N° 260

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2002.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2003 (n° 230)

TOME VIII

DÉFENSE

CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT

PAR M. François CORNUT-GENTILLE,

Député.

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Voir le numéro : 256 (annexe n° 40)

Pages

INTRODUCTION 5

I. -  UN EFFORT BUDGÉTAIRE SIGNIFICATIF QUI S'INSCRIT DANS LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 7

A. UNE INFLEXION NÉCESSAIRE POUR RATTRAPER DES RETARDS IMPORTANTS ET FAIRE FACE À UN CONTEXTE STRATÉGIQUE RENOUVELÉ 7

B. UNE AUGMENTATION BIENVENUE DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT DONT LA GESTION DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE 17

II. - LA POURSUITE DES GRANDS PROGRAMMES : RÉALISER LE MODÈLE D'ARMÉE 2015 29

A. UNE CAPACITÉ DE PUISSANCE RENFORCÉE 29

B. UNE MAÎTRISE AMÉLIORÉE DES DIFFÉRENTS MILIEUX 37

C. L'ACCROISSEMENT DES CAPACITÉS D'ACTION : DES PROGRAMMES MARQUANTS, MAIS LA PERSISTANCE D'INCERTITUDES 43

D. LE NÉCESSAIRE EFFORT BUDGÉTAIRE EN FAVEUR DE LA RECHERCHE : LA PRÉPARATION DE L'AVENIR EN JEU 48

CONCLUSION 51

TRAVAUX DE LA COMMISSION 53

I. -  AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF D'ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES, SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2003 53

II. -  EXAMEN DES CREDITS 61

INTRODUCTION

La loi de finances pour 2003 constitue la première annuité de la loi de programmation militaire pour 2003-2008, et représente à ce titre une épreuve de vérité.

Le projet de loi de programmation militaire adopté le 11 septembre dernier en conseil des ministres s'inscrit dans la réforme de notre outil de défense, lancée en 1996 à l'initiative du Président de la République, pour la réalisation d'un modèle d'armée 2015. La loi de programmation pour 1997-2002 a été la première étape de la mise en _uvre de ce modèle : elle a permis de mener à bien la professionnalisation de nos forces armées, d'engager la modernisation de nos équipements ainsi que de participer à la construction de l'Europe de la défense. Cependant, l'exécution de la loi de programmation s'est traduite par la perte d'environ une annuité de crédits d'équipements, ce qui a ralenti le rythme de modernisation des matériels et l'effort en matière de recherche et de technologie. Les crédits consacrés à l'équipement ont trop souvent été considérés comme une variable d'ajustement au sein du budget de la défense et, plus largement, au sein du budget tout entier.

L'année 2003 doit permettre de rompre avec la décroissance des moyens mis à la disposition des armées. Le Président de la République ainsi que le Gouvernement ont affirmé la volonté de replacer la défense au rang des priorités de la Nation. Lors de sa visite aux armées le 30 septembre 2002, le Président de la République a souligné que « le projet de loi de programmation militaire et le projet de loi de finances, récemment adoptés en Conseil des ministres, témoignent de notre volonté d'améliorer la sécurité de notre pays, de sa population et de son territoire, face aux risques nouveaux de toute nature, et permettront à la France d'asseoir sa crédibilité en Europe et sur la scène internationale ».

Cette inflexion est d'autant plus indispensable que le cadre international de notre politique de défense se transforme. L'Europe de la défense a pris une dimension nouvelle depuis les initiatives lancées par la France et ses partenaires européens. Les objectifs militaires d'une capacité européenne de gestion de crises ont été fixés en 1999 lors du Conseil Européen d'Helsinki et la France s'est engagée à fournir un cinquième de l'objectif global de capacités militaires et à assumer le cas échéant le rôle de nation-cadre. De plus, l'effort de défense français doit être apprécié à l'aune de celui de nos partenaires européens et, à ce titre, la comparaison avec le budget militaire du Royaume-Uni ne nous est guère favorable. Le renforcement de nos moyens militaires s'impose pour garantir la pérennité d'un partenariat équilibré.

Les dispositions du projet de loi de finances pour 2003 doivent être examinées au regard de ces objectifs. On ne peut que saluer le redressement significatif du budget de la défense, et plus particulièrement le fort accroissement, de l'ordre de 11 %, des moyens financiers consacrés à la modernisation et à l'entretien des équipements de nos forces armées. Le projet de budget pour 2003 est la manifestation tangible de la volonté de renforcer notre outil de défense.

Néanmoins, l'effort considérable engagé pour l'année 2003 n'aura de sens que s'il est maintenu tout au long de l'exécution de la loi de programmation militaire. De fait, les programmes d'armement sont réalisés sur de longues périodes et l'amélioration du maintien en condition opérationnelle des équipements majeurs des armées doit se poursuive pour obtenir des résultats significatifs et durables.

La présentation générale des crédits des titres V et VI, notamment dans une perspective comparative, sera suivie d'une analyse plus détaillée de l'effort budgétaire consacré aux différents systèmes de forces.

I. -  UN EFFORT BUDGÉTAIRE SIGNIFICATIF QUI S'INSCRIT DANS LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE

La loi de finances de 2003 constituera la première annuité de la loi de programmation militaire pour 2003-2008. Ce projet définit trois objectifs essentiels : le rétablissement de la disponibilité des matériels, la modernisation de l'équipement militaire et la consolidation de la professionnalisation. Les crédits des titres V et VI font l'objet d'un effort considérable. En moyenne, 14,84 milliards d'euros seront dépensés chaque année pour maintenir en état ou améliorer les capacités d'action de l'armée française. Le projet de loi de finances de 2003 s'inscrit dans cette perspective, avec une forte hausse des crédits d'équipement : ils s'élèvent à 13,65 milliards d'euros, en augmentation de 11,2 %.

Cette revalorisation significative met fin à une période d'érosion continue des crédits des titres V et VI qui n'a pas été sans incidence sur la défense française et sa position dans le monde. Dans une perspective comparative, on met souvent en exergue l'exemple du Royaume-Uni, dont le budget de défense et le format des armées sont proches de ceux de la France et dont les ambitions internationales sont relativement similaires. Or, le Royaume-Uni a maintenu son budget de défense depuis la chute du mur de Berlin, à la différence de la France : dès lors, on peut parler d'un véritable décrochage de la défense française. De plus, le Royaume-Uni a réalisé des réformes significatives au sein de ses forces armées, et il est possible d'en tirer d'intéressants enseignements.

Lors d'une allocution prononcée le 13 juillet 2002 au ministère de la défense, le Président de la République a souligné qu' « un redressement de l'effort de défense était indispensable si nous voulions garantir, dans un contexte troublé et mouvant, la sécurité de nos concitoyens et si nous voulions peser sur les choix internationaux qui affectent nos intérêts ». En effet, le contexte stratégique international a été profondément bouleversé depuis les attentats du 11 septembre 2001, ce qui nécessite une réflexion approfondie sur notre système de défense et une inflexion forte des crédits qui y sont affectés. De plus, la comparaison de notre budget de défense avec celui du Royaume-Uni permet d'identifier un net décrochage au cours des années 1990, qui doit être corrigé afin de garantir le maintien de la position de la France sur la scène internationale.

Les crédits d'équipement ont longtemps été utilisés comme une variable d'ajustement au sein du budget de la défense et, plus largement, au sein du budget général. Les modalités de régulation budgétaire ont conduit à une large remise en cause des dotations initiales, non seulement par le biais des annulations de crédits, mais aussi par la difficulté d'engager et de consommer les crédits ou par le jeu des reports en fin d'exercice.

Evolution des Autorisations de programme du titre V depuis 1995

(en millions d'euros courants)

   

Mouvements en cours de gestion

   

Gestions

Loi de finances initiale

Loi de finances rectificative

Annulations

Mouvements d'AP + AP art. 12

Fonds de concours

AP non affectées

Ressources à l'affectation

Affectations de la gestion

1995

14 473,37

0,00

- 3 322,26

- 1 273,46

143,23

9 267,89

19 288,77

12 602,56

1996

13 559,98

0,00

- 1 296,89

- 1 396,66

150,94

3 250,41

14 267,77

9 006,65

1997

13 522,99

0,00

- 1 526,01

- 1 132,94

104,17

5 248,35

16 216,56

10 044,78

1998

12 348,81

0,00

- 1 911,23

- 1 006,36

202,88

5 995,71

15 629,81

9 731,651

1999

13 110,61

0,00

- 27,44

- 1 133,83

215,81

5 898,16

18 063,31

13 937,05

2000

13 334,02

3 843,69

- 1 522,37

- 1 232,71

191,91

4 127,40

18 741,94

14 629,83

2001

12 915,99

3 614,87

- 78,75

- 1 257,35

248,52

4 112,11

19 555,39

14 478,09

2002 *

13 009,38

0,00

0,00

- 1 287,13

66,50

5 077,30

16 870,05

12 594,20

* Données au 31 juillet 2002.
Source : ministère de la défense.

Evolution des crédits de paiement du titre V depuis 1995

(en millions d'euros courants)

   

Mouvements en cours de gestion

   

Gestions

loi de finances initiale

loi de finances rectificative

Annulations

Mouvements de CP

Fonds de concours

Reports de crédits

Crédits ouverts

Dépenses réelles

1995

14 473,37

0,00

- 1813,02

- 1 509,47

237,01

1 733,30

13 121,18

11 392,46

1996

13 559,98

0,00

- 1 296,89

- 1 504,18

245,11

1 690,61

12 694,63

11 890,69

1997

13 522,99

0,00

- 763,77

- 1 118,49

172,63

803,93

12 617,30

11 585,10

1998

12 348,81

0,00

- 1 120,48

- 1 155,45

238,16

1 32,20

11 343,23

10 509,12

1999

13 110,61

n.c.

- 1 445,21

- 1 246,84

272,17

834,11

11 524,84

10 519,38

2000

12646,44

n.c.

- 971,57

- 1 297,80

248,69

1 011,65

11 637,41

10 688,96

2001

12 718,26

n.c.

- 926,29

- 1 207,41

304,55

948,47

11 839,11

10 825,11

2002 *

12 273,92

n.c.

0,00

- 1 175,08

104,24

1 013,99

12 217,07

6 431,41

* Données au 31 juillet 2002.
Source : ministère de la défense.

D'importantes mesures de régulation budgétaire affectant les crédits d'équipement ont été mises en _uvre en 1995 et 1996 : lors du lancement de la professionnalisation, les dotations du titre III constituaient une priorité et le contexte budgétaire contraint rendait les arbitrages indispensables. En revanche, les mesures de régulation ont ensuite été poursuivies après 1997, malgré le retour de la croissance. A titre d'exemple, de 1998 à 2001, les annulations de crédits de paiement ont été particulièrement importantes, oscillant entre 926 millions d'euros et 1,445 milliard d'euros.

Au total, l'écart entre les crédits d'équipement ouverts entre 1997 et 2002 et les crédits prévus par la loi de programmation militaire pour cette période représente une annuité complète de crédits des titres V et VI. En conséquence, les équipements des forces armées ont accusé au total une année de retard.

S'est ajoutée aux mesures de régulation budgétaire la pratique dite de « bourrage d'enveloppe », qui consiste à faire financer sur l'enveloppe des crédits d'équipement de la défense des dépenses qui n'y étaient pas prévues ou même qui en étaient expressément exclues. Les montants correspondant à cette pratique s'additionnent au cours du temps et finissent par devenir significatifs. Parmi les « bourrages d'enveloppe » caractérisés, on peut citer pour mémoire le budget civil de recherche et développement (BCRD), qui a représenté 823 millions d'euros détournés de l'enveloppe de programmation sur la période 1997-2002, ou le financement à deux reprises, en 1998 et 1999, des pertes subies par la direction des constructions navales (DCN) sur des contrats à l'exportation, pour un montant total de 200 millions d'euros.

Les mesures de régulation budgétaire et la pratique dite des « bourrages d'enveloppe » se sont traduites par des étalements de programmes. Ces derniers emportent deux conséquences néfastes.

D'une part, les commandes et les livraisons des équipements sont retardées et les forces armées ne disposent pas des matériels nécessaires : des creux capacitaires apparaissent. Lors de son audition par la commission de la défense sur le projet de loi de finances pour 2003 le 9 octobre 2002, l'amiral Jean-Louis Battet, chef d'état-major de la marine, a souligné que l'exécution du titre V avait été marquée par un déficit de 3 milliards d'euros pour la marine, soit l'équivalent d'une annuité. Il a donc fallu procéder à des réajustements du format des équipements en désarmant prématurément la frégate lance-missiles Duquesne ainsi que le porte-avions Foch et en retardant le programme de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG), les livraisons de Rafale, ainsi que l'entrée en service des frégates antiaériennes Horizon, ce qui a conduit aux premières vraies ruptures capacitaires de la marine.

Les déficits capacitaires rendent nécessaire une utilisation intensive de certains équipements spécifiques : par exemple, les hélicoptères Puma, Cougar et Gazelle ont été fortement sollicités, notamment lors des opérations extérieures. Cela se traduit par une usure plus rapide des matériels, et partant une diminution de leur taux de disponibilité. En fait, le suremploi des équipements est à la fois une cause et une conséquence de leur indisponibilité : un matériel usé nécessite plus d'entretien, et les appareils restant disponibles sont plus sollicités. Une sorte de cercle vicieux est alors enclenché, aboutissant à une dégradation des capacités opérationnelles des armées. Enfin, les décalages de programmes entraînent un vieillissement des matériels dont disposent les armées : leur disponibilité est en conséquence moindre que celle des matériels plus récents.

Un facteur supplémentaire a aggravé cette situation : les contraintes budgétaires ont fortement affecté les crédits destinés à l'entretien programmé des matériels. Il en a résulté une forte dégradation de la maintenance des équipements et une diminution importante des taux de disponibilité technique opérationnelle (DTO). Cette baisse a été particulièrement significative pour certaines catégories d'équipement, tels que les hélicoptères Puma ou Gazelle, et altère les capacités opérationnelles de nos forces armées.

D'autre part, les étalements de programmes se traduisent par un renchérissement des coûts des équipements. L'exemple du Rafale est significatif : les retards se sont accumulés tout au long de ce programme. En dix ans, la date du premier escadron opérationnel de l'armée de l'air a reculé de six ans, et les livraisons s'étalent jusqu'en 2020. Ces décalages successifs ont eu des conséquences financières importantes : le coût du développement a crû fortement en raison des adaptations continues liées à la durée du programme. Les étalements successifs ont fait perdre beaucoup de temps à l'exportation pour le Rafale. Il apparaît donc nettement que les étalements de programme ne conduisent qu'à des économies de court terme et se soldent inéluctablement par des dépassements très importants du devis global.

Enfin, la régulation budgétaire est lourde de conséquences pour les équipements des armées, mais aussi pour le moral des personnels militaires. Les retards dans la mise en _uvre des programmes et la dégradation des matériels affectent directement l'état d'esprit des militaires. Pour ces derniers, les équipements constituent leur environnement quotidien et leur outil de travail. L'utilisation de matériels vieillissants ou mal entretenus n'est guère valorisante, ce qui est dommageable à l'heure de la professionnalisation et des campagnes de recrutement de personnels militaires.

Les attentats du 11 septembre, dans la continuité des évolutions amorcées depuis l'effondrement de l'empire soviétique, ont parachevé une succession de ruptures stratégiques. Le système bipolaire, organisé autour de la stabilité de la relation américano-soviétique et de conflits périphériques, a cédé la place à des risques divers et une incertitude radicale. Les crises et les conflits se sont multipliés dans toutes les régions du monde, faisant intervenir des acteurs nouveaux, qui ne sont plus nécessairement étatiques. Des conflits qu'auparavant on aurait jugé périphériques, en ex-Yougoslavie ou au Timor par exemple, ont nécessité des interventions internationales. De nouvelles menaces ont émergé, prenant la forme du terrorisme, de conflits infraétatiques, de la prolifération nucléaire et balistique et de trafics variés.

Des logiques complexes appelant des ripostes nouvelles se sont développées, ce qui nécessite une réflexion approfondie sur notre politique de défense. Les conflits touchent désormais en priorité les populations civiles, que ce soit par la terreur lors d'attentats de grande envergure, par des massacres de masse comme au Rwanda ou par la planification de mouvements de population telle que la « purification ethnique » mise en oeuvre en ex-Yougoslavie. Les conflits armés se déplacent progressivement en milieu urbain, comme l'illustrent les affrontements en Bosnie, au Kosovo ou dans les territoires palestiniens : une telle évolution n'est pas sans conséquences sur les modalités des combats.

Les technologies qui ont été le fer de lance du progrès économique des sociétés développées révèlent aujourd'hui des plages de vulnérabilité nouvelles face aux attaques terroristes et cyberterroristes. Les réseaux de communication et d'acheminement d'eau, de gaz et d'électricité mis en place au sein des grandes concentrations urbaines offrent des opportunités sans limites aux nouvelles formes de terrorisme, au premier chef au terrorisme biologique. Des agents biologiques tels que la variole, la toxine botulinique ou le charbon peuvent être facilement propagés et désorganiser nos sociétés. L'explosion d'une bombe dite sale, composée de matériaux radioactifs, serait dévastatrice dans de grands ensembles urbains. Ces menaces nouvelles, caractérisées par leur asymétrie, appellent des réponses appropriées de notre politique de défense.

Les bouleversements du contexte international ont effectivement entraîné l'évolution des doctrines militaires internationales. Les nouveaux axes retenus privilégient la prévention des crises et les opérations de maintien de la paix dans un cadre multinational. La mise en place de forces internationales, auxquelles la France prend part, exige l'interopérabilité des forces armées participant à la coalition. La lutte contre le terrorisme est devenue un objectif essentiel depuis le 11 septembre 2001 et se traduit par la coordination des politiques nationales, dans le domaine du renseignement, par exemple. Enfin, les crises et engagements récents au Kosovo ou en Afghanistan ont confirmé le besoin de disposer de capacités autonomes de projection de forces.

Les Etats-Unis ont révisé profondément leur posture stratégique et diplomatique, en privilégiant des coalitions ad hoc au détriment des alliances permanentes et en adoptant une politique de puissance caractérisée par une réticence marquée aux engagements contractuels internationaux. Le 20 septembre 2002, un rapport présentant la stratégie de sécurité nationale des Etats-Unis mettait en exergue le principe de l'action préventive, consistant à identifier et détruire la menace avant qu'elle n'atteigne les frontières du pays. Le passage d'une doctrine fondée sur la dissuasion et le containment à une philosophie de l'emploi de la force à titre préventif est ainsi consacré : il s'agit d'une évolution fondamentale qui n'est pas sans conséquence sur les relations internationales, d'autant plus qu'elle est accompagnée d'un renforcement marqué de l'effort de défense des Etats-Unis. Les crédits militaires américains augmenteront de plus de 15 % en 2003 et atteindront 379 milliards de dollars, ce qui représente 40 % du budget militaire mondial.

Dans ce contexte, il est indispensable que notre effort de défense soit repensé et renforcé pour assurer la sécurité de la France et renforcer sa place dans le monde. Les attentats perpétrés contre des personnels de DCN à Karachi le 8 mai et contre le pétrolier français Limburg le 6 octobre dans les eaux territoriales du Yémen montrent qu'une telle réflexion est impérative. Défini en 1996, le modèle d'armée 2015 correspond à une analyse stratégique approfondie dont les principes sont toujours valables : l'absence de menace militaire directe à proximité de nos frontières, l'existence d'une instabilité dangereuse capable de dégénérer rapidement en de multiples points du globe, et pouvant nous amener à participer à une intervention militaire extérieure au sein d'une coalition, l'accroissement des risques dus à la prolifération des armes de destruction massive et l'apparition possible de menaces asymétriques, dont le terrorisme.

Cependant, ce modèle doit être actualisé autour de trois idées : le renforcement des moyens de commandement et de renseignement, l'amélioration des capacités de projection, de mobilité des forces et de frappe dans la profondeur et enfin le renforcement des moyens de protection des armées. Pour ce faire, des programmes spécifiques doivent être mis en oeuvre, notamment ceux concernant les forces spéciales, les drones et les capacités de transport aérien. En outre, la disponibilité des équipements militaires est un impératif pour mener à bien des missions de durée indéterminée. Ces orientations ont été prises en compte par le projet de loi de programmation militaire pour 2003-2008.

Ces inflexions nécessitent une augmentation significative des crédits consacrés à l'équipement des forces armées. Cependant, cet effort budgétaire ne peut être dissocié du renforcement de l'Europe de la défense et des coopérations en cours dans ce cadre.

La prise en compte d'une dimension militaire dans la construction européenne est apparue pour la première fois en 1992 dans le traité de Maastricht ; elle a été renforcée en 1997 dans le traité d'Amsterdam par l'établissement de fondements juridiques ainsi que par l'esquisse des missions de l'Union Européenne en matière d'usage de la force. Les missions dites de Petersberg, c'est-à-dire « les missions humanitaires et d'évacuation, les missions de maintien de la paix et les missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris les missions de rétablissement de la paix », définies en 1992 par l'UEO, ont été intégrées in extenso dans le traité.

C'est la rencontre franco-britannique de Saint-Malo en décembre 1998 qui a véritablement permis de surmonter les obstacles politiques à la mise en _uvre de l'Europe de la défense. Cette impulsion a ensuite été relayée lors des Conseils Européens successifs et notamment à Helsinki, en décembre 1999 : les Quinze ont décidé de doter l'Union d'une capacité autonome de décision et d'action lors de crises. Il s'agit de projeter dans un délai de 60 jours environ 60 000 hommes pour une durée d'un an. Parallèlement, des organes politiques et militaires permanents ont été mis en place pour permettre à l'Union de décider et de conduire une opération. Les contributions des Etats membres annoncées lors des conférences d'engagement de capacités ont concrétisé la montée en puissance de cette capacité militaire. La France s'est engagée à ce titre à fournir un cinquième de l'objectif global en matière de capacités militaires (soit 12 000 hommes, 75 avions de combat et 12 bâtiments, dont le groupe aéronaval) et, le cas échéant, à assumer le rôle de nation-cadre.

Aujourd'hui, la dimension européenne de la politique de défense française est fondamentale : elle constitue désormais un de ses axes essentiels. Les initiatives lancées par la France se multiplient. Dans une lettre commune du 1er août 2002, le Président de la République française et le Premier ministre britannique ont réclamé un « effort accru » pour augmenter les dépenses militaires nationales et pour adapter la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) au contexte stratégique issu du 11 septembre 2001. Lors de son interview télévisée du 14 juillet 2002, le Président de la République a souligné que les partenaires de la France au sein de l'Union européenne devraient renforcer leurs dépenses militaires pour se donner les moyens de devenir une Europe puissance. La politique française de renforcement des crédits d'équipement militaire prendra tout son sens si elle s'inscrit dans un mouvement général au sein de l'Union européenne.

La définition d'une politique de défense indépendante et crédible à l'échelle de l'Union est indissociable d'une industrie de défense européenne forte, performante et intégrée, produisant les équipements nécessaires à la mise en _uvre des politiques décidées. C'est la raison pour laquelle les restructurations industrielles en cours dans le domaine de la défense doivent permettre l'émergence de pôles industriels puissants et attractifs.

C'est aussi pourquoi des programmes de coopération en matière d'armement ont été développés au cours des dernières années, notamment dans le cadre de l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) créée en 1996 par la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie. L'OCCAR, dotée depuis le 28 janvier 2001 de la personnalité juridique, a pour mission de conduire les programmes d'armement communs aux pays membres. Elle gère à ce jour les programmes de missiles Hot, Milan et Roland, le programme d'hélicoptère Tigre, le programme de radar Cobra, celui de missiles antiaériens futurs FSAF ainsi que le programme A 400 M dès qu'il sera lancé. D'autres programmes sont par ailleurs menés en coopération hors du cadre de l'OCCAR, tels que les frégates Horizon, l'hélicoptère NH 90 ou le satellite Hélios.

Le développement des coopérations européennes en matière d'armement est très positif. Elles permettent en effet de partager les coûts de développement et d'industrialisation et d'obtenir de meilleurs prix. De plus, elles rapprochent de façon concrète les forces armées des pays concernés, en favorisant leur interopérabilité, ce qui est fondamental dans le cadre de la PESD et de la mise en _uvre de missions communes par les Etats membres. L'organisation de ces coopérations permet d'introduire une contrainte extérieure pour la mise en _uvre d'un programme et donc d'en garantir le financement en limitant les étalements possibles.

Cependant, les risques de ralentissement des programmes en coopération sont réels, car les pays concernés doivent s'accorder sur les niveaux de production et le calendrier, alors que leurs contraintes financières et opérationnelles ne sont pas nécessairement identiques. Les retards de l'Allemagne pour mobiliser le financement pour le projet d'avion de transport militaire A 400 M constituent un exemple significatif, tout comme les difficultés de coopération survenues sur les programmes de véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI), de frégate anti-aérienne Horizon ou de missile Meteor.

Dans l'Europe de la défense, l'un des principaux partenaires de la France est le Royaume-Uni. Or le budget britannique de la défense est plus important que celui de la France et l'écart entre les deux pays n'a cessé de se creuser depuis le milieu des années 1990. Une analyse comparative apparaît utile, afin d'identifier les lacunes militaires françaises et d'y remédier.

Les forces armées françaises et britanniques sont régulièrement comparées en raison de leurs caractéristiques communes. Tout d'abord, la France et le Royaume-Uni sont deux puissances de même rang et membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU ; les deux pays ont des ambitions internationales, notamment en raison de leur passé, ce qui les amène à intervenir conjointement sur de nombreux théâtres d'opération et à développer des partenariats militaires et industriels. Leur PIB est quasi identique, de l'ordre de 1 400 milliards d'euros. Le format de leurs forces armées est relativement proche.

Cependant, la comparaison entre le ministère français de la défense et son homologue britannique, le MoD, est complexe en raison d'importantes différences d'organisation. Leur périmètre, leur niveau d'interarmisation, leur organisation interne et la construction et la réalisation de leur budget divergent. A titre d'exemple, l'année fiscale britannique débute le 1er avril de l'année N pour se terminer le 31 mars de l'année N+1.

En outre, les comparaisons des crédits sont extrêmement complexes en raison des différences de nomenclature des budgets de la France et du Royaume-Uni et des différences de structures des forces armées. Par exemple, la prise en compte du financement des pensions par le budget de la défense peut induire des divergences de calcul importantes. De même, la gendarmerie constitue une structure spécifique à la France, financée par le budget de la défense : il n'existe pas d'équivalent à cette entité au Royaume-Uni. En revanche, le maintien de l'ordre en Irlande du Nord, majoritairement pris en charge par l'Army, constitue une mission particulière, qui mobilise 42 000 militaires (14 000 personnes en permanence relevées selon un cycle ternaire). L'acquisition de la force nucléaire par le Royaume-Uni a été réalisée dans des conditions spécifiques. En vertu des accords de Nassau et de Washington et de son adhésion à l'accord AUSCANUKUS (Australie, Canada, Royaume-Uni et Etats-Unis), le Royaume-Uni bénéficie d'une coopération particulière avec les Etats-Unis dans les domaines du nucléaire et du renseignement stratégique. Cette coopération est à l'origine d'importantes économies au cours des dernières décennies, mais elles sont difficiles à chiffrer : il n'est pas possible de connaître précisément le montant total des crédits consacrés au nucléaire par le Royaume-Uni pour des raisons de confidentialité. Les chiffres doivent donc être utilisés avec précaution afin d'éviter des comparaisons hasardeuses ou abusives.

Les crédits d'équipement britanniques ont diminué de façon marquée à partir de 1991 : cette inflexion résulte du bouleversement stratégique résultant de la chute du mur de Berlin. Cependant, un renversement de tendance a été réalisé à partir de 1995 et l'augmentation des crédits d'équipement s'est poursuivie depuis cette date. Le maintien de cette hausse est prévue pour les trois budgets militaires à venir (les dépenses de l'ensemble des ministères britanniques font l'objet d'une programmation glissante sur trois ans, réactualisée tous les deux ans), notamment pour assurer la poursuite des nombreux programmes d'armement en cours.

L'évolution des crédits d'équipement français diffère sensiblement de celle du Royaume-Uni : les moyens diminuent de manière continue depuis 1991 et un véritable décrochage est intervenu en 1995 et 1996. A partir de cette date, la réalisation de la professionnalisation des armées en France a mobilisé des moyens importants pour les dépenses de personnel (titre III), ce qui a eu pour conséquence de réduire la part du budget de la défense consacrée aux dépenses d'équipement. Pour mémoire, la professionnalisation des armées a été réalisée au Royaume-Uni dès 1960.

Source : DGA

La part du budget de la défense britannique hors pensions s'élève actuellement à 2,5 % du PIB, après avoir diminué de façon constante pendant 15 ans. Elle s'est donc stabilisée à un niveau supérieur à celui de la France, qui est de l'ordre de 1,9 % du PIB hors pensions.

Part du budget de la défense britannique dans le PIB national

1985/86

1990/91

1996/97

1997/98

1998/99

1999/2000

2000/2001

2001/2002

Part du budget / PIB

5,1 %

4,11 %

2,98 %

2,67 %

2,7 %

2,55 %

2,55 %

2,55 %

Source : DGA

Le décalage entre les dépenses d'équipement françaises et britanniques a des conséquences directes sur les capacités opérationnelles des deux armées. La comparaison des équipements des deux pays est difficile et les appréciations doivent rester nuancées. On peut cependant dresser un panorama comparatif d'ensemble de leurs capacités opérationnelles respectives.

La France dispose d'avantages opérationnels, tels qu'une capacité autonome d'appréciation grâce aux images obtenues par les satellites Hélios ou une capacité de projection aéronavale, grâce au porte-avions Charles-de-Gaulle, dont le rôle a été décisif lors de l'intervention en Afghanistan (les trois porte-aéronefs britanniques ne peuvent accomplir les mêmes missions que le Charles-de-Gaulle).

Mais le Royaume-Uni dispose d'un net avantage numéraire pour les sous-marins nucléaires d'attaque et les frégates de défense aérienne. Il dispose également d'une avance importante pour la structure de commandement stratégique, avec le PJHQ (Permanent Joint Headquarters).

Les capacités opérationnelles de la flotte de combat britannique sont, mais surtout seront dans un avenir proche, supérieures pour les missions d'attaque au sol. Grâce à la livraison de quatre C 17 en 2001, les capacités britanniques de transport aérien de longue distance sont nettement supérieures aux capacités françaises et cet écart s'accroîtra avec le début du retrait de service des Transall à partir de 2006. La mobilité tactique des forces britanniques est meilleure que celle des forces françaises, et ce malgré l'arrivée du NH 90 : le rythme de livraison de ce dernier n'est en effet pas suffisant.

Enfin, les armées de terre française et britannique disposent d'un réservoir de forces projetables sensiblement équivalent, mais l'infanterie française est nettement moins bien protégée, car équipée de véhicules de combat de l'ancienne génération, alors que l'infanterie britannique dispose déjà d'un véhicule blindé de combat (Warrior).

Cette brève analyse comparative met en exergue certaines lacunes françaises : il apparaît indispensable de les corriger, notamment par une inflexion résolue des crédits d'équipement des armées. C'est l'option retenue dans le projet de loi de finances pour 2003.

Le fort accroissement des crédits d'équipement du projet de loi de finances initiale pour 2003, de l'ordre de 11,2 %, intervient après une période prolongée de restrictions budgétaires, qui s'est traduite par des étalements de programmes et une dégradation marquée de l'entretien des matériels. Les retards accumulés pourront donc être progressivement infléchis.

Des améliorations de la gestion des crédits ont été réalisées dans un contexte budgétaire contraint au cours des dernières années : elles sont très positives et doivent être poursuivies pour garantir la meilleure utilisation possible des moyens disponibles. A ce titre, les réformes menées au Royaume-Uni, notamment en matière d'externalisation et d'interarmisation, peuvent fournir des enseignements intéressants.

Les crédits de paiement inscrits aux titres V et VI du projet de loi de finances pour 2003 s'élèvent respectivement à 13,29 milliards et 353 millions d'euros, soit un total de 13,643 milliards d'euros. Ce montant doit être comparé avec celui de la loi de finances initiale pour 2002, qui s'établissait à 12,273 milliards d'euros. L'augmentation constatée entre les deux années atteint 11,16 %, ce qui illustre la priorité donnée aux crédits d'équipement dans le projet de loi de finances.

La forte hausse des crédits de paiement constitue une inversion de la tendance qui prévalait au cours des cinq dernières années : l'érosion continue des crédits du titre V est stoppée et l'on ne peut que s'en féliciter.

Les dotations en crédits de paiement permettront l'acquisition d'équipements neufs et la maintenance et la mise à niveau des matériels existants. Il s'agit bien de répondre à des besoins identifiés comme prioritaires par le Président de la République et la ministre de la défense.

Les autorisations de programme bénéficient d'une hausse similaire : elles s'élèvent à 14,96 milliards d'euros pour le titre V et 339 millions d'euros pour le titre VI, pour un total de 15,299 milliards d'euros, en augmentation de 17,6 % au regard des dispositions de la loi de finances initiale de 2002.

Évolution des crédits de paiement
et des autorisations de programme des titres V et VI depuis 1997

(en millions d'euros courants)

 

LFI

Année

Crédits de paiement

Autorisations de programme

1997

13 522,993

13 522,993

1998

12 348,812

12 348,812

1999

13 110,615

13 110,615

2000

12 646,449

13 334,025

2001

12 718,269

12 915,995

2002

12 273,924

13 009,384

2003

13 643,889

15 299,899

Source : ministère de la défense

La hausse des crédits des titres V et VI s'inscrit dans une augmentation générale du budget de la défense pour 2003. Celui-ci atteint 31,07 milliards d'euros, dont 13,98 milliards d'euros pour les rémunérations et charges sociales (45 %) et 3,45 milliards pour les dépenses de fonctionnement (11,1 %). S'ajoutent 8,89 milliards d'euros pour les pensions, transférés aux charges communes du budget de l'Etat. L'augmentation du budget de la défense, qui s'établit à 7,4 %, reste cependant inférieure à celle des crédits d'équipement.

Le projet de loi de finances pour 2003 se caractérise par une progression de la part des crédits d'équipement au sein du budget de la défense, laquelle est passée de 42,45 % du budget à 43,9 %.

En outre, le projet de loi de finances pour 2003 s'inscrit de façon cohérente dans le projet de loi de programmation militaire pour 2003-2008. Selon les dispositions de ce dernier, les crédits de paiement évolueront sur cette période comme suit.

Évolution des crédits de paiement
dans la loi de programmation militaire pour 2003-2008

(en milliards d'euros courants)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

13,65

14,60

14,72

14,84

14,96

15,08

Source : projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 (n° 187).

Les dépenses en capital s'élèvent en moyenne annuelle sur la durée de la loi de programmation à 14,84 milliards d'euros, alors que dans le projet de loi de programmation militaire déposé par le Gouvernement précédent le 31 juillet 2001, le montant s'établissait à 13,34 milliards d'euros seulement : cette forte revalorisation traduit la volonté du Gouvernement de moderniser les équipements de nos forces armées.

La montée des crédits d'équipement sera progressive jusqu'en 2008. L'augmentation réalisée en 2003 n'aura de sens que si elle est poursuivie selon les chiffres du projet de loi de programmation : l'effort budgétaire doit être maintenu tout au long de la période 2003-2008 pour mener à bien les programmes lancés.

La hausse des crédits d'équipement est répartie entre les différentes armées, en fonction de leurs besoins respectifs. Parmi les évolutions marquantes, on soulignera la forte hausse des autorisations de programme de la marine. Elle se justifie notamment par l'application de la taxe professionnelle et de la taxe sur la valeur ajoutée sur les prestations de DCN après le changement de statut de cette dernière prévu le 1er janvier 2003, qui se traduira par un renchérissement moyen du coût des contrats de l'ordre de 8 %. De plus, les crédits consacrés aux programmes nucléaires ont dû être revalorisés, compte tenu de leur niveau insuffisant au cours des dernières années.

Les crédits de paiement de l'armée de terre progressent certes de façon moins marquée au regard des autres armées, mais le second collectif budgétaire devrait permettre au montant total des crédits de paiement d'atteindre 2 810 millions d'euros, soit in fine une hausse de 14,4 %.

L'armée de l'air bénéficie particulièrement de l'augmentation des crédits de paiement, mais ses autorisations de programme ont diminué : une ouverture d'autorisations de programme supplémentaires en loi de finances rectificative sera indispensable pour réaliser la prochaine commande globale de 59 Rafale (dont 46 pour l'armée de l'air et 13 pour la marine).

évolution des crédits du Titre V

(en millions d'euros courants)

 

Autorisations de programme

Crédits de paiement

Armée

LFI 2002

PLF 2003

AP 2003/2002

LFI 2002

PLF 2003

CP 2003/2002

Air

3 405

3 108

- 8,7 %

2 629

3 066

16,6 %

Terre

2 834

3 279

15,7 %

2 455

2 617

6,6 %

Marine

3 033

4 054

33,6 %

3 040

3 402

11,9 %

Source : Délégation générale pour l'armement.

Les crédits consacrés à l'entretien des matériels font l'objet d'une forte revalorisation dans le projet de loi de finances pour 2003, dans la continuité de l'effort réalisé en 2002. Les crédits de paiement correspondant à l'entretien programmé des matériels (EPM) s'élèvent à 2,6 milliards d'euros, en hausse de 8,6 % par rapport à la loi de finances initiale de 2002.

La majeure partie des crédits de maintenance des matériels a été transférée du titre III au titre V du budget du ministère de la défense. Cette évolution a été réalisée à la suite des observations de la Cour des Comptes, afin d'assurer une plus grande lisibilité budgétaire. Les montants des crédits d'entretien programmé des matériels dans le titre III sont en réduction continue depuis 1997 : le transfert se poursuit cette année et le montant des crédits du titre III oscille entre 6,9 millions d'euros pour l'armée de terre et 31,7 millions pour l'armée de l'air.

évolution des crédits du titre vi

 

(en millions d'euros courants)

 

Autorisations de programme

Crédits de paiement

LFI 2002

PLF 2003

AP 2003/2002

LFI 2002

PLF 2003

CP 2003/2002

Montants

527

339

- 35,7 %

466

354

- 24,1 %

Source : Délégation générale pour l'armement.

Les crédits consacrés au titre VI sont en diminution. Cette baisse est due pour l'essentiel à la fin du financement par le budget de la défense du fonds de développement économique et social de la Polynésie Française, lequel représentait environ 100 millions d'euros. Ce fonds, destiné à compenser l'arrêt des activités du centre d'expérimentation du Pacifique, finance des actions qui n'ont absolument aucun rapport avec l'équipement des armées. L'abondement de ce fonds par le budget de la défense paraissait peu justifié et un tel transfert vers le budget des charges communes est tout à fait logique.

Participe également à la meilleure définition du périmètre du budget de la défense la sortie des titres V et VI des dotations que l'Etat pourrait être appelé à verser aux entreprises publiques du secteur de l'armement au titre de leur recapitalisation. De même, la fraction des dépenses afférentes au démantèlement des installations nucléaires à caractère militaire a vocation à être prise en charge par un fonds spécifique, à hauteur de 79,3 millions d'euros pour l'année 2003. Cependant, le financement des opérations nécessaires suppose la disponibilité de ce fonds de démantèlement dès 2003, qui doit être garantie.

Enfin, l'inscription au projet de loi de finances pour 2003 d'une enveloppe au titre du budget civil de recherche et de développement (BCRD) devrait être compensée par une ouverture équivalente de crédits prévue dans le collectif budgétaire de fin d'année 2002. Cette enveloppe, représentant 190 millions d'euros, fait l'objet d'un transfert en exécution à destination du CNES. L'activité de ce dernier peut certes toucher au domaine de la défense, mais ces crédits servent exclusivement à financer les équipes du CNES, sans contrepartie directe et apparente pour la défense. Grâce à l'opération réalisée dans le projet de loi de finances pour 2003, le BCRD ne devrait pas porter atteinte aux moyens consacrés aux équipements des forces.

Le projet de loi de finances pour 2003 réalise une meilleure définition du périmètre du budget de la défense par ces modifications de structure Les évolutions de nomenclature intervenues ces dernières années n'ont cependant constitué que des ajustements par rapport à la réforme d'ensemble de la nomenclature prescrite par l'instruction ministérielle du 24 avril 1997 et mise en _uvre en 1999.

Le ministère de la défense a entrepris depuis plusieurs années d'importantes réformes de sa gestion et de ses procédures, notamment en ce qui concerne les crédits des titres V et VI. Il convient ici de rendre hommage à l'ensemble des personnels civils et militaires du ministère de la défense pour les efforts accomplis parallèlement à la professionnalisation des armées. Le ministère de la défense a entrepris un important travail en profondeur, se traduisant notamment par un taux de consommation des crédits d'équipement particulièrement élevé (91,4 % en 2001 contre 90,7 % en 1997).

Cependant, des difficultés qui ne relèvent pas du ministère de la défense demeurent : on a déjà souligné l'utilisation des crédits d'équipement comme variable d'ajustement budgétaire. La logique strictement budgétaire imposant des reports, annulations ou renégociations des crédits du ministère prend insuffisamment en considération les contraintes propres à l'équipement des armées (durée des programmes, impératifs opérationnels...). Compte tenu de l'âge et de l'usage des équipements actuels, la mise en _uvre et l'achèvement de nombreux programmes renouvelant l'essentiel de l'équipement des armées s'imposent pour la décennie à venir.

Le projet de loi de finances pour 2003, notamment dans ses titres V et VI, s'inscrit dans un plan de charge répondant aux besoins de nos armées et aux orientations stratégiques de la loi de programmation militaire pour 2003-2008. Tout retard lié à de futurs arbitrages budgétaires défavorables au ministère de la défense porterait un grave préjudice à la capacité opérationnelle des armées et affecterait profondément les décisions politiques sur le devenir de la défense française. Ainsi, toute remise en cause des 5 438 milliards d'euros correspondant au total des paiements de 2003 à 2006 entraînés par les commandes globales passées avant le 31 décembre 2001 pour les trois armées aurait des conséquences extrêmement fâcheuses.

Si le ministère de la défense a fait et continue de faire d'importants efforts de modernisation, il importe d'en tenir compte dans le respect des engagements financiers de l'Etat. Peut-être conviendrait-il de s'inspirer de la pratique budgétaire britannique : tous les crédits mis à disposition sont dépensés, contrairement à la tradition française qui admet que le budget voté s'écarte significativement du budget réalisé. Au Royaume-Uni, il est toutefois admis que certains crédits n'aient pas pu être engagés à temps, pour diverses raisons techniques ; mais ces crédits sont alors automatiquement reportés sur l'année suivante, par le mécanisme de l' « end of year flexibility ». Le budget britannique de la défense n'a donc pas souffert de mesures de régulation budgétaire au cours des dernières années, à la différence du budget français.

Le ministère de la défense poursuit ses efforts de modernisation de plusieurs manières : la procédure des commandes globales pluriannuelles a été mise en place afin de réduire le coût des programmes, l'amélioration des passations de commandes a permis de diminuer le montant des intérêts moratoires et les structures de maintenance ont été réformées afin de rationaliser et d'améliorer la gestion des crédits d'entretien programmé des matériels.

Le ministère de la défense pratiquait de façon courante les commandes pluriannuelles pour des opérations d'ampleur limitée ou lorsqu'il s'agissait de commander des ensembles cohérents (développement d'un matériel prototype, fabrication d'un système complet comme un bâtiment naval) dont la réalisation prend plusieurs années.

En 1997, le ministère a passé les premières commandes pluriannuelles dites globales qui correspondent à l'option volontaire de réunir à l'engagement plusieurs tranches de fabrication d'un matériel de série, ou plusieurs annuités du développement, en maintenant le calendrier de réalisation et l'échelonnement des paiements. L'Etat peut ainsi obtenir des prix plus intéressants en contrepartie de l'engagement à plus long terme qui est pris vis-à-vis de l'industriel, lequel dispose ainsi de plus de visibilité pour ses activités. Cette procédure est également mise en _uvre chez nos partenaires. En Allemagne, par exemple, les commandes pluriannuelles sont la règle à observer en matière de passation des contrats.

En 1997, la procédure a été mise en application pour cinq programmes, parmi lesquels le missile air-air MICA et le missile de croisière Scalp EG. En 1998, six programmes, dont le char Leclerc et le missile stratégique M 51, ont été concernés par les commandes globales. Le recours à cette procédure a été poursuivi depuis lors pour des programmes dont les volumes sont très importants, ce qui permet de réaliser des gains sur les devis oscillant entre 8 et 13 %. Ainsi, 80 hélicoptères de combat Tigre ont été commandés en 1999, pour un montant de 1,45 milliard d'euros, et l'économie sur devis est estimée à 10 %. De même, en 2001, une commande de 20 avions Rafale pour une valeur de 991 millions d'euros a été effectuée, après une première commande globale de 28 appareils en 1999.

Cette procédure permettant une amélioration de la gestion des crédits est de plus en plus utilisée. De fait, l'effet attendu de la procédure des commandes globales est une économie sur chaque commande d'au moins 5 %, avec un objectif de 10 %. La comparaison des engagements des commandes globales rapportées aux réalisations effectives est retracée dans le tableau suivant :

(en millions d'euros courants)

 

1997

1998

1999

2000

2001

 

Engagements réalisés

12 228

12 299

13 106

16 368

14 710

Dont commandes globales

1 476

1 905

2 972

3 351

3 689

Part des commandes globales

12,1 %

15,5 %

22,7 %

20,5 %

25,1 %

Source : ministère de la défense

Les engagements prévus en 2003 sont conformes à cette pratique. Les commandes globales représentent 3,69 milliards d'euros pour 2003. Les principales commandes prévues pour 2003 sont les suivantes :

- 59 avions de combat Rafale, pour un montant de 3,118 milliards d'euros, au titre des autorisations de programme qu'il est prévu d'ouvrir lors du collectif budgétaire de fin d'année 2002 ;

- 430 missiles MICA, pour un montant de 426 millions d'euros ;

- dans le programme de missile à fibre optique, 6 postes de commandement, 20 postes de tir et 480 missiles, pour 170 millions d'euros.

Parmi les améliorations de gestion des crédits, on doit également mettre en avant la baisse continue des intérêts moratoires payés par la délégation générale pour l'armement (DGA) depuis 1996. De façon générale, la baisse du montant de ces intérêts traduit une gestion mieux maîtrisée des programmes d'armement.

évolution des intérêts moratoires payés par la DGA depuis 1996

(en millions d'euros courants)

 
 

Montants versés

1996

109,31

1997

46,95

1998

42,38

1999

30,49

2000

46,95

2001

21,20

2002*

12,40

* Situation fin juin
Source : ministère de la défense

 

En 1996, les intérêts moratoires étaient exceptionnellement élevés en raison des fortes régulations budgétaires de 1995 et de 1996. Le niveau élevé de charges à payer en fin de gestion 1995 a entraîné environ 39,18 millions d'euros d'intérêts moratoires sur 1996.

Le montant des intérêts moratoires a ensuite baissé de façon continue. La réduction a été particulièrement significative en 1997 pour plusieurs raisons : la régulation a été plus faible que les années précédentes, le taux des intérêts moratoires a diminué de 2,78 points par rapport à 1996 et l'application de la TVA sur ces intérêts a été supprimée. Pour les années suivantes, diverses causes expliquent le paiement d'intérêts moratoires, mais le montant global est en décroissance. Par exemple, en 1998 et 1999, le versement d'intérêts est essentiellement dû aux difficultés de reprise de gestion à la suite du changement de nomenclature et de l'introduction de la comptabilité spéciale des investissements.

Dans un contexte de réduction des crédits d'entretien programmé des matériels, d'importantes réformes des structures de maintenance ont été mises en _uvre afin de rationaliser la gestion de l'entretien et des rechanges et de maîtriser les coûts. Ces réformes ont abouti à la création de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) en 1999 et du service de soutien de la flotte (SSF) en 2000.

La SIMMAD est en charge de l'entretien de l'ensemble des matériels aériens des trois armées ; elle assure la couverture contractuelle et financière des opérations de maintenance, la passation des commandes de rechanges et le suivi de l'état des stocks. Elle va assumer de nouvelles responsabilités à partir du 1er septembre 2003. Aujourd'hui, la SIMMAD est en charge de 2 000 aéronefs, dispose d'un budget annuel de 1,1 milliard d'euros, emploie 570 personnes et compte 700 000 références.

La restructuration de l'organisation de la maintenance par une approche interarmées s'avère très positive : la disponibilité des aéronefs a augmenté significativement, notamment du fait de la forte réduction des indisponibilités logistiques, et la maîtrise des coûts est mieux assurée.

Lors de la création du SSF, une approche similaire a été adoptée : la gestion de la maintenance des bâtiments a été centralisée et des compétences supplémentaires lui sont peu à peu transférées, parmi lesquelles la gestion des rechanges à partir du 1er janvier 2003. Actuellement, le SSF soutient 80 bâtiments de combat, emploie 920 personnes et dispose d'un budget de 700 millions d'euros.

Le bilan de la réforme des structures de maintenance est globalement satisfaisant, tant et si bien que se pose désormais la question de l'extension de ces réformes à l'entretien des matériels terrestres, par la création possible de la SIMMT (structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres).

La gestion des crédits d'entretien programmé des matériels (EPM) est améliorée du fait de la centralisation de la gestion et d'une meilleure adaptation aux besoins des armées. Ces réformes menées dans un contexte budgétaire contraint doivent être poursuivies alors que les crédits d'EPM sont revalorisés, car les graves problèmes de disponibilité des matériels ne pourront être réglés uniquement par une augmentation des moyens qui y sont consacrés : la réorganisation de la chaîne de maintenance est tout aussi indispensable.

L'externalisation est aujourd'hui une réalité au sein de l'armée française : une partie des activités des armées est confiée à des partenaires extérieurs dans des domaines aussi divers que le soutien du personnel, l'entretien des immeubles, la communication et la documentation ou encore le maintien en condition opérationnelle. Mais l'externalisation s'arrête pour l'essentiel aux missions de soutien et ne s'étend pas aux missions opérationnelles, même si les frontières sont parfois difficiles à tracer. Il serait possible de recourir plus largement à des acteurs privés pour certaines tâches et à ce titre, l'exemple britannique est intéressant.

En effet, l'armée britannique est allée beaucoup plus loin en matière d'externalisation, à l'instar des Etats-Unis, par le recours à la procédure de « Private Finance Initiative » (PFI), également appelée « Public Private Partnership » (PPP). Ce procédé lancé à partir de 1992 s'inscrit dans la politique générale britannique de recours au financement privé dans la fourniture des services publics. Il consiste à faire appel au secteur privé non seulement pour l'exploitation d'un équipement de service public, mais aussi pour sa réalisation et son financement. L'introduction de la PFI dans le domaine de la défense a entraîné une profonde remise en cause de la culture du ministry of defence (MoD), de son approche des acquisitions et de ses méthodes de travail. Elle permet l'émergence de solutions innovantes en laissant une plus grande responsabilité et donc une plus grande initiative à l'industrie, mais elle n'est pas exempte de risques.

Tout d'abord, la défense relève par nature du domaine régalien, ce qui limite de fait le champ d'application possible de la PFI. Ainsi, bien que le gouvernement britannique ait adopté une approche plus pragmatique que dogmatique, l'acquisition en PFI d'équipements opérationnels de première ligne (chars ou avions de combat) ou d'importance stratégique (sous-marins nucléaires ou défense anti-missiles par exemple) est actuellement exclue.

Après les véhicules utilitaires (White Fleet) et un certain nombre de services généraux, ce sont l'entraînement et la formation des personnels (pilotes d'hélicoptères et pilotes de la Royal Air Force) et les télécommunications qui ont été les premiers secteurs à ouvrir leurs portes à la PFI. D'autres projets, concernant notamment le ravitaillement en vol ou les télécommunications militaires par satellites, sont en cours. L'armée britannique a réalisé une importante évolution en externalisant un grand nombre de fonctions. On peut en tirer quelques enseignements.

La PFI présente indéniablement des avantages : elle permet aux militaires de recentrer leur activité sur des tâches purement opérationnelles, les armées peuvent se doter sans attendre des équipements les plus modernes, remboursés au cours de leur utilisation. Ses partisans mettent également en avant qu'elle devrait entraîner des économies par rapport à une acquisition classique. Cependant, les estimations divergent sur ce point : l'objectif affiché par le Gouvernement est un gain de 15 à 20 %, mais les résultats obtenus jusqu'à maintenant ne confirment pas ces estimations, les responsables reconnaissent ne pas disposer d'outils vraiment objectifs pour évaluer les gains réalisés.

Le recours à la PFI n'est pas exempt de difficultés et d'incertitudes. La question essentielle est la garantie du service dans des missions de caractère opérationnel telles que le transport maritime ou le ravitaillement en vol. La réactivité du service de maintenance lors de l'émergence d'une crise doit être garantie. La gestion des personnels affectés à des activités nouvellement externalisées peut être complexe, en raison de problèmes de transferts, de changement de statut et de rémunérations. De plus, le ministère s'engage pour de très longues périodes dans le cadre de la PFI, alors que les besoins opérationnels sont susceptibles d'évoluer. Enfin, la PFI manque de souplesse : tout écart par rapport au contrat initial nécessite une renégociation et un financement supplémentaire.

C'est pourquoi l'exemple britannique doit être considéré avec précaution. Une externalisation plus poussée semble souhaitable au sein de l'armée française pour permettre aux militaires de se recentrer sur les activités opérationnelles et pour réaliser des économies. Cependant, l'armée doit conserver des compétences spécifiques dans tous les domaines à caractère opérationnel et doit considérer avec attention les coûts respectifs des solutions internes et industrielles. Lors de son audition devant la commission de la défense sur le projet de loi de finances pour 2003, la ministre de la défense a souligné que l'externalisation avait notamment l'avantage de décharger le personnel de la défense de ce qui ne relève pas de ses missions et de recentrer ses activités sur le c_ur de son métier : cette question devait donc faire l'objet d'une approche pragmatique, au cas par cas, et non idéologique.

Le processus d'interarmisation réalisé au sein de l'armée britannique est un exemple intéressant de réforme, car il ouvre des perspectives d'amélioration de la coordination des différentes composantes dans les actions militaires. Ce processus rend également possible une meilleure prise en compte des coopérations et des économies d'échelle réalisables au sein des forces armées.

A titre d'exemple, le central staff a la responsabilité de l'ensemble des budgets d'équipement, il n'y a donc plus de budget d'équipement par armée : le financement des programmes jugés prioritaires est décidé à un niveau interarmées. Les chefs d'état-major ne pilotent pas directement les programmes d'armement de leur armée, ils interviennent seulement dans le processus décisionnel en tant qu'experts de leur milieu. De même, les centres de doctrine de chaque armée ont été fusionnés en un seul centre interarmées de la doctrine et des concepts.

Le processus d'interarmisation est particulièrement intéressant en matière de logistique : depuis le 1er avril 2000, toute la logistique des trois armées concernant le soutien des personnels et du matériel a été regroupée dans une seule entité, la defence logistic organisation (DLO), dont le chef a le même rang qu'un chef d'état-major. Il est cependant encore trop tôt pour juger des conséquences du regroupement des services logistiques des trois armées. L'objectif affiché par le MoD est une réduction de 20 % des crédits destinés à la logistique d'ici 2005. Cette économie serait obtenue grâce à une harmonisation des systèmes et des procédures logistiques, à une diminution du volume des stocks d'équipements détenus par les forces et à un appel plus large au secteur privé.

La même évolution a été engagée en France par la mise en place d'une structure de maintenance interarmées, la SIMMAD, ainsi que par la rationalisation et la centralisation de la maintenance de la flotte au sein du SSF. Une interarmisation plus poussée pourrait être envisagée à terme, ce qui permettrait d'améliorer l'organisation de l'entretien, et partant la disponibilité des équipements, et d'optimiser les coûts.

II. - LA POURSUITE DES GRANDS PROGRAMMES : RÉALISER LE MODÈLE D'ARMÉE 2015

Les principes du modèle d'armée 2015, résultant d'une large réflexion lancée en 1996, sont toujours pertinents aujourd'hui, même si certains ajustements ou accélérations des choix effectués sont nécessaires pour adapter nos moyens de défense aux évolutions du contexte stratégique international.

Ce modèle repose sur un raisonnement par systèmes de forces, c'est-à-dire par grandes missions, et se caractérise donc par une approche interarmées, permettant de faire jouer la complémentarité des différents systèmes d'armes. L'analyse des moyens consacrés aux équipements doit être réalisée désormais dans ce cadre conceptuel, afin d'obtenir une vision globale de nos capacités opérationnelles. A ce titre, on ne peut que se féliciter du montant des crédits consacrés dans le projet de loi de finances pour 2003 à la poursuite des grands programmes, qui permettront d'atteindre les objectifs de dissuasion, de maîtrise des milieux et de capacité d'action et de projection, même si des incertitudes subsistent sur certains équipements.

Le maintien en condition opérationnelle des équipements, la dissuasion ainsi que le renseignement et le commandement constituent autant d'éléments indispensables à la bonne coordination des forces armées et à leur autonomie stratégique. Les dispositions du projet de loi de finances pour 2003 sont favorables à ces trois systèmes de force et permettent ainsi le renforcement des capacités opérationnelles des forces armées.

La disponibilité des matériels militaires s'est significativement dégradée au cours des quatre dernières années, comme l'a notamment mis en exergue un récent rapport d'information () du sénateur M. Serge Vinçon.

Le renforcement du maintien en condition opérationnelle dans le projet de loi de finances pour 2003 et le projet de loi de programmation militaire pour 2003-2008 constitue une priorité, affirmée à plusieurs reprises par le Président de la République et la ministre de la défense. Lors de sa visite aux armées le 30 septembre 2002, le Président de la République a souligné la « frustation profonde des militaires de tous rangs devant la dégradation de leurs capacités opérationnelles », et il a rappelé que « l'indisponibilité de plus en plus fréquente des avions, des chars, des hélicoptères ou des bâtiments et le niveau d'entraînement insuffisant des unités de combat sont devenus insupportables ».

La situation est contrastée selon les armées et les équipements concernés, mais, de façon globale, l'entretien des matériels n'est pas satisfaisant. Pour illustrer ce constat, on peut présenter l'évolution des taux de disponibilité technique opérationnelle (DTO) d'un certain nombre d'équipements militaires.

Évolution de la DTO des hélicoptères
de l'armée de terre de 1997 à 2002

PARCS

1997

1998

1999

2000

2001

2002(1)

GAZELLE

80 %

77 %

62 %

62 %

61 %

46 %

PUMA

67 %

66 %

59 %

53 %

62 %

67 %

COUGAR

62 %

48 %

47 %

54 %

62 %

60 %

(1) Sur la base des chiffres du premier semestre seulement.
Source : ministère de la défense.

Évolution de la Disponibilité des matériels majeurs
de l'armée de l'air, de 1997 à 2002

PARCS

1997

1998

1999

2000

2001

2002 (1)

Mirage 2000 N

66 %

67 %

61 %

58 %

63 %

57 %

Mirage 2000 D

67 %

64 %

72 %

67 %

63 %

55 %

Mirage 2000 C

71 %

66 %

69 %

66 %

68 %

65 %

Mirage 2000-5 F

-

-

64 %

66 %

68 %

57 %

Mirage F1 CR

72 %

65 %

61 %

63 %

60 %

67 %

Mirage F1 CT

71 %

69 %

60 %

59 %

51 %

61 %

C 160 Transall

69 %

66 %

58 %

53 %

56 %

55 %

KC 135

58 %

71 %

68 %

62 %

79 %

74 %

CN 235

75 %

74 %

66 %

68 %

61 %

62 %

(1) Sur la base des chiffres du premier semestre uniquement.
Source : ministère de la défense.

Les causes des difficultés rencontrées dans la maintenance des matériels militaires sont diverses : la question de l'approvisionnement en pièces de rechange, qui recouvre notamment la complexité des procédures d'acquisition et de passation de marché et la rupture des chaînes d'approvisionnement, est sans doute essentielle, tout comme le vieillissement des matériels, qui renchérit directement le coût de l'entretien. Ce vieillissement des équipements est aggravé par une usure prématurée due à la multiplication des opérations extérieures. Par ailleurs, des problèmes techniques ponctuels, tels que la corrosion du faisceau torsique des hélicoptères Gazelle constatée en 2001, peuvent affecter de façon brutale la DTO d'un matériel. Des facteurs d'ordre industriel, et notamment le désintérêt des constructeurs à l'égard du maintien en condition opérationnelle, peuvent également être mis en avant pour justifier cette baisse marquée des taux de DTO. La question de l'entretien est donc complexe et contrastée et ne peut se réduire à une explication simple.

Mais on ne peut occulter que les dotations consacrées à l'entretien des matériels ont décrû régulièrement depuis 1998.

évolution des crédits d'entretien programmé des matériels (EPM)
de l'armée de terre

(en millions d'euros courants)

 

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

LFI 2002

Autorisations de programme

346,5

269,6

339,5

460,2

Crédits de paiement

341,8

332,0

317,3

380,5

évolution des crédits d'epm de la marine

(en millions d'euros courants)

 

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

LFI 2002

Autorisations de programme

873,1

937,4

765,6

941,8

Crédits de paiement

854,6

853,8

811,6

872,9

évolution des crédits d'epm de l'Armée de l'air

(en millions d'euros courants)

 

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

LFI 2002

Autorisations de programme

1 045,9

916,2

873,3

1 026,4

Crédits de paiement

884,7

810,8

801,2

763,1

Source : ministère de la défense.

En outre, ces crédits ont subi de plein fouet les mesures de régulation budgétaire appliquées au budget de la défense, ce qui a eu une incidence directe sur la DTO des matériels : l'entretien des matériels a été victime d'une mauvaise exécution budgétaire des dotations votées par le Parlement.

Le redressement des dotations a été amorcé dès 2002 pour rétablir la disponibilité des matériels militaires de l'armée de terre, dont le niveau était jugé alarmant. La revalorisation des crédits d'entretien est poursuivie et étendue à toutes les armées. Le montant des crédits de paiement pour l'EPM atteint, dans le projet de loi de finances pour 2003, 2,609 milliards d'euros, soit une augmentation (en euros courants) de 8,6 % par rapport à la loi de finances de 2002 et de 8,8 % par rapport à la moyenne de la période 1997-2002. L'annuité 2003 est ainsi supérieure à l'annuité moyenne d'EPM prévue par le projet de loi de programmation militaire pour 2003-2008, laquelle s'élève à 2,379 milliards d'euros.

Pour l'année 2003, le montant des autorisations de programme consacrées à l'EPM atteint 3,173 milliards d'euros, en hausse de 10,1 % par rapport à la loi de finances initiale de 2002. La dotation en autorisations de programme dépasse ainsi 3 milliards d'euros, pour la première fois depuis 1997, ce qui permet d'engager un plan d'action destiné à restaurer la disponibilité des matériels.

évolution des dotations d'entretien programmé des matériels des armées depuis 1997

(en millions d'euros courants)

 

LFI 1997

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

LFI 2002

PLF 2003

PLF 2003/ LFI 2002

Autorisations de programme

3 053,3

2 724,9

2 774,0

2 494,3

2 323,4

2 883,2

3 173,2

10,1 %

Crédits de paiement

2 814,5

2 648,0

2 502,8

2 362,2

2 269,2

2 402,6

2 609,4

8,6 %

Source : ministère de la défense.

De plus, des gains de productivité sont attendus de la part des nouvelles structures de maintenance, dont la montée en puissance se poursuit.

Des objectifs de taux de disponibilité des matériels ont été fixés par le ministère de la défense dans le cadre de l'effort financier engagé :

- pour l'armée de terre, 80 % pour les matériels terrestres et 75 % pour les matériels aériens ;

- pour la marine, 85 % pour la flotte et 75 % pour les matériels aériens ;

- pour l'armée de l'air, 75 %.

Il convient de saluer les efforts, qui étaient indispensables, engagés en matière d'entretien des équipements. Cependant, cette orientation doit être maintenue tout au long de l'exécution de la loi de programmation militaire pour permettre un redressement significatif de la disponibilité des matériels à moyen terme. Les problèmes rencontrés dans la maintenance des équipements sont complexes et nécessitent du temps pour être résorbés : un effort budgétaire ponctuel ne serait pas suffisant pour assurer un redressement durable de la disponibilité des matériels.

Le budget de la dissuasion dans le projet de loi de finances pour 2002 s'élève à 3,402 milliards d'euros pour les autorisations de programme et 2,962 milliards d'euros pour les crédits de paiement. Les moyens consacrés aux forces nucléaires ont augmenté de façon significative par rapport aux dispositions de la loi de finances initiale de 2002, de 35,1 % pour les autorisations de programme et de 11,7 % pour les crédits de paiement.

Ils avaient déjà augmenté dans la loi de finances initiale de 2002, afin de rattraper les retards accumulés dans les programmes de dissuasion au cours de la période 1997-2001. Une nouvelle revalorisation des crédits s'avère nécessaire pour l'année 2003, du fait de la conjonction de plusieurs échéances concernant des programmes importants : le missile balistique M 51, les sous-marins lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG), le missile ASMP-A (version améliorée) et la simulation.

La dissuasion s'appuie sur deux composantes :

- une composante océanique, la Force océanique stratégique (FOST), qui inclut des sous-marins lanceurs d'engins (SNLE), dont deux sont de nouvelle génération (NG) ; deux autres SNLE-NG doivent être livrés respectivement en 2004 et 2010. Les vecteurs qui y sont associés sont les missiles M 45. De plus, une modernisation radicale de ces vecteurs est engagée avec le programme M 51, dont la furtivité et les capacités de pénétration sont bien meilleures. La mise en service du M 51 sera effective en 2010 sur le quatrième SNLE-NG ;

- une composante aéroportée : elle est assurée par des Mirage 2000 N armés du missile ASMP. Une nouvelle version, le missile ASMP-A, devrait être livrée en 2007, d'abord sur le Mirage puis, à partir de 2008, sur le Rafale.

La conjonction de ces programmes et leur aboutissement dans la période 2007-2010 rendent nécessaire une augmentation des crédits qui leur sont consacrés. Les dispositions du projet de loi de finances pour 2003 sont à cet égard satisfaisantes :

crédits consacrés aux principaux programmes de dissuasion

 

(en millions d'euros courants)

Autorisations de programme

Crédits de paiement

 

LFI 2002

PLF 2003

LFI 2002

PLF 2003

M 51

71,7

220,7

551

561

Adaptation M 51 des SNLE

93,5

136,6

87,2

100,5

ASMP/A

44,2

341,4

98,3

159,3

SNLE-NG

280,7

622,2

278,6

302,5

Source : ministère de la défense

Cependant, il faut souligner l'insuffisance du montant des autorisations de programme inscrites dans le projet de loi de finances pour 2003, en dépit de la forte hausse des crédits consacrés au M 51. Le contrat portant sur la première tranche conditionnelle entre EADS et la DGA doit être signé à l'échéance du 27 décembre 2002. Si les autorisations de programme nécessaires à la conclusion du contrat ne sont pas inscrites avant cette date, la continuité contractuelle sera rompue, ce qui entraînera le versement d'un million d'euros par jour de pénalités par le ministère de la défense au groupe EADS. L'inscription de ces autorisations de programme lors de la loi de finances rectificative de fin d'année 2002 est indispensable afin d'éviter le versement de sommes de cet ordre.

L'effort budgétaire prévu par la loi de finances pour 2003 se justifie pleinement par la nécessité de conserver notre crédibilité en matière de dissuasion, notamment dans le contexte actuel de prolifération d'armes de destruction massive. La dissuasion garantit à la France l'autonomie stratégique, qui est l'un des fondements de sa politique de défense, et représente un facteur important de stabilité internationale.

Le système de force « commandement, communications, conduite et renseignement », désigné par le sigle C3R, joue un rôle croissant dans le fonctionnement des armées modernes : il recouvre l'ensemble des moyens de maîtrise de l'information, de la collecte à la diffusion en passant par le traitement, et permet de planifier, de coordonner et de conduire des opérations. La France dispose dans ces domaines de compétences technologiques et militaires importantes, fruits d'investissements continus au cours des dernières années dans les secteurs de l'espace, des communications et du renseignement.

Les conflits récents dans lesquels la France a été impliquée démontrent que l'efficacité opérationnelle d'ensemble repose sur la coordination des capacités propres de chaque armée, sur la maîtrise de toutes les fonctions interarmées et sur l'accès à l'information et aux images. Les fonctions dites C3R font donc l'objet d'une attention croissante.

Les dispositions du projet de loi de finances pour 2003 relatives à l'espace et à la communication prévoient par rapport à celles de la loi de finances initiale de 2002 une hausse significative des crédits : ces derniers s'établissent à 1,615 milliard d'euros en autorisations de programme, en hausse de 73,3 %, et 1,17 milliard d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 10,7 %.

Pour dresser un panorama rapide des principaux programmes du système C3R, on doit évoquer :

- le programme Hélios de satellites militaires d'observation. Ce programme d'observation optique permet de réaliser des missions cruciales, présentant des intérêts stratégiques et tactiques mis en évidence par les crises du Kosovo ou d'Afghanistan : il rend possible la prévention des crises, la surveillance, l'évaluation des dégâts causés à l'ennemi, le guidage des munitions de haute précision et l'identification des auteurs d'agressions. Helios I-A et I-B, lancés respectivement en 1995 et 1999, seront relayés par la deuxième génération de satellites Hélios II, qui intègrent des améliorations technologiques. Le premier exemplaire, Hélios II-A, sera lancé en 2004 et le second en 2008. Le programme Hélios II est réalisé en coopération avec la Belgique et l'Espagne, qui participent chacune à hauteur de 2,5 % depuis la signature d'accords de coopération respectivement en juillet et décembre 2001. Le coût total d'Hélios II a été estimé à 1 742 millions d'euros. Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit 7,9 millions d'euros en autorisations de programme et 100,9 millions d'euros en crédits de paiement : ces moyens sont en baisse marquée par rapport à l'année précédente (- 92 % pour les autorisations de programme), car le programme arrive à échéance ;

- le programme Syracuse de satellites de télécommunications militaires. L'actuelle génération Syracuse II comprend 4 satellites lancés entre 1991 et 1996. La nouvelle génération de satellites de télécommunications Syracuse III doit faire franchir une étape importante aux capacités de communication militaire à longue distance, tout en couvrant l'ensemble des besoins (phonie, images, données, protocole...), permettant d'améliorer l'interopérabilité avec les pays partenaires lors des crises. Le projet de loi de finances pour 2003 assure le renouvellement des capacités satellitaires de communication en permettant d'achever la réalisation de Syracuse III-A et de lancer le développement de Syracuse III-B, qui ne faisait pas l'objet de financements suffisants dans la précédente loi de finances initiale. La continuité du programme Syracuse est garantie par des crédits de paiement d'un montant de 214,7 millions d'euros, en hausse de 37,5 %, et des autorisations de programme s'établissant à 453,1 millions d'euros, en croissance de 332 % ;

- les programmes classiques de transmission et de radiocommunications, tels que les équipements en poste radio de quatrième génération (PR4G) pour l'armée de terre ou les moyens de transmission de bases aériennes (MTBA). Les crédits de paiement qui leur sont consacrés augmentent de façon significative ;

- les programmes stratégiques d'écoute, avec le système aéroporté Sarigue et le système MINREM (moyens interarmées de renseignements électromagnétiques) embarqué sur un bâtiment, dont les crédits de paiement sont en hausse.

L'observation spatiale et les télécommunications militaires doivent être conçues de façon globale, dans le cadre de coopérations. De telles actions sont déjà engagées en matière d'échange de données, comme l'illustre un accord franco-italien conclu en 2001, et des échanges de capacités d'observation spatiale entre pays européens seraient également envisageables.

Mais le véritable enjeu reste le lancement de programmes européens. Cependant, les coopérations européennes dans ce domaine sont parfois complexes : pour le programme Hélios, les tentatives en la matière ont rencontré des difficultés importantes, qui in fine ont ralenti son déroulement et renchéri son coût. De même, une coopération trilatérale entre la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne autour du programme Trimilsatcom était envisagée pour réaliser un système de communications militaires par satellites, successeur de l'actuel système Syracuse II, mais ce projet n'a pas abouti, notamment en raison du retrait du Royaume-Uni en 1998.

Les armées françaises manifestent un intérêt croissant pour les drones, en raison des avantages qu'ils présentent dans le nouveau contexte d'intervention des forces. Le bilan de l'utilisation des systèmes en service lors des opérations extérieures menées dans les Balkans ou en Afghanistan incite à développer ce nouveau vecteur de recueil de renseignement pour en diversifier les aptitudes. L'intérêt des drones est multiple : ils offrent une capacité continue d'observation et d'investigation dans la profondeur du dispositif, ce qui est devenu indispensable pour la man_uvre aéroterrestre ; ils présentent une grande souplesse d'emploi et permettent la préservation de personnels pour certaines missions. Leur mobilité et leur faible coût unitaire sont des atouts supplémentaires.

Certes, ils ne sont pas dépourvus d'inconvénients : leur capacité d'adaptation reste limitée du fait de l'absence d'intelligence embarquée et ils sont relativement vulnérables. Mais le bilan de leur utilisation dans les conflits récents est largement positif et plaide pour un renforcement des programmes et des moyens qui leur sont consacrés.

Parmi les drones aujourd'hui en service dans les forces armées françaises, on doit citer :

- pour l'armée de terre, le CL 289, un système d'observation optique du champ de bataille dans la profondeur (150 km de sa base) et le Crécerelle, qui assure la surveillance tactique en temps réel, jour et nuit, et évolue à moyenne altitude dans un rayon d'action de 50 km. Ces systèmes sont complémentaires : alors que le CL 289 observe des objectifs ponctuels, vole vite, bas et loin avec une autonomie relativement limitée, le Crécerelle surveille des zones proches, vole lentement, mais dispose d'une autonomie supérieure ;

- pour l'armée de l'air, le drone israélien Hunter, système polyvalent de surveillance et d'action, est actuellement en expérimentation depuis juillet 2000, jusqu'à l'arrivée du système MALE (moyenne altitude longue endurance).

Le remplacement des CL 289 et des Crécerelle par des drones multi-charges multimissions (MCMM) est prévu par le projet de loi de programmation militaire pour 2008. Cependant, la fin du service des Crécerelle est programmée en 2003, ce qui rend nécessaire la mise en _uvre d'un système de drone lent et tactique intérimaire (SDTI). De plus, l'armée de l'air va acquérir en 2003 trois drones intérimaires Eagle de type MALE avec une station sol.

La France s'est lancée dans plusieurs programmes d'étude et de développement concernant des drones très courte portée (TCP), des mini-drones d'une portée limitée à 6 km, et des drones marine à vocation de surveillance et de reconnaissance du milieu maritime.

La livraison de 10 drones MCMM et de 12 MALE est prévue respectivement à partir de 2008 et 2009 par le projet de loi de programmation militaire : les échéances fixées sont relativement tardives et les crédits consacrés à ces programmes restent modestes.

 

montant des crédits consacrés aux drones

 
 

(en millions d'euros courants)

   

LPM 2003-2008

PLF 2003

   

AP

AP

CP

 
 

MCMM

158,00

7,62

2,50

 

SDTI

40,00

8,64

17,00

 

CL 289

3,00

3,00

2,00

 

Minidrones

6,10

1,90

2,00

 

MALE

n.c.

0,00

0,00

 

Source : ministère de la défense

 

On peut s'interroger sur le caractère limité des moyens consacrés aux programmes de drones et sur les échéances lointaines des livraisons prévues, compte tenu de l'important rôle qu'ils sont amenés à jouer dans les crises actuelles. Leur potentiel de développement est significatif et ces programmes pourraient faire l'objet d'une coopération européenne. Il est nécessaire d'accroître nos ambitions dans ce domaine, d'autant plus que la France a pris avec les Pays-Bas la tête du groupe ECAP (European Capability Acquisition Plan) traitant du secteur des drones MALE et a donc un rôle essentiel à jouer : tout retard pris dans de tels programmes risquerait de peser sur nos capacités opérationnelles futures et notre indépendance technologique.

Le système de forces « maîtrise du milieu aéroterrestre » a fortement évolué du fait de la professionnalisation et de la réduction drastique du format de l'armée de terre, réalisées au cours de la précédente loi de programmation militaire. Au cours de la prochaine loi de programmation, d'autres chantiers seront lancés, notamment la modernisation des hélicoptères de combat avec le programme Tigre et le renforcement de la protection du fantassin par le programme de nouveau véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI).

Les livraisons de chars de combat Leclerc se poursuivent selon un calendrier s'étalant jusqu'en 2005. Le programme Leclerc a fortement évolué dans le temps, en raison du bouleversement du contexte géostratégique depuis 1989. Le besoin de chars a alors été considérablement réduit et le nombre d'unités commandées est peu à peu passé de 1400 à 406.

La gestion du programme Leclerc a été très chaotique : elle a été marquée par un long étalement dans le temps, ce qui entraîné le renchérissement des coûts et des complications industrielles du fait des évolutions technologiques. Dans un rapport consacré aux industries d'armement de l'Etat publié en octobre 2001, la Cour des Comptes a estimé le coût total d'acquisition du système Leclerc à 6,46 milliards d'euros, soit un coût unitaire complet de chacun des 406 chars commandés s'établissant à 15,91 millions d'euros. En outre, un des programmes associés au Leclerc, le dépanneur, connaît de réelles difficultés.

Dans le projet de loi de finances pour 2003, 279 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits pour le programme Leclerc. De 2003 à 2005, les 117 derniers chars Leclerc seront livrés, dont 45 en 2003.

Le programme d'hélicoptère de combat Tigre se poursuit. Le maintien d'une capacité aéromobile significative pour l'armée de terre demeure un enjeu essentiel, en raison de l'évolution des missions des forces armées. Si les nouvelles conditions d'engagement relativisent désormais le combat antichar, les missions d'escorte ainsi que les missions d'appui-protection pour les forces situées au sol prennent une importance croissante dans la gestion des crises. L'hélicoptère est un équipement de plus en plus utilisé, notamment dans les opérations extérieures.

L'hélicoptère de combat Tigre doit remplacer progressivement les Gazelle à partir de 2003. Le programme Tigre est mené en coopération avec l'Allemagne et il est intégré dans l'OCCAR. Il est entré en 1999 en phase de production avec la notification d'un contrat d'une première tranche de 80 hélicoptères pour l'Allemagne, livrables à partir de fin 2002, et de 80 hélicoptères pour la France, livrables à partir de 2003. La France a choisi de développer deux versions, la version appui-protection (HAP) et la version antichar (HAC) et la commande de 80 appareils se répartit en 70 appareils en version HAP et 10 en version HAC. Les livraisons s'étalent de 2003 (deux appareils HAP livrés) à 2011.

Une version polyvalente dite HAD (appui-destruction) a été développée pour répondre à des perspectives d'exportation. Elle semble mieux répondre aux besoins de l'armée de terre et la répartition des commandes initialement prévue entre les hélicoptères Tigre HAP et HAC pourrait être revue au profit de la version HAD. Les incertitudes persistent et devraient être levées dès que possible, d'autant plus que ces hésitations sont dommageables pour l'armée de terre. Quelle que soit la version retenue, il faut insister sur le respect du calendrier de livraison des hélicoptères Tigre afin d'assurer la continuité des capacités aéromobiles de l'armée de terre, compte tenu du vieillissement du parc d'hélicoptères de combat.

Issu de l'ancien programme VBM (véhicule blindé modulaire), le programme véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) est destiné à assurer la succession des engins AMX10 P et PC sur la période 2006-2013. Centré sur un noyau dur caractérisé par des performances dans les domaines de l'emport, de la protection, de l'armement et de la mobilité, le VBCI doit équiper les régiments d'infanterie et les régiments de chars (version PC) des brigades blindées et mécanisées.

Dans une première étape, l'acquisition de 700 véhicules est envisagée ; elle comprend deux versions : une version « véhicule de combat d'infanterie » (VCI : 550 engins) et une version "poste de commandement" équipée du système d'information régimentaire (VPC/SIR : 150 engins). A terme et en fonction des disponibilités financières, d'autres versions pourraient assurer la relève de tout ou partie du parc de véhicules de l'avant blindé (VAB).

Aujourd'hui, la tranche ferme du marché notifié le 6 novembre 2000 comprend le développement, l'industrialisation et la production d'une première tranche de 65 engins (54 VCI + 11 VPC).

Le programme VBCI est mené par GIAT Industries en coopération avec Renault Trucks et constituera l'essentiel du plan de charge de GIAT lorsque le programme Leclerc sera achevé.

Echéancier prévisionnel des livraisons de VBCI

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Total

VCI

47

84

84

76

75

75

82

27

550

VPC

10

23

24

24

25

25

19

-

150

Source : ministère de la défense.

Le comité des prix de revient des fabrications d'armement (CPRA) a cependant relevé des « faiblesses » dans la gestion du programme, en déplorant en outre que beaucoup de temps ait été consacré à la recherche d'une coopération internationale qui semblait pourtant compromise par la divergence des besoins militaires et des intérêts nationaux.

Lors de son audition devant la commission de la défense le 15 octobre, le général Bernard Thorette, chef d'état-major de l'armée de terre, a indiqué que la prochaine commande de VBCI interviendrait quand l'industriel aurait rempli toutes les spécifications contractuelles. Le dialogue entre la DGA et GIAT Industries est en cours, mais des difficultés subsistent. Le programme a pris 18 mois de retard, le premier exemplaire ne devant être livré au mieux qu'en 2007. Ces retards risquent par ailleurs d'affecter les perspectives d'exportation du VBCI.

Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003 pour le VBCI restent modestes et sont essentiellement consacrés au développement.

montant des credits consacrés au VBCI

(en millions d'euros)

 

AP 2002*

CP 2002**

AP 2003*

CP 2003**

Développement

19,85

45,67***

23,43

17,60

Production

0,00

0,00

23,30

3,09

Total

19,85

45,67

46,73

20,69

* AP : AP opérations nouvelles + AP hausses économiques.
** CP : CP services votés + CP mesures nouvelles.
*** dont 17,4 millions d'euros de reports de crédits.

Le projet de loi de programmation militaire met en exergue la nécessité d'assurer le renouvellement de l'ensemble des frégates de la marine et des sous-marins d'attaque. Les programmes aéromaritimes font donc l'objet d'une attention toute particulière.

Il est prévu d'améliorer la capacité de lutte anti-aérienne avec la livraison de deux frégates Horizon en 2006 et 2008 et la commande d'une troisième en 2007. En outre, huit frégates multimissions seront commandées au cours de cette période et la première frégate pourrait être livrée en 2008 (à terme, dix-sept bâtiments de ce type devraient être construits).

Ce profond renouvellement de la flotte de surface est pleinement justifié par l'âge moyen des bâtiments en service. Par exemple, les deux premières frégates Horizon sont destinées à remplacer des frégates entrées en service en 1967 et 1970. Elles devaient d'ailleurs entrer en service avant 2006 et 2008, dates que prévoit le projet de loi de programmation militaire, mais la tentative avortée de coopération avec le Royaume-Uni a entraîné des retards.

En ce qui concerne les armements, le système de défense anti-aérienne de la frégate Horizon repose sur le PAAMS (principal anti-air military systems). Ce dernier est destiné à assurer la protection d'une force maritime face à des missiles aérodynamiques supersoniques. Ce programme est mené en coopération avec le Royaume-Uni et l'Italie, et il se développe progressivement : les crédits prévus dans le projet de loi de finances pour 2003 augmentent significativement. La torpille MU 90, réalisée en coopération avec l'Italie, est une torpille légère à propulsion électrique destinée à la lutte contre les sous-marins nucléaires d'attaque ; les premières torpilles ont été livrées en 2001.

Le programme de sous-marins nucléaire d'attaque Barracuda se poursuit : le premier exemplaire devrait entrer en service en 2012, puis, les livraisons devraient se poursuivre au rythme d'un tous les deux ans, pour un total de six sous-marins.

crédits consacrés aux principaux programmes de maîtrise du milieu aeromaritime

(en millions d'euros courants)

 

Autorisations de programme

Crédits de paiement

LFI 2002

PLF 2003

Variation

LFI 2002

PLF 2003

Variation

FAA Horizon

424

22,9

- 94,6 %

290

346

19,4 %

FMM

22,9

9,9

- 56,7 %

20

51,8

159,3 %

Barracuda

89,9

160,3

78,2 %

48,2

77,2

60,3 %

MU 90

2,3

3,8

65,8 %

51,8

44,2

- 14,7 %

PAAMS

5,2

95,4

 1 741,0 %

63,4

81,9

29,2 %

Source : ministère de la défense.

Outre le Rafale, les grands programmes de maîtrise du milieu aérospatial sont essentiellement les missiles d'intervention et de combat aérien MICA, le SAMP/T (Sol-air moyenne portée) et enfin le MIDE.

Missile d'interception, de combat et d'autodéfense, le MICA constituera l'armement principal du Rafale dans les missions de défense aérienne et son armement d'autodéfense dans les missions d'intervention et d'attaque au sol. Il arme également le Mirage 2000-5. Equipé d'un propulseur à poudre, d'une référence inertielle et d'une charge militaire de 12 kg, il confère à l'avion équipé du système adéquat une capacité « tire et oublie » et la capacité multicible.

La décision du lancement du développement du MICA a été prise en 1987, les premières livraisons ayant été effectuées à l'armée de l'air en décembre 1999 et à la marine en 2002. Le développement a été marqué par un retard de 51 mois, soit plus de quatre années, par rapport aux prévisions d'origine, en raison de difficultés industrielles puis techniques. 680 missiles MICA (dont 430 air et 250 marine) seront livrés en 2003. Les crédits de paiement inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003 pour le MICA air s'élèvent à 61,82 millions d'euros, contre 53,36 millions en 2002 et les autorisations de programme à 294,6 millions d'euros, contre 16,76 millions en 2002.

Le missile sol-air à moyenne portée SAMP/T appartient à la famille de systèmes sol-air futurs (FSAF) qui est un programme interarmées mené en coopération avec l'Italie et le Royaume-Uni. Le SAMP/T a pour fonctions d'assurer la défense aérienne du corps de bataille et la défense des points sensibles de l'armée de l'air face à une menace (avions de combat, drones, missiles de croisière). La cible finale pour le SAMP/T est pour l'armée de terre de 6 conduites de tir et de 275 missiles Aster 30 et pour l'armée de l'air de 6 conduites de tir et de 300 missiles Aster 30. La mise en service opérationnelle du SAMP/T est prévue en 2006 pour l'armée de terre et en 2010 pour l'armée de l'air. Le coût total du programme est de 4,22 milliards d'euros. Les crédits de paiement pour le SAMP/T s'établissent à 23 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2003, alors qu'ils atteignaient 53,3 millions dans la loi de finances pour 2002, et les autorisations de programme ont été réduites de 294,6 à 16 millions d'euros, en raison de la pratique des commandes globales pluriannuelles.

Un programme de missile d'interception air-air à domaine élargi (MIDE, aussi appelé Meteor) est en cours de lancement en coopération européenne. Le ministère français de la défense a exprimé en 1995 le besoin d'un missile air-air de moyenne portée possédant des performances cinématiques nettement supérieures à celles du missile français MICA, destiné à équiper les versions air et marine du Rafale au début des années 2010. De son côté, le ministère britannique de la défense a émis le besoin d'un missile d'interception très performant destiné à équiper l'avion Eurofighter. L'Allemagne, l'Espagne, la Suède et l'Italie ont signalé leur intérêt pour ce missile. Un projet européen Meteor a été présenté par MBDA, ce qui lui donne un caractère structurant pour l'industrie européenne des missiles. Un mémorandum d'entente couvrant le développement et l'intégration du missile sur son porteur a été signé par les ministres français, britannique et suédois le 19 juin 2001, et l'Italie et l'Espagne l'ont signé à leur tour respectivement le 26 septembre et le 11 décembre 2001. Le lancement du programme est aujourd'hui suspendu à la décision de l'Allemagne. Le programme a pris du retard et les premières livraisons sont envisagées pour 2009, pour la France en 2012.

Sur la base du mémorandum d'entente, la France devrait participer au financement du développement du missile à hauteur de 13 % et elle envisage d'acquérir de l'ordre de 250 missiles, avec une option pour 150 missiles supplémentaires.

Les dispositions du projet de loi de finances pour 2003 prévoient une augmentation marquée des crédits d'équipement consacrés à la gendarmerie par rapport à 2002. Les crédits de paiement des titres V et VI du projet de loi de finances pour 2003 s'élèvent à 422 millions d'euros pour la gendarmerie, en augmentation de 28,5 % par rapport à la loi de finances initiale de 2002. Les autorisations de programme correspondantes s'établissent à 527 millions d'euros, en augmentation de 55,23 % par rapport à 2002.

Cette revalorisation significative s'inscrit notamment dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002. 97 millions d'euros de crédits de paiement et 182 millions d'euros d'autorisations de programme ont été intégrés dans les titres V et VI du projet de loi de finances pour 2003 au titre de la LOPSI.

Le budget d'investissement va permettre de réaliser, au titre du renouvellement, l'acquisition des principaux matériels suivants :

- 3 230 véhicules destinés aux brigades ;

- 160 véhicules de liaison ;

- 550 motocyclettes ;

- 3 330 gilets pare-balles à port apparent ;

- 5 800 postes bureautiques pour les unités.

Dans le cadre de la LOPSI, des équipements supplémentaires seront acquis, notamment pour rétablir les capacités opérationnelles de la gendarmerie, pour développer des capacités dont le besoin est apparu après les attentats du 11 septembre 2001 et pour équiper les effectifs additionnels :

- 21 000 pistolets automatiques de nouvelle génération ;

- 800 fusils d'assaut ;

- 42 000 gilets pare-balles à port discret ;

- 6 véhicules blindés à roue de gendarmerie (VBRG) ;

- plus de 350 véhicules spécialisés destinés aux escadrons de gendarmerie mobile.

La politique immobilière pour la gendarmerie a fait l'objet de critiques récurrentes en raison de l'insuffisance des crédits qui lui sont consacrés. Or le logement a une incidence directe sur les conditions de vie des gendarmes et de leurs familles. Pour répondre à ces attentes, un effort financier important est réalisé pour la construction et la réhabilitation de logements dans le projet de loi de finances pour 2003. Ce dernier va permettre de commander 317 unités logement, 3 unités de formation et 7 unités spécifiques, ce qui représente 91,1 millions d'euros d'autorisations de programme dans le titre V, et de subventionner 400 unités de logement, pour un montant de 10 millions d'euros d'autorisations de programme dans le titre VI.

Les principales opérations d'infrastructures susceptibles d'être lancées en 2003 dans le cadre du titre V sont la troisième tranche de la restructuration de la caserne de Marseille et l'extension et la restructuration des casernes de Pont-Audemer (Eure) et Parthenay (Deux-Sèvres). Enfin, dans le cadre de la LOPSI, la gendarmerie va pouvoir lancer un vaste programme de réhabilitation immobilière par la mise en chantier de 261 unités-logement, une unité de formation et 2 unités spécifiques, ce qui représente 61,8 millions d'euros d'autorisations de programme.

De façon globale, les dotations destinées aux infrastructures de la gendarmerie sont en hausse dans le projet de loi de finances pour 2003 et atteignent 182,4 millions d'euros.

évolution des dotations d'infrastructures pour la gendarmerie depuis 1997

(en millions d'euros courants)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Dotations d'infrastructures pour la gendarmerie

139,5

126,5

132,3

131,4

135,4

124,1

182,4

Source : ministère de la défense.

Le système de forces « frappe dans la profondeur » a pris une importance croissante, comme l'ont illustré les crises du Kosovo et de l'Afghanistan. Le projet de loi de programmation militaire prend bien en compte cette mutation : il prévoit la poursuite d'un programme de grande ampleur, le Rafale, ainsi que la construction d'un deuxième porte-avions afin d'assurer la permanence du groupe aéronaval.

Cette décision ne connaît pas encore de traduction budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2003, mais elle constituera une amélioration essentielle de nos capacités de frappe dans la profondeur. Le niveau de disponibilité du porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle est de 60 %, compte tenu des indisponibilités pour entretien et des périodes d'exercice pour l'équipage. La date de mise en service du deuxième porte-avions est conditionnée par la seconde interruption programmée pour entretien et réparation du Charles-de-Gaulle en 2012, ce qui impose une décision de lancement à la fin de 2003.

Plusieurs options sont possibles en matière de propulsion. La propulsion nucléaire permet une grande souplesse stratégique d'emploi, mais entraîne un surcoût d'entretien et d'acquisition. De plus, des études nouvelles seraient nécessaires, compte tenu de l'obsolescence du premier porte-avions nucléaire. La deuxième option est la propulsion classique, dont le coût d'acquisition est moindre ; en contrepartie, l'autonomie est plus limitée. Un groupe de travail sera mis en place et une décision sera prise d'ici l'été 2003.

L'attrait de la propulsion classique, outre son coût moindre, réside également dans la coopération possible avec le Royaume-Uni. Même si ce pays a arrêté son choix pour l'avion embarqué au profit de l'avion de combat F-35 dans sa version à décollage court et atterrissage vertical le 1er octobre 2002, la similarité des projets permet d'envisager plusieurs options de coopération avec les Britanniques, car les porte-avions britanniques doivent comporter une catapulte pour le décollage des Hawkeye. Des entretiens réguliers ont lieu entre les responsables des services de programme. L'attrait pour les Britanniques réside essentiellement dans le retour d'expérience du premier porte-avions français, mais aussi dans la possibilité de diminuer les coûts par des économies d'échelle. Quelle que soit la solution finalement retenue, il est indispensable de respecter l'échéance de 2012 et de ne pas reproduire les atermoiements qui ont caractérisé de nombreux programmes d'équipement d'envergure.

La capacité de frappe dans la profondeur suppose de délivrer des frappes dans la profondeur du dispositif adverse sur des objectifs ponctuels avec précision. Elle nécessite donc une flotte d'avions de combat performante et polyvalente. La flotte d'avions de combat française compte aujourd'hui environ 350 unités, dont les plus performantes sont les Mirage 2000 D. L'arrivée du Rafale permettra un remplacement progressif des appareils, en commençant par les Jaguar et les Mirage F1. La première escadrille de Rafale sera opérationnelle dès 2006 sur la base aérienne de Saint-Dizier.

Le Rafale est un avion totalement polyvalent, capable d'effectuer les missions suivantes :

- dissuasion nucléaire ;

- pénétration et attaque au sol par tout temps ;

- défense et supériorité aérienne ;

- intervention à long rayon d'action avec ravitaillement en vol ;

- reconnaissance tactique et stratégique.

Il peut emporter et tirer des missiles de précision longue portée de la famille Scalp, des armes guidées de précision tirées à distance de sécurité de la famille AASM, des missiles air-mer AM 39 ; il peut également tirer le missile nucléaire ASMP-A et les missiles de moyenne et courte portée MICA et MAGIC 2.

Le Rafale va équiper l'armée de l'air ainsi que la marine. Ses utilisateurs mettent en avant son caractère novateur et polyvalent, ainsi que la qualité de son système d'armes. Le programme Rafale, lancé en 1986, a fait l'objet de retards et décalages répétés et la maîtrise de sa conduite a été très critiquée. Les étalements se sont multipliés, se traduisant par un renchérissement des coûts. C'est la marine qui subit surtout les conséquences des étalements successifs, car elle a des besoins plus urgents que l'armée de l'air, laquelle a pu procéder à des modernisations régulières des Mirage 2000. L'Etat procède désormais à l'acquisition des Rafale par commandes globales, ce qui permet des économies substantielles, du fait de la baisse du prix de série obtenue.

calendrier de commandes et de livraisons du rafale

 

Avant 1999

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Après 2008

Rafale Air

Commandes

3

21

0

12

0

46

0

0

48

0

0

104

Livraisons

1

1

0

0

1

0

5

10

13

14

15

174

Rafale Marine

Commandes

10

7

0

8

0

13

0

0

18

0

0

4

Livraisons

0

1

3

5

1

0

0

0

0

6

6

38

Source : ministère de la défense.

Le programme Rafale représente des masses financières considérables, notamment une part importante du budget d'équipement de l'armée de l'air. Les autorisations de programme s'élèvent dans le projet de loi de finances pour 2003 à 992 millions d'euros et les crédits de paiement s'établissent à 962 millions d'euros.

Cependant, le modèle d'armée 2015 fixe un objectif de 300 avions de combat ; pour le respecter, le rythme de livraison devra être de 15 appareils par an à partir de 2006. On doit donc prêter une attention toute particulière pour les années à venir à l'évolution de la flotte d'avions de combat et aux crédits qui lui sont consacrés.

L'année 2003 sera marquée par la conclusion d'une commande globale de 59 Rafale (46 pour l'armée de l'air et 13 pour la marine). Cependant, cette commande est conditionnée par l'ouverture des autorisations de programme correspondantes (2 270 millions d'euros pour l'armée de l'air et 848 millions pour la marine), qui ne sont pas inscrites dans le projet de loi de finances pour 2003. Le collectif budgétaire de fin d'année 2002 devra prendre en compte cet impératif : on peut s'étonner de la procédure budgétaire retenue pour la poursuite d'un programme de cette envergure.

La flotte aérienne de transport tactique de la France est aujourd'hui vieillissante : elle se compose principalement d'avions Transall C 160 de première et deuxième générations entrés en service respectivement en 1967 et 1981, ainsi que d'appareils américains Hercules C 130 et de Casa CN 235-100 entrés en service en 1987 et en 1991. La disponibilité de ces appareils n'est pas satisfaisante, notamment en raison de leur ancienneté et leurs capacités d'emport sont insuffisantes. En outre, leur retrait du service va progressivement intervenir à partir de 2006.

Le renouvellement de notre force aérienne de projection est d'autant plus indispensable que les crises récentes ont mis en évidence l'importance de la capacité de projection des forces, pour des opérations de combat, mais aussi pour assurer l'évacuation et la sécurisation des personnes lors de missions humanitaires.

Un projet de coopération européenne a été élaboré en juillet 1997, nos partenaires européens ayant également besoin de renouveler leur flotte de transport. La France, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie, le Portugal, le Royaume-Uni et la Turquie, soit au total huit pays, ont élaboré un projet d'Avion de Transport Futur (ATF). Le Luxembourg s'est ensuite joint à ce projet. La proposition industrielle d'Airbus Industries a été retenue, pour un avion dénommé désormais A 400 M. Ce dernier est un appareil de conception nouvelle, caractérisé par une soute volumineuse adaptée au transport de fret et de véhicules de grande dimension, par une capacité long courrier, par une vitesse de croisière élevée et des performances tactiques permettant des opérations sur piste ou terrains sommairement aménagés.

Les intentions de commandes des Etats s'élevaient à 212 au total, dont 73 pour l'Allemagne, 50 pour la France, 25 pour le Royaume-Uni et 16 pour l'Italie. Ce total, inférieur aux premières intentions, restait cependant supérieur au seuil de rentabilité formulé par l'industriel, qui est de 180 appareils. En décembre 2001, la gestion du programme a été confiée à l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement. Le programme devait être lancé au plus tard à la fin de l'année 2002, mais la situation est actuellement bloquée. Les premières difficultés sont apparues avec le retrait du programme de l'Italie, en octobre 2001, et les hésitations du Portugal : cependant, celui-ci n'ayant commandé que 3 avions, les conséquences industrielles ne sont pas très importantes.

Les principales incertitudes sur le lancement du programme sont imputables à l'Allemagne, premier acheteur de l'A 400 M avec 73 exemplaires. Le financement de l'A 400 M fait l'objet d'une bataille parlementaire depuis plus d'un an, même si le gouvernement Schroeder s'est prononcé en faveur du programme. A ce jour, le Parlement n'a inscrit au budget en cours que l'achat de 40 appareils sur les 73 prévus, l'acquisition des 33 autres étant renvoyée aux débats sur le budget 2003. L'approbation du Parlement allemand est indispensable pour l'entrée en vigueur du programme.

Actuellement, on compte six Etats seulement (France, Royaume-Uni Espagne, Luxembourg, Turquie et Belgique) prêts à lancer le programme dès maintenant, pour une mise en service qui serait alors pour 2008 : la première livraison interviendra 77 mois après la date de notification. Cette date de livraison est déjà tardive, compte tenu des besoins des armées de l'air française et britannique. Le Royaume-Uni a d'ailleurs fixé la fin de l'année 2002 comme date butoir pour le lancement du programme.

Ces incertitudes sont très dommageables pour les capacités de projection européennes. Elles retardent d'autant le lancement du programme et, partant, l'entrée en service de l'appareil, alors même que l'A 400 M est indispensable pour les pays européens et qu'il dispose de bonnes perspectives d'exportation.

Les autorisations de programme nécessaires à l'acquisition des 50 avions A 400 M ont été inscrites lors des collectifs budgétaires de 2000 et 2001. Le projet de loi de finances pour 2003 ne prévoit pas d'autorisations de programme pour l'A 400 M ; en revanche, il a inscrit 60,41 millions d'euros de crédits de paiement. Le coût prévisionnel actuel du programme est aujourd'hui estimé à 6,45 milliards d'euros, pour un coût unitaire des avions prêts au vol de 109,5 millions d'euros.

L'hélicoptère de transport est de plus en plus sollicité dans les crises actuelles, notamment dans les fonctions de soutien logistique, pour le recueil de renseignement et les missions de transport tactique des unités d'infanterie, ainsi que pour les missions d'évacuation sanitaire.

Les hélicoptères de transport des forces françaises sont le SA 330 Puma, destiné aux missions de transport et de soutien logistique, et l'AS 532 Cougar, dérivé du Puma. L'armée française compte 101 Puma et 21 Cougar et l'âge moyen du parc de ces appareils s'élève respectivement à 21 et 10 ans. Le taux de disponibilité de ces hélicoptères est très insuffisant au regard des objectifs fixés : il s'établit à 60 % environ, en raison notamment du vieillissement des appareils, de leur utilisation intensive et des problèmes importants rencontrés dans l'approvisionnement en pièces de rechange.

Cette situation n'est guère satisfaisante au regard de l'importance des missions des hélicoptères de man_uvre. Pourtant, en dépit de ces difficultés, le renouvellement de ces appareils n'est pas envisagé avant 2011, date de livraison du successeur des Puma et des Cougar, le NH 90.

Le programme NH 90 est conduit en coopération européenne avec l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas et le Portugal. Deux versions seront développées : l'une (version TTH) est destinée à l'armée de terre et permettra d'assurer le transport tactique de 14 à 20 commandos ou d'un véhicule antichar par tous les temps et dans la zone de combat. L'autre (version NFH) sera utilisée par la marine pour la lutte anti-sous-marine et anti-navire à partir de frégates.

Si la marine française recevra ses premiers hélicoptères à partir de 2005, les premières livraisons de NH 90 à l'armée de terre n'interviendront qu'à partir de 2011.

calendrier de livraison des hélicoptères nh 90 pour l'armée de terre

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Livraison

8

10

10

10

10

10

10

Source : ministère de la défense.

A titre de comparaison, l'armée de terre allemande disposera de son premier NH 90 dès 2004. Le caractère tardif des livraisons de NH 90 à l'armée de terre est donc patent et peut susciter des inquiétudes, compte tenu de l'âge des hélicoptères de transport utilisés par l'armée de terre.

montants des crédits consacrés au NH 90

(en millions d'euros courants)

 

LFI 2002

PLF 2003

Variation

Autorisations de programme

97,6

97,1

- 0,5 %

Crédits de paiement

71,1

139,7

96,4 %

Source : ministère de la défense.

La réduction des crédits affectés à la recherche est très préjudiciable aux capacités futures de nos forces armées : le niveau technologique de nos armements, associé à un volume raisonnable de forces, constitue un facteur essentiel du maintien par la France de son rang sur la scène internationale. La recherche constitue un enjeu majeur de l'indépendance technologique de la France et elle est absolument indispensable pour préparer l'avenir.

Depuis la réforme de la nomenclature entreprise en 1998, les études de défense se ventilent sur des articles budgétaires distincts : les études amont sont concentrées sous gouvernorat de la DGA ; les études de faisabilité sont incluses dans les développements des programmes et les études technico-opérationelles sont placées sous gouvernorat de la DGA, mais aussi des différents états-majors. Une quatrième catégorie d'études de défense a été conçue à cette occasion : les études à caractère politico-militaire, économique et social, qui relèvent de la DGA, mais aussi de la délégation aux affaires stratégiques (DAS). Le c_ur de l'effort de recherche militaire est constitué en France par la notion d'études amont, dont la vocation est de permettre la préparation des programmes d'armement. Elles s'arrêtent là où commence la phase de faisabilité du programme.

On doit aussi citer les subventions versées aux organismes de recherche sous tutelle du ministre de la défense tels que l'office national d'études et recherches aérospatiales (ONERA) et l'Institut Saint-Louis, ainsi que le financement des travaux de recherche fondamentale et relatifs aux nouveaux moyens d'expérimentation et de simulation du commissariat de l'énergie atomique (CEA).

Le montant des crédits de recherche inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003 témoigne d'un effort financier significatif. Les autorisations de programme s'élèvent à 712 millions d'euros, en augmentation de 9,9 % par rapport à la loi de finances initiale de 2002. Les crédits de paiement sont en revanche en légère diminution : ils s'élevaient à 678 millions d'euros dans la loi de finances initiale de 2002 et s'établissent à 654 millions d'euros en 2003, en raison de la consommation insuffisante des crédits en 2002.

L'augmentation des autorisations de programme prévue pour 2003 constitue une réelle inflexion : depuis 1997, les dotations d'études au budget d'équipement avaient été fortement réduites. En autorisations de programmes, elles sont ainsi passées de 940 millions d'euros en 1997 à 648 millions en 2002, tandis que les crédits de paiement ont baissé, au cours de la même période, de 950 millions à 678 millions.

Des initiatives ont été prises pour favoriser l'effort de recherche. A titre d'exemple, un protocole entre les ministères de la recherche et de la défense a été signé en janvier 2001, afin d'accroître l'efficacité de l'effort public dans le développement technologique. En 2002, ce protocole a eu des conséquences pratiques : les bourses doctorales DGA-CNRS ont été augmentées et la DGA est intervenue dans les réseaux de recherche et d'innovation technologique (RRIT). L'objectif fixé par la DGA est approuvé et suivi par le comité directeur réunissant le directeur des systèmes de forces de la DGA et le directeur de la technologie du ministère de la recherche ; il s'élève à environ 5 millions d'euros pour les actions sélectionnées en 2002 et à financer dès 2003. Le ministère de la défense participera à des actions dans le domaine des matériaux, des composants et de la vulnérabilité bactériologique et chimique. Le prochain comité directeur approuvera fin 2002 un nouvel objectif pour l'année 2003.

Pour mémoire, le projet de loi de programmation militaire pour 2003-2008 prévoit des crédits de 3,815 milliards d'euros pour consolider ou acquérir les technologies nécessaires à la réalisation des systèmes d'armes futurs. L'effort en matière de recherche devra concourir à atteindre le modèle de capacités technologiques dont la maîtrise est visée en 2015.

CONCLUSION

Première annuité de la loi de programmation militaire pour 2003-2008, le projet de loi de finances pour 2003 marque une nette inversion de tendance pour les crédits d'équipement de la défense. Avec une enveloppe de 13,64 milliards d'euros, en hausse de 11,2 % par rapport à 2002, les titres V et VI cessent d'être cette variable d'ajustement trop souvent utilisée par les gouvernements précédents au sein du budget de la défense, et plus généralement au sein du budget tout entier.

La professionnalisation des armées est achevée et la priorité est désormais au renforcement des capacités opérationnelles. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d'améliorer significativement la disponibilité des matériels et de poursuivre ou de lancer des programmes permettant à la France de tenir ses engagements européens et d'assurer la protection de ses intérêts. C'est ce que permettra d'accomplir la revalorisation des dotations consacrées aux crédits d'équipement réalisée dans ce projet de loi de finances.

Parce que la loi de programmation militaire nous l'impose, parce que l'intérêt national l'exige, l'effort budgétaire accompli dans le projet de loi de finances pour 2003, dont on ne peut que se féliciter, devra être confirmé lors des prochains exercices budgétaires et ne pas être remis en question dès la loi de finances rectificative qui doit être adoptée d'ici la fin de l'année 2002.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. -  AUDITION DU GÉNÉRAL JEAN-PIERRE KELCHE, CHEF D'ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES, SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2003

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Jean-Pierre Kelche, chef d'état-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2003 (n° 230), au cours de sa réunion du mardi 8 octobre 2002.

Le général Jean-Pierre Kelche a d'abord qualifié d'exceptionnelle la croissance des crédits consacrés à la défense dans le projet de loi de finances initiale pour 2003 par rapport aux dotations votées en loi de finances pour 2002. Ce redressement de 9,7 %, en pouvoir d'achat, du niveau du titre V et de 4,7 % du niveau du titre III a peu de précédents. Pour autant, le volume des crédits n'est pas exorbitant : en effet, c'est l'équivalent d'une annuité d'investissement qui a été perdue au cours de l'exécution de la loi de programmation militaire pour les années 1997-2002. L'effort effectué permet de rétablir le montant des crédits des armées au niveau prévu par la loi de programmation militaire 1997-2002 telle que révisée par la revue des programmes de 1998.

Faute de ce redressement indispensable accueilli avec satisfaction par les armées, le modèle d'armée 2015 aurait nécessairement été remis en question. Outre les graves conséquences qui en auraient résulté pour l'accomplissement de leur mission par les armées, cela aurait eu de graves incidences sur l'institution même, et en tout cas le moral des personnels : ceux-ci ont consenti des efforts considérables pour mener à bien la professionnalisation parce qu'ils pensaient que cela en valait la peine. Une nouvelle marche d'un milliard d'euros supplémentaire devra cependant encore être franchie, au titre V, lors de l'exercice budgétaire 2004, avant de pouvoir s'en tenir au rythme de progression annuelle de 0,8 %.

Les dispositions du titre III du projet de loi de finances pour 2003 sont satisfaisantes à trois égards.

En premier lieu, elles permettent de consolider la professionnalisation, ce qui est fondamental pour maintenir l'efficacité des armées. Le taux de renouvellement des engagements des militaires du rang de l'armée de terre française est de l'ordre de 75 % à 90 % de ceux qui arrivent en fin de contrat. Les raisons du succès rencontré par l'armée de terre résident dans le niveau des rémunérations, les avantages procurés par les opérations extérieures, la qualité de la relation au sein de l'institution militaire et enfin les perspectives de reconversion. D'un strict point de vue financier, les évaluations de coût de la professionnalisation effectuées en 1996 ont été confirmées par les faits, à moins de 0,5 % près. Désormais, il faudra aussi garantir une véritable flexibilité dans l'emploi des crédits du fonds de consolidation de la professionnalisation (FCP).

Les mesures en faveur des effectifs de la gendarmerie et de l'armée de terre sont elles aussi positives. Cette dernière bénéficie d'une transformation de 1 572 postes de volontaires en 1 000 postes d'engagés sous contrat, afin de pallier les tensions observées dans l'infanterie, les transmissions et le génie à l'occasion des rotations d'unités déployées en opérations extérieures.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2003 permet d'envisager un redressement du taux d'activité des armées, dont l'affaissement résultait directement de la conduite des opérations de restructuration des unités et des insuffisances de crédits. Les crédits inscrits permettront de revenir à des taux plus conformes à ceux d'armées modernes et professionnelles.

Pour ce qui concerne le titre V, les mesures prévues par le projet de loi de finances en faveur du redressement des taux de disponibilité, de la modernisation des équipements, de la poursuite des commandes globales et de l'amélioration des crédits de recherche-développement sont à la hauteur des ambitions affichées dans le projet de loi de programmation militaire. Le problème de la disponibilité des matériels, qui est sans aucun doute le plus aigu, a fait l'objet de mesures internes qui devraient commencer à porter leurs fruits au début de l'année 2003. Le taux de disponibilité visé est de 75 %. A la fin de cette même année, les taux de disponibilité seront vraisemblablement plus proches de ceux qu'on est en droit d'attendre pour des armées professionnelles modernes.

La modernisation des équipements, qu'il s'agisse des grands programmes ou des programmes de cohérence, pourra se poursuivre également de manière tout à fait correcte en 2003. Les trois principales commandes globales portent sur 59 Rafale et 680 missiles MICA et sur la tranche de développement du missile M 51 ; les autorisations de programme correspondantes seront inscrites en loi de finances rectificative pour 2002. Enfin, les crédits de recherche et d'études bénéficieront d'une augmentation progressive des engagements pour préparer l'avenir.

En conclusion, la conformité du projet de loi de finances pour 2003 à la première annuité du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 renforce la crédibilité de celui-ci et constitue un signal fort à l'adresse de l'institution militaire et des Français sur le fait que la défense est une priorité du Gouvernement.

Le général Jean-Pierre Kelche a ensuite évoqué la situation en Côte-d'Ivoire. Ce pays connaît une crise grave. Il ne s'agit pas d'une simple mutinerie, mais d'une véritable rébellion interne n'impliquant que très peu d'intervenants extérieurs. La simultanéité de l'action dans plusieurs villes du pays et notamment à Abidjan, Bouaké et Korhogo, la cohérence des consignes de comportement envers les populations civiles et les étrangers, ainsi que le respect de celles-ci, démontrent l'aspect coordonné de la rébellion. La ligne de contact entre rebelles et forces loyalistes correspond approximativement à la limite entre le pays forestier et chrétien au sud et la partie sahélienne et musulmane au nord.

Les rebelles ne sont pas très nombreux (entre 600 et 800), mais bien organisés, même si leur valeur combattante reste moyenne. Même si les forces loyalistes réussissaient à reprendre la ville de Bouaké, cela ne mettrait pas forcément fin aux combats, les rebelles ayant visiblement la capacité de mener une guérilla dans le nord du pays.

Le dispositif français sur place comprend un millier de soldats. Ceux-ci ont déjà évacué environ 3 000 ressortissants occidentaux et continuent à agir dans ce sens de manière discrète. Les militaires français sont notamment positionnés à 1,5 kilomètre de Bouaké, prêts à intervenir pour protéger les ressortissants étrangers restés sur place si le besoin s'en faisait sentir. Des détachements ont également été mis en position entre cette ville et la capitale, Yamoussoukro. Cette présence a jusqu'ici dissuadé toute propagation de la rébellion vers une ville où se sont réfugiés de nombreux occidentaux ayant quitté le nord.

A M. Yves Fromion, président, qui demandait ce qu'il était advenu des soldats américains envoyés il y a quelques jours à Yamoussoukro, le général Jean-Pierre Kelche a répondu que ceux-ci avaient quitté la Côte-d'Ivoire après avoir récupéré certains de leurs ressortissants, notamment ceux qui avaient été exfiltrés de la mission baptiste de Bouaké par les militaires français.

M. Axel Poniatowski a souhaité savoir quel était le taux de renouvellement des engagements des militaires du rang dans l'armée américaine. Puis, il a demandé si ce qui est bon pour l'armée est également bon pour la société : dans la mesure où l'armée fournit une formation aux engagés qui retournent dans le civil, n'est-il pas intéressant pour la société que le roulement soit le plus important possible ? Il a ensuite demandé quel serait l'usage du milliard d'euros supplémentaire jugé souhaitable par le général Kelche au titre V du budget 2004.

Le général Jean-Pierre Kelche a répondu que les comparaisons étaient difficiles avec les Américains en raison de paramètres trop différents, mais que la rotation des engagés était probablement plus importante qu'en France, sauf peut-être pour ce qui concerne le corps des Marines. S'il est vrai que les intérêts des armées et de la société peuvent être antagonistes, les raisons opérationnelles suffisent à justifier que l'armée essaie de fidéliser ses soldats. Dans les situations les plus délicates, comme c'est le cas actuellement en Côte d'Ivoire, toute erreur individuelle peut avoir de très graves répercussions et l'expérience et la maturité des soldats aguerris est fondamentale. Par ailleurs, rendre à la vie civile de jeunes adultes de 28 ans, plutôt que de 23 ans, après 10 années de métier militaire et dotés d'une solide formation n'est certainement pas une mauvaise manière faite à la société. En redonnant à certains jeunes qui auraient pu se trouver en marge une place dans la société, l'armée joue aussi pleinement son rôle de renforcement de la cohésion sociale.

Le milliard d'euros supplémentaire jugé nécessaire en titre V pour le budget 2004 concourra principalement à financer en crédits de paiement la réalisation des commandes passées au cours des années antérieures en autorisations de programme. De plus, à la suite des événements du 11 septembre 2001, des équipements, concernant notamment les forces spéciales ou la protection en matière nucléaire, radiologique, biologique ou chimique, ont été commandés dans l'urgence ; ces commandes devront être payées à partir de 2004.

M. Yves Fromion, président, a souhaité connaître le taux de rotation, d'attrition, des officiers et des cadres militaires en général. Il a ensuite demandé s'il est pertinent d'arrêter le recrutement des officiers de gendarmerie par l'école militaire de Saint-Cyr, alors que les gendarmes sont particulièrement attachés au maintien de leur statut militaire.

Le général Jean-Pierre Kelche a répondu qu'il n'existait pas de problèmes de recrutement au niveau des cadres, sauf peut-être dans la filière scientifique, pour laquelle la concurrence du secteur civil joue à plein. Il a regretté à cette occasion un recrutement tourné majoritairement vers les disciplines scientifiques, alors que les élèves littéraires disposent d'une culture générale et de compétences linguistiques particulièrement utiles pour les armées. En ce qui concerne les sous-officiers, les armées doivent gérer un problème délicat de pyramide des âges. Les départs intervenant avant la limite d'âge ont en outre été plus importants que prévu, ce qui crée des tensions.

Le recrutement traditionnel des officiers de gendarmerie, quand la gendarmerie disposait d'un contingent de places à la sortie de Saint-Cyr, présentait des inconvénients : les élèves qui souhaitaient s'orienter vers la gendarmerie s'y trouvaient mal à l'aise, car ils aspiraient à un métier différent de celui des armes. Le concours particulier des officiers de gendarmerie permet de prendre en compte cette différence de culture.

M. Jean-Yves Le Drian a demandé au chef d'état-major des armées son jugement sur la capacité de la force de réaction rapide de l'Union Européenne à remplir les missions extérieures dites de Petersberg et sur les progrès qui restent encore à accomplir en matière d'harmonisation européenne.

Le général Jean-Pierre Kelche a jugé très positive la démarche européenne entreprise depuis 1998 et a souligné la réussite représentée par la déclaration d'opérationnalité du Conseil européen de Laeken. Cependant, cette capacité européenne, ainsi définitivement sortie du virtuel, doit maintenant s'ancrer dans le réel grâce à la prise de la responsabilité par l'Union européenne de l'engagement de forces armées sur un théâtre de crise. Une occasion pourrait être trouvée en Macédoine, mais elle est gênée par les relations entre l'Union européenne et l'OTAN. La Bosnie est également envisageable, mais une telle opération ne doit pas aboutir à un départ prématuré des Américains. Si les forces répondent aux ambitions définies, la chaîne de commandement politico-militaire fonctionne bien elle aussi, qu'il s'agisse de l'état-major de l'Union européenne ou du comité politique et de sécurité (COPS). Des limites subsistent dans des domaines stratégiques, tel le renseignement, mais pas au point d'obérer une action autonome de l'Union à partir de janvier 2003. Les projets d'analyse des besoins, menés à leur terme, font place maintenant à des projets de financement et de réalisation de capacités européennes, conduits entre deux ou plusieurs pays. Une telle réussite serait exemplaire, car une démarche similaire engagée par l'Alliance Atlantique est actuellement enlisée.

M. Yves Fromion, président, a demandé si un porte-avions commun à des partenaires européens ne serait pas une réalisation symbolique pour l'Europe de la défense.

Le chef d'état-major des armées a répondu qu'un porte-avions commun à deux ou plusieurs pays européens n'était pas envisageable : le partage dans le temps serait trop complexe ; il pourrait être inadapté aux besoins ponctuels des pays partenaires, lors d'une crise notamment ; le partage des coûts d'entretien impliquerait des visites poussées à chaque changement d'équipage pour, en cas de détérioration du porte-avions, déterminer les responsabilités respectives des pays qui l'utilisent.

Si un porte-avions à temps partagé est exclu, un porte-avions à coût partagé est tout à fait envisageable. Le choix de la version, à décollage vertical, de l'avion JSF ne ferme pas la porte à une éventuelle coopération avec le Royaume-Uni pour la construction du second porte-avions français. En effet, en dépit du choix du JSF, une catapulte sera nécessaire sur le porte-avions britannique pour le décollage des avions de guet aérien Hawkeye. Les porte-avions français et britannique pourraient utiliser des composants communs, notamment pour les systèmes d'armes ou la propulsion, ce qui permettrait de réaliser des économies d'échelle : sur certains éléments, les gains pourraient atteindre 20 à 30 % du coût. Des études sont en cours.

Rappelant qu'en 2003, 1 572 postes de volontaires dans l'armée de terre seraient remplacés par 1 000 postes d'engagés, en raison des difficultés de recrutement de volontaires, M. Philippe Vitel a demandé ce qu'allait devenir le statut de volontaire, surtout si une telle démarche est adoptée par les autres armées.

Le général Jean-Pierre Kelche a répondu que le statut de volontaire était en effet peu attractif par rapport à celui d'engagé, en raison des différences de statut et de rémunération. Ce statut a été conçu soit comme une possibilité d'engagement de courte durée à titre d'essai, soit pour utiliser des compétences spécifiques sur un temps bref et permettre aux jeunes gens ainsi recrutés de faire valoir sur le marché du travail une première expérience de qualité, soit enfin, de la part de la gendarmerie, pour constituer une forme de période probatoire au sein d'une brigade. Cependant, ce dispositif ne fonctionne pas pleinement et les manques d'effectifs deviennent permanents et pèsent sur les structures. Afin de sortir de cette impasse, l'armée de terre a entrepris de remplacer 1 572 postes de volontaires à coût constant par 1 000 postes d'engagés ; cette opération sera renouvelée en 2004, l'objectif étant de recruter ainsi 3 000 militaires du rang supplémentaires.

M. Jérôme Rivière a évoqué la question des réserves : alors que la situation est aujourd'hui satisfaisante parmi les officiers, les effectifs de militaires du rang réservistes sont insuffisants. Il a demandé si le projet de loi de programmation militaire prévoyait les fonds nécessaires pour y remédier. Après avoir rappelé que le calendrier prévu par la loi de programmation militaire pour le deuxième porte-avions impliquerait des arbitrages rapides, il a demandé si l'opération Heraclès permettait déjà d'orienter certains d'entre eux, notamment pour la plate-forme de tir et les systèmes d'armes.

Le chef d'état-major des armées a reconnu que les réserves constituaient une préoccupation importante. Si le système d'affectation individuelle des officiers pour des périodes données fonctionne bien, avec des missions sur les théâtres d'opération de trois ou quatre mois, en revanche, la moitié des objectifs d'effectifs seulement est atteinte pour les sous-officiers et 12,5 % pour les militaires du rang. Les crédits qui y sont consacrés sont suffisants, puisque ceux prévus pour 2002 ne sont pas consommés en totalité. Ce sont les règles de fonctionnement qui doivent être modifiées. La ministre de la défense va nommer un chargé de mission sur les réserves. La difficulté doit être résolue, car l'organisation des armées inclut des unités élémentaires composées de réservistes. Des mesures renforçant leur attractivité sont spécialement nécessaires : rémunérations, reconnaissance, action auprès des entreprises.

La campagne du Charles-de-Gaulle a été une réussite, d'autant plus remarquable qu'on sait de quelles péripéties elle a été précédée. Les capacités en matière d'interopérabilité, de maîtrise de l'espace aérien et de l'information ont donné entière satisfaction. S'il est possible de construire un sister-ship au Charles-de-Gaulle, la question du choix de la propulsion reste essentielle : lorsque le premier porte-avions a été conçu, le choix de la propulsion nucléaire s'imposait, compte tenu des performances insuffisantes de la propulsion classique. Cependant, le gaz permet aujourd'hui de fournir une puissance considérable. La charge d'entretien associée à la propulsion nucléaire est plus lourde et les escales soulèvent plus de difficultés en raison de l'image de l'énergie nucléaire, mais la puissance fournie est très élevée, tout comme la fiabilité. Les arbitrages seront réalisés au printemps 2003. La décision du Royaume-Uni constituera un élément important. L'attente de ce choix ne retardera pas l'entrée en service du deuxième porte-avions, prévue en 2012.

M. Jean-Michel Boucheron a demandé si, au vu des événements de l'année écoulée et de l'évolution des menaces à l'échelle mondiale, le moment n'était pas venu de reprendre la réflexion sur les choix fondamentaux de la politique française de dissuasion.

Le général Jean-Pierre Kelche a répondu qu'il s'agissait en effet là d'une question essentielle, au c_ur de toute réflexion sur l'adéquation du futur type de défense à l'évolution des menaces. Face à la montée en puissance des menaces asymétriques non étatiques, que le nucléaire n'a de toute façon pas vocation à couvrir, il est possible dans un premier mouvement de s'interroger sur l'opportunité de maintenir des investissements pour la dissuasion nucléaire à hauteur de 19 % des crédits du titre V.

Pour perdurer, le consensus sur le nucléaire doit être étayé de nouveau. Il convient de raisonner dans la durée : la dissuasion nucléaire a pour objet de protéger les intérêts vitaux de la France à l'horizon de vingt ou trente ans. Il ne faut pas que nos successeurs puissent reprocher notre imprévoyance. Les incertitudes sur les menaces futures sont grandes, qu'il s'agisse de la situation d'une Russie qui n'est actuellement pas encore stabilisée ou de l'émergence de puissances régionales disposant d'armes de destruction massive. Il existe un certain nombre de scénarios possibles dans lesquels la possession de l'arme nucléaire donne aux autorités politiques françaises une capacité d'action et de réaction face à des puissances hostiles. Enfin, le statut international de la France, et notamment son siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, dépend pour partie de sa capacité nucléaire militaire. Le prix à payer pour bénéficier de l'ensemble de ces atouts ne semble donc pas disproportionné, mais il est certain qu'il faudra réfléchir à une évolution de la notion de dissuasion française et mieux argumenter vis-à-vis de l'opinion publique.

M. Yves Fromion, président, a souligné que la création d'une défense européenne conduisait inéluctablement à une réflexion sur le rôle de la dissuasion nucléaire française.

M. Richard Mallié a rappelé que, dans le projet de loi de programmation militaire, 265 millions d'euros étaient prévus pour la rénovation des hélicoptères Puma et Cougar. Ne serait-il pas plus judicieux d'utiliser ces crédits pour acheter plutôt quinze NH 90 neufs ? Par ailleurs, les gendarmes français en mission au Kosovo effectuent des missions de police judiciaire et de renseignement sur les filières de criminalité organisées. Leur séjour se limite à quatre mois. Cette durée ne pourrait-elle pas être augmentée, afin de mieux répondre aux besoins opérationnels ?

Le général Jean-Pierre Kelche a indiqué que la maquette de l'armée de terre avait été insuffisamment dimensionnée en ce qui concerne l'aéromobilité et qu'il n'avait pas été possible de revenir sur ce déficit, représentant environ un régiment. De plus, il faut faire face à la faible disponibilité actuelle des hélicoptères. Le programme NH 90 prévoit que la version marine sera développée en premier, la version transport de troupes ne devant être livrée qu'en 2011. Une réflexion a été menée sur la possibilité d'avancer cette date, mais la renégociation d'ensemble du contrat faisait craindre des surcoûts importants, tandis que les autres Etats participant au programme n'étaient pas favorables à une telle modification. D'un point de vue opérationnel, à moyens constants, l'achat de treize hélicoptères NH 90 ne permettrait pas de compenser le retrait progressif du service des 69 hélicoptères devant être modernisés. Or, le degré de rénovation à effectuer a été établi pour pouvoir engager les appareils rénovés sur des théâtres d'opérations extérieures. Le programme de rénovation permettra ainsi de prolonger de dix à quinze ans la durée de vie des appareils et de faire la soudure avec l'arrivée du NH 90.

On peut effectivement penser que quatre mois sont insuffisants pour pouvoir être efficace dans la lutte contre la criminalité organisée. Cependant, la responsabilité du déploiement de spécialistes dans ce domaine en opérations extérieures ne relève pas de l'état-major des armées. La durée du déploiement des unités de combat en opérations extérieures a été limitée à quatre mois, même dans les zones calmes, car il est apparu qu'une durée plus longue avait des répercussions sérieuses sur la vie des familles.

M. Jean Michel a évoqué l'engagement de l'Allemagne en faveur de la défense européenne, notamment au regard de ses hésitations sur le programme A 400 M. Après avoir relevé que les pays d'Europe centrale et orientale entrés dans l'OTAN avaient tendance à se fournir auprès des industries de défense américaines, il a souhaité savoir quelles pouvaient être les modalités de coopération militaire avec la Russie dans le futur.

Le général Jean-Pierre Kelche a estimé que l'Europe ne pouvait pas se faire sans la Russie et que l'avenir de cette dernière se situait en Europe. S'il est fréquemment reproché à la Russie de regarder davantage vers l'OTAN que vers l'Union européenne, il faut bien reconnaître que celle-ci ne prend aucune initiative vis-à-vis de la Russie. La situation de l'appareil militaire russe est extrêmement difficile. Le projet du président Poutine d'organiser une transition vers l'armée professionnelle en 2010 se heurte à un profond manque de moyens financiers. En 2002, 150 000 postes de cadres de l'armée russe devraient disparaître. L'indemnité versée aux personnels licenciés est extrêmement faible. Face au manque de moyens, l'expérience de la France en matière de professionnalisation ne peut être d'un grand secours. Pour les mêmes raisons, en ce qui concerne la coopération opérationnelle, à peine 15 % des projets prévus chaque année sont effectivement réalisés.

Les pays d'Europe centrale et orientale ont privilégié l'adhésion à l'OTAN, d'une part en raison de leur sentiment d'insécurité vis-à-vis de la Russie, d'autre part parce qu'il est plus facile d'adhérer à l'Alliance atlantique qu'à l'Union européenne. Les Etats qui vont prochainement intégrer l'OTAN ne remplissent en réalité pas les standards de l'organisation, de même que la plupart de ceux qui y sont entrés récemment. Au contraire, l'intégration à l'Union européenne suppose des processus complexes et des démarches approfondies. Les élargissements successifs de l'OTAN et de l'Union européenne resteront donc décalés dans le temps et dans l'espace. Ce qui importe, c'est que l'élargissement de l'Union européenne reste compatible avec le développement d'une politique de sécurité et de défense commune.

La situation budgétaire de l'Allemagne reste très difficile et, au mieux, les dépenses militaires seront simplement reconduites l'an prochain. Le débat sur le service national en Allemagne n'a pas été tranché et, outre la sensibilité historique de cette question, se pose le problème du remplacement éventuel du service civil, qui concerne actuellement 180 000 personnes. Si le principe de la commande de l'A 400 M n'est pas remis en cause, il y a lieu d'être inquiet sur le nombre d'A 400 M qui seront commandés, qui est déterminant pour la pérennité d'un programme dont l'échec serait une catastrophe pour l'Europe. L'Allemagne reste toutefois susceptible de s'investir ponctuellement dans certains programmes en coopération européenne peu coûteux, comme les modules de télécommunication déployables et les drônes.

Rappelant que le général Jean-Pierre Kelche va quitter dans quelques semaines ses fonctions de chef d'état-major des armées, M. Yves Fromion, président, lui a rendu hommage au nom de la commission, en soulignant la grande disponibilité à l'égard du Parlement d'un officier en qui il a vu « sans doute l'un des meilleurs de sa génération ».

II. -  EXAMEN DES CREDITS

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Cornut-Gentille, les crédits d'équipement pour 2003, au cours de sa réunion du mercredi 16 octobre 2002.

Après l'exposé du rapporteur pour avis, M. Jean-Louis Bernard a indiqué que la baisse du taux de disponibilité des Gazelle s'expliquait par l'application du principe de précaution à la suite de deux accidents très graves.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis, a confirmé cette origine de la faiblesse du taux de disponibilité affectant la plupart des matériels anciens.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits d'équipement pour 2003, les commissaires socialistes s'abstenant.

*

Au cours d'une réunion tenue le même jour, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la défense pour 2003, les commissaires socialistes s'abstenant.

N° 0260 - 08 - Avis de M. François Cornut-Gentile sur le projet de loi de finances pour 2003 - Défense : crédits d'équipement


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() Rapport d'information n° 350 : « les hélicoptères de l'armée de terre : situation et perspectives », au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.