N° 1113

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2004 (n° 1093),

TOME V

ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE

PAR M. JEAN-JACQUES GUILLET,

Député

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SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LA VOLONTÉ FRANÇAISE NE S'EST PAS DÉMENTIE AU COURS
      DE L'ANNÉE 2003
7

II - LA PERTINENCE DE CETTE POLITIQUE SE HEURTE CEPENDANT
      À DE RÉELS OBSTACLES
14

III - LES MOYENS QUE SE DONNE LA FRANCE 19

IV - L'ACTION INTERNATIONALE DU MINISTERE DE L'ÉCOLOGIE
       ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
23

V - LES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE L'ÉCOLOGIE
      ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
27

CONCLUSION 32

EXAMEN EN COMMISSION 34

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 35

Mesdames, Messieurs,

Depuis le Sommet de la terre à Rio en 1992, la France a montré sa volonté de faire du développement durable l'une des priorités de sa politique internationale. Le Président de la République a, pour sa part, donné une forte impulsion à cette politique depuis le début de son quinquennat. Le discours prononcé par le chef de l'Etat lors du Sommet de Johannesburg a ainsi marqué les esprits par son volontarisme en faveur d'un développement plus équilibré et plus harmonieux de la planète. Plus récemment, la Présidence française du G 8 a été l'occasion de s'assurer de la traduction concrète des engagements pris à Johannesburg en faveur du développement durable en organisant une réunion des 8 ministres de l'environnement et en consacrant une part importante du sommet des chefs d'Etat à cette question.

Il y a quelques jours enfin, le Président de la République a réaffirmé devant l'UNESCO son souhait de voir le problème de la diversité culturelle traité au sein de cette organisation et l'adoption par celle-ci d'un code normatif universel concernant la bioéthique.

Cette priorité accordée au développement durable par les autorités françaises rejoint très largement leur souci, manifesté à plusieurs reprises sur la scène internationale, de réguler la mondialisation des échanges économiques et financiers. Cette « vision » française d'une mondialisation régulée et d'une croissance économique conciliée avec le souci du développement humain et de la préservation de la planète est partagée en grande partie par nos partenaires de l'Union européenne. Elle est à bien des égards indissociable de l'approche multilatérale, puisqu'elle implique une intervention de l'ONU et de ses différentes organisations, au premier rang desquels le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), qui assure d'ores et déjà le secrétariat de plusieurs conventions protégeant l'environnement.

Mais la volonté de promouvoir le développement durable à l'échelle de la planète se heurte à d'importants obstacles. Non seulement les pays en voie de développement y voient un frein à leur croissance, mais les Etats-Unis s'y opposent par principe, surtout depuis l'arrivée de l'actuelle administration présidentielle. Dans ce contexte international difficile, il importe de voir quels moyens se donne notre pays pour défendre la protection de l'environnement à l'échelle internationale, alors même que des questions comme le réchauffement climatique ou le principe de précaution, longtemps jugées affaires de spécialistes, sont aujourd'hui au c_ur des préoccupations de nos concitoyens.

I - LA VOLONTÉ FRANÇAISE NE S'EST PAS DÉMENTIE
AU COURS DE L'ANNÉE 2003

A - Les priorités d'action à l'échelle internationale

Lors du Sommet du développement durable à Johannesburg, le Président de la République a pris position en faveur de la création d'une organisation mondiale de l'environnement (OME), qui serait pour les accords multilatéraux environnementaux le pendant de l'OMC pour les accords commerciaux.

Un tel projet est ambitieux et il se heurte à d'importantes oppositions, tant du côté des pays en voie de développement, hostiles à tout renchérissement des coûts de production engendrés par les normes environnementales, que des Etats-Unis, qui défendent le postulat selon lequel le progrès technologique permettrait de remédier, à terme, aux conséquences négatives de la croissance actuelle. Pourtant, une telle organisation aurait deux mérites : elle permettrait tout d'abord d'étendre à tous les pays l'application des accords multilatéraux environnementaux, alors même qu'actuellement les pollueurs les plus importants en sont le plus souvent exclus ; elle donnerait ensuite au droit international environnemental une portée contraignante et lui donnerait une valeur égale au droit international commercial dont la méconnaissance est actuellement sanctionnée par la juridiction rattachée à l'OMC.

Il est en effet indispensable d'améliorer rapidement l'articulation entre le droit international environnemental et le droit international commercial mis en _uvre dans le cadre de l'OMC, faute de quoi le principe de précaution et le principe du pollueur-payeur risquent fort de ne trouver aucune traduction concrète à l'échelle internationale. A titre d'exemple, en l'état actuel du droit, un Etat qui restreindrait le commerce de certaines substances ou rendrait obligatoire l'étiquetage de certaines mentions conformément aux stipulations du protocole de Carthagène, pourrait se voir condamné par l'organe de règlement des différends de l'OMC à la demande d'un Etat tiers non signataire du protocole alors même que les dispositions de celui-ci ne sont explicitement pas subordonnées aux règles de l'OMC. Il importe donc d'avancer rapidement sur cette question et il s'agit d'une des priorités d'action des autorités françaises.

Cependant, face aux difficultés de créer rapidement une telle organisation, notre pays a opté pour une approche plus pragmatique, qu'il vient de soumettre à l'Assemblée générale des Nations unies : il s'agirait de renforcer l'actuel Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), dont le siège est à Nairobi, pour en faire une agence spécialisée de l'ONU, sur le modèle de l'OMS. Le PNUE deviendrait ainsi l'ONUE (Organisation des Nations unies pour l'environnement) et il exercerait le secrétariat de l'ensemble des conventions environnementales, ce qu'il fait déjà en grande partie. Il s'agirait donc d'un premier pas vers une organisation multilatérale plus intégrée et disposant de plus amples pouvoirs sur les Etats ne respectant pas leurs engagements en matière de développement durable.

La France a par ailleurs ratifié dans la période récente plusieurs conventions internationales importantes pour la protection de l'environnement.

Elle a ainsi ratifié le protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique le 12 septembre dernier. Ce protocole, qui se place dans le prolongement de la convention sur la diversité biologique de 1992, consacre le principe de précaution dans le droit international et autorise les pays signataires à restreindre ou à réglementer le commerce transfrontières des organismes vivants modifiés, dans lesquels se rangent les OGM.

Elle a également ratifié les amendements au protocole de Montréal relatifs à des substances appauvrissant la couche d'ozone le 30 septembre dernier. Ces amendements renforcent le champ d'application du protocole de Montréal qui vise à réduire progressivement la consommation, la production et les exportations de substances appauvrissant la couche d'ozone. Outre l'application du dispositif à de nouvelles substances, ces amendements prévoient la possibilité de sanctions à l'encontre des pays signataires ne respectant pas leurs obligations internationales en matière de protection de la couche d'ozone.

L'Assemblée nationale vient par ailleurs d'autoriser la ratification de plusieurs conventions internationales environnementales au cours de sa séance publique du 9 octobre dernier :

-  la convention de Rotterdam du 10 septembre 1998, qui vise à réglementer le commerce international de certains produits chimiques et pesticides dangereux en instaurant des mécanismes d'information entre les Etats signataires et en favorisant une harmonisation des mesures nationales en vigueur ;

-  la convention de Stockholm du 22 mai 2001, qui vise à réglementer la production et l'utilisation des polluants organiques persistants en inventoriant la liste de ces substances en fonction de leur dangerosité ;

-  le protocole à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion des déchets, qui se fonde sur le principe de précaution et le principe du pollueur-payeur pour inciter les Etats parties à lutter contre les immersions et les incinérations de déchets dangereux en mer en instituant une procédure de contrôle par les pairs et en encourageant la coopération entre les Etats parties.

Outre ces accords multilatéraux environnementaux, le Parlement a adopté la loi du 15 avril 2003 relative à la protection de l'environnement en Antarctique, afin de conforter les engagements internationaux de notre pays en la matière. En rendant obligatoire la réalisation d'études d'impact avant toute autorisation administrative ou toute déclaration préalable en cas d'intervention humaine dans la zone et en prévoyant des sanctions administratives et pénales en cas de violation des dispositions de protection de l'environnement antarctique, notre pays s'est doté d'une législation donnant toute leur portée aux principes du Protocole de Madrid signé le 4 octobre 1991 et entré en vigueur le 14 janvier 1998, qui vient compléter dans le domaine écologique le Traité de Washington de 1959.

Cette volonté des autorités françaises s'est également traduite par une importante mobilisation sur le plan de la politique intérieure en faveur du développement durable

B - Les traductions en politique intérieure

Si notre pays entend désormais jouer un rôle moteur sur la scène internationale en matière de développement durable, force est de constater qu'il doit rattraper au plan national un important retard en la matière. Ce retard handicapait et démentait de plus en plus la sincérité de notre engagement et il est donc urgent de le combler dans les meilleurs délais.

Aussi des outils nouveaux ont-ils été mis en _uvre, au premier rang desquels se range la stratégie nationale du développement durable, élaborée par le comité interministériel pour le développement durable et adoptée par le Conseil des ministres du 3 juin 2003. Cette stratégie décline les priorités d'action de la politique gouvernementale, afin de permettre d'atteindre, à l'échelle nationale, les objectifs fixés lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992 et lors du Sommet de Johannesburg en 2002.

Cette stratégie est conçue autour de six axes :

1) La participation de tous les acteurs, individuels et collectifs (débat public, information, sensibilisation, éducation) ;

2) La mise en place d'une politique territoriale intégrant les enjeux du développement durable (aménagement du territoire, implication des collectivités locales par les agendas 21 locaux) ;

3) L'incitation des acteurs économiques (entreprises et consommateurs) à s'engager dans des démarches de développement durable (certification des entreprises, signalisation des produits, développement des incitations à l'innovation, modification de la réglementation) et le renforcement de la prise en compte du développement durable dans les secteurs de l'énergie, des transports et de l'agriculture (politique contre le changement climatique, meilleure gestion des infrastructures, contrats d'agriculture durable) ;

4) La prévention des risques, des pollutions et des autres atteintes à la santé et à l'environnement (anticipation des risques, amélioration de l'information de la population, renforcement des moyens de contrôle) ;

5) La mobilisation de l'Etat (intégration du développement durable dans les politiques publiques, mobilisation de la recherche, exemplarité de l'administration) ;

6) L'action internationale (renforcement de la lutte contre la pauvreté dans le monde, maîtrise de la mondialisation, action européenne).

L'élaboration de cette stratégie a largement mobilisé les acteurs de la société civile dont les contributions ont été débattues au sein du Conseil national du développement durable (CNDD), qui ne constitue pas à proprement parler une nouvelle instance, mais un prolongement du Comité français pour le sommet mondial du développement durable. Ce dernier ayant démontré toute son utilité pour informer et s'informer auprès des ONG et des mouvements associatifs impliqués dans la préparation du sommet, il était en effet essentiel de maintenir l'existence d'un lieu de concertation dans un secteur qui implique la mobilisation de tous les acteurs.

La composition et les missions du CNDD ont été définies par décret du 14 janvier 2003 et ses 90 membres ont été nommés le 17 mai dernier. On y retrouve des représentants des collectivités territoriales, des représentants des entreprises, du monde économique et de leurs organisations professionnelles et syndicales, des représentants des associations et des organisations non gouvernementales ayant une activité dans le domaine du développement durable, et des organisations de consommateurs agréées. Il constitue un instrument indispensable pour assurer le dialogue avec la société civile et pour s'assurer de la bonne mise en _uvre de la stratégie nationale.

La récente création de l'Institut du Développement durable et des Relations internationales (IDDRI) permet pour sa part de combler une lacune en matière d'expertise dans le domaine du développement durable. En mettant en relations des chercheurs de différentes disciplines et des décideurs publics, l'IDDRI permet de mobiliser les connaissances dans des domaines très variés où la capacité d'expertise est indispensable pour permettre la prise de décision et pour apporter des réponses adaptées à des situations caractérisées par leur complexité.

L'Etat lui-même intègre de plus en plus les contraintes du développement durable, tant par les politiques mises en _uvre que par son organisation.

L'agenda des prochains mois souligne ainsi la forte implication des pouvoirs publics dans les questions de développement durable. Ainsi, pour répondre au réchauffement climatique et à ses effets désastreux dont on a pu mesurer les conséquences lors de la canicule de cet été, le Gouvernement élabore actuellement un plan climat qui devrait être rendu public d'ici décembre 2003. Il a par ailleurs adopté en Conseil des Ministres la charte de l'environnement qui devrait prochainement être soumise au Parlement avant de s'intégrer dans notre bloc de constitutionnalité.

Ce texte devrait consacrer au sommet de notre hiérarchie des normes le principe de précaution, qui jouerait en cas de menace de dommage grave et irréversible à l'environnement ou en cas d'incertitude au regard des connaissances scientifiques. Enfin, plutôt que de consacrer le principe de pollueur-payeur, qui laisse entendre l'existence d'un droit à polluer, le texte de la charte retient le principe de prévention et le principe de réparation, qui permettent d'instituer une véritable responsabilité environnementale. Notre pays sera ainsi doté d'un arsenal juridique environnemental qu'il reviendra au législateur et aux juridictions de mettre en _uvre et de faire respecter.

Enfin, l'Etat modifie ses modes de fonctionnement, afin de faire du développement durable une véritable priorité et de sortir de la logique incantatoire qui a trop longtemps prévalu. La mise en place d'un comité interministériel du développement durable, présidé par le Premier ministre, a ainsi permis de décloisonner les actions entreprises dans les différents départements ministériels. Il joue également un rôle d'impulsion et de coordination au plus haut niveau de l'Etat, alors même que les actions en matière de développement durable nécessitent la mobilisation de l'ensemble des ministères et ne sauraient reposer sur le seul ministère de l'écologie et du développement durable.

La récente mise en place d'un réseau des hauts fonctionnaires du développement durable dans chaque ministère, doit également permettre de favoriser les actions transversales et les échanges d'information entre administrations. Il constitue un outil utile pour permettre la mise en _uvre de la stratégie nationale du développement durable et pour assurer l'exemplarité des services de l'Etat en matière de gestion des ressources naturelles et de préservation de l'environnement.

II - LA PERTINENCE DE CETTE POLITIQUE SE HEURTE CEPENDANT À DE RÉELS OBSTACLES

A l'évidence, les menaces pesant sur l'équilibre de la planète apparaissent de plus en plus nettement et le Sommet de Johannesburg a permis d'en faire une recension exhaustive : problème du sous-développement accru par les pandémies comme le SIDA, conséquences négatives de l'urbanisation en termes de pollution, pénurie croissante d'eau et insuffisances de l'assainissement, réchauffement climatique lié à l'émission de gaz à effet de serre... Pourtant, il apparaît fort difficile de mettre en _uvre des stratégies cohérentes à l'échelle planétaire pour résoudre ces problèmes en raison des divergences entre Etats et de la difficulté de remettre en cause certaines habitudes acquises.

Les conséquences de notre mode de développement actuel devraient se faire sentir à relativement brève échéance. Les responsables de la Mission interministérielle de l'effet de serre (MIES) auditionnés par votre Rapporteur ont ainsi déclaré que les experts s'accordaient sur le point suivant : d'ici quinze à vingt ans, le réchauffement de la terre et le renchérissement du pétrole consécutif à l'appauvrissement des ressources et à la nécessité de renouveler les infrastructures d'exploitation devraient avoir un impact considérable sur le prix de l'énergie et sur la croissance économique. Pourtant, alors que les transports représentent 95 % des émissions des gaz à effet de serre dans le monde, aucune mesure d'anticipation n'est actuellement prise à l'échelle planétaire, les pays en voie de développement venant même aggraver une situation déjà critique en optant pour un mode de croissance consommateur d'énergie fossile.

Malgré la tentative de restreindre l'émission des gaz à effet de serre par le biais du mécanisme de permis prévu par le protocole de Kyoto, l'absence de consensus sur cette question et l'opposition des Etats Unis à toute remise en cause de leur mode de vie et de leur mode de production ne permettent pas de mettre en _uvre une politique permettant d'inverser la tendance du réchauffement climatique. De son côté, la Russie hésite, malgré la promesse faite à Johannesburg, à ratifier le protocole alors que cette ratification entraînerait sa mise en application. Certains de ses experts estiment que le réchauffement climatique lui serait bénéfique. La non ratification par les Etats-Unis rend d'autre part son adhésion moins attrayante. En revanche, il convient de souligner que les experts américains s'opposent à la position de l'administration Bush.

En outre, les impératifs de développement et de lutte contre la pauvreté, reconnus aux Nations unies dans le cadre des objectifs du millénaire, peinent à sortir de la logique incantatoire. A titre d'exemple la question de l'accès à l'eau qui devait faire l'objet d'avancées significatives lors du Sommet de Kyoto qui s'est tenu cette année n'a pas permis de progresser sur cette question. Enfin, s'agissant de la lutte contre les pandémies, l'accord sur les dérogations aux règles de l'OMC en matière de protection de la propriété intellectuelle adopté avant la tenue du Sommet de Cancun est loin de faire l'unanimité : les uns saluent une avancée notable en faveur des pays en voie de développement, les autres soulignent la complexité du dispositif adopté et doutent qu'il permette à ces pays de fabriquer ou d'importer les molécules génériques dont ils ont besoin.

Si le constat de la nécessité d'une action internationale vigoureuse en faveur du développement durable s'impose, il est pourtant loin d'être partagé par tous les pays, au premier rang desquels se range la première puissance économique mondiale. En effet, les Etats-Unis, sous l'impulsion de l'actuelle administration présidentielle, privilégient une approche unilatérale contraire à la volonté exprimée par notre pays et par l'Union européenne de réguler la mondialisation économique et financière dans le cadre des organisations internationales existantes. Le récent échec du Sommet de l'OMC à Cancun renforce d'ailleurs le risque d'un repli sur eux des différents Etats en même temps qu'il apporte de l'eau au moulin des tenants de l'unilatéralisme.

Quant aux pays en voie de développement, ils sont le plus souvent réticents vis-à-vis des accords multilatéraux environnementaux, au motif qu'ils restreindraient leurs possibilités de croissance. L'argument qu'ils avancent est le suivant : les pays développés ont pu effectuer leur révolution industrielle sans aucune contrainte en matière de protection de l'environnement et en l'absence de règles contraignantes en matière sociale, il serait donc injuste de vouloir leur imposer des normes environnementales et sociales au nom du développement durable, qui ne seraient en fait que des mesures protectionnistes. Pour cette raison, bon nombre de pays en voie de développement, y compris les pays émergents comme la Chine ou l'Inde, ont obtenu que le protocole de Kyoto sur l'émission des gaz à effet de serre n'ait pas pour eux de portée contraignante, mais seulement indicative.

De même, le protocole de Carthagène permettant l'information des consommateurs sur le commerce transfrontière des OGM suscite l'opposition des Etats-Unis, mais aussi les réticences de pays émergents comme la Chine ou le Brésil, qui souhaitent pouvoir développer les cultures transgéniques sans se voir opposer un quelconque principe de précaution par les pays importateurs. Ce principe est ainsi perçu comme une justification du protectionnisme, qui à vrai dire risque fort d'être condamnée par l'organe de règlement des différends de l'OMC qui ne reconnaît aucune valeur aux accords multilatéraux environnementaux dont fait partie le protocole de Carthagène.

Une autre illustration de ce phénomène est celle de la diversité culturelle. La France s'est opposée à ce qu'elle soit traitée dans un groupe de travail de l'OMC et estime que les négociations doivent se faire dans le cadre de l'UNESCO où, là encore, elle rencontre la forte opposition des Etats-Unis, qui viennent d'effectuer leur retour dans cette organisation.

Il importe donc de conduire une politique globale en faveur du développement durable. Une telle politique ne peut à l'évidence qu'être conduite dans un cadre multilatéral, notamment dans le cadre de l'ONU et de ses organisations spécialisées. C'est en effet le seul moyen de définir un intérêt général à l'échelle planétaire, par exemple en établissant la liste des biens publics mondiaux (l'eau, la santé, la culture, l'environnement, l'éducation...) qui échapperaient pour partie aux seules règles de la concurrence pure et parfaite et de la prise en charge par le marché. C'est également le seul moyen de mettre en place une hiérarchie des normes à l'échelle internationale et d'éviter que le droit international commercial ne prime systématiquement sur les autres branches du droit international, en l'absence d'autre organe juridictionnel que celui existant au sein de l'OMC. Enfin, il s'agit du cadre le plus adéquat pour que l'aide au développement tienne compte des objectifs de développement durable et pour qu'elle soit prioritairement orientée vers des projets inscrits dans ce cadre.

Par ailleurs, le récent échec de l'OMC à Cancun souligne la nécessité de rénover le cadre multilatéral pour mieux réguler la mondialisation économique et financière. Sur ce point, la proposition du Président de la Commission des Affaires étrangères, M. Edouard Balladur, d'élargir la composition du conseil de sécurité des Nations Unies et de lui donner de nouvelles attributions, afin de trancher les conflits de principes entre les différentes organisations internationales est particulièrement judicieuse. Elle permettrait ainsi de garantir la complémentarité entre les différentes branches du droit international et de rompre avec la situation actuelle caractérisée par la primauté du seul droit commercial et par l'impossibilité de trancher les conflits de normes avec les conventions en vigueur dans le domaine environnemental, social, de la santé publique mondiale ou dans le domaine culturel.

En tout état de cause, la montée des oppositions et des obstacles à la mise en _uvre d'une politique de développement durable à l'échelle de la planète, implique que notre pays soit de plus en plus exemplaire en la matière. Il s'agit en effet d'une question de crédibilité pour la France, dont le volontarisme est reconnu, mais dont le manque de constance est souvent brocardé.

III - LES MOYENS QUE SE DONNE LA FRANCE

A - L'adossement à l'Union européenne

Que ce soit à l'OMC ou lors des sommets internationaux comme le Sommet de Johannesburg, le fait que l'Union européenne puisse défendre des positions communes constitue indéniablement un avantage face aux Etats Unis et aux pays en voie de développement, eux-mêmes constitués en ensembles plus ou moins homogènes. Compte tenu des contraintes inhérentes à la prise de décision dans les institutions communautaires, il importe toutefois que notre pays soit en mesure de se concerter avec les autres Etats membres en amont des échéances internationales et qu'il dispose à cette fin des capacités d'expertise et des moyens humains nécessaires à la défense de ses positions.

Il est clair que l'élargissement va contribuer à compliquer la donne et rendre plus difficile l'élaboration de positions communes en matière de développement durable, comme dans les autres domaines. L'attitude des pays d'Europe centrale et orientale, proches des Etats-Unis dans la définition de leur politique extérieure, renforce les risques de division de l'Union européenne sur la scène internationale. Il importe donc d'intégrer cette dimension pour les futures échéances internationales en matière de développement durable, afin que les positions de notre pays en la matière ne deviennent pas minoritaires au sein de l'Europe élargie. Cela suppose bien entendu que nos capacités d'expertise soient renforcées et que notre présence dans les réunions de travail et dans les organismes de l'Union concernés par les questions de développement durable soit plus constante.

B - La participation aux organismes internationaux

Alors que notre pays a fait montre de son volontarisme en matière de développement durable sur la scène internationale, force est de constater que notre contribution aux organismes internationaux intervenant en faveur du développement durable est souvent insuffisante à l'exception du Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM), géré par la Banque Mondiale.

Lors des auditions préparatoires à l'examen des crédits du ministère de l'écologie et du développement durable, il a ainsi été indiqué à votre Rapporteur que la France n'honorait pas ses promesses de contribution au Secrétariat de la convention des Nations unies sur le changement climatique, car les sommes correspondantes sont imputées sur le budget de plusieurs ministères qui ne débloquent pas les fonds. Quant au Programme des Nations unies pour l'environnement, dont la France vient de proposer de renforcer les prérogatives en en faisant une agence spécialisée des Nations unies, notre pays figure au rang de 4ème contributeur obligatoire, mais seulement au 12ème rang des contributeurs volontaires, ce qui constitue un décalage particulièrement dommageable pour notre crédibilité. Le montant de cette contribution volontaire est de 3,2 millions d'euros, répartis entre le Ministère des affaires étrangères et le Ministère de l'écologie et du développement durable. Ce dernier ne pourra acquitter les 500 000 euros qui lui restent à payer pour honorer le montant promis par les autorités françaises au titre de leur contribution volontaire au PNUE.

En matière de financement de la recherche dans le domaine du réchauffement climatique, notre implication est également insuffisante. L'organisme d'expertise internationale compétent, le GIEC, ne reçoit que 310 000 francs suisses de notre part, soit un financement équivalent à celui de l'Espagne, alors que l'Allemagne y consacre 1 million de francs suisses, les Etats Unis 4,3 millions et le Japon, 6,6 millions. Lors du Sommet de Delhi, la France n'a par ailleurs pas été en mesure de débloquer la somme modeste de 50 000 euros pour financer un programme relatif aux échanges de quotas au niveau international, ce qui est regrettable eu égard aux développements attendus en la matière et à leurs retombées économiques potentielles.

De même, la France n'a pas, à ce jour, contribué au fonds spécial pour le changement climatique, fonds complémentaire du FEM créé dans le cadre de la convention climat. Plus généralement, les moyens humains consacrés aux aspects internationaux de la protection de l'environnement demeurent trop faibles. Le ministère de l'écologie et du développement durable est ainsi trop faiblement présent à l'international. Quant à la mission de l'effet de serre, elle ne dispose que de 9,5 personnes, alors qu'un arbitrage interministériel avait prévu qu'elle serait dotée de 14 personnes. Pour cette raison, de nombreuses propositions lancées par les autorités françaises ne sont pas suivies d'effets, faute de moyens humains et d'une présence française dans la totalité des réunions de travail consacrées à la lutte contre l'effet de serre, que ce soit au niveau communautaire ou dans le cadre de la convention des Nations unies ou du protocole de Kyoto.

C - Une coordination encore insuffisante

Les questions de développement durable impliquent plusieurs départements ministériels, ce qui suppose une coordination efficace surtout pour préparer les négociations communautaires ou internationales. Certains outils comme la mission de l'effet de serre ont d'ores et déjà été mis en place à cette fin : il convient désormais de les conforter dans leur action en leur donnant véritablement les moyens de fonctionner. La désignation conjointe d'un nouvel Ambassadeur de l'environnement par le Ministre des Affaires étrangères et le Ministre de l'écologie et du développement durable constitue également un facteur de meilleure coordination entre ces deux départements ministériels en amont des négociations internationales.

Ces deux exemples doivent inciter les autorités à poursuivre le renforcement de la coordination entre les ministères. Ainsi, la politique d'aide au développement reste encore à l'heure actuelle trop faiblement orientée sur le développement durable. Il importe donc que les acteurs du développement (la DGCID, l'Agence française du développement, les organismes financiers ou de garantie...) se concertent avec le ministère chargé de l'environnement pour élaborer des indicateurs de développement durable et unifier leur doctrine en matière d'attribution de l'aide publique. A terme, il serait souhaitable que le développement durable soit une priorité de chacun des ministères, ce qui permettrait de pallier les insuffisances de coordination qui existent aujourd'hui encore au sein des administrations, peu habituées à traiter de questions transversales ou qui dépassent leur seule compétence.

Enfin, il est indispensable d'accentuer notre effort de recherche. Le Président de la République vient d'exprimer, une fois de plus avec force, la volonté de la France de voir mis au point, dans le cadre de l'UNESCO, un « code normatif universel » de bioéthique. Or, dans le domaine des OGM, nous devons pouvoir disposer d'une information exacte afin de faire des propositions pertinentes sinon d'autres le feront à notre place. En étouffant la recherche comme c'est le cas actuellement, on s'interdit de prouver quoi que ce soit, à commencer par une éventuelle nocivité. De plus on laisse le champ libre aux deux ou trois grands groupes américains. Il est temps de répondre à l'appel au secours de nos chercheurs, aujourd'hui sollicités de façon pressante par les Américains, et de sortir de l'irrationnel à un moment où le Brésil, sous l'impulsion du Président Lula da Silva, prend la décision d'autoriser la culture du soja transgénique.

IV - L'ACTION INTERNATIONALE DU MINISTÈRE DE L'ÉCOLOGIE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

L'action internationale du ministère de l'écologie et du développement durable a fait l'objet d'une communication en conseil des ministres le 16 juillet dernier qui s'articule autour de trois principaux enjeux :

- participer activement à la construction du droit et à l'élaboration de normes au plan mondial ;

- mieux peser sur les débats européens dont découle près de 70 % de notre droit national en matière d'environnement ;

- porter un message environnemental fort dans le cadre de notre action en matière de développement.

Force est de constater que les moyens consacrés par le seul ministère de l'écologie à l'action internationale sont faibles. Il convient sans aucun doute de les renforcer à l'avenir, même s'il faut également prendre en compte l'action des autres ministères en la matière (ministère des affaires étrangères, ministère de l'agriculture, ministère des finances...).

D'après les informations communiquées par le ministère le nombre d'agents consacrés à l'action internationale du ministère est de 25, dont 20 de catégorie A. Les crédits employés pour soutenir l'action internationale du ministère sont pour l'essentiel des crédits inscrits en titre III pour l'organisation d'événements (séminaires, journées techniques) et de prestations diverses (réalisations de fiches, impressions de documents de promotion des positions françaises...). On trouve également des crédits inscrits en titre IV versés à des ONG ou aux organisations internationales suivantes : PNUE, CEE-NU, OCDE.

Le tableau suivant présente la part des crédits du ministère chargé de l'environnement consacrés à l'action internationale par rapport à ses crédits en dépenses ordinaires et en crédits de paiement votés en loi de finances initiale depuis 1997.

Année

Crédits d'action internationale

LFI

(PLF pour 2004)

%

 

Titre III

Titre IV

Total

2004

320 000 €

2 650 000 €

2 970 000 €

856 139 958 €

0,35

2003

620 000 €

2 250 000 €

2 870 000 €

768 306 109 €

0,37

2002

540 000 €

3 341600 €

3 881 600 €

769 424 821 €

0,50

2001

653 600 €

813 200 €

1 466 800 €

757 492 920 €

0,19

2000

375 200 €

733 700 €

1 108 900 €

656 062 650 €

0,17

1999

388 000 €

1 388 800 €

1 776 800 €

603 206 577 €

0,29

1998

215 600 €

974 700 €

1 190 300 €

289 573 249 €

0,41

1997

138 700 €

127 800 €

266 500 €

284 879 427 €

0,09

Le ministère de l'écologie et du développement durable a mis en _uvre une importante politique de jumelage en faveur des pays d'Europe centrale et orientale, afin de faciliter la reprise de l'acquis communautaire en matière de protection de l'environnement par ces pays. Cette mission essentielle dispose toutefois de faibles moyens, puisque les sommes consacrées à ces jumelages sont de l'ordre de 700 à 800 000 euros sur 4 ans. De telles sommes ne permettent pas de faire face aux besoins nouveaux de coopération des pays émergents comme l'Inde ou le Brésil. Certaines contraintes statutaires peuvent en outre gêner la conduite d'actions de coopération : les personnels des agences de l'eau ne peuvent ainsi accomplir de missions à l'étranger, alors même qu'il existe une forte demande en la matière et que ces missions sont susceptibles d'avoir des retombées économiques positives pour notre pays.

Ce ministère dispose en outre de l'Ambassadeur de l'environnement qui peut très utilement mobiliser les compétences du Ministère des affaires étrangères et du réseau diplomatique pour faciliter ses actions internationales. Il dispose, enfin, avec l'ADEME, dotée d'un statut d'établissement public, d'un outil important pour la protection de l'environnement pouvant intervenir dans le cadre d'actions ponctuelles de coopération. Enfin, il peut s'appuyer sur la MIES pour l'ensemble des questions liées au réchauffement climatique et à la lutte contre l'effet de serre. Celle-ci voit d'ailleurs pour la première année son budget rattaché aux crédits du ministère de l'écologie et du développement durable, car elle était au préalable rattachée aux services du Premier ministre. Malgré ses renforts utiles, le constat est avant tout celui d'une faiblesse des moyens du ministère en matière internationale, alors même que le développement durable est devenu l'un des enjeux majeurs des relations internationales.

Le tableau suivant permet cependant de relativiser ce constat, puisqu'il montre à quel point les crédits affectés au développement durable sont de nature interministérielle. Les crédits du ministère de l'écologie ne représentent ainsi pour 2004 qu'environ 26 % de la totalité des crédits consacrés à ces questions. Les futurs programmes prévus par la loi organique relative aux lois de finances devront en tout état de cause simplifier la lisibilité des moyens mis en _uvre par l'Etat dans ce domaine.

 

En millions d'Euros

En % du budget des ministères

En % des dépenses globales consacrées à l'environnement

Budgets des ministères

2003

2004

2003

2004

2003

2004

Affaires étrangères

37,54

38,11

0,91

0,90

1,14

1,15

Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales

588,69

648,19

11,36

13,03

18,00

19,59

Culture et communication

8,42

8,61

0,34

0,33

0,25

0,26

Ecologie et développement durable

768,31

856,14

100,00

100,00

23,50

25,88

Economie, finances et industrie

131,02

135,33

0,88

0,90

4,00

4,09

Equipement, transports, logement, tourisme, mer

738,93

721,08

3,32

3,16

22,60

21,79

Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales

54,32

57,77

16,81

17,13

1,66

1,75

Jeunesse (hors éducation nationale et recherche)

1,54

1,54

1,08

1,08

0,04

0,05

Recherche et nouvelles technologies

455,83

442,68

7,44

7,09

13,94

13,38

Justice

-

-

-

-

-

-

Outre-mer

3,12

3,33

0,29

0,30

0,09

0,10

Services du Premier Ministre

2,12

-

0,19

-

0,06

-

Sports

3,97

3,49

0,98

0,88

0,12

0,11

Travail, santé et solidarité

296,27

218,39

0,95

0,50

9,06

6,60

Défense

178,64

173,86

0,45

0,42

5,46

5,25

Total ministères

3268,72

3308,52

2,56

2,32

   

V - LES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE L'ÉCOLOGIE
ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

L'examen du projet de budget global de l'écologie et du développement durable pour 2004 se révèle complexe pour deux raisons :

1) Il est procédé à la budgétisation des crédits affectés, jusqu'en 2003, au Fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE), qui était présenté de manière distincte, sous forme d'un compte d'affectation spéciale. Ce fonds, alimenté par un « prélèvement de solidarité pour l'eau » opéré sur le budget des agences de l'eau, avait vocation à financer les actions de solidarité inter-bassins. Dans le projet de loi de finances pour 2004, il est supprimé et le prélèvement opéré sur les agences de l'eau, d'un montant de 83 millions d'euros (comme en 2003), est directement affecté au budget général, afin de financer des opérations dans le domaine de l'eau.

Si ce prélèvement garde finalement le même objet que lors des années précédentes, son affectation au budget général conduit à étendre le périmètre du budget du ministère de l'écologie et du développement durable, qui en bénéficie. Afin de comparer ce projet de budget avec le budget précédent, il est donc nécessaire de procéder à périmètre budgétaire constant en retranchant des dépenses ordinaires et des crédits de paiement, les montants issus de l'ex-FNSE ;

2) Une expérimentation de la mise en _uvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) a conduit à individualiser, au sein de l'agrégat 31 relatif au soutien aux politiques environnementales, les dotations affectées à la DIREN de Midi-Pyrénées. Ces dotations, qui se rapportent à plusieurs domaines (eau, protection de la nature...), ne sont donc pas intégrées dans les agrégats thématiques correspondants.

Ces précisions sur le périmètre du budget étant données, le montant du budget global de l'écologie et du développement durable prévu pour 2004 est le suivant :

Les actions prioritaires pour le prochain exercice sont les suivantes :

- la sécurité (lutte contre les inondations, prévention des risques technologiques) ;

- le patrimoine naturel (poursuite de la constitution du réseau Natura 2000 notamment) ;

- la lutte contre le bruit ;

- le développement durable (agendas 21 locaux, soutien des crédits de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale).

(en millions d'euros)

 

Autorisations de programme LFI 2003

Autorisations de programme PLF 2004

Evolution

en %

Crédits de paiement LFI 2003

Crédits de paiement PLF 2004

Evolution

en %

Titre III

-

-

-

255,24

288,48

+ 12,58

Titre IV

-

-

-

362,36

373,64

+ 3,11

Total dépenses ordinaires

-

-

-

617,60

662,12

+ 7,21

Titre V

45,79

45,8

+ 0,02

28,71

31,25

+  8,83

Titre VI

327,03

298,32

- 8,78

121,99

162,76

+ 33,42

Total dépenses en capital

372,82

344,12

- 7,70

150,71

194,01

+ 28,73

Total général

372,82

344,12

- 7,70

768,31

856,14

+ 11,43

(en millions d'euros)

 

Crédits de paiement LFI 2003

Crédits de paiement PLF 2004

Evolution en %

Titre III

255,24

258,16

+ 1,14

Titre IV

362,36

351,46

- 3,01

Total dépenses ordinaires

617,60

609,62

- 1,29

Titre V

28,71

28,95

+ 0,84

Titre VI

121,99

134,56

+ 10,30

Total dépenses en capital

150,71

163,51

+ 8,49

Total général

768,31

773,13

+ 0,63

CONCLUSION

L'examen de la part des crédits du ministère de l'écologie et du développement durable consacrés aux actions internationales frappe par la disproportion existant entre la volonté exprimée par les autorités françaises d'agir en faveur du développement durable sur la scène internationale et la faiblesse des moyens effectivement mis en _uvre. Il est vrai que cette action est largement interministérielle et la mise en place du comité interministériel pour le développement durable, ainsi que la nomination d'un nouvel ambassadeur de l'environnement, permettent de mobiliser utilement les moyens des différentes administrations.

La définition des programmes et des missions dans le cadre de la mise en _uvre de la loi organique relative aux lois de finances devrait permettre d'améliorer la lisibilité budgétaire des moyens effectivement consacrés aux politiques en faveur du développement durable, tant au plan intérieur qu'au plan international. Cette réforme qui vise à regrouper les crédits en fonction des politiques conduites, plutôt qu'en fonction des ministères qui en assurent la gestion, est tout à fait essentielle dans un domaine aussi transversal que le développement durable. Il devrait ainsi permettre aux parlementaires de mieux contrôler les politiques publiques mises en _uvre dans ce domaine et de s'assurer que les moyens nécessaires ont bien été engagés.

Il est par ailleurs anormal que certaines contributions volontaires des autorités françaises à des organismes comme le PNUE ou le Secrétariat de la convention des Nations Unies sur le climat ne soient pas à la hauteur des engagements pris. Il en va de la crédibilité de notre action, alors même que les sommes en jeu sont d'un montant relativement modestes. Afin de remédier à cette situation, il serait souhaitable que l'ensemble des contributions obligatoires et volontaires de la France aux organisations internationales soit imputé sur le budget du Ministère des Affaires étrangères. Une telle situation permettrait d'éviter la dilution des responsabilités entre les différents départements ministériels et faciliterait le contrôle de la bonne exécution des engagements pris par les autorités françaises.

Les auditions conduites par votre Rapporteur ont souligné la faiblesse structurelle de notre capacité d'expertise. Il est, sur ce plan, indispensable de renforcer les moyens humains et financiers de la Mission de l'effet de serre et d'augmenter notre contribution au groupe d'experts internationaux chargés d'étudier le réchauffement climatique (le GIEC). Plus largement il faut accroître la capacité d'expertise et les moyens diplomatiques à disposition du ministère de l'écologie, alors même que l'élargissement de l'Union européenne va nécessiter de plus amples discussions avant l'adoption de positions communes sur les questions relatives au développement durable (principe de précaution, responsabilité environnementale des entreprises, indicateurs de développement durable, délivrance des permis d'émission des gaz à effet de serre...).

Enfin, il apparaît souhaitable d'impliquer davantage le Parlement dans l'élaboration et le suivi de la stratégie nationale du développement durable. A cette fin, la création d'un office parlementaire du développement durable, constitué sur le modèle de l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, pourrait constituer un instrument utile d'évaluation et d'impulsion des politiques mises en _uvre par notre pays, tant au plan national, qu'à l'échelle internationale.

Nous avons besoin aujourd'hui, dans la mise en _uvre d'une volonté politique partagée sur tous les bancs de l'Assemblée, de signes politiques forts et au demeurant peu coûteux. Parmi ceux-ci,

- sur les OGM, il paraît opportun de mettre en place rapidement une commission d'enquête parlementaire ;

- pour la MIES, au moment où une augmentation de la taxe sur le gazole est effectuée au profit du ferroutage, il convient de lui donner les moyens de fonctionnement et d'expertise nécessaires ;

- sur nos contributions volontaires aux organisations internationales, il convient dès à présent de les regrouper au sein du budget du Ministère des Affaires étrangères, pour une plus grande visibilité.

- enfin, il conviendrait d'aménager le statut de certains établissements publics afin de leur permettre de valoriser, au plan international, leur capacité d'expertise.

Même si elles apparaissent modestes dans leurs conséquences financières, la mise en _uvre de ces propositions contribuerait à crédibiliser et conforter l'action de la France dans un domaine qu'elle considère, à juste titre, comme l'une des clés de sa politique internationale.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 22 octobre 2002, la Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Jacques Guillet, les crédits de l'Ecologie et du Développement durable pour 2004.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur pour avis, a rappelé que la Commission des Affaires étrangères examinait pour la deuxième année consécutive les crédits du ministère de l'Ecologie et du développement durable. Les crédits de ce ministère consacrés à l'action internationale sont d'un montant modeste, puisqu'ils représentent moins de 3 millions d'euros sur un total de 864 millions d'euros et que le nombre d'agents du ministère qui se consacrent à l'action internationale est de 25. Il est vrai que de nombreux autres ministères conduisent leurs propres actions en matière de développement durable et les dépenses du ministère chargé de l'environnement ne représentent que 26 % de l'ensemble des moyens que consacre l'Etat à cette politique.

Depuis le Sommet de la terre de Rio en 1992, le développement durable constitue l'une des priorités d'action de la France qui rejoint la préoccupation des autorités françaises de réguler la mondialisation économique et financière dans un cadre multilatéral. Cette vision s'oppose à l'approche de l'actuelle administration américaine, mais elle est partagée par nos partenaires européens. Il apparaît indispensable de renforcer les différentes organisations internationales, comme le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), l'UNESCO, et de trouver, comme le Président de notre Commission en a manifesté le souhait en séance publique, un mécanisme de règlement des conflits de normes entre les diverses organisations internationales, afin de concilier les principes du commerce international avec ceux du droit environnemental et, à l'avenir, ceux applicables à la culture. Cette approche soulève cependant de fortes oppositions, tant des Etats-Unis, que des pays en voie de développement, qui considèrent pour leur part que les normes environnementales constituent un frein à leur croissance.

Dans ce contexte international difficile, il importe donc que nous soyons exemplaires et que nous nous donnions les moyens de notre politique. Au plan intérieur, notre pays est en passe de combler son retard en matière de développement durable : il a adopté une stratégie nationale, mis en place le Conseil national du développement durable, ainsi qu'un réseau des hauts fonctionnaires du développement durable ; le plan climat devrait, pour sa part, être rendu public d'ici la fin de l'année. Au plan international, nous avons ratifié le protocole de Carthagène sur le commerce transfrontières des organismes vivants modifiés, le protocole de Montréal sur les émissions de gaz nocifs pour la couche d'ozone. Nous nous apprêtons par ailleurs à ratifier les conventions de Rotterdam et de Stockholm sur les substances chimiques et organiques dangereuses et nous venons d'adopter une loi transposant le protocole de Madrid protégeant l'Antarctique.

En revanche, le protocole de Kyoto n'est toujours pas entré en vigueur : la Russie, contrairement aux déclarations publiques de son Président lors du Sommet de Johannesburg, n'est pas décidée à le ratifier et les pays émergents comme l'Inde ou la Chine bénéficient de dérogations les dispensant de toute limitation de leurs émissions ; quant aux Etats-Unis ils n'en sont toujours pas signataires. Les objectifs du millénaire visant à réduire la pauvreté dans le monde peinent pour leur part à sortir de la logique incantatoire et les avancées opérées avant le Sommet de Cancun pour permettre l'accès des pays en voie de développement aux médicaments essentiels voient leur efficacité contestée.

Le Rapporteur pour avis a constaté que nos moyens demeuraient faibles. Notre promesse de contribution au secrétariat de la convention des Nations unies sur le changement climatique n'a ainsi pas été honorée et le ministère de l'écologie ne dispose pas des moyens pour financer le montant total de notre contribution volontaire au PNUE. Le regroupement de l'ensemble des contributions versées aux organisations internationales sur le budget du Ministère des Affaires étrangères permettrait d'assurer une meilleure visibilité de notre action et faciliterait le respect de nos engagements. Notre capacité d'expertise est par ailleurs insuffisante : la mission de l'effet de serre souffre d'un manque de personnel et les sommes attribuées au groupe d'experts internationaux consacré au réchauffement climatique ne placent pas la France parmi les principaux contributeurs. Il conviendrait en outre de développer des indicateurs de développement durable pour unifier la doctrine en matière d'aide publique au développement et faciliter son orientation vers des projets en cohérence avec nos engagements dans ce domaine.

L'action internationale du ministère de l'écologie mérite d'être renforcée, en augmentant les moyens financiers et humains consacrés aux opérations de jumelage avec les pays d'Europe centrale et orientale ou avec les pays en voie de développement. Enfin, alors que le Président de la République s'est prononcé devant l'UNESCO pour l'adoption d'un code normatif en matière de bioéthique, il importe que la recherche française ne cède pas trop de terrain dans le domaine des biotechnologies, pour des raisons qui tiennent le plus souvent de l'irrationnel. Une commission d'enquête consacrée aux OGM permettrait de faire le point sur cette question sensible pour l'opinion et pour nos intérêts. Enfin, la création d'un office parlementaire du développement durable, ou l'extension des compétences de l'office des choix scientifiques et technologiques à ces questions, permettrait d'impliquer davantage le Parlement.

Sous ces réserves, le Rapporteur a émis un avis favorable sur les crédits du ministère de l'écologie et du développement durable.

M. François Loncle a remercié M. Jean-Jacques Guillet pour la sincérité de son rapport et a indiqué que, pour cette raison, il s'abstiendrait sur ce budget.

M. Loïc Bouvard a demandé comment s'expliquait l'augmentation du nombre d'emplois du ministère.

Le Rapporteur pour avis a répondu que cette augmentation s'expliquait par un changement de périmètre budgétaire et non par des créations nettes d'emploi.

Suivant l'avis du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'Ecologie et du Développement durable pour 2004.

Personnes entendues par le Rapporteur

· M. Nicolas de Rivière, conseiller, cabinet du Ministre des Affaires étrangères

· Mme Sophie Galey-Leruste, directeur de cabinet de Mme Tokia Saïfi, Secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie et du Développement durable, et M. Henri-Luc Thibault, chef du service des Affaires internationales du Ministère de l'Ecologie et du Développement durable

· Mme Gisèle Rossat-Mignod, conseiller technique, cabinet du Ministre de l'Agriculture

· Mme Anne Cazala, conseiller technique, cabinet du Ministre délégué au Commerce extérieur

· Mme Dominique Dron, Présidente de la Mission de lutte contre l'effet de serre (MIES) et M. Philippe Meunier, Directeur adjoint

· M. Patrick Teil, Directeur des « Amis de la Terre »

N° 1113- tome V : Avis de M. Jean-Jacques Guillet sur le projet de loi de finances pour 2004 : Ecologie et développement durable


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© Assemblée nationale

La contribution de la France au PNUE s'était maintenue à 2 millions d'euros par an de 1990 à 1994. En 1996, elle avait chuté à 240 000 euros. Elle est remontée progressivement pour atteindre 1 million d'euros en 2000 et 2001, 2 millions en 2002.

non quantifiable