N° 1114

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 octobre 2003.

AVIS

PRÉSENTÉ

TOME I

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

PAR M. François Lamy,

Député.

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S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 5

I. -  LA FRANCE ET L'EXERCICE DES RESPONSABILITÉS INTERNATIONALES 7

A. DES CONTRIBUTIONS POSITIVES À L'ONU 7

1. Un appui permanent à l'équilibre financier de l'ONU 7

2. Une action toujours favorable aux capacités opérationnelles de l'ONU 8

B. UNE PARTICIPATION TOUJOURS FORTE AUX OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX 9

1. Les opérations déléguées par le Conseil de sécurité 9

2. Les opérations dirigées par le DOMP 12

3. Les opérations sous commandement national 13

II. -  UNE ACTION POSITIVE EN FAVEUR DES CAPACITÉS EUROPÉENNES DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE 17

A. LA FRANCE ET LA RÉORGANISATION DE L'OTAN 17

1. Une alliance transformée 17

2. Une réorganisation profonde du dispositif militaire 18

3. Des budgets raisonnablement maîtrisés 19

B. LE DÉVELOPPEMENT DES CAPACITÉS DE L'UNION EUROPÉENNE 20

1. Les capacités de décision et de planification 20

2. La détermination des forces et le développement des équipements 22

3. Des engagements opérationnels d'ampleur 23

4. Un budget de sécurité et de défense en progression 25

III. -  QUELLE COOPÉRATION MILITAIRE ET DE DÉFENSE POUR LA FRANCE ? 27

A. UN OUTIL DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE 27

1. Les moyens budgétaires et les axes d'action 27

2. Les actions au profit des forces militaires 28

3. Les actions relatives au maintien de la paix et au maintien de l'ordre 29

B. DES CHOIX QUI MERITERAIENT D'ÊTRE CLARIFIÉS 31

1. Une situation budgétaire critique 31

2. Le cantonnement de la DCMD à l'Afrique, une solution durable ? 33

3. Une réforme qui n'ose pas dire son nom 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

INTRODUCTION

Les crédits des affaires étrangères relatifs aux actions de sécurité et de défense intéressent légitimement la commission de la défense nationale et des forces armées. Ce sont les crédits destinés aux cotisations françaises à l'ONU et aux dépenses relatives à l'Europe de la défense, qui figurent au chapitre 42-31, et les crédits de la coopération militaire et de défense, qui figurent au chapitre 42-29.

Comme les années précédentes, la France tient cette année à contribuer à la solidité financière de l'ONU, par ses cotisations tant au budget ordinaire qu'au budget des opérations de maintien de la paix. Cette politique contribue à forger une capacité de résistance internationale aux volontés unilatéralistes et relève de la légitimité de la place de la France au Conseil de Sécurité.

La politique menée en matière de sécurité et de défense européennes connaît des succès constants. Après que l'Union européenne a créé les instruments dont elle avait besoin pour conduire des opérations de gestion de crise, elle a pu mettre sur pied de telles opérations. La France y a tenu un rôle crucial. Les évolutions en cours à l'OTAN semblent aussi désormais permettre un consensus sur une ligne de partage des rôles entre l'OTAN et l'Union européenne plus conforme aux souhaits de notre pays.

L'an dernier, l'évolution très défavorable des crédits de la coopération militaire et de défense posait la question du maintien de celle-ci au sein du ministère des affaires étrangères et de son éventuel transfert au ministère de la défense. L'absence de redressement des crédits cette année, un certain nombre de décisions du conseil de défense, semblent montrer qu'une décision a été prise. Si tel est le cas, il n'est pas convenable que la réforme en cours ne soit pas clairement formulée et présentée au Parlement.

I. -  LA FRANCE ET L'EXERCICE DES RESPONSABILITÉS INTERNATIONALES

Les relations internationales d'aujourd'hui s'inscrivent dans un droit international unique et un système global, le système des Nations Unies. La France y exerce des responsabilités éminentes, puisqu'elle est membre permanent du Conseil de sécurité, avec droit de veto, et puissance nucléaire. Tous les Etats membres n'ont pas la même politique envers l'ONU. Le chapitre 42-31 du budget des affaires étrangères concourt à celle de la France.

Le budget annuel de fonctionnement de l'ONU est de 1,25 milliard de dollars. Il est constitué des cotisations des Etats membres. S'y ajoutent le budget des opérations de maintien de la paix, qui évolue en fonction du nombre et de l'importance de ces opérations, mais qui est plutôt au moins de l'ordre du double, et divers autres budgets, de montant modeste.

La situation financière de l'ONU était traditionnellement marquée par la difficulté que créait à l'institution le déficit entraîné par le refus des Etats-Unis de payer les cotisations demandées. L'organisation ayant accepté fin 2000 de réduire les quotes-parts des Etats-Unis à 22 % pour le budget ordinaire et à 27,3 % pour celui des opérations de maintien de la paix, ceux-ci ont entrepris d'apurer l'arriéré de leur dette. Le total des arriérés de cotisation au budget ordinaire de l'ONU est de 305 millions de dollars. Les arriérés des Etats-Unis ne sont plus que de 190 millions de dollars, ce qui représente encore 62 % du total, contre 627 millions de dollars il y a un an.

L'amélioration de la situation du budget ordinaire vaut aussi pour celui des opérations de maintien de la paix. Le montant des arriérés à ce titre est aujourd'hui de 1,336 milliard de dollars, son plus bas niveau depuis longtemps. La dette américaine compte pour 536 millions de dollars, soit 40 % du montant total. Une poursuite de l'amélioration dans ce domaine paraît cependant difficile. En effet, la législation américaine interdit à l'administration de prendre en charge plus de 25 % des dépenses des opérations de maintien de la paix ; les Etats-Unis ne règlent donc régulièrement que 91,6 % de la contribution qu'ils doivent au titre de celles-ci. Leur dette a ainsi mécaniquement repris sa croissance.

La France, elle, a pour habitude de payer ses cotisations, si possible à temps. Cette année encore, elle est à jour, tant pour le budget ordinaire que pour le budget des opérations de maintien de la paix. Comme dans le cas des Etats-Unis, cette attitude est la manifestation d'une politique étrangère. La France a la volonté de contribuer à conforter le rôle d'enceinte de décision et de modérateur des crises internationales de l'ONU. Les termes de l'opposition entre la France et les Etats-Unis sur l'intervention en Iraq l'ont montré. Cette année encore, les crédits provisionnés au chapitre 42-31 doivent permettre le paiement de l'intégralité de la cotisation due par la France.

Cotisations de la France au budget ordinaire de l'ONU

(en euros)

1999

2000

2001

2002

2003

57 497 470

68 271 408

68 853 049

81 729 937

82 934 155

La France souhaite aussi que l'ONU puisse conduire elle-même des opérations de maintien de la paix. La légitimité d'un contingent envoyé par l'ONU est en effet toujours forte. Elle est d'autant plus nécessaire si l'opération doit s'inscrire dans la durée et que les forces qui la composent n'ont pas les capacités de protection que peuvent avoir, par exemple, celles des Etats membres du Conseil de sécurité. La France a donc joué un rôle important dans la réforme du département des opérations de la paix (DOMP) au sein du secrétariat général, à la fin des années 1990. Le DOMP est chargé de planifier, de constituer, de déployer les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et d'en assurer la direction stratégique.

Le nombre d'opérations en cours est aujourd'hui de quinze. Elles mobilisent près de 35 000 « casques bleus ». Cependant, si les opérations confiées au DOMP peuvent impliquer des effectifs nombreux, celui-ci, comme la France ou d'autres, est désormais attentif à ce que la nature et l'ampleur de la mission ne dépassent pas les capacités de la force dépêchée sur place, ni les capacités de conduite du DOMP lui-même. Ainsi, la très grande difficulté de la MONUC, en République démocratique du Congo, à s'imposer dans la zone de l'Ituri a entraîné la création à la demande de l'ONU d'une mission de l'Union européenne chargée d'y rétablir les éléments d'une sécurité acceptable ; ce n'est qu'une fois celle-ci obtenue qu'il a pu être envisagé d'y faire pénétrer la MONUC.

La participation des Etats sur le terrain aux opérations de maintien de la paix créées par l'ONU est rémunérée par celle-ci, selon des barèmes assez complexes. La reprise des opérations de maintien de la paix de l'ONU à partir de 1999 a donc entraîné une forte hausse des appels de cotisations au titre du budget consacré à ces opérations. Néanmoins, après un point haut atteint en 2001, année où l'appel de fonds pour la France s'est élevé à 279,72 millions d'euros, les appels ont diminué du fait de l'achèvement de certaines opérations ou la diminution d'intensité de certaines autres, comme la MANUTO au Timor Oriental. Ceux demandés à notre pays sont revenus à 158,79 millions d'euros en 2002 et 127,66 en 2003. Certains appels de fonds, devenus inutiles, ont même été remboursés aux Etats qui les avaient versés. L'article 12 du chapitre 42-31 du budget du ministère des affaires étrangères, qui est désormais l'article consacré aux opérations de maintien de la paix de l'ONU, prévoit 136,22 millions d'euros pour celles-ci. Le volume et le coût des opérations de maintien de la paix pourraient cependant remonter si les missions en cours de déploiement en Afrique, comme la MINUL au Libéria ou la MONUC, devaient s'installer dans la durée tout en réclamant des effectifs importants.

Cotisations de la France au budget des opérations de maintien de la paix de l'ONU

(en euros)

1999

2000

2001

2002

2003

81 379 603

150 956 389

279 717 178

158 789 708

127 659 942

Les opérations internationales de maintien de la paix se répartissent désormais en deux catégories. Les opérations les plus importantes, celles qui requièrent l'emploi des moyens les plus lourds et les plus modernes, sont confiées par le Conseil de sécurité à des coalitions, régionales ou ad hoc, dont il sait qu'elles ont les capacités opérationnelles requises. À vrai dire, ce sont d'abord ses membres qui les composent : les membres du Conseil de sécurité ne laissent plus à personne d'autre qu'eux-mêmes le soin de conduire les opérations les plus importantes. Le DOMP se voit confier des opérations moins difficiles. Même si les opérations qu'il conduit peuvent mobiliser plus de 10 000 militaires et civils, ce qui implique déjà une capacité d'organisation considérable, elles se caractérisent par une intensité moindre et un besoin de capacité de frappe moins important. Conformément à son statut au sein de l'ONU, la France participe à ces deux types d'opérations. La nature de sa participation est cependant différente selon les cas. La France conduit aussi des opérations dans un cadre bilatéral, en application de l'article 51 de la Charte. Leur importance relative reste volontairement limitée.

Membre du Conseil de sécurité, la France est présente au sein des opérations les plus lourdes décidées ou acceptées par celui-ci. Ces opérations mobilisent l'essentiel des forces qu'elle affecte aux opérations militaires extérieures. Huit opérations de ce type en cours.

Après la fin de la période la plus active de la lutte contre Al Quaïda, ce sont les Balkans qui sont redevenus le principal théâtre d'opérations militaire international. Cinq opérations menées en coalition sur le fondement juridique d'une résolution du Conseil de sécurité leur sont consacrées.

Au Kosovo, la KFOR, décidée en juin 1999 et conduite par l'OTAN, est en quelque sorte le bras armé de la mission d'administration de l'ONU au Kosovo, la MINUK. Elle a pour mission de maintenir la paix civile et d'assurer le maintien de l'ordre et la sécurité publique dans la province du Kosovo. L'amélioration de la situation a permis de réduire les effectifs de la KFOR d'un tiers environ depuis l'an dernier. Elle mobilise aujourd'hui 24 000 militaires environ. La proportion des militaires français s'est cependant accrue, puis qu'ils sont 4 300 environ, contre 5 700 en 2002. La France devrait prendre le commandement de la KFOR en octobre 2004.

En Bosnie-Herzégovine, la SFOR, également conduite par l'OTAN, et dont les tâches sont comparables à celles de la KFOR, continue elle aussi, du fait de l'amélioration de la situation, de voir son dispositif s'alléger. L'effectif est passé de plus de 16 000 militaires en 2002 à 11 700 cette année. L'effectif français n'y est plus que de 1 400 militaires environ.

La SFOR est accompagnée de deux missions de moindre ampleur, dirigées par l'Union européenne. L'EUMM (European Union Monitoring Mission ou Mission d'observation de l'Union européenne), présente depuis 1991, compte 128 observateurs, dont 16 Français. Surtout, la MPUE, ou Mission de police de l'Union européenne a remplacé depuis le 1er janvier la mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH). Cette mission de création et de formation d'une police aux mêmes règles que celles des Etats de l'Union comporte 486 personnes ; avec 49 gendarmes et 30 policiers, la France est le deuxième contributeur à la MPUE et en assure le commandement en second.

L'Union européenne a pris le relais de l'OTAN en Macédoine, où l'opération Concordia a succédé à l'opération Amber Fox, avec là aussi la mission de contribuer à la stabilité du pays et à la sécurité de ses habitants. Concordia, dont la France assure le commandement, comporte 438 militaires dont 171 Français. Elle utilise un certain nombre de moyens de soutien et de liaison de l'OTAN.

Enfin, à la demande de l'ONU, l'Union européenne a également engagé, pour la première fois, une opération en Afrique, pour le rétablissement de la paix dans la région de l'Ituri, en République démocratique du Congo. Il s'agissait de permettre le redéploiement de la MONUC dans cette région. La France a d'abord répondu seule à la demande du secrétaire général de l'ONU, puis a assumé le rôle de nation-cadre lorsque l'Union européenne a accepté de s'engager. La mission de la force, dénommée Artémis, et Mamba pour la participation française, a été définie par la résolution n° 1484 du Conseil de sécurité du 30 mai 2003. L'opération a été transférée à l'Union le 16 juin. Elle devait s'achever le 1er septembre, avec l'installation de la MONUC. Artémis aura déployé 1 860 militaires, dont 1 660 Français.

Les opérations en Afghanistan ne mobilisent plus que 7 300 militaires, dont un peu plus de 1 500 Français. La France y participe dans trois cadres différents. Le premier, dénommé Héraclès, est la participation française à Enduring Freedom, opération de lutte contre Al Quaïda et le régime taliban, qui continue à s'appuyer sur les résolutions du Conseil de sécurité n° 1368 du 12 septembre 2001, n° 1373 du 28 septembre 2001, n° 1377 du 12 novembre 2001 et n° 1378 du 14 novembre 2001. La seconde composante, dénommée Pamir, est la participation à la FIAS (Force internationale d'assistance pour la sécurité). Créée par la résolution du Conseil de sécurité n° 1386 du 20 décembre 2001, et prorogée par la résolution n° 1510 du 13 octobre 2003, la FIAS a pour objet la sécurisation, autant que possible, du pays, et la formation de l'armée afghane. Depuis 2003, elle est désormais placée sous le commandement de l'OTAN, plus précisément du SACEUR. La participation française à la formation de l'armée afghane est dénommée Epidote.

Enfin, la France continue à participer à l'opération FMO, qui est une petite opération multilatérale d'observation entre Israël et l'Egypte, en accord avec ces deux Etats.

L'opération Southern Watch, opération de surveillance aérienne de l'Iraq menée depuis 1992 en conséquence de la Guerre du Golfe, s'est achevée le 11 juin 2003, à l'issue de la guerre du printemps 2003, menée par la coalition américano-britannique. La fin de l'opération a entraîné celle de la participation française, qui ne comportait plus depuis longtemps que des vols d'entraînement.

la France et les opérations déléguées
par le conseil de sécurité

Opération

Date de création

Objet

Effectifs

Surcoûts (1)

Total

Français

Joint Forge (SFOR)

1996

Maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine

11 753

1 373

78,34

EUMM

1991

Mission d'observation en Bosnie-Herzégovine

128

16

0,07

Joint Guardian (KFOR)

1999

Rétablissement de la paix au Kosovo

23 972

4 268

191,73

MPUE

2003

Formation de la police en Bosnie-Herzégovine

486

49

1,53

Concordia

2003

Maintien de la paix en Macédoine

438

171

2,03

Southern Watch

1992

Surveillance aérienne de l'Iraq

6 000

211

6,43

FMO (Israël-Égypte)

1981

Contrôle et application des accords de Camp David

1 900

17

0,77

Héraclès, ISAF et Epidote (Afghanistan)

2001 - 2002

Lutte contre Al Qaïda

Maintien de la paix et formation des forces

7 300

1 516

66,35

Artémis

2003

Rétablissement de la paix en République démocratique du Congo

1 858

1 659

46,58

TOTAL

53 835

9 280

393,83

(1) Surcoûts estimés pour l'année, en millions d'euros, au 1er juin 2003.

Source : ministère de la défense.

La participation de la France aux opérations dirigées par le DOMP est de nature différente. Elle n'est présente que dans les missions où elle considère que sa présence peut avoir un réel intérêt, pour elle et les pays dans lesquels elles s'exercent. Ainsi, elle ne participe pas à l'UNMOGIP (surveillance de la frontière indo-pakistanaise), décidée en 1949, ni aux missions d'interposition et d'observation que sont l'UNFICYP (à Chypre), depuis 1964, et l'UNDOF (Golan), depuis 1974 (la règle fixée pour l'UNDOF était qu'aucun pays membre permanent du Conseil de sécurité ne devait y participer). Elle ne participe pas à la MANUTO, au Timor oriental. Enfin, en Afrique, elle ne participe pas à la MINUL, au Libéria, et elle a mis fin à sa participation symbolique à la MINUSIL en Sierra Leone.

Les personnels détachés par la France sont peu nombreux. Ce sont soit des officiers de liaison, soit des observateurs, et non des membres des forces. Ainsi, elle fournit trois observateurs à la MONUG, en Géorgie, à la demande des Géorgiens, 25 à la MINURSO (Sahara occidental) et un à la MINUEE à la frontière entre l'Erythée et l'Ethiopie. Elle a mis fin à sa participation à la MONUC à l'occasion du déclenchement de l'opération Mamba. Cette situation est logique de la part d'un membre du Conseil de sécurité. Il serait contradictoire que la France décide que la situation sur un théâtre ne justifie pas d'y employer des capacités du type de celles dont elle dispose, et en même temps qu'elle y affecte des effectifs nombreux.

Deux cas très particuliers dérogent seuls à la règle. Ainsi, la France fournit 76 gendarmes à la MINUK, au Kosovo, mais la sécurité première de celle-ci est assurée par la KFOR. Il existe enfin une seule opération à laquelle elle fournisse des forces à proprement parler : la FINUL au Liban, créée en 1978 ; mais les conditions de participation à la FINUL sont un héritage du passé, que la France ne saurait remettre unilatéralement en cause sans que cela soit considéré comme un acte de politique internationale significatif. Eu égard à la fin de l'occupation israélienne du Liban sud, le format de la FINUL a du reste été réduit à environ 2 000 militaires à la fin de l'année 2002. La participation française est désormais de 234 militaires.

La participation française aux opérations de l'ONU en 2002 s'est ainsi limitée à 347 militaires, à comparer aux effectifs qu'elle affecte aux missions conduites en coalition et aux 15 350 personnels présents dans l'ensemble des opérations de l'ONU auxquelles la France participe. La mise à disposition d'observateurs et de personnels des forces de l'ordre ne donne pas lieu à remboursement de la part de l'ONU. Le tableau ci-après retrace la participation française aux missions dirigées par le DOMP.

la france dans les opérations conduites par le domp

Opérations

Date de création

Objet

Effectif
de la force

Français

Surcoûts (1)

ONUST

1948

Surveillance de la trêve (Israël, Égypte, Syrie, Jordanie)

155

2 observateurs

0,04

FINUL
(Liban)

1978

Rétablissement de la paix au Sud-Liban

2 029

234

6,44

MONUIK
(Koweït)

1991

Surveillance de la zone démilitarisée

13

1 observateur

0,06

MINURSO
(Sahara occidental)

1991

Supervision du cessez-le-feu

254

25 observateurs

2,05

MONUG
(Géorgie)

1993

Supervision du cessez-le-feu

116

3 observateurs

0,17

MINUK
(Kosovo)

1999

Administration du Kosovo

4 135

76 gendarmes

2,95

MONUC
(Congo)

1999

Supervision du cessez-le-feu

4 575

5 observateurs

1,89

MINUEE
(Ethiopie-Erythrée)

2000

Supervision du cessez-le-feu et de la zone démilitarisée

4 077

1 observateur

0,06

TOTAL

15 354

347

13,66

(1) surcoûts estimés au 1er juin 2003 pour l'année, en millions d'euros.

     

Source : ministère de la défense.

     

Enfin, la France continue de conduire des missions sous commandement national, en application de l'article 51 de la Charte des Nations Unies. En 2003, ces opérations sont au nombre de six, dont quatre reconduites de l'an dernier.

L'opération Corymbe est une mission de présence d'un bâtiment de la marine nationale, de nature et de tonnage plus ou moins importants selon la situation dans la sous-région, conduite au large des côtes africaines du Golfe de Guinée. L'opération Algérie (Ambassade) est, comme son nom l'indique, une opération de protection d'ambassade. Son effectif s'est beaucoup réduit avec la diminution de la gravité de la situation en Algérie. Ces deux missions s'analysent comme des missions de souveraineté.

Deux missions d'assistance bilatérale au long cours dans le cadre de l'article 51 de la Charte sont reconduites de l'an dernier. L'opération Aramis, au Cameroun, est une mission de soutien à un pays allié au titre d'un accord de défense, dans le cadre d'un différend frontalier, celui de la presqu'île de Bakassi, avec l'un de ses voisins, le Nigeria. L'opération Furet correspond à un renforcement des capacités des troupes françaises du Gabon, peut-être pour les mêmes raisons. En juin 2003, 116 militaires étaient engagés dans ces opérations.

Enfin, la France conduit en Afrique deux opérations beaucoup plus amples. La première, lancée en septembre 2002, est l'opération Licorne en Côte d'Ivoire. Forte de 3 850 militaires, équipés de 19 hélicoptères, 3 avions de transport tactique, 40 blindés à roues munis de canons et 270 véhicules de transport blindés, elle a pour objet d'assurer la sécurité des ressortissants français ou de pays amis, de préserver la stabilité de la Côte d'Ivoire, de contribuer à l'application du processus de Marcoussis et de soutenir la MICECI, la force africaine de 1 500 militaires de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest).

À vrai dire, lancée comme une opération nationale avec le soutien du gouvernement légal ivoirien, Licorne pourrait tout aussi bien aujourd'hui être rangée parmi les opérations effectuées par délégation du Conseil de sécurité. Par sa résolution n° 1464 du 4 février 2003, le Conseil de sécurité a en effet repris à son compte les missions définies tant pour Licorne que pour la MICECI et a placé leur action sous le chapitre VII de la Charte. Par sa résolution n° 1479 du 13 mai 2003, il a créé la MINUCI (Mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire), destinée à intervenir en complément de la France et de la CEDEAO. La légitimité des opérations Licorne et MICECI a été prorogée par la résolution n° 1498 du 6 août 2003. Les conditions de prorogation de cette opération sont une démonstration supplémentaire de l'action de la France en faveur de l'affirmation de l'ONU comme instance supérieure de légitimité de l'action armée internationale, puisqu'une opération bilatérale, puis multilatérale, a été placée sous l'autorité de celle-ci.

La deuxième opération, proche de l'opération Licorne dans ses modalités de conduite, sinon par son ampleur, est l'opération Boali en République centrafricaine. La situation en RCA a amené les Etats de la communauté économique et monétaire des Etats d'Afrique centrale, la CEMAC, à y dépêcher une force d'interposition. La France a décidé parallèlement d'y déployer un bataillon de 185 militaires pour soutenir l'action de la CEMAC et concourir à la protection de ses ressortissants. Le bataillon Boali assure notamment la sécurité de l'aéroport de Bangui.

opérations extérieures sous commandement national

Opérations

Date de création

Objet

Effectif
de la force

Surcoûts*

 

Corymbe (Golfe de Guinée)

1991

Présence au large des côtes africaines

270 (1)

13,99

Aramis (Cameroun)

1996

Soutien de la France au Cameroun dans le cadre de l'accord de défense

64

2,62

Amb. Algérie

1993

Garde et protection de l'ambassade

52

ND

Furet (Gabon)

1998

Renforcement des capacités des troupes françaises au Gabon

38

5,31

Licorne (Côte d'Ivoire)

2002

Appui à la stabilité de la Côte d'Ivoire et soutien à la MICECI

3 850

134,03

Boali (Centrafrique)

2003

Soutien à la CEMAC

185

0,85

 

TOTAL

4 459

156,80

* Surcoûts estimés pour l'année, en millions d'euros, au 1er juin 2003.

(1) L'effectif varie en fonction du type de bâtiment présent sur zone (aviso, frégate, TCD).

Source : ministère de la défense.

En fin de compte, en 2003, la France aura fourni à peu près le même effort qu'en 2002 pour le maintien de la paix dans le monde. Au 1er juin, elle déployait 14 086 militaires à ces fins, contre 13 534 un an plus tôt.

Dans la mesure où près du tiers des forces a été déployé dans un cadre bilatéral, réduisant la part des opérations en coalition sous résolution de l'ONU aux deux tiers environ, contre plus de 90 % l'an dernier, un premier examen pourrait faire penser qu'il y a là un retour du bilatéralisme. Cependant, la réintégration de l'opération Licorne au sein des opérations conduites par délégation du Conseil de sécurité fait remonter les proportions à leur répartition de 2002. La conclusion qui peut être tirée est donc la constance de l'effort de la France en faveur du maintien de la paix sous l'égide de l'ONU, en termes tant opérationnels que de politique étrangère.

participation de la france aux opérations de maintien de la paix

(en millions d'euros)

 

Effectif des forces

France

Effectif

Surcoûts

Opérations en coalition

53 835

9 280

393,83

Opérations dirigées par le DOMP

15 354

347

13,66

Opérations sous commandement national

4 459

4 459

156,80

TOTAL

73 648

14 086

564,29

 

II. -  UNE ACTION POSITIVE EN FAVEUR DES CAPACITÉS EUROPÉENNES DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE

L'expression en commun par les Etats européens d'une politique de sécurité et de défense passe désormais par deux institutions. L'organisation du traité de l'Atlantique nord, l'OTAN, est la plus ancienne. Longtemps la seule à mettre en _uvre des forces, elle doit cependant tenir compte des avancées dans ce domaine de l'Union européenne. Celle-ci affirme désormais en effet des capacités à conduire des opérations.

La France fait entendre sa voix dans l'une et l'autre institutions, afin de réaliser ses objectifs de création d'une Europe politique. Les crédits des affaires étrangères concourent au fonctionnement courant de son action dans ce domaine.

L'évolution des relations internationale en Europe au cours de la dernière décennie a eu de profondes répercussions sur l'Alliance atlantique. Créée en 1949 comme une alliance défensive permettant aux Etats d'Europe occidentale de s'adosser à la garantie américaine face à l'Union soviétique et à ses alliés du Pacte de Varsovie, dotée à ces fins d'une puissante organisation militaire intégrée, l'Alliance atlantique a pu s'interroger sur ses raisons d'être et ses objectifs dans une Europe désormais caractérisée par des relations de coopération pacifique.

Sur le plan politique, l'Alliance a vu se tourner vers elle l'ensemble des Etats de l'ex-Europe communiste, désireux de profiter de la protection qu'elle pouvait leur offrir face à leur grand voisin, toujours peu ou prou identifié à la puissance militaire de l'Union soviétique. Après l'accession de la République tchèque, de la Pologne et de la Hongrie, le sommet de Prague, tenu en novembre 2002, a accepté les candidatures de la Slovénie, la Roumanie, la Slovaquie, la Bulgarie, ainsi que des trois Etats baltes anciennement inclus au sein de l'URSS, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie. Parmi les Etats de l'Europe orientale et balkanique, il ne reste plus guère que la Croatie, la Serbie-Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine et l'Albanie à ne pas encore avoir été invitées à rejoindre l'OTAN. Ces Etats, à l'exception récente de la Croatie, sont aussi le théâtre privilégié des interventions militaires de l'OTAN.

La nature de la menace contre laquelle l'OTAN protégerait ses nouveaux membres est quant à elle devenue assez confuse. Le 28 mai 2002 à Rome, a été créé le Conseil OTAN-Russie. La nouvelle structure réunit 20 partenaires égaux pour traiter de thèmes d'intérêt commun. Il existe aussi un partenariat et un dialogue spécifiques entre l'OTAN et l'Ukraine.

Cette évolution est conforme au concept stratégique adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement lors du sommet de l'OTAN de Washington en avril 1999. Le concept stratégique réaffirme certes les missions traditionnelles de l'OTAN. La vocation de l'OTAN demeure la défense collective, la sauvegarde de la liberté, de la paix et de la sécurité de tous ses membres par des moyens politiques et militaires. C'est le rappel des dispositions de l'article 5 du traité de Washington, fondement de la défense collective. Pour la sécurité commune, le nouveau concept stratégique mentionne aussi, deux ans et demi avant le 11 septembre 2001, de nouvelles menaces, telles que le terrorisme ou la prolifération des armes de destruction massive.

Cependant, au-delà de la sécurité commune, de nouveaux axes d'action sont fixés à l'OTAN pour assurer et renforcer la sécurité et la stabilité de la région euro-atlantique. Il est précisé que l'Alliance doit s'efforcer de « contribuer à la prévention efficace des conflits et s'engager activement dans la gestion des crises, y compris des opérations de réponse aux crises ». Les missions « non article 5 » deviennent un des éléments essentiels de la nouvelle architecture de l'Alliance.

La nécessité d'un partenariat fort, stable et durable de l'OTAN avec la Russie est affirmée. L'importance pour l'OTAN des pays de la Méditerranée est également soulignée.

Le nouveau concept stratégique ne peut éluder le développement des capacités de défense de l'Union européenne. Il admet donc le développement, au sein de l'Alliance, d'une identité européenne de sécurité et de défense (IESD) et prévoit l'accès de l'Union européenne à des capacités de planification de conduite d'opérations et de moyens de l'OTAN.

Dans ce nouveau contexte, l'intérêt des capacités militaires de l'OTAN a été mis en doute. Les nouveaux accédants rejoignent l'OTAN avec des forces armées aux capacités très limitées. À vrai dire, nul ne se soucie vraiment qu'elles soient portées au standard de l'Alliance. Après les événements du 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont aussi décliné les offres de services militaires de l'OTAN, pour n'accepter que celles de deux de leurs alliés dont ils connaissent et apprécient les capacités, la France et le Royaume-Uni. Les combats en Afghanistan ont aussi montré que les forces américaines ne respectaient pas forcément les standards de l'OTAN. Inversement, lors de la crise irakienne, l'OTAN n'a pu intervenir en tant que telle du fait de l'hostilité de certains membres européens, dont la France, aux opérations.

Après une période de flottement assez longue, pendant laquelle la confusion des orientations opérationnelles de l'OTAN contrastait avec le dynamisme de l'Union européenne, qui se dotait successivement de tous les outils d'une alliance militaire opérationnelle, l'OTAN a entrepris une réorganisation importante de son dispositif militaire.

Aux termes des décisions du sommet de Prague, les commandements stratégiques sont réformés. Il n'y en aura plus que deux. L'allied command transformation (ACT) sera le commandement fonctionnel. Basé aux Etats-Unis, il sera chargé, à partir de l'analyse des expériences, de la transformation des capacités militaires et de l'élaboration des concepts et des doctrines d'emploi. L'allied command operations (ACO) sera, lui, le commandement opérationnel. Il sera basé en Europe, à Bruxelles. En pratique, cela signifie que le SACEUR prend la responsabilité opérationnelle de la zone atlantique.

La nouvelle structure de commandement opérationnelle comprend désormais trois postes de commandement déployables, dont un embarqué. La création d'une force de réaction rapide, la NRF ou Nato response force, a aussi été décidée. Cette force, rapidement déployable, capable de soutenir des opérations de longue durée, devrait être opérationnelle en octobre 2004. Comme le chef d'état-major des armées l'a exposé à la commission, la France a décidé de prendre toute sa place au sein de la NRF. Il en est de même des commandements stratégiques. L'achèvement de la réforme du commandement devrait permettre la relance des travaux sur les GFIM, les noyaux d'état-major de groupes de forces interarmées multilatérales. Les états-majors opératifs de la NRF correspondent en effet à ce concept.

Enfin, pour assumer la nouvelle mission de lutte conjointe contre le terrorisme, le développement de méthodes de travail en commun, notamment dans le domaine du renseignement, est en cours, ainsi que la matérialisation de capacités et d'équipements de protection.

Son dispositif réorganisé, l'OTAN a entrepris d'assumer des missions nouvelles. C'est ainsi, dans le respect du concept stratégique, que l'OTAN a pris la relève de la FIAS, en Afghanistan.

L'OTAN dispose de trois budgets : le budget civil, dont la cotisation française figure au chapitre 42-31 du budget des affaires étrangères, le budget militaire et le budget d'investissement.

Le plafond des ressources allouées en 2004 n'a pas été communiqué au rapporteur. En 2003, le budget civil aura été de 170 millions d'euros. Il était en hausse de 4 %, du fait de dépenses supplémentaires à prévoir pour l'accueil de nouvelles délégations et de dépenses de sécurité à effectuer après les attentats du 11 septembre 2001. La quote-part française est de 13,85 %. Elle devrait diminuer après l'élargissement à venir en 2004. Pour 2004, la cotisation française devrait être de l'ordre de 26 millions d'euros.

Le budget militaire, qui recouvre les coûts de fonctionnement militaire, devrait être en 2004 de 903,74 millions d'euros, contre 872,4 millions d'euros en 2003 et 830 millions d'euros en 2002. La France, qui n'appartient pas à l'organisation intégrée, ne participe pas à toutes les dépenses. De ce fait, elle ne finance que 4,19 % de ce budget. Il est inscrit pour la cotisation française 42,8 millions d'euros à l'article 65 du chapitre 36-01 du budget du ministère de la défense.

Le budget d'investissement devrait être de 785,2 millions d'euros. La participation des Alliés aux différents équipements s'effectue sur une base ad hoc. En pratique, ils participent aux frais des installations qu'ils utilisent, selon des clés de partage de coûts fixées en fonction des parties prenantes à la réalisation de l'équipement. Ainsi, la participation de la France va de 12,90 % pour des équipements financés à dix-neuf à 13,34 % pour des équipements réalisés à quinze. La contribution prévisionnelle de la France, imputée au chapitre 54-41, article 63, du budget de la défense, est de 59 millions d'euros en 2004.

Au total, la cotisation de la France aux budgets de l'OTAN sera en 2004 de 127,8 millions d'euros. L'accroissement des appels de fonds est très largement lié à la construction du nouveau siège de l'OTAN.

contributions de la France à l'OTAN

(en millions d'euros)

 

2000

2001

2002

2003

2004*

Budget civil

(Affaires étrangères, chapitre 42-31)

23,14

23,79

25,29

26,15

26,0

Budgets militaires

dont :

75,4

81,5

64,5

78,2

101,8

- budget militaire (Défense, chapitre 36-01)

38,7

36,4

36,4

41,4

42,8

- budget d'investissement (Défense, chapitre 54-41)

36,7

45,1

28,1

36,8

59

Total

98,54

105,29

89,79

104,35

127,8

*Prévisions

(Sources : ministère des affaires étrangères et ministère de la défense).

Le traité d'Amsterdam, signé le 2 octobre 1997, a mis en place les instruments d'une politique européenne de sécurité et de défense. Six ans plus tard, l'Union européenne dispose non seulement de l'ensemble de la palette d'instruments lui permettant des interventions militaires à l'étranger, mais elle peut se targuer d'avoir mené plusieurs opérations, dont certaines d'assez haute intensité. La mise en place d'une capacité militaire de l'Union européenne est sans doute l'un des événements internationaux les plus importants de ces dernières années.

Les instruments de formulation de la politique européenne de sécurité et de défense sont les stratégies communes, les actions communes et les positions communes. Eu égard à leur importance, les stratégies communes sont de la compétence du Conseil européen et sont décidées à l'unanimité. Les actions communes et les positions communes sont les outils de mise en _uvre des stratégies communes. Elles sont décidées par le Conseil de l'Union européenne à la majorité.

L'Union européenne s'est donné le droit de mener des opérations militaires communes pour des missions de maintien de la paix, d'imposition de la paix ou de rétablissement de la paix. Ces missions sont connues aussi sous le nom de « missions de Petersberg ». Aux termes de l'article 23 du traité sur l'Union européenne, les décisions créant les opérations doivent être prises à l'unanimité ; cependant, les abstentions n'empêchent pas l'adoption de la décision. Par ailleurs, est introduit le mécanisme de « l'abstention constructive ». Un pays peut accompagner son abstention d'une déclaration formelle. « Dans ce cas », prévoit le traité, « il n'est pas tenu d'appliquer la décision, mais il accepte que la décision engage l'Union européenne ». Une telle décision peut être prise par les deux tiers des voix pondérées seulement.

Pour gérer cette nouvelle capacité, l'Union européenne s'est dotée d'une organisation calquée sur celle de l'OTAN. Elle dispose donc d'un secrétaire général chargé de la PESD, d'un comité politique, d'un comité militaire et d'un état-major. Le traité d'Amsterdam a confié au secrétaire général du Conseil les fonctions de Haut Représentant pour la PESC (politique étrangère et de sécurité commune). Pour lui permettre d'assumer pleinement ces nouvelles tâches, il a créé auprès de lui, par une déclaration annexée à l'acte final, une unité de planification et d'alerte rapide (UPPAR).

Le comité politique et de sécurité (COPS), a été institué par les Conseils européens de Cologne (juin 1999) et d'Helsinki (décembre 1999). Ses compétences ont été intégrées par le traité de Nice, signé le 26 juin 2001, au sein de l'article 25 du traité sur l'Union européenne. Le COPS est, en quelque sorte, l'équivalent pour l'Union européenne des institutions que sont pour l'OTAN le Conseil de l'Atlantique Nord et le comité des plans de défense. Il est composé de quinze représentants nationaux de haut niveau (ambassadeurs), membres des représentations permanentes des Etats membres. Il est normalement présidé par la présidence de l'Union.

Le comité militaire de l'Union européenne (CMUE) est l'organe militaire le plus élevé de l'Union européenne. À l'exemple du comité militaire de l'OTAN, il est composé des chefs d'état-major des armées, représentés par leurs délégués militaires. Son président, l'un des quinze chefs d'état-major, est élu par ses pairs et nommé pour trois ans par le Conseil. Les avis militaires du CMUE sont arrêtés sur la base du consensus. Le comité militaire exerce la direction militaire de toutes les activités militaires dans le cadre de l'Union européenne.

L'état-major de l'Union européenne est composé de 135 experts militaires détachés des Etats membres. Il élabore les options militaires stratégiques nécessaires à la formulation des avis militaires du comité militaire et du COPS et met ensuite en _uvre les politiques et décisions du Conseil selon les directives du comité militaire, sous l'autorité duquel, à l'exemple de l'état-major international de l'OTAN, il est placé.

Pour disposer de l'ensemble des outils décisionnels de l'OTAN, il ne manque donc plus à la chaîne de commandement de l'Union européenne qu'un quartier général disposant de capacités de planification cohérentes avec les opérations que l'Union souhaite mener. En effet, en Europe aujourd'hui, deux types d'états-majors disposent de capacités de planification d'opérations militaires internationales. Le premier est le quartier général de l'OTAN, le SHAPE. Créé pour planifier les opérations militaires de défense de l'Europe contre les assauts des forces du Pacte de Varsovie, fort de 600 officiers, il est capable de planifier tout type d'opération de maintien ou de rétablissement de la paix, de quelque intensité que ce soit. Le deuxième est constitué par les centres de planification opérationnelle interarmées des grands Etats membres de l'Union. La France et le Royaume-Uni disposent de tels centres, d'autres Etats comme l'Allemagne sont en train d'en constituer. Ces centres ont l'inconvénient d'être d'abord conçus comme des centres nationaux, même s'ils ont la capacité d'associer des officiers membres d'armées alliées.

La constitution d'un centre de planification opérationnelle de l'Union ne va pas sans débat. Les Etats-Unis voient avec méfiance ce rival potentiel de SHAPE. La France, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, qui ont érigé la création d'un tel centre comme l'un des objectifs prochains de l'Union, sont conscients de la faiblesse possible d'un dispositif qui ne recueillerait pas l'assentiment de tous et auquel, en conséquence, certains membres pourraient refuser que les opérations de l'Union aient recours. Néanmoins, comme le général Henri Bentégeat l'a exposé devant la commission, un consensus pourrait se dessiner autour d'un centre, capable de planifier des opérations d'une certaine importance, mais sans rapport avec les moyens demandés par des plans de défense de l'Europe. Le rôle spécifique de l'OTAN serait ainsi préservé. Un tel centre pourrait permettre d'associer l'ensemble des membres de l'Union, y compris ceux qui ne sont pas membres de l'OTAN, sans pour autant empiéter sur le c_ur des prérogatives de l'Alliance atlantique, la défense collective de l'Europe. Dans ce cas, il pourrait être rattaché à l'état-major de l'Union européenne et achever la mise en place d'un dispositif autonome et collectif de traitement militaire des crises, y compris les plus aiguës.

En même temps, il pourrait constituer pour l'Union européenne un outil précieux pour conduire le volet militaire d'opérations que l'OTAN n'a aucunement vocation à mener, telles que des opérations globales comportant à la fois un volet militaire, un volet de sécurité intérieure, voire des aspects judiciaires ou économiques.

L'Union européenne a aussi entrepris de recenser les forces dont elle dispose pour mettre en _uvre les décisions prises et de combler les lacunes éventuelles. À Helsinki, les 10 et 11 décembre 1999, les Quinze s'étaient engagés à « être en mesure, d'ici 2003, de déployer dans un délai de 60 jours et de soutenir pendant au moins une année des forces militaires pouvant atteindre 50 000 à 60 000 personnes », « dans le cadre d'opérations dirigées par l'Union européenne ». La conférence d'engagement des capacités du 20 novembre 2000, à Bruxelles, puis la conférence d'amélioration des capacités du 19 novembre 2001, à Laeken, ont permis d'identifier dans un « catalogue de capacités » les capacités militaires nécessaires à la mise en _uvre de l'objectif d'Helsinki, puis de récapituler dans un « catalogue de forces » les contributions qu'accepteraient de mettre à disposition les Etats membres. Ce catalogue constitue un potentiel de 100 000 hommes, 400 avions de combat, 100 bâtiments, et comprend des contributions additionnelles des Etats tiers. Le volume et la qualité des contributions ont permis au Conseil européen de Laeken de conclure à une « déclaration d'opérationnalité » de la politique européenne commune de sécurité et de défense.

Cette constatation n'a pas empêché de repérer des lacunes ou insuffisances entre forces disponibles et capacités souhaitées. Les lacunes concernent les moyens de commandement et de renseignement, le transport aérien et maritime, les hélicoptères d'attaque. Pour y remédier, les Etats membres de l'Union européenne ont engagé un plan d'action européen sur les capacités (PAEC ou ECAP). Celui-ci a été lancé le 11 février 2002 à Bruxelles. La présentation des rapports des différents groupes s'est achevée au printemps 2003 et la première phase a été close par le Conseil européen de Thessalonique, en juin 2003. Celui-ci a conclu que « l'Union européenne dispose maintenant d'une capacité opérationnelle couvrant tout l'éventail des missions de Petersberg, sur laquelle pèsent des limitations et des restrictions dues à des lacunes identifiées ; celles-ci pourront être atténuées par la poursuite du développement des capacités militaires de l'Union européenne, notamment par la mise en place de groupes de projet du plan d'action européenne sur les capacités militaires (PAEC).

À partir d'avril 2003, une deuxième phase s'est engagée. Les groupes PAEC ont été transformés en groupes de projet (GP), chargés de proposer des projets concrets visant à mettre en _uvre les solutions définies par les groupes PAEC. Les groupes de projet peuvent présenter des solutions dans tous les domaines concernés par les équipements dont ils ont la charge : programmes d'équipement, modalités d'acquisition, projets pour l'entraînement, doctrine, interopérabilité. Les groupes de projet sont au nombre de quatorze. La France préside deux de ces groupes, le groupe drones et le groupe espace.

Il faut relier à cette action sur les capacités les efforts pour la mise en place d'une Agence européenne de l'armement. La création d'une telle agence figure expressément dans les conclusions du Conseil européen de Thessalonique, ainsi que dans le projet de Constitution adopté par la Convention pour l'avenir de l'Europe. L'Agence, dont la constitution s'appuiera sans doute sur l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'OCCAR, devrait être l'instance logique de déclinaison auprès des industriels des programmes adoptés par les groupes de projet.

L'organisation des mécanismes de décision, la définition d'une capacité militaire n'avaient de sens que si elles permettaient de mener des opérations militaires. L'année 2003 aura constitué dans ce domaine une étape majeure. Ce ne sont pas moins de trois opérations militaires que l'Union européenne a prises en charge.

La première est la mission de police de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine. Créée par l'action commune 210/02/PESC, elle a pris la suite de la MINUBH, qui était dirigée par le DOMP. Elle compte 486 policiers et gendarmes chargés d'aider la Bosnie-Herzégovine à mettre en place une police aux normes des Etats de l'Union européenne. La MPUE est dotée d'un budget de 38 millions d'euros sur la période 2003-2005.

Le lancement de la MPUE a été suivi de celui de la mission Concordia, en Macédoine. Concordia est la première mission proprement militaire de l'Union européenne. L'objectif de la mission est de contribuer à la stabilité du pays et à la sécurité de ses habitants. Concordia a pris la relève, le 31 mars 2003, d'une mission de l'OTAN. Elle a été lancée à la demande du président macédonien. Elle est organisée dans le cadre des arrangements permanents entre l'Union européenne et l'OTAN aux termes desquels l'Union peut recourir dans certaines conditions aux moyens de l'OTAN (accords dits « Berlin plus »). La France a été nation-cadre de l'opération jusqu'au 30 septembre 2003 ; la relève a été prise par l'Eurofor.

L'effectif de la mission est de 438 militaires dont 171 Français. La France fournit aussi les systèmes d'information et de communication. Douze autres nations de l'Union européenne participent à l'opération, les Danois s'étant retirés de Macédoine lors de la relève de l'OTAN par l'Union européenne et l'Irlande n'y participant pas. Le budget prévisionnel financé par l'Union européenne de Concordia était de 6,2 millions d'euros en mars 2003.

Enfin, l'opération Artémis en République démocratique du Congo a été lancée le 12 juin 2003. Fondée sur la résolution n° 1484 du Conseil de sécurité des Nations Unies, agissant dans le cadre des dispositions du Chapitre VII de la Charte, c'est une mission de rétablissement de la paix, ayant pour objectifs d'assurer la protection des installations sensibles, notamment l'aéroport de Bunia, de protéger les personnes déplacées, de stabiliser les conditions de sécurité et d'améliorer la situation humanitaire. Elle avait aussi pour objectif de permettre le déploiement de la MONUC en Ituri. Elle s'est officiellement achevée le 1er septembre 2003.

Les effectifs d'Artémis étaient, au 1er août 2003, d'un peu plus de 2 000 personnels, dont 1 900 sur le théâtre d'opérations. Comme dans le cas de Concordia, la France a été nation-cadre d'Artémis. Elle a fourni 1 750 personnels sur les 2 000 de l'opération, les contributeurs suivants étant le Royaume-Uni (95 personnels), la Suède (80 personnels) et la Belgique (65 personnels).

Contrairement à l'opération Concordia en revanche, Artémis a été menée sans recours aux moyens de l'OTAN. C'est donc à la fois l'opération la plus importante de l'Union européenne et sa première opération totalement autonome.

En fin de compte, si l'on ajoute à ces missions l'EUMM, la mission d'observation de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine, c'est près de 3 000 militaires que l'Union européenne a déployés sous sa propre autorité pour des opérations de gestion de crise. Il s'agit d'un premier pas extrêmement significatif.

Le développement des instruments et des missions amène à examiner les modalités de financement et les coûts de la politique étrangère et de sécurité à laquelle la France est associée dans le cadre de l'Union européenne.

Aux termes de l'article 28 du traité sur l'Union européenne, les dépenses, tant administratives qu'opérationnelles, entraînées par la PESD sont, sauf décision prise à l'unanimité du Conseil, à la charge du budget des Communautés européennes, à l'exception notable des dépenses opérationnelles ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. En conséquence, les dépenses engendrées par le fonctionnement des structures militaires de l'Union, comme le comité militaire ou l'état-major de l'Union européenne, sont inscrites au budget administratif du Conseil de l'Union européenne.

Le développement prévisible des opérations proprement militaires a amené l'Union à préciser les critères de répartition. Au Conseil européen de Séville, le 17 juin 2002, trois types de coûts ont été distingués. Les coûts nationaux sont les dépenses individualisables, imputables à un Etat participant et qui découlent de son intervention, telles que, par exemple, les soldes ou les primes de militaires. Ces dépenses sont assumées par l'Etat qui les engage. Les coûts communs sont ceux qui ne peuvent être imputés à un Etat particulier, telles que les dépenses du quartier général de la force. Ils sont financés par un budget multilatéral. Enfin, l'imputation des dépenses de transport, de casernement et de logement, et notamment leur inclusion au sein des coûts communs, est décidée, au moment du lancement d'une opération, par le Conseil, au cas par cas.

Ce dispositif est globalement cohérent avec la procédure de l'abstention constructive, les Etats qui s'abstiendraient n'étant pas tenus de participer au financement d'une opération à laquelle ils ne veulent pas participer. Il reproduit peu ou prou le dispositif en vigueur à l'OTAN. Les procédures sont néanmoins perfectibles. Ainsi, en sa qualité de nation-cadre, la France a préfinancé l'ensemble de l'opération Artémis, soit 43,6 millions d'euros. Les 7 millions d'euros de coûts communs lui seront donc remboursés a posteriori.

Les actions de la PESD constituent la sous-section B-8 du budget général des Communautés européennes. En exécution, il a été constaté une relative stabilité de la dépense de 1998 à 2001, autour de 30 millions d'euros. Le Parlement européen a eu tendance à limiter le montant des crédits votés. Eu égard aux développements de la PESD, la France cherche avec ses partenaires du Conseil à augmenter les dotations prévues initialement dans l'avant-projet de budget général présenté par la Commission européenne. La dotation de la sous-section pour 2003 a ainsi été portée à 47,5 millions d'euros. En 2004, l'objectif est de la porter à plus de 52 millions d'euros. Le développement des actions de gestion de crises de l'Union européenne acquiert ainsi progressivement sa traduction budgétaire.

III. -  QUELLE COOPÉRATION MILITAIRE ET DE DÉFENSE POUR LA FRANCE ?

En matière d'action militaire de l'ONU, de politique européenne de défense, d'action au sein de l'OTAN, le ministère des affaires étrangères donne des impulsions et approuve des orientations, et le ministère de la défense fournit les forces et conduit les actions. En revanche, la coopération militaire et de défense est conduite directement au ministère des affaires étrangères par une direction spécifique, la direction de la coopération militaire et de défense (DCMD), qui dispose d'un budget à cette fin, le chapitre 42-29. Cette situation est la conséquence de la suppression, en 1998, du ministère de la coopération. L'ensemble des actions qu'il conduisait, y compris la coopération militaire, a été confié au ministère des affaires étrangères.

Le ministère de la défense n'en dispose pas moins de son propre dispositif à l'étranger. Il comporte quatre composantes, le réseau des attachés de défense, fort de 380 personnels, les militaires insérés dans les armées alliées dans le cadre des postes d'échange ou de liaison, les membres d'états-majors internationaux, tels que l'état-major de l'Union européenne, les états-majors de l'OTAN, ou les états majors opératifs des forces multilatérales, et enfin les forces prépositionnées dans le cadre des accords de défense que la France a conclus avec plusieurs pays, notamment d'Afrique subsaharienne. Les attachés de défense sont aussi, sous l'autorité de l'ambassadeur, les chefs des missions locales de coopération militaire et de défense du ministère des affaires étrangères. Sans compter les forces prépositionnées, qui comportent 6 700 militaires dont 6 000 en Afrique, les militaires du réseau international du ministère de la défense sont ainsi au nombre de plus de 600.

Face à ce puissant réseau, laissant aux armées la coopération opérationnelle, c'est-à-dire la conduite en commun d'opérations avec les forces armées étrangères, ou les démonstrations en matière d'armement, pour lesquelles elles sont sollicitées par la délégation générale pour l'armement, la DCMD a entrepris de définir des axes d'action qui lui seraient propres. Elle a donc concentré son expertise et son action sur « l'ingénierie de défense », la formation des cadres militaires, notamment celle des officiers, et l'apprentissage du français en milieu militaire. La formation des cadres militaires, le volet le plus important de l'action de la DCMD, peut elle-même être subdivisée entre formation militaire classique, formation au maintien de la paix et formation au maintien de l'ordre, c'est-à-dire formation de gendarmerie.

À ces fins, le chapitre 42-29, doté de 93,5 millions d'euros, est subdivisé en cinq articles. L'article 10, intitulé « coopération technique-aide en personnel » correspond aux rémunérations des coopérants militaires expatriés. Avec 51,5 millions d'euros, il représente plus de la moitié du chapitre. En 2003, il a permis à la DCMD de rémunérer 357 coopérants militaires détachés auprès d'elle par le ministère de la défense et affectés à l'étranger pour une durée de deux ans. L'article 50, intitulé « appui aux coopérants militaires », doté de 1,1 million d'euros, 1 % du chapitre, offre aux coopérants d'appréciables éléments d'autonomie sur place, en leur permettant notamment de recruter des assistants locaux.

L'article 20 est consacré à la formation des stagiaires étrangers. Avec 22,5 millions d'euros, c'est le deuxième poste du chapitre 42-29. Il permet de constituer des bourses, de payer des frais de transport, de logement ou de stage. Il finance indifféremment des formations pour des officiers ou des sous-officiers, de longue durée (un cycle scolaire) comme de courte durée (un stage technique), en France, ou encore à l'étranger dans des écoles mises en place par la DCMD, les écoles nationales à vocation régionale (ENVR).

L'article 40, intitulé « appui aux projets de coopération : matériels, services et entretien d'infrastructures », est doté de 18,26 millions d'euros. Son objet est de permettre le financement des projets jugés intéressants par les chefs de mission militaire sur place ou par la DCMD à Paris. Il est relayé par un petit budget de subventions d'équipement inscrit à l'article 60 du chapitre 68-80, pour 1,24 million d'euros.

Enfin, l'article 60 finance des actions de coopération avec des organisations régionales. Les montants inscrits sont modestes : 150 000 euros seulement en 2004.

La formation militaire est la grande affaire de la DCMD. Elle mobilise près du tiers de la dotation du chapitre 42-29, 29,08 millions d'euros, répartis entre 12,42 millions d'euros à l'article 10, 14,48 à l'article 20 et 2,18 à l'article 40.

C'est en France que sont organisées les formations de haut niveau. Il s'agit des formations de l'enseignement militaire supérieur, qui peuvent durer plusieurs années, mais aussi des stages techniques de spécialités pour les sous-officiers. Les formations des stagiaires étrangers peuvent être communes avec celles des officiers français. Cependant, pour répondre à une demande excédant les capacités d'accueil, des filières spécialisées, démarquées des filières françaises, ont été développées, comme le cours spécial de l'école de l'air à Salon-de-Provence ou le cours spécial de l'école navale à Lanvéoc-Poulmic. L'IHEDN organise aussi des sessions spécifiques. Chaque année, se tiennent le FICA (forum international du continent africain, pendant trois semaines), et la SICEB (session internationale Centre Europe, Etats baltes et balkaniques), pendant huit à dix jours. En 2003, il aura été formé en France 1 364 stagiaires, originaires de 89 pays.

Il est cependant apparu que, dans bien des cas, la formation en France ne se justifiait pas. Tel est notamment le cas dans les spécialités où les armements mis en _uvre en France n'ont pas leur équivalent dans les armées d'appartenance des stagiaires étrangers. À partir de 1997, un réseau d'écoles nationales à vocation régionale (ENVR) a donc été mis en place. Il propose, dans des écoles sous souveraineté des pays partenaires, un enseignement de même qualité que celui dispensé dans les écoles françaises correspondantes, mais adapté aux réalités et moyens locaux. La coopération française définit les formations, détache des formateurs et assure une vérification régulière de la qualité de l'enseignement dispensé. Ces écoles accueillent des stagiaires d'autres pays que le pays où elles sont implantées. L'aire de recrutement est ainsi élargie et chacun de ces pays peut trouver, pour la formation de ses élites militaires, un cadre d'accueil d'un niveau supérieur à celui dont il pourrait bénéficier dans un cadre national, tout en disposant lui-même d'une ou de plusieurs de ces écoles, au sein desquelles c'est lui qui accueille des stagiaires étrangers.

Dix-sept ENVR fonctionnent en Afrique. Elles sont réparties entre la quasi-totalité des pays d'Afrique subsaharienne francophone et concernent presque toutes les spécialités militaires. Plus de 1 000 stagiaires auront été formés dans ces écoles en 2003. Le nombre de stagiaires devrait être du même ordre en 2004.

Le nombre total de stages de formation offerts par la France en 2003 aura donc été de 2 400 environ. L'objectif poursuivi par la création des ENVR, qui était d'assurer environ la moitié des formations des stagiaires des pays autrefois couverts par le ministère de la coopération, a donc été atteint.

Les coopérants militaires ne sont pas tous affectés à des tâches de formation dans les écoles et les projets financés par la DCMD ne sont pas tous des projets de formation. Au 1er juillet 2003, les 388 coopérants se répartissaient en trois fonctions de façon sensiblement équivalente : 129 étaient instructeurs dans les écoles, 117 remplissaient des fonctions d'état-major et 142 dirigeaient des services de soutien.

Les projets conduits étaient, outre les projets de formation, des projets de restructuration des forces armées (en République centrafricaine, au Congo et au Niger) d'informatisation (au Burkina Faso), de soutien ou de modernisation des transmissions (Madagascar, Sénégal) de soutien général (Guinée équatoriale), de création et de gestion d'ateliers centralisés de réparation automobile (Burkina Faso, Guinée, Sénégal, Tchad) ou des transmissions (Congo, Guinée, Tchad). La DCMD soutient également des projets dans le domaine de la santé, notamment au Burkina Faso, au Niger et au Togo.

En accompagnement de la nouvelle politique de la France en Afrique, visant à substituer à ses propres interventions des opérations de stabilisation organisées par les pays africains eux-mêmes sous l'égide de l'ONU, la DCMD mène une action spécifique de formation, d'entraînement et de soutien au maintien de la paix. Cette politique fait l'objet d'une approche globale sous le nom de programme RECAMP (Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix).

● La formation initiale individuelle au maintien de la paix repose sur l'ENVR de Zambakro, en Côte d'Ivoire. Ouverte en priorité aux cadres militaires des pays de la CEDEAO, elle dispense un enseignement reconnu par les Nations Unies et assuré par des instructeurs africains ayant servi lors de telles opérations sur le continent. En trois années d'existence, elle a acquis un réel renom sur la scène internationale et 600 officiers de 38 pays différents y ont été formés.

La situation en Côte d'Ivoire n'a cependant pas permis de maintenir cette école sur le site de Zambakro. Il a donc été proposé au Mali d'accueillir une école du même type. Elle a été installée sur le site de Koulikoro, où sont déjà implantées deux ENVR, et a commencé à fonctionner en juin 2003. La nouvelle école ne dispose évidemment pas des conditions d'installation et des capacités d'hébergement de celle de Zambakro. Cette situation contrarie notamment le développement des liens avec le nouveau centre international Kofi Annan pour la formation au maintien de la paix d'Accra, au Ghana. Cependant, le niveau des enseignements, ainsi que leur caractère bilingue, a pu être maintenu. Il est désormais envisagé d'installer définitivement au Mali l'ENVR de maintien de la paix, soit à Koulikoro même, soit à proximité de Bamako.

En 2003, la DCMD aura consacré directement 500 000 euros environ à l'école de maintien de la paix de Koulikoro, dont la moitié pour la rémunération des coopérants expatriés et 60 000 euros pour un échange avec l'école d'Accra.

● Le programme RECAMP est constitué de cycles de formation au maintien de la paix dans un cadre multilatéral. Un cycle d'entraînement comprend trois phases : un séminaire diplomatico-militaire, un exercice d'état-major et un exercice de terrain avec les forces. Toutes les activités sont co-organisées par le pays hôte et la France, en liaison avec d'autres pays et organismes donateurs. Outre la DCMD, elles associent donc l'action de l'attaché de défense, chef de mission, et celle des forces prépositionnées, qui dépendent du ministère de la défense. L'entraînement vise à mettre des unités de pays africains d'une même sous-région en situation de participer à une opération intégrée et multilatérale de maintien de la paix.

Le prochain exercice, RECAMP IV, aura pour objectif particulier de développer les capacités de la CEDEAO à concevoir et à planifier une opération de maintien de la paix. Le séminaire politico-militaire aura lieu au printemps à Accra. L'exercice sur le terrain avec troupes se déroulera au Bénin, en fin d'année 2004. La CEDEAO est actuellement présente dans les opérations de maintien de la paix en Côte d'Ivoire ; elle y a déployé une mission d'interposition, la MICECI, qui agit en liaison avec les Français de l'opération Licorne.

Pour les exercices RECAMP, la DCMD a prépositionné, à Dakar, à Libreville et à Djibouti des matériels nécessaires à l'équipement de bataillons motorisés africains. L'indisponibilité actuelle de ces matériels obligera sans doute à recourir à d'autres solutions pour l'exercice RECAMP IV.

La formation de forces de maintien de l'ordre disciplinées et respectueuses de l'Etat de droit est l'un des axes constants de l'action de la coopération militaire française. Ces forces sont de deux types, les gendarmeries, qui sont des forces de police administrative et judiciaire placées sous l'autorité des ministres de la défense, et les gardes nationales, qui sont des forces de police administrative dépendant des ministres de l'intérieur.

L'assistance apportée se manifeste de deux façons : la formation des hommes, au moyen des crédits des articles 10 et 20, et l'appui logistique, au moyen des crédits de l'article 40. Elle concerne l'ensemble des pays où est implantée une mission locale de coopération militaire et de défense. En 2003, elle aura mobilisé sur ces articles 13,41 millions d'euros, répartis entre 8,64 millions d'euros pour l'article 10, 2,08 millions d'euros pour l'article 20 et 2,69 millions d'euros pour l'article 40. Les crédits de l'article 20 se répartissent entre 1,87 million d'euros pour les formations en France et 0,21 pour les formations à l'étranger, notamment dans les quatre ENVR consacrées aux tâches de gendarmerie, mobile et locale, et de police judiciaire. Sur 123 coopérants en poste dans les écoles à l'étranger, 32, soit un sur quatre, le sont dans des écoles de gendarmerie.

La coopération en matière de gendarmerie comporte également des projets au profit des forces. Sur les 75 coopérants militaires gendarmes au 1er juillet 2003, outre les 32 affectés dans les écoles, 26 étaient affectés en état-major et 17 à la direction de services de soutien. Le soutien général des forces de gendarmerie, la modernisation des équipements, en particulier des transmissions, et même l'aide à l'équipement en uniformes sont les éléments auxquels sont consacrées les dotations de l'article 40 qui ne concernent pas les écoles ou la formation en matière de gendarmerie.

Quelle que soit la justesse des orientations retenues et la qualité des projets conduits, la situation de la coopération militaire et de défense ne laisse pas d'inquiéter.

La stabilité apparente des crédits du chapitre 42-29 d'une année sur l'autre, voire la hausse des crédits du chapitre 68-80, qui passe de 850 000 euros à 1,24 million d'euros, ne doivent pas en effet dissimuler l'aspect extrêmement préoccupant de la situation budgétaire de la DCMD.

La brutalité de la réduction des crédits lors de l'élaboration de la loi de finances pour 2003 n'a en effet pas permis à la DCMD de conserver cette année un dispositif fonctionnel. Les conditions de la diminution des crédits, de 10 milliards d'euros et de 10 % environ, effectuée au mois d'août 2002, n'avaient laissé d'autre choix à la DCMD que de la répercuter quasi intégralement sur l'article 20, qui perdait 1 milliard d'euros pour s'établir à 21,1 millions d'euros, et surtout l'article 40 et le chapitre 68-80 qui perdaient chacun le tiers de leur dotation, celle de l'article 40 s'établissant à 15,18 millions d'euros pour 22 millions d'euros en 2002.

En effet, la DCMD ne pouvait tout simplement pas, du jour au lendemain, remettre à la disposition du ministère de la défense les coopérants qu'elle lui avait demandés et rapatrier à ces fins des personnels qu'elle venait d'affecter à l'étranger.

La stabilité apparente des crédits pour 2004 recouvre donc d'importants mouvements internes, destinés à adapter la structure des crédits à la réduction globale du format opérée en 2003. C'est ainsi que pour retrouver un dispositif de stages de formation cohérents et une capacité de financement de projets raisonnable, la DCMD a partiellement regarni les dotations des articles 20 et 40.

Avec 22,5 millions d'euros, les crédits de l'article 20 retrouvent à peu près leur capacité de financement de 2002, année où ils se montaient à 22,1 millions d'euros. Avec 18,26 millions d'euros, en revanche, les crédits d'appui aux projets, pourtant en hausse de 20 %, ne retrouvent pas, loin s'en faut, leur capacité de financement de 2002. Cette année-là en effet, ils étaient de 22 millions d'euros. Le relatif rétablissement opéré par rapport aux montants de l'année 2003, où ils étaient de 15,18 millions d'euros, laisse ainsi subsister, par rapport à 2002, un déficit de 3,77 millions d'euros et de 17 %. Enfin, avec 1,24 million d'euros, le chapitre 68-80 retrouve simplement son niveau de 2002.

La remise en cohérence du dispositif se fait aussi au prix d'une contraction supplémentaire du réseau des coopérants. Les crédits de l'article 40 diminuent en effet de 4,33 millions d'euros, après 2,03 millions d'euros en 2003. L'effectif des coopérants, qui était de 392 avant la relève de juillet 2002, ne sera plus, à la relève de juillet 2004, que de 349.

De plus, la stabilisation apparente des dotations est en réalité trompeuse. D'abord, la prise en compte de l'inflation fait apparaître une diminution des crédits en euros constants de 2 %. Ensuite, la gestion 2003 a été très difficile pour la DCMD. En 2002, elle devait disposer de 20,33 millions d'euros de crédits reportés de 2002, destinés du reste à couvrir des dépenses effectuées en 2002, mais non encore payées. Or, 20,78 millions d'euros de ces crédits ont été rendus indisponibles pour la DCMD au printemps 2003 ; sur ce montant, 13,78 millions d'euros ont été annulés par le décret n° 2003-946 du 3 octobre 2003 et 7 millions d'euros devraient l'être dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2003.

Dans ces conditions, la DCMD est assurée de finir l'année avec un déficit d'au moins 11,7 millions d'euros de crédits correspondant à des dettes auprès du ministère de la défense, au titre de l'article 20, pour des stages en France financés par la DCMD et organisés à sa demande par les armées, ainsi que pour la formation de l'armée afghane dans le cadre de l'opération Epidote et le financement du radar de Manas, au Kirghiztan.

Dans ces conditions, les crédits effectivement disponibles pour 2004 risquent bien d'être non pas de 93,5 millions d'euros comme on pourrait le penser à la lecture du projet de loi de finances, mais de 81,8 millions d'euros seulement. Dans ce cas, c'est une diminution de 12,5 % qui serait opérée entre 2003 et 2004. Depuis la création de la DCMD en 1998, la contraction de son budget en euros courants, déjà de 22 % à ce jour (il est passé de 120,35 millions d'euros à 93,5 millions d'euros), serait portée à 32 %, le tiers du budget initial. En euros constants, la diminution, qui analysée en termes de dotations budgétaires initiales, approche désormais les 30 %, serait plus importante encore.

coopération militaire et de défense : évolution des dotations

(en euros)

Libellé

Dotation
2003

Dotation
2004 (1)

Evolution

en
valeur

%

Coopération technique.
Aide en personnel (art 10)

55 826 000

51 500 000

- 4 326 000

- 7,75 %

Formation des stagiaires étrangers (art. 20)

21 100 000

22 500 000

+ 1 400 000

+ 6,64 %

Appui aux projets de coopération : matériels, services et entretien d'infrastructures (art. 40)

15 182 186

18 260 000

+ 3 077 814

+ 20,27 %

Appui aux coopérants militaires (art. 50)

1 219 584

1 102 984

- 116 600

- 9,56 %

Coopération militaire et de défense avec les organisations régionales (art. 60)

185 214

150 000

- 35 214

- 19,01 %

TOTAL CHAPITRE 42-29

93 512 984

93 512 984

-

+ 0 %

CHAPITRE 68-80

850 000

1 240 000

+ 390 000

+ 45,88 %

TOTAL GÉNÉRAL

94 362 984

94 752 984

+ 390 000

+ 0,41 %

 

(1) Projet de loi de finances.

Source : ministère des affaires étrangères.

Tirant sans doute les conclusions de l'impossibilité pour la DCMD, eu égard à ses difficultés budgétaires, d'amorcer une coopération de défense du niveau et du volume requis hors d'Afrique, un conseil de défense tenu en mai 2003 est revenu sur la réorientation géographique instituée par le conseil de défense de 1998, qui avait confié la coopération de défense au ministère des affaires étrangères. La DCMD est désormais invitée à se recentrer sur le domaine habituel de l'ex-coopération militaire du ministère de la coopération, l'Afrique. Le reste de la coopération militaire, considéré en fonction du type d'opérations mené soit comme de la coopération opérationnelle, soit comme de l'assistance aux exportations, est laissé aux armées.

Cette décision, si elle rend à la DCMD quelques marges budgétaires, en la dispensant désormais de redéployer des crédits utilisés en Afrique pour ouvrir des postes et entamer des actions dans le reste du monde, la prend aussi à contre-pied dans la mise en oeuvre de la réforme de 1998. Toute son action, et jusqu'à l'organisation de sa structure interne, avait tendu à l'exercice de sa compétence géographique globale. Elle avait, en six ans, réussi à ouvrir vingt postes permanents en Europe centrale et orientale et même, en 2002, deux en Amérique du Sud. Elle avait travaillé à rénover les méthodes de l'ancienne mission militaire de coopération. L'ensemble de l'action développée à la suite de la réforme de 1998 est ainsi remis en cause.

Par ailleurs, ce dessaisissement de la DCMD se fait au profit d'un acteur, le ministère de la défense, parfaitement équipé pour reprendre les missions qui lui sont désormais confiées. Un rapport d'information présenté en novembre 2001, sous la précédente législature () avait bien montré l'importance de la coopération conduite par les armées et la qualité des méthodes utilisées, notamment celle de la « commission mixte » : les éléments de la coopération militaire et de défense avec chaque pays sont détaillés très précisément lors de commissions, tenues en principe chaque année, entre les états-majors des armées des deux pays. Or, l'organisation des armées pour la coopération militaire et de défense, avec l'accroissement de l'emprise de l'état-major des armées, est en cours de renforcement. Le développement de la coopération opérationnelle avec les Etats de l'Europe centrale et orientale est inévitable. Leurs forces vont en effet être appelées à travailler avec les forces françaises et atlantiques dans le cadre d'opérations, soit de l'Union européenne, soit de l'OTAN, puisqu'ils vont devenir membre de ces organisations, pour la plupart dès 2004. Dès lors, les perspectives de retour en arrière sur les décisions du conseil de défense de mai 2003 sont à peu près nulles.

Les armées abordent du reste avec détermination la nouvelle responsabilité qui leur est confiée. Ainsi, il apparaît que 200 postes d'officiers vont être ouverts au sein d'état-majors multilatéraux, notamment européens, pour la conduite d'opérations en commun dans le cadre de l'Union européenne ou de l'OTAN. Ces postes, qui s'ajoutent au réseau de plus de 600 postes des armées à l'étranger, remplaceront sans doute avantageusement en Europe centrale et orientale les 20 postes de coopérants militaires permanents que la DCMD va supprimer dans l'année qui vient, après avoir eu tant de difficultés à les ouvrir.

De plus, le rapport d'information précité avait déjà signalé, en 2002, que les réductions de moyens consacrés à l'Afrique touchaient sans doute à leurs limites, au regard de la politique nouvelle de la France en matière de maintien de la paix sur ce continent. Le financement de l'exercice RECAMP III Tanzanite, en février 2002, avait dû être assuré par les armées. Eu égard à la réduction des dotations, le cantonnement de la DCMD à l'Afrique ne lui apportera aucun moyen supplémentaire par rapport à la situation en vigueur lors de la présentation du rapport d'information. La DCMD ne disposera plus que des capacités minimales pour effectuer les prestations courantes indispensables pour garantir la cohérence de cette politique.

D'ores et déjà, on l'a vu ci-dessus, des lacunes ponctuelles, mais criantes, apparaissent. On ne sait pas, par exemple, avec quels matériels l'exercice RECAMP IV pourra être conduit, les équipements normalement destinés à ces exercices étant actuellement indisponibles, notamment du fait de leur emploi par des missions régionales de maintien de la paix. Le financement de ces matériels incombe normalement au ministère des affaires étrangères. Or, il a été indiqué officiellement au rapporteur sur ce point que l'effort pourrait être demandé aux Etats de la sous-région participant à l'exercice. Le rapporteur a aussi entendu, au cours de ses auditions, que des programmes de rééquipement de certains pays avec des matériels français anciens, donnés à ces pays et remis en état par leurs soins grâce à des financements de la DCMD, s'interrompent parfois pour être remplacés par des prêts, et non plus des dons, de matériels anciens des armées, remis en état dans les mêmes ateliers, mais aux frais de celles-ci.

En Afrique comme ailleurs, les attachés de défense sont aussi les chefs des missions locales de coopération militaire et de défense du ministère des affaires étrangères. En même temps, ils ont aussi autorité sur les forces prépositionnées pour les actions civilo-militaires qu'elles conduisent. L'effectif de celles-ci est de l'ordre de 6 000 militaires, stationnés à Djibouti, en Côte-d'Ivoire, au Gabon, au Sénégal et au Tchad.

Pour peu que les dotations de la DCMD continuent à décroître, ce qui est une hypothèse parfaitement raisonnable au vu des arbitrages passés et de la situation actuelle, il n'est donc aucunement certain que la décision du conseil de défense suffise à sauver la conduite de la coopération militaire avec l'Afrique à partir du ministère des affaires étrangères. À vrai dire, il n'y a guère de doute que les prochaines réductions de crédits de la DCMD mettront d'elles mêmes en oeuvre l'aboutissement de la réforme que l'on voit se former.

Le rapport d'information sur la coopération militaire et de défense précité s'était interrogé sur le dispositif à mettre en place pour garantir le contrôle politique de la coopération militaire au cas où le ministère des affaires étrangères échouerait dans son entreprise de la conduire directement, et où elle serait en conséquence confiée au ministère de la défense. Le rapport concluait que, dans ce cas, la coopération militaire et de défense devrait être placée en permanence sous l'empire d'un conseil de défense, que la DCMD devrait être présente aux commissions mixtes et qu'un processus itératif associant le ministère des affaires étrangères et le ministère de la défense devrait être institué. Le rapport estimait aussi que ce dispositif n'aurait sans doute pas besoin d'être réuni au plus haut niveau, celui des ministres, plus d'une fois par an.

Or, le conseil de défense de mai 2003 a aussi décidé de créer un dispositif de pilotage de la coopération militaire et de défense commun aux ministères des affaires étrangères et de la défense. Un comité d'orientation stratégique, présidé par le ministre des affaires étrangères, et composé aussi notamment du directeur général des affaires politiques du ministère, dont dépend la DCMD, et, pour la défense, du ministre de la défense et du chef d'état-major des armées, se réunira une fois par an pour fixer les orientations de la coopération militaire de la France, déterminer les moyens nécessaires aux actions et les affecter. Ses réunions seront préparées par un comité de pilotage, composé pour le ministère des affaires étrangères du directeur de la coopération militaire et de défense et pour le ministère de la défense du sous-chef d'état major « relations internationales » de l'état-major des armées et de ceux de chacune des armées. Le comité de pilotage a déjà tenu sa première réunion. Par ailleurs, la DCMD participe systématiquement aux commissions mixtes entre armées françaises et armées étrangères, où sont fixés en communs les contenus annuels ou bisannuels des coopérations bilatérales.

Parallèlement à la diminution du budget de la DCMD et à la réduction de ses compétences géographiques, on doit donc constater à la fois que le dispositif permettant quoi qu'il arrive l'orientation et le contrôle politique de la coopération militaire et de défense par le ministère des affaires étrangères est en cours d'installation, mais aussi que c'est bien le ministère de la défense qui petit à petit prend la direction opérationnelle de celle-ci, dans une réforme qui n'ose pas dire son nom.

Face à un élément positif, la mise en place de ce dispositif, et un élément très négatif, l'évolution des dotations de la coopération militaire et de défense, le rapporteur, tenté à titre personnel par l'abstention, n'a pu que s'en remettre à la sagesse de la commission.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Lamy, les crédits des affaires étrangères pour 2004, lors de sa réunion du mercredi 22 octobre 2003.

Le rapporteur s'en étant remis à la sagesse de la commission, celle-ci a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des affaires étrangères pour 2004.

N° 1114 tome I - Avis de M. François Lamy sur le projet de loi de finances pour 2004 : Affaires étrangères


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© Assemblée nationale

() Bernard Cazeneuve : la coopération militaire et de défense : un outil de politique étrangère, rapport d'information n° 3394, Assemblée nationale, 11ème législature.