° 0261 - 05 - Avis de M. Jean-Paul Garraud sur le projet de loi de finances pour 2003 - Justice : administration centrale et services judiciaires

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N° 261

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2002.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2003 (n° 230),

TOME V

JUSTICE

ADMINISTRATION CENTRALE
et SERVICES JUDICIAIRES

PAR M. JEAN-PAUL GARRAUD,

Député.

--

Voir le numéro : 256 (annexe 33).

Lois de finances.

INTRODUCTION 5

I. -  LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS RESTE INSATISFAISANT MALGRÉ LE RENFORCEMENT DE LEURS MOYENS 6

A.  L'AUGMENTATION DES MOYENS 6

1.  Les services judiciaires 6

2.  Les juridictions administratives 8

B.  L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS 9

1. L'activité judiciaire civile 10

2. L'activité judiciaire pénale 13

3. L'activité des juridictions administratives 16

II. -  LES CRÉDITS POUR 2003 TÉMOIGNE D'UN EFFORT PROGRAMMÉ EN FAVEUR DE LA JUSTICE 19

A.  LA PROGRAMMATION QUINQUENNALE 19

1. D'importantes créations d'emplois 20

2. Des moyens matériels renforcés 21

B.  LE PROJET DE BUDGET POUR 2003 22

1. Les services judiciaires 22

2. Les juridictions administratives 26

3. L'administration centrale 27

III. -  LE RECRUTEMENT DES MAGISTRATS ET DES FONCTIONNAIRES DE JUSTICE DOIT FAIRE L'OBJET D'UNE RÉFLEXION 28

A. LE RECRUTEMENT ET LA FORMATION DES MAGISTRATS : LES ENJEUX DE LA DIVERSIFICATION ET DE L'ACCROISSEMENT DU CORPS 28

1. L'évolution du recrutement et des besoins de formation 28

2. La nécessité de donner à l'ENM les moyens d'assurer ses nouvelles missions 32

3. Les exigences de qualité de la formation et d'adaptation aux besoins de l'appareil judiciaire et des justiciables 34

B. LES FONCTIONNAIRES DES SERVICES JUDICIAIRES : DES MÉTIERS QU'IL CONVIENT DE REPENSER 37

1. Adapter l'École nationale des greffes à la forte augmentation des effectifs de fonctionnaires de justice 37

2. Engager une réflexion sur l'évolution des métiers des greffes 38

AUDITION DE M. DOMINIQUE PERBEN, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET EXAMEN DES CRÉDITS EN COMMISSION 42

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 51

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR 52

ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES REÇUES PAR LE RAPPORTEUR 53

MESDAMES, MESSIEURS,

Le projet de loi de finances pour 2003 marque la priorité accordée par le Gouvernement à la justice.

En effet, de tous les budgets ministériels, c'est celui qui enregistre la plus forte progression de ses crédits de paiement, de l'ordre de 7,43 % par rapport à 2002 ⁽⁾, soit une augmentation plus de quatre fois supérieure à celle du budget général de l'État. En outre, alors que les effectifs des budgets civils de l'État diminueront de 0,11 % entre 2002 et 2003, ceux du ministère de la justice progresseront de 3,04 % pour atteindre un effectif de 69 215, grâce à 2 042 créations nettes d'emplois. Enfin, avec 706 millions d'euros en 2003, le montant des autorisations de programme sera quasiment doublé par rapport à 2002.

De fait, et comme le montre le tableau figurant ci-après, le budget de la justice occupe une place croissante dans le budget de l'État, représentant 1,84 % en 2003, contre 1,74 % en 2002.

ÉVOLUTION BUDGET ÉTAT / BUDGET JUSTICE
LOIS DE FINANCES INITIALES
1993-2003

	1993	1994	1995	1996	1997	1998	1999	2000	2001	2002	2003
Budget de l'État⁽¹⁾ (milliards d'euros)	208,84	221,58	226,78	237,55	241,17	243,99	257,11	256,42	263,72	269,10	273,70
Budget de la Justice (milliards d'euros)	3,11	3,24	3,37	3,58	3,64	3,79	4,00	4,16	4,44	4,69	5,04
Pourcentage budget Justice / État	1,49 %	1,46 %	1,49 %	1,51 %	1,51 %	1,55 %	1,56 %	1,62 %	1,68 %	1,74 %	1,84 %

(1) Dépenses du budget général hors remboursements et dégrèvements.

Source : Ministère de la justice.

Conforme à la tendance à la hausse des crédits consacrés à la justice, observée maintenant depuis plusieurs années ⁽⁾, l'effort budgétaire consenti cette année pour la justice frappe cependant par son ampleur : grâce à une augmentation de 348 millions d'euros par rapport à 2002, le budget de la justice passe ainsi la barre des cinq milliards d'euros de crédits de paiement.

Cet effort s'inscrit dans le droit fil de la programmation pluriannuelle prévue dans la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, dont le budget pour 2003 constitue la première année d'application.

Comme le montre le tableau figurant ci-après, près de 60 % des dotations prévues pour 2003 vont aux services judiciaires, aux juridictions administratives ainsi qu'à l'administration centrale qui font l'objet du présent avis.

RÉPARTITION DES CRÉDITS ET EFFECTIFS PAR SERVICE


	Crédits de paiement projet de loi de finances pour 2003			Effectifs projet de loi de finances pour 2003
	Millions d'euros	Part relative	Augmentation 2002/2003	Nombre d'emplois	Part relative	Augmentation 2002/2003
Services judiciaires	2 122,44	42,14 %	5,98 %	28 227	40,8 %	+ 2,27 %
Services pénitentiaires	1 492,54	29,63 %	7,77 %	28 590	41,30 %	+ 3,0 %
Administration centrale et services communs	675,51	13,41 %	14,13 %	2 028	2,93 %	+ 8,9 %
Protection judiciaire de la jeunesse	565,61	11,23 %	4,81 %	7 753	11,20 %	+ 4,22 %
Conseil d'État et juridictions administratives	152,99	3,04 %	6,80 %	2 541	3,67 %	+ 4,1 %
Autres	27,43	0,54 %	2,56 %	76	0,10 %	+ 2,7 %
Total Justice	5 036,52	100 %	7,43 %	69 215	100,0 %	+ 3,04 %

* *

I. - LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS RESTE INSATISFAISANT MALGRÉ LE RENFORCEMENT DE LEURS MOYENS

A. L'AUGMENTATION DES MOYENS

1. Les services judiciaires

_ Depuis 1998, le nombre d'emplois de magistrats et de fonctionnaires des juridictions de l'ordre judiciaire a été en progression rapide ainsi que le montre le tableau suivant.

CRÉATIONS D'EMPLOIS DANS LES SERVICES JUDICIAIRES


	1998	1999	2000	2001	2002	Total
Magistrats	70	140	212	307	320 ⁽¹⁾	1049
Greffier en chef	10	10	15	- 7 ⁽²⁾	10	39
Greffier	90	112	140	186 ⁽³⁾	476 ⁽³⁾	1 004
Catégorie C	130	28 ⁽⁴⁾	- 8 ⁽⁴⁾	- 8 ⁽⁴⁾	- 1 ⁽⁵⁾	141
Contractuels		36	15		15	66
Total	300	326	374	479	820	2 299
(1) Il s'agit de créations brutes d'emplois de magistrat, hors 20 transferts à l'administration centrale et 2 à la MILDT. (2) Transformations d'emplois de greffiers en chef en emplois de secrétaire général de service administratif régional pour permettre la mise en oeuvre du statut d'emploi. (3) Déduction faite des transferts d'emplois à l'administration centrale : 4 en 2001 et 24 en 2002. (4) Emplois d'agents administratifs transférés à l'administration pénitentiaire pour les secrétariats de service d'insertion et de probation. (5) Transfert d'emploi à la MILDT : 1 en 2002. Source : Ministère de la justice.

À ces chiffres s'ajoutent le recrutement d'assistants de justice, créés par la loi organique n° 95-125 du 8 février 1995. Rémunérés à la vacation, 1 234 étaient affectés dans les juridictions en 2002.

_ Sous réserve de confirmation de la localisation des emplois dans un décret à venir, 7 135 magistrats sont actuellement affectés dans les juridictions de métropole et d'outre-mer, selon la répartition suivante :

EFFECTIFS BUDGÉTAIRES DE MAGISTRATS


Juridictions	Siège	Parquet	Autre	Total
Magistrat de la Cour de cassation	157	24		181
Magistrat au service de documentation et d'études			6	6
Secrétaire général			2	2
Totalité des emplois de la cour de cassation	157	24	8	189
Magistrat des cours d'appel et des tribunaux supérieurs d'appel (dont 20 conseillers en service extraordinaire)	1 103	278		1 381
Secrétaire général (cours d'appel de Paris : 2 et de Versailles : 2)			4	4
Magistrat placé	147	84		231
Totalité des emplois des cours d'appel et T.S.A.	1 250	362	4	1 616
Magistrat du siège non spécialisé	2 792			2 792
dont emplois de magistrat chargé du service de l'instance	853
Juge du livre foncier	36			36
Magistrat chargé de l'instruction	579			579
Magistrat chargé des enfants	401			401
Magistrat chargé de l'application des peines	223			223
Magistrat du parquet		1 297		1 297
Secrétaire général (tribunal de grande instance de Paris)			2	2
Totalité des emplois des T.G.I. et T.P.I.	4 031	1 297	2	5 330
Ensemble des emplois en juridictions	5 208	1 683	14	7 135
Source : Ministère de la justice.

Compte tenu des magistrats de l'administration centrale du ministère de la justice et des emplois de magistrats au Conseil supérieur de la magistrature et à l'École nationale des greffes, les effectifs budgétaires de magistrats s'élèvent en 2002 à 7 344, contre 7 027 en 1001.

Cette progression globale du nombre de postes doit toutefois être mise en rapport avec les effectifs réels des magistrats. En effet, comme le montre le tableau figurant ci-après, il existe une différence sensible entre le nombre d'emplois créés au titre des lois de finances et l'effectif réel des magistrats en activité ; 392 vacances ont ainsi été répertoriées au 1^er septembre 2002, la majeure partie des emplois vacants étant constituée par les derniers postes créés qui n'ont pu être pourvus en raison du temps requis pour le recrutement et la formation des magistrats.

EFFECTIFS DES MAGISTRATS AU 1^ER SEPTEMBRE 2002


	1993	1994	1995	1996	1997	1998	1999	2000	2001	2002
A. Ensemble des magistrats gérés	6 296	6 383	6 414	6 423	6 441	6 510	6 790	6 925	7 134	7 290
B. Magistrats en détachement	188	224	231	223	240	232	266	254	253	226
C. Magistrats en congé de longue durée	6	7	18	9	4	7	9	6	23	17
D. Magistrats en congé parental	25	24	19	23	25	22	17	15	23	19
E. Magistrats en disponibilité	68	70	71	73	80	70	77	81	81	76
F. Magistrats en activité	6 009	6 058	6 075	6 095	6 092	6 179	6 421	6 569	6 754	6 952
G. Magistrats maintenus en activité en surnombre	116	139	110	91	110	92	82	62	58	53
H. Effectifs réels des magistrats en activité (F + G)	6 125	6 197	6 185	6 186	6 202	6 271	6 503	6 631	6 812	7 005
I. Effectifs budgétaires (SJ + AC)	6 098	6 138	6 198	6 258	6 287	6 357	6 502	6 721	7 027	7 344
J. Postes vacants (I - F)	89	80	123	163	195	178	81	152	273	392
SJ : services judiciaires ; AC : administration centrale Source: Ministère de la justice.

_ Les effectifs des fonctionnaires des services judiciaires enregistrent une forte progression depuis maintenant plus de dix ans. En effectifs réels, ils étaient 21 275 en 2002, contre 17 533 en 1991 : les effectifs des greffiers en chef et des greffiers ont progressé de façon continue, passant, pour les catégories A, de 1 415 en 1991 à 1 680 en 2002, et, pour les catégories B, de 4 448 en 1991 à 7 696 en 2002. Parallèlement, les effectifs des catégories C, après avoir diminué entre 1994 et 1996, sont, depuis 1997, en forte progression, passant de 10 972 en 1996 à 11 899 en 2002.

Cette évolution générale des effectifs des fonctionnaires des services judiciaires s'inscrit dans la poursuite des opérations qualitatives de transformation et de repyramidage des emplois, qui a notamment conduit à accroître la proportion de personnels de catégorie B.

Malgré cette progression des effectifs, le ratio magistrats/fonctionnaires de greffe ⁽⁾ a peu évolué entre 1990 et 1999 - il est en moyenne de 2,84 - avant de se dégrader sous l'effet de l'accroissement des effectifs de magistrats, passant de 2,82 en 1999 à 2,60 en 2002.

_ Accompagnant la progression des effectifs des services judiciaires, les moyens de fonctionnement des services judiciaires sont passés de 189,7 millions d'euros en 1998 à 216,4 millions d'euros en 2002, enregistrant ainsi une progression annuelle moyenne de près de 4 %, nettement plus lente cependant en fin de période (+3,3 % en 2002, contre 6,4 % en 1998).

2. Les juridictions administratives

_ Si le nombre de membres du Conseil d'État a peu varié depuis 1991, les effectifs des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ont bénéficié de 297 créations entre 1991 et 2003. Modérée entre 1992 et 1994 (+ 34 emplois pour tenir compte de la création des cours administratives d'appel et de l'extension progressive de leurs compétences), les créations de postes de magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel se sont multipliées depuis 1995 : 100 emplois ont créés en application de la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice et 71 recrutements temporaires ont été autorisés entre 1995 et 1999 ; 121 emplois ont, par ailleurs, été créés entre 2000 et 2002, compensant la suppression de 41 postes de magistrats recrutés à titre temporaire.

_ Entre 1991 et 2003, 64 emplois auront été créés parmi les agents du Conseil d'État : après une baisse entre 1991 et 1994, leur nombre a progressé de façon sensible de 1995 à 1999 (+ 38), en application de la loi de programme relative à la justice, puis de 2000 à 2002, avec la création de 16 emplois. Parallèlement, 496 emplois d'agents de greffe auront été créés dans les juridictions administratives entre 1991 et 2003, accompagnant ainsi les créations de postes de magistrats.

Particulièrement faible au début de la période (1.15 en 1991), le ratio agent par magistrat s'est progressivement amélioré, jusqu'à atteindre en 1997 le chiffre de 1.4, considéré comme raisonnable dans les greffes des juridictions administratives. Cette amélioration a été rendue possible grâce à la création de 329 emplois d'agents de greffe contre 134 créations d'emplois de magistrats de 1991 à 1999. Le récent renforcement des effectifs des magistrats a entraîné une dégradation de ce ratio, qui est passé de 1,38 en 2000 à 1,36 en 2001 puis 1,34 en 2002.

_ Alors que la loi de programme du 6 janvier 1995 ne comportait aucune disposition relative aux crédits de fonctionnement nécessaires à son exécution, les dotations du chapitre 34-51 (dépenses de fonctionnement) ont été abondées de 1,1 million d'euros entre 1995 et 2002, afin de tenir compte de la création de nouvelles juridictions (tribunaux administratifs de Melun et Cergy-Pontoise en 1996 et 2000 ; cours administratives d'appel de Marseille et Douai en 1997 et 1999). Dans le même temps, une politique de rationalisation des coûts a été engagée, notamment en matière immobilière, permettant de ramener la part des loyers et charges locatives dans les crédits de fonctionnement des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de 34 % en 1997 à 26,3 % en 2002 ⁽⁾.

B. L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS

La réduction des délais de traitements des affaires civiles et pénales ainsi que des contentieux portés devant les juridictions administratives figure significativement en tête des priorités définies dans le rapport annexé à la loi de programmation et d'orientation pour la justice du 9 septembre dernier. Des objectifs chiffrés y sont même avancés :

- douze mois dans les cours d'appel, six mois dans les tribunaux de grande instance et trois mois dans les tribunaux d'instance ;

- un an pour l'ensemble des juridictions administratives.

L'analyse de l'activité des juridictions au cours des dernières années permet de prendre la mesure des efforts à fournir pour les atteindre. En effet, pour les deux ordres de juridiction, aucune réduction des délais de traitement n'est observée, alors même que le nombre d'affaires soumises aux juridictions est, dans bien des cas, en baisse.

1. L'activité judiciaire civile

L'année 2001 a été caractérisée par une nouvelle diminution du nombre d'affaires nouvelles portées devant les juridictions judiciaires civiles. Si, pour la première fois depuis 1993, la durée moyenne de traitement des affaires portées devant les cours d'appel a diminué sensiblement, tel n'a pas été pas le cas devant les tribunaux de grande instance où la durée moyenne de traitement des affaires terminées est remontée à 9,3 mois. En outre, le stock d'affaires restant à traiter au 31 décembre 2001 par les tribunaux d'instance a augmenté sensiblement.

L'ACTIVITÉ JUDICIAIRE CIVILE EN 2001


Juridictions	Affaires nouvelles	Affaires terminées	Affaires en cours au 31 décembre	Durée moyenne de traitement
Cour de cassation	23 439	21 488	35 190	2 ans et 19 jours⁽¹⁾
Cours d'appel	186 386	205 843	269 622	17,8 mois
Tribunaux de grande instance	599 551	577 747	604 021	9,3 mois
Tribunaux d'instance	491 762	466 090	408 897	5,3 mois
(1) Ce chiffre prend en compte les affaires terminées par un arrêt en 2001, ce qui exclut les affaires terminées par une ordonnance constatant un désistement ou une déchéance. Source : Ministère de la justice.

_ La Cour de cassation

Après une hausse de 6,2 % entre 1999 et 2000, le nombre d'affaires civiles nouvelles portées devant la Cour de cassation (23 439) a encore plus fortement progressé - de près de 10 % - entre 2000 et 2001, atteignant ainsi son nouveau record depuis 1990. Face à cet afflux d'affaires nouvelles, la Cour a rendu 21 488 décisions, nombre le plus élevé depuis 1990, mais seulement en légère progression par rapport à 2000 (+ 0,4 %). Représentant respectivement 43 % et 20 % de ces décisions, les rejets de pourvois ont augmenté de 9 % par rapport à 2000 tandis que les cassations ont progressé de 11 %.

Afin de remédier à l'engorgement croissant de la juridiction, la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 modifiant le statut de la magistrature a prévu de nouvelles dispositions d'admission des pourvois. Entré en application le 1^er janvier 2002, ce dispositif permet à la formation de la chambre de la Cour de cassation saisie de l'affaire de déclarer non admis les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation. Pour le premier trimestre 2002, sur un total de 9 448 arrêts rendus par les chambres civiles, 2 626 décisions de non-admission ont été rendues ; elles correspondent à des affaires qui, dépourvues de complexité, étaient autrefois jugées en formations dites restreintes, à trois magistrats. Dans 10 % des cas, des affaires faisant l'objet d'une proposition initiale de non-admission ont ensuite été réorientées pour être jugées par un arrêt motivé.

_ Les cours d'appel

Confirmant une tendance observée depuis maintenant 1996, le nombre d'affaires civiles nouvelles portées en 2001 devant les cours d'appel (186 386) a enregistré une nouvelle baisse, de 4,1 %. Cette évolution - qui concerne la plupart des cours d'appel - résulte à la fois de la baisse du nombre d'affaires jugées en première instance, du relèvement du seuil financier autorisant l'appel, de la stabilité des taux d'appel des décisions prud'homales et des jugements rendus par les tribunaux de grande instance et d'une baisse des taux d'appel sur décisions des tribunaux d'instance et des tribunaux de commerce.

Malgré une baisse de 7,1 % par rapport à 2000, le nombre d'affaires civiles terminées (205 843) en 2001 reste largement supérieur au nombre d'affaires nouvelles, ce qui permet, comme au cours de l'année 2000, un net dégonflement - de l'ordre de 7 % - du stock d'affaires restant à traiter au 31 décembre 2001 (269 622). Mais, si cette tendance est commune à toutes les cours d'appel, l'ancienneté moyenne des affaires en stock varie de 23 mois à Douai à 7 mois dans les cours moins chargées, telles que Riom ou Bourges.

La durée moyenne des affaires terminées s'est établie à 17,8 mois : 25 % des affaires ont été traitées en moins de 7,4 mois ; 50 % en moins de 15,1 mois et 25 % en plus de 24,2 mois. Alors que la durée moyenne de traitement des affaires se dégradait continuellement depuis 1993, passant de 13,5 mois en 1993 à 18,4 mois en 2000, celle-ci s'est donc enfin sensiblement réduite (- 0,6 mois). Cette évolution est logique dès lors que, lorsqu'une cour commence à déstocker, elle est conduite à traiter une proportion inhabituelle d'affaires anciennes, ce qui entraîne, dans un premier temps, une dégradation des durées moyennes de traitement des affaires.

_ Les tribunaux de grande instance

Alors qu'il diminuait de 3 % en moyenne depuis 1997, notamment sous l'effet de la réforme des procédures civiles d'exécution et du relèvement du seuil de compétence des tribunaux de grande instance, le nombre d'affaires nouvelles civiles portées devant ces juridictions (599 551) en 2001 est resté presque stable entre 2000 et 2001, n'enregistrant une baisse que de 0,2 %. Avec 344 800 affaires, les contentieux portés devant les juges aux affaires familiales ont augmenté de 1,7 % par rapport à 2000, principalement en raison de la reprise des divorces et de la progression des contentieux liés aux enfants naturels. En revanche, les contentieux de la responsabilité et de l'impayé, du droit des contrats et de l'exécution ont diminué.

Pour la cinquième année consécutive, le nombre d'affaires civiles terminées en 2001 (577 747) diminue, de l'ordre de 2,6 %. Cette nouvelle diminution entraîne une augmentation du stock d'affaires restant à traiter au 31 décembre 2001 (604 021), de l'ordre de 3,7 % par rapport à 2000. Corrélativement, la durée moyenne des affaires terminées s'est allongée en 2001 à 9,3 mois, effaçant ainsi la légère amélioration qui s'était fait jour depuis 1998 : 25 % des affaires terminées en 2001 l'ont été en moins de 2,5 mois et 50 % en moins de 5,7 mois tandis que les 25 % restants l'ont été en plus de 12,3 mois (contre 11,3 mois en 2000).

Cette dégradation résulte, en partie, de l'affectation d'un certain nombre de magistrats du siège au traitement de la détention provisoire dans le cadre de la mise en _uvre de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence.

_ Les tribunaux d'instance

Après avoir augmenté en 1999 et 2000 en raison de l'élévation du taux de ressort et du seuil de saisine par simple déclaration au greffe, le nombre d'affaires civiles nouvelles portées devant les tribunaux d'instance (491 762) a baissé de 0,7 %, renouant avec une tendance qui prévalait depuis 1993. Les affaires de tutelles ont encore progressé, mais de façon moins marquée que les années précédentes ; si le contentieux de l'impayé - qui représente 40 % des affaires soumises à ces juridictions - s'est stabilisé en 2001 après avoir baissé de façon continue depuis 1994, en revanche, les référés relatifs à ce même contentieux ont progressé de 7 % entre 2000 et 2001, et particulièrement les procédures d'injonctions de payer (+ 6 %). En outre, les demandes tendant à conférer force exécutoire aux recommandations des commissions de surendettement ont, une nouvelle fois, fortement progressé en 2001 (+ 21 %), ce qui suggère une extension du phénomène de surendettement.

Traitées par les greffes des tribunaux d'instance, les acquisitions de la nationalité française ont diminué de 8 % entre 2000 et 2001. Et si le nombre de pactes civils de solidarité enregistrés depuis 1999 semble se stabiliser à environ 20 000 par an, il n'en n'est pas de même des actes administratifs qui en découlent : le nombre de demandes de certificats de non-PACS faites par des tiers (300 000), essentiellement des notaires ou des agents immobiliers à l'occasion d'achats de biens ou de successions, est dix fois plus élevé qu'en 2000 et il est à craindre que le volume d'activité correspondant ne continue à grossir, ces certificats n'étant valables qu'un mois.

Contrairement aux années précédentes, le nombre d'affaires terminées par les tribunaux d'instance en 2001 (466 090) a baissé de 3,5 % entre 2000 et 2001. Significativement inférieur au nombre d'affaires nouvelles, le stock d'affaires restant à traiter au 31 décembre 2001 (409 000) s'est accru mécaniquement par rapport à l'année précédente (383 000). La durée moyenne des affaires terminées en 2001 par les tribunaux d'instance s'établit à 5,3 mois, chiffre un peu supérieur à 2000 : 25 % des affaires terminées l'ont été en moins de 1,8 mois ; 50 % en moins de 3,4 mois mais 25 % en plus de 6,1 mois.

2. L'activité judiciaire pénale

Avec 580 039 condamnations inscrites au casier judiciaire national, les juridictions pénales ont prononcé en 2000 un nombre de condamnations en baisse de 1 % par rapport à 1999, même s'il reste un des plus élevés depuis 1990. Cette diminution concerne particulièrement les tribunaux correctionnels (- 2,8 %), tandis que les condamnations prononcées par les tribunaux de police, les cours d'appel et les juges des enfants sont en hausse.

La structure des peines prononcées évolue : le nombre de peines privatives de liberté prononcées en 2000 (99 319) a encore diminué entre 1999 et 2000, de l'ordre 6 % ; la tendance observée depuis le milieu des années 90 semble ainsi se confirmer, même si les premières exploitations statistiques du casier judiciaire en juillet 2002 font apparaître que ces condamnations auraient augmenté de 1 à 2 %. Parallèlement, les sursis avec mise à l'épreuve, les peines alternatives à l'incarcération (travaux d'intérêt général, jours-amendes), les amendes et les mesures éducatives se sont développés.

Comme le montre le tableau figurant ci-après, la durée moyenne de traitement des affaires pénales ayant atteint le stade du jugement s'est stabilisé à 10,8 mois en 2000, après plusieurs années d'augmentation. En matière criminelle, le délai imputable à l'institution judiciaire a encore augmenté en 2000, les délais de déroulement de l'instruction et d'audiencement étant respectivement de 20,3 et 12,1 mois. Avec un taux d'appel de 24 % sur les arrêts prononcés en 2001, l'institution d'un appel des arrêts de condamnations rendus par les cours d'assises par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence a conduit à une augmentation du stock d'affaires en attente d'audiencement au 31 décembre 2001 de 15 %, ce qui représente environ neuf mois d'activité des cours, les délais d'audiencement pouvant parfois dépasser une année dans certaines cours d'assises. En outre, alors même que le nombre d'affaires portées devant les tribunaux correctionnels et de police a baissé depuis 1999, la durée moyenne des procédures pénales ayant abouti à une condamnation a augmenté, tant pour le jugement des délits que des contraventions de 5^e classe.


DURÉE MOYENNE DES PROCÉDURES PÉNALES AYANT ABOUTI À UNE CONDAMNATION⁽¹⁾ (en mois)
	1995	1996	1997	1998	1999	2000
Toutes condamnations	10,3	9,7	10,3	10,7	10,8	10,8
Crimes	nd	nd	nd	30,2	31,7	32,4
Délits	10,3	9,9	10,5	10,9	11,0	11,0
dont : vol, recel	8,8	7,8	8,7	9,2	9,5	9,5
circulation routière	4,3	4,3	3,9	3,8	3,8	3,7
stupéfiants	18,2	17,1	18,3	18,7	18,6	18,0
étrangers	5,9	5,9	6,1	8,1	6,8	6,2
Contraventions de 5^e classe	7,5	7,1	8,6	8,7	8,6	9,0
dont : circulation routière	4,6	6,0	7,1	7,2	7,3	8,0
environnement	7,4	7,1	9,4	9,8	9,8	10,5
coups et blessures volontaires	9,3	6,9	8,5	9,0	9,5	9,8
(1) Sauf pour les crimes, les durées sont calculées par différence entre la date de la condamnation définitive et celle des faits. nd : valeur non disponible Source : Casier judiciaire national.

_ Le parquet

En 2001, et pour la deuxième année consécutive, le nombre de plaintes, dénonciations et procès-verbaux (près de 5,4 millions) reçus par les parquets a augmenté de 7,4 %, ce qui correspond à l'augmentation de 7,7 % des crimes et délits constatés par le ministère de l'intérieur. Sur ce total, le nombre d'affaires élucidées apparaît stable alors que le volume d'affaires non élucidées par les services de police et de gendarmerie a augmenté rapidement (+ 11 %), pour représenter 65 % du total (contre 42 % en 1990 et 54 % en 1992).

4,9 millions des procédures transmises ont été traités par les parquets. Sur cette masse, 3,6 millions n'ont pu faire l'objet de poursuites, soit que les infractions aient été mal caractérisées ⁽⁾, soit que l'auteur de l'infraction soit demeuré inconnu. En 2001, les affaires non élucidées ont représenté 66,5 % des affaires traitées par les parquets, leur nombre ayant augmenté de 9,6 % par rapport à 2000. Ainsi, 26,9 % des affaires traitées par les parquets ont été susceptibles de poursuites (contre 28 % en 2000).

En 2001, sur ces 1 327 848 affaires « poursuivables », 434 475 (+ 4,8 % par rapport à 2000), soit 32,7 %, ont donné lieu à un classement sans suite pour inopportunité des poursuites. Les motifs principalement invoqués pour ces classements, dits « classement secs », sont, pour 40 %, la prise en considération de la faible gravité des faits et, pour 25,3 %, le fait que les enquêtes sont restées infructueuses - alors même que l'auteur était connu - parce que l'enquête n'a pas permis de le localiser ou que la faible gravité de l'infraction n'a pas paru justifier de recherches plus approfondies ⁽⁾.

Après avoir progressé entre 1997 et 2000, pour passer de 64 % à 67,9 %, notamment en raison du développement des procédures alternatives aux poursuites, le taux de réponse pénale - qui mesure la part des affaires poursuivables auxquelles a été apportée une réponse pénale - a diminué en 2001, pour s'établir à 67,3 %. La réponse pénale se répartit entre poursuites judiciaires, composition pénale et mesures alternatives aux poursuites.

- 46,8% des affaires « poursuivables » (621 866) ont fait l'objet de poursuites, soit une baisse de 1 % par rapport à 2000 : 59,7 % d'entre elles ont été renvoyées devant les tribunaux correctionnels ; 25,2 % devant les tribunaux de police ; 9,2 % aux juges des enfants (+ 4,3 % par rapport à 2000) ; 5,8 % ont fait l'objet d'une ouverture d'information auprès des juges d'instruction, soit une baisse de 3,6 % par rapport à 2000, confortant la tendance observée depuis dix ans.

- 20,3% des affaires poursuivables ont fait l'objet de mesures alternatives aux poursuites, soit une hausse de 8 % par rapport à 2000. Leur développement résulte pour une large part du recours, de plus en plus important, aux procédures de rappel à la loi et d'avertissement, dont le nombre a été plus que doublé depuis 1998, pour représenter 47,8 % des procédures alternatives aux poursuites en 2001.

- 0,1% ont fait l'objet d'une composition pénale.

ORIENTATIONS DES AFFAIRES POURSUIVABLES


	1997	1998	1999	2000	2001
Procès-verbaux, plaintes et dénonciations reçus	4 964 743	4 954 988	4 932 196	5 007 674	5 380 094
dont auteur connu	1 848 628	1 808 749	1 861 951	1 866 401	1 887 648
Transmissions à d'autres juridictions	250 283	236 654	228 361	224 434	229 562
Variation du stock d'affaires en attente	+ 107 439	+ 151 346	+ 116 981	+ 171 857	+ 211 543
Affaires pénales traitées par les parquets	4 607 021	4 566 988	4 586 854	4 611 383	4 938 989
Affaires non poursuivables	3 446 115	3 372 994	3 323 906	3 318 575	3 611 141
- absence d'infraction, charges insuffisantes, motif juridique	330 000	326 569	328 781	321 255	324 618
- défaut d'élucidation	3 116 115	3 046 425	2 995 125	2 997 320	3 286 523
Affaires poursuivables	1 160 906	1 193 994	1 262 948	1 292 808	1 327 848
Part des affaires traitées (%)	env. 25,0	26,1	27,5	28,0	26,9
- Poursuites	602 933	613 354	638 000	628 065	621 866
Part des affaires poursuivables (%)	env. 52,0	51,4	50,5	48,6	46,8
- Procédures alternatives réussies	140 000	163 799	214 108	250 051	269 996
Part des affaires poursuivables (%)	env. 12,0	13,7	17,0	19,3	20,3
- Composition pénale	-	-	-	-	1 511
Part des affaires poursuivables (%)					0,1
- Classements sans suite	417 913	416 841	410 840	414 692	434 475
Part des affaires poursuivables (%)	env. 36,0	34,9	32,5	32,1	32,7
*Taux de réponse pénale*	*env. 64,0*	*65,1*	*67,5*	*67,9*	*67,3*
Source : cadres du parquet.

_ La Cour de cassation

Le nombre d'affaires pénales nouvelles portées devant la Cour de cassation a marqué un coup d'arrêt en 2001 (+ 0,1 %) après une forte hausse enregistrée en 2000 (+10,5 %). Pour faire face à l'afflux d'affaires nouvelles de 2000, la Cour a rendu un nombre particulièrement élevé de décisions (9 725), le plus élevé depuis 1990, en progression de 11,6 % par rapport à 2000.

Ne représentant que 5 % des décisions rendues (contre 9 % en 2000), les cassations prononcées en matière pénale ont progressé de 13 %, les rejets de pourvois demeurant à peu près stables (6 029).

_ Les cours d'appel

Pour la troisième année consécutive, le nombre d'affaires nouvelles portées devant les chambres des appels correctionnels (47 907) a baissé en 2001 de 1,1 %. Avec 49 161 arrêts rendus, le volume des affaires terminées a également diminué de 3,1 %. Le nombre d'arrêts rendus étant supérieur au nombre d'affaires nouvelles, les chambres ont vu baisser leur stock d'affaires en cours, qui, avec 25 700 affaires au 31 décembre 2001, représente environ 6 mois d'activité.

Pour leur part, les chambres de l'instruction ont rendu un peu plus de 32 200 arrêts, soit 1,9 % de moins que les chambres d'accusation en 2000. Parmi ces arrêts, ceux statuant sur la détention provisoire et le contrôle judiciaire ont augmenté de 5,7 % ; à l'inverse, les arrêts en matière criminelle ont chuté, ce qui est cohérent avec la suppression du double degré de l'instruction, compte tenu de la possibilité pour l'accusé, ouverte par la loi du 15 juin 2000, de faire appel d'une décision de la cour d'assises.

_ Les tribunaux correctionnels

Le nombre de personnes condamnées ou relaxées par les tribunaux correctionnels (409 244) a diminué de 4 % entre 2000 et 2001. Cette évolution tient à la baisse légère du nombre d'affaires transmises par les parquets (- 0,6 %) et à la baisse plus nette (- 12 %) du nombre d'affaires renvoyées par les juges d'instruction. Cependant, la diminution du nombre de jugements rendus par rapport au nombre d'affaires transmises entraîne une augmentation du stock d'affaires correctionnelles en attente d'audiencement (+12 000 affaires entre le 31 décembre 2000 et le 31 décembre 2001).

Les condamnations ont diminué de 3,9 %, les relaxes de 4,2 %, le taux de relaxe (4,5 %) restant stable par rapport à 2000. Les modes de comparution rapide devant ces tribunaux ont poursuivi leur augmentation : si la procédure de comparution immédiate est un peu moins utilisée, les affaires faisant l'objet d'une convocation par l'officier de police judiciaire ont continué d'augmenter : 226 802 en 2001, soit 61 % du total. En baisse de 2 %, la citation directe n'a plus représenté que 28,7 % des affaires poursuivies devant les tribunaux correctionnels, au lieu de 90 % en 1986.

_ Les tribunaux de police

Plus de 12 millions de procédures ont été transmises aux officiers du ministère public près le tribunal de police en 2001, soit plus d'un million de moins que l'année précédente : cette diminution de 7,8 % permet de revenir à un niveau inférieur à celui de 1991. Les amendes forfaitaires impayées constituent l'essentiel de ces procédures, diminuant de 8,5 % par rapport à 2000. Les amendes forfaitaires majorées ont baissé de 13,6 %, tandis que les classements sans suite ont progressé de plus de 36 %.

Avec 531 488 affaires, les décisions de poursuite devant les tribunaux de police ont baissé de 12 %, contrastant ainsi avec la stabilité des trois dernières années. Les contraventions sanctionnées (684 931 affaires) ont diminué de 9,6 % en 2001, les contraventions de 5^e classe diminuant de 4,5 % entre 2000 et 2001 et celles des quatre autres classes de 11,2 %. Seules les ordonnances pénales sur contraventions de 5^e classe ont continué d'augmenter en 2001 (+4,8 %).

3. L'activité des juridictions administratives

_ Le Conseil d'État

Le nombre d'affaires enregistrées au Conseil d'État a connu une forte augmentation en 1998 (+ 17,1 %) et en 1999 (+ 46,3 %), notamment liée au contentieux des visas qu'il connaît en premier ressort et à celui des reconduites à la frontière dont il est juge d'appel. Avec 12 642 affaires enregistrées en 2001, le nombre d'affaires nouvelles a progressé de 3 % par rapport à 2000, en raison du contentieux des élections de 2001 et de l'entrée en vigueur, au 1^er janvier 2001, des dispositions de la loi du 30 juin 2000 relative au référé administratif.

Le nombre d'affaires traitées en 2001 (12 553) a augmenté de 2,6 % entre 2000 et 2001. Il a nettement progressé par rapport à 1999, ce qui permet de rééquilibrer le rapport entre entrées et sorties, le tout ayant été réalisé à effectifs constants.

ACTIVITÉ DU CONSEIL D'ÉTAT


	1995	1996	1997	1998	1999	2000	2001
Affaires enregistrées	9 162	7 527	7 193	8 427	12 330	12 274	12 642
Affaires traitées	10 598	11 684	11 228	9 450	10 988	12 236	12 553
Délai moyen théorique d'élimination des stocks	1 an 8 mois	1 an 2 mois	11 mois	11 mois	11 mois	10 mois	10 mois
Source : Ministère de la justice.

Le nombre d'affaires restant à traiter au 31 décembre 2001 (10 227 affaires) est nettement inférieur à ce qu'il était en 1993 (22 388 affaires) et, s'il a augmenté de 0,67 % entre 2000 et 2001, il reste inférieur à la capacité annuelle de jugement. En outre, ce stock compte moins d'affaires anciennes : 88 % des affaires en instance au 31 décembre dernier étaient enregistrées depuis moins de deux ans (contre 70 % au 31 décembre 1998), 8 % l'avaient été entre 2 et 3 ans, et 4 % depuis plus de 3 ans (contre 19 % en 1998). Le délai théorique d'élimination des stocks est de dix mois.

_ Les cours administratives d'appel

Subissant de plein fouet les transferts de compétences en matière d'appel des recours pour excès de pouvoir, les cours administratives d'appel ont vu le nombre d'affaires enregistrées tripler entre 1992 et 2000. Toutefois, cette progression, qui s'était déjà ralentie en 2000, s'est inversée pour la première fois en 2001, le nombre d'affaires enregistrées (15 375) baissant de 7 %.

Le volume d'affaires traitées annuellement a plus que doublé entre 1992 et 2001, pour se stabiliser pour la deuxième année consécutive autour de 13 000 affaires. Cette amélioration tient en partie à la création des cours administratives d'appel de Marseille en 1997 puis de Douai en 1999.

Toutefois, le nombre d'affaires enregistrées restant supérieur à celui des affaires traitées, le stock d'affaires restant à traiter (40 073 affaires ) continue de croître, sa progression étant seulement ralentie : en 2001, il a augmenté de 6,2 %, contre 30,6 % en 1997 et 49,8 % en 1996.

ACTIVITÉ DES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL


	1995	1996	1997	1998	1999	2000	2001
Affaires enregistrées	9 057	12 168	12 477	14 330	16 056	16 540	15 375
Affaires traitées	6 110	6 317	7 461	9 199	11 390	12 906	12 928
Délai moyen théorique d'élimination des stocks	2 ans	2 ans 11 mois	3 ans 3 mois	3 ans 2 mois	3 ans	2 ans 11 mois	3 ans 1 mois
Source : Ministère de la justice.

Dans ces conditions, le stock global d'affaires à traiter par les cours représentant près du triple de leurs capacités de jugement, le délai théorique d'élimination du stock ne parvient pas à s'améliorer et reste de l'ordre de trois ans.

_ Les tribunaux administratifs

Après la forte augmentation enregistrée en 1998 en raison de l'opération de régularisation des titres de séjour des étrangers, le nombre d'affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs s'est réduit, avant de connaître une nouvelle augmentation en 2001, tenant en partie à la tenue d'élections locales (4 500 contentieux électoraux). Entre 1990 et 2001, le nombre d'affaires enregistrées aura progressé de 76,6 %.

ACTIVITÉ DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS


	1995	1996	1997	1998	1999	2000	2001
Affaires enregistrées	97 025	95 246	101 590	123 834	117 429	113 059	123 354
Affaires traitées	90 103	91 371	96 367	104 615	112 206	118 991	120 773
Délai moyen théorique d'élimination des stocks	2 ans	2 ans	1 an 11 mois	2 ans	1 an 10 mois	1 an 8 mois	1 an 8 mois
Source : Ministère de la justice.

Le nombre d'affaires jugées a plus que doublé entre 1990 et 2001, en raison des gains de productivité et des renforcements d'effectifs. Toutefois, alors que, pour la première fois, le nombre d'affaires jugées en 2000 avait dépassé celui des affaires enregistrées, tel n'est pas été le cas en 2001, avec le traitement de 120 773 affaires.

Alors que, pour la première fois, une baisse de 4 % du stock d'affaires à traiter avait été enregistrée en 2000, le volume d'affaires en stock au 31 décembre 2001 a de nouveau augmenté de près de 1 %. Les délais moyens de jugement sont stables, de l'ordre de 20 mois.

Comme l'atteste le rappel de ces données sur l'activité des juridictions, les moyens dont ont bénéficié ces dernières au cours de la dernière législature n'ont pas permis de modifier substantiellement leurs conditions de fonctionnement, rendant nécessaire la mise en place d'une programmation financière pluriannuelle. Tel est l'objet de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, adoptée dès le 3 août dernier par le Parlement et dont le budget pour 2003 constitue la première année d'application.

II. - LES CRÉDITS POUR 2003 TÉMOIGNE D'UN EFFORT PROGRAMMÉ EN FAVEUR DE LA JUSTICE

A. LA PROGRAMMATION QUINQUENNALE

La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice prévoit un renforcement sans précédents des moyens de la justice. En effet, entre 2003 et 2007, notre système judiciaire bénéficiera de 3,65 milliards d'euros de crédits de paiement nouveaux pour dépenses ordinaires et dépenses en capital, de 1,75 milliard d'euros d'autorisations de programme nouvelles et de 10 100 créations d'emplois budgétaires permanents, auxquelles s'ajoute le recrutement, sur crédits de vacations, de juges de proximité et d'assistants de justice, pour un équivalent à temps plein de 580 emplois.

Ainsi que le précise l'article 2 de la loi, cette programmation couvre le coût des créations d'emplois, des mesures relatives à la situation des personnels, du fonctionnement, des actions d'intervention et des équipements de l'administration centrale du ministère de la justice, de juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif ainsi que des services chargés de l'exécution des décisions de justice.

Le rapport annexé à la loi de programmation et d'orientation répartit les crédits entre quatre objectifs : l'amélioration de l'efficacité de la justice au service des citoyens, l'adaptation du droit pénal à l'évolution de la délinquance et le développement de l'effectivité de la réponse pénale, le traitement plus efficace de la délinquance des mineurs et l'amélioration de l'accès des citoyens au droit et à la justice.


RÉPARTITION DES CRÉDITS PRÉVUS ET DES EFFECTIFS NOUVEAUX PROGRAMMÉS PAR OBJECTIF
Objectifs	Crédits de paiement pour dépenses ordinaires		Autorisations de programme		Emplois
Objectifs	(en millions d'euros)	(en %)	(en millions d'euros)	(en %)	(en unités)	(en %)
Améliorer l'efficacité de la justice au service des citoyens	1 329	47,87	382	21,83	4 397 ⁽¹⁾	43,53
Adapter le droit pénal à l'évolution de la délinquance et développer l'effectivité de la réponse pénale	762	27,45	1 198	68,46	3 600 ⁽²⁾	35,64
Traiter plus efficacement la délinquance des mineurs	423	15,24	170	9,71	1 988 ⁽³⁾	19,68
Améliorer l'accès des citoyens au droit et à la justice	262	9,44	-	-	115 ⁽⁴⁾	1,14
Total	2 775	100,00	1 750	100,00	10 100	100,00
(1) dont 180 en administration centrale, 3 737 dans les services judiciaires, 480 dans les juridictions administratives, auxquels s'ajoutent 3 300 juges de proximité. (2) dont 410 dans les services judiciaires et 3 190 en administration pénitentiaire. (3) dont 188 dans les services judiciaires, 550 en administration pénitentiaire et 1 250 dans les services de la protection judiciaire de la jeunesse. (4) dans les services judiciaires. Source : Rapport (n° 157) de M. Jean-Luc Warsmann, au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice.

La présentation de cette programmation pluriannuelle par objectifs transversaux plutôt que par services n'empêche pas d'identifier les efforts consentis en faveur des juridictions et de l'administration centrale, tant en moyens humains que matériels.

1. D'importantes créations d'emplois

À eux seuls, les services judiciaires, les juridictions administratives et l'administration centrale concentrent plus de 50 % des créations d'emplois programmées pour la période 2003-2007.

_ Les services judiciaires verront leurs effectifs augmenter de 4 450 emplois, dont 950 postes de magistrats et 3 500 postes de fonctionnaires. Les juridictions judiciaires attireront ainsi le principal des créations d'emplois (44 %) prévues sur la période 2003-2007. Par comparaison, les services judiciaires avaient bénéficié de la création de 2 311 postes sous la précédente législature. Entre 2003 et 2007, les effectifs des services judiciaires connaîtront une progression substantielle de 16,1 %, contre 9,1 % lors de la précédente législature. Ils passeront de 27 600 à 32 051 emplois budgétaires.

L'essentiel des nouveaux moyens contribuera à améliorer l'efficacité de la justice au service des citoyens (4 397 postes), tandis qu'une part non négligeable sera consacrée aux autres objectifs que sont l'adaptation du droit pénal à l'évolution de la délinquance et le développement de l'effectivité de la réponse pénale (410 postes), le traitement plus efficace de la délinquance des mineurs (188 postes) et l'amélioration de l'accès des citoyens au droit et à la justice (115 postes).

A la création de ces postes s'ajouteront des crédits de vacation susceptibles de financer le recrutement de 3 300 juges de proximité, soit 330 postes équivalents temps plein.

_ Les juridictions administratives verront leurs effectifs croître de 480 postes entre 2003 et 2007 et concentreront ainsi 4,75 % des créations prévues par la programmation quinquennale. Elles bénéficieront également du recrutement de 230 équivalents temps plein d'assistants de justice, catégorie d'emplois jusque là réservée aux juridictions de l'ordre judiciaire. Après avoir augmenté de 18,4 % entre 1997 et 2002, les effectifs de ces juridictions augmenteront donc, à nouveau, de près de 20 %, pour atteindre 2 921 emplois budgétaires en 2007.

_ Grande oubliée de la loi de programme du 6 janvier 1995 et des mesures budgétaires qui ont suivi, l'administration centrale devrait bénéficier de la création de 180 emplois. Ses effectifs passeront ainsi de 1 863 à 2 043 postes budgétaires, soit une progression de 9,7 % entre 2003 et 2007, après une hausse limitée à 5,7 % entre 1997 et 2002. Les nouveaux emplois permettront d'accroître la fonction de gestion dans les services centraux, dont l'importance n'avait pas suivi l'augmentation importante des moyens intervenue depuis 1993.

2. Des moyens matériels renforcés

_ Les services judiciaires bénéficieront d'une augmentation de leurs dépenses ordinaires de 1 207 millions d'euros et de leurs autorisations de programme de 277 millions d'euros entre 2003 et 2007. Ainsi une part importante des dépenses ordinaires nouvelles programmées (43,5 %) et une fraction non négligeable des autorisations de programme (15,8 %) leur revient.

Ces crédits permettront notamment : de prévoir des revalorisations indemnitaires dans le sens d'une meilleure reconnaissance de la spécificité des fonctions exercées ; d'accompagner le renforcement des effectifs par une augmentation des moyens de fonctionnement matériel et un développement des réseaux informatiques externes et internes ; d'accroître le nombre de maisons de justice et du droit et d'antennes de justice ; d'augmenter les moyens des établissements de formation, tels que l'École nationale de la magistrature ou l'École nationale des greffes, pour faire face à la hausse prévisible des recrutements ; d'améliorer l'accès au droit et à la justice grâce, notamment, à une rémunération plus équitable des professionnels du droit intervenant en matière d'aide juridictionnelle et à l'attribution, sans condition de ressources, de l'aide juridictionnelles aux victimes des atteintes les plus graves à la personne ou à leurs ayants droit.

Au titre de l'équipement, les nouveaux moyens permettront de rénover le parc ancien des juridictions, souvent vétuste, mais aussi de le développer, de le mettre aux normes de sécurité et d'améliorer les accès aux bâtiments. Bien que non négligeable, l'effort consenti en matière d'autorisations de programme est moins important qu'au cours de la loi de programme du 9 janvier 1995, qui a permis l'ouverture effective de 640 millions d'euros, prolongeant ainsi l'effort important lancé en juin 1991 avec le programme pluriannuel d'équipement judiciaire, dont les services judiciaires ont absorbé la majeure partie.

_ Avec une augmentation de 114 millions d'euros en dépenses de fonctionnement et de 60 millions d'euros en autorisations de programme, les juridictions administratives concentrent respectivement 4,1 % et 3,4 % des crédits de paiement et des autorisations de programme prévues pour la justice pour les cinq prochaines années.

Outre la rémunération des magistrats, des fonctionnaires de greffe et des assistants de justice, les crédits de fonctionnement financeront la revalorisation de la situation du corps des tribunaux et cours administratives d'appel (augmentation de l'indemnité forfaitaire, suivi plus dynamique de la carrière des magistrats) et le développement de l'outil informatique.

Au titre de l'équipement, les crédits inscrits dans la loi de programmation devraient permettre la réhabilitation, l'extension et le relogement de juridictions existantes, mais également la création de quatre nouvelles juridictions, dont une cour administrative d'appel en région parisienne, en sus de celles de Paris et de Versailles, et de trois tribunaux administratifs. On peut rappeler qu'entre 1995 et 1999, 33 millions d'euros d'autorisations de programme avaient été effectivement ouvertes sur les 31 millions d'euros prévus dans la loi du 6 janvier 1995.

_ L'administration centrale bénéficiera de 360 millions d'euros en dépenses de fonctionnement (nouvelles dépenses de rémunération comprises) et de 45 millions en autorisations de programme, soit respectivement 12,97 et 2,57 % des crédits de paiement pour dépenses ordinaires et des autorisations de programme prévues par la programmation quinquennale.

B. LE PROJET DE BUDGET POUR 2003

Le projet de loi de finances pour 2003 constitue la première étape de la programmation budgétaire pluriannuelle qui vient d'être présentée.

1. Les services judiciaires

Avec une dotation de 2 122,4 millions d'euros, les services judiciaires concentrent 42,14 % des crédits du projet de loi de finances pour 2003 consacrés à la justice. Par rapport à 2002, ces dotations augmentent de près de 120 millions d'euros, soit une progression de 5,98 %, inférieure à l'évolution du budget du ministère dans son ensemble, mais supérieure à celle du budget général dans le projet de loi de finances pour 2003, qui est de + 2,7 % par rapport à la loi de finances pour 2002 et de + 1,7 % en prenant en compte le « rebasage » réalisé par la loi de finances rectificative du 6 août 2002.

_ En 2003, les services judiciaires bénéficieront de 28 227 emplois budgétaires, soit une progression de 2,27 % par rapport aux effectifs au 31 décembre 2002, inférieure à celle que connaîtront les effectifs de l'ensemble du ministère (+ 3,04%).

Conformément à la loi d'orientation et de programmation du 9 septembre dernier qui prévoit la création de 3 500 emplois pour les services judiciaires, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit la création brute de 700 emplois pour les services judiciaires, répartis de la façon suivante : 180 emplois de magistrats ; 35 emplois de greffiers en chef ; 362 emplois de greffiers ; 123 autres emplois. En outre, la loi d'orientation prévoyant le recrutement de 3 300 juges de proximité sur cinq ans, une provision d'un montant de 2,6 millions d'euros a été inscrite à ce titre. En revanche, aucune nouvelle autorisation de recrutement d'assistants de justice n'est prévue.

Excepté 19 emplois qui seront consacrés à la réforme de la justice cadiale à Mayotte, une large part des emplois créés - 90 emplois de magistrats et 88 emplois de fonctionnaires ⁽⁾ - seront affectés à la réduction des délais de traitement des affaires civiles et pénales ; 166 postes de greffiers seront destinés au renforcement de l'assistance des magistrats ; 42 emplois (27 magistrats et 15 greffiers en chef) de fonctionnaires et magistrats placés seront créés ; les moyens des tribunaux pour enfants seront renforcés grâce à l'affectation de 12 magistrats et autant de greffiers ; 60 emplois de greffiers accompagneront la création des juridictions de proximité ; 62 celle de l'assistance éducative, tandis que les maisons de justice et du droit bénéficieront de 16 emplois de greffiers ; 39 emplois, enfin, iront au renforcement des fonctions administratives et de gestion et 4 à celui des centres de documentation. Au total, le projet de loi de finances prévoit la réalisation de 15 % des créations d'emplois prévues dans la loi de programmation et d'orientation pour la justice.

_ Ces créations d'emplois seront accompagnées de mesures en faveur des personnels.

- Les magistrats de l'ordre judiciaire bénéficieront d'une revalorisation de leur indemnité de fonction à hauteur de 2 points en moyenne à compter du 1^er juillet 2003, le taux indemnitaire moyen passant ainsi de 37 % à 39 % du traitement brut. D'un coût de 2,895 millions d'euros, cette disposition intervient alors que le taux indemnitaire, après avoir été porté de 19 % à 37 % entre 1987 et 1996, n'avait fait l'objet d'aucune revalorisation depuis 1996. Ce faisant, elle permet de réduire l'écart constaté entre les régimes indemnitaires des magistrats des deux ordres de juridiction. Le rapporteur se félicite vivement de cet effort mais souhaite qu'il soit accentué afin d'aboutir à une parité de traitement entre les magistrats des deux ordres de juridiction.

- Une dotation de 2,863 millions d'euros est prévue pour la réforme statutaire du corps des greffiers en chef. Achevée en 2003, cette réforme prévoit la fusion des deux premiers grades, une revalorisation de l'indice de début et de fin de carrière pour le nouveau 2^e grade, une amélioration du pyramidage du corps et des emplois fonctionnels ainsi que la création d'une nouvelle bonification indiciaire spécifique pour les emplois fonctionnels.

- Une provision de 8,4 millions d'euros est inscrite au titre de la réforme du corps des greffiers, qui doit intervenir cette année et dont le rapporteur a pu constater, lors de ses auditions, à quel point elle est attendue par les personnels concernés. Le coût global de cette réforme dont le principe a été acté dans le protocole d'accord signé le 1^er décembre 2000 entre la garde des sceaux et quatre organisations syndicales de fonctionnaires des services judiciaires après un mouvement social, est évalué à 18,9 millions d'euros.

- Pour les personnels de catégorie C : engagé sur quatre ans à compter de 2001 et concernant 3 946 emplois, le plan de transformation d'agents administratifs en adjoints administratifs sera poursuivi et concernera 950 agents, dont 712 par la voie du concours exceptionnel.

De plus, 48 emplois d'agents de service technique de 2^e classe seront transformés en 48 emplois de conducteurs automobile de 1^re classe tandis que 105 emplois d'agents de service technique seront transformés en 100 emplois d'inspecteurs afin de promouvoir un certain nombre d'agents répondant aux conditions requises.

Enfin, un abondement des crédits indemnitaires des personnels de catégorie C a été inscrit pour un montant de 1,85 million d'euros, leur taux indemnitaire passant ainsi de 20 à 21 % à compter du 1^er janvier 2003.

_ Concernant les moyens de fonctionnement, les services judiciaires bénéficieront de 12,2 millions d'euros de moyens nouveaux :

- 5,7 millions d'euros figurant sous le chapitre 37-92 ⁽⁾ correspondent à la mise en _uvre des orientations définies dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice : accompagnement des recrutements prévus en 2003 (2,879 millions d'euros) ; dépenses d'exploitation et de maintenance de bâtiments judiciaires qui entreront en service en 2003 (1,267 million d'euros) ; renforcement de la sécurité des juridictions (1 million d'euros) ; accompagnement des recrutements des juges de proximité (0,4 million d'euros) et dépenses de premier équipement de 16 maisons de la justice et du droit (0,183 million d'euros) ;

- 4,6 millions d'euros au titre des dépenses d'informatique et de télématique qui seront consacrés au développement de projets nouveaux ou en cours de généralisation ;

- 1,9 million d'euros pour l'École nationale de la magistrature.

En outre, les crédits consacrés aux frais de justice augmentent de 16,9 millions d'euros, soit une progression de 5,8 % par rapport à 2002. Cette progression recouvre, d'une part, un ajustement des crédits pour tenir compte de l'évolution des dépenses de frais de justice pénale (+ 14,76 millions d'euros) ⁽⁾et de justice civile (+ 3,69 millions d'euros) et, d'autre part, une réduction des frais de justice commerciale (- 0,01 million d'euros) et des autres frais (- 1,53 million d'euros).

_ L'aide juridictionnelle et l'aide aux victimes

Axe important de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, l'aide aux victimes fait l'objet d'une attention particulière dans le projet de loi de finances pour 2003. Le financement de deux mesures particulièrement importantes est ainsi prévu :

- l'octroi de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources pour les victimes d'atteinte grave à la personne (art. 65 de la loi d'orientation) bénéficie d'une dotation de 4,2 millions d'euros, la Chancellerie ayant évalué à 3 600 le nombre d'admissions supplémentaires au titre de ce dispositif ;

- la possibilité pour la victime de demander la désignation d'un avocat dès le dépôt de la plainte (art. 63 de la loi d'orientation) bénéficie d'une dotation de 3,3 millions d'euros, le nombre d'admissions supplémentaires ayant été estimé à environ 13 000 victimes.

Des crédits sont également affectés au renforcement du réseau associatif d'aide aux victimes (0,5 million d'euros), à l'extension du fonctionnement du numéro national d'aide aux victimes (0,2 million d'euros) et au fonds de réserve pour la prise en charge des accidents collectifs (0,1 million d'euros).

De même, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit une augmentation des crédits consacrés à la médiation familiale et aux associations gérant les lieux neutres pour l'exercice des droits de visite (150 000 euros).

La dotation budgétaire consacrée à l'aide juridictionnelle passe de 279 à 292 millions d'euros entre 2002 et 2003. Cette progression recouvre un double mouvement :

- une réduction de 5,19 millions d'euros pour tenir compte de la baisse des admissions constatées au cours des dernières années ;

- des moyens nouveaux à hauteur de 18,55 millions d'euros liés à : la mise en _uvre des dispositions précitées de la loi d'orientation et de programmation du 9 septembre 2002 sur l'aide aux victimes (3,3 et 4,2 millions d'euros) ; la hausse des correctifs familiaux pour les première et deuxième personnes à charge (6,6 millions d'euros) ; l'harmonisation des pratiques en matière de rétribution des avocats commis d'office pour les mineurs délinquants (3,3 millions d'euros) ; la simplification de l'instruction des demandes d'aide juridictionnelle (1,1 million d'euros) ; l'extension des protocoles à l'assistance des parties civiles (0,05 million d'euros).

_ Les autorisations de programme relatives aux dépenses d'équipement judiciaire inscrites dans le projet de loi de finances pour 2003 s'élèvent à 257 millions d'euros, dont 122 millions destinés aux opérations confiées par conventions de mandat à l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice et 15 millions destinés à des subventions aux collectivités locales dans le cadre de la rénovation de juridictions. Sur ces autorisations de programme, 55 millions sont affectés à la mise en _uvre de la loi d'orientation et de programmation du 9 septembre 2002. L'enveloppe des crédits de paiement s'élève à 105 millions d'euros. On relèvera que, pour la première fois, en 2001, la consommation totale des crédits de paiement a dépassé la ressource votée en loi de finances de l'année. Rompant avec la sous-consommation récurrente des crédits d'équipement du ministère de la justice, cette tendance est confortée par la nomination d'un secrétaire d'État aux programmes immobiliers et l'entrée en fonctions, depuis le 1^er janvier 2002, de l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice.

Les dotations inscrites dans le projet de loi de finances devraient permettre la conduite d'opérations de rénovation et de restructuration, la remise aux normes du parc judiciaire, le renforcement de la sûreté des palais de justice et l'installation des tribunaux pour enfants créés par le décret n° 2002-576 du 23 avril 2002.

Lancée en 1999, la question du relogement du tribunal de grande instance de Paris n'est, à ce jour, toujours pas réglée : exigeant une assiette foncière susceptible de recevoir 100 000 m² à construire dans la capitale, le site privilégié se situait sur la ZAC Tolbiac. La ville de Paris ayant néanmoins fait savoir que les lots initialement envisagés n'étaient plus disponibles a proposé d'autres lots qui sont à l'expertise, le garde des sceaux ayant parallèlement demandé le réexamen de toutes les solutions alternatives de relogement des juridictions à proximité du palais actuel.

2. Les juridictions administratives

Avec une dotation de 152,9 millions d'euros en crédits de paiement, le Conseil d'État et les juridictions administratives voient leurs dotations augmenter de 9,65 millions d'euros, ce qui représente une progression de 6,73 %, inférieure à l'évolution du budget de l'ensemble du ministère (+ 7,43 %), mais supérieure à celle du budget général de l'État (+ 1,7 % en prenant en compte le « rebasage » réalisé par la loi de finances rectificative du 6 août 2002).

_ Les juridictions bénéficieront de la création de 100 emplois, répartis entre le Conseil d'État (12 emplois, dont 2 postes d'informaticiens), d'une part, et les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (88 emplois dont 42 emplois de magistrats et 46 agents de greffe), d'autre part. Les créations d'emplois prévues dans le projet de loi de finances pour 2003 devraient permettre de maintenir le ratio magistrat/agent de greffe à un niveau sensiblement identique à celui observé en 2002, de l'ordre de 1,33 agent par magistrat.

En outre, la loi d'orientation et de programmation ouvrant aux juridictions administratives la possibilité de recruter 230 assistants de justice, les crédits nécessaires au recrutement de 170 d'entre eux sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003 (531 216 €, inscrits en crédits de personnels).

_ Ces augmentations d'effectifs sont assorties de mesures en faveur des personnels :

- Les membres des tribunaux administratifs et de cours administratives d'appel bénéficieront d'une revalorisation de leur indemnité forfaitaire, grâce à une dotation de 754 000 euros qui fera passer le taux indemnitaire moyen de 41 à 45 % à compter du 1^er juillet 2003. Il s'agit ainsi d'assurer l'attractivité du corps, en lui garantissant le même niveau de rémunération que les corps comparables issus de l'ena.

- Afin de réduire l'écart constaté entre le pourcentage moyen des primes et celui applicables aux personnels des autres administrations centrales, les agents du Conseil d'État bénéficieront d'une revalorisation de leur régime indemnitaire (50 000 €).

- S'agissant des agents de greffe des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, des transformations d'emplois sont prévues afin d'assurer la parité statutaire entre les agents de greffe des juridictions administratives et les agents de préfecture, tant dans la filière technique qu'administrative.

_ Au titre des dépenses de fonctionnement, les moyens généraux des services seront majorés de 0,8 million d'euros, dont 0,24 million d'euros en faveur du Conseil d'État et 0,56 million d'euros pour les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs. 0,282 million d'euros seront abondés sur le chapitre de fonctionnement du Conseil d'État et des juridictions administratives afin de compenser la perte des ressources issues du fonds de concours relative à la vente des décisions administratives qui, désormais, sont diffusées gratuitement sur Internet.

La dotation des crédits informatique progressera de 2,567 millions d'euros, tandis que le chapitre des crédits de vacations (chapitre 31-96) augmentera de 0,691 million d'euros afin de financer le recrutement d'assistants de justice (cf. infra) et d'abonder les crédits de vacation compte tenu des besoins du Conseil d'État et des juridictions administratives (0,16 million d'euros).

_ S'agissant des dépenses d'équipement, 12 millions d'euros d'autorisations de programme sont demandées en 2003 au titre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, répartis entre le Conseil d'État (3 millions d'euros) et les cours et tribunaux administratifs (9 millions d'euros).

3. L'administration centrale

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 ayant souligné la nécessité d'adapter et de renforcer l'administration centrale du ministère de la justice, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit, hors agence de maîtrise d'ouvrage, une dotation de 667,91 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 14,13 % par rapport à 2002.

_ Avec 2028 emplois budgétaires en 2003, l'administration centrale bénéficiera d'une augmentation de ses effectifs de 8,9 %, soit davantage que la progression des emplois observée dans l'ensemble du ministère.

40 créations brutes d'emplois sont prévues pour assurer la mise en _uvre de la loi d'orientation et de programmation de la justice et de la loi organique relative aux finances publiques (1 sous-directeur ; 1 directeur de projet ; 1 administrateur civil hors classe ; 1 administrateur civil ; 11 attachés ; 5 secrétaires administratifs ; 20 agents contractuels).

En outre, il est procédé à 99 transferts d'emplois des services déconcentrés vers l'administration générale afin de clarifier la répartition des moyens et de poursuivre le plan de régularisation des mises à disposition d'agents des services déconcentrés en administration centrale.

_ Ces créations sont complétées par des mesures en faveur des personnels : élévation indiciaire pour huit emplois de magistrats inspecteurs, pour tenir compte de la réforme du statut de la magistrature inscrite en 2002 ; pyramidages et transformations d'emplois pour améliorer le déroulement de carrière des agents et adapter certains emplois à la situation réelle des agents ; mesure indemnitaire (1 million d'euros) en faveur des agents de catégories A, B et C de l'administration centrale ; application de la nouvelle bonification indiciaire en faveur des personnels exerçant des responsabilités supérieures au sein des services de l'administration générale.

_ Les dotations consacrées à l'action sociale progresseront de 1,212 million d'euros permettant de porter de 272 € à 281,67 € la part par agent (+ 3,67 %). Ces moyens nouveaux seront consacrés aux séjours de vacances, aux aménagements de postes de travail destinés aux emplois pour handicapés, à la restauration administrative et aux aides, secours et prêts.

_ Les crédits de fonctionnement de l'administration centrale seront abondés de 4,441 millions d'euros en moyens nouveaux, dont plus de la moitié en loyers pour assurer le déménagement de la direction des Affaires civiles et du Sceau, les autres moyens étant affectés à l'amélioration des conditions de travail des personnels de l'administration centrale.

_ S'agissant de l'équipement, 37 millions d'euros d'autorisations de programme, dont 35 millions d'euros pour l'application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, sont inscrites au projet de loi de finances pour 2003 pour la rénovation du bâtiment Vendôme-Cambon (2 millions d'euros) et pour l'acquisition d'un immeuble (35 millions d'euros) qui doit être trouvé pour aménager des locaux pour les services d'administration centrale et diminuer la charge des loyers. C'est d'ailleurs l'inscription du montant équivalent en crédits de paiement qui explique l'essentiel de la forte augmentation de l'agrégat « administration générale » dans le projet de loi de finances pour 2003.

Destinée à améliorer les conditions de réalisation des travaux d'équipement, l'Agence de maîtrise d'ouvrage et de travaux d'équipement du ministère de la justice bénéficie de mesures d'ajustement, à hauteur de 0,814 millions d'euros, afin de consolider les 9 surnombres autorisés en 2002 et d'étendre, en année pleine, les 11 créations d'emplois inscrites au projet de loi de finances 2002 en année partielle. En outre, 13 créations d'emplois sont inscrites au bénéfice de l'agence (0,713 million d'euros) et 0,149 million d'euros supplémentaires sont prévus pour les dépenses de fonctionnement.

III. - LE RECRUTEMENT DES MAGISTRATS ET DES FONCTIONNAIRES DE JUSTICE DOIT FAIRE L'OBJET D'UNE RÉFLEXION

Indispensable à l'amélioration du fonctionnement quotidien de nos institutions judiciaires, la progression importante des effectifs prévue pour les années 2003-2007 - 4 450 emplois, répartis entre 950 postes de magistrats et 3 500 postes de fonctionnaires, auxquels s'ajouteront des crédits de vacation susceptibles de financer le recrutement de 3 300 juges de proximité - constitue un défi pour le corps judiciaire. Aussi le rapporteur a-t-il jugé particulièrement utile de se pencher sur les modalités de recrutement et de formation des magistrats et des fonctionnaires de justice. À cette fin, il s'est rendu à l'École nationale de la magistrature ainsi qu'à l'École nationale des greffes.

A. LE RECRUTEMENT ET LA FORMATION DES MAGISTRATS : LES ENJEUX DE LA DIVERSIFICATION ET DE L'ACCROISSEMENT DU CORPS

1. L'évolution du recrutement et des besoins de formation

Prévues par l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les modalités d'accès aux fonctions de magistrats varient selon que celles-ci sont exercées de façon temporaire ou permanente. Rentrent dans la première catégorie :

- les fonctionnaires exerçant des fonctions juridictionnelles dans le cadre du détachement judiciaire ; les articles 41 à 41-9 du statut offrent, pour une durée de cinq ans non renouvelable et après une formation de six mois, la possibilité aux membres des corps recrutés par la voie de l'ENA et aux professeurs et maîtres de conférence des universités d'exercer des fonctions juridictionnelles des premier et second grades ;

- les conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire ; les articles 40-1 à 40-7 du statut permettent, depuis 1992 ⁽⁾, le recrutement pour une durée de cinq ans non renouvelable de personnes extérieures dans la limite du dixième ⁽⁾ de l'effectif des magistrats hors hiérarchie du siège et du parquet de la Cour de cassation ;

- les conseillers de cour d'appel en service extraordinaire ; nécessaires afin de réduire les délais pour écouler les stocks d'affaires devant être traitées par les cours d'appel, le recrutement, pour dix ans ⁽⁾, de personnes âgées entre 50 et 60 ans, titulaire d'un diplôme équivalent à une maîtrise et justifiant de quinze années d'expérience professionnelle les qualifiant particulièrement pour exercer ces fonctions a été autorisée jusqu'en 1999 ;

- les magistrats exerçant à titre temporaire ; les articles 41-10 à 41-16 du statut permettent à des personnes de moins de 65 ans, justifiant de sept années d'expérience professionnelle les qualifiant particulièrement pour l'exercice de fonctions judiciaires et disposant d'une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat d'exercer, pendant sept ans, les fonctions de juge d'instance ou d'assesseur au sein des formations collégiales des tribunaux de grande instance.

Conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 21 février 1992 ⁽⁾, qui précise que « les fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière » peuvent être exercées « pour une part limitée » et à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire, ces recrutements temporaires demeurent d'une importance quantitative limitée, l'essentiel du corps de la magistrature étant recruté de façon permanente et bénéficiant d'une formation à l'École nationale de la magistrature (enm).

En effet, comme le précise l'article 14 du statut de la magistrature, « la formation professionnelle des auditeurs de justice est assurée par l'École nationale de la magistrature. Le droit à la formation continue est reconnu aux magistrats. La formation continue est organisée par l'École nationale de la magistrature (..). L'école peut, en outre, contribuer soit à la formation des futurs magistrats d'États étrangers et, en particulier, des États auxquels la France est liée par des accords de coopération technique en matière judiciaire, soit à l'information et au perfectionnement des magistrats de ces États ».

Créée en 1958, l'enm doit aujourd'hui faire face à une augmentation constante de ses effectifs, mais aussi à une diversification croissante de la nature et de la durée des formations à dispenser.

Comme le rapporteur le rappelait plus haut, les effectifs des magistrats ont augmenté de façon continue depuis 1995. Seul établissement de formation des magistrats de l'ordre judiciaire, l'enm a donc vu les effectifs de ses promotions passer de 109 élèves en 1995 à 265 en 2002, ce mouvement s'accélérant, les effectifs pris en charge par l'enm ayant augmenté de 50 % entre 2001 et 2002.

EFFECTIFS EN FORMATION DEPUIS 1995


	Auditeurs de justice	Article 18-1	Département international	Redoublants	Total effectif
Promotion 1995	105	4	10	1	120
Promotion 1996	143	8	11	4	166
Promotion 1997	138	10		7	155
Promotion 1988	152	12	2		166
Concours exceptionnel 1998	100				100
Promotion 1999	180	20	1	4	205
Concours exceptionnel 1999	94				94
Promotion 2000	176	28	4	5	213
Promotion 2001	197	32	2	5	236
Promotion 2002	235	30	1		266
Concours complémentaire 2002	73				71⁽¹⁾
(1) Ce total s'explique par la démission de deux auditeurs. Source : École nationale de la magistrature.

Le nombre de postes d'auditeurs proposés au concours 2002 (promotion 2003) sera de 250. Par ailleurs, le concours complémentaires permettra, en 2003, le recrutement au second grade de 125 magistrats, ce qui constitue une dérogation aux plafonds de recrutement fixés dans le statut de la magistrature. Le recrutement de 950 magistrats durant la période 2003-2007 entraînera une augmentation mécanique du nombre d'auditeurs de justice formés par l'école, à laquelle s'ajoutera la formation des 3 300 juges de proximité.

Outre les procédures d'intégration directe ouvertes aux personnes titulaires d'un diplôme équivalant à une maîtrise et justifiant d'une certaine durée d'expérience professionnelle les qualifiant particulièrement pour l'exercice des fonctions juridictionnelles, quatre types de concours donnent aujourd'hui accès à la magistrature :

- le premier concours, ouvert aux étudiants titulaires d'une maîtrise et âgés de moins de vingt-sept ans ;

- le deuxième concours, réservé aux fonctionnaires, justifiant de quatre années d'exercice professionnel ;

- le troisième concours, ouvert aux personnes n'ayant pas la qualité de fonctionnaire et justifiant de huit années d'expérience professionnelle ;

- les concours complémentaires, prévus par l'article 21-1 du statut de la magistrature : institués à titre permanent par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001, ces concours, qui succèdent aux concours exceptionnels notamment organisés en 1998 et 1999, permettent le recrutement de magistrats aux second et premier grades. Le concours de recrutement au second grade est ouvert aux personnes âgées de 35 ans et justifiant de dix ans d'expérience professionnelle qualifiante, celui permettant l'accès au premier grade exigeant un âge minimal de 50 ans et une expérience professionnelle de quinze ans. Les plafonds annuels de recrutement sont respectivement fixés au cinquième du nombre total des recrutements au second grade intervenus l'année civile précédente et au dixième du nombre total de nominations en avancement au premier grade prononcées durant cette même année.

À côté de ces recrutements par concours figure également la procédure de recrutement sur titre, prévue aux articles 18-1 et 18-2 du statut de la magistrature, ouverte principalement aux titulaires d'une maîtrise en droit, âgés de 27 à 40 ans et que quatre années d'activité professionnelle dans les domaines juridique, économique ou social qualifient pour exercer des fonctions judiciaires.

Au total, on observe donc une tendance marquée, au fil des modifications de l'ordonnance statutaire intervenues ces dernières années, à une diversification des modes de recrutement de la magistrature qui se retrouve dans les profils des élèves de l'enm, comme le montre la comparaison des profils des stagiaires recrutés par les différents types de concours :

- issue du concours annuel, la promotion 2002 se compose, à la date de son arrivée à l'école, le 4 février 2002, de 235 auditeurs de justice et compte 66 % de femmes ; 211 des auditeurs sont issus du premier concours, 18 du deuxième, 6 du troisième. Comme le souligne le service en charge des concours de l'école, « le portrait-robot de l'auditeur de la promotion désigne une jeune femme de 23 ans, issu du premier concours 2001, titulaire d'un diplôme de troisième cycle, originaire de la région parisienne et qui s'est préparée au concours à l'institut d'études judiciaires de l'université Paris II ». Au sein de ce concours, 51,66 % des auditeurs étaient titulaires d'un diplôme de troisième cycle, 28,4 % d'une maîtrise, la proportion d'élèves ayant fait un IEP s'élevant à 19,43 % pour la promotion 2002.

- le profil des stagiaires recrutés au titre du concours complémentaire organisé en 2002 est bien différent : composée de 71 stagiaires, dont 49 femmes, la promotion 2002 a une moyenne d'âge de 43 ans ; 31 d'entre eux sont titulaires d'une maîtrise et 36 d'un DEA ou DESS ; 33 sont originaires d'Île-de-France, mais 37 de province ; leurs origines professionnelles sont variées : 24 étaient avocats, 8 greffiers en chef, 1 attaché de préfecture, 3 inspecteurs des impôts, 10 appartenaient au service public, 17 au secteur privé et 8 étaient sans emploi.

D'après le collège des maîtres de conférences de l'enm, dont le rapporteur a rencontré des représentants, 23 % des magistrats nommés depuis 1991 sont issus de filières autres qu'universitaires, cette proportion étant en constante augmentation, du fait notamment de la pérennisation des concours complémentaires. Si bien que le reproche fait au corps judiciaire d'être trop homogène semble de moins en moins justifié...

Cette diversification des profils devrait s'accroître compte tenu des perspectives de recrutement de 3 300 personnes appelées à siéger dans les juridictions de proximité créées par la loi d'orientation et de programmation du 9 septembre 2002.

2. La nécessité de donner à l'ENM les moyens d'assurer ses nouvelles missions

_ Établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle du garde des sceaux, administré par un conseil d'administration - présidé par le premier président de la Cour de cassation - et par un directeur, l'enm a vu la subvention du ministère de la justice (chapitre 36-10, article 21) augmenter de 79 % depuis 1997, afin de faire face au développement de ses missions. Cette dotation sera ainsi passée de 21,7 millions d'euros en 1997 à 38,9 millions d'euros en 2003.

En outre, les moyens en personnel de l'école ont été renforcés, ainsi que le montre le tableau figurant ci-après qui retrace l'évolution des effectifs budgétaires de 1995 à 2002. L'enm compte aujourd'hui 143 emplois budgétaires, occupés notamment par 38 magistrats et un sous-préfet (secrétaire général), auxquels il convient d'ajouter 10 personnes employées dans le cadre du dispositif emploi-jeune.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS BUDGÉTAIRES DE L'ENM


	1995	1996	1997	1998	1999	2000	2001	2002
Catégorie A	34	34	34	35	36	38	45	52
Catégorie B	12	12	12	12	12	13	14	17
Catégorie C	66	66	66	66	66	68	68	74
Total général	112	112	112	113	114	119	127	143
Source : École nationale de la magistrature.

Après avoir enregistré une forte augmentation (+ 17,2 %) entre 2001 et 2002, la subvention de l'État progressera de nouveau sensiblement en 2003, de l'ordre de 9,17 %, grâce à un abondement de près de 3,3 millions d'euros.

En effet, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit le financement des mesures suivantes en faveur de l'enm :

- 1,351 million d'euros de mesures nouvelles d'ajustement correspondant : au financement des 32 postes d'auditeurs nécessaires pour maintenir le niveau des postes offerts au concours 2002 à 250 ; à la prise en compte de la revalorisation du point d'indice ; à diverses transformations d'emplois d'agents en adjoints ; à la création de sept emplois d'agents administratifs dans le cadre de la résorption de l'emploi précaire ; à l'ajustement de la rémunération d'un contractuel chargé de mission au département international ;

- 1,42 million d'euros de mesures nouvelles en crédits de personnels destinés à : la création de 2 emplois de catégories B et C, rendue nécessaire par l'accroissement des charges pédagogiques de l'école ; l'abondement des crédits de vacation ; la mise en _uvre de la réforme du régime indemnitaire des auditeurs de justice (indemnités de stage et de formation et indemnité forfaitaire mensuelle) ;

- 0,5 million d'euros de mesures nouvelles en moyens de fonctionnement, destinées : à la prise à bail d'un logement de fonction pour le directeur ; au renforcement des actions pédagogiques pour la formation des cadres ; à l'aménagement et la sécurité des deux bâtiments de l'école ; à l'informatique ; au renforcement de la sécurité ; à la location de salles pédagogiques et à la formation continue déconcentrée.

_ Pour être flatteuse, cette présentation du budget de l'enm n'en cache pas moins certaines insuffisances qui tiennent, pour une large part, aux difficultés rencontrées lors de l'exécution du budget 2002.

En effet, l'augmentation de 17,2 % de la dotation globale de l'État en 2002 a été entièrement consacrée au budget du personnel pour faire face au recrutement massif d'auditeurs de justice et financer la création de seize postes budgétaires. Parallèlement, alors que, depuis plusieurs années, la subvention affectée aux dépenses de fonctionnement augmentait de 5 à 6 %, la Chancellerie a décidé le transfert de 4,5 % des crédits du budget de fonctionnement (300 000 €) sur le budget personnel pour financer en partie une mesure nouvelle relative au concours complémentaire. En outre, le financement de mesures nouvelles a été assuré par un prélèvement de 2 millions d'euros sur le fonds de roulement. Peu cohérente avec l'augmentation des missions dévolues dans le même temps à l'établissement, la diminution de la subvention affectée au fonctionnement de l'école a eu de lourdes répercussions sur le budget de celle-ci, son déficit s'élevant, en fin d'exercice, à 300 000euros et obligeant à un prélèvement sur le fonds de roulement afin de faire face aux dépenses prévisibles de première nécessité.

Pour 2003, des mesures de rattrapage budgétaire se révèlent donc indispensables. Une augmentation du budget de fonctionnement de 8,64 % est ainsi prévue (+ 500 000 €). À ce stade des arbitrages, elle se révèle cependant insuffisante :

- d'une part, elle n'intègre par le financement du concours complémentaire qui sera organisé en 2003 ;

- d'autre part, cette augmentation a pour objet de financer des mesures nouvelles et non de compenser le prélèvement sur le fonds de roulement intervenu précédemment. Il est donc probable que le déficit constaté en 2002 sera reconduit si toutes les mesures nouvelles sont exécutées. Face à cette situation, l'école sera dans l'obligation soit de différer dans le temps la réalisation de certaines mesures prévues, soit de s'interroger sur la pérennité de mesures mises en place au début de l'année 2002 à la demande du garde des sceaux, telles que la mise à disposition des auditeurs de justice d'ordinateurs portables, soit de dégager des nouvelles ressources propres - location de salles, placement du fonds de roulement... - dont l'évaluation à ce jour est nécessairement malaisée.

_ Par ailleurs, une clarification du régime indemnitaire des auditeurs de justice est aujourd'hui prioritaire, son indétermination ⁽⁾ étant aujourd'hui une source de difficultés pratiques réelles pour les étudiants et alimentant chez ceux-ci un sentiment d'exaspération. En effet, la Cour des comptes ayant enjoint, dans un arrêt notifié le 10 avril 2002, l'agent comptable d'appliquer pour l'avenir le seul décret du 31 mai 1961 pour l'établissement de la rémunération des auditeurs, des solutions transitoires ont été appliquées à ces derniers, favorables dans leur ensemble sauf pour 39 d'entre eux, chargés de famille, qui, afin de compenser la perte de revenus qu'ils ont subie, ont été conduits à présenter des demandes de secours, votées par le conseil d'administration de l'école, mais non validées par le contrôleur financier ... D'après les informations recueillies par le rapporteur, un projet de décret octroierait un régime indemnitaire plus favorable aux auditeurs. Toutefois, son application à compter du 1^er janvier 2003 est subordonnée à son entrée en vigueur dans les toutes prochaines semaines. Aussi le rapporteur ne peut-il qu'insister sur la nécessité de prendre ce décret dans les plus brefs délais mais aussi de trouver une solution au problème du régime indemnitaire des auditeurs chargés de famille au titre de l'année 2002.

_ Enfin, les locaux doivent être adaptés à l'augmentation des effectifs en formation : le réaménagement de certains locaux prévu en 2003 ne modifiera en rien la pénurie de salles de cours dont souffre actuellement l'école, qui se voit donc aujourd'hui contrainte de louer des locaux extérieurs. Aussi le rapporteur ne peut-il que souhaiter que des études soient rapidement lancées afin que l'école puisse s'étendre dans des conditions satisfaisantes de proximité avec ses bâtiments principaux.

3. Les exigences de qualité de la formation et d'adaptation aux besoins de l'appareil judiciaire et des justiciables

L'augmentation des effectifs de magistrats, indispensable au bon fonctionnement de notre système judiciaire, et la diversification de leurs profils soulèvent certaines interrogations.

_ En premier lieu, la multiplication des modes de recrutement des magistrats de carrière s'est faite au prix d'un manque de lisibilité, au point qu'il devient parfois difficile de cerner quel vivier de candidatures est prioritairement visé.

En effet, une même personne disposant, par exemple, d'une expérience professionnelle de dix ans peut emprunter trois voies d'accès à la magistrature : l'intégration sur titre, le troisième concours ou le concours complémentaire. Or celles-ci ne présentent pas les mêmes contraintes de formation : en effet, dans les deux premières hypothèses, la personne devra suivre une formation probatoire de 31 mois, alors que celle-ci ne sera que de six mois, et de surcroît non-probatoire, dans le cas du recrutement par concours complémentaire ...

Si le choix d'une formation brève n'est pas neutre puisque les concours complémentaires ont précisément pour objet d'accroître les effectifs des juridictions dans de moindres délais, le rapporteur se demande cependant si le résultat recherché est réellement atteint ; il est en effet ressorti des entretiens qu'il a eus avec l'équipe de direction de l'enm que le gain de temps réalisé sur la durée de formation des personnes recrutées par la voie d'un concours exceptionnel - ou désormais complémentaire - était largement contrebalancé par le fait que celles-ci n'étaient souvent pleinement opérationnelles que deux ans après leur arrivée en juridiction.

En outre, il semblerait que l'idée de faire de l'école un creuset ne fonctionne pas, puisque les personnes reçues au concours complémentaires suivent une scolarité distincte de celles des auditeurs de justice. Constatant que ces derniers, lorsqu'ils sont admis sur titre, s'intègrent mieux que les personnes recrutées par la voie des concours complémentaires, les représentants du collège des maîtres de conférence ont suggéré une refonte du calendrier de la scolarité afin de remédier à ce défaut.

_ En deuxième lieu, la diversification croissante des profils de magistrats pose la question de la nature de la formation dispensée par l'enm. Celle-ci doit-elle être une école de droit et dispenser des cours universitaires ou est-elle une école à visée professionnelle, tenant pour acquises les bases - et même davantage - pour se concentrer sur l'apprentissage des techniques du droit ?

Pour l'heure, c'est cette deuxième logique qui a été privilégiée par l'école : les connaissances juridiques sont réputées acquises avant l'admission au concours d'entrée ; dès lors la formation initiale est censée privilégier l'acquisition d'un savoir-faire, ainsi qu'une réflexion sur le « savoir-être ».

Dans la logique de notre organisation judiciaire, qui fait des magistrats les membres d'un corps unique, ayant vocation à exercer l'ensemble des fonctions du siège et du parquet au cours de leur carrière, la formation initiale des auditeurs de justice est généraliste et pluridisciplinaire. Portée de 24 à 31 mois en 1992, elle comporte une première période de vingt-six mois consacrée à une formation générale, organisée autour d'un stage d'une semaine réservée à la découverte d'une juridiction, d'un stage extérieur de dix semaines et de huit mois de scolarité à Bordeaux ; la deuxième période est organisée autour du stage en juridiction ; au cours de la troisième année, enfin, les auditeurs effectuent un stage de deux mois dans un cabinet d'avocat, avec possibilité de plaider, et passent les épreuves de sortie qui leur permettent de choisir leur futur poste et d'effectuer, en fonction de celui-ci, une formation spécialisée comprenant un mois de perfectionnement fonctionnel, à caractère théorique, organisé à Bordeaux et un stage de pré-affectation de cinq mois en juridiction.

Faut-il souligner combien est regrettable l'obsolescence des programmes des concours, qui font encore une place aux chèques sans provisions alors même qu'aucune épreuve de droit communautaire n'est prévue. Or, il est évident qu'une modification des épreuves d'entrée ne serait pas sans incidence sur le déroulement de la scolarité.

De même - et c'est une évidence de le dire - la formation dispensée doit être de bonne qualité. Depuis 1971, l'école bénéficie d'une équipe de maîtres de conférence permanents. Le recrutement de six nouveaux maîtres a été prévu mais des interrogations demeurent sur l'adéquation entre le niveau d'encadrement pédagogique ainsi prévu et l'augmentation des effectifs en formation. En outre, si l'on entend préserver la qualité de la formation dispensée à l'enm, une réflexion devrait être engagée sur l'élaboration d'un statut des maîtres de conférence ou une meilleure reconnaissance des fonctions exercées par les magistrats délégués à la formation et les directeurs de centres de stage. Enfin, il pourrait être envisagé de favoriser les interventions ponctuelles de praticiens par la définition d'un statut de maître de conférence associé à l'enm.

Par ailleurs, force est de reconnaître que la formation, dans les cinq années à venir, de 3 300 juges de proximité constitue un défi pour l'école. Si leur recrutement est ouvert, quelle formation leur sera dispensée ? Compte tenu des effectifs susceptibles d'être concernés, seule une formation déconcentrée paraît envisageable. Le rapporteur s'interroge, en outre, sur la possibilité de faire les éventuelles mises à niveau nécessaires en université, dans le cadre d'une action partenariale entre les universités et l'enm. Enfin, la formation des juges de proximité par les juridictions pourrait être facilitée si leur formation s'effectue là où ils exerceront ensuite leurs fonctions.

_ En dernier lieu, il convient de souligner que l'augmentation des effectifs accueillis en formation initiale ne doit pas faire oublier l'importance de la formation continue. Indispensable à la qualité de la justice rendue, celle-ci permet à un magistrat de s'adapter aux changements - législatifs ou sociétaux - qui jalonnent son parcours professionnel. Les formations dispensées par l'enm prennent la forme de séminaires d'une semaine au siège parisien de l'école ou de cycles annuels approfondis, de stages collectifs ou individuels auprès de différents organismes. Depuis 1990, ce dispositif est complété par un dispositif de formation déconcentrée destiné à répondre au mieux à la diversité des demandes locales : les besoins sont recensés par un magistrat délégué à la formation, la souplesse et la proximité de ce système favorisant l'accès d'un plus grand nombre de magistrats à la formation continue. Après la très forte progression des demandes de formation observée au cours de l'année 2000, le nombre de magistrats ayant suivi une formation continue au plan national a diminué en 2001 mais reste cependant supérieur aux niveaux atteints en 1999. En 2001, 53,2 % des magistrats professionnels français ont suivi au moins une action de formation continue nationale, ce qui correspond à 20 231 jours de formation. Sur une période de deux ans, ce sont 77 % des magistrats qui participent au moins à une action de formation continue nationale et 76 % qui participent à une action de formation continue déconcentrée.

B. LES FONCTIONNAIRES DES SERVICES JUDICIAIRES : DES MÉTIERS QU'IL CONVIENT DE REPENSER

1. Adapter l'École nationale des greffes à la forte augmentation des effectifs de fonctionnaires de justice

_ Service à compétence nationale, placé sous l'autorité du directeur des services judiciaire, l'école nationale de greffes, implantée à Dijon, est chargée de mettre en oeuvre la politique de formation des personnels des greffes des services judiciaires. Elle a pour missions essentielles la formation initiale des greffiers en chef (fonctionnaires de catégorie A), des greffiers (fonctionnaires de catégorie B) et, pour la première fois en 2001, des personnels de bureau (fonctionnaires de catégorie C), ainsi que la formation continue nationale, destinée à l'ensemble des fonctionnaires des services judiciaires qui rassemblait, en 2002, 20 457 emplois d'agents de catégorie A, B et C.

L'eng a dû faire face au cours des années passées à une forte augmentation de ses effectifs : entre 1998 et 1999, le nombre de stagiaires, greffiers en chef et greffiers confondus, a progressé de 54,7 % pour augmenter, à nouveau, de 63,2 % entre 1999 et 2000 et de 65,1 % entre 2000 et 2001. Ce mouvement devrait se poursuivre, la loi d'orientation et de programmation pour la justice prévoyant une progression de 17,1 % du nombre de fonctionnaires de greffe entre 2003 et 2007.

FLUCTUATION DES CHARGES DE L'ÉCOLE NATIONALE DES GREFFES
AU TITRE DE LA FORMATION INITIALE

Source : Ministère de la justice

Parallèlement, les actions de formation continue se sont intensifiées : alors que 64 sessions rassemblant 1 712 participants avaient été organisées en 1994, en 2001, l'école a assuré 154 session pour 2 258 participants en 2001. Au titre de la formation initiale, ce ne sont pas moins de 121 245 jours de formation qui ont été dispensées au cours de l'année 2001.

_ Face à la progression des effectifs de fonctionnaires des services judiciaires, l'École nationale des greffes doit s'adapter. Certaines évolutions ont déjà été engagées ; d'autres méritent d'être examinées.

-- Si l'école a été bien conçue lors de la construction de ses locaux en 1975 (studio audiovisuel, vaste amphithéâtre, locaux pour héberger les élèves, crèche...), force est d'admettre que ceux-ci seront inadaptés aux promotions à venir. Dans cette perspective, l'école va agrandir ses locaux sur un terrain jouxtant ses actuels bâtiments.

- S'agissant du corps enseignant, l'équipe de maîtres de conférences est actuellement constituée de dix-huit enseignants, l'un d'entre eux n'intervenant qu'en gestion des ressources humaines, tandis qu'un autre dispense l'essentiel de la formation informatique. Cette équipe pédagogique est complétée par le recours à des greffiers en chef et des greffiers en poste en juridiction ainsi qu'à des cabinets de consultants. Au total, 11 212 heures de cours dispensés, hors dactylographie, ont été dispensées, dont 18,6 % par des intervenants extérieurs.

Les personnes auditionnées par le rapporteur lors de son déplacement à l'École nationale des greffes ont souligné les réticences de plus en plus fréquemment exprimées par les chefs de juridiction ou les greffiers en chef à l'encontre des demandes d'intervention à l'eng, compte tenu de l'état de leurs juridictions. En outre, l'école connaît depuis maintenant trois ans une crise du recrutement des maîtres de conférence, rendant nécessaire une réflexion sur la création d'un statut spécifique, l'octroi d'avantages matériels ou le renforcement du nombre de postes du premier grade. De même, l'absence de statut des formateurs en informatique est une source légitime de mécontentement chez les personnels concernés alors que, précisément, l'école a consenti de grands efforts pour fournir un enseignement de qualité dans un domaine essentiel dans le fonctionnement des juridictions.

- Enfin, une évolution du statut de l'École nationale des greffes serait sans doute souhaitable : après une première adaptation des textes fixant son organisation en 1999 pour la doter officiellement d'instances de concertation, une seconde étape a été franchie avec l'arrêté du 5 mars 2001, qui érige l'école en service à compétence nationale, et un arrêté du 21 décembre 2001 a désigné le directeur de l'École nationale des greffes ordonnateur secondaire à vocation nationale du budget du ministre de la justice pour les recettes et les dépenses liées à l'activité du service (hors crédits d'investissement et d'interventions). Le rapporteur considère qu'un pas nouveau pourrait être accompli en faisant de l'École nationale de greffes un établissement public au même titre que l'École nationale de la magistrature et l'École nationale de l'administration pénitentiaire.

2. Engager une réflexion sur l'évolution des métiers des greffes

_ Depuis 1985, un certain nombre de tâches non juridictionnelles, jusqu'alors exercées par les magistrats, ont été dévolues aux greffiers en chef tant par voie réglementaire (apposition des scellés ; délivrance des procurations de vote ; certification de certains frais de justice; répartition des saisies des rémunérations) que par voie législative : la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a ainsi transféré aux greffiers en chef la procédure de changement de nom et de déclaration conjointe d'autorité parentale, la vice-présidence des bureaux d'aide juridictionnelle, la délivrance des certificats de nationalité, la vérification annuelle des comptes de gestion des mineurs et majeurs protégés et la procédure de consentement à adoption ; la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité a confié aux greffiers en chef des tribunaux d'instance l'enregistrement des PACS ainsi que l'enregistrement des modifications et ruptures de pactes ; la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral a transféré aux greffiers en chef la compétence en matière de délivrance des actes de notoriété.

Grâce au niveau de recrutement et de formation des greffiers en chef, ceux-ci ont pu assumer sans difficultés leurs nouvelles missions. Toutefois, on peut se demander s'il ne serait pas souhaitable de permettre aux greffiers en chef de déléguer leurs compétences issues de la loi du 8 février 1995 aux greffiers, afin de remédier aux réelles difficultés de gestion et d'organisation que ce corps peut rencontrer pour assurer la continuité du service public.

De nouveaux transferts de tâches actuellement dévolues aux magistrats et qui ne ressortent pas essentiellement de leurs fonctions juridictionnelles pourraient être envisagés.

En outre, participant du souci d'entourer le magistrat d'une équipe, la question de l'évolution du métier de greffier vers les fonctions de « greffier-rédacteur » est notamment évoquée dans le rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002. En effet, les travaux menés depuis 1996 sur les métiers des greffes ont montré la nécessité de mettre en place une nouvelle organisation du travail au sein des juridictions, axée sur le travail en équipe, en substituant à des compétences individuelles la compétence collective d'une équipe autour du juge, afin de traiter autrement le contentieux civil de masse.

Véritables techniciens de la procédure et collaborateurs des magistrats dans tous les cas prévus par le code de l'organisation judiciaire et les textes législatifs et réglementaires, les greffiers dont le niveau de recrutement pourrait être porté à BAC+2 dans le cadre de la réforme statutaire, ont une vocation naturelle à occuper ces fonctions.

Au sein de cette équipe, les assistants de justice, contractuels recrutés pour deux ans, trouvent leur place, en dehors de toute « concurrence » avec les fonctions exercées par les greffiers, leur gestion déconcentrée en faisant une soupape de sécurité pur les chefs de cour. Plutôt que l'institution d'un statut à leur profit, le rapporteur considère que devrait être étudiée la possibilité d'établir des passerelles entre l'exercice de ces fonctions et le recrutement par la voie des concours.

_ En outre, une réforme de la formation initiale des greffiers en chef et des greffiers doit accompagner son allongement de 12 à 18 mois qui sera applicable aux deux corps à compter du 1^er janvier 2004. Dans ce cadre, le contenu de la formation doit être adapté à l'objectif qui est d'amener les lauréats des concours internes et externes à acquérir les bases fondamentales de leur futur métier pour assurer une première prise de poste sécurisée et opérationnelle. À cette fin, la formation dispensée doit être adaptée à l'évolution des métiers et le calendrier de la scolarité modifié de façon à ce que les stagiaires en formation puissent, plus facilement qu`aujourd'hui, mettre en adéquation l'enseignement dispensé à l'école avec les stages pratiques. Le contenu des stages doit être également adapté au programme de formation initiale. Enfin, une réflexion sur les méthodes d'évaluation des stagiaires en sortie d'école doit être engagée afin de modifier le système actuel qui consiste à prendre en compte de façon égale la note de concours, la note de scolarité et la note de stage pour retenir une solution qui introduise un examen de sortie au détriment de la note de concours, à l'instar de ce qui est pratiqué dans d'autres écoles publiques de formation professionnelle.

_ Dans la perspective de la constitution d'une équipe autour du magistrat, la formation dispensée aux agents de catégorie C doit être développée. D'ores et déjà, la direction des services judiciaires a mis en place, au cours de l'année 2000, une formation initiale des agents administratifs de catégorie C d'une durée de huit semaines, dont une semaine de scolarité à l'École nationale des greffes.

Une réflexion est engagée afin de porter la durée de la formation initiale de huit à douze semaines et de mettre en place une formation initiale des agents techniques de catégorie C d'une durée de cinq semaines, organisée à l'échelon régional avec le support pédagogique de l'École nationale des greffes.

_ Compte tenu de l'évolution rapide des procédures et des technologies et malgré l'importance des efforts qui devront être consentis en matière de formation initiale dans les années à venir, la formation continue des fonctionnaires des services judiciaires ne doit pas être oubliée.

Cette dernière orientation a d'ores et déjà été privilégiée par la réforme statutaire qui assortit l'allongement de la durée de la formation initiale de la mise en place d'une obligation de formation continue d'une durée de 10 jours par an sur cinq ans à compter de la titularisation des greffiers en chef et des greffiers. Destinée à améliorer le professionnalisme des agents dans leurs domaines respectifs de compétence - la gestion et l'administration pour les greffiers en chef, la procédure et l'assistance du juge pour les greffiers - cette obligation de formation continue est sans doute d'autant plus utile que les stagiaires ne connaissent pas à l'avance leur affectation au sein de la juridiction où ils vont exercer leurs premières fonctions.

* *

Quelques mois après l'adoption de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, il y a donc lieu de se féliciter de voir le projet de loi de finances pour 2003 réaffirmer la priorité désormais accordée à nos institutions judiciaires. Exemplaire et sans précédent, cet effort budgétaire constitue certainement un défi pour le monde judiciaire : l'augmentation des moyens humains et matériels interdit de faire plus longtemps l'économie d'une réflexion sur la réforme des structures des établissements de formation et sur les modalités de recrutement et nécessite une meilleure organisation de travail des juridictions. A cet égard, le recours à des contrats d'objectifs avec ces dernières, annoncé par le garde des sceaux, est indispensable pour optimiser l'utilisation de ces nouveaux moyens. Mais cet accroissement des moyens implique également une réflexion sur les procédures appliquées : loin d'être un tabou, la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits de victimes doit faire l'objet d'une évaluation sans concessions, nombre de ses dispositions ayant entraîné un alourdissement disproportionné des charges de travail des juridictions. A défaut, l'accroissement des moyens prévu pour les prochaines années risquerait fort d'être un investissement à fonds perdu...

Avant d'émettre un avis sur les crédits, la Commission a procédé, le 24 octobre 2002, à l'audition de M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, sur les crédits de son ministère pour 2003.

Le garde des sceaux a souligné que le projet de budget du ministère pour 2003 constituait une pièce maîtresse de la politique du Gouvernement, qui fait de la justice l'une de ses priorités majeures et a ajouté qu'il traduisait, dans les faits, les orientations définies par la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.

Il a fait observer que ce projet de budget se caractérisait, en effet, par un renforcement sans précédent des moyens, marqué par une progression globale de 7,43 %, concernant tant le fonctionnement que l'investissement.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, il a précisé qu'elles connaissaient une augmentation de crédits de 5,26 %, qui recouvre une hausse du nombre d'emplois budgétaires de 2 026 postes - dont 2 pour la Commission nationale de l'informatique et des libertés -, emplois budgétaires auxquels il convient d'ajouter 87 emplois en établissements publics et 170 emplois dits « sur crédits » permettant de rémunérer les assistants de justice en juridictions administratives. Il a souligné que ces moyens étaient destinés à l'amélioration de la situation des personnels et des moyens de fonctionnement des administrations et des juridictions.

En matière d'investissement, le garde des sceaux a relevé la nécessité d'engager un certain nombre d'opérations rapidement dans l'administration pénitentiaire, mais également en faveur de la rénovation des palais de justice, ce qui explique le doublement du montant des autorisations de programme en 2003 par rapport à 2002, ainsi que l'augmentation de 58,2 % des crédits de paiement.

Tout en convenant qu'un budget qui augmente n'est pas nécessairement un bon budget, il a tenu à faire remarquer que le projet de budget de son département ministériel pour 2003, qui constitue la première étape de la mise en _uvre de la programmation prévue par la loi d'orientation - laquelle prévoit l'ouverture de 3,65 milliards de crédits de paiement, de 1,75 milliard d'euros d'autorisations de programme et la création de 10 100 emplois - répondait, en outre, aux attentes pressantes de nos concitoyens et était articulé autour de priorités claires : améliorer l'efficacité de la justice, ce qui exige plus de rapidité dans le traitement des dossiers et une gestion plus simple et plus proche des citoyens ; renforcer l'efficacité de la réponse pénale, ce qui implique de mieux exécuter les décisions de justice, notamment en développant les outils et actions favorisant la réinsertion ; prévenir et traiter la délinquance des mineurs ; améliorer l'accès des citoyens à la justice et améliorer le sort des victimes.

Abordant l'examen des efforts budgétaires proposés secteur par secteur, le garde des sceaux s'est d'abord réjoui des moyens supplémentaires accordés aux services judiciaires, confrontés à une charge grandissante, afin de leur permettre de remplir leurs missions de manière plus efficace, par le biais, en particulier, du développement de la justice de proximité - qui fait l'objet d'un projet de loi organique - et de la réduction des délais de traitement des dossiers. Il a indiqué que, pour faire face à ces objectifs, 700 emplois seraient créés, dont 180 postes de magistrats et 520 emplois de greffiers et de fonctionnaires, cette proportion traduisant la volonté du Gouvernement de ne pas créer de postes de magistrats sans leur fournir le nombre de collaborateurs nécessaires à la généralisation du travail en équipe. Au-delà des créations d'emplois, il a appelé l'attention sur l'utilité de s'intéresser au rythme des entrées effectives dans les juridictions, qui devraient s'élever à 290 magistrats et 800 fonctionnaires des greffes en 2003, compte tenu des délais d'organisation des concours et des formations. Il a ajouté que 3 millions d'euros favoriseraient les premiers recrutements de juges de proximité, que les primes des magistrats passeraient, avant la fin de 2003, de 37 à 41 % de leur traitement de base, tandis que les greffiers et greffiers en chef bénéficieraient de réformes statutaires importantes et les fonctionnaires de catégorie C d'une amélioration de leurs primes.

Puis, il a indiqué que l'administration pénitentiaire - qui doit faire face au défi constitué par le décalage entre le nombre de places disponibles qui s'élève à 48 000 et le nombre de détenus qui oscille régulièrement entre 53 000 et 56 000 - se voyait accorder, dans la loi d'orientation et de programmation, les moyens d'obtenir 11 000 places nouvelles, dont 7 000 supplémentaires, un effort particulier étant porté sur la réalisation de bâtiments entièrement dédiés aux mineurs. Il a précisé que l'action de M. Pierre Bédier, secrétaire d'État aux programmes immobiliers de la justice, actuellement en voyage d'études au Canada, permettrait de mettre en _uvre rapidement ces opérations, grâce aux nouvelles dispositions législatives destinées à faciliter une plus grande implication des partenaires privés. Il a ajouté que, pour la mise en _uvre du « programme 4 000 » et la création des quartiers de mineurs en 2003, 870 emplois seraient créés, dont 613 pour les personnels de surveillance. Afin de renforcer l'attractivité des métiers pénitentiaires, le garde des sceaux a annoncé une revalorisation générale des carrières, en particulier pour les personnels de surveillance, tout en soulignant que de nouvelles discussions devraient s'engager sur l'objectif du passage aux trente-trois heures hebdomadaires, normalement prévu pour 2004, en regard notamment des capacités actuelles de recrutement et de formation de l'administration pénitentiaire.

Par ailleurs, il s'est déclaré favorable à une mobilisation forte des services de la protection judiciaire de la jeunesse, qui doit apporter des réponses plus efficaces à la question difficile de la délinquance des mineurs, grâce aux actions diversifiées prévues par la loi d'orientation et de programmation, notamment la création de centres éducatifs fermés, mais aussi le développement des mesures existantes en matière de prévention de la récidive et de prise en charge en milieu ouvert. Il a admis que la réalisation de ces objectifs ambitieux exigeait une remise à niveau des services gestionnaires de la direction de la protection judiciaire, dont la capacité de gestion et d'administration est aujourd'hui insuffisante, ce qui justifie pleinement la création, dans le projet de budget pour 2003, de 314 emplois, qui permettront d'augmenter le nombre d'éducateurs de 25 %, ainsi que l'inscription de 2,2 millions d'euros destinés au secteur associatif et à plusieurs mesures statutaires et indemnitaires.

S'agissant des juridictions administratives, il a relevé qu'elles verraient leurs moyens financiers et humains augmenter de 100 emplois, dont 42 postes de magistrats et 58 de fonctionnaires, auxquels s'ajouteront 170 emplois « sur crédits ».

Évoquant, enfin, l'aide aux victimes qui doit faire l'objet d'un effort de solidarité particulier, conformément aux orientations présentées en Conseil des ministres le 18 septembre dernier, il a précisé qu'il se traduisait par des mesures significatives : information des victimes sur leur droit de demander la désignation d'un avocat dès le dépôt de la plainte ; octroi de l'aide juridictionnelle sans conditions de ressources aux victimes des crimes les plus graves ; aide aux réseaux associatifs ; extension du numéro national d'appel ; amélioration de l'aide juridictionnelle par la hausse des correctifs familiaux.

Par ailleurs, le garde des sceaux a souhaité, au-delà de la présentation du renforcement des moyens de la justice, insister sur la double nécessité d'une mobilisation effective des moyens considérables dégagés dans un contexte budgétaire délicat et de la mise en place de dispositifs d'évaluation et de correction destinés à améliorer la consommation des moyens nouveaux accordés.

Enfin, il a fait observer que si l'efficacité de la justice passait par l'octroi de moyens supplémentaires, elle dépendait également de l'amélioration du droit, qui doit éviter de surcharger les juridictions. À ce propos, il a annoncé le dépôt ou la préparation de plusieurs projets relatifs au droit des personnes - protection des majeurs incapables, droit du divorce, de la filiation, des successions et des libéralités - la poursuite de la modernisation de la procédure civile et la réforme de la protection des données personnelles, avec l'actualisation de la loi « informatique et libertés » ; s'agissant de la rénovation du droit des sociétés, prenant acte de la création par la commission des Lois d'une mission d'information, il a évoqué les questions des procédures collectives, de la sécurité financière, du gouvernement d'entreprises, de la rénovation du système des comptes et de l'organisation de la profession des administrateurs et mandataires judiciaires, rappelant, sur ce dernier point, que le projet de loi actuellement en navette devrait être soumis à une commission mixte paritaire au mois de décembre prochain. Il a précisé que ce programme ambitieux, qui répond à des demandes fortes de notre société, faisait, d'ores et déjà, l'objet d'un intense travail interministériel. S'agissant, enfin, de la procédure et du droit pénal, il a indiqué que les réformes iraient dans le sens d'une réduction de la durée des procédures, d'une meilleure coopération pénale internationale et d'une répression plus forte de certaines formes de délinquance particulièrement préoccupantes, telles que la criminalité organisée, la traite des êtres humains, le racisme ou la violence routière.

Jugeant que l'augmentation sans précédent des crédits pour la justice entre 2003 et 2007 constituait effectivement un défi pour la Chancellerie, le rapporteur pour avis a fait état de certaines interrogations exprimées par des personnes entendues lors de la préparation de son rapport sur les moyens humains et matériels qui doivent accompagner la mise en place des juridictions de proximité, ainsi que sur l'évolution statutaire des fonctionnaires des services judiciaires et la définition de leur rôle dans le fonctionnement des juridictions. Après avoir fait observer que les orientations définies sur ce dernier point dans la loi du 9 septembre 2002 semblaient recueillir l'assentiment des personnels concernés, il a souligné la nécessité de modifier les structures de l'École nationale des greffes afin de lui permettre de faire face à la progression très importante des effectifs en formation, estimant que sa transformation en établissement public, au même titre que l'École nationale de la magistrature (ENM) ou l'École nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP), serait un signal fort adressé aux personnels dont elle assure la formation.

Évoquant ensuite les conditions de fonctionnement des juridictions, il a jugé particulièrement préoccupant l'encombrement des cours administratives d'appel et fait observer que l'augmentation des moyens accordés aux juridictions civiles ou pénales dans les exercices antérieurs n'avait pas eu d'effet notable sur la durée moyenne de traitement des affaires. Stigmatisant les conséquences de l'application de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes sur le fonctionnement des juridictions civiles, le rapporteur a fait observer que ce texte n'avait pas entraîné de réduction durable du nombre de détentions provisoires prononcées en France, alors que c'était précisément l'objectif - qu'il a jugé contestable, particulièrement dans un contexte de progression de la délinquance - recherché par la loi. Il a donc souhaité que soit dressé un bilan de son application. Enfin, soulignant la forte motivation des magistrats judiciaires, il a jugé nécessaire d'harmoniser leur régime indemnitaire avec celui des magistrats des juridictions administratives.

Mme Valérie Pecresse, rapporteure pour avis des crédits des services pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse, a souligné le caractère exceptionnel et équilibré du budget pour 2003 des secteurs concernés, qui dégage des moyens sans précédent en faveur de la sécurité des établissements pénitentiaires, tout en prévoyant d'importantes créations d'emplois au profit des services en charge de la réinsertion des détenus et de l'action éducative auprès des mineurs délinquants.

Elle a ensuite souhaité connaître les mesures qu'entendait prendre le ministre afin de faciliter les recrutements massifs engagés par le Gouvernement, compte tenu des difficultés rencontrés en ce domaine les années précédentes et de la part croissante de femmes reçues aux concours, qui apparaît susceptible de soulever des problèmes de fonctionnement au sein des établissements pénitentiaires. Puis, elle a demandé des précisions sur le calendrier prévisionnel de la construction des nouveaux établissements pénitentiaires et de la mise en _uvre des centres éducatifs fermés. S'agissant précisément de ces centres, elle a souhaité connaître le contenu du projet pédagogique, éducatif ou professionnel proposé aux mineurs qui y seront placés, ainsi que la nature et le régime de coercition qui leur sera applicable. Après avoir approuvé les propos du ministre sur la nécessaire modernisation de l'administration de la protection judiciaire de la jeunesse, elle a conclu son intervention en s'interrogeant sur les différentes mesures envisagées pour améliorer l'efficacité de ce service public.

Félicitant le ministre pour l'extrême pertinence du projet de budget pour la justice en 2003, M. Philippe Houillon a souhaité avoir des précisions sur la démarche nouvelle, simple mais innovante, mise en place par le ministère de la justice, qui consisterait à évaluer l'activité des juridictions et à initier une politique contractuelle, par objectif, avec chacune d'entre elles. Il s'est également enquis des possibilités et des modalités d'association du Parlement à cette démarche. Il a, enfin, souhaité savoir si la démarche de définition d'objectifs par juridiction serait mise à profit pour revenir à une meilleure uniformité de la politique pénale sur le territoire national.

M. Jean-Luc Warsmann s'est également déclaré très satisfait du projet de budget pour 2003, qu'il a jugé en totale conformité avec la loi d'orientation pour la justice votée en août dernier. De même, il s'est félicité de la prudence annoncée par le ministre de la justice dans l'élaboration de la norme législative, en dénonçant le gâchis qui avait caractérisé les années récentes, au cours desquelles les moyens nouveaux ouverts en loi de finances initiale avaient été plus que consommés par les modifications de la procédure pénale. Il a d'ailleurs expliqué que là résidait la cause principale de l'aggravation de la quasi-totalité des délais de jugement. Il a ensuite interrogé le ministre sur les priorités d'affectation des postes de magistrats, de fonctionnaires et de greffiers supplémentaires, ainsi que sur la définition technique des contrats d'objectifs. S'agissant de la consommation des crédits d'équipement, il a voulu savoir par quels moyens le ministère de la justice entendait remédier aux difficultés traditionnelles qu'il rencontrait en la matière. Évoquant enfin la situation, qu'il a qualifiée de désastreuse, des juridictions administratives, dont il a rappelé que le délai moyen de jugement était de cinq ans en appel et de six ans en cassation, il a souhaité savoir si la logique contractuelle d'évaluation leur serait appliquée, de façon à mettre un terme à ce qui s'apparente de facto à un déni de justice.

M. Jean Leonetti a exprimé sa satisfaction devant la croissance des crédits impartis à la justice dans le projet de loi de finances pour 2003 ; il a reconnu que ce bon budget succédait à un bon budget, les crédits ayant progressé de près de 7 % de 2001 à 2002. Il a fait valoir néanmoins que, à la différence du projet de loi de finances pour 2002, pour lequel la croissance des crédits était contrainte par la mise en place d'une nouvelle législation, le projet de loi de finances pour 2003 était la traduction concrète d'une politique volontariste et ambitieuse. Il a ensuite interrogé le ministre sur sa politique de contrôle et d'évaluation ; estimant en effet que l'accroissement des moyens ne suffisait pas s'il ne se traduisait pas concrètement par des résultats, il a souhaité que puisse être menée une évaluation portant notamment sur la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que sur l'action des associations travaillant en partenariat avec le ministère de la justice. Évoquant la prochaine révision constitutionnelle relative à la décentralisation, il a fait état des compétences techniques des conseils généraux en matière d'insertion, et indiqué que le conseil général des Alpes-Maritimes pourrait être candidat pour une expérimentation concernant la protection judiciaire de la jeunesse.

Prolongeant l'intervention de M. Jean Leonetti, M. Jean-Pierre Soisson a considéré qu'il y avait effectivement une obligation de résultats impartie au ministre, la croissance des crédits devant coïncider avec une amélioration du fonctionnement de la justice et de la perception qu'en ont les citoyens. Il a estimé que le problème essentiel résidait dans la longueur des délais d'instruction des affaires ; citant le cas de la cour administrative d'appel de Lyon, il a fait état de délais d'attente de jugement de plus de quatre ans, puis a conclu son propos en insistant sur le caractère tout à fait prioritaire des moyens accordés à la justice, le renforcement de la sécurité prônée par le Gouvernement ne devant pas se faire à son détriment.

Observant que les peines d'emprisonnement de courte durée n'étaient souvent pas effectuées, M. Sébastien Huygue a jugé que cette réalité était très mal perçue par les Français. Il a souhaité savoir si une réforme était envisagée pour renforcer le taux d'exécution desdites sanctions et si le nombre de places disponibles dans les maisons d'arrêt serait dans ce cas suffisant.

En réponse aux différents intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

· S'agissant des services judiciaires et des juridictions administratives

- L'évolution des missions confiées aux greffiers afin de faire de ces derniers des assistants des magistrats suppose une évolution des cultures propres à chaque corps ainsi que du référentiel des métiers de greffe.

- Si la revalorisation du statut des greffiers en chef est d'ores et déjà acquise, il convient de mener à bien la réforme statutaire des greffiers, sans laquelle l'évolution des métiers évoquée plus haut ne sera pas possible.

- L'idée de faire de l'école nationale des greffes un établissement public, notamment pour en consolider les moyens de fonctionnement, doit être étudiée, en particulier au regard de l'exemple réussi de l'école nationale de l'administration pénitentiaire.

- La loi du 15 juin 2000 illustre de façon exemplaire la nécessité d'évaluer les charges de travail engendrées par une réforme législative et d'en débattre préalablement avec les professionnels concernés. L'évolution du nombre de détentions provisoires résulte moins des modifications apportées à la procédure pénale que de la durée de l'instruction ; celle-ci est aujourd'hui trop longue et la protection des libertés publiques exige que tout soit fait pour la réduire.

- Plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord, l'évaluation du fonctionnement des juridictions implique de choisir des critères en concertation avec les chefs de juridiction. Elle suppose également de disposer d'un outil statistique précis et fiable - ce qui est désormais le cas - permettant un traitement homogène des données.

- Afin de faire face à l'explosion de la délinquance des mineurs, d'assurer une cohérence dans la chaîne pénale, mais aussi un suivi individualisé des mineurs concernés, les affectations des nouveaux postes de magistrats - sur lesquelles travaille actuellement la Chancellerie - se feront de façon à accroître les effectifs des tribunaux pour enfants de 20 % en 2003.

- L'idée d'un parquet indépendant ne pouvant être défendue sans hypocrisie, il convient de réaffirmer le principe hiérarchique en matière d'action pénale. Ceci suppose cependant que l'ensemble des procureurs généraux, pour exercer leur autorité sur les procureurs de la République, puissent bénéficier d'une expertise juridique de haut niveau au sein de la Chancellerie, dont les services compétents seront renforcés en conséquence.

- Afin de remédier à l'engorgement problématique des cours administratives d'appel, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit la création de 88 emplois dans les juridictions administratives. En outre, la loi d'orientation et de programmation pour la justice a prévu que les cours administratives d'appel pourront désormais accueillir des magistrats administratifs dès leur première affectation. Enfin, la création en 2004 d'une nouvelle cour administrative d'appel est prévue en région parisienne.

· S'agissant des services pénitentiaires

- L'ampleur des recrutements qui sont envisagés constitue indéniablement un défi pour l'administration et c'est pourquoi un important effort en matière d'information et de communication a été engagé. La campagne actuelle de promotion des métiers de l'administration pénitentiaire semble d'ailleurs porter ses fruits, puisque près de 21 000 dossiers d'information ont d'ores et déjà été retirés, alors que le prochain concours de gardien-surveillant n'offre que 1 000 postes. Les capacités d'accueil de l'ENAP vont être augmentées en conséquence de la hausse du nombre de ses élèves, le budget pour 2003 prévoyant 10 millions d'euros d'autorisations de programme à cet effet.

- La féminisation croissante des personnes reçues au concours de gardien-surveillant soulève une question délicate car ce phénomène entraîne d'importantes conséquences en matière d'organisation du travail au sein des établissements pénitentiaires. Il paraît donc nécessaire de mener une réflexion approfondie en la matière, sans tabou ni a priori.

- La diversification du parc pénitentiaire est nécessaire car elle permettra de développer le recours aux mesures alternatives à l'incarcération, comme le placement sous surveillance électronique ou le travail d'intérêt général.

- La sous-consommation des crédits de l'administration pénitentiaire concerne uniquement ceux consacrés aux dépenses d'équipement. A cet égard, une amélioration semble en cours puisque le montant des crédits faisant l'objet d'un report d'une année sur l'autre en raison de leur non-consommation est passé de 153 millions d'euros en 2001 à 40 millions en 2002. Toutefois, l'analyse de la consommation des crédits d'équipement doit également prendre en considération le fait que ceux-ci sont consommés de façon inégale au long de la période de construction, la majeure partie des dépenses étant soldée au moment de la livraison de l'établissement pénitentiaire. Or, compte tenu du principe de l'annualité budgétaire et des inévitables négociations avec le ministère de l'économie et des finances, l'administration pénitentiaire est amenée à demander des crédits supérieurs au niveau prévisible de sa consommation afin de disposer, le moment venu, des sommes nécessaires au paiement des constructions qu'elle a commandées.

- La non-exécution de près de 30 % des peines d'emprisonnement prononcées par les juridictions n'est pas acceptable car elle menace la crédibilité même de l'institution judiciaire. Cette situation ne résulte pas du manque de places disponibles en prison mais, notamment, de la complexité de la procédure d'exécution des jugements qui, en raison de la multiplication des intervenants et des délais accordés à chacun, facilite la tâche des condamnés désireux d'échapper à la justice.

· S'agissant des services de la protection judiciaire de la jeunesse

- La mise en _uvre des premiers centres éducatifs fermés devrait intervenir rapidement, d'ici à la fin de l'année, grâce à la mise à disposition de locaux existants appartenant à des collectivités locales.

- Le contenu éducatif des centres éducatifs fermés figurera dans un cahier des charges qui est en cours d'élaboration et fera l'objet d'une concertation avec l'ensemble des intervenants de la protection judiciaire de la jeunesse, y compris les responsables des associations du secteur habilité. Trois principaux objectifs semblent toutefois pouvoir d'ores et déjà être assignés à ces centres : il s'agira, en premier lieu, de favoriser le réapprentissage des savoirs fondamentaux comme la lecture, l'écriture et le calcul ; en deuxième lieu, une qualification professionnelle devra être offerte aux mineurs ; enfin, une prise en charge sanitaire sera organisée compte tenu de l'accroissement du nombre de jeunes souffrant de pathologies diverses. Ce faisant, les centres éducatifs fermés offriront aux jeunes des activités adaptées à leur profil pendant toute la journée.

- La nature de la contrainte exercée à l'encontre d'un mineur placé en centre éducatif fermé est juridique puisque le non-respect des obligations du contrôle judiciaire pourra entraîner son incarcération. Il importe donc également de construire rapidement les centres de détention pour mineurs afin de pouvoir, le cas échéant, incarcérer dans des conditions satisfaisantes ceux d'entre eux placés dans les centres éducatifs fermés qui n'auraient pas respecté les obligations du contrôle judiciaire.

- La modernisation des services de la protection judiciaire de la jeunesse est une priorité. Sa mise en _uvre peut emprunter plusieurs voies : il pourrait notamment être envisagé, dans le cadre de l'application des dispositions qui devraient être adoptées dans le projet de loi constitutionnel relatif à l'organisation décentralisée de la République, de transférer, à titre expérimental, certains services de la protection judiciaire de la jeunesse aux conseils généraux, d'ores et déjà compétents en matière d'aide sociale à l'enfance ; par ailleurs, les capacités de gestion et de direction de l'administration centrale de la protection judiciaire de la jeunesse sur ses services déconcentrés devraient être renforcées, tandis que les pouvoirs de ceux-ci devraient être accrus en matière de gestion des personnels.

- L'évaluation de l'activité de l'ensemble des services de la protection judiciaire de la jeunesse est nécessaire, mais délicate à concevoir. Un rapport de la Cour des comptes concernant cette administration est en cours d'élaboration et ses conclusions pourront, le cas échéant, servir à la mise en _uvre de certaines réformes ainsi qu'à la construction d'indicateurs d'activité.

* *

Après le départ du ministre, la Commission a procédé à l'examen pour avis des crédits du ministère de la justice pour 2003, consacrés à l'administration centrale et aux services judiciaires.

Après l'exposé du rapporteur pour avis, le président Pascal Clément a estimé qu'il n'était pas souhaitable que des jeunes magistrats sortant de l'ENM deviennent directement juges d'instruction, soulignant qu'il était préférable qu'ils soient affectés au parquet, service plus hiérarchisé dans lequel ils seraient moins susceptibles de commettre des erreurs. Il a estimé que la mission de juge d'instruction nécessitait une certaine maturité qu'il était impossible d'avoir en sortant de l'ENM et indiqué qu'il avait pu constater que les juges jeunes étaient beaucoup plus sévères.

En réponse à ces propos, le rapporteur pour avis a estimé que la solution consistait peut-être à affecter les jeunes magistrats dans des formations collégiales. Il a indiqué que les juges d'instruction s'occupaient désormais plus de forme que de fond, passant un temps considérable à vérifier le respect des différentes étapes de la procédure. Il a ajouté qu'ils avaient beaucoup moins de dossiers que par le passé, le parquet traitant différemment les affaires et le contentieux de la détention provisoire leur ayant été retiré.

M. Jérôme Lambert a estimé qu'il serait difficile à des magistrats ayant dix ans d'ancienneté d'accepter de devenir juges d'instruction et jugé qu'il serait nécessaire de revoir les profils de carrière.

M. Jean Tiberi a considéré qu'il suffirait d'ajuster les grades des différentes fonctions, tandis que le président Pascal Clément réaffirmait que la fonction de juge d'instruction demeurait essentielle.

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement à l'article 36 du projet de loi de finances, présenté par le président Pascal Clément, tendant à accroître les crédits afin d'attribuer aux magistrats de l'ordre judiciaire le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (nbi). L'auteur de l'amendement a précisé que seuls les membres des juridictions administratives bénéficiaient aujourd'hui de cet avantage salarial. Se déclarant conscient que son amendement risquait d'être jugé irrecevable au regard de l'article 40 de la Constitution, il a indiqué qu'il envisageait, à titre de solution de repli, de déposer en séance publique un amendement réduisant les crédits prévus dans le projet de loi de finances pour financer la NBI des magistrats des juridictions administratives afin d'appeler l'attention du Gouvernement sur l'injustice de la distorsion existant entre les membres des deux ordres de juridictions. La Commission a adopté cet amendement.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice pour 2003 consacrés à l'administration centrale et aux services judiciaires.

AMENDEMENT ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Article 36

État B - Titre III

Justice

Amendement présenté par M. Pascal Clément :

Augmenter les crédits de 3 millions d'euros.

DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR

_ École nationale de la magistrature (Bordeaux, 14 octobre 2002)

- Entretien avec M. Gilbert AZIBERT, directeur.

- Entretien avec Mme Marie-Laure Robineau, directrice de la formation continue et des relations internationales, M. Michel Allaix, directeur de la formation initiale, Mme Rosy Farges, secrétaire générale, M. Eric Veyssière, sous-directeur des études, MM. Eric Maillaud et Pierre Petriat, sous-directeurs de stage.

- Entretien avec Mmes Nicole COCHET et Sylvie HILAIRE, MM. Olivier MOULIN, Laurent GEBLER et Pierre LEMOUSSU, maîtres de conférence.

- Entretien avec les délégués de promotion et les délégués de groupe de la promotion 2002.

_ École nationale des greffes (Dijon, 15 octobre 2002)

- Entretien avec M. Jacques Fayen, directeur de l'école, et Mme Brigitte Maurin-Cazenove, chargée de mission en matière de coopération et de communication, puis visite de l'établissement.

- Entretien avec M. Robert Belletti, directeur de la formation initiale et de la recherche, M. Gérard Robin, directeur de la formation continue et informatique.

- Entretien avec M. Hervé Lenoble, secrétaire général, et Mme Annick Gay, secrétaire générale adjointe.

- Entretien avec Mme Anne Anthony-Gerroldt et M. Gilles Richard, représentants des maîtres de conférence.

ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES
REÇUES PAR LE RAPPORTEUR

_ Magistrats ⁽⁾ et fonctionnaires des services judiciaires

- Association des greffiers en chef des tribunaux d'instance et de police :

- Mme Véronique Rodero, présidente ;

- Mme Delphine Arnould, trésorière.

- Association professionnelle des magistrats :

- M. Dominique-Henri Matagrin, président.

- FO-FAGE :

- Mme Pascale Carré, secrétaire générale ;

- Mme Corinne Jahin, secrétaire générale adjointe.

- Interco-justice CFDT :

- Mme Marie-Thérèse Druelle, secrétaire fédérale ;

- M. Michel Besseau, représentant au CTP de la cour d'appel de Versailles.

- Syndicat CGT des chancelleries et des services judiciaires :

- Mme Martine Motard, secrétaire générale adjointe ;

- M. Michel Demoule, secrétaire général adjoint.

- Syndicat C-Justice :

- M. Jean-Philippe Guilloteau.

- Syndicat des greffiers de France :

- M. Philippe Neveu, secrétaire général ;

- MM. Marc Lautecaze et Joël Rech, secrétaires généraux adjoints.

- Syndicat de la juridiction administrative :

- M. Bernard Even, président ;

- Mme Anne Mielnik-Meddah, vice-présidente.

- Union syndicale autonome justice :

- M. Christophe Poisle, secrétaire général adjoint.

- Union syndicale des magistrats :

- M. Dominique Barella, secrétaire général.

- Union syndicale des magistrats administratifs :

- Mme Sabine Saint-Germain, présidente ;

- M. Paul-Louis Albertini, secrétaire général.

_ Avocats

- Conférence des bâtonniers :

- M. Alain Boulard, vice-président ;

- Mme Françoise Louis, chargée des relations avec le Parlement.

- Conseil national des barreaux :

- M. Jean-René Farthouat, président ;

- Mme Danielle Monteaux, chargée des relations institutionnelles.

- Ordre des avocats à la cour d'appel des Paris :

- M. Paul-Albert Iweins, bâtonnier ;

- Mme Frédérique PONS, membre du conseil de l'ordre ;

- Mme Danielle Monteaux, chargée des relations institutionnelles.

N° 0261 - 05 - Avis de M. Jean-Paul Garraud sur le projet de loi de finances pour 2003 - Justice : administration centrale et services judiciaires

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() À périmètre constant et en prenant en compte le « rebasage » opérée par la loi de finances rectificative du 6 août 2002.

() Cf. avis présenté au nom de la Commission des finances par M. Jacques Pélissard sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice (n° 158, 30 juillet 2002).

() Ce ratio prend en compte les greffiers en chef, les greffiers, les agents de catégorie C chargés de fonctions administratives, à l'exclusion des agents de catégorie C- technique.

() Il a ainsi été procédé à des relogements par acquisition d'immeubles ou mise à disposition de locaux par les collectivités locales et sur la renégociation des baux arrivant à échéance ainsi qu'au regroupement des services administratifs du Conseil d'État, jusqu'alors dispersés entre trois immeubles annexes ; le loyer de la cour administrative d'appel de Paris a diminué de 2.5 millions de francs en 1998 et le relogement de la cour administrative d'appel de Lyon dans le nouveau « Palais des juridictions administratives » a eu pour conséquence la disparition de ce loyer en 1999.

() C'est-à-dire que les faits n'étaient pas constitutifs d'une infraction pénale, que les charges étaient insuffisantes ou que des motifs juridiques faisaient obstacle à la poursuite.

() Les autres motifs de classement sont, par ordre décroissant : la régularisation d'office, le désistement du plaignant, la responsabilité de la victime, la carence du plaignant, la victime désintéressée d'office, la prise en compte de l'état mental déficient.

() 33 greffiers et 55 agents de catégorie C.

() Ce chapitre enregistre une progression de 8 % par rapport à 2002. Outre les moyens nouveaux, 11,5 millions d'euros sont destinés à couvrir des besoins liés à des réformes déjà engagées parmi lesquels : les locations immobilières pour la Cour de cassation et certains services du tribunal de grande instance de Paris (9,33 M€) ; l'impact du décret du 23 avril 2002 portant création de tribunaux pour enfants (1,5 M€) ; les frais de déplacement (1,5 M€). Parallèlement, la cessation de la concession de la diffusion des bases de données juridiques et l'ouverture du service public d'accès aux données publiques essentielles engendre une économie de 862 420 euros.

() Cette évolution tire les conséquences des réformes intervenues telles que : la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, le décret du 27 août 2001 relatif aux épreuves de dépistage systématique de stupéfiants sur les conducteurs impliqués dans des accidents mortels de la circulation, la loi du 15 juin 2000 et notamment l'organisation d'investigations sur les conséquences de l'infraction pour les victimes,...

() Loi organique n° 92-189 du 25 février 1992.

() Cette limite a été portée du vingtième au dixième des effectifs par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001.

() Initialement de cinq ans, cette durée a été doublée par la loi organique n° 98-105 du 24 février 1998, qui a également porté de trente à cinquante le nombre de ces conseillers susceptibles d'être recrutés.

() Décision n° 92-305 DC du 21 février 1992 sur la loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique.

() Le régime indemnitaire repose des auditeurs sur un régime particulier défini par le décret du 31 mai 1961 et une pratique qui résulte de l'interprétation d'une lettre de la direction du budget du 15 juin 1992.

() Le Syndicat de la magistrature a fait parvenir une contribution écrite au rapporteur.