étrangères)

La souplesse du dispositif a permis une réorientation géographique plus affirmée que pour les coopérants militaires. Cette répartition ne doit cependant pas induire en erreur sur la répartition d'ensemble de l'effort de formation.

Il est apparu que dans bien des cas, la formation en France ne se justifiait pas. Tel est notamment le cas dans les spécialités où les armements mis en _uvre en France n'ont pas leur équivalent dans les armées d'appartenance des stagiaires étrangers. A partir de 1997, un réseau d'écoles nationales à vocation régionale (ENVR) a donc été mis en place. Il propose dans des écoles sous souveraineté des pays partenaires un enseignement de même qualité que celui dispensé dans les écoles françaises correspondantes, mais adapté aux réalités et moyens locaux. La coopération française définit les formations, détache des formateurs et assure une vérification régulière de la qualité de l'enseignement dispensé. Ces écoles accueillent des stagiaires d'autres pays que le pays où elles sont implantées. L'aire de recrutement est ainsi élargie et chacun de ces pays peut trouver, pour la formation de ses élites militaires, un cadre d'accueil d'un niveau supérieur à celui dont il pourrait bénéficier dans un cadre national, tout en disposant lui-même d'une ou de plusieurs de ces écoles, au sein desquelles c'est lui qui accueille des stagiaires étrangers.

Le réseau des ENVR arrive maintenant à maturité. Quinze ENVR fonctionnent en Afrique et une école d'application de gendarmerie ouvre en ce moment en Roumanie. Le rapport d'information précité recense les quinze ENVR africaines. Elles sont réparties entre la quasi-totalité des pays d'Afrique subsaharienne francophone et concernent la quasi-totalité des spécialités militaires. En 2003, deux écoles supplémentaires devraient être inaugurées, l'école de formation des infirmiers du service de santé au Niger et le centre de perfectionnement aux techniques de déminage et de dépollution au Bénin.

Au total, 975 stagiaires provenant de 24 pays auront été formés dans ces écoles en 2002, contre 864 stagiaires en 2001, 690 en 2000, 415 en 1999, 269 en 1998 et 193 en 1997. Du fait de l'ouverture des nouvelles écoles, le nombre de stagiaires devrait encore augmenter en 2003.

Le nombre de stages de formation offerts par la France en 2002 aura été de 2600 environ. L'effort de formation a donc été maintenu, voire accru, au cours de la réforme.

L'action en matière de maintien de la paix développée par la DCMD est la conséquence logique de la politique de la France à l'ONU et en Afrique. Pour que le DOMP puisse mener des opérations de maintien de la paix, il faut qu'il puisse disposer de forces. Si la France ne veut plus intervenir en Afrique, il faut que les forces d'intervention et de stabilisation puissent venir des pays africains eux-mêmes. Les armées africaines doivent donc être entraînées au maintien de la paix.

Cette politique a fait l'objet d'une approche globale sous le nom de programme RECAMP (Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix). L'action de la DCMD comporte comme dans les autres cas des actions de formation et de dotation en matériel.

La formation initiale individuelle au maintien de la paix repose sur l'ENVR de Zambakro, en Côte d'Ivoire. Ouverte en priorité aux cadres militaires des pays de la CEDEAO, elle dispense un enseignement reconnu par les Nations Unies et assuré par des instructeurs africains ayant servi lors de telles opérations sur le continent. Elle reçoit, à l'occasion de 10 stages par an, entre 150 et 200 stagiaires. Au 10 juin 2002, après 33 mois d'existence, 575 officiers de 38 pays différents y ont été formés. L'école est commandée par un officier ivoirien. Depuis la fin de l'année 2001, l'enseignement, pour l'ensemble des stages, peut être dispensé indifféremment en français ou en anglais. Un processus visant à lier le développement de l'école de Zambakro avec celui du centre international Kofi Annan pour la formation au maintien de la paix qui devrait ouvrir ses portes en 2003 à Accra au Ghana est également conduit. Il devrait permettre à l'école de Zambakro d'accéder à des financements américains, voire britanniques.

La direction de la coopération militaire et de défense, après avoir investi 2,4 millions d'euros en 1999 pour la création de l'école, finance 4 postes de coopérants militaires, dont celui de directeur des études, ainsi que le transport des stagiaires et une partie du fonctionnement courant. L'ensemble des crédits annuels du chapitre 42-29 consacrés à cette école se monte à près d'un million d'euros. Il reste que les événements en cours en Côte d'Ivoire ne favorisent pas la poursuite de l'expansion de l'école de Zambakro.

Le programme RECAMP comporte également des exercices de maintien de la paix. Ces exercices font l'objet d'abord d'une préparation diplomatique, et ensuite d'une action de terrain. Outre la DCMD, ils associent donc l'action de l'attaché de défense, chef de mission, et celle des forces prépositionnées, qui dépendent du ministère de la défense. L'entraînement vise à mettre des unités de pays africains d'une même sous-région en situation de participer à une opération intégrée et multilatérale de maintien de la paix. Un cycle d'entraînement dure deux ans et comprend trois phases : un séminaire diplomatico-militaire, un exercice d'état-major et un exercice de terrain avec les forces. Toutes les activités sont co-organisées par le pays hôte et la France, en liaison avec d'autres pays et organismes donateurs.

Le dernier exercice a été l'exercice RECAMP III Tanzanite, en Tanzanie, en février 2002. Il présentait plusieurs caractéristiques remarquables : il se déroulait en dehors de la zone d'influence traditionnelle de la France en Afrique, il était mené intégralement en langue anglaise et il impliquait un grand nombre de pays, soit 16 nations africaines participantes et 12 pays donateurs, contre respectivement 8 et 8 pour le précédent exercice au Gabon en 2000 et 8 et 4 pour le premier en 1998. Il a connu un grand succès. Un coopérant militaire a aussi été affecté sur place pour développer une coopération avec la Tanzanie à partir du suivi des actions bilatérales lancées pour l'exercice. Le prochain exercice RECAMP IV se déroulera dans les frontières de la CEDEAO et s'appuiera sur les structures de celle-ci.

Pour les exercices RECAMP, la France a aussi prépositionné, à Dakar, à Libreville et à Djibouti des matériels nécessaires à l'équipement de bataillons motorisés africains intervenant dans des opérations de maintien de la paix. Ce matériel, outre les exercices majeurs Guidimakha en 1998, Gabon 2000, et Tanzanite en 2002 a servi dans le cadre d'opérations réelles comme la MINURCA en République centrafricaine.

Les coûts des exercices RECAMP sont financés par l'état-major des armées. Néanmoins, la DCMD a consacré un budget de 762 245 euros en accompagnement de l'exercice RECAMP III Tanzanite.

L'existence de forces de sécurité intérieure à statut militaire opérationnelles et respectueuses de la loi est apparue comme un élément essentiel de l'aide que la France peut apporter à des pays partenaires pour le développement de leur sécurité intérieure et de l'Etat de droit. Ces forces sont de deux types, les gendarmeries, qui sont des forces de police administrative et judiciaire placées sous l'autorité des ministres de la défense, et les gardes nationales, qui sont des forces de police administrative dépendant des ministres de l'intérieur.

L'assistance apportée se manifeste de deux façons : la formation des hommes, au moyen des crédits des articles 10 et 20, et l'appui logistique, au moyen des crédits de l'article 40. Elle concerne l'ensemble des pays où est implantée une mission locale de coopération militaire et de défense. Elle mobilise en 2002 un peu plus du cinquième des dotations du chapitre 42-29 : 22,05 millions d'euros lui ont été consacrés, répartis entre 15,99 millions d'euros pour l'article 10 1,88  million d'euros pour l'article 20 et 4,18 millions d'euros pour l'article 40. Les crédits de l'article 20 se répartissent entre 1,63 million d'euros pour les formations en France et 0,25 pour celles à l'étranger, notamment dans les quatre ENVR consacrées aux tâches de gendarmerie, mobile et locale, et de police judiciaire.

Ainsi plus du quart des crédits consacrés aux rémunérations des coopérants concerne la gendarmerie. Un coopérant sur quatre est un gendarme, ou mène des actions de soutien à la gendarmerie. De même, un cinquième des crédits d'appui à des projets concerne celle-ci. Cette aide vaut bien sûr pour l'ensemble des types d'action de la DCMD, stages de formation, en France et à l'étranger, avec notamment le cours spécial de la gendarmerie en France, les quatre ENVR de gendarmerie et de police judiciaire africaines et la nouvelle ENVR de Bucarest, apprentissage du français, organisation ou réorganisation des forces et équipement des brigades, notamment en matériels de transmission.

On pourrait penser que, conduite selon les axes ci-dessus évoqués, la coopération militaire et de défense pourrait bénéficier d'une situation sans histoire. Tel n'est cependant pas le cas. L'analyse des crédits de la coopération militaire et de défense fait apparaître à quel point ce domaine n'est pas une priorité du ministère des affaires étrangères. Alors que les crédits d'ensemble du ministère s'accroissent de 13,34 %, passant de 3,63 milliards d'euros en 2002 à 4,11 milliards d'euros en 2003, les crédits du chapitre 42-29 diminuent de 10 milliards d'euros, soit à peu près de 10 %, passant de 103,5 millions d'euros à 93,5 millions d'euros. Cette situation vaut aussi pour les dépenses d'aide militaire en capital, qui figurent à l'article 60 du chapitre 68-80 et qui passent de 1,22 million d'euros à 850 000 euros, diminuant donc de 370 000 euros et de 30,33 %.

Cette diminution est d'autant plus sévère que, après trois années de statu quo, pendant lesquelles la DCMD a pu trouver ses marques et organiser ses méthodes, une première diminution de ses moyens l'avait déjà touchée en 2002. Les dotations du chapitre 42-29 étaient alors passées de 109,83 millions d'euros à 103,67 millions d'euros, soit une diminution de 5,5 % en euros courants.

Plus encore que la diminution globale, la répartition des diminutions entre les articles du chapitre 42-29 ne laisse pas d'inquiéter. La DCMD a voulu préserver la formation, son principal axe d'action. Les crédits de l'article 20 diminuent d'1 million d'euros et de 4,54 %. Il faut cependant souligner qu'en 2002, ils avaient déjà diminué de 7,79 %, passant de 23,97 millions d'euros à 22,11 millions d'euros.

Les crédits de l'article 10, consacrés à la rémunération des coopérants militaires, diminuent de 2,03 millions d'euros, passant de 57,85 à 55,83 millions d'euros. On pourrait penser que cette diminution, de 3,5 % seulement, est elle aussi un moindre mal et qu'ainsi la cohérence du réseau et des actions est préservée. L'absence de diminution à l'article 50, consacré à l'appui de ces coopérants expatriés, pourrait corroborer cette hypothèse. Cependant, la situation est moins simple. Les coopérants militaires sont mis à disposition par le ministère de la défense. Ils sont affectés pour deux ans dans leur pays de résidence. Si le dispositif d'ouverture et de fermeture des postes ainsi établi est souple dans la limite des conventions de mise à disposition conclues, il ne permet cependant pas une gestion brutale des affectations. Le caractère semble-t-il inopiné de l'arbitrage budgétaire en défaveur de la DCMD n'a donc pas permis d'effectuer des ajustements importants. De plus, la diminution des crédits fait suite à une diminution de 7,33 % de 2001 à 2002, les crédits passant de 62,43 millions d'euros à 57,85 millions d'euros.

En 2003, deux articles ont été particulièrement touchés. Les crédits de l'article 60, relatif aux actions de coopération avec les organisations régionales, avaient vocation à s'accroître avec la réorientation de la coopération militaire. En 2003, au contraire, ils passent de 304 898 euros à 185 214 euros, soit une diminution de près de 40 %. Les nouveaux projets ne devront pas être trop ambitieux. Surtout, les crédits d'appui en matériel aux projets de coopération passent de 22,03 millions d'euros à 15,18 millions d'euros. Ils diminuent de près de 7 millions d'euros et de 31,09 %. Ils supportent l'essentiel de la diminution.

coopération militaire et de défense
évolution des dotations

(en euros)

Libellé

Dotation
2002

Dotation
2003(1)

Evolution

en
valeur

%

Coopération technique.
Aide en personnel (art 10)

57 853 370

55 826 000

- 2 027 370

- 3,50 %

Formation des stagiaires étrangers (art. 20)

22 103 635

21 100 000

- 1 003 635

- 4,54 %

Appui aux projets de coopération : matériels, services et entretien d'infrastructures (art. 40)

22 031 497

15 182 186

- 6 849 311

- 31,09 %

Appui aux coopérants militaires (art. 50)

1 219 584

1 219 584

-

-

Coopération militaire et de défense avec les organisations régionales (art. 60)

304 898

185 214

- 119 684

- 39,25 %

TOTAL CHAPITRE 42-29

103 512 984

93 512 984

- 10 000 000

- 9,66 %

CHAPITRE 68-80

1 220 000

850 000

- 370 000

- 30,30 %

TOTAL GÉNÉRAL

104 732 984

94 362 984

- 10 370 000

- 9,90 %

 

(1)Projet de loi de finances.

(Source : ministère des affaires étrangères)

Par son ampleur et sa brutalité, du fait aussi qu'elle succède à une première diminution de 5,51 % en 2002, cette chute des crédits créée une situation sans précédent. En 2003, le tiers de l'aide aux projets disparaît. Or, les projets sont des projets pluriannuels. Des coopérants sont insérés dans leur conduite quotidienne. Si les crédits destinés à les mener à bien se tarissent, quelles actions vont pouvoir conduire ces coopérants ? En réalité, la situation à la DCMD est telle que, contrairement aux années précédentes, elle n'a pas été en mesure de présenter au rapporteur la répartition des crédits de l'article 40 par pays. Cette situation est logique. On peut penser qu'il faut un peu de temps à la DCMD avant de décider quels projets, lancés il y a un ou deux ans, vont devoir être supprimés ou mis en sommeil, et d'en traduire les conséquences sur le réseau des coopérants.

De fait, la DCMD va réduire ses effectifs à la relève de juillet 2003, à la fois par cohérence avec la suppression de certains projets et pour retrouver des marges d'action pour l'appui aux projets. 350 coopérants seulement devraient donc relever les 392 coopérants militaires actuels ; 42 postes, plus d'un poste sur dix, vont être supprimés.

Or, même en Afrique, les effectifs des missions de coopération sont désormais très raisonnables, sans comparaison avec ceux de la période de la coopération militaire de substitution : une vingtaine de postes pour les plus nombreuses, à l'exception du Cameroun où ils sont 36. Ces effectifs sont indispensables à une coopération quotidienne dans la formation des officiers et les projets d'équipement. Dès lors, non seulement le redéploiement géographique effectué en application des décisions du conseil de défense du 3 mars 1998 est remis en cause, mais la cohérence même des dispositifs existants dans les pays d'ancienne coopération, c'est-à-dire des pays africains, n'est plus garantie.

Cette situation est d'autant plus étonnante qu'un dispositif raisonnable de coopération militaire active est sans doute indispensable à la politique africaine de la France. La politique de non-intervention militaire de la France dans les affaires intérieures des pays francophones d'Afrique subsaharienne suppose, si la France veut que ceux-ci puissent maintenir leur ordre interne, une coopération militaire et de défense rationnelle. C'est du reste le sens même des exercices RECAMP.

Cette transformation du budget de la DCMD en chapitre réservoir pour la préservation des autres actions du ministère des affaires étrangères de la régulation budgétaire est ainsi en contradiction même avec la nouvelle politique de la France en Afrique. Elle ne peut qu'avoir des effets destructeurs sur la crédibilité de celle-ci. Elle est aussi d'autant plus étonnante qu'en application de la même politique, il est demandé au ministère de la défense d'organiser des actions de coopération régionales ou bilatérales. Les forces prépositionnées en Afrique, qui sont nombreuses et disposent de matériels importants, sont désormais invitées à conduire, sous l'autorité de l'attaché de défense, des actions de coopération. C'est ainsi que l'ensemble de l'exercice RECAMP III Tanzanite a été conduit et financé par le ministère de la défense.

Analysant les conséquences éventuelles d'une diminution excessive d'un budget de la coopération militaire qu'il sentait déjà fragile, M. Bernard Cazeneuve, dans son rapport d'information précité, s'interrogeait sur la façon dont elle pourrait être palliée. Face à la situation actuelle, les analyses formulées restent d'actualité.

Le temps est aujourd'hui venu pour le ministère des affaires étrangères de décider s'il veut garder la conduite de la coopération militaire et de défense. Si tel est le cas, il doit définir une politique, des objectifs et des moyens ; s'il ne le veut pas, la France ne pouvant se passer d'une coopération militaire opérationnelle, notamment dans les pays africains, celle-ci doit être transférée au ministère de la défense.

Comme il a déjà été indiqué, le ministère de la défense effectue déjà des actions de coopération, pour l'essentiel de coopération opérationnelle ou pour les exportations d'armement. Si le montant des crédits qui y sont affectés est difficile à identifier, on sait qu'il est considérable, de loin supérieur à ceux de la DCMD. Alors que l'effectif actuel des coopérants militaires n'est plus que de 392, et sera réduit à 350 à partir de la mi-2003, le ministère de la défense dispose d'un réseau de 477 postes à l'étranger, dont 370 sous l'autorité directe du chef d'état-major des armées. D'ores et déjà, les attachés de défense sont les chefs des missions locales de coopération militaire et de défense. Ce sont eux qui, selon les directives de la DCMD, définissent les projets susceptibles d'être aidés. Ils ont aussi autorité sur les forces prépositionnées pour les actions civilo-militaires qu'elles conduisent. Avec le dispositif dit des « commissions mixtes », le ministère de la défense dispose de méthodes de coopération éprouvées. Au niveau central, un dispositif d'impulsion et de contrôle, le comité international, a été créé en 1998 auprès du ministre.

Nul doute que si la décision politique de transférer la conduite de la coopération militaire au ministère de la défense était prise, celui-ci saurait la reprendre et l'organiser. Comme dans le cas des exportations d'armement, il ne resterait plus alors à créer que les mécanismes de contrôle politique du ministère des affaires étrangères. Un dispositif serait facile à trouver. M. Bernard Cazeneuve avait du reste élaboré plusieurs propositions en ce sens.

Une décision claire doit être prise. Il y va de la crédibilité de notre coopération militaire et de défense. La situation actuelle oblige le rapporteur, tout en s'en remettant à la sagesse de la commission de la défense nationale et des forces armées, à exprimer à titre personnel un avis défavorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères pour 2003.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Lamy, les crédits des affaires étrangères pour 2003, au cours de sa réunion du mercredi 23 octobre 2002.

Le rapporteur pour avis a indiqué que, tout en exprimant à titre personnel un avis défavorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères, il s'en remettait à la sagesse de la commission.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Yves Fromion a demandé si la diminution des crédits consacrés à la coopération militaire procédait réellement d'une volonté affichée du ministère des affaires étrangères ou si elle ne résultait pas plutôt d'une incapacité à utiliser ces crédits.

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a répondu que, paradoxalement, malgré la réforme de la coopération, ces crédits étaient devenus une variable d'ajustement et que la politique de coopération militaire ne faisait visiblement pas partie des priorités du ministère des affaires étrangères.

M. Michel Voisin a souhaité connaître l'évolution du nombre de stagiaires étrangers accueillis dans les écoles militaires françaises. Il a aussi fait remarquer la nécessité de tenir compte des crédits affectés aux man_uvres RECAMP (Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix) par le ministère de la défense pour faire un bilan du montant des crédits affectés à la coopération militaire, leur importance pouvant amener à nuancer les propos du rapporteur sur la baisse importante des crédits de la coopération militaire.

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a indiqué que le nombre des stagiaires étrangers était stable en France, mais qu'il était en hausse dans les écoles nationales à vocation régionale, implantées par la France dans les pays partenaires. Il a ensuite reconnu qu'il existait une certaine confusion sur le montant global des crédits de la coopération militaire, puisqu'il est impossible de connaître le volume des crédits du ministère de la défense qui lui sont consacrés, ceux-ci n'étant pas clairement identifiés et étant ventilés entre les différentes armées. L'action de coopération militaire et de défense des armées est très importante. Le dispositif des attachés de défense, les actions civilo-militaires, les forces prépositionnées y concourent. Si l'ensemble des opérations de coopération militaire devait revenir au ministère de la défense, il faudrait trouver un dispositif qui assure la cohérence avec les orientations et la conduite de la politique étrangère.

M. Michel Voisin a ensuite demandé des précisions sur l'évolution des dotations d'aide directe en matériel de la DCMD (direction de la coopération militaire et de défense).

M. François Lamy, rapporteur pour avis, a répondu que ces dotations étaient en baisse d'un tiers. Il a ensuite insisté sur la gravité de la situation créée pour la coopération militaire et de défense française par le projet de budget, qui aggravait une évolution engagée et qui n'était pas de nature à attirer à la DCMD les personnels dont elle avait besoin.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères pour 2003.

N° 0260 - 01 - Avis de M. François Lamy sur le projet de loi de finances pour 2003 - Affaires étrangères


- Cliquer ici pour retourner au sommaire général

- Cliquez ici pour retourner à la liste des rapports et avis budgétaires



© Assemblée nationale