N° 1114

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2003.

AVIS

PRÉSENTÉ

TOME IX

DÉFENSE

SERVICES COMMUNS

PAR M. Jean-Yves Le Drian,

Député.

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Voir le numéro : 1110 (annexe n° 40)

S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LA DÉLÉGATION GÉNÉRALE POUR L'ARMEMENT 7

I. -  LES PERSPECTIVES DE LA DGA AU TERME DE SA RÉFORME 7

A. UN BUDGET STABILISÉ, CORRESPONDANT À LA FIN DE LA RÉFORME ENGAGÉE EN 1997 7

1. Des moyens budgétaires stables 7

2. Un coût d'intervention conforme aux objectifs assignés en 1997 9

B. LA GESTION DES PROGRAMMES D'ARMEMENT : QUELLE DYNAMIQUE DE PROGRÈS ? 11

1. Une gestion plus efficace des programmes d'armement 11

2. Des perspectives d'évolution 13

C. LA CONSTRUCTION DE L'EUROPE DE L'ARMEMENT : UN DÉFI DE GRANDE AMPLEUR 14

1. Vers un renforcement des coopérations européennes en matière d'armement 15

2. Une mission essentielle pour la DGA 17

II. -  L'ACHÈVEMENT DE LA MUTATION DE DCN : DES DÉFIS CONSIDÉRABLES 19

A. L'ABOUTISSEMENT D'UNE RÉFORME INDISPENSABLE 19

1. Les étapes de la mutation de DCN 20

2. Un changement de statut mené à son terme 20

B. LES DÉFIS DE L'ENTREPRISE DANS UN CONTEXTE INDUSTRIEL NAVAL EN PLEINE ÉVOLUTION 24

1. Des atouts indéniables 24

2. Quelle place pour DCN au sein du paysage naval européen ? 25

DEUXIÈME PARTIE : LE SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES 27

I. -  UN SERVICE TRÈS SOLLICITÉ 27

A. UNE FORTE IMPLICATION DANS LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES 27

B. UNE PARTICIPATION SIGNIFICATIVE AU SERVICE PUBLIC HOSPITALIER. 28

II. -  DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES DE SOUS-EFFECTIFS, DANS L'ATTENTE DES PREMIERS EFFETS DES RÉFORMES ENGAGÉES 29

A. UN DÉFICIT EN MÉDECINS D'ACTIVE, QUI SE STABILISE À UN NIVEAU ÉLEVÉ 29

B. LA POURSUITE DU RECRUTEMENT DES MITHA 30

C. LES AUTRES PERSONNELS EN SITUATION DÉFICITAIRE 31

III. -  UN BUDGET EN LÉGÈRE AUGMENTATION, POURSUIVANT L'EFFORT ENGAGÉ 32

A. LA CONCILIATION DE L'IMPÉRATIF DE MAÎTRISE DES DÉPENSES ORDINAIRES ET DE LA PRISE EN COMPTE DES PROBLÈMES DE SOUS-EFFECTIFS 32

B. L'EFFORT DE MODERNISATION DU SERVICE 33

C. LA PART PRÉPONDÉRANTE DES RESSOURCES EXTERNES DU SERVICE 34

TROISIÈME PARTIE : LE SERVICE DES ESSENCES 35

I. -  LE BILAN DE L'ACTIVITÉ DU SEA 35

A. APPROVISIONNEMENT ET CESSIONS DE PRODUITS AUX ARMÉES 35

B. LA LOGISTIQUE PÉTROLIÈRE EN OPÉRATIONS 35

II. -  DES MOYENS BUDGÉTAIRES STABLES 36

A. DES DÉPENSES ORDINAIRES MAÎTRISÉES 37

B. LA PRISE EN COMPTE DES CONTRAINTES DE MISE AUX NORMES DES CAPACITÉS DE STOCKAGE 38

III. -  LA POURSUITE DE LA RÉORGANISATION DES INFRASTRUCTURES DU SEA 38

TRAVAUX DE LA COMMISSION 41

I. -  AUDITION DE M. YVES GLEIZES, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L'ARMEMENT 41

II. -  AUDITION DE M. JEAN-FRANÇOIS BUREAU, DIRECTEUR DE LA DÉLÉGATION À L'INFORMATION ET À LA COMMUNICATION DE LA DÉFENSE 47

III. -  EXAMEN DES CRÉDITS 52

INTRODUCTION

Les services communs du ministère de la défense accomplissent différentes missions de soutien, d'expertise et d'acquisition d'équipements pour le compte des forces armées nationales ; au cours des dernières années, ils ont dû se réformer afin de s'adapter à des circonstances nouvelles, résultant de la professionnalisation, de la multiplication des opérations extérieures et de contraintes budgétaires accrues. Le présent rapport fait porter son analyse sur trois de ces services : la délégation générale pour l'armement (DGA) et deux services de soutien interarmées, le service de santé des armées et le service des essences.

Chargée de préparer et de conduire les programmes d'équipement des armées, la DGA constitue le premier des services communs et joue un rôle clé en matière de défense. La profonde réforme de son organisation et de son fonctionnement, engagée en 1997, est désormais achevée et la forte baisse de son coût d'intervention ainsi que du coût des programmes d'armement témoigne de la réussite de cette mutation. Recentrée sur ses activités de fournisseur d'équipement, la DGA doit poursuivre son adaptation et relever un défi de grande ampleur, la construction de l'Europe de l'armement.

Les relations étroites que la DGA entretient avec l'ensemble des industries d'armement, et plus particulièrement avec celles relevant du secteur public, conduisent à s'intéresser à la nouvelle société nationale DCN, issue du changement de statut du service à compétence nationale du même nom, le 1er juin 2003.

Quant au service de santé des armées, qui joue un rôle essentiel dans la capacité de projection de nos forces et concourt au service public hospitalier, la consolidation de sa professionnalisation est obérée par des difficultés persistantes de sous-effectif et de fidélisation de son personnel. Ces difficultés ont fait l'objet dès 2001 d'une prise en considération, qui devrait trouver son prolongement l'an prochain dans la réforme du statut des praticiens des armées.

Comme le service de santé, le service des essences continue d'être très fortement mis à contribution par la multiplication des opérations extérieures. S'il a su adapter son action à la variété des contraintes locales rencontrées et si sa professionnalisation est achevée avec succès depuis le 1er janvier 2001, ce service est actuellement engagé dans une phase de restructuration de ses installations, en raison des contraintes de mises aux normes de ses capacités de stockage d'ici 2010.

Pour ces trois services, la réussite de ces adaptations est conditionnée par les moyens qui leur seront alloués et par la bonne exécution de leurs crédits budgétaires, en dépit des contraintes d'un contexte économique dégradé.

PREMIÈRE PARTIE :
LA DÉLÉGATION GÉNÉRALE POUR L'ARMEMENT

I. -  LES PERSPECTIVES DE LA DGA AU TERME DE SA RÉFORME

La délégation générale pour l'armement a engagé en 1997 une profonde réforme de son organisation et de ses méthodes afin de satisfaire à l'objectif de réduction de 30 % du coût des programmes d'armement qui lui avait été assigné par le Gouvernement en 1996.

Cette réforme, aujourd'hui menée à son terme, allait au-delà du seul objectif de diminution des coûts : elle visait avant tout à recentrer l'activité de la DGA sur sa fonction essentielle de fournisseur en matériels d'armement des forces armées françaises. Cette institution a dû s'adapter à un environnement très différent de celui qui avait présidé à sa création en 1961, et qui est caractérisé par une contrainte budgétaire accrue et un secteur de l'armement restructuré et concurrentiel. Face à la nécessité de passer d'une culture de moyens, centrée sur l'obtention de performances techniques et opérationnelles, à une culture de résultats, répondant à des impératifs économiques, la DGA a considérablement modifié ses structures, par la mise en place d'une organisation matricielle. La confusion de ses missions de gestionnaire et d'opérateur industriel était de plus préjudiciable à son efficacité et à la réduction des coûts et la DGA a en conséquence abandonné l'essentiel de ses activités industrielles pour revenir à sa mission initiale.

La DGA a aujourd'hui atteint les objectifs quantitatifs qui lui avaient été fixés : son coût d'intervention a été réduit de 30 %, de même que le coût des programmes d'armement. L'achèvement de sa réforme se traduit par la stabilisation de ses moyens budgétaires, déjà engagée en 2003 après cinq années de diminution continue. Si l'on peut dresser un bilan positif de cette mutation, comparable par son ampleur à celle accomplie par les armées dans le cadre de la professionnalisation, la DGA doit poursuivre son adaptation, notamment dans la perspective de l'accroissement de l'intégration européenne en matière d'armement.

Le projet de loi de finances pour 2004 fait apparaître une relative stabilisation des dotations budgétaires de la DGA. Après une forte diminution depuis 1997, résultant des évolutions du périmètre d'activité de la DGA et de la déflation de ses effectifs, et une légère hausse en 2003, les crédits inscrits dans son projet de budget restent stables par rapport à 2003 s'agissant du titre III et retrouvent le niveau de 2002 s'agissant du titre V, ce qui illustre le fait que la réforme est achevée et que les gisements d'économies ont été pour l'essentiel exploités.

- Pour les crédits du titre III, leur montant est quasi similaire à celui qui avait été retenu en 2003 : il s'établit à 383,94 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2004, contre 384,68 millions d'euros en 2003.

 

évolution des crédits du titre III de la dga depuis 1998

 

(en millions d'euros)

   

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

LFI 2002

LFI 2003

PLF 2004

 

Rémunérations et charges sociales

707,1

711,3

148,2

144,1

119,5

115,3

115,2

 

Fonctionnement

195,4

176,5

174,4

142,3

128,7

137,6

129,5

 

Alimentation

2,0

1,5

1,1

1,2

1,0

0,08

0,44

 

Subventions

117,4

114,3

107,5

114,6

126,1

131,7

138,8

 

Total titre III

1 021,9

1 003,7

431,1

402,3

375,3

384,68

383,94

Source : ministère de la défense

 

Les crédits de rémunérations et de charges sociales (RCS) restent stables : l'incidence de la diminution des effectifs budgétaires et les conséquences comptables de l'expérimentation menée dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, visant à désigner un établissement pilote dont les crédits des titres III et V sont identifiés à part dans la présentation du projet de loi de finances, sont compensées par les mesures du plan d'amélioration de la condition militaire (PACM) ainsi que par le rebasage des crédits de rémunération des volontaires de haut niveau (VHN).

La baisse des crédits de fonctionnement courant par rapport à 2003, de l'ordre de 5,9 %, traduit des changements de périmètre, dont principalement l'expérimentation mise en _uvre dans la perspective de la loi organique relative aux lois de finances évoquée plus haut. À périmètre constant, le budget de fonctionnement atteint 138,5 millions d'euros contre 137,6 millions d'euros en 2003, ce qui représente une augmentation de 0,7 %. Les ressources budgétaires destinées au fonctionnement se stabilisent donc au niveau de 2003, qui se révèle quelque peu contraint pour la DGA : à titre d'exemple, le renouvellement de ses moyens bureautiques devra être reporté pour la troisième année consécutive, faute de crédits suffisants.

- Avant de procéder à l'analyse de l'évolution des crédits d'investissement de la DGA, il faut distinguer clairement les investissements que la DGA réalise au profit de ses propres structures, qui sont représentatifs de son coût d'intervention, les crédits d'investissement dont elle assure le gouvernorat (notamment les crédits d'études amont, une partie des crédits « espace » et « forces nucléaires ») et les crédits qu'elle gère pour le compte des états-majors, qui représentent 70 % des crédits d'équipement militaire.

Pour l'année 2004, les moyens d'investissement propre de la DGA s'élèvent à 177,28 millions d'euros ; ces crédits, destinés à ses centres d'essais, à ses moyens informatiques et généraux ainsi qu'aux travaux d'infrastructures, s'établissaient à 232,13 millions d'euros en 2003. La baisse des crédits réalisée en 2004, s'expliquant pour partie par le changement de périmètre résultant de l'expérimentation de la loi organique relative aux lois de finances, ramène leur montant à un niveau proche de celui de 2002, qui atteignait 171,2 millions d'euros.

Les données figurant dans les documents budgétaires permettent de calculer un coût budgétaire de la DGA, qui n'est cependant pas représentatif du véritable coût engendré par la DGA en tant que structure administrative pour le système de défense. Pour pallier l'absence d'un véritable indicateur de suivi de la politique de réduction des coûts, la DGA a défini un « coût d'intervention », correspondant à l'ensemble des coûts engendrés par son activité étatique et à eux seuls. La méthode d'évaluation de cet indicateur a été modifiée en 1998 et est désormais stabilisée.

objectifs et résultats de la réduction
du coût d'intervention depuis 1996

(en millions d'euros)

 

OBJECTIF

RÉSULTAT

    1996

1 235

1 226

    1997

1 113

1 129

    1998

1 082

1 078

    1999

1 037

976

    2000

976

972

    2001

945

923

    2002

923

905

    2003

908

ND

Source : DGA.

Le coût d'intervention de la DGA s'est établi à 905 millions d'euros en 2002 ; au vu de ces résultats, la DGA a atteint l'objectif qui lui avait été assigné en 1996, soit une baisse de 30 % de son coût d'intervention à euros constants, pour un périmètre d'activité quasi identique. Les responsables de la DGA estiment que, désormais, ce coût d'intervention a atteint un niveau plancher, l'essentiel des gisements d'économies identifiés ayant été exploité.

La diminution du coût d'intervention a été obtenue par la mise en _uvre de mesures concernant l'ensemble des postes de dépenses :

- les rémunérations et charges sociales (RCS) : la maîtrise des dépenses de RCS a été obtenue par une déflation significative des effectifs, qui, de 1996 à 2002, a concerné près de 6 200 personnes dans le périmètre du coût d'intervention de la DGA, ce qui représente une baisse de 26 % des RCS en euros constants. La diminution des dépenses de RCS résulte également pour partie de la recherche d'une meilleure adaptation des compétences des personnels aux besoins ;

- le fonctionnement courant des services : une politique de rationalisation du soutien par le regroupement des moyens qui lui sont consacrés au sein d'un établissement central, le resserrement des surfaces occupées par la DGA et l'optimisation des achats par la globalisation et la mise en concurrence systématique ont permis une baisse des dépenses de fonctionnement de l'ordre de 40 % depuis 1996 à périmètre constant ;

- les investissements techniques, qui ont diminué grâce à l'amélioration du contrôle de leur engagement.

La réduction des effectifs réalisée depuis 1997 est particulièrement significative et mérite à ce titre un examen particulier. Cette évolution a correspondu aux changements de périmètre de la DGA et à la refonte de ses structures, destinés à la recentrer sur sa mission initiale. Ainsi, les effectifs réels de la DGA sont passés de 24 300 personnes environ en 1997 (hors personnels de DCN, qui étaient alors intégrés dans les effectifs de la DGA) à 18 002 le 30 juin 2003, soit une diminution de près de 6 300 personnes ; cette déflation doit être poursuivie et les effectifs réels devraient finalement atteindre, selon les prévisions actuelles, 17 816 personnes à la fin du mois de décembre 2003.

La baisse des effectifs de la DGA s'avère supérieure à ce qui avait initialement été prévu, notamment en raison de la revue des programmes mise en _uvre en 1998 et de suppressions d'effectifs supplémentaires en lois de finances. La DGA a ainsi subi une diminution sensible de son encadrement de niveau I, une perte de compétences ouvrières et une baisse très marquée du soutien dans le domaine administratif, alors que ses missions n'ont pas évolué dans les mêmes proportions. Sans doute la déflation des personnels a-t-elle atteint aujourd'hui ses limites ; il apparaît désormais nécessaire d'augmenter les effectifs de façon modérée, mais ciblée sur certains métiers stratégiques. C'est pourquoi la DGA a demandé 210 recrutements supplémentaires annuels sur toute la durée de la loi de programmation militaire 2003-2008 afin de renforcer des secteurs particuliers.

L'augmentation des effectifs dans la fonction d'achat au sein des services de programmes représente une priorité, la passation des contrats relatifs aux programmes et aux études amont constituant une des missions essentielles de la DGA. Celle-ci a donc demandé le recrutement complémentaire de 50 ingénieurs et cadres technico-commerciaux (ICT) acheteurs en 2004, ce qu'elle a obtenu en gageant 25 postes d'ingénieurs de l'armement. En revanche, beaucoup d'incertitudes pèsent sur l'évolution de la catégorie des ouvriers d'Etat, notamment en raison de l'obligation de réintégrer les ouvriers de Giat Industries et de DCN. Ces difficultés de recrutement pourraient avoir des conséquences sur le fonctionnement du service de maintenance aéronautique (SMA) et de la direction des centres d'essais (DCE).

Le périmètre de gestion de la DGA est désormais stabilisé, après avoir connu des modifications importantes, telles que le transfert en 2001 des activités de maintien en condition opérationnelle des matériels vers des structures intégrées, la SIMMAD (structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense), créée en 1999, et le SSF (service de soutien de la flotte), mis en place en 2000.

La DGA, recentrée sur son rôle de préparation et de conduite des programmes d'armement, s'est vu assigner en 1996 un objectif très ambitieux de réduction du coût des programmes de 30 %, qui s'inscrivait dans un contexte de diminution des moyens budgétaires alloués à l'équipement militaire. La DGA, intervenant désormais dans un secteur industriel de l'armement restructuré et composé pour l'essentiel de sociétés privées soumises à des impératifs de rentabilité, est devenue une agence ayant pour mission de fournir l'équipement des armées au meilleur coût possible.

Si la gestion des programmes d'armement par la DGA a été significativement améliorée au terme de la réforme, ce qui s'est traduit par des réductions considérables du coût des programmes, il convient désormais de s'interroger sur les dynamiques de progrès envisageables, notamment par la mise en _uvre de nouveaux modes de financement, tout en prenant en compte l'application prochaine des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances.

La DGA est aujourd'hui un gestionnaire de crédits incontestablement plus efficace qu'en 1996, ainsi que l'illustre la diminution quasi continue des intérêts moratoires versés par la DGA depuis cette date, dans un contexte marqué par des mesures de régulation budgétaire. Le montant de ces intérêts moratoires est ainsi passé de 109,31 millions d'euros en 1996 à 30,49 millions d'euros en 1999 et 21,7 millions d'euros en 2002, les chiffres de 2003 n'étant pas encore connus.

Afin d'obtenir la diminution du coût des programmes d'équipement, la DGA a axé ses efforts sur l'amélioration de l'efficacité des procédés d'acquisition et de conduite des programmes et sur l'instauration de nouvelles relations contractuelles avec les industriels, notamment par la passation de commandes pluriannuelles. Elle a engagé la rénovation de son système d'information de gestion, notamment par le lancement du projet SIPROG (système d'information des programmes) en 2003, qui devient le système unique de gestion des programmes d'armement, se substituant à l'ensemble des outils existants afin d'améliorer et de faciliter le pilotage des programmes.

La DGA a ainsi mis en _uvre en 1997 une démarche de contrôle de gestion de ses programmes, en échelonnant ses objectifs de réduction de coût entre 10 % pour les programmes en cours de production et 30 % pour ceux entrant en phase de faisabilité. Au 30 juin 2003, 105 programmes d'armement étaient placés sous contrôle de gestion et les réductions de coût cumulées à cette date s'élevaient à 9,86 milliards d'euros au coût des facteurs de janvier 2001. Les diminutions de besoins financiers en résultant sont étalées sur la durée de réalisation de ces programmes et prises en compte dans les projets de loi de finances. L'objectif de réduction de coût des 105 programmes mis sous contrôle de gestion s'élève à 17,21 milliards d'euros. Pour atteindre cet objectif, la DGA a notamment fait porter ses efforts pour l'année 2003 sur l'augmentation de la durée de vie des propulseurs du missile M4-M 45 et sur l'optimisation du maintien en condition opérationnelle du programme Scalp.

La réduction des coûts passe également par l'instauration de nouvelles relations contractuelles avec les industriels, afin de leur permettre d'améliorer leurs capacités de prévision et, de ce fait, leur compétitivité et leur productivité. La procédure des commandes pluriannuelles globales, réunissant plusieurs tranches de fabrication d'un équipement de série ou plusieurs annuités de son développement, constitue le principal acquis de la réforme. Cette approche est sans conteste la plus rationnelle pour des programmes s'étalant sur plusieurs années, l'Etat obtenant des prix plus intéressants en contrepartie de l'engagement à plus long terme pris à l'égard de l'industriel.

Engagements de commandes globales rapportés aux engagements réalisés dans l'année

(en millions d'euros)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Engagements réalisés

12 228

12 299

13 106

16 368

14 710

17 012

Dont commandes globales

1 476

1 905

2 972

3 351

3 689

5 324

Part des commandes globales

12,1 %

15,5 %

22,7 %

20,5 %

25,1 %

31,3 %

Source : DGA.

Les commandes globales pluriannuelles représentent une part croissante des engagements réalisés par la DGA. Entre 1997 et 2000, elles ont été mises en _uvre pour de nombreux programmes, tels que les missiles Scalp EG et M 51, les hélicoptères Tigre et NH 90, le char Leclerc et l'avion Rafale.

En 2001, deux programmes seulement, l'A 400 M et le Rafale, ont fait l'objet d'une commande globale, mais pour des montants inégalés, s'élevant respectivement à 6 662 millions d'euros et 991 millions d'euros. Les engagements effectivement réalisés en 2001 pour ces programmes se sont cependant limités à 3 049 millions d'euros et 640 millions d'euros et le complément a été effectué en 2002. La procédure de commandes globales ayant également concerné en 2002 les programmes de missile M 51 et de système MTGT, le montant total des commandes globales pour 2002 atteint le niveau record de 5,324 milliards d'euros, soit 31,3 % des engagements réalisés en 2002.

En 2003, outre la commande de missiles MICA, notifiée le 28 juillet pour un montant de 354 millions d'euros, deux commandes globales doivent être passées, l'une, qui avait été initialement envisagée en 2002, pour le programme FSAF de système d'armement des frégates multimissions, d'un montant de 793 millions d'euros, l'autre pour 59 avions Rafale, à hauteur de 3 114 millions d'euros.

Le montant total des commandes globales pour 2003 devrait donc s'établir à 4 261 millions d'euros, soit un niveau inférieur à celui de 2002. De surcroît, il est possible que la commande des avions Rafale ne soit passée qu'en 2004. Parallèlement, le niveau relativement modeste des commandes globales envisagées pour 2004, qui devraient concerner les programmes FSAF et de frégates multimissions pour des montants de 800 millions d'euros et 1 700 millions d'euros, n'est pas sans susciter des interrogations sur la poursuite du développement de la politique de commandes globales menée par la DGA depuis 1997.

Si la DGA a aujourd'hui mené à son terme une réforme de grande ampleur, elle doit conserver une approche d'adaptation et de progrès continu afin de répondre à des enjeux importants, parmi lesquels figurent le développement de nouveaux modes de financement, l'entrée en vigueur des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances et l'évolution de la direction de centres d'essais.

La loi de programmation militaire pour 2003-2008 a mis l'accent sur la nécessité d'examiner les solutions alternatives à l'acquisition patrimoniale d'équipements, en préconisant le recours à des expérimentations pour les programmes d'armement, mais aussi pour l'achat de prestations, voire de capacités. La mise en _uvre de modes de financement innovants, tels que la location ou le crédit-bail associé à une option d'achat, comporte des avantages significatifs : en premier lieu, elle permet d'étaler dans le temps les dépenses, qui épousent alors plus étroitement le cycle de vie d'un matériel, et d'éviter les « bosses budgétaires ». Elle doit également conduire à mieux prendre en compte la réalité du coût de possession d'un équipement, par la négociation d'une prestation globale avec l'industriel. Enfin, lorsque le potentiel d'un équipement n'est pas pleinement utilisé par les armées, son coût d'investissement et d'exploitation peut être partagé avec d'autres usagers.

La DGA a engagé des travaux internes sur les nouveaux modes de financement, en s'appuyant sur les expériences menées à l'étranger, et plus particulièrement au Royaume-Uni, précurseur en la matière. Elle a également ouvert des discussions avec le CIDEF (Conseil des industries de défense françaises) afin d'étudier les évolutions des règles juridiques, tant fiscales et budgétaires que domaniales, qu'implique la mise en _uvre de telles solutions de financement.

Plusieurs projets d'opérations éligibles à l'application de nouveaux modes de financement ont été identifiés par la DGA ; les plus avancés, faisant l'objet d'évaluations financières précises, portent sur l'externalisation des moyens aériens pour la formation des pilotes d'hélicoptères ainsi que sur la location, associée ou non à une option d'achat, d'avions de transport logistique à long rayon d'action et d'hélicoptères NH 90. Le chef d'état-major de la marine a également indiqué lors de son audition par la commission de la défense le 8 octobre dernier qu'il serait opportun d'examiner la possibilité de recourir à des financements innovants pour le programme des frégates multimissions, afin de faire face à l'augmentation des besoins financiers de la marine.

Le développement des nouveaux modes de financement, conduisant à une inflexion majeure des méthodes d'acquisition de capacités de défense, constitue un enjeu considérable pour la DGA ; bien conduit, il peut permettre dans certains cas de réaliser des gains financiers appréciables et de pallier des ruptures capacitaires.

Au-delà des évolutions envisageables des modes de financement des programmes d'armement, la mise en _uvre des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances constitue sans nul doute un second chantier pour la DGA. Ce texte remanie en profondeur les modalités de la gestion des finances publiques, afin de l'orienter vers la recherche de l'efficacité et l'amélioration de l'évaluation des résultats. La loi organique prévoit notamment une nomenclature par destination des dépenses : les crédits des principaux postes de dépenses seront regroupés par « missions », relevant chacune d'« un ou plusieurs services d'un ou plusieurs ministères » et détaillées en « programmes ». Le texte prévoit également la globalisation totale des crédits, impliquant la possibilité de transformer des dépenses de fonctionnement en dépenses d'investissement et réciproquement ; enfin, des indicateurs de performance ainsi que des objectifs liés à chaque programme doivent être définis.

Alors que l'entrée en vigueur définitive de la loi organique interviendra le 1er janvier 2006, l'application de ces dispositions impose des travaux approfondis sur le positionnement de la DGA dans une nomenclature par missions et programmes ainsi que sur la définition des indicateurs de performance applicables à ses services. De même, la DGA doit anticiper les incidences de la mise en place d'une comptabilité analytique. Des travaux préparatoires ont déjà été engagés : à l'instar des autres armées, la DGA a mis en oeuvre cette année une expérimentation de globalisation des crédits, en désignant un établissement pilote, l'établissement technique de Bourges, dont les crédits des titres III et V sont identifiés à part dans le projet de loi de finances pour 2004. La préparation de l'application de la loi organique doit être activement poursuivie afin que la DGA soit prête à en appliquer toutes les dispositions dans les délais prévus.

Subsiste enfin la question de l'évolution de la DCE, chargée de fournir des prestations d'expertise et d'essais aux services de programmes de la DGA, aux états-majors et à des clients industriels ; il apparaît indispensable d'adapter cette direction à un environnement plus concurrentiel et plus internationalisé, par la rationalisation de ses moyens d'essais et par une meilleure insertion dans une démarche industrielle. Un plan stratégique publié en 1998 et actualisé en 2001, mettant l'accent sur la nécessité de recourir aux partenariats, à l'externalisation et à la sous-traitance, a conduit à l'élaboration de modèles de capacités en juillet 2002. Le processus de regroupement des centres et de réorganisation des moyens et des activités se poursuit et des réflexions sont en cours sur l'évolution du cadre de gestion de la DCE. En tout état de cause, l'importance des missions qui lui sont assignées fait de la réforme de la DCE un enjeu essentiel pour la DGA.

Engagée dès 1992 par la prise en compte d'une dimension militaire dans le traité de Maastricht et relancée de manière décisive en 1998 par la déclaration franco-britannique de Saint-Malo, puis en 1999 par les Conseils européens de Cologne et d'Helsinki, l'édification d'une Europe de la défense a connu des avancées considérables au cours des derniers mois, concrétisées par la conduite d'opérations communes en Macédoine et en Ituri.

Cependant, la définition d'une politique de défense indépendante et crédible est indissociable d'une industrie de défense européenne performante, la politique d'armement constituant à ce titre un instrument essentiel de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Lancée de façon progressive au cours des années 1990, la construction d'une Europe de l'armement doit être consolidée par le développement des programmes menés en coopération, qui revêtent un caractère structurant pour l'industrie européenne, ainsi que par la poursuite des restructurations en France et en Europe, afin de favoriser l'émergence de pôles industriels puissants et solides. Dans ces deux domaines, la DGA constitue un acteur incontournable du fait des missions qui lui sont dévolues dans le cadre national.

La coopération en matière d'armement présente des intérêts multiples. En premier lieu, une coopération réussie permet de réaliser des économies d'échelle par le partage des coûts de développement et d'industrialisation entre plusieurs Etats. De surcroît, un programme mené en coopération est potentiellement structurant, en permettant de renforcer les pôles d'excellence de l'industrie des pays participants et de favoriser les regroupements industriels ; enfin, il impose un rapprochement entre les forces armées des pays concernés lors de l'élaboration du besoin opérationnel commun et il favorise l'interopérabilité, ce qui présente un militaire manifeste dans la perspective de la mise en place d'une force militaire européenne.

Ces avantages indéniables ne doivent certes pas occulter les difficultés associées aux programmes d'armement menés en coopération, résultant notamment de la nécessité de mettre en place un montage industriel préservant les intérêts de chacun des pays participants sans pour autant entériner des solutions inefficaces d'un point de vue économique. Cependant, les succès majeurs obtenus au cours des dernières années en Europe permettent de relativiser les difficultés qui peuvent survenir : le programme franco-italien de frégates anti-aériennes Horizon, le programme de missile de croisière Scalp-EG mené par la France, le Royaume-Uni et l'Italie ainsi que le lancement en mai 2003 du programme emblématique A 400 M, réunissant sept pays européens, sont autant de réussites qui illustrent l'intérêt des coopérations en matière d'armement.

L'édification des premiers mécanismes de coopération européenne dans ce domaine est intervenue au début des années 1990. Conçus à un échelon intergouvernemental, ces instruments se sont multipliés tant dans des cadres institutionnels européens qu'au titre d'initiatives ad hoc, entraînant une certaine complexité, voire un manque de lisibilité de la politique de coopération européenne.

Au sein de l'Union européenne, le GAEO (groupe armement de l'Europe occidentale), a été désigné par le traité d'Amsterdam comme l'instance européenne de coopération dans le domaine de l'armement ; la portée de ses travaux a cependant été considérablement limitée par la complexité des procédures de passation des contrats et le GAEO ne constitue de fait qu'un forum de discussion. Il dispose cependant d'un dispositif spécifique en matière de recherche et développement, le programme Euclid, qui a permis de mettre en oeuvre de nombreux projets, représentant environ 70 millions d'euros par an. Outre ces instruments, l'Union européenne a lancé en février 2002 un plan d'action capacitaire européen baptisé ECAP (European Capabilities Acquisition Plan) destiné à identifier les lacunes capacitaires des Etats membres et à les combler dans la perspective du développement d'une force militaire européenne : dix groupes de projet ont été constitués en mars 2003 afin de mener des projets concrets, concernant des domaines divers tels que les drones, le ravitaillement en vol ou le transport aérien stratégique.

Parallèlement, les principaux Etats européens producteurs d'armement ont lancé plusieurs initiatives afin de développer leur coopération. C'est ainsi que, sous l'impulsion de la France et de l'Allemagne, rejoints par le Royaume-Uni et l'Italie, l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) a vu le jour en novembre 1996 avec pour mission de coordonner, conduire et faire exécuter les programmes d'armement que les quatre pays décident de lui confier. Les Etats fondateurs de l'OCCAR ainsi que l'Espagne et la Suède ont signé en juillet 1998 une lettre d'intention, dite LoI (Letter of Intent), destinée à faciliter les restructurations de l'industrie européenne de défense et qui a conduit à la conclusion d'un accord-cadre juridiquement contraignant ayant valeur de traité en juillet 2000.

Enfin, des coopérations sont également mises en _uvre soit directement entre les pays concernés, soit par une agence OTAN créée pour un besoin spécifique, ainsi que l'illustre l'exemple du développement de l'hélicoptère NH 90.

La multiplication des structures de coopération rend indispensable une clarification et une rationalisation de la politique européenne d'armement, ce que devrait permettre la création d'une agence européenne de l'armement.

La relance de la PESD mise en _uvre à partir de 1999, notamment lors des Conseils européens de Cologne puis d'Helsinki, privilégie clairement une approche opérationnelle, en prévoyant de doter l'Union des capacités militaires nécessaires au déploiement d'une force de 60 000 hommes et en engageant le processus ECAP. Cette évolution a suscité une intensification des débats sur la coopération des Etats membres en matière d'armement, qui a connu son aboutissement au cours des travaux du groupe Défense de la Convention sur l'avenir de l'Europe, remis le 16 décembre 2002, lesquels préconisent la création d'une agence européenne de l'armement et de recherche stratégique.

Cette proposition a été reprise dans le projet de Constitution européenne, qui dispose dans son article III-212 que l'Agence européenne de l'armement, de la recherche et des capacités militaires a pour mission de « promouvoir une harmonisation des besoins opérationnels et l'adoption de méthodes d'acquisition performantes et compatibles », de « soutenir la recherche en matière de technologie de défense » et de « renforcer la base industrielle et technologique du secteur de la défense ».

Si les négociations sur le projet de Constitution européenne viennent de s'ouvrir dans le cadre d'une conférence intergouvernementale et peuvent conduire à des modifications du texte proposé, le projet de création d'une agence européenne de l'armement recueille l'adhésion de nombreux Etats membres. Les conclusions du Conseil européen de Thessalonique de juin 2003 soulignaient ainsi la nécessité de créer une telle agence au cours de l'année 2004.

Cependant, les questions relatives au périmètre exact des compétences de cette agence et à l'avenir des mécanismes de coopération existants restent actuellement en suspens. En tout état de cause, il semble souhaitable de préserver les principes intégrateurs de l'OCCAR relatifs à la coopération pour la conduite de programmes d'armement, en faisant par exemple de l'OCCAR une filiale de l'Agence.

La DGA joue, du fait des missions qui lui sont assignées, un rôle important dans la promotion de la coopération en matière d'armement : exerçant des fonctions de contrôle sur le secteur français de l'armement, elle peut intervenir dans les processus de restructuration ; représentant la France au sein de l'OCCAR, elle participe activement aux mécanismes existants de coopération.

Au-delà de ses fonctions de fournisseur d'équipement, la DGA, du fait de son expérience et de son rôle-pivot dans l'industrie d'armement, assure une fonction de contrôle sur ce secteur et de conseil auprès du ministre de la défense dans les orientations à privilégier en matière de restructurations, dès lors que l'Etat-actionnaire est concerné ou que les intérêts souverains de la France sont en jeu. Ainsi, si la DGA n'a plus le rôle déterminant dont elle a pu disposer dans le passé, lorsque son action s'exerçait sur un secteur industriel largement dépendant de la sphère publique, elle n'est pas dépourvue de moyens d'action dans le paysage européen de l'armement qui s'esquisse.

C'est sur le secteur public de l'armement que son rôle s'avère le plus efficace. La DGA - au nom du ministère - participe activement à l'élaboration de la stratégie des entreprises dont l'Etat est actionnaire et pilote, avec les autres administrations exerçant la tutelle, sa mise en application. Elle a ainsi pris part à la définition et à la mise en _uvre des rapprochements intervenus ces dernières années autour de Thomson-CSF (devenu Thales en décembre 2000), d'une part, d'Aérospatiale, Matra Hautes Technologies et Dassault Aviation, puis EADS d'autre part. De même, la DGA est intervenue lors de la création en 2003 de la société de propulsion solide Roxel, issue du rapprochement du français Celerg et du britannique Royal Ordnance et elle est impliquée dans la constitution de la société Eurenco réunissant le français SNPE et les Scandinaves Saab et Patria dans les activités de poudres et explosifs militaires. Ces rapprochements visent à la constitution de grands pôles industriels nationaux ou européens ouverts à des alliances ultérieures.

La DGA dispose également d'un puissant levier d'action sur l'offre industrielle européenne, à travers sa politique d'acquisition et de gestion des programmes d'armement en coopération.

En premier lieu, la DGA est chargée de représenter la France au sein de l'OCCAR : à ce titre, elle lui donne des orientations et en contrôle le respect. Cette mission revêt une grande importance au regard des compétences de l'OCCAR, qui est chargée de gérer des programmes d'armement en coopération en jouant un rôle de maîtrise d'ouvrage déléguée au profit de ses Etats membres.

L'OCCAR, créée en 1996 par la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie, a acquis la personnalité juridique d'agence internationale le 28 janvier 2001 en application d'une convention signée le 9 septembre 1998. Elle compte un nouvel Etat membre, la Belgique, depuis le 27 mai 2003, et l'Espagne a engagé un processus d'adhésion, qui devrait aboutir en 2004.

Le fonctionnement de l'OCCAR est régi par des principes très intégrateurs et totalement nouveaux par rapport aux pratiques traditionnelles de la coopération. Ainsi, le juste retour industriel, apprécié annuellement et programme par programme pour chaque pays participant, est abandonné au profit d'un équilibre global pluriannuel et multiprogrammes, ce qui permet d'éviter des montages industriels inefficaces, mais n'est pas sans provoquer des réticences parmi les pays concernés. De plus, les Etats membres s'engagent à acquérir de préférence des équipements au développement duquel ils ont participé dans le cadre de l'OCCAR. L'organisation est ouverte à d'autres Etats que les Etats fondateurs à condition que les pays candidats s'engagent à respecter ses règles et ses principes de fonctionnement.

L'OCCAR gère les programmes franco-allemands d'hélicoptère Tigre () et de système de missile Roland, le programme franco-germano-britannique de radar de contrebatterie Cobra, le programme franco-italien de missiles anti-aériens futurs FSAF, le programme germano-britannique de véhicule blindé MRAV/GTK rebaptisé Boxer, auquel la France ne participe pas, et le programme d'avion de transport A 400 M. En raison de l'achèvement des travaux de réalisation, les programmes Hot et Milan ont été retirés le 30 juin 2003.

Le nombre et l'importance de ces programmes font de l'OCCAR un outil essentiel de coopération. Or, la proposition de création d'une agence européenne de l'armement suscite des interrogations sur le devenir de l'OCCAR et son ouverture à d'autres Etats. La DGA _uvre à la mise en place au sein de l'Union européenne d'une conférence des directeurs nationaux d'armement, afin de consolider les mécanismes de l'OCCAR et de préparer leur élargissement.

Outre son rôle au sein de l'OCCAR, la DGA, et plus particulièrement sa direction de la coopération et des affaires industrielles (DCI), participe au développement de la coopération européenne en matière d'armement ; à titre d'exemple, elle est intervenue lors de la signature de la lettre d'intention (LoI) destinée à faciliter les restructurations et le développement de l'industrie européenne de défense.

Enfin, dans une démarche plus prospective, la DGA met l'accent sur le développement d'une stratégie de définition commune des programmes le plus en amont possible, afin de favoriser la coopération européenne. Elle a élaboré un plan prospectif à trente ans qui examine par système de forces, toutes armées confondues, les besoins futurs d'équipement militaire. Cet effort, conjugué avec les analyses des partenaires européens sur les mêmes sujets, devrait aboutir au renforcement de la coopération dans les domaines de la recherche et de la technologie, lesquelles constituent des facteurs décisifs d'harmonisation de la demande des Etats.

II. -  L'ACHÈVEMENT DE LA MUTATION DE DCN : DES DÉFIS CONSIDÉRABLES

La séparation de DCN et de la DGA opérée en 2000 par la transformation de DCN en service à compétence nationale a mis fin au cumul des deux rôles que la DGA exerçait auparavant vis-à-vis de DCN : celui de tutelle hiérarchique et celui de partenaire. Elle a participé du recentrage de la DGA sur ses missions de conduite de la politique d'équipement des armées et de promotion de la coopération européenne en matière d'armement.

Cependant, l'absence de personnalité juridique autonome du service à compétence nationale DCN modifiait la nature de ses relations avec la DGA : ainsi, les contrats relatifs aux programmes étaient des contrats internes à l'Etat et non des marchés régis par le code des marchés publics. C'est par la transformation effective de DCN en société nationale, le 1er juin 2003, réalisée en étroite collaboration avec la DGA, que les relations entre les deux parties ont été « normalisées » et sont désormais semblables à celles entretenues par la DGA avec les autres entreprises publiques du secteur de la défense. DCN dispose aujourd'hui de sa propre personnalité juridique et d'un statut en adéquation avec ses activités industrielles. Affrontant des défis considérables dans un contexte industriel naval en pleine mutation, la nouvelle société doit consolider les acquis de sa réforme et poursuivre son évolution en renforçant son positionnement industriel ainsi que ses alliances.

Le 1er juin 2003, DCN est devenu une société nationale dont le capital est détenu en totalité par l'Etat. Son changement de statut constituait une évolution indispensable pour assurer la préservation de son potentiel dans le secteur de la construction navale militaire. Sans cette mutation, DCN était condamné au déclin et à une marginalisation progressive, alors que l'entreprise dispose d'un savoir-faire reconnu et réalise des produits de haute technologie.

La réforme de DCN, destinée à assurer sa meilleure adaptation à ses missions et à son environnement concurrentiel, était engagée depuis plusieurs années. Dès 1991, la société DCN International a été créée, afin d'assumer au profit de DCN les activités commerciales de promotion et de suivi des contrats signés à l'exportation. En 1996, la séparation entre les activités de donneur d'ordre pour le compte de l'Etat et les activités industrielles a été réalisée et le détachement de DCN vis-à-vis de la DGA est intervenu en 2000, par sa transformation en service à compétence nationale.

Cependant, la qualification de DCN en service à compétence nationale ne lui conférait pas un nouveau statut au sein du secteur public. Il était indispensable de faire évoluer ce statut afin de permettre à DCN de nouer de nouvelles alliances et de lever les contraintes administratives qui lui étaient encore imposées. Les règles de la comptabilité publique découlant de la gestion de DCN dans le cadre d'un compte spécial du trésor, de même que les contraintes du code des marchés publics, s'avéraient incompatibles avec les impératifs industriels et commerciaux d'une entreprise de la taille de DCN. On lui demandait d'être compétitive et de devenir une véritable entreprise, alors que dans le même temps elle était assujettie à des obligations inconciliables avec cet objectif.

Le 6 juillet 2001, le Gouvernement a donc décidé de transformer DCN en une société nationale entièrement détenue par l'Etat. L'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 prévoit la clôture du compte de commerce n° 904-05 « constructions navales de la marine militaire » et son remplacement par une entreprise nationale « régie par le Code de commerce dont le capital est détenu en totalité par l'Etat » dans un délai de deux ans. Pour atteindre cet objectif s'inscrivant dans la continuité de ses précédentes évolutions, toute l'entreprise s'est mobilisée, selon un calendrier prévoyant la mise en place de la société nationale au 1er janvier 2003 ; cette échéance étant relativement brève au regard de l'ampleur et de la complexité de la mutation engagée, la transformation de DCN en société nationale a finalement été réalisée le 1er juin 2003.

Les différents chantiers lancés pour réaliser le changement du statut de DCN, d'ordre tant juridique que financier et économique, ont été menés à leur terme, grâce à l'engagement de l'ensemble de l'entreprise, mais aussi celui de nombreux services de l'Etat.

La société de préfiguration de l'entreprise DCN, dénommée « DCN Développement », a été créée en février 2002 afin de conduire les divers travaux nécessaires au changement de statut et de porter les participations de la future société nationale. DCN Développement a notamment participé à l'élaboration du traité d'apport, lequel spécifie le périmètre détaillé des droits, contrats, biens et obligations transférés par l'Etat à la société nationale. Ce traité revêt donc une grande importance et sa préparation a requis des travaux considérables ainsi que l'intervention de commissaires aux apports indépendants - nommés par le tribunal de commerce de Paris à la demande du ministère de l'économie - qui ont certifié l'ensemble de ces apports afin de s'assurer notamment que leur valorisation ne lésait ni l'entreprise ni l'Etat.

La signature du traité d'apport, étape décisive du changement de statut, a été effectuée par le ministère de l'économie, le ministère de la défense et le directeur général de DCN Développement le 26 mai 2003 ; les apports ont été effectivement réalisés le 1er juin 2003. Parallèlement, DCN et le ministère de la défense ont signé une série de conventions qui étaient indispensables à la poursuite de l'activité industrielle de l'entreprise et concernaient notamment les actes de location, les droits de propriété intellectuelle et la mise en _uvre des installations nucléaires secrètes.

S'agissant des personnels de DCN, l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 précité prévoyait leur mise à disposition auprès de la société nationale en distinguant les différentes catégories de personnel. Le décret du 3 mai 2002 () a défini les modalités d'application de cette disposition : d'une part, les ouvriers de l'Etat, qui constituent les deux tiers de l'effectif de DCN, seront mis à la disposition de la société nationale sans limitation de durée et conserveront le bénéfice de l'ensemble des acquis sociaux et règles particulières à ce statut. D'autre part, les fonctionnaires civils et militaires ainsi que les agents contractuels seront mis collectivement à la disposition de la société DCN pour une durée maximale de deux ans à compter du changement de statut : d'ici là, ils devront opter soit pour la signature d'un contrat de travail avec la nouvelle société, soit pour un retour dans les services de l'Etat. Une proposition de loi organisant les conditions de la représentation des fonctionnaires, des agents sous contrat et des ouvriers d'Etat au conseil d'administration et aux instances représentatives du personnel a été adoptée en mai 2003 par l'Assemblée nationale puis par le Sénat, et promulguée le 5 juin 2003 ().

Les membres du conseil d'administration ont été nommés le 30 mai 2003 et comprennent six administrateurs représentant l'Etat, dont trois proviennent du ministère de la défense et trois du ministère de l'économie, et six personnalités qualifiées. Le premier conseil d'administration de la société nationale DCN s'est réuni le 2 juin.

Enfin, le service à compétence nationale résiduel est chargé de clôturer le compte de commerce avant le 31 décembre 2005, date fixée par l'article 78 de la loi de finances rectificative de 2001 ; il est également détenteur de certains droits, biens et obligations du service à compétence nationale DCN qui ne sont pas utiles à la nouvelle société et qui seront apportés à d'autres services de l'Etat.

Le changement de statut de DCN a imposé le passage d'une comptabilité publique à une comptabilité d'entreprise, ce qui a représenté une évolution considérable, entraînant de profondes modifications des politiques d'achat et de gestion de la production : les travaux entrepris au sein de DCN lui ont permis de publier pour la première fois ses comptes pour l'année 2001 en juillet 2002 comme une entreprise de droit privé, en application du plan comptable général, et de présenter le 30 avril dernier ses comptes révisés pour l'année 2002.

Un contrat d'entreprise entre DCN et l'Etat a été élaboré afin d'accompagner le changement de statut de l'entreprise et son évolution sur la période 2003-2008 : ce contrat, dont une première version a été présentée en mars dernier aux partenaires sociaux, doit être conclu entre les deux parties dans les prochains jours. Le rapporteur tient à souligner la nécessité de porter à la connaissance du Parlement le contrat d'entreprise lorsqu'il aura été conclu.

Ce contrat fixe les objectifs industriels, économiques et sociaux de l'entreprise ainsi que les engagements pris par l'Etat à son égard. Il précise ainsi les investissements qui seront réalisés par l'Etat au profit de DCN, et notamment son niveau de capitalisation, qui revêt une importance décisive pour son avenir. En 2002, le rapporteur avait insisté sur la nécessité de ne pas sous-capitaliser l'entreprise, afin de garantir son développement et son autonomie. Il est satisfait de constater que l'Etat a donné à DCN les moyens de réussir sa transformation en fixant le montant de la dotation en fonds propres au niveau jugé nécessaire par l'entreprise au regard de sa situation économique et financière, soit 560 millions d'euros, auxquels s'ajoutent les trois millions d'euros qui avaient été apportés à DCN Développement lors de sa création. Le capital, souscrit lors du changement de statut, doit être libéré selon un calendrier déterminé en fonction des besoins de financement estimés de DCN : 140 millions d'euros à la date du changement de statut, 120 millions d'euros en 2005 et 150 millions d'euros en 2006, puis en 2007.

Le contrat d'entreprise doit définir également pour la période 2003-2008 les capacités d'engagement de DCN en matière d'investissement dans son outil industriel, dans les ressources humaines, ce qui inclut des recrutements et un plan de formation, ainsi que dans la recherche et le développement.

Parallèlement, la société nationale se voit assigner des objectifs précis sur la période concernée, qui constitueront autant d'indicateurs de la réussite de sa mutation, mais aussi la contrepartie des engagements consentis par l'Etat, actionnaire et client de l'entreprise. Cette dernière doit notamment s'engager à atteindre l'équilibre dès 2005 et à améliorer significativement sa productivité, en réduisant les coûts de production de 12 % sur l'ensemble de la durée du contrat d'entreprise et en rationalisant sa politique d'achats et de sous-traitance. L'organisation de DCN doit être améliorée, par la création de centres de profit et le renforcement du système d'information. Enfin, l'entreprise doit mettre en _uvre une gestion des ressources humaines ambitieuse, en adaptant la structure de ses effectifs pour renforcer DCN dans ses métiers stratégiques ; dans cette optique, le recrutement de 1 200 personnes d'ici la fin 2005 est envisagé, parallèlement aux départs naturels ou concertés et à la mobilité interne des personnels.

Les perspectives d'activité de l'entreprise sont également retracées dans le contrat, en se fondant sur les programmes en cours d'exécution, sur les commandes prévues par la loi de programmation militaire du 27 janvier 2003 ainsi que sur les perspectives d'exportation.

perspectives d'activité pour DCN aux termes du contrat d'entreprise

(en millions d'euros)

 


Commandes à obtenir sur la période 2003-2008
(hypothèse moyenne)

Chiffre d'affaires annuel moyen sur 2003-2008 compte tenu du carnet de commandes actuel et des commandes à obtenir

Programmes d'équipements neufs pour la marine nationale

4 200

675

Programmes de maintien en condition opérationnelle

2 800

500

Programmes d'exportation nouveaux

1 900

580

Total

8 900

1 755

Source : DCN.

Enfin, il convient de préciser que tous les éléments transférés à l'entreprise dans le cadre du traité d'apport ont fait l'objet d'une étude de risques et que l'Etat a provisionné 497 millions d'euros afin d'assumer, le cas échéant, ses responsabilités pour tout sinistre éventuel trouvant ses origines dans la période précédant la transformation de DCN en société nationale.

Ayant achevé l'essentiel des processus juridiques, financiers et économiques nécessaires à son changement de statut, DCN a accompli sa mutation. Il dispose désormais d'un statut mieux adapté à son activité industrielle, notamment en matière de recrutements, de gestion économique et financière et de gestion des achats. L'entreprise a ainsi lancé 511 recrutements pour l'année 2003, dont 352 pour les ingénieurs et les cadres et 159 pour les ouvriers et employés, et doit poursuivre ce processus d'embauche en 2004. La fonction comptable de la société est désormais opérationnelle, en dépit des difficultés initiales rencontrées dans l'alimentation de la facturation des fournisseurs.

Enfin, depuis le 1er juin 2003, la fonction achat de l'entreprise met en _uvre son nouveau référentiel interne : DCN, devenu une société nationale, n'est plus soumis au code des marchés publics, dont les contraintes juridiques entravaient ses activités industrielles, et peut répondre avec une réactivité nettement supérieure aux demandes de ses clients. Un exemple récent illustre particulièrement bien les avantages retirés du nouveau régime juridique applicable à DCN : la frégate Dupleix ayant signalé une avarie le 16 juin dernier, le service de soutien de la flotte a notifié l'intervention nécessaire à DCN Toulon dans le cadre du contrat d'entretien courant et la frégate a pu être rapidement accueillie dans un bassin du port autonome de Marseille, le planning des bassins du port de Toulon étant surchargé, pour subir l'intervention nécessaire ; elle est ainsi repartie vers sa destination initiale dès le 26 juin. La conclusion d'un contrat avec une telle célérité aurait été impossible dans le cadre du code des marchés publics.

DCN doit aujourd'hui consolider les acquis de sa réforme afin de concrétiser les bénéfices attendus de son changement de statut : le développement de son activité, le renforcement de sa compétitivité et de sa rentabilité, mais aussi la participation aux évolutions de l'industrie navale européenne.

Le secteur de la construction navale militaire connaît actuellement une profonde mutation alors que, dans le même temps, l'étendue des besoins exprimés par les marines de guerre permet d'envisager l'émergence durable d'importants marchés de renouvellement et de renforcement des capacités. Des alliances et coopérations s'esquissent ou se concrétisent tant au niveau européen qu'international. Pour conserver un des premiers rôles au sein du secteur naval européen, DCN doit poursuivre l'évolution commencée avec sa transformation en société nationale et approfondir les coopérations qu'il a déjà engagées. Son carnet de commandes étoffé, son alliance avec Thales et la possibilité de nouer des partenariats structurels ouverts par son changement de statut constituent autant d'atouts dans le paysage industriel naval actuel.

En premier lieu, DCN bénéficie de perspectives d'activité importantes pour la période couverte par la loi de programmation militaire, ce qui devrait lui permettre de stabiliser son chiffre d'affaires à 1,8 milliard d'euros. Son carnet de commandes en faveur de la marine nationale inclut notamment la construction de trois frégates anti-aériennes et de deux bâtiments de projection et de commandement (BPC). Deux programmes majeurs prévus par la loi de programmation militaire, les sous-marins nucléaires d'attaque de type Barracuda et les frégates multimissions, ont été confirmés par le contrat d'entreprise et donneront à DCN l'occasion de mettre en _uvre les progrès attendus de sa réforme. Se profile également la perspective de la construction du second porte-avions de la marine française. De plus, l'entreprise dispose de débouchés significatifs à l'exportation, comme l'illustrent les contrats de construction de six frégates pour Singapour ainsi que les contrats remportés au Chili et en Malaisie pour la livraison de sous-marins Scorpène. Enfin, la priorité donnée par la loi de programmation militaire au rétablissement de la disponibilité des équipements bénéficiera directement aux activités de maintien en condition opérationnelle de DCN, qui représentent le quart de son chiffre d'affaires.

En second lieu, si son statut l'empêchait de conclure des alliances structurelles, DCN a cependant mis en oeuvre un grand nombre de coopérations industrielles, notamment avec le groupe espagnol Izar dans le domaine des sous-marins à propulsion classique et avec les industriels italiens Fincantieri et Finmeccanica pour la réalisation du programme de frégates Horizon. Il coopère également avec Rolls Royce et Northrop Grumman pour la réalisation des turbines à gaz WR 241 ; le partenariat de DCN avec Rolls Royce a été récemment renforcé par la signature d'un accord de coopération dans le domaine de la propulsion des bâtiments de surface le 16 avril 2003.

Outre ces collaborations multiples, DCN a engagé en 2002 un étroit partenariat avec Thales, entreprise industrielle de défense de premier plan. Alors que les deux groupes avaient déjà mis en oeuvre des coopérations plus ponctuelles, dans le domaine des torpilles ainsi que dans les systèmes de combat, leur alliance a été considérablement renforcée par la création en août 2002 d'une filiale commune détenue à parité et baptisée Armaris ; cette dernière regroupe les activités de maîtrise d'_uvre et de commercialisation des programmes à l'exportation et en coopération de DCN et de Thales. Elle est chargée de gérer la réalisation, pour la France, du programme de frégates anti-aériennes Horizon mené en coopération avec l'Italie et le programme de frégates multimissions pourrait être supervisé de la même façon une fois conclu.

L'alliance avec Thales constitue un atout majeur pour DCN, en lui permettant notamment de bénéficier du réseau international du groupe d'électronique de défense, ce dernier pouvant en contrepartie améliorer sa position dans le domaine naval.

L'industrie navale militaire européenne, qui reste encore relativement morcelée, connaît de profondes restructurations depuis plusieurs années. C'est au Royaume-Uni que les regroupements industriels ont débuté, puisqu'en rachetant Marconi Electronic Systems à la fin des années 1990, British Aerospace (devenu BAe Systems) a acquis ses chantiers militaires de Barrow-in-Furness, Glasgow et Govan ; seul subsiste un chantier naval de moyenne importance, Vosper Thornycroft. Par ailleurs, le chantier naval allemand HDW, leader mondial dans la construction de sous-marins à propulsion conventionnelle, a absorbé les chantiers suédois Kockums en 2000, puis le chantier grec Hellenic Shipyard de Skaramangas en 2002 ; HDW s'est également rapproché des chantiers allemands Blohm und Voss, spécialisés dans les bâtiments de surface, ainsi que de Thyssen Nordseewerke. En Italie et en Espagne, d'importantes évolutions se préparent, les chantiers navals publics espagnols (Izar) et italien (Fincantieri) devant être privatisés à moyen terme après le redressement de leur situation financière.

Ainsi que l'illustre le rachat par BAe Systems de trois chantiers britanniques, les groupes d'électronique de défense sont devenus des intervenants majeurs de l'industrie navale en raison de l'importance croissante des systèmes de combat dans les navires militaires de nouvelle génération. Le partenariat de DCN avec le groupe Thales relève d'une logique industrielle indéniable et pourrait être approfondi dans l'intérêt mutuel des deux entreprises.

La poursuite de la consolidation du secteur naval européen semble indispensable au regard des ambitions des entreprises américaines, qui cherchent à acquérir des positions fortes en Europe au moyen d'alliances et de prises de participation. Ainsi, l'américain Lockheed Martin a engagé plusieurs coopérations avec l'espagnol Izar, mais aussi avec l'italien Fincantieri. Par ailleurs, le fonds d'investissement américain One Equity Partner (OEP) a pris en 2002 le contrôle du groupe HDW, fleuron de l'industrie navale allemande ; OEP souhaite aujourd'hui revendre sa participation, ce qui pourrait ouvrir la voie à l'entrée de l'américain Northrop Grumman dans le capital d'HDW.

À ce titre, le devenir du groupe HDW constitue un enjeu considérable pour le secteur naval européen. Alors que le gouvernement allemand a exprimé sa volonté de promouvoir une solution européenne, des discussions ont été engagées entre la société allemande Thyssen-Krupp, Thales et DCN. Si l'on ne peut préjuger de l'issue des négociations en cours, encore à leurs débuts, un rapprochement de ces quatre groupes permettrait de consolider considérablement l'industrie navale en Europe et d'envisager à terme la fédération de capacités et de savoir-faire, sous forme par exemple d'un GIE (groupement d'intérêt économique) naval militaire, à l'image de ce que fut Airbus avant de devenir une société intégrée.

DCN constitue un acteur incontournable au sein de l'industrie navale européenne : partie prenante des discussions engagées sur l'évolution du capital d'HDW, la société nationale coopère sur des programmes d'envergure avec l'espagnol Izar et, via la société Armaris, avec les Italiens Fincantieri et Finmeccanica, et pourrait approfondir ces partenariats ; parallèlement aux discussions en cours entre Izar et DCN afin de renforcer leur coopération en matière de sous-marins, les négociations sur le lancement de la coopération franco-italienne pour les frégates européennes multimissions (FREMM) sont en phase finale et devraient aboutir sous peu, Armaris étant chargé de porter la part française de ce programme. Dans ce contexte, l'alliance entre DCN et Thales est performante et sert les intérêts bien compris des deux entreprises.

DEUXIÈME PARTIE :
LE SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES

Le service de santé des armées (SSA) fait face depuis plusieurs années à des problèmes de sous-effectifs et de fidélisation des personnels, soulignés l'an dernier par un rapport d'information de la commission (), et qui avaient bénéficié d'un début de prise en considération dès 2001. L'effort de redressement se poursuit, bien que le déficit en médecins d'active se maintienne à un niveau élevé.

I. -  UN SERVICE TRÈS SOLLICITÉ

Le service de santé des armées constitue de fait une composante essentielle des opérations extérieures, au cours desquelles il a mis en _uvre avec efficacité sa conception du traitement médical et chirurgical au plus près des combattants. Au cours des douze derniers mois, le SSA a participé à toutes les opérations extérieures et exercices multinationaux. Outre la continuité du soutien des forces engagées notamment en Bosnie (Salamandre), au Kosovo (Trident), en Asie Centrale (Heracles) et en Afghanistan (Pamir), la période 2002-2003 a été marquée par la participation aux opérations Licorne en Côte d'Ivoire, Mamba en République Démocratique du Congo, Concordia en Macédoine et par la fin de l'opération Alysse en Arabie Saoudite en juin 2003. Le surcoût lié aux opérations extérieures est d'ailleurs en progression. D'un montant de 10,90 millions d'euros en 2001 et de 11,67 millions d'euros en 2002, il est estimé à 14,11 millions d'euros pour 2003.

Cette année, les principales préoccupations ont porté sur le paludisme (Côte d'Ivoire, RDC), l'amélioration du système de surveillance épidémiologique en OPEX et l'aide au diagnostic au travers de la conception d'un laboratoire de campagne modulaire. Le besoin d'une meilleure préparation du personnel aux opérations extérieures, lié à la fin du service national pour les réservistes et à la suppression du séjour de trois ans en unités pour les jeunes médecins hospitaliers, a conduit à la création d'un centre de préparation aux opérations extérieures, qui ouvrira ses portes en novembre 2003.

En 2002, le soutien médical des forces projetées a mobilisé, en effectifs cumulés, 294 officiers d'active, 43 officiers de la réserve, 350 sous-officiers, 182 militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) ainsi que 431 engagés volontaires (EVAT). Ces prélèvements induisent des déficits ponctuels, très significatifs pour l'armée de terre et l'armée de l'air en raison de l'inscription dans la durée des opérations dans les Balkans et en Côte d'Ivoire. Au sein des établissements du SSA, c'est l'équivalent du potentiel chirurgical d'un hôpital d'instruction des armées (HIA) qui est engagé en permanence sur les différents théâtres d'opérations.

L'emploi de réservistes dans les formations sanitaires de campagne permet une plus grande souplesse dans la gestion des effectifs. En 2003, plus de 110 réservistes auront été déployés sur les théâtres extérieurs et lors d'exercices internationaux. Dans un souci de mutualisation des moyens, des relations étroites sont également entretenues avec les services de santé des armées étrangères : intégration d'une équipe chirurgicale française au sein de l'hôpital de campagne allemand de Kaboul, coopération avec le service de santé belge et mise à disposition par les armées allemandes d'un avion pour les rapatriements sanitaires stratégiques en RDC.

Outre sa mission prioritaire de soutien sanitaire aux forces projetées, le SSA participe aussi au service public hospitalier, comme l'ont découvert beaucoup de Français lors de la canicule exceptionnelle de l'été 2003. À cette occasion, dès le 11 août, le SSA a mis des lits à la disposition des hôpitaux civils, les HIA de Percy et de Bégin prenant ainsi en charge des patients des services d'urgences des établissements de l'Assistance Publique- Hôpitaux de Paris. Dans le même temps, les autres HIA ont vu une augmentation sensible des consultations de leurs services d'urgences. Autre exemple, le SSA a également participé à une campagne de prévention contre la méningite B par traitement antibiotique à Metz en juillet 2003.

Particulièrement pertinente dans une période de crise, cette ouverture croissante à la clientèle civile a été rendue nécessaire par la suppression du contingent, afin de conserver une activité suffisante et variée, gage d'un maintien de la compétence du personnel pour des missions au profit des forces. La participation du SSA au service public hospitalier a été formalisée par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 dite de modernisation sociale, et plus récemment par la signature le 13 juin 2003 par le directeur central du SSA et le directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins du ministère de la santé de l'arrêté fixant le niveau de ce concours.

La part du secteur civil au sens strict (sans compter les familles des militaires, les retraités et les civils du ministère de la défense) dans l'activité hospitalière du service de santé est ainsi passée entre 1997 et 2002 de 49 % à 74 % des entrées et de 57 % à 76 % des journées d'hospitalisation. Un point d'équilibre devra néanmoins être trouvé afin de préserver le caractère prioritaire des missions militaires du service.

II. -  DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES DE SOUS-EFFECTIFS, DANS L'ATTENTE DES PREMIERS EFFETS DES RÉFORMES ENGAGÉES

La situation des effectifs reste en 2003 globalement préoccupante, avec des nuances importantes selon l'affectation (logistique santé ou implantation dans les forces) et les catégories.

Au 1er août 2003, l'effectif budgétaire des médecins des armées était de 2 429 pour un effectif réalisé de 2121, soit un déficit de 308 postes (12,7 %). Ce sous-effectif, qui existe depuis 1998, s'élevait à 5 % en 2000 (122 postes), 9,4 % en 2001 (229 postes), et 12 % en 2002 (291 postes). Le déficit reste donc à un niveau élevé, même s'il ne semble plus se creuser aussi sensiblement que les années précédentes. Il se concentre au sein des forces (- 17,6 %), où sont affectés les médecins généralistes, et touche également certaines spécialités hospitalières, souvent déficitaires dans le secteur civil : anesthésie-réanimation (- 28,4 %), psychiatrie (- 28,6 %), radiologie (- 16,4 %) et cardiologie (- 11,4 %).

Répartition du sous-effectif en médecins d'active au 1er août 2003

Affectation

Droits ouverts

Réalisés

Écart en %

Terre

517

445

- 13,9

Marine

177

162

- 8,5

Air

155

120

- 22,6

Gendarmerie

180

121

- 32,8

Total au sein des forces

1 029

848

- 17,6

Total HIA* + centres de recherche

735

677

- 7,9

* les assistants en formation ne figurent pas dans ces effectifs

Le rapport d'information précité de la commission de la défense a mis en avant l'enchaînement des divers facteurs qui ont conduit à cette situation : baisse de moitié des recrutements imposée au SSA entre 1982 et 1996 qui se répercute aujourd'hui par le nombre réduit des sorties d'école (55 en 2003), allongement des études médicales, suppression du personnel appelé, insuffisance des recrutements latéraux de médecins déjà diplômés (5 places honorées en 2000 pour 48 offertes) et surtout accélération des départs depuis 1999 (4,9 % en 1999, 5,6 % en 2000, 7,4 % en 2001 et 7,1 % en 2002) en raison principalement de l'attractivité du secteur civil.

Ces deux derniers points sont aujourd'hui en légère voie d'amélioration. En 2002, grâce à une politique de communication menée auprès des universités et de l'ordre des médecins, 31 médecins thésés se sont engagés et il est vraisemblable que l'on atteindra 50 recrutements en 2003. L'attractivité de ce mode de recrutement est accrue depuis cette année par la possibilité d'offrir à ces médecins sous contrat des primes équivalentes à celles de leurs confrères de carrière. La timide inflexion des départs amorcée l'an dernier devrait également se poursuivre, en faisant passer ce taux sous la barre des 6 % dans l'état actuel des prévisions pour la fin de l'année 2003.

Les mesures du plan de fidélisation, engagé dès 2001 et poursuivi en 2002 et 2003, n'y sont pas étrangères : repyramidage, indemnisation forfaitaire des gardes hospitalières, revalorisation des primes spéciales et de qualification à compter du grade de médecin en chef, à hauteur de 500 euros par mois. Elles sont le complément indispensable du renforcement du recrutement initial, engagé avec succès dès 1997 (140 places en 2001, 170 en 2002 et 2003), mais dont les effets ne sont pas immédiats du fait de la longueur des études médicales (neuf à douze ans en fonction de la discipline choisie). Cinquante postes d'élèves médecins supplémentaires sont prévus dans le présent budget, conformément aux orientations de la loi de programmation militaire 2003-2008. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2004 permet de financer l'accueil des vingt-sept premiers étudiants en médecine civil dans les HIA, possibilité prévue par le décret n° 2003-530 du 19 juin 2003 modifiant le décret n° 99-930 du 10 novembre 1999 fixant le statut des internes et des résidents en médecine, des internes en pharmacie et des internes en odontologie.

Aboutissement de ce plan de valorisation, une réflexion de fond sur le statut des praticiens des armées est actuellement menée, qui devrait s'inscrire dans le cadre plus général de la révision du statut général des militaires. Elle prend également en compte les incidences de la réforme générale des études médicales qui devrait se traduire pour le SSA par l'existence de deux filières distinctes dès le troisième cycle : une filière des unités pour les médecins généralistes et une filière hospitalière pour les spécialistes. La création d'un corps d'internes est ainsi prévue par le présent projet de loi de finances pour 2004, par transformation de 92 postes de médecins des armées et de 221 postes d'élèves aspirants. En permettant aux élèves d'accéder au grade de lieutenant dès la fin de leur second cycle, elle devrait permettre de limiter l'attrition en cours de scolarité. Financée dans le cadre d'une provision du fonds de consolidation de la professionnalisation, elle est couplée à d'autres mesures de fidélisation : repyramidage des médecins en chef, assouplissement de l'attribution de l'indemnité de garde hospitalière.

Les emplois budgétaires en personnels MITHA (3 120 en 2003) sont réalisés au 1er juillet à hauteur de 96 %. La situation reste cependant préoccupante pour les trois hôpitaux parisiens et l'hôpital de Marseille, où le nombre de candidats à l'engagement est insuffisant. La sortie d'école de 70 infirmiers diplômés d'Etat (IDE) issus du pré-recrutement en institut de formation en soins infirmiers, récemment mis en oeuvre, devrait cependant améliorer la situation en décembre.

En raison du faible taux d'encadrement paramédical au lit du malade dans les hôpitaux du SSA, 200 postes supplémentaires de MITHA ont été créés en 2002, puis de nouveau en 2003. Cet effort sera poursuivi cette année, afin de satisfaire les normes d'accréditation en vigueur dans le secteur hospitalier et de pallier les prélèvements liés à la multiplication des opérations extérieures. Le projet de budget 2004 prévoit la création de 83 postes de MITHA-officiers et de 46 MITHA-sous-officiers, soit un total de 129 postes. Cette mesure pyramidée se substitue, compte tenu des besoins actuels du service, à la création de 150 postes MITHA sous-officiers prévue par la loi de programmation militaire. Cet accès plus large aux corps d'officiers permettra une meilleure reconnaissance des qualifications et des emplois, notamment pour les infirmiers spécialisés, comme l'avait suggéré le rapport d'information précité de M. Christian Ménard. De plus, le SSA bénéficiera en 2004 du transfert de 51 postes d'infirmiers de la marine.

Le projet de budget 2004 inclut également la deuxième phase de transposition aux MITHA des mesures de la fonction publique hospitalière issues du protocole Kouchner du 14 mars 2001. Enfin, par analogie avec la fonction publique hospitalière, une prime de sujétion hospitalière pour servitude nocturne sera créée dans le cadre du fonds de consolidation de la professionnalisation. Facteur d'attractivité et de fidélisation d'un personnel fortement féminisé et souvent chargé de famille, cette prime touchera notamment les infirmiers non spécialisés. Elle permet la prise en compte d'une revendication ancienne du personnel sous statut MITHA qui, pour l'essentiel, a déjà une expérience dans le secteur hospitalier civil antérieure à son engagement et évite une disparité de traitement avec les médecins, qui bénéficient déjà d'une indemnisation forfaitaire de leurs gardes.

Par ailleurs, en parallèle à l'élaboration d'un projet de décret sur le statut commun du personnel paramédical des forces, une modification du statut MITHA est envisagée en vue de faciliter l'intégration sous ce statut de ces sous-officiers, quelle que soit leur armée d'origine.

Le personnel civil présente également un déficit de 766 personnes (- 14 %) au 1er janvier 2003, particulièrement significatif pour le personnel ouvrier. Des retours d'agents de DCN sont néanmoins attendus. Ce déficit devrait se limiter à 277 personnes en fin d'année, grâce à l'arrivée des personnels non ouvriers issus des concours 2002 et 2003. La décision prise cette année de réintégrer les masseurs-kinésithérapeutes sous statut militaire, conformément à la proposition faite par le rapport d'information de M. Ménard, permettra de pallier le déficit de recrutement sous statut civil, peu attractif, et de répondre aux besoins opérationnels émergents.

Enfin, les corps de chirurgiens-dentistes et de vétérinaires-biologistes sont également déficitaires (déficit respectif de - 20 % et - 15 % en 2003).

III. -  UN BUDGET EN LÉGÈRE AUGMENTATION, POURSUIVANT L'EFFORT ENGAGÉ

Dans un contexte économique difficile, le service de santé des armées verra son budget augmenter de 2,88 % en 2004. Comme l'indique le tableau ci-après, cette évolution résulte d'une légère baisse de 1,17 % des dépenses ordinaires, qui représentent l'essentiel de ce budget, et d'une progression importante des dépenses d'investissement (+ 27,78 % par rapport à 2003). La part du financement du service par des recettes externes relevant de l'activité hospitalière (dotation globale) reste cependant prépondérante.

Évolution des crédits du service de santé des armées

(en millions d'euros)

 

2001

2002

2003

2004

Évolution 2004/2003

Rémunérations et charges sociales

183,196

193,955

219,533

215,805

- 1,70 %

Fonctionnement et alimentation

36,059

35,585

32,823

33,615

+ 2,40 %

Total titre III

219,255

229,540

252,36

249,42

- 1,17 %

Équipements

CP

23,556

24,70

28,581

17,392

- 39,15 %

AP

25,307

21,450

32,55

35,627

+ 9,45 %

Infrastructures

CP

7,135

0,00

12,447

35,035

+ 181,50 %

AP

100,526

7,980

34,415

52,498

+ 52,50 %

Total titre V

CP

30,691

24,700

41,028

52,427

+ 27,78 %

AP

125,833

29,43

66,965

88,125

+ 31,60 %

Total général

(en crédits de paiement)

249,946

254,240

293,388

301,847

+ 2,88 %

Grâce à des économies de gestion, le SSA réussit à contenir l'évolution de ses dépenses ordinaires tout en finançant des mesures nouvelles au titre de ses personnels.

Les crédits de rémunération et de charges sociales diminuent de 1,7 % par rapport à l'an dernier, en raison d'importantes économies (- 7,7 millions d'euros) partiellement compensées par les effets des mesures de créations d'emplois (129 MITHA et 50 élèves médecins supplémentaires) et de renforcement de la réserve au titre de la loi de programmation militaire 2003-2008 (3,761 millions d'euros). Ils intègrent également la seconde annuité de la transposition aux MITHA des mesures du protocole Kouchner (271 000 euros) et le transfert d'emplois budgétaires de la marine au profit du SSA (transformation de 51 postes d'officiers mariniers en MITHA pour un montant de 1,699 million d'euros). D'autres mesures au profit du SSA sont financées par le fonds de consolidation de la professionnalisation : prime de sujétion nocturne pour les MITHA (0,207 million d'euros) et une provision de 0,709 million d'euros destinée à accompagner la réforme du statut des praticiens (création du corps des internes, repyramidage, assouplissement de l'attribution de l'indemnité de garde hospitalière).

Les crédits de fonctionnement progressent de 791 000 euros par rapport à 2003, mais, à périmètre constant, c'est-à-dire en ne tenant pas compte du transfert au SSA du paiement des soins en milieu civil du personnel de la gendarmerie, le budget est quasiment constant par rapport à 2003 (+ 0,1 %). L'importance des économies de fonctionnement courant masque aussi l'impact de l'inscription de deux nouvelles mesures au budget 2004 au titre de la poursuite de la mise aux normes sanitaires des installations du service (1,5 million d'euros) et du renforcement de la réserve (0,52 million d'euros). Cependant, ces crédits budgétaires ne représentent que 13,8 % des moyens de fonctionnement du SSA, le reste des dépenses étant financé sous forme de recettes externes rattachées par la procédure du fonds de concours.

L'effort de modernisation des infrastructures et équipements médicaux, qui contribue à l'attractivité du service, sera poursuivi en 2004. Les crédits de paiement sont en hausse de 27,78 %, passant de 41 millions d'euros en 2003 à 52,4 millions d'euros en 2004, essentiellement en raison du début des travaux de construction du nouvel hôpital Sainte-Anne à Toulon.

Les autorisations de programme sont également en très nette augmentation, de 31,6 % par rapport à 2003, passant de 66,97 à 88,13 millions d'euros, sans atteindre le niveau record de 125,8 millions d'euros enregistré en 2001 au titre du lancement du programme « Hôpital Sainte-Anne 2000 ». Ce montant se justifie par la mise en oeuvre d'un programme de mise aux normes incendie et de rénovation des services hospitaliers de l'HIA Bégin de Saint-Mandé, rendu urgent et prioritaire en raison de l'avis défavorable émis par la commission civile de sécurité en mars 2002, et de l'HIA du Val de Grâce. Les études de programme étant en cours d'achèvement, un marché de maîtrise d'_uvre privé devrait être signé l'an prochain pour l'HIA Bégin et le lancement de la première phase de travaux à l'HIA du Val de Grâce est prévu pour la fin de l'année 2004.

Le programme de construction du nouvel hôpital Sainte-Anne de Toulon, opération classée majeure, reste également prioritaire et ne subira pas de décalage. L'hôpital actuel, qui date du XIXe siècle et nécessitait une rénovation complète, sera transféré dans un bâtiment neuf sur le site de la caserne Grignan, qui devrait être mis en service en 2007, conformément aux engagements de la loi de programmation militaire. Les investissements nécessaires à son équipement justifient l'augmentation des autorisations de programme des dotations d'équipement (+ 39 % par rapport à 2003).

Les ressources financières du service reposent sur les crédits budgétaires provenant des titres III et V du budget de la défense et sur les recettes issues des activités de soins hospitaliers, rétablies au budget du service par la voie de fonds de concours. Le rapporteur avait déjà signalé l'an dernier la part désormais prépondérante de ces recettes externes.

Succédant depuis le 1er janvier 2002 au régime de remboursement des prestations, le financement du service de santé par dotation globale (DGF) repose sur la définition d'une allocation forfaitaire constituant l'enveloppe destinée à ses hôpitaux, à l'instar du système en vigueur dans les établissements de santé publics civils. La dotation globale, dont le montant est fixé par le ministre de la santé en fonction de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie, est payée pour le compte de l'ensemble des régimes de sécurité sociale par la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui joue le rôle de caisse pivot. Le montant 2003 de la DGF s'élève à 347 886 672 euros (arrêté du 30 avril 2003), à comparer aux 293,38 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale de la même année. Au total, en 2002, les ressources du SSA ont atteint 708 millions d'euros, dont 258 millions en dotation budgétaire et 450 millions en recettes externes (DGF + versements des mutuelles et personnes hospitalisées). Les ressources externes représentaient donc 63,6 % des ressources du service et la dotation globale proprement dite 48,2 %.

À l'instar du système hospitalier public, le financement par dotation globale des établissements du SSA, gage d'une certaine stabilité par rapport au système antérieur de remboursements de prestations, devrait à terme être remplacé par une tarification à l'activité, dont les modalités ne sont pas encore connues. La part prépondérante des ressources externes tirées de l'activité hospitalière ne doit pas fragiliser le service et donc l'accomplissement de sa mission prioritaire de soutien des forces. Ces ressources externes sont liées aux aléas de l'activité hospitalière, qui est en diminution constante depuis 1998 (baisse de 6,4 % des entrées entre 2001 et 2002). Il est encore trop tôt pour dire si cette décroissance de l'activité se poursuivra durablement après la fin de la contraction du dispositif hospitalier (fermeture à Cherbourg du dernier centre hospitalier des armées en métropole en 2002).

TROISIÈME PARTIE : LE SERVICE DES ESSENCES

Formation interarmées, le service des essences des armées (SEA) exerce son activité dans deux principaux domaines : la cession des produits pétroliers aux armées et le soutien logistique « carburants » des forces engagées en opérations extérieures ou en exercices. Il constitue une exception française dans la mesure où seule la France dispose d'un service interarmées qui prend en compte l'ensemble des fonctions allant de la recherche de la ressource en produits finis jusqu'à la distribution. L'expérience des opérations extérieures, de Daguet aux opérations récentes en Côte d'Ivoire et en République Démocratique du Congo, a confirmé le besoin d'intégration dans une même chaîne de toutes les fonctions du soutien pétrolier des forces.

I. -  LE BILAN DE L'ACTIVITÉ DU SEA

Les approvisionnements du SEA ont porté en 2002 sur des volumes de 902 515 m3 contre 1 212 000 m3 en 2001, soit une baisse de l'ordre de 25 %. Le SEA s'est dessaisi d'un stock de précaution de 50 000 m3 constitué fin 2001 au titre de l'opération Heracles en Afghanistan et a immobilisé les capacités de stockage de deux de ses sites lors d'une campagne de nettoyage. Les cessions de ces produits aux armées, en baisse globale de 10 %, représentent 1 188 400 m3, qui se décomposent en 1 037 000 m3 sur stocks militaires et 151 400 m3 sur stocks civils, c'est-à-dire délivrés directement par les sociétés pétrolières en exécution des marchés passés par le SEA. Le SEA a aussi distribué près de 13 400 m3 de lubrifiants et produits divers (solvants). Ces achats et cessions de produits sont retracés dans le compte de commerce « Approvisionnement des armées en produits pétroliers ». Le montant des produits d'exploitation est en baisse de 12,7 % en 2002, à près de 457 millions d'euros.

Le SEA a de nouveau été particulièrement sollicité en 2002 et au premier semestre 2003 au titre des interventions extérieures. Le quart de ses effectifs militaires (31 officiers, 76 sous-officiers, 223 militaires du rang) a participé au soutien pétrolier des forces projetées en 2002. En période de relève, le SEA franchit ainsi le seuil limite d'emploi, en particulier pour les sous-officiers. Outre le maintien de sa présence au Tchad (opération Epervier), le SEA a participé aux opérations extérieures en Bosnie, en Macédoine et au Kosovo, en Asie Centrale, en Côte d'Ivoire et en République Démocratique du Congo (RDC). Le soutien pétrolier est assuré différemment selon les territoires ; il est désormais préparé par une mission de reconnaissance préalable au déploiement des forces, qui s'est avérée déterminante en RDC. En Côte d'Ivoire, il a été possible de limiter les moyens pétroliers déployés par la possibilité inédite de se ravitailler en carburants terrestres dans le réseau local de stations-services, alors qu'en RDC le concept de carburant unique a été appliqué pour les matériels diesel. Le détachement du SEA présent au Tchad a apporté beaucoup de souplesse au dispositif, notamment dans l'envoi de produits ou matériels prépositionnés (envoi d'essence pour les véhicules « Sagaie », conditionnée en réservoir souple de 1900 litres). Au Kosovo, la France remplit avec succès pour la quatrième année consécutive la mission de Role Specialist Nation, le SEA assurant le soutien de l'ensemble de la KFOR.

II. -  DES MOYENS BUDGÉTAIRES STABLES

Le projet de budget du SEA se caractérise par sa stabilité. Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 s'élèvent à 91,84 millions d'euros, contre 91,08 millions en 2003, ce qui représente une progression inférieure à 1 %. Comme l'indique le tableau ci-après, cette quasi-stagnation résulte d'une augmentation des crédits du titre V (+ 12,94 %) compensée par une diminution de 4,7 % des dépenses ordinaires.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU SERVICE DES ESSENCES

(crédits de paiement, en millions d'euros)

Chapitre

Intitulé

Budget 2002

Crédits consommés en 2002

Budget 2003

PLF 2004

2004/2003

31.21

Rémunération des personnels militaires

28,568

29,929

29,323

26,387

- 10,01 %

31.22

Indemnités des personnels militaires

7,615

8,436

8,801

8,854

+ 0,6 %

33.90

Cotisations sociales part de l'Etat

2,896

2,489

2,909

2,866

- 1,47 %

33.91

Prestations sociales versées par l'Etat

1,059

0,690

1,080

1,068

- 1,15 %

34.02

Fonctionnement

21,803

27,144

19,538

19,538

0 %

34.10

Alimentation

0,847

0,963

0,847

0,847

0 %

Total titre III

62,788

69,65

62,498

59,56

- 4,7 %

53.71

Fabrication SEA Équipements

14,726

14,672

14,290

14,087

- 1,4 %

54.41

Infrastructure

14,790

14,259

14,290

18,188

+ 27,28 %

Total titre V

29,516

28,931

28,58

32,28

+ 12,94 %

TOTAL GÉNÉRAL

92,304

98,581

91,078

91,84

+ 0,8 %

Les crédits de rémunération et de charges sociales diminueront de 7,5 %, passant de 42,114 millions d'euros en 2002 à 39,175 millions en 2003, tandis que les dotations de fonctionnement et d'alimentation seront quasiment inchangées. Cette diminution de la masse salariale est due notamment à la suppression de deux postes de sous-officiers. La baisse des effectifs du personnel civil ouvrier (563 au lieu de 558) est en revanche sans incidence sur le budget du service, ces personnes étant rémunérées par la direction de la fonction militaire et du personnel civil.

En ce qui concerne les sous-officiers, le SEA a dû faire face entre 1999 et 2002 à des départs massifs vers la fonction publique par le bénéfice de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970 tendant à faciliter l'accès des militaires à des emplois civils et à des départs anticipés en retraite plus nombreux que prévus. À la suite de la création d'une prime spécifique aux sous-officiers supérieurs en mars 2002, d'une meilleure régulation des départs vers la fonction publique et d'un renforcement du recrutement, la réduction du sous-effectif est significative : - 17,6 % au 1er juillet 2002 (60 postes), -14,45 % au 1er juillet 2003 (49 postes), - 10 % prévus en décembre 2003. Ce sous-effectif pourrait être quantitativement comblé en 2005. Toutefois, d'un point de vue qualitatif, la perte de savoir-faire qui en résulte ne pourra être compensée avant 2010.

effectifs budgétaires du service des essences des armées

 

2001
(loi de finances initiale)

2002
(loi de finances initiale)

2003
(loi de finances initiale)

2004
(projet de loi de finances)

Personnel militaire

Officiers

223

223

223

223

Sous-officiers

341

341

339

337

Militaires du rang

831

849

849

849

Personnel civil

Non ouvriers

413

409

409

409

Ouvriers

577

577

563

558

TOTAL GÉNÉRAL

2 385

2 399

2 383

2 376

Les dépenses de fonctionnement restent inchangées par rapport à l'année précédente. Cependant, en 2003, le chapitre 34.02 faisait l'objet d'une mesure d'économie d'un montant de 2 millions d'euros (soit près de 10 % des crédits), qui a pu être compensée par un report de crédits du même montant. Le rapporteur n'a pas eu connaissance d'un report équivalent sur 2004. L'effort de rationalisation demandé au service des essences ne doit donc pas être sous-estimé. Les économies que pourrait apporter à ce titre l'externalisation sont limitées, dans la mesure où le SEA sous-traite déjà des tâches de soutien général (entretien, informatique, formation) dans ses établissements et délègue certaines missions pétrolières comme la livraison de fioul domestique. Il ne semble guère envisageable d'aller plus loin sans remettre en cause le niveau d'entraînement des personnels.

Si les crédits de paiement du titre V progressent globalement de 12,94 % par rapport à 2003, cette augmentation sera principalement destinée à renforcer les crédits d'infrastructure du SEA, qui passeront de 14,29 à 18,19 millions d'euros, soit une hausse de 27,28 %. De même, les autorisations de programme connaissent une hausse de 2 %. Par ailleurs, la mise en réserve de 190 000 euros de reports de crédits de la gestion 2002 sur le chapitre 54.41 (Infrastructure) a vocation à être intégralement levée dans les semaines à venir.

Cette progression des crédits d'équipement et d'infrastructures est conforme au v_u du rapporteur, qui soulignait dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2003 la forte contrainte pesant sur le titre V du budget du SEA, en raison de la mise aux normes des capacités de stockage. À terme, il est nécessaire que les crédits du titre V se maintiennent au-dessus du seuil des 28,5 millions d'euros, sous peine de remettre en cause les autorisations d'exploiter et la sécurité (mise en conformité imposée avant 2010 par un arrêté ministériel du 22 juin 1998).

En 2004, les autorisations de programme du chapitre « Fabrications » permettront le lancement d'un programme étalé sur trois ans d'acquisition de 69 ensembles d'avitaillement tracteurs + semi-remorque citerne. Les crédits de paiement seront principalement utilisés pour l'achat de matériels pétroliers (réservoirs souples et cuvettes de rétention), mais permettront aussi la mise en service de douze nouveaux camions-citernes avitailleurs 12 m3 et de trente-deux tracteurs routiers. Environ trois quarts du parc des avitailleurs des dépôts sur bases aériennes et aéronavales devront être remplacés d'ici 2010. Si les crédits d'équipement prévus par la loi de programmation militaire 2003-2008 (14,5 millions d'euros par an) permettent au SEA d'assurer ses missions de manière satisfaisante, mais au plus juste, la disponibilité des matériels peut s'avérer critique lors de la multiplication des opérations extérieures.

III. -  LA POURSUITE DE LA RÉORGANISATION DES INFRASTRUCTURES DU SEA

En 2004, les crédits d'infrastructure du SEA seront consacrés prioritairement à la restructuration des établissements pétroliers et à leur mise en conformité aux normes de protection environnementale. Cette restructuration se traduit par la construction de nouveaux réservoirs de carburant en remplacement de ceux devenus non conformes et par le remaniement des réseaux d'hydrocarbures d'ici 2010. Enfin, l'année 2004 verra la poursuite du programme de gestion des sols pollués, engagé en 2001 et qui comprend la réalisation de diagnostics de pollution, suivis le cas échéant de dépollutions.

À La Courneuve, le centre de ravitaillement des essences et le laboratoire ont fermé le 30 avril 2002. Une étude simplifiée et une étude détaillée des risques ont été réalisées, ainsi que des travaux de démantèlement pour 0,4 million d'euros. À ce coût, s'ajoutent les frais de personnels, d'un montant de 0,5 million d'euros. Les activités de laboratoire ont été transférées sur le site de Marseille, qui fera l'objet de travaux d'aménagement pour 4,1 millions d'euros.

Les activités de logistique pétrolière ont cessé le 31 mars 2003 au Dépôt d'Essence Air (DEA) d'Aix les Milles, toute activité aérienne ayant cessé sur la plate-forme. Après réalisation d'une étude détaillée des risques, le coût de ce démantèlement est estimé à 0,2 million d'euros. Le dépôt d'essence aéronaval de Saint-Mandrier cessera lui aussi ses activités en novembre 2003, pour un coût estimé à 0,125 million d'euros. Le DEA de Mayotte verra enfin son activité transférée à la collectivité territoriale fin 2003 en échange de terrains mis à la disposition du ministère de la défense. Le coût des études de risque est estimé à 0,15 million d'euros.

Si le financement des études de risques préalables aux aliénations précédemment citées a pu être pris en compte dans le budget du SEA, leurs conclusions sont cependant susceptibles d'entraîner des coûts de dépollution qui pourraient nécessiter des crédits supplémentaires.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. -  AUDITION DE M. YVES GLEIZES, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L'ARMEMENT

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Yves Gleizes, délégué général pour l'armement, sur le projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093), au cours de sa réunion du mercredi 15 octobre 2003.

M. Yves Gleizes a abordé en premier lieu l'activité de la délégation générale pour l'armement (DGA) au cours de l'année qui vient de s'écouler, en soulignant ses bons résultats de gestion, le taux de consommation des crédits de paiement s'établissant à 97 %, sans prendre en compte cependant la non consommation des crédits ouverts fin décembre 2002. Il serait donc erroné d'affirmer que les crédits destinés à la défense ne sont pas consommés de façon satisfaisante.

La DGA a engagé en 1996 une profonde réforme, qui a permis de réduire considérablement son coût d'intervention ; ce résultat a notamment été obtenu par une forte déflation de ses effectifs, de l'ordre de 25 % au périmètre d'activité d'aujourd'hui. Le processus de réforme se poursuit : au cours de l'année 2002, la DGA a ainsi fermé trois de ses centres de formation et a régionalisé ses activités de soutien afin de mieux utiliser les moyens disponibles. Ayant abandonné ses activités industrielles, à l'exception de la maintenance aéronautique, la DGA concentre désormais son action sur la conduite des programmes d'armement et la préparation du futur.

S'agissant de la conduite des programmes, des succès significatifs ont été enregistrés en matière de coopération, ainsi que l'illustrent le lancement du programme d'avion de transport A 400 M, qui constitue le plus important contrat d'armement jamais passé en Europe, ainsi que le choix de l'hélicoptère Tigre par l'Espagne, de préférence à l'appareil américain Apache. Au niveau national, la réalisation du troisième sous-marin lanceur d'engin, le Vigilant, se déroule dans les délais prévus et devrait entrer en service en 2004, ce qui permettra d'assurer la continuité de la force française de dissuasion. Le programme VBCI est désormais remis sur les rails après avoir subi des corrections et intégré des modifications demandées par l'armée de terre ; l'avenant de contractualisation a été conclu avec Giat et sera notifié lorsque le ministère de l'économie et des finances aura ouvert les crédits nécessaires, à la fin du mois d'octobre. Les premiers missiles Scalp-EG, dont le bon fonctionnement a été démontré lors de leur utilisation par le Royaume-Uni au cours du conflit au Moyen orient, seront mis en service opérationnel au sein de l'armée de l'air française à la fin de cette année.

La DGA s'est efforcée de poursuivre sa politique de réduction des coûts des programmes, en collaboration avec les industriels et les états-majors. La maîtrise des délais dans le déroulement des programmes fait également l'objet de réflexions ; il s'avère que les états-majors préfèrent souvent disposer d'un matériel le plus tôt possible, même si ce dernier n'intègre pas d'emblée toutes les fonctionnalités prévues, ce que la DGA doit prendre en compte dans la conduite des programmes. S'agissant des méthodes d'acquisition, la DGA cherche à utiliser les possibilités ouvertes par les nouvelles technologies ; à cet effet, elle a mis en place en 2002 le portail armement, baptisé ixarm, qui présente les achats d'équipement ainsi que les achats courants du ministère de la défense. Ce portail permet aux PME et PMI d'accéder au moindre coût aux informations sur les programmes d'équipements lancés et de proposer leurs produits et leurs services. Enfin, la DGA apporte ses compétences aux structures de soutien, la SIMMAD (structure intégrée de maintenance des matériels aéronautiques de défense) et le SSF (service de soutien de la flotte), et participe ainsi à la restauration de la disponibilité des équipements, qui constitue une priorité.

Puis, M. Yves Gleizes a abordé les missions de la DGA relatives à la préparation du futur, qui comprennent la recherche et la technologie, mais aussi le développement de la base industrielle et technologique de défense. La conjoncture internationale lors du conflit irakien a conduit la DGA à identifier les domaines technologiques pour lesquels la France est dépendante d'autres pays. Ces domaines restent limités, du fait des importants efforts français consentis en matière de recherche et développement au cours des précédentes décennies. À titre d'exemple, la France dispose de capacités satellitaires performantes, ce qui lui permet de ne pas être tributaire des images et des données fournies par les Etats-Unis. La recherche de l'autonomie doit être poursuivie au niveau européen, par exemple par le programme de système de navigation par satellite Galileo.

En matière de recherche et technologie, la DGA se fixe pour priorité le développement des démonstrateurs, qui permettent de mieux garantir la maîtrise des technologies nouvelles. Trois démonstrateurs seront lancés en 2003 : le radar mobile modulaire multifonctions (M3R), qui préfigurera les futurs radars de défense aérienne élargie ; un démonstrateur d'alerte spatiale contre le tir de missiles balistiques qui, permettant d'identifier le point de lancement d'un missile, est destiné à lutter contre la prolifération ; un démonstrateur de liaison laser entre un drone et un satellite en orbite basse, afin de détecter les menaces et de pouvoir y répondre avec réactivité. La DGA cherche également à développer davantage sa coopération avec le ministère de la recherche et entretient des relations étroites avec le CNRS et l'institut Pasteur, afin de renforcer l'efficacité de ses efforts de recherche et d'élargir le spectre des domaines étudiés. Enfin, la DGA participe au développement de la coopération européenne dans le cadre des instruments existants, tels que la LoI (letter of intent), qui regroupe les six principaux pays producteurs d'armement européens.

Le budget de défense français représente environ 170 000 emplois directs, ce qui constitue une incitation complémentaire à porter une attention particulière à notre base industrielle et technologique de défense. Dans ce domaine, la DGA a conduit plusieurs chantiers importants. Elle a ainsi participé à la transformation de DCN en entreprise de plein exercice. La mutation de DCN n'est pas complètement achevée et l'apurement de sa situation nette a posé quelques difficultés. Cependant, l'entreprise DCN a vu le jour le 1er juin 2003 et dispose aujourd'hui de plusieurs atouts, parmi lesquels figurent un niveau de capitalisation satisfaisant, un contrat d'entreprise équilibré et des perspectives d'activité favorables. La situation de Giat Industries fait l'objet d'une attention particulière ; la DGA collabore activement avec la direction de l'entreprise et les acteurs concernés sur la définition des nouveaux métiers stratégiques de l'entreprise et des commandes relatives au système d'artillerie Caesar et à la valorisation de l'AMX 10 P sont venues s'ajouter à celles prévues par la loi de programmation militaire.

Les exportations demeurent un débouché essentiel de l'industrie française de défense, mais le marché de l'armement devient de plus en plus concurrentiel : si la France reste le deuxième exportateur mondial d'armement, elle a été rejointe par la Russie et le Royaume-Uni. Le ministère de la défense se mobilise pour soutenir les entreprises françaises à l'exportation, ce qui est indispensable compte tenu de la dimension éminemment politique de la vente d'armements.

M. Yves Gleizes a ensuite abordé le projet de loi de finances pour 2004, qui s'inscrit en droite ligne dans la loi de programmation militaire. La DGA poursuit sa politique de commandes globales d'équipement, qui devraient notamment concerner en 2004 quatre frégates multimissions et le premier lot de missiles M 51. Le lancement de démonstrateurs sera poursuivi. Le démonstrateur d'avion de combat non piloté UCAV revêt une importance particulière : parallèlement aux coopérations européennes classiques, ce projet témoigne de la volonté de la France de conserver des compétences en matière d'avions de combat et pourra accueillir des partenaires européens souhaitant apporter leur savoir-faire et leurs technologies ; des contacts ont notamment été noués avec la Suède sur ce point. La mise en _uvre de nouveaux modes de financement, tels que la location, la location-vente ou l'achat de capacités, est également envisagée et représente une alternative intéressante à l'acquisition patrimoniale classique d'équipements ; pour 2004, la DGA étudie de façon approfondie de telles solutions innovantes en matière de transport à long rayon d'action et de formation initiale des pilotes d'hélicoptères de l'armée de terre.

En dépit de la forte déflation de personnels réalisée par la DGA depuis 1997, celle-ci doit consentir des efforts en matière d'effectifs en 2004, conformément à la directive du Premier ministre sur le non-remplacement nombre pour nombre des fonctionnaires partant à la retraite. Cela se traduit par un impact sur le maintien de la fonction technique de la DGA que celle-ci s'efforce de réduire en faisant porter l'effort dans d'autres domaines.

M. Yves Gleizes a mis l'accent sur la nécessité de renforcer les activités de recherche et technologie au niveau de la France, mais aussi de l'Europe, afin de faire jeu égal avec les Etats-Unis dans ce domaine et de garantir l'autonomie d'action et de décision de la France et des Etats européens. À cet égard, la transformation des entreprises publiques d'armement en sociétés privées, soumises à des impératifs de rentabilité, a conduit à une diminution de l'effort de recherche assumé par les entreprises, et plus particulièrement par celles intervenant dans le domaine civil et militaire, qui préfèrent consacrer leurs investissements aux activités civiles. Le développement de la coopération européenne en matière de recherche apparaît donc comme une priorité. Seuls la France, le Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, l'Allemagne, consacrent des moyens significatifs à la recherche, mais leurs approches divergent quelque peu : alors que le Royaume-Uni cherche à développer des pôles d'excellence dans des domaines ciblés et se repose sur des acquisitions auprès d'autres pays, la France souhaite conserver son autonomie dans les domaines clefs de sa capacité de décision et d'action et mène des activités de recherche sur tout le spectre des capacités opérationnelles correspondant.

Enfin, M. Yves Gleizes a évoqué la proposition de création d'une Agence européenne de l'armement, issue des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe. Son périmètre d'activité et son positionnement vis-à-vis des instruments de coopération existants ne sont pas encore définis de façon précise ; il semble cependant qu'une telle agence, regroupant l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne, ne pourra fonctionner, au moins dans un premier temps, de façon efficace que par l'instauration de mécanismes de coopération structurée entre les Etats qui le souhaitent. Les missions de l'Agence pourraient comprendre l'acquisition d'équipements, ce qui est sans doute le plus facile à mettre en _uvre puisque des modèles existent, mais aussi la planification des besoins opérationnels ainsi que les activités de recherche et développement. Dans un premier temps, la fédération des instruments actuels de coopération semble être la voie à privilégier.

Le président Guy Teissier a souhaité obtenir des informations sur les rapprochements envisagés du chantier naval allemand HDW et de DCN dans la perspective de la constitution d'un grand groupe naval européen, sur le modèle d'EADS dans le domaine aéronautique.

M. Yves Gleizes a rappelé que HDW avait été acheté en 2002 par un fonds d'investissement américain, One Equity Partner, qui souhaite désormais se désengager d'HDW. Parallèlement, le groupe d'électronique de défense Thales affiche aujourd'hui ses ambitions dans le domaine naval et marque son intérêt pour un rapprochement avec HDW. Par ce partenariat, Thales pourrait renforcer sa position sur le marché de l'électronique équipant les sous-marins. L'Allemagne considère pour sa part le rapprochement d'HDW avec le groupe allemand Thyssen, avant la conclusion d'une alliance avec DCN et Thales. Dans un souci de rationalisation industrielle, DCN voudrait se rapprocher d'HDW, les deux entreprises étant les principaux producteurs mondiaux de sous-marins conventionnels. L'espagnol Izar, déjà associé à DCN pour la réalisation des sous-marins Scorpène, a vocation à rejoindre cet ensemble. En tout état de cause, les offres faites au fonds d'investissement américain restent très inférieures à la somme qu'il a déboursée pour acquérir HDW et sa décision n'est pas prise.

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis des crédits des services communs, a souhaité connaître l'état d'avancement de la coopération avec l'Italie dans le programme de frégates européennes multimissions.

M. Yves Gleizes a indiqué que le programme FREEM mené avec l'Italie souffre des difficultés inhérentes aux coopérations et que les négociations connaissent en ce moment des évolutions. Le prix unitaire des bâtiments et le nombre de compartiments moteurs constituent deux points au centre des discussions actuelles. Cependant, on peut avoir bon espoir qu'un accord soit conclu prochainement.

Regrettant les attaques dont font actuellement l'objet les crédits du ministère de la défense, M. René Galy-Dejean a souligné qu'au cours des dernières années, ce ministère est celui qui a réalisé les efforts de restructuration les plus importants, tant sur le plan de ses personnels que sur le plan financier. La délégation générale pour l'armement, qui a réduit ses effectifs de 30 % en 5 ans, est exemplaire à cet égard. Malheureusement, l'ampleur de cet effort reste méconnue ; les fortes réductions de coût obtenues par la DGA lors de la négociation du contrat du missile M 51 pourraient notamment être mises en avant. M. René Galy-Dejean a souhaité par ailleurs connaître l'état d'avancement du bouclier anti-missile de théâtre.

M. Yves Gleizes a répondu que la promotion des efforts réalisés est sans doute plus efficace lorsqu'elle est faite par des personnalités extérieures au ministère de la défense ; en tout état de cause, le manque de reconnaissance des résultats obtenus reste décevant. Il a relevé par ailleurs que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite s'appliquera aussi à la DGA, qui voit ses effectifs décroître légèrement dans le projet de loi de finances pour 2004.

S'agissant du bouclier national, il est destiné à assurer la protection des troupes à l'horizon 2010. A ce titre, le système sol-air moyenne portée sera amélioré en vue de permettre l'interception d'ogives de courte portée de l'ordre de 600 kilomètres. La commande doit être passée auprès d'EADS et de Thales d'ici la fin de l'année 2003 par l'OCCAR. Par la suite, le M3R permettra de compléter les radars existants. Le démonstrateur d'alerte spatiale permettra de valider deux fonctions dans des conditions représentatives d'une utilisation opérationnelle : système antibalistique de théâtre, il permettra également de renforcer notre dissuasion puisqu'il sera capable de détecter le lieu de départ des missiles, quelle que soit leur origine, et renforcera ainsi notre crédibilité par rapport à l'adversaire. Parallèlement, la France a accepté de participer au projet de défense de l'Europe contre les missiles balistiques mené dans le cadre de l'OTAN, mais a fait ce choix par solidarité européenne, la mise en _uvre de ce bouclier anti-missile ne correspondant pas à notre doctrine militaire, qui fait reposer la protection du territoire national sur la dissuasion.

M. Jean-Michel Boucheron a souhaité savoir si le niveau des crédits d'études amont prévus dans le projet de loi de finances initiale pour 2004 est suffisant pour pallier les problèmes de financement de la recherche rencontrés par les entreprises d'armement en France. Il a également demandé si le couple franco-allemand peut réellement créer une dynamique dans le domaine de la construction de l'Europe de la défense et si, dans cette perspective, les réunions bilatérales avec les chefs d'état-major des armées et les responsables des services d'acquisition et de développement des armements se poursuivent.

M. Yves Gleizes a souligné que l'intention de favoriser la construction de l'Europe de la défense est présente des deux côtés du Rhin, le problème portant essentiellement sur la disparité des budgets consacrés à la défense dans chaque pays. Il faut toutefois reconnaître que l'Allemagne a consenti beaucoup d'efforts pour l'aboutissement du programme A 400 M. De plus, il existe une véritable volonté de redresser, à terme, le niveau d'équipement de la Bundeswehr. Cette prise de conscience se traduit d'ores et déjà par un certain nombre de signes positifs, au premier rang desquels figure le souci de l'Allemagne de faire évoluer sa législation sur les investissements d'armement. Au demeurant, les coopérations franco-allemandes, dans les projets spatiaux notamment, sont efficaces. Il y a donc lieu de garder espoir à l'égard de l'avenir du couple franco-allemand dans l'Europe de la défense, sous réserve d'une évolution budgétaire à la mesure des intentions affichées.

En ce qui concerne les dotations du projet de loi de finances pour 2004 dans le domaine de la recherche et développement, les crédits augmenteront de 6 % par rapport à 2003, ce qui illustre une véritable volonté de redressement, même si son ampleur est un peu moindre qu'espéré. Il est exact que le financement des dépenses de recherche par les sociétés d'armement européennes, issues des restructurations réalisées en France et dans les autres Etats, n'est peut-être pas aussi stable qu'initialement envisagé. La DGA peut connaître avec exactitude l'évolution des crédits consacrés à la recherche par l'Institut Saint Louis, le commissariat à l'énergie atomique (CEA) et l'office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), mais elle doit effectuer des études sur les entreprises, afin de prendre la mesure de leurs besoins éventuels.

Constatant que l'objectif de diminuer le coût des programmes constitue un enjeu considérable, M. Jean-Claude Viollet a attiré l'attention sur l'intérêt d'une approche par coûts de possession, incluant l'entretien, les pièces de rechange et les services associés, et ce dès la définition des programmes, afin de contractualiser avec les industriels les engagements opérationnels attendus. Une telle démarche permettrait sans doute d'améliorer la disponibilité des matériels et constituerait, de surcroît, un atout pour l'exportation.

Puis, il a demandé si le plan de charge prévu dans le cadre du projet Giat 2006 ne correspondait pas à une vision minimaliste des perspectives d'activité de l'entreprise. Pourquoi l'échéance retenue est-elle 2006 et non 2008, année marquant la fin de la loi de programmation militaire ? De surcroît, quelles sont les perspectives d'évolution du secteur de l'armement terrestre au niveau européen ?

M. Yves Gleizes a indiqué que la diminution du coût des programmes résulte de la conjonction de l'action des directeurs de programme sur la conduite des devis avec les réajustements effectués par les officiers de programme au cours du développement des matériels et les propositions d'améliorations suggérées par les industriels eux-mêmes. Les coûts de possession sont difficiles à déterminer dès la phase de développement des équipements. La DGA réfléchit néanmoins à cette possibilité, comme l'illustre l'exemple de la réflexion engagée sur le second porte-avions, qui se fondera sur des études comparatives, reposant elles-mêmes sur l'expérience des porte-avions antérieurs.

Les métiers de Giat Industries vont profondément évoluer puisque l'entreprise va assurer le maintien en condition opérationnelle de systèmes d'armes complexes comme le char Leclerc. La date de 2006 correspond à une étape, il s'agissait de retenir une échéance suffisamment proche tout en fixant de solides perspectives de changement. A l'issue du plan social, Giat Industries emploiera 2 500 personnes environ, soit l'équivalent de l'entreprise britannique Vickers ou de ses homologues allemandes. Dès que Giat Industries se sera adapté à cette évolution, il sera possible d'envisager sa participation à une consolidation du secteur de l'armement terrestre en Europe.

M. Jérôme Rivière a souhaité savoir quel est l'état des réflexions de la DGA sur le fonctionnement de la defense procurement agency (DPA) britannique qui peut employer des techniciens extérieurs de haut niveau, qu'elle rémunère bien. La DGA examine-t-elle la possibilité de faire de même ? En outre, la conduite du programme de porte-avions britannique du futur (CVF), qui implique deux groupes industriels et la DPA, fait-elle l'objet d'analyses de la part de la DGA ?

M. Yves Gleizes a indiqué que la DPA britannique est seulement une agence d'acquisition de matériel. On peut douter légitimement du fait que le statut d'agence fournisse la liberté suffisante pour rémunérer au prix du marché des personnes dont les compétences sont recherchées. L'exemple du CNES montre que l'existence d'un contrôle financier limite très largement la capacité d'initiative. Au demeurant, le système britannique est particulièrement libéral et il est possible de s'interroger sur sa transposition en France.

En ce qui concerne l'architecture industrielle retenue par les Britanniques pour la construction de leurs porte-avions, il convient de garder à l'esprit que l'affichage des structures ne correspond pas toujours outre-Manche à la réalité de la répartition du pouvoir et des tâches. Là encore, la logique de gestion britannique mise en place sur le porte-avions diffère de la logique française.

Mme Patricia Adam a souhaité que le délégué général pour l'armement évoque la question de la situation et de l'avenir des chantiers de l'Atlantique.

M. Yves Gleizes a souligné qu'il s'agit d'un problème difficile, car, si les chantiers navals civils ont été florissants dans un passé récent, le cycle de leur activité s'est inversé et ils constituent désormais une charge. Le problème se pose dans les mêmes termes dans la plupart des pays européens. L'Etat a consenti de gros efforts pour la réforme de DCN et il n'est sans doute pas opportun que cette restructuration soit mise en danger par l'adossement de chantiers civils en difficulté. Il est toutefois possible d'imaginer un partage des tâches dans les prochains programmes de construction navale et la mise en place de sous-traitance.

II. -  AUDITION DE M. JEAN-FRANÇOIS BUREAU, DIRECTEUR DE LA DÉLÉGATION À L'INFORMATION ET À LA COMMUNICATION DE LA DÉFENSE

La commission a entendu M. Jean-François Bureau, directeur de la délégation à l'information et à la communication de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093), au cours de sa réunion du mercredi 29 octobre 2003.

M. Jean-François Bureau a indiqué que la création de la délégation à l'information et à la communication de la défense (DICOD) résultait de la réorganisation des services de communication de la défense opérée en 1998, dans le prolongement de la réforme des armées engagée en 1996. Placée sous l'autorité directe du ministre de la défense, cette délégation est chargée de définir et de mettre en oeuvre la politique générale d'information et de communication du ministère, ce qui la conduit à arbitrer entre les actions de communication des armées, des directions et des services du ministère en fonction des priorités définies par le ministre. Les services d'information et de relations publiques des armées et de la gendarmerie (SIRPA), les services de communication de l'état-major des armées, du secrétariat général pour l'administration (SGA) et de la délégation générale pour l'armement (DGA) ont pour mission de promouvoir l'image des armées, de valoriser leur action ainsi que de développer la communication interne ; ils constituent à ce titre les interlocuteurs permanents de la DICOD. L'établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD) réunit les moyens de production audiovisuelle et numérique de la défense, conserve les archives « images » des armées et des directions et valorise celles-ci. La nature des activités qu'il assume a conduit à lui donner davantage d'autonomie en l'érigeant en établissement public administratif en 2001.

Depuis sa création en 1998, la DICOD a cherché à mettre en _uvre une politique de communication fondée sur l'anticipation, afin d'identifier les sujets pouvant susciter des réactions au sein de l'opinion et de mener des études prospectives ; elle s'est également attachée à délivrer des informations de façon continue, par la tenue de points de presse hebdomadaires du ministère et par l'élaboration et la diffusion de documents d'information thématiques. La DICOD a développé les relations du ministère avec les médias, en organisant notamment à destination des journalistes des stages d'initiation aux situations de crise, qui ont obtenu un réel succès, ainsi qu'en s'appuyant sur les expériences passées pour mieux adapter ses actions de communication aux attentes de la presse. Afin d'améliorer l'accès aux informations relatives à la défense, la DICOD travaille en collaboration avec les SIRPA, qui sont représentés au niveau local et peuvent conduire des actions de communication de proximité ; la mise en place d'un site Internet ainsi que des rencontres Nation - défense contribuent également au développement de relations directes entre les forces armées et le grand public, de même que l'instauration des journées d'appel et de préparation à la défense (JAPD). La professionnalisation des personnes chargées de la communication de défense est assurée par la création de filières spécifiques au sein des services de la défense et par l'organisation, sous l'égide de la DICOD, de stages de formation communs à l'ensemble des personnels. De plus, la délégation est chargée de coordonner les campagnes de communication menées par les armées et les différents services, notamment dans le domaine du recrutement, et s'attache à développer des procédures d'évaluation et de contrôle de gestion, afin de mieux connaître et maîtriser ses coûts.

La DICOD, les SIRPA et l'ECPAD comptent environ 1 000 personnes, ce chiffre comprenant toutes les personnes qui consacrent plus du tiers de leur activité à la communication. Cet effectif est certes important au regard des autres administrations d'Etat, mais il ne représente que 0,25 % des effectifs totaux du ministère de la défense. Le budget global des services de communication du ministère (RCS comprises) s'élève à 73 millions d'euros, soit 0,23 % du budget de la défense. L'ensemble de ces services a été placé sous contrôle de gestion en 2001 et devrait disposer, après son raccordement au système Accord, d'un outil indispensable de comptabilité analytique.

Le ministère de la défense ayant demandé à la DICOD de réaliser d'importants efforts budgétaires en 2004, un plan énergique de réduction des dépenses a été élaboré en collaboration avec les états-majors et les services et permettra de diminuer de 3,6 millions d'euros les dépenses globales de communication, soit une baisse de 4,57 % par rapport à 2003. Des mesures d'effectifs conduiront à réduire les dépenses de rémunération et de charges sociales de 2,26 millions d'euros : 81 emplois seront supprimés, ce qui représente une part importante des réductions d'effectifs réalisées par le ministère de la défense dans son ensemble, lesquelles s'élèvent à 147 personnes. Des économies obtenues sur les dépenses de fonctionnement permettront de dégager 0,75 million d'euros, tandis que le budget d'édition des revues sera réduit de 0,6 million d'euros par rapport à 2003, soit une baisse de 10 %. Au total, la réduction des dépenses se traduira par une baisse des moyens de la DICOD et de l'ECPAD de 6,1 %, et de ceux des armées, directions et services allant de 2,8 % pour le SGA à 4 % pour la DGA, s'agissant de leurs activités de communication.

L'activité de la DICOD se décompose en actions permanentes et en actions structurantes, visant toutes les deux à développer l'esprit de défense. Tout d'abord, la DICOD est chargée des relations du ministère avec la presse, qui sont en net développement. 442 journalistes sont actuellement accrédités auprès du ministère. En 2002, 48 points de presse ont été organisés, parfois conjointement avec le ministère des affaires étrangères, auxquels ont participé 595 journalistes et à l'issue desquels sont parus ou ont été diffusés 377 articles ou sujets de télévision et de radio. 288 communiqués de presse ont été rédigés par la DICOD et 485 demandes de reportages ont pu être traitées. Au total, en 2002, 60 000 articles de presse ont concerné les questions de défense. Ces chiffres sont en progression sur la période allant du 1er au 30 septembre 2003, ce qui illustre l'intérêt croissant que suscitent les questions de défense : 31 conférences de presse ont été tenues et 230 communiqués de presse ont été diffusés. La DICOD contribue également à la communication opérationnelle, grâce au déploiement de 29 personnels militaires en 2002-2003 sur les théâtres d'opérations extérieures. Par ailleurs, elle a organisé en 2002 et 2003 quatre stages de sensibilisation aux risques encourus lors d'opérations extérieures, pour 94 journalistes. Un séminaire a été organisé en juin 2003 avec 70 journalistes français ayant suivi le conflit irakien pour tirer les enseignements de la couverture médiatique de cette crise. Enfin, la mise en place d'un point de presse électronique, permettant de répondre en permanence aux questions des journalistes par Internet, est prévue pour 2004.

Les supports d'information de la DICOD revêtent plusieurs formes. Mis en place en 1998, le site Internet du ministère de la défense constitue le premier moyen de communication et les visites de ce site progressent (3 millions de visites en 2002), le coût de connexion étant par ailleurs en constante diminution. La DICOD conduit une politique de publications complémentaire de celles de chacune des armées à travers l'édition d'« Armées d'aujourd'hui », magazine d'information conçu pour le grand public, d'« Objectif défense », revue destinée aux cadres du ministère, et « Esprit de défense », lettre électronique destinée aux leaders d'opinion. Outre ces revues, la DICOD assure l'édition et la publication de rapports et de documents d'information sur la politique de défense, tels que le rapport d'activité du ministère, l'annuaire statistique de la défense ou le rapport au Parlement sur les exportations d'armement. Le coût de fabrication et de diffusion de ces documents est en baisse, passant de 457 000 euros en 2002 à 188 588 au 30 septembre 2003. Sur le plan audiovisuel, la DICOD traite 220 demandes de collaborations en moyenne par an. Outre le succès d'une coproduction avec la chaîne « 13ème Rue », plusieurs sociétés de production étudient actuellement la réalisation de fictions sur les armées pour TF1 et France 2. En ce qui concerne la politique événementielle, l'année 2003 a été marquée par l'organisation des premières rencontres Nation-défense, qui ont rassemblé 530 000 personnes, pour un coût maîtrisé de 1,3 million d'euros. La DICOD a également apporté en juin 2003 son concours aux relais de la mémoire, visant à rapprocher les jeunes du monde de la Résistance.

D'autres actions plus structurantes ont également été conduites. Dans un souci d'anticipation, la DICOD élabore des plans de communication transversaux visant à répondre à des interrogations éventuelles à travers des argumentaires et des fiches d'analyse et définissant une analyse commune pour tous les services du ministère. Le dispositif permanent de suivi de l'opinion publique repose par ailleurs sur trois outils : le baromètre « Les Français et la défense », le baromètre « Image des armées » et les enquêtes permettant de mesurer l'évolution de l'opinion au cours d'un engagement opérationnel des forces armées. D'une façon générale, l'image des armées est bonne, celles-ci recueillant plus de 80 % d'opinions favorables, et s'est améliorée de façon continue depuis 1997. Par ailleurs, la hiérarchie qui s'était établie entre les différentes composantes des forces armées, l'armée de l'air étant mieux perçue que la marine et surtout l'armée de terre, s'estompe peu à peu. L'opinion publique a adhéré à la professionnalisation ; la priorité accordée au budget de la défense est approuvée par 54 % des personnes interrogées en 2003 (63 % en 2002).

La DICOD coordonne également les campagnes de recrutement pour les forces armées et organise des sessions de formation à l'attention des personnels civils et militaires impliqués dans les activités de communication. En 2002, 417 stagiaires ont été formés et plusieurs séances sur les relations avec la presse ont été intégrées lors du séminaire interarmées des grandes écoles militaires. Enfin, la DICOD procède à la modernisation de ses outils de communication, notamment dans la perspective de la création d'une agence interne d'informations sur la défense. Elle est également chargée de la refonte du contenu des enseignements de la JAPD.

Ses effectifs seront réduits en 2004 de 20 postes budgétaires, passant de 240 à 220 personnes. Les crédits de fonctionnement de la DICOD s'élèveront en 2004 à 8,17 millions d'euros, en diminution de 14,07 % par rapport à 2003, alors que la subvention de fonctionnement de l'ECPAD est identique à celle accordée en 2003 et s'établit à 1,9 million d'euros. Il est attendu de l'ECPAD un volume de recettes propres de 3 millions d'euros. Les ressources budgétaires totales mises à la disposition de la DICOD et de l'ECPAD diminuent de 15 % en 2004 par rapport à 2003 et, pour la seule DICOD, cette diminution atteint 18,5 % et porte principalement sur ses crédits de fonctionnement, ce qui la contraindra à procéder à des mesures d'économie drastiques, impliquant le report de projets importants.

Les trente-deux marchés de la DICOD ont été conclus pour un montant maximal de 8,8 millions d'euros. Disposant d'une dotation de 8,15 millions d'euros, elle sera obligée de tirer vers les minima les conditions d'exécution de chaque marché.

La communication de défense constitue un acteur direct de la réforme du ministère de la défense et de la consolidation de la professionnalisation. Elle est également un instrument indispensable du développement du lien des Français avec leur défense, qui repose d'abord sur la communication ; consolider ce lien implique d'améliorer en permanence la fonction de communication. Cet objectif est compatible avec les efforts budgétaires demandés à la DICOD, à qui il appartient d'améliorer la productivité de toute la fonction de communication.

Relevant l'évolution de l'image de chacune des armées auprès de l'opinion, M. Jean-Michel Boucheron a demandé si l'amélioration de l'image de l'armée de terre pouvait être attribuée au recours aux hautes technologies, à la fin de la conscription, à l'action menée dans le domaine humanitaire ou à d'autres raisons. Il a également souhaité avoir des précisions sur la perception par les Français de la dissuasion nucléaire.

M. Jean-François Bureau a répondu que c'était la proximité des actions de l'armée de terre par rapport aux Français qui avait conduit à cette évolution. L'armée de terre est en effet très impliquée pour les actions de protection du territoire et l'application du plan Vigipirate. Pour la première fois aussi et pour les mêmes raisons, l'opinion publique place l'armée de terre en tête des armées en ce qui concerne l'importance de ses missions.

La perception qu'ont les Français de la dissuasion reste héritée de la guerre froide. L'idée selon laquelle l'arme nucléaire constitue la garantie ultime de la sécurité du territoire demeure très répandue. Les Français considèrent néanmoins que l'arme nucléaire ne dissuade que les offensives elles-mêmes nucléaires et il peut être utile de renouveler les explications du concept de dissuasion, qui ne semble pas suffisamment connu dans le contexte de la prolifération.

En revanche, l'opinion publique a rapidement adhéré au nouveau concept d'emploi des forces et les actions de projection en opérations extérieures sont comprises et acceptées par les Français.

M. Michel Dasseux a attiré l'attention sur l'intérêt de deux outils de communication. En premier lieu, les correspondants de défense, nommés à raison d'un par commune, sont tout à fait disponibles et regrettent de ne pas se voir assigner de missions précises ; il convient donc de dynamiser le recours à ce moyen privilégié de renforcement du lien entre la Nation et son armée. En second lieu, la majorité des jeunes sont très intéressés par le contenu des JAPD et il serait souhaitable d'appuyer leur développement.

M. Jean-François Bureau a indiqué que la mise en place des correspondants de défense suscitait des échos très favorables. Le rythme de la constitution de ce réseau, qui a débuté au cours de l'année 2002, a impliqué une adaptation de la DICOD, ses fichiers répertoriant désormais 15 000 correspondants de défense. L'impatience de ceux-ci de se voir confier des missions se manifeste tous les jours et la DICOD va diffuser ses documents d'information (« Armées aujourd'hui ») auprès de ces correspondants. Cependant, elle ne peut à elle seule animer ce réseau. Les autorités militaires territoriales réunissent actuellement les correspondants de défense. Elle va aussi sensibiliser les délégués militaires départementaux au rôle de ces correspondants.

L'amélioration des JAPD doit porter sur la professionnalisation de ses intervenants et sur la modernisation des supports d'information. La ministre a par ailleurs demandé une refonte du contenu de la JAPD, sur laquelle la DICOD travaille. L'opportunité de rencontrer chaque année près de 800 000 jeunes ne peut être négligée. Les centres de recrutement constatent d'ailleurs l'influence de la participation à la JAPD sur les candidats qu'ils reçoivent.

M. Marc Francina a déploré que les demandes de désignation de correspondants de défense effectuées par les préfets auprès des conseils municipaux n'aient pas été accompagnées d'explications suffisantes sur leur rôle.

M. Jean-François Bureau a indiqué que les préfets avaient procédé conformément aux instructions données à l'été 2002 par le ministère de la défense et qu'il convenait sans doute de rédiger une nouvelle circulaire, en coopération avec le ministère de l'intérieur, afin d'aboutir à une meilleure explication du rôle des correspondants de défense, alors que l'objectif d'un correspondant par commune va être bientôt atteint. Pour 2004, l'un des objectifs pourrait être d'organiser une assemblée de l'ensemble de ces correspondants.

III. -  EXAMEN DES CRÉDITS

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Yves Le Drian, les crédits des services communs pour 2004, au cours de sa réunion du mercredi 29 octobre 2003.

Le rapporteur pour avis ayant déclaré s'en remettre à la sagesse de la commission, celle-ci a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des services communs pour 2004.

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Au cours de sa réunion du mercredi 29 octobre 2003, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la défense pour 2004, les membres du groupe socialiste votant contre.

N° 1114 - tome IX - Avis de M. Jean-Yves Le Drian au nom de la commission de la défense sur les services communs du budget de la défense du projet de loi de finances pour 2004


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() Le 5 septembre 2003, l'Espagne a annoncé une commande de 24 appareils et va devenir à ce titre membre de ce programme.

() Décret n° 2002-832 du 3 mai 2002 relatif à la situation des personnels de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale prévue à l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001.

() Loi n° 2003-478 du 5 juin 2003 portant diverses dispositions relatives à certains personnels de DCN et Giat Industries.

() Rapport d'information n°335 de M. Christian Ménard : « Le service de santé des armées : une décennie de transition ».