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N° 1864

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2004.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2005 (n° 1800)

TOME V

ANCIENS COMBATTANTS

Par M. Céleste LETT,

Député.

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Voir le numéro : 1863 (annexe n° 11).

INTRODUCTION 5

I.- UN BUDGET EN HAUSSE, EN DÉPIT DE LA PERSISTANCE DE CERTAINES QUESTIONS 7

A. LA POURSUITE D'UNE RÉELLE DYNAMIQUE BUDGÉTAIRE DANS LE RESPECT DES ENGAGEMENTS PASSÉS 7

1. Des mesures nouvelles 7

a) L'accroissement des crédits sociaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre 7

b) Le décret du 27 juillet 2004 relatif à l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale 8

2. La poursuite d'une dynamique impulsée dès les années précédentes 10

a) La carte du combattant au titre de l'Afrique du Nord attribuée aux combattants ayant passé quatre mois sur les territoires d'Afrique du Nord 10

b) L'augmentation des pensions des veuves d'invalides pensionnés 10

c) La pérennisation des missions de l'Institution nationale des invalides (INI) 11

3. L'ouverture de chantiers nouveaux 11

a) La réflexion engagée par le rapport sur les anciens combattants et leurs veuves âgés de plus de soixante ans ayant des ressources inférieures au SMIC 11

b) La nomination d'un médiateur pour l'étude de la question de la prise en compte de la campagne double pour les anciens d'Afrique du Nord 12

B. UN CERTAIN NOMBRE DE QUESTIONS ENCORE EN SUSPENS 13

1. Certaines mesures touchant l'ensemble des anciens combattants pourraient d'ores et déjà être mises en œuvre 13

a) La revalorisation de la retraite du combattant 13

b) La question du relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant 15

2. D'autres questions plus sectorielles sont en suspens 15

a) L'amélioration des remboursements des soins aux pensionnés et mutilés de guerre et la prise en charge de l'intégralité des soins et appareillages au titre du droit à réparation 15

b) Le droit à réparation au titre de la Seconde Guerre mondiale 16

II.- LA POLITIQUE DE MÉMOIRE 21

A. UNE POLITIQUE DE MÉMOIRE CLAIREMENT IDENTIFIÉE 22

1. Les acteurs de la politique de mémoire 22

a) L'impulsion : le Haut Conseil de la mémoire combattante 22

b) L'orchestration : la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense et le ministère délégué aux anciens combattants 23

c) Les interventions plus ciblées ou ponctuelles 23

2. Les moyens de la politique de mémoire 24

a) Une analyse statique 24

b) Une analyse dynamique prenant en compte les différents acteurs 25

B. UNE POLITIQUE DYNAMIQUE : LA DIVERSIFICATION DES MISSIONS DE LA POLITIQUE DE MÉMOIRE 26

1. Conserver la mémoire 26

a) La gestion et le développement des musées et des archives 26

b) Les fêtes de la mémoire 27

2. Visiter la mémoire 28

a) Les nécropoles et les mémoriaux 28

b) Le développement du tourisme de mémoire 29

3. Partager la mémoire 31

a) Le partage de la mémoire géographique ou le concept de mémoire partagée 31

b) Le partage intergénérationnel de la mémoire 32

C. POUR UNE POLITIQUE DE LA JUSTE MÉMOIRE 34

1. Pour une politique budgétaire de mémoire 34

2. Pour une politique de mémoire impliquant encore davantage la jeunesse 35

3. Pour une politique de mémoire recontextualisée 36

4. De la politique de mémoire à la politique pour la mémoire ? 36

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

Après l'article 72 41

Après l'article 72  (article L. 256 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre) : Augmentation d'un point d'indice de pension militaire d'invalidité de la retraite du combattant 41

Après l'article 72 42

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 45

INTRODUCTION

Le budget des anciens combattants est en augmentation. La nouvelle, première du genre depuis dix ans, a été à juste titre soulignée par le ministre au moment de la présentation du budget. Le rapporteur pour avis souhaite, d'emblée, dire à son tour sa satisfaction : l'augmentation des crédits des anciens combattants de 0,14 %, pour un montant total de 3 394,9 millions d'euros, dans un contexte budgétaire particulièrement resserré, doit être appréciée à sa juste mesure.

Cela est d'autant plus vrai que le budget comprend un certain nombre de dispositions fort avantageuses pour l'ensemble du monde combattant. L'augmentation des crédits sociaux de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre (l'ONAC) en est l'emblème. Non seulement par sa valeur quantitative, mais parce qu'elle confère une dimension sociale à un budget toujours soucieux du développement de la dimension de solidarité nationale.

Certains, sans doute, déplorent, sur telle ou telle question, que les avancées ne soient pas suffisantes, ou encore la faiblesse des mesures nouvelles. Il importe, de fait, de ne pas se voiler la face. Toutes les questions, le présent avis le montrera aussi, ne sont pas réglées. Mais précisément, ce budget ne se distingue pas seulement par telle ou telle mesure précise dont il est porteur : il s'inscrit aussi et avant tout dans une dynamique qui lui préexiste et à laquelle il est fidèle, comme le montre la tendance à l'augmentation qu'il initie. La première partie de cet avis - qui ne se livre pas à une étude détaillée des crédits, laquelle ressort en premier lieu à la compétence du rapporteur de la commission des finances - s'efforce de le démontrer.

A ce moment charnière d'une période de commémorations passées - que l'on se rappelle les célébrations des deux débarquements ou de la Libération de Paris - et à venir - l'année 2005 sera elle aussi riche en anniversaires -, le rapporteur pour avis a choisi dans un second temps de mener une réflexion sur la politique de mémoire. Là encore, dans la continuité, puisque le présent budget renoue avec un thème déjà évoqué les années précédentes, tant il est vrai que la mémoire est, aux côtés de la réparation et de la solidarité, l'un des éléments constitutifs d'une politique en faveur du monde combattant. Ces développements insisteront sur la dimension budgétaire de cette politique, sans pour autant l'y enfermer. Occasion de montrer la vitalité de la politique menée depuis plusieurs années en la matière, ainsi que de proposer des pistes pour enrichir encore celle-ci et lui permettre de rester, en tout temps, au service de la mémoire.

L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe une date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires : au plus tard huit jours francs à compter du dépôt du projet de loi de finances, soit le 9 octobre 2004. A cette date, 92,5  % des réponses étaient parvenues au rapporteur pour avis.

I.- UN BUDGET EN HAUSSE, EN DÉPIT DE LA PERSISTANCE
DE CERTAINES QUESTIONS

Plusieurs années de travail et de progrès ont impulsé cette tendance positive : depuis 2002, nombreuses sont en effet les mesures qui, de la revalorisation des pensions des veuves d'invalides pensionnés à l'accroissement des crédits sociaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) cette année, en passant par l'attribution de la carte du combattant au titre de l'Afrique du Nord « à quatre mois », concourent à ce résultat (A). Sans doute toutes les questions ne sont-elles pas pour autant réglées. Le rapporteur pour avis a mesuré, au fil des auditions, le chemin qui reste parfois à parcourir : par-delà les avancées certaines, quelques situations méritent encore l'attention (B).

A. LA POURSUITE D'UNE RÉELLE DYNAMIQUE BUDGÉTAIRE DANS LE RESPECT DES ENGAGEMENTS PASSÉS

Présent, passé, avenir : si les dispositions du budget des anciens combattants pour l'année 2005 s'incarnent dans l'instant, avec, à titre principal, deux mesures que l'on pourrait dire « phare », elles s'inscrivent aussi dans la fidélité des engagements passés, tout en restant ouvertes sur des évolutions à venir.

1. Des mesures nouvelles

Deux mesures nouvelles se détachent. La première - l'accroissement des crédits sociaux de l'Office national des anciens combattants (ONAC) - donne au budget une coloration sociale dont le rapporteur pour avis souhaite souligner la portée. La seconde répond à une attente du monde combattant : le décret du 27 juillet 2004 permet en effet désormais l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.

a) L'accroissement des crédits sociaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre

Les crédits inscrits à l'article 10 du chapitre 46-51 consacré aux dépenses sociales de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre sont en augmentation de 3,83 %, augmentation qui représente 465 000 euros pour un total porté ainsi à 12,6 millions d'euros.

La plupart des auditions ont permis de mesurer l'importance de cette avancée. Ces dernières années, en effet, l'augmentation des crédits sociaux de l'ONAC avait résulté de la réserve parlementaire et avait été opérée, au cas par cas, à l'occasion de la discussion parlementaire par voie d'amendement. Certes, une revalorisation des crédits dans la loi de finances pour 2004 avait permis de pérenniser une mesure qui avait déjà été introduite l'année précédente par cette voie, à hauteur de 14,10 % des crédits. C'était là un premier effort.

La présente mesure prolonge et conforte cette dynamique, progression significative qui s'inscrit dans le contexte d'une importance croissante de l'action sociale de l'ONAC certes, mais également, plus généralement, du mouvement d'ensemble de poursuite de modernisation de l'ONAC.

La solidarité constitue avec la mémoire l'un des deux objectifs centraux poursuivis par l'ONAC - « mémoire et solidarité », telle est d'ailleurs la devise de l'établissement. Les interventions financières diligentées au plan social sont placées sous le signe de la diversité, qu'il s'agisse des catégories d'interventions (secours, aides financières et médicales, frais d'obsèques, participation ménagère, maintien à domicile,...) ou des catégories de ressortissants (anciens combattants, harkis, veuves, pupilles de la Nation et orphelins de guerre majeurs,...). En outre, il convient d'ajouter à cet ensemble l'existence d'un suivi personnalisé particulièrement développé des ressortissants par les vingt-sept assistantes du service social.

Au total, les interventions sociales de l'ONAC se sont élevées à 44 333 en 2003, pour un montant de 12,45 millions d'euros.

Interrogés par le rapporteur pour avis sur la traduction, pour 2005, de l'augmentation des crédits en matière d'évolution des effectifs, les services du ministère ont annoncé les perspectives suivantes : la transformation d'emplois à la direction générale ; la création de 21 emplois dans les maisons de retraite, dans le cadre d'un conventionnement tripartite prévoyant un cofinancement par l'assurance-maladie, les départements et les résidents - mais il faut noter aussi que 48 emplois seront supprimés, chacune des neuf maisons de retraite de l'ONAC atteignant l'équilibre financier dès 2005 ; la modernisation de la gestion des écoles de reconversion professionnelle par un recentrage des effectifs permanents sur les métiers essentiels ; une politique en faveur des emplois jeunes parvenant en fin de contrat.

Mais cette évolution doit être aussi replacée dans la perspective plus vaste du contrat d'objectifs et de moyens signé le 4 novembre 2002 entre l'ONAC et ses autorités de tutelle, pour assurer la modernisation de l'établissement public sur la période courant de 2003 à 2007. Il importe en effet d'assurer l'adaptation de la structure de l'ONAC à l'évolution démographique de ses ressortissants.

b) Le décret du 27 juillet 2004 relatif à l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale

Avant de revenir sur le dispositif proposé, il importe de s'arrêter sur la démarche engagée dès 2000 et ses principaux effets. Le décret de 2004 vient en effet en quelque sorte parachever cette évolution.

Le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituait une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites durant l'occupation et ont trouvé la mort en déportation. La personne doit avoir été mineure de moins de 21 ans au moment où la déportation est intervenue. Cette indemnisation pouvait prendre la forme d'un capital ou d'une rente viagère - capital équivalent au versement de la rente au bout de cinq ans. La procédure ainsi établie donne au Premier ministre la décision d'accorder ou non la réparation, sur proposition du ministre de la défense. Le paiement est assuré par l'ONAC, à partir des crédits des services généraux du Premier ministre.

Interrogés par le rapporteur pour avis sur le nombre et le montant des indemnisations, les services du ministère ont indiqué qu'au 31 juillet 2004, 16 960 demandes avaient été enregistrées, 13 026 décisions d'indemnisation étaient intervenues et 2 984 demandes avaient fait l'objet d'un rejet. Sur l'ensemble des décisions favorables, la répartition des indemnisations était de 6 235 en faveur du versement en capital (48 %) et 6 791 en faveur de la rente mensuelle (52 %). Par ailleurs, au 15 juillet 2004, le montant des dépenses enregistré par l'ONAC était de 171 038 631,06 euros pour l'attribution du capital et de 136 161 970,80 euros pour les rentes viagères.

Cette mesure avait connu une première extension dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2001, au bénéfice des orphelins victimes des persécutions en raison de leur race et ayant trouvé la mort dans des camps de concentration. Au 15 juillet 2004, douze demandes avaient été formulées, et huit indemnisations effectuées (sept sous forme de capital, une sous forme de rente).

C'est dans un souci d'équité qu'a été entreprise la démarche de réflexion concernant les orphelins des victimes de la barbarie. L'initiative avait été engagée, dès le mois de mai 2002, par le Président de la République, et M. Philippe Dechartre, ancien résistant, ancien ministre du général de Gaulle et de Georges Pompidou, avait rendu un rapport sur cette question. Le 2 septembre 2003, le Premier ministre annonçait la décision de principe du gouvernement et l'ouverture d'un travail destiné à définir le périmètre des ressortissants éligibles, avec le concours du Conseil d'Etat.

C'est ainsi qu'a été préparé, puis publié, le décret de juillet 2004, au profit des orphelins des « victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième guerre mondiale ». Cette indemnisation, non cumulable avec celle résultant du décret du 13 juillet 2000, est accordée dans les mêmes conditions, sous forme de capital ou sous forme de rente mensuelle, et pour des montants identiques (27 440,82 euros pour le capital, 457,35 euros pour la rente mensuelle). Des crédits à hauteur de 20 millions d'euros ont été provisionnés à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2005 : il est vrai que, comme cela avait été le cas en 2000, ces crédits figurent dans le budget du Premier ministre et non, au sens strict, dans celui des anciens combattants. On aurait toutefois mauvaise grâce à en faire un argument destiné à diminuer les mérites de la mesure et son intérêt pour le monde combattant tant il est vrai que l'essentiel réside dans le bénéfice au profit des intéressés et le fait que le budget de la Nation dans son ensemble consacre ainsi un effort réel à ces orphelins.

Il faut toutefois s'interroger sur les effets de cette mesure. Peut-être serait-il pertinent de prévoir, de même que cela a été fait pour le décret de 2000, un rapport sur son exécution.

Par ailleurs, des incertitudes subsistent sur le périmètre exact des personnes concernées. Sans doute les contentieux éventuels à venir permettront-ils d'apporter certaines précisions sur cette question.

2. La poursuite d'une dynamique impulsée dès les années précédentes

L'objet du présent développement n'est pas de revenir, dans le détail, sur des mesures dont le principe était acquis dès avant la présente discussion. Mais il importe de garder présentes à l'esprit les implications budgétaires importantes de ces décisions préexistantes au présent projet.

a) La carte du combattant au titre de l'Afrique du Nord attribuée aux combattants ayant passé quatre mois sur les territoires d'Afrique du Nord

L'article 123 de la loi de finances pour 2004 modifie à compter du 1er juillet 2004 l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour poser qu'une durée uniforme de quatre mois de présence sur l'un ou plusieurs des trois territoires d'Afrique du Nord est exigée de l'ensemble des bénéficiaires de la carte du combattant, qu'ils soient civils ou militaires. En outre, l'unique date de fin de période devant être prise en considération pour l'appréciation de cette durée désormais est, quel que soit le territoire concerné, le 2 juillet 1962.

Ainsi se trouve donc étendu, à compter du 1er juillet 2004, le champ des bénéficiaires de la retraite du combattant, puisqu'à la suite de cette mesure, environ 20 000 cartes supplémentaires et donc 20 000 retraites du combattant supplémentaires sont accordées. Des crédits à hauteur de 3 millions d'euros pour l'extension en année pleine sont prévus pour la mise en œuvre de cette mesure.

b) L'augmentation des pensions des veuves d'invalides pensionnés

Autre mesure prenant effet « en année pleine » pour la première fois en 2005 : les dispositions de l'article 121 de la loi de finances pour 2004, complétées par celles du décret n° 2004-694 du 13 juillet 2004, permettent, à compter du 1er juillet 2004, aux veuves dont la pension est calculée en application des articles L. 49 à L. 52 du code des pensions civiles et militaires de retraite de bénéficier d'une majoration uniforme de quinze points d'indice de pension. Cette mesure a été créditée pour un montant de 11,84 millions d'euros supplémentaires au titre de l'extension en année pleine dans le projet de loi de finances pour 2005.

c) La pérennisation des missions de l'Institution nationale des invalides (INI)

L'INI, à l'image de l'ONAC, poursuit son entreprise de modernisation. L'effort de l'Etat dans ce sens est constant. La subvention de l'Etat représente près de 30 % de la ressource budgétaire de l'INI, pour un montant de 7,24 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005, contre 7,1 millions d'euros en 2004 : soit une augmentation de 1,95 %.

Cette évolution s'inscrit dans le cadre des missions traditionnelles de l'INI (1) et des objectifs qui se placent désormais dans le cadre ambitieux constitué par le projet d'établissement et la signature d'un contrat d'objectifs et de moyens.

Le projet d'établissement peut être défini, selon la formule du ministère, comme « l'expression de la volonté gouvernementale d'aide au grand handicap, à travers les mesures annoncées par le Premier ministre, relatives à l'amélioration de l'accompagnement médical et social des personnes handicapées ». Elaboré au cours du deuxième semestre 2003, pour valoir pour les cinq prochaines années, ce projet a été adopté à l'unanimité par la commission consultative médicale de l'établissement le 8 mars 2004 et les représentants du personnel le 11 mars 2004. Il tire les leçons de l'été 2003, s'appuie sur la mise en place d'une unité sensori-cognitive et s'ouvre à l'agence régionale d'hospitalisation.

« Corollaire chiffré du projet d'établissement », selon l'expression des services du ministère, un contrat d'objectifs et de moyens devrait être présenté aux ministères co-signataires en charge des affaires sociales et du budget, avant la fin du second semestre 2004. Il doit œuvrer au développement d'un pôle d'expertise sur le grand handicap, à la poursuite d'une démarche qualité, et à la garantie des moyens budgétaires nécessaires à la réalisation d'un grand projet d'établissement.

3. L'ouverture de chantiers nouveaux

Par-delà ces réalisations effectives, la réflexion sur un certain nombre d'autres questions a d'ores et déjà été engagée.

a) La réflexion engagée par le rapport sur les anciens combattants et leurs veuves âgés de plus de soixante ans ayant des ressources inférieures au SMIC

Ce rapport, rendu public au mois de septembre, répond à l'exigence posée par l'article 122 de la loi de finances pour 2004. Cet article avait été introduit par voie d'amendement, au cours de la discussion parlementaire, à l'initiative de M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour le projet de loi de finances pour 2004.

Le rapport, après avoir souligné les limites méthodologiques à la détermination du niveau de vie des anciens combattants et de leurs veuves, rappelle que les anciens combattants ont accès au bénéfice à la fois de l'ensemble des prestations offertes aux personnes âgées, s'ils en remplissent les conditions, et de l'ensemble des prestations spécifiques qui leur sont offertes. Au total, le rapport ne peut que s'arrêter sur le niveau du revenu moyen des retraités (2) pour reconnaître la nécessité « de constater qu'il n'est pas possible d'avancer un nombre précis d'anciens combattants et de veuves disposant d'un revenu réel inférieur au salaire minimum de croissance » et qu'« une réponse précise supposerait une enquête préalable longue faisant intervenir l'administration fiscale sur des fichiers nominatifs très difficiles à constituer ».

Dans le même temps cependant, le rapport met en lumière le grand nombre de prestations dont bénéficie le monde combattant et le souci de justice du gouvernement vis-à-vis de ceux qui ont le moins.

Il faut à ce sujet rappeler que le décret n° 91-24 du 4 janvier 1991 accorde de plein droit la qualité de ressortissantes de l'ONAC aux veuves de titulaires de la carte du combattant ou des bénéficiaires du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre - ce qui leur permet de bénéficier de l'action sociale de l'ONAC, particulièrement développée à leur endroit. On dénombre aujourd'hui 1 628 000 veuves ressortissantes de l'ONAC. En 2003, l'ONAC a effectué à leur bénéfice 16 067 interventions pour un montant de 5,15 millions d'euros, ces deux chiffres étant en progression constante depuis 1998.

Par ailleurs, lors de sa réunion du 7 mars 2002, le conseil d'administration de l'ONAC a décidé la création d'une carte de veuve ressortissante de l'office, afin de leur permettre de justifier de leur qualité au moyen d'un document personnel (3).

b) La nomination d'un médiateur pour l'étude de la question de la prise en compte de la campagne double pour les anciens d'Afrique du Nord

La bonification d'annuité de 200 %, dite « campagne double », prévue pour les durées effectives de service effectuées en temps de guerre prises en compte pour le calcul des pensions de retraite des militaires au bénéfice des anciens combattants des deux guerres mondiales et de la guerre d'Indochine, est revendiquée depuis plusieurs années par les anciens combattants d'Afrique du Nord.

La réponse traditionnelle - négative - du gouvernement sur cette question est motivée par trois types de considérations (4) : d'une part, la spécificité du conflit d'Afrique du Nord, caractérisée par l'absence de front et une insécurité variable selon les régions, les époques et les unités engagées ; d'autre part, le coût : selon une étude menée en juin 2001, le bénéfice de cette mesure pour 101 000 militaires et 203 000 fonctionnaires et assimilés s'élèverait à 252,3821 millions d'euros ; enfin, une telle mesure serait à même d'engendrer des disparités entre le régime des fonctionnaires et assimilés et celui des salariés du secteur privé n'en bénéficiant pas.

Pour autant, toute perspective d'évolution n'est pas écartée. Si en effet un groupe de travail comprenant des représentants des associations, constitué en 1999, n'avait produit aucune conclusion définitive ou satisfaisante, le ministre délégué aux anciens combattants vient de confier à un inspecteur général des affaires sociales, M. Christian Gal, une étude devant se dérouler en deux temps : de juillet à septembre 2004, une période consacrée à des prises de contact avec les élus, les associations, les organisations publiques et parapubliques et qui donnera lieu à la publication d'un rapport intermédiaire ; de mars à mai 2005, une deuxième étape, close par la remise d'un rapport définitif.

Ces deux exemples bouclent, d'une certaine façon, la chaîne des réalisations passées, présentes et à venir au crédit du présent budget - budget qui est néanmoins perfectible, comme l'est par hypothèse tout exercice de cette nature.

B. UN CERTAIN NOMBRE DE QUESTIONS ENCORE EN SUSPENS

Avantageux, le budget présenté par le gouvernement peut encore être enrichi. Le rapporteur pour avis souhaite - sans prétendre à l'exhaustivité -, évoquer un certain nombre de questions, qu'elles concernent le monde combattant de manière très générale, ou qu'elles soient plus sectorielles.

1. Certaines mesures touchant l'ensemble des anciens combattants pourraient d'ores et déjà être mises en œuvre

Le rapporteur pour avis souhaiterait mettre l'accent pour l'essentiel sur l'opportunité qu'il y aurait, désormais, à clore le débat sur la retraite du combattant. Dans une moindre mesure, il convient de mentionner également la question de la revalorisation du plafond majorable de la rente mutualiste.

a) La revalorisation de la retraite du combattant

Objet central du thème retenu par le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales du projet de loi de finances pour 2004, le thème du statut de l'ancien combattant, marqué, entre autres, par l'attribution d'une carte du combattant et de la retraite y afférent, est connu. La revendication relative à l'augmentation du niveau de la retraite également - ce qui ne peut suffire à en faire un leitmotiv, voire un slogan qui serait devenu vide de sens. Aujourd'hui fixé à 33 points d'indice de pension militaire d'invalidité, pour un montant de 423,33 euros en valeur au 1er janvier 2004, le niveau de la retraite du combattant évolue dans les mêmes conditions que les pensions militaires d'invalidité, par application du « rapport constant ».

Sans doute les sommes aujourd'hui consacrées par le gouvernement à la retraite du combattant sont-elles déjà importantes. C'est ainsi que, dans le projet de loi de finances pour 2005, le gouvernement inscrit 29,4 millions d'euros supplémentaires à la ligne de la « retraite du combattant » en mesures acquises, 5,6 millions d'euros en mesures nouvelles, pour un total de 600 millions d'euros, représentant la prise en charge de 1,386 million de bénéficiaires. Il convient aussi de garder à l'esprit la mesure d'extension du nombre de bénéficiaires dite « de la carte à quatre mois » précitée. Depuis 1997, le nombre de bénéficiaires de la carte du combattant est d'ailleurs croissant - mouvement il est vrai imputable à la fois à l'arrivée des générations de combattants de la guerre d'Algérie à l'âge de 65 ans et à l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant. Cette tendance devrait s'inverser en 2007, année où les appelés du dernier contingent ayant servi en Algérie atteindront 65 ans.

Néanmoins, force est de constater que la revalorisation de la retraite du combattant par l'augmentation du point d'indice ne se fait pas. Il est regrettable que, sur cette question, le rapporteur pour avis soit obligé de reprendre, mot pour mot, quasiment, les analyses et souhaits de ses prédécesseurs, jusqu'à l'année dernière, où M. Patrick Beaudouin s'exprimait en ces termes : « En réalité, il convient de revaloriser le montant indiciaire de la retraite. Celui-ci n'a pas varié depuis qu'il a été fixé, par l'article 85 de la loi de finances pour 1978, à 33 points d'indice. Depuis de nombreuses années, le monde combattant plaide pour que celui-ci soit fixé à 48 points d'indice soit l'indice associé à une pension d'invalidité de dix points. »

Certes, il existe un problème de coût, dans la mesure où le relèvement du montant de la retraite d'un point d'indice correspond, au bas mot, à une dépense d'environ 15 millions d'euros. Mais il peut être envisagé de procéder de manière progressive. L'année dernière avait été suggérée la mise en œuvre d'un plan quinquennal permettant d'augmenter de trois points chaque année l'indice, de manière à atteindre le niveau de 48 points en cinq ans. Cette méthode est tout à fait recevable dans la mesure où le nombre des allocataires sera appelé à décroître à partir de l'année 2007. Mais même si une telle solution ne pouvait être retenue, il conviendrait au moins d'amorcer ce mouvement d'augmentation, ne serait-ce que par une augmentation de 1 point. L'argument selon lequel cette mesure n'a que peu d'incidences pour chacun pris individuellement ne tient pas. L'essentiel est d'enfin inverser une tendance qui malheureusement perdure.

A cet effet, le rapporteur pour avis, auquel s'associent MM. Patrick Beaudouin et Georges Colombier, déposera un amendement tendant à augmenter, ne serait-ce que d'un point, cet indice, amendement qu'il espère voir repris par le gouvernement.

b) La question du relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant

Depuis 1998, le « plafond majorable » de la rente mutualiste du combattant - autrement dit, la limite supérieure de la somme constituée par la rente mutualiste du combattant versée par des organismes privés, en application de la loi du 4 août 1923, et de la majoration spéciale versée par l'Etat -, est fixé par référence à un indice de point de pension militaire d'invalidité. En 2003, pour un nombre de points d'indice s'élevant à 122,5 le plafond majorable en euros était de 1 570,00 euros. Le nombre total de bénéficiaires s'élève à 413 050 au 31 décembre 2003.

Dans le projet de loi de finances pour 2005, la dotation au titre de la rente mutualiste est en progression de 6,02 millions d'euros. Il est vrai que le gouvernement avait annoncé son intention de porter, dès 2004, le plafond majorable à 130 points, ce qui n'a à ce jour pas encore été fait. Mais il faut reconnaître aussi que l'élévation du plafond, en deçà duquel la rente est exonérée d'impôt, tout aussi souhaitable qu'elle soit, profite par priorité aux plus aisés.

2. D'autres questions plus sectorielles sont en suspens

L'actualité conduit à insister plus particulièrement sur deux thèmes : la première question, trop peu souvent abordée, est relative à la prise en charge des différents soins, question cruciale pour un nombre important de personnes ; la deuxième concerne le droit à réparation au titre de la Seconde Guerre mondiale, question qui revêt des facettes multiples.

a) L'amélioration des remboursements des soins aux pensionnés et mutilés de guerre et la prise en charge de l'intégralité des soins et appareillages au titre du droit à réparation

Comme le rappelle l'annexe « bleue » au projet de loi de finances, la qualité de pensionné (5) donne droit à la gratuité des soins engagés pour traiter les affections pensionnées : les praticiens délivrant des soins sont remboursés directement de leurs frais au moyen du carnet de soins médicaux gratuits. Le nombre de pensionnés qui se sont fait soigner au moins une fois dans l'année en 2003 en métropole était inférieur à 100 000, pour une dépense moyenne estimée à 930 euros.

Par ailleurs, l'activité des dix-huit centres régionaux d'appareillage du ministère est considérable. Le nombre de consultations médicales d'appareillage s'élève, pour l'année 2003, à 4 000 pour ce qui concerne les ressortissants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. On dénombre en outre 32 000 consultations ou visites en faveur des personnes handicapées physiques relevant des autres régimes de protection sociale. Il faut y ajouter l'ensemble des opérations d'appareillage et les prises en charge en faveur des ressortissants résidant à l'étranger ou dans les DOM-TOM. Enfin, de manière plus sectorielle, on peut citer la procédure du bilan médical gratuit créé pour les anciens combattants d'Afrique du Nord dans le but de dépister les psycho-traumatismes de guerre, pour lequel des crédits d'un montant de 440 000 euros ont été reconduits dans le présent projet de loi de finances, au même titre que les deux années précédentes.

Mais ce bilan quantitatif ne peut suffire. Comme l'ont précisé au rapporteur pour avis les services du ministère, « la seule analyse comptable ne reflète que partiellement le rôle et l'étendue de l'activité des centres en matière de réinsertion, maintien ou retour à domicile, recouvrement de l'autonomie des personnes handicapées, sans oublier leur contribution à une « maîtrise médicalisée » des dépenses de soins (...) ».

Ce bilan ne doit pas faire oublier les difficultés qui existent en cette matière. Les centres régionaux d'appareillage ne prennent pas en compte, dans la lecture qui est faite des articles L. 115 et L. 128 du code des pensions militaires d'invalidité, l'intégralité des soins. Une extension du champ d'application de ces dispositions serait souhaitable, de sorte que soit prise en charge l'intégralité des aides techniques, informatiques et électroniques de contrôle d'environnement et d'assistance aux besoins de la vie quotidienne.

Plus encore, depuis 2003, l'Etat n'a pas toujours pu honorer, comme il aurait dû le faire, certaines de ses obligations de remboursement au titre du droit à réparation. Sans doute des motifs techniques ont-ils pu être à l'origine de ces difficultés et des efforts ont-ils été engagés pour rattraper ces retards. Il reste que cette situation doit être régularisée au plus vite, car elle est très préjudiciable aux intéressés, qui se voient, de ce fait, de plus en plus opposer des refus de prise en charge par les professionnels de santé.

b) Le droit à réparation au titre de la Seconde Guerre mondiale

Ce thème recouvre plusieurs questions distinctes, qui ont trait au statut des Alsaciens-Mosellans, ayant connu des situations souvent spécifiques et particulièrement dramatiques.

- La situation des incorporés de force dans l'armée allemande doit être rappelée. Il s'agit de 134 000 personnes, dont 42 000 sont décédées au combat, en captivité ou ont été portées disparues. Ces personnes bénéficient d'un droit à pension militaire d'invalidité, de la « retraite du combattant » et d'une indemnisation spécifique dans le cadre de l'accord franco-allemand du 31 mars 1981.

Parmi eux, les incorporés de force qui ont été prisonniers de l'armée soviétique et détenus au camp de Tambow ou dans ses annexes bénéficient de droits spécifiques : depuis 1973, d'un régime spécial d'imputabilité à la détention de certaines infirmités nommément désignées ; depuis 1980, d'une extension de ces droits au bénéfice de l'ensemble des anciens prisonniers des camps sur le territoire de l'URSS dans ses frontières telles qu'elles existaient au 22 juin 1941 ; par ailleurs, il faut noter qu'en 1984, un accord franco-russe a permis l'obtention de la communication de renseignements sur les lieux et périodes de captivité d'anciens incorporés de force, demandeurs de pensions d'invalidité et qu'en 1995, un accord franco-russe a autorisé la production de dossiers d'anciens incorporés de force détenus par l'administration russe.

Il existe aujourd'hui une revendication des anciens prisonniers de Tambow, qui souhaitent l'attribution d'un statut spécifique similaire à celui des déportés et prisonnier du Viet-Minh. Une telle assimilation ne semble toutefois, à ce jour, pas concevable.

- Les incorporés de force dans les formations paramilitaires RAD et KHD (Reichsarbeitsdienst et Kriegshilfsdienst) représentent une population de 45 000 anciens combattants. Initialement assimilés aux personnes contraintes au travail, ils ont ensuite bénéficié de régimes différents, selon l'implication des forces paramilitaires dans les combats.

Depuis 1953, ils disposent de droits à pension militaire d'invalidité au même titre que les incorporés de force dans l'armée allemande. Par ailleurs, en application d'un arrêt du Conseil d'Etat Kocher en date du 16 novembre 1973, les membres du RAD-KHD engagés sous commandement militaire dans des combats peuvent obtenir le titre d'incorporés de force dans l'armée allemande - titre qui leur a permis de bénéficier de l'indemnisation versée par la fondation Entente franco-allemande. Par ailleurs, un arrêté du 2 mai 1984 a créé un certificat d'incorporé de force dans les formations paramilitaires allemandes pour les victimes du RAD-KHD n'ayant pas participé à des combats.

Une question importante reste toutefois posée, celle de l'indemnisation par la fondation Entente franco-allemande des personnes incorporées de force qui n'ont pas participé aux combats. En effet, en 1998, le gouvernement a approuvé la décision prise la même année par la fondation d'élargir le champ des bénéficiaires de l'indemnisation. Mais la fondation conditionne cette indemnisation à une participation de l'Etat, à laquelle celui-ci refuse de procéder eu égard au contenu des dispositions de l'accord intergouvernemental du 31 mai 1981, qui n'a pas prévu de contribution de la France à une indemnisation relevant de la responsabilité allemande.

Le 12 mai 2003 s'est tenue une rencontre, à Strasbourg, sous la présidence du ministre délégué aux anciens combattants, en présence des représentants de la Fondation et de parlementaires alsaciens et lorrains, destinée à relancer la réflexion. Aux yeux du gouvernement, « il s'agit d'un sujet délicat qui touche aux statuts de la fondation et pour lequel la concertation n'est pas encore achevée ».

Le rapporteur pour avis souhaite rappeler le contenu d'une lettre que, associé à l'ensemble des députés alsaciens et mosellans du groupe UMP, il a adressée le 20 juin 2003 au président de la fondation Entente franco-allemande, et aux termes de laquelle il est demandé à la fondation d' « indemniser les incorporés de force dans le RAD-KHD et [de procéder] à la modification du règlement intérieur si cela était nécessaire et sans conditionner ces versements à une participation de l'Etat français qui n'est pas en cause dans cette affaire ».

Le rapporteur pour avis ne peut que redire, plus d'un an après, combien il lui paraît souhaitable que la fondation - nonobstant des considérations relatives au règlement intérieur qui ne sont en tout état de cause pas dirimantes - procède désormais à cette indemnisation et permette ainsi de régler définitivement une question malheureusement encore trop d'actualité.

- Il convient de rappeler également la situation particulièrement préoccupante des 225 « fléchards », ou plus précisément de leurs survivants, une cinquantaine environ : ces déserteurs de l'armée allemande, alsaciens ou, le plus souvent, mosellans, qui s'étaient cachés pour échapper à l'enrôlement dans l'armée ennemie, n'ont eu pour récompense, à l'arrivée des troupes de libération américaines sur le sol français, que l'emprisonnement - parfois pour une durée de six mois, jusqu'au printemps 1945 (6). Or les « fléchards » n'ont, à ce jour, et aussi stupéfiant que cela puisse paraître, encore reçu aucune réparation de cette situation. C'est la raison pour laquelle il faut, une fois encore, rappeler la nécessité que leur soit accordé le statut d'internés politiques de résistants ou d'internés résistants, qui comporte l'attribution d'une pension spécifique à leur bénéfice ainsi qu'à celui de leurs veuves. En outre, il importerait de prendre en considération les traumatismes nombreux qui ont résulté de cette situation et entravé l'insertion des « fléchards » dans la vie professionnelle. Le rapporteur pour avis est très attaché à la résolution rapide, et satisfaisante pour les intéressés, de cette question à laquelle il a d'ores et déjà, avec Alain Marty, consacré une proposition de loi établissant un statut spécifique de réfractaire des Alsaciens et Mosellans - et dont il déplore qu'il faille redire, deux ans après, l'impérieuse nécessité (7).

- Enfin, il importe de rappeler qu'un certain nombre de titulaires de la médaille de la Résistance ou de la croix de guerre au titre de la Résistance ne peuvent, ne satisfaisant pas aux conditions énoncées par l'article L. 264 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, bénéficier de l'attribution de la carte du combattant volontaire de la résistance. Peut-être l'assouplissement de ces conditions permettrait-elle à cette situation de se voir, enfin, apporter une solution.

*

Le rappel de l'ensemble de ces questions ne doit en aucun cas altérer l'appréciation positive de ce projet de loi de finances. Il ne doit pas davantage pouvoir être utilisé comme plate-forme pour des revendications éparses et qui, au demeurant, ne paraîtraient pas toujours justifiées. A titre d'exemple, on peut évoquer, pour clore ces développements, la question de la décristallisation (8). Attentif aux voix qui s'élèvent, en cette matière, pour demander une poursuite de ce processus en vue d'une parité « absolue », le rapporteur pour avis voudrait avant tout rappeler la publication des décret et arrêté du 3 novembre 2003 qui ont permis, au long de l'année 2004, une mise en application effective des mesures adoptées en 2002. Peut-être les délais de mise en œuvre ont-ils été trop importants. Toujours est-il qu'il convient de se féliciter du règlement de cette question, en application d'un principe, dit « de la parité des pouvoirs d'achat », qui préserve une certaine équité et évite la création de nouveaux déséquilibres.

II.- LA POLITIQUE DE MÉMOIRE

« Il faut d'abord rappeler une évidence : c'est que la mémoire ne s'oppose nullement à l'oubli. Les deux termes qui forment contraste sont l'effacement (l'oubli) et la conservation ; la mémoire est, toujours et nécessairement, une interaction des deux. La restitution intégrale du passé est une chose bien sûr impossible (...), et, par ailleurs, effrayante ; la mémoire, elle, est forcément une sélection : certains traits de l'événement seront conservés, d'autres sont immédiatement ou progressivement écartés, et donc oubliés » (9).

Cette analyse de Tzvedan Todorov conforte la politique de mémoire. C'est un fait, en 2004, la politique de mémoire était à l'honneur. En 2005, elle le restera, ainsi qu'il résulte des perspectives budgétaires du ministre délégué aux anciens combattants, qui présente l'année 2005 comme l'année des « moyens d'une politique de mémoire ambitieuse » (10). Mais il serait erroné de voir dans le succès incontestable de cette politique un seul effet de mode. Depuis plusieurs années, la politique de mémoire s'affirme comme un objectif à part entière de la politique menée envers les anciens combattants.

Si elle est devenue aujourd'hui l'un des fers de lance de la politique du ministre délégué aux anciens combattants, présente dans toute initiative aux côtés de celles qui ne sont que deux autres facettes d'une même réalité, la réparation et la solidarité (11), c'est aussi parce qu'elle correspond à une double nécessité. La politique est en effet au service de la mémoire. Elle constitue une action qui dynamise celle qui pourrait rester lettre morte.

Mais à l'inverse, comment ne pas reconnaître que la mémoire vient naturellement compter parmi les fondements légitimes d'une action politique qui y trouve une source d'inspiration ? Cette complémentarité explique peut-être pour partie le succès de la formule, qui n'est pas devenue slogan, de « politique de mémoire ».

D'aucuns s'étonneront de trouver parmi les préoccupations d'un avis budgétaire des développements sur la politique de mémoire, tant il est vrai que cette notion peut paraître avant tout programmatique, voire philosophique. En rester à cette première approche - nécessaire - des choses serait toutefois réducteur : le présent avis vise aussi à démontrer que la réalité de la politique de mémoire est et doit rester toujours davantage budgétaire.

Aujourd'hui, la politique budgétaire de mémoire est clairement identifiée (A) et dynamique (B). Cela ne signifie pas naturellement que cette politique de mémoire - au même titre que toute initiative politique - ne soit pas perfectible. C'est pourquoi le présent avis se propose également d'ouvrir quelques pistes pour l'avenir, afin de tracer, conformément aux souhaits des différentes personnes interrogées par le rapporteur pour avis, des voies pour une politique encore enrichie (C).

A. UNE POLITIQUE DE MÉMOIRE CLAIREMENT IDENTIFIÉE

Il importe, avant toute chose, de rappeler quels sont les acteurs de la politique de mémoire et de quels moyens celle-ci dispose.

1. Les acteurs de la politique de mémoire

Un bref aperçu de l'ensemble de la politique de mémoire donne la mesure de la multiplicité des acteurs de cette politique. Diversité n'est toutefois pas nécessairement synonyme de complexité. En l'espèce, le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales du Sénat avait même parlé, lors de la préparation du budget pour l'année 2004, de « responsabilités clarifiées » (12).

a) L'impulsion : le Haut Conseil de la mémoire combattante

Le Haut Conseil de la mémoire combattante peut être considéré comme l'inspirateur de la politique de mémoire. Créée par le décret n° 97-11 du 9 janvier 1997, cette instance, placée auprès du Président de la République, est chargée de « promouvoir les grandes commémorations, de susciter ou de formuler des propositions pour sauvegarder la mémoire des guerres et des conflits contemporains, de préserver les valeurs du monde combattant et de lutter contre le négationnisme », comme l'ont précisé, interrogés sur cette question, les services du ministre délégué.

Il s'est réuni pour la huitième fois le vendredi 16 janvier 2004, dans la perspective des commémorations du soixantième anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence, notamment.

Elément révélateur de la position centrale occupée par cette instance en matière de politique de mémoire : interrogés par le rapporteur pour avis sur les cérémonies prévues pour la commémoration du soixantième anniversaire de la libération des camps, les services du ministre commencent par répondre que « le programme des commémorations sera arrêté par le Président de la République lors de la réunion du Haut Conseil de la mémoire combattante ».

b) L'orchestration : la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense et le ministère délégué aux anciens combattants

Certes, c'est le ministère délégué aux anciens combattants qui assure le secrétariat du Haut Conseil de la mémoire combattante. Mais, dans le même temps, la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) s'affiche également comme le pilote au jour le jour de cette politique, et exerce une action d'exécution particulièrement approfondie par le biais de ses services départementaux, dont elle assure le financement des actions.

C'est ici qu'une première difficulté a pu apparaître, dans la mesure où l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) a également une compétence locale en la matière : la direction générale de l'ONAC a la possibilité de mettre en œuvre une politique qui lui est propre en sollicitant ses services départementaux en étroite collaboration, naturellement, avec les collectivités locales.

Mais à partir de 2003 a été supprimée la double compétence à l'échelon local, l'ONAC restant seul responsable de la mise en œuvre de la politique de mémoire à cet échelon, et trente-quatre postes budgétaires ont été supprimés au sein des directions départementales du ministère de la défense. Il est à noter que les services départementaux, s'ils ont avant tout une fonction d'exécution, disposent aussi d'une certaine liberté d'initiative pour émettre des propositions correspondant au contexte départemental.

L'exécution des décisions sur le terrain laisse naturellement aussi une place importante à la concertation avec le monde associatif : les services du ministre délégué aux anciens combattants gèrent directement ces relations.

c) Les interventions plus ciblées ou ponctuelles

Enfin, aux côtés de ce dispositif général, tels des satellites, certaines structures sont dotées d'une réelle indépendance et de missions attitrées. On peut citer, à titre d'exemple, le Conseil national des communes « Compagnon de la libération » (13), établissement public administratif placé sous la tutelle du garde des sceaux destiné, entre autres, à la mise en œuvre d'initiatives dans les domaines pédagogiques, muséographiques ou culturels, ou encore, dans un tout autre ordre d'idées, les missions interministérielles pour certaines commémorations placées auprès du ministre de la défense et présidées par le ministre délégué aux anciens combattants. Il est vrai que des ministères comme ceux chargés de l'éducation nationale ou de la culture participent aussi dans une large mesure à ces actions.

2. Les moyens de la politique de mémoire

La politique de mémoire est une politique budgétaire. Sans entrer dans une analyse détaillée de l'ensemble des crédits, il importe de garder présents à l'esprit quelques chiffres et quelques évolutions.

a) Une analyse statique

Une première analyse, statique, montre l'importance des crédits accordés aux opérations de mémoire entendues au sens large : selon les services du ministère délégué, pour l'année 2005, « près de 23 millions d'euros [seront consacrés] à la poursuite ou au lancement d'opérations de mémoire »(14). Il faut noter cependant qu'une partie non négligeable de ces crédits sont imputables sur des chapitres du budget de la défense. C'est 1,8 million qui est consacré, sur le budget « anciens combattants » entendu au sens strict, aux actions de mémoire, comme le montre le tableau suivant.

Répartition des moyens financiers affectés à la politique de mémoire

(crédits de paiement en €)

Chapitre

Libellé

LFI 2004

PLF 2005

31-96 art. 30

(budget de la défense)

Personnels recrutés à l'étranger (entretien des nécropoles)

570 000

570 000

34-01 art. 29

(budget de la défense)

Commémorations

Information historique

Actions culturelles

Entretien des sépultures de garnison

1 750 000

633 000

383 000

68 000

570 000

1 480 000

710 000

66 000

34-01 art. 28

(budget de la défense)

Entretien des nécropoles nationales

1 029 142

1 029 142

46-03 art. 10

(budget des anciens combattants)

Frais de voyage sur les tombes des « Morts pour la France »

205 224

205 224

46-04 art. 20

(budget des anciens combattants)

Soutien aux actions de mémoire *

2 211 814

1 613 114

54-41 art. 98

(budget de la défense)

Remise en état des sépultures de guerre

1 160 000

1 146 000

66-50 art. 61

(budget de la défense)

Dotation pour les fondations de mémoire **

0

0

66-50 art. 62

(budget de la défense)

Actions de tourisme de mémoire

CPER

923 000

923 000

TOTAL

8 933 180

8 312 366

* En LFI 2004, le soutien aux actions de mémoire a été augmenté par des amendements parlementaires d'un montant de 89 700 €

** Il s'agissait, en 2003 de la dotation exceptionnelle pour la revalorisation du capital de la Fondation de la France Libre. Les subventions pour la Fondation de la mémoire et de la Résistance et pour la Fondation pour la mémoire de la déportation ont été réalisées en 2002.

En outre, les crédits de la politique de mémoire telle qu'elle est définie par ce même tableau inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005 ne s'élèvent qu'à 8,3 millions d'euros. C'est que la plupart des projets de grande ampleur annoncés pour l'année 2005 ont été préparés depuis quelques années.

Certaines mesures n'en reflètent pas moins l'importance de la politique de mémoire, comme l'ouverture de soixante postes budgétaires pour le recrutement de nouveaux délégués à la mémoire combattante dans les services départementaux de l'ONAC, de sorte que les actions en matière de mémoire soient tournées de façon prioritaire vers les jeunes générations.

Les nuances ainsi apportées à l'appréciation statique du budget de la politique de mémoire ne doivent pas laisser oublier la tendance forte qui se dégage d'une analyse, que l'on peut dire dynamique, d'évolution de ces dépenses.

b) Une analyse dynamique prenant en compte les différents acteurs

L'analyse des moyens de la politique de mémoire serait incomplète sans un regard sur les crédits de l'ONAC, dont on a pu relever l'importance de l'action budgétaire. Elle se caractérise par la diversité des initiatives mises en œuvre : rencontres intergénérationnelles, voyages pédagogiques, brochures, expositions, colloques, livres, pièces de théâtre, concours,...

Le 6 juin 2001, le ministère et l'ONAC ont signé un protocole d'accord destiné à définir la politique budgétaire d'accompagnement de l'ONAC. De plus, par décision en date du 5 mars 2002, le collège de l'Œuvre nationale du bleuet de France (ONBF) a décidé d'affecter une part de sa collecte annuelle à la politique de mémoire de l'ONAC.

Le tableau suivant illustre la part du budget consacré respectivement à la politique de mémoire par la DMPA, l'ONBF, les subventions des collectivités locales et les produits des dons et legs au cours des exercices 2001 à 2003.

Tableau comparatif du budget consacré à la politique de mémoire combattante

Exercice

DMPA

ONBF

Subventions des collectivités locales

Produits des dons et legs

TOTAL

2001

232 312 €

65 553 €

34 343,00 €

3 568,33 €

335 776,33 €

2002

255 121 €

228 673 €

39 864,00 €

17 772,06 €

541 430,06 €

2003

296 712 €

220 541 €

120 229,50 €

47 889,08 €

685 372,31 €

Taux de progression (2002-2003)

+ 16,30 %

- 3,55 %

+ 201,60 %

+ 169,46 %

+ 26,58 %

La progression de ces chiffres atteste, s'il en était besoin, la réalité de l'évolution budgétaire, trop souvent oubliée, de la politique de mémoire.

B. UNE POLITIQUE DYNAMIQUE : LA DIVERSIFICATION DES MISSIONS DE LA POLITIQUE DE MÉMOIRE

Comment résumer les principaux axes de la politique de mémoire sans entrer dans une seule énumération des nombreuses mesures prévues ? Le foisonnement de celles-ci dit certainement le succès de la politique de mémoire. Il est possible de regrouper ces mesures autour de trois thèmes, qui mettent en évidence le dynamisme de cette politique. Car si celle-ci reste, avant tout, une politique de conservation, elle est aussi de plus en plus une politique qui se caractérise par la mobilité : mobilité géographique - c'est le développement du tourisme en général, et du tourisme de mémoire en particulier -, mais aussi, à l'heure où le nombre des anciens combattants de la Première Guerre mondiale diminue, mobilité intergénérationnelle et internationale, au service d'un partage de la mémoire.

1. Conserver la mémoire

La mission de conservation de la mémoire pourrait paraître à la fois la plus évidente et la plus vétuste. L'entretien et la création de musées ou la gestion des archives, de même que les commémorations, sont le lot traditionnel de la gestion du passé et semblent souvent recouverts au mieux de la patine du temps, au pire d'une couche de poussière... Il faut reconnaître ici, bien au contraire, le développement remarquable - en insistant sur les éléments de modernisation incontestable - de ces modes d'entretien de la mémoire, dans ses deux dimensions.

a) La gestion et le développement des musées et des archives 

Les musées constituent l'élément traditionnel de conservation des éléments du passé. Lieux de mémoire par excellence, comme l'attestent les grands établissements traditionnels abritant les éléments du patrimoine national, tels le musée de l'armée, le musée de l'air et de l'espace, le musée national de la marine ou encore les musées des armées dits de tradition. Aujourd'hui, des opérations régulières tendent à leur conférer une dimension nouvelle, pédagogique.

Mais il convient de s'arrêter, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2005, sur deux types de musées particuliers.

- Le centre européen du résistant-déporté dans le système concentrationnaire nazi est encore en construction à ce jour, à proximité immédiate de l'ancien camp de concentration de Natzweiler-Struthof en Alsace. Ce centre a été conçu par l'architecte-muséographe Pierre-Louis Faloci sur deux niveaux, centrés sur un lieu accessible pour la première fois aux visiteurs - lieu dit « Kartoffelkeller » (cave à pommes de terre) : « les espaces d'information historique (expositions sur la Résistance et sur les camps) seront complétés par des lieux d'écoute et de réflexion, où le visiteur prendra la mesure de l'engagement résistant et de l'impérieuse nécessité de rester vigilant face aux atteintes à la liberté et à la démocratie » (15). L'usage de trois langues est prévu (français, allemand, anglais).

Le budget de l'ensemble de l'opération s'élève à 12 millions d'euros ; ce financement dépend à 80 % du budget de la défense, et à 20 % du financement européen par la voie du Fonds européen de développement régional (FEDER). L'inauguration du centre est prévue pour l'automne 2005.

Il faut noter que non loin de là, dans la vallée de la Bruche, à Schirmeck, les travaux du mémorial de l'Alsace-Moselle, dont la construction a débuté fin 2002, s'achèvent.

- Par ailleurs, la France dispose, en Pologne, comme tous les pays européens dont des ressortissants ont été déportés à Auschwitz, d'une exposition permanente dans l'enceinte de l'ancien camp d'Auschwitz I.

Un arrêté du ministre délégué aux anciens combattants en date du 7 août 2003 a créé une « commission pour la rénovation de l'exposition permanente française d'Auschwitz ».

Le 18 juin 2004, la direction du musée polonais d'Etat d'Auschwitz-Birkenau et le ministère de la défense français ont signé un protocole fixant le calendrier précis de la rénovation et des obligations de chaque partie. Les travaux ont commencé le 1er juillet 2004 et se poursuivent à l'automne 2004, pour une inauguration de la nouvelle exposition prévue en janvier 2005, au moment de la commémoration du soixantième anniversaire de la libération des camps.

b) Les fêtes de la mémoire

Celles que l'on peut appeler les « fêtes de la mémoire » constituent le deuxième volet de l'action de conservation de la mémoire. Est-il besoin de redire ici le succès indéniable des commémorations de l'année 2004 ? Interrogés par le rapporteur pour avis sur le bilan de ces manifestations, les représentants du monde combattant ont été unanimes pour saluer la manière dont ont été menées les commémorations de l'année 1944, et tout particulièrement des cérémonies d'Arromanche le 6 juin, du débarquement de Provence et de la Libération de Paris (16). Tout au plus chacun s'accorde-t-il à espérer que les manifestations à venir connaîtront le même succès, souhait partagé par le rapporteur pour avis.

C'est que 2005 également sera une année de commémorations. De ce point de vue, « le gouvernement entend que le drame de la déportation et de la Shoah, ainsi que l'hommage aux déportés, aient une force particulière ». Il est prévu, notamment, que soit commémorée la journée nationale du souvenir et de la déportation le 24 avril 2005. De plus, la commémoration de la libération des prisonniers de guerre donnera lieu à une cérémonie nationale.

Enfin, de manière à associer de façon toute particulière la jeunesse européenne à ces manifestations, « une cérémonie symbolique des différents types de déportation (...) pourrait avoir lieu à l'occasion d'un rassemblement international de déportés en octobre 2005 sur le site de l'ancien camp de concentration d'Oranienburg-Sachsenhausen » (17). L'année 1945 est aussi celle de la fin de la Seconde Guerre mondiale : la commémoration de la journée du 8 mai 1945 revêtira, pour ce soixantième anniversaire, une ampleur particulière, de même que la commémoration de la journée du 2 septembre 1945, date de la capitulation du Japon.

Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit 570 000 euros en crédits de paiement à l'article 29 du chapitre 34-01, consacrés aux commémorations.

2. Visiter la mémoire

L'idée de visiter les lieux de mémoire n'est pas nouvelle. Pierre Nora lui a conféré une autorité incontestée par l'assise intellectuelle que constituent ses « lieux de mémoire ». Mais si les lieux continuent, dans la mémoire des anciens combattants, de revêtir, à juste titre, une importance indéniable - en particulier les nécropoles et mémoriaux -, c'est la notion dynamique de « tourisme de mémoire » qui met aujourd'hui en valeur les flux ou les chemins qui lient entre eux ces différents lieux.

a) Les nécropoles et les mémoriaux

Les nécropoles peuvent être définies au sens strict comme des « sépultures de guerre placées sous la garde de l'Etat (...) situées (...) dans des cimetières spécialement créés à cet effet » (18).

L'entretien des nécropoles se distingue par son caractère à la fois presque traditionnel, dans la mesure où deux programmes ont été prévus pour les périodes 1994-2000 puis 2001-2008, et toujours assez ambitieux en termes budgétaires. En 2004, l'effort a porté notamment sur la restauration des nécropoles nationales créées à l'issue de la bataille de la Marne et des combats de la Résistance sur le plateau des Glières et dans le Vercors.

Le programme pluriannuel de rénovation de la nécropole Notre-Dame de Lorette a été poursuivi. A l'étranger, le cimetière de la guerre de Crimée, à Sébastopol, a été reconstruit et des travaux importants ont été réalisés dans les cimetières de Belgrade en Serbie, de Gammarth en Tunisie, et de Vénafro en Italie. Le monument français de Diên Biên Phu, au Vietnam, a été restauré. Les crédits consacrés à l'entretien des nécropoles nationales sont imputés sur le budget du ministère de la défense, au chapitre 34-01.

Quant aux mémoriaux (19), dont les crédits figurent au chapitre 54-41 du budget du ministère de la défense, on rappellera, pour s'en tenir à l'essentiel, que le ministère de la défense est chargé de la gestion de cinq d'entre eux (20).

En 2005, l'effort portera plus particulièrement sur la restauration de la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette et les nécropoles liées aux combats de Champagne et de la Meuse, sur la réalisation, à Verdun, d'un mémorial dédié aux soldats musulmans morts pour la France ainsi que, à l'étranger, sur le transfert du cimetière de Svichtov en Bulgarie vers celui de Sofia et au rapatriement des dépouilles mortelles de Phnom Penh au Cambodge à la nécropole de Fréjus.

Pour 2006, il est déjà prévu de restaurer les nécropoles liées aux batailles de Verdun et de la Somme, ainsi que d'achever et inaugurer le mémorial des soldats musulmans morts pour la France qui sera érigé à Douaumont.

b) Le développement du tourisme de mémoire

Il importe avant toute chose de revenir sur l'histoire de ce concept. Aujourd'hui l'un des plus novateurs de la politique de mémoire, il puise sa source dans des réflexions entamées au début de l'année 2000, débouchant assez rapidement sur la thématique du tourisme de mémoire, ainsi définie : « une démarche incitant le public à explorer des éléments du patrimoine mis en valeur pour y puiser l'enrichissement civique et culturel que procure la référence au passé » (21).

Cette politique repose d'une part sur la notion de points d'appui, « pivot du dispositif », « sites symboles, considérés comme des lieux de passage incontournables en raison de leur intérêt historique ou mémoriel, qui doivent disposer d'une solide infrastructure fonctionnelle par leur capacité d'accueil touristique, pédagogique et culturel », d'autre part sur la notion de chemins de mémoire reliant entre eux des points d'appui, définis comme des « axes de déplacement proposés aux visiteurs et aux touristes à la recherche de sites de
notoriété internationale, nationale et locale susceptibles d'entretenir la mémoire collective 
» (22).

En 2004, trois projets avaient été retenus au titre des contrats de plan Etat-région (23) : l'un autour de Sedan, de façon à réaliser un point d'appui sur le conflit de 1870 ; l'autre autour d'un triangle constitué par les villes de Reims, Châlons-en-Champagne et Epernay, pour un point d'appui dédié à la bataille de la Marne ; le troisième en Haute-Marne, à Colombey-les-deux-Eglises, pour la réalisation d'un point d'appui sur le conflit de 1939-1945 et le général de Gaulle. Par ailleurs, des chemins de mémoire nouveaux devaient être tracés à Vercors (Rhône-Alpes), au château de Joux (Franche-Comté) ou encore au musée de la ligne de démarcation (Bourgogne). Enfin, une procédure de labellisation des chemins de mémoire a été engagée.

Les perspectives pour l'année 2005 sont mitigées. Interrogé sur cette question par le rapporteur pour avis, le ministère annonce en effet que « dans le contexte budgétaire et financier actuel, seules des actions ponctuelles d'accompagnement susceptibles de donner lieu à des concours des titres III et IV sont envisageables pour 2005. Elles peuvent concerner les musées nationaux, les musées de tradition et certains sites de mémoire en nombre limité ». En revanche, des opérations prévues dans le cadre des contrats de plan Etat-régions seront poursuivies.

Par ailleurs, une convention a été signée à Lille le 9 février 2004 par M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme, et M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants, de manière à favoriser le caractère national de la démarche et à impliquer à la fois l'Etat, les collectivités locales et des acteurs privés - autrement dit, l'ensemble des partenaires concernés par la valorisation des sites. Cette convention prévoit, entre autres mesures, l'activation de deux sites internet, les chemins de la mémoire et mémoire des hommes (24). Il convient de revenir sur la réelle innovation que constituent ces deux nouveaux outils.

Avec les « chemins de mémoire », sous la maîtrise d'ouvrage de la DMPA, le secrétaire d'Etat au tourisme contribue à apporter des informations, créer des liens avec les acteurs concernés et participer à l'animation d'un site qui se définit lui-même comme visant à « sensibiliser au tourisme de mémoire une clientèle touristique nouvelle, plus particulièrement le public scolaire », « sauvegarder et épanouir le patrimoine historique », « contribuer au développement économique des régions intéressées ».

La vocation du site « Mémoire des hommes » - qui « connaît un succès reconnu par tous comme exceptionnel » - est un peu différente. Il s'agit d'un « outil de recherche nominative pour les familles et les généalogistes, mais aussi les historiens et les enseignants [qui] met gratuitement à la disposition du grand public des informations en ligne jusqu'alors difficilement accessibles et souvent méconnues » (25). Créé par arrêté du 3 octobre 2003, le site a été ouvert par M. Hamlaoui Mékachéra à l'occasion de la cérémonie du 11 novembre 2003. Aujourd'hui, le site recense les « Morts pour la France » de la Première Guerre mondiale (1,3 million), de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (24 000) et les personnes et les noms des plus de mille victimes fusillées au Mont Valérien au cours de la Seconde Guerre mondiale (26). Des compléments ou rectifications peuvent être apportés à l'initiative soit de l'administration, soit de particuliers souhaitant exercer leur droit de rectification (article 5 de l'arrêté du 3 octobre 2003). Il convient enfin de noter que ce site est d'ores et déjà complété par un site localisant les sépultures des combattants tombés au champ d'honneur, « Sépultures de guerre » (27).

3. Partager la mémoire

Plus le temps passe, plus diminue le nombre des témoins directs du passé. Pour évidente qu'elle soit - et dans une certaine mesure, heureuse, puisqu'elle rappelle aussi que la France n'a plus connu de conflit sur son propre territoire depuis la guerre d'Algérie -, cette assertion ne doit être oubliée et, pour cela, doit trouver une traduction concrète. Le partage de la mémoire, tant horizontal (géographique) que vertical (intergénérationnel) constitue une réponse à cette préoccupation.

a) Le partage de la mémoire géographique ou le concept de mémoire partagée

Ce concept repose sur la « volonté du gouvernement de la République française de raffermir les liens d'amitié et les relations entre les peuples dont l'histoire a rencontré celle de la France au cours du XXème siècle, qu'il s'agisse de ses alliés ou de ses adversaires d'hier. » (28). Il repose sur la signature de conventions passées entre l'Etat français et un Etat étranger, conventions qui prévoient l'organisation d'actions communes dans les domaines tant scientifiques et culturels ou éducatifs que commémoratifs. C'est ainsi que des mémorandums d'entente portant sur la coopération dans le domaine de la mémoire partagée des conflits du XXe siècle ont été signés avec la République de Corée, l'Australie, le Maroc, Madagascar, la Nouvelle-Zélande et la Grande-Bretagne, cependant qu'un accord avec la Tunisie est en cours d'élaboration. Mais il est naturellement possible que certaines actions soient organisées hors du cadre des accords.

A titre d'exemple, à partir de 2003, des actions communes ont été organisées avec l'Allemagne, à l'occasion du 40e anniversaire du Traité de l'Elysée, le Maroc, à l'occasion du 60e anniversaire de la libération de la Corse et de la campagne d'Italie, le Vietnam, pour le 50e anniversaire de la fin des combats en Indochine, alors que de jeunes Allemands, Français et Polonais étaient réunis dans le cadre de commémorations des 8 et 9 mai à l'initiative du Volksband Deutsche Kriegsgräberfürsorge et de l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) et qu'un colloque international a été organisé à l'occasion du 90e anniversaire de la bataille de la Marne.

Dans le même ordre d'idées - même s'il n'est pas fait ici application du concept de mémoire partagée -, le partage international peut consister en un échange d'expériences au sein du monde combattant : la France, qui bénéficie de connaissances incontestables dans un certain nombre de domaines concernant le monde combattant, peut en faire bénéficier d'autres pays. C'est le sens du rapport que vient de remettre le député Pierre Morel-A-L'Huissier au Premier ministre, pour le cas précis de la reconversion du combattant au sortir d'un conflit (29).

International, le partage géographique de la mémoire est également national et départemental, ainsi que l'illustre la politique menée par l'ONAC : 25 conventions ont été signées par la direction générale de l'ONAC entre le 23 juin 2000 et le 1er juillet 2003, tandis que 184 étaient signées avec des associations d'anciens combattants et de victimes de guerre, des associations locales de mémoires, des musées, des collectivités territoriales ou l'éducation nationale. Ces conventions ont des objectifs aussi divers que des reconstitutions historiques, le recensement de monuments, la promotion d'expositions ou encore la réalisation d'itinéraires de mémoire.

b) Le partage intergénérationnel de la mémoire

Les journées nationales d'hommage sont un premier moyen de sensibiliser l'ensemble des générations, et en particulier les plus jeunes, à certains événements du passé. Il existe aujourd'hui huit journées commémoratives légales (30). Certaines des associations entendues par le rapporteur pour avis souhaitent qu'en soient instituées de nouvelles, par exemple en hommage aux morts de la guerre d'Indochine. Le rapporteur pour avis n'est pas défavorable à cette idée.

Dans le même temps, sans que cela soit paradoxal, une « journée de la mémoire combattante » pourrait être instituée, par exemple le 11 novembre, pour faciliter, à cette occasion, la transmission des valeurs défendues lors des différents combats.

De façon plus ciblée, les actions à caractère pédagogique sont une manière de sensibiliser à la mémoire les plus jeunes générations.

Enfin, la collecte des témoignages est effective dans six services départementaux de l'ONAC. Dans son avis budgétaire consacré aux anciens combattants lors de la préparation de la loi de finances pour 2004, M. Patrick Beaudouin s'était prononcé pour le développement du recensement des témoignages et documents détenus par les anciens combattants. Interrogés sur cette question, les services du ministère ont indiqué que le ministre venait de prendre « l'initiative de constituer des archives orales pour le monde combattant, en particulier d'enregistrer les témoignages de combattants de la guerre d'Algérie ». Un comité scientifique composé d'universitaires et de conservateurs se constitue. Un stage de formation s'est déroulé au mois de juin 2004 à l'attention des délégués à la mémoire combattante en fonction dans les services départementaux de l'ONAC.

Dans le même ordre d'idées, la préparation d'un livre de référence sur l'histoire de la Résistance est une initiative fort bienvenue. De même que les avancées tendant à permettre que soit portée effectivement sur les drapeaux et étendards des unités ayant servi en Algérie la mention « AFN » : autre façon de rendre témoignage.

Il faut encore noter qu'au sein du service des archives du ministère de la défense a été créé un département spécialement chargé d'étudier et proposer un programme raisonné de collecte des témoignages sonores et audiovisuels, élaboré en relation avec les départements d'armées. Cette initiative est particulièrement opportune, et permettra, entre autres, de recueillir des témoignages sur la Deuxième Guerre mondiale.

De manière plus générale, le rapporteur pour avis soutient entièrement l'idée, déjà avancée par M. Patrick Beaudouin dans son rapport pour la préparation du projet de loi de finances pour 2004, de l'institution d'un « grand centre de la mémoire combattante », lieu de centralisation des archives de la mémoire combattante.

Autant d'éléments encourageants sur la voie de la vivification de la mémoire sur le long terme.

C. POUR UNE POLITIQUE DE LA JUSTE MÉMOIRE

Par les présents développements, le rapporteur pour avis, après avoir, en particulier, entendu de nombreuses associations, souhaiterait contribuer au débat en avançant des propositions à même d'améliorer encore la politique de mémoire, dans un esprit de justice et de mesure.

1. Pour une politique budgétaire de mémoire

Il est évident qu'une politique budgétaire de mémoire est une politique de mémoire « abondée ». Si, comme semblaient l'indiquer les propos de Tzvedan Todorov (cf. supra), trop de mémoire semble tuer la mémoire, trop peu de mémoire met cette même politique également en difficulté.

Le rapporteur pour avis ne souhaite cependant pas centrer son propos sur une revendication en termes de moyens. Il doit, s'agissant de la mise en œuvre de la politique de mémoire, plutôt saluer les efforts entrepris par le gouvernement dans cette direction. Une seule réserve peut y être apportée, concernant peut-être la politique du « tourisme de mémoire », difficulté mentionnée d'ailleurs par les services du ministère eux-mêmes (31).

Mais l'enjeu est plutôt ailleurs : de façon générale, la politique de mémoire est insuffisamment lisible.

En l'état actuel de la réflexion, les crédits des anciens combattants seraient, dans le nouveau cadre budgétaire tel qu'il résulte de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, regroupés en une mission, la mission « mémoire et lien avec la Nation », elle-même subdivisée en deux programmes :

- l'un serait consacré aux « liens entre la Nation et son armée » et comprendrait, notamment, la mise en œuvre de la politique de mémoire ;

- l'autre programme serait consacré à la « mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». L'objet de ce deuxième programme est de « retracer l'ensemble des prestations relevant du droit à réparation et à la reconnaissance au profit des personnes relevant du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre » (32). Mais l'objet n'est pas - et le rapporteur pour avis exprime à cet égard un réel regret - d'unifier, au sens budgétaire, l'action en faveur de la mémoire, dans la mesure où seul l'entretien des lieux de mémoire va constituer l'une des actions de ce programme (33).

Cette séparation n'est pas souhaitable au regard des objectifs de lisibilité et de transparence par ailleurs affichés par le ministère. Elle n'est pas davantage au service de la politique de mémoire, qui ne retrouverait entièrement ses lettres de noblesse que si elle recevait l'adoubement de la cohérence budgétaire. En rester au découpage ainsi prévu, c'est en effet, d'une certaine manière, laisser la politique de mémoire à l'écart des objectifs dont est porteuse la loi organique relative aux lois de finances.

Cette question a déjà été soulevée tant par la commission des finances de l'Assemblée nationale que par la commission des affaires sociale du Sénat, lors de la préparation du budget pour 2004 (34). Le rapporteur pour avis souhaite que cette modification intervienne désormais, à quelques mois de l'entrée en vigueur des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances.

2. Pour une politique de mémoire impliquant encore davantage la jeunesse

Le rapporteur pour avis souhaite s'arrêter sur un exemple qui peut paraître anecdotique mais n'en est pas moins significatif : le rôle des porte-drapeaux et leur régime. Ces acteurs des commémorations, chargés donc de porter les drapeaux lors des diverses manifestations, sont, depuis 1961, honorés par un diplôme d'honneur spécifique délivré par les services départementaux. Dans cette tâche, l'engagement des jeunes est encouragé : en 2002 et 2003, 45 jeunes porte-drapeaux ont reçu la médaille de l'ONAC, en reconnaissance de leur implication. Les services de l'ONAC mènent en outre une politique de subventions pour l'achat ou la rénovation des drapeaux par les associations. Cette politique est certes dynamique. Mais on peut se demander dans quelle mesure il ne conviendrait pas d'engager une politique plus volontariste encore, consistant par exemple à octroyer un drapeau à toute association naissante, en particulier celles dont les membres sont jeunes. Ce serait un moyen à la fois de renforcer le rôle structurant des porte-drapeaux en matière de commémorations et de favoriser l'implication des jeunes.

Des actions d'information et de sensibilisation pourraient parallèlement être organisées dans les collèges et lycées, ainsi que les établissements d'enseignement supérieur.

3. Pour une politique de mémoire recontextualisée

Une proposition pour une politique de « juste mémoire » va autant dans le sens d'une politique « mieux » budgétisée que « plus » abondée. Elle se fonde sur l'interprétation, « approche novatrice du tourisme de mémoire », et peut être défendue en ces termes : « pour les années à venir, l'enjeu est clairement de recontextualiser la mémoire, c'est-à-dire de tenter de la replacer dans une histoire plus large, celle d'une société dans laquelle des faits ont eu lieu » (35).

A l'instar de ce qui prévaut déjà couramment par exemple au Royaume-Uni, comme le montrent les exemples de l'Imperial War Museum ou du musée des armes de Leeds, mais aussi parfois déjà en France, avec l'historial de Péronne qui a changé la vision de la Première Guerre mondiale en la resituant dans le contexte général des différentes nations, il convient d'insister sur l'environnement historique des événements. C'est ainsi que la réalisation de l'espace muséal consacré au général de Gaulle à Colombey a été confiée non à un historien biographe spécialiste du général de Gaulle, mais à un historien de la vie économique et sociale de la deuxième moitié du XXe siècle. L'enjeu est le même s'agissant par exemple du mémorial de la France d'outre-mer en voie de création à Marseille.

4. De la politique de mémoire à la politique pour la mémoire ?

Par une dernière proposition, qui synthétise toutes les précédentes, le rapporteur pour avis insiste sur l'importance de la concordance des mots avec la réalité. Dans cette perspective, il faut remarquer que l'expression « politique de mémoire » met, contrairement à celle de « politique de la mémoire », l'accent sur la politique plus que sur la mémoire. Pourquoi ne pas user de l'expression « politique de la mémoire », ou même aller jusqu'à parler de « politique pour la mémoire », manière de bien marquer la finalité de cette politique, et à accorder autant d'importance à un terme qu'à l'autre ? Car c'est bien une politique pour la mémoire qu'il convient d'encourager.

Peut-être les propos de Paul Ricoeur, comme en écho à ceux de Tzvedan Todorov, peuvent-ils résumer ce qui constitue avant tout un état d'esprit : « Je reste troublé par l'inquiétant spectacle que donnent le trop de mémoire ici, le trop d'oubli ailleurs, pour ne rien dire de l'influence des commémorations et des abus de mémoire - et d'oubli. L'idée d'une politique de la juste mémoire est à cet égard un de mes thèmes civiques avoués » (36).

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a examiné pour avis, sur le rapport de M. Céleste Lett, les crédits des anciens combattants pour 2005, au cours de sa séance du mercredi 3 novembre 2004.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Bernard Perrut a souligné que ce budget apporte trois motifs de satisfaction : l'indemnisation, au titre du décret du 27 juillet 2004, des orphelins des victimes de la barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, l'extension en année pleine, d'une part, des dispositions relatives à l'attribution de la carte du combattant aux combattants ayant passé quatre mois sur les territoires d'Afrique du Nord et, d'autre part, de celles relatives à l'augmentation des pensions des veuves d'invalides pensionnés.

Trois préoccupations subsistent malgré tout : la revalorisation de la retraite de combattant, le relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant et le nécessaire développement des chemins de mémoire. Sur ce dernier point, les liens doivent être renforcés entre les budgets du tourisme, de la culture et celui, bien faible, des anciens combattants.

M. Georges Colombier a félicité le rapporteur pour avis de l'objectivité de ce rapport, très complet par ailleurs. Le thème choisi pour la deuxième partie est important. Il convient en effet de profiter du fait qu'il existe encore des survivants pour enregistrer leurs souvenirs. C'est un travail de mémoire essentiel. Les associations nationales sont très attentives à ce point, ainsi qu'aux autres points abordés par le rapporteur pour avis, concernant l'indemnisation effective des victimes de la barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, l'abaissement à quatre mois de service pour bénéficier de la carte du combattant au titre de l'engagement en Afrique du Nord ou encore la prise en charge des cures thermales.

Le budget ne comporte certes pas autant de mesures nouvelles qu'il serait souhaitable, mais il assume pleinement les engagements financiers du gouvernement, notamment pour ce qui est du financement de l'ONAC et de l'augmentation de ses crédits sociaux, ou encore du versement des pensions aux veuves d'invalides pensionnés. Il conviendrait par contre de réfléchir à l'octroi d'une allocation de solidarité pour les veuves les plus démunies. Il s'agirait d'un geste fort en faveur d'un droit à la réparation plus effectif.

S'agissant de la politique de mémoire, M. Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux anciens combattants, a demandé à la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense de recueillir de manière systématique l'ensemble des témoignages avec l'aide des associations.

Il aurait été important de revaloriser la retraite du combattant, ne serait-ce que d'un point, afin d'amorcer un mouvement de hausse. Il aurait également fallu agir sur la question de la prise en compte de la campagne double pour le calcul des droits à retraite des anciens combattants d'Afrique du Nord, le relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste d'anciens combattants ou la simplification du mécanisme dit du « rapport constant ». Enfin, il faudrait songer aux anciens combattants de la guerre du Golfe, afin qu'ils puissent bénéficier, sur les mêmes critères, des avantages dits de la « campagne double » ou de l'attribution de la carte du combattant dès lors qu'ils ont été engagés pour une durée de quatre mois.

Enfin, il faut souligner l'importance de la question des incorporés de force, évoquée par le rapporteur pour avis.

M. Alain Néri a estimé que si, l'année dernière, le budget était en trompe-l'œil, cette année, il constitue une tromperie. On ne peut croire à la hausse annoncée de 0,14%, qui est, encore une fois, une manipulation budgétaire. La plupart des mesures prises en 2004 n'entrant pas immédiatement en application, les crédits prévus sur le budget de l'année dernière n'ont pas été utilisés et ne seront pas reportés - qu'il s'agisse de la mesure d'extension de l'attribution de la carte du combattant ou de l'augmentation du niveau des pensions des veuves d'invalides pensionnés. Il y a donc une perte sèche de 15 millions d'euros de crédits. En prenant en compte l'inflation, le budget baisse en fait de 3 à 3,5 %.

Par ailleurs, cette année est la première année sans mesure nouvelle au bénéfice du monde combattant. Pourtant, le gouvernement avait promis la revalorisation de la retraite du combattant de 33 à 48 points. On sait qu'un point vaut 16 millions d'euros et que le ministère des finances est réticent à accepter ce type de mesures. Mais il aurait fallu engager un processus progressif, comme sous la précédente législature. C'est de cette manière que la durée d'engagement pour pouvoir bénéficier de la carte du combattant a été progressivement réduite. De même, la rente mutualiste a bénéficié de revalorisations annuelles régulières, jusqu'au dernier changement de gouvernement. Si l'actuel gouvernement avait suivi cette méthode, il aurait tenu les engagements.

Aujourd'hui, le ministre est condamné à augmenter la retraite de 5 points s'il veut porter, d'ici la fin de la législature, donc en trois ans, son niveau de 33 points à 48 points d'indice de pension militaire d'invalidité. Cela représenterait une dépense de 80 millions d'euros. Il est indécent de demander une hausse d'un point. Les anciens combattants ne réclament pas une obole mais le respect de leurs droits.

Par ailleurs, l'allocation différentielle pour les anciens combattants chômeurs, accordée sous certaines conditions, est aujourd'hui en perte de vitesse, la plupart des allocataires étant à la retraite. Il serait donc possible de récupérer des financements sur ces crédits.

Certes, l'ONAC voit ses crédits augmenter mais, les années précédentes, cette augmentation était déjà réalisée, grâce à la réserve parlementaire - ce que semble déplorer aujourd'hui le rapporteur pour avis. Or ces augmentations sont particulièrement nécessaires au regard notamment des besoins en personnels de l'ONAC. Par ailleurs, l'avenir de l'ONAC au-delà de 2007, date de fin du contrat d'objectifs et de moyens, n'est pas garanti, alors que le nombre des bénéficiaires est en augmentation. Il convient que le ministère de la défense conserve la tutelle de cet organisme, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, ayant d'ailleurs clairement refusé l'adossement de l'ONAC à son ministère.

Concernant les orphelins, les mesures prises sont bonnes mais il conviendrait de veiller à ne pas créer une difficulté liée au périmètre de la mesure. Si les orphelins de résistants morts dans les camps sont bien concernés, il faut également envisager la possibilité d'inclure les orphelins de déportés dont les parents sont morts peu de temps après leur retour des camps.

S'agissant de la mémoire, la baisse des crédits est dommageable en cette année de célébration du soixantième anniversaire du 8 mai 1945, date de capitulation du régime nazi. C'est une date à honorer, en souvenir des combats de la résistance pour la liberté et la restauration de la République. Les jeunes générations doivent se le rappeler. Cette date est également importante car elle a été suivie de très nombreuses avancées sociales, qui correspondaient à la mise en œuvre du programme du Conseil national de la résistance.

Le silence assourdissant du rapporteur pour avis sur la date de la journée d'hommage aux « morts pour la France » pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie est déplorable. Le choix du 5 décembre est une insulte pour les anciens combattants d'Afrique du Nord, contrairement à la date du 19 mars qui aurait dû être retenue.

M. Patrick Baudouin a regretté l'absence de revalorisation de la retraite du combattant.

Par ailleurs, le Parlement a évoqué l'an dernier la question d'une « allocation différentielle » au profit des plus défavorisés, adoptant à l'article 122 de la loi de finances pour 2004 un amendement tendant à ce que soit réalisé un rapport sur les anciens combattants et leurs veuves âgés de plus de soixante ans ayant des ressources inférieures au SMIC. Cette étude s'est heurtée à des difficultés tenant au recensement des besoins. C'est pourquoi deux tests pourraient être menés au sein de deux services départementaux de l'ONAC sur les allocataires potentiels ayant un revenu inférieur au SMIC ainsi que sur les veuves susceptibles d'en bénéficier, de façon à identifier concrètement les besoins.

Par ailleurs, l'absence de remboursement régulier par l'Etat des soins au titre du droit à réparation crée des difficultés pour certains anciens combattants invalides qui, en conséquence, se sont vus parfois refuser une prestation de soins par les praticiens non remboursés. Il convient donc de veiller à la régularisation budgétaire - déjà engagée - en cette matière.

Il faut se féliciter des efforts accomplis en faveur de la mémoire. La totalité des grands événements seront célébrés en 2005, y compris le grand retour des prisonniers, la libération des camps nazis et la capitulation du 8 mai. De plus, la notion de « mémoire familiale » émerge ; il faut la soutenir.

En dernier lieu, il est indispensable de créer un lieu unique de la mémoire combattante. Il convient également d'être attentif au devenir des archives. L'ouverture d'un grand centre de la mémoire combattante doit être favorisée, à l'heure de la réforme du service historique des armées.

Le président Jean-Michel Dubernard a approuvé l'évocation de la mémoire des familles : le succès actuel du film de Jean-Pierre Jeunet « Un long dimanche de fiançailles » en témoigne.

Aux différents intervenants, M. Céleste Lett, rapporteur pour avis, a apporté les éléments de réponse suivants :

- Contrairement à ce qui a été avancé, le budget des anciens combattants est, en masse, en réelle augmentation par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2004 et cela compte non tenu des crédits destinés au financement de l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie prévue par le décret du 27 juillet 2004. Cette situation est d'autant plus remarquable qu'elle est inédite depuis dix ans.

- De la même façon, il est erroné d'affirmer que le budget des anciens combattants pour 2005 ne contient pas de mesures nouvelles. A l'évidence, l'augmentation de près de 4 % des crédits sociaux de l'ONAC constitue bien une rupture avec les budgets précédents.

- La question de la date de la journée nationale d'hommage aux morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie n'est pas absente du rapport puisque la date du 5 décembre y figure en toutes lettres. Et si d'autres dates - telle celle du 19 mars - n'y figurent pas, c'est tout simplement parce que décision a été prise au niveau de l'Etat de consacrer le 5 décembre date de commémoration nationale et que, par suite, il appartient à tout démocrate de se conformer à cette décision -, ce qui n'empêche pas les associations de célébrer l'hommage aux anciens combattants à la date de leur choix.

- La préoccupation évoquée l'an passé par le rapporteur pour avis concernant la possibilité de mettre en place une garantie de ressources pour tous les anciens combattants et leurs ayants droit, et qui avait trouvé sa traduction dans la demande d'un rapport au gouvernement inscrit à l'article 122 de la loi de finances initiale, fait l'objet d'une réelle attention de la part du gouvernement. Le rapport demandé est paru et, à bien des égards, le relèvement des crédits sociaux de l'ONAC peut être considéré comme l'amorce d'une réponse. Pour le reste, et compte tenu de la complexité de la mise en place d'un tel dispositif, il est tout à fait envisageable de commencer par une expérimentation sur un ou deux départements.

- Les crédits pour le financement des actions en faveur de la mémoire combattante ne sont pas tous, loin s'en faut, regroupés au sein du budget des anciens combattants. Certains sont inscrits au budget de la défense, d'autres au budget du tourisme, sans compter les sommes importantes consacrées au soutien de telles actions par les collectivités locales. A cet égard, il faut rappeler la signature d'une convention à Lille le 9 février 2004 par M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants, et M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme, destinée à impliquer l'ensemble de ces acteurs dans la mise en œuvre d'un « tourisme de mémoire ».

- L'augmentation du plafond majorable de la rente mutualiste avec l'objectif d'atteindre le seuil des 130 points constitue à n'en pas douter une des préoccupations de la majorité. Toutefois, dans le contexte budgétaire actuel, il est nécessaire de faire des choix et, dans ce cadre, priorité a été donnée cette année à l'augmentation des crédits sociaux de l'ONAC et, par le biais de l'initiative parlementaire, à l'augmentation, même modeste, du niveau de la retraite du combattant.

Puis, la commission est passée à l'examen des amendements.

Après l'article 72

Après que le rapporteur pour avis a émis un avis défavorable, la commission a rejeté un amendement de M. Alain Néri visant à abaisser à soixante-dix ans l'âge pour la jouissance de la demi-part fiscale dans le calcul de l'impôt sur le revenu réservé aux titulaires de la carte du combattant.

Après l'article 72 

(article L. 256 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre)


Augmentation d'un point d'indice de pension militaire d'invalidité de la retraite du combattant

Puis, la commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis visant à augmenter d'un point d'indice le montant de la retraite du combattant.

Considérant que la faiblesse de l'augmentation proposée par le rapporteur pour avis apparentait celle-ci plus à une obole qu'à une véritable mesure en direction du monde combattant, M. Alain Néri a indiqué qu'il ne prendrait pas part au vote.

Après que le rapporteur pour avis a répondu que l'opposition actuelle aurait eu - si elle l'avait désiré - tout le loisir d'augmenter la retraite du combattant et selon un rythme plus soutenu lorsqu'elle était aux affaires, puisque cette dernière n'a pas été revalorisée depuis 1978, la commission a adopté l'amendement.

En conséquence, deux amendements de M. Alain Néri augmentant la retraite du combattant respectivement de quinze et cinq points d'indice sont devenus sans objet.

Après l'article 72

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Alain Néri visant à inscrire dans la loi l'engagement du gouvernement à pérenniser l'existence de l'ONAC.

M. Alain Néri a déclaré que le nombre des personnels mis à la disposition de l'ONAC ne cessait de diminuer rendant de plus en plus difficile l'accomplissement par l'Office des missions très importantes qui sont les siennes.

Après que le rapporteur pour avis a rappelé que la signature d'un contrat d'objectifs et de moyens courant jusqu'en 2007 entre l'Etat et l'office et que l'augmentation pour 2005 des crédits sociaux de l'ONAC constituent des gages suffisants de l'engagement du gouvernement en faveur de la pérennité de cet établissement public, la commission a rejeté l'amendement.

Puis, la commission a examiné un amendement de M. Alain Néri visant à créer une allocation différentielle au bénéfice des conjoints survivants d'anciens combattants âgés de plus de soixante ans et disposant de revenus inférieurs au SMIC.

M. Alain Néri a indiqué que cet amendement s'inscrit dans le cadre des propositions formulées l'an passé par le rapporteur pour avis, lesquelles avaient fait l'objet d'une demande au gouvernement d'un rapport à l'article 122 de la loi de finances initiale pour 2004.

Après que le rapporteur pour avis a émis un avis défavorable, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Alain Néri visant à substituer dans l'ensemble du corpus législatif et réglementaire au terme « veuve » l'expression « conjoint survivant ».

Après que le rapporteur pour avis a indiqué qu'il partage la préoccupation de M. Alain Néri mais que le gouvernement prépare un projet de loi sur ce point, la commission a rejeté l'amendement.

De la même façon, la commission a rejeté un amendement de M. Alain Néri visant à élargir aux orphelins des résistants et des otages fusillés ou massacrés sur le territoire national le bénéfice de l'indemnisation mise en place par le décret du 27 juillet 2004, après que le rapporteur a déclaré que ces personnes sont d'ores et déjà partie intégrante du champ couvert par le décret.

Puis la commission a rejeté deux amendements de M. Alain Néri, le premier visant à instituer le 27 mai, jour de la création du Conseil national de la résistance (CNR), comme journée de la résistance, le second visant à accorder à tous les militaires tombés en Algérie, au Maroc et en Tunisie dans l'accomplissement de leur mission et demeurés fidèles aux institutions républicaines la mention « mort pour la France », le rapporteur pour avis ayant indiqué d'une part que sa préférence va prioritairement à l'établissement d'une journée du combattant le 11 novembre, d'autre part que l'attribution de la mention « mort pour la France » répond à des critères précis auxquels il ne peut être dérogé.

Puis la commission a examiné un amendement de M. Alain Néri visant à relever le montant du plafond majorable de la rente mutualiste à 130 points d'indice.

M. Alain Néri a déclaré que cet amendement a vocation à encourager le gouvernement à tenir ses engagements.

Après que le rapporteur pour avis a déclaré que si cet objectif demeure une préoccupation de la majorité, dans le contexte budgétaire actuel des choix doivent être faits et l'ont été en faveur de l'augmentation des crédits sociaux de l'ONAC et de la retraite du combattant, la commission a rejeté l'amendement.

Enfin, la commission a examiné un amendement de M. Alain Néri visant à faire porter la mention « AFN » sur les drapeaux des unités combattantes les plus méritantes lors de la guerre d'Algérie.

Le rapporteur pour avis a émis un avis défavorable au motif que cette décision a déjà été prise par le gouvernement.

M. Alain Néri s'est déclaré satisfait de voir que la préoccupation qu'il avait déjà exprimée l'an passé dans un amendement trouve enfin son aboutissement, rétablissant de la sorte l'équité entre les différentes générations du feu.

Après que M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis sur les crédits des anciens combattants l'an passé, a rappelé qu'il avait alors émis un avis défavorable à l'adoption d'un amendement identique après avoir obtenu l'engagement de la ministre de la défense, Mme Michèle Alliot-Marie, que soit apportée une réponse à cette question, la commission a rejeté l'amendement.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des anciens combattants pour 2005.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

¬ Conseil national pour les droits des anciens combattants d'outre-mer de l'armée française : Général Tanneguy Le Pichon, président, et général Lang, futur président

¬ Association de la 2e DB : M. Jean-François Martin, président, colonel Laurentin, directeur

¬ Fédération des associations de fonctionnaires, agents et ouvriers de l'Etat et des services publics anciens combattants et victimes de guerre (FAFAC) : M. Jean-Claude Azais, président

¬ Fondation de la France Libre : M. Jean Caïtucoli, secrétaire général

¬ Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA) : M. Wladislas Marek, président, M. Guy Darmanin, vice-président national délégué, et M. Maurice Sicart, secrétaire général

¬ Association nationale des médaillés de la résistance : M. Olivier de Sarnez, secrétaire général

¬ Union française des associations de combattants et victimes de guerre (UFAC) : M. Jacques Goujat, président, et M. Georges Doussin, vice-président

¬ Union nationale des combattants (UNC) : M. Hugues Dalleau, président, et M. Gérard Colliot, membre du bureau et président du groupe UNC des Yvelines

¬ Association des écrivains combattants : M. Hervé Trnka, secrétaire général, et M. Jean-Hubert Levame, rédacteur de la revue de l'AEC

¬ Union fédérale des associations françaises d'anciens combattants et victimes de guerre : M. Serge Cours, président, et M. Gaëtan Charlot, vice-président

¬ Fédération nationale André Maginot : M. Bernard Mercadier, vice-président, et M. André Cervaux, vice-président

¬ Fédération nationale des plus grands invalides de guerre (FNPGIG) : M. Raymond Casal, trésorier général-adjoint

¬ Fédération nationale des déportés et internés de la Résistance, Union nationale des associations de déportés internés et familles de disparus (FNDIR - UNADIF) : M. Pierre Eudes, secrétaire général de l'UNADIF et de la FNDIR

¬ Association républicaine des anciens combattants (ARAC) : M. André Fillère, vice-président national

¬ Association nationale des anciens combattants de la Résistance (ANACR) : M. Jacques Weiller, secrétaire national

¬ Société nationale des médaillés miliaires : M. Micislas Orlowski, président

¬ Association Rhin et Danube : M.  Claude Collin du Bocage, président

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N° 1864 - tome V - Avis au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 2005 : Anciens combattants (M. Céleste Lett)

1 () Les missions de l'INI sont définies par l'annexe « bleue » au projet de loi de finances : « héberger dans son centre des pensionnaires les plus grands invalides de guerre et dispenser, dans son centre médico-chirurgical, des soins en hospitalisation et en consultation aux malades et blessés en vue de leur réadaptation fonctionnelle, professionnelle et sociale ».

2 () « Le revenu moyen des retraités est, en 2000, de 14 718 euros pour un retraité seul et de 26 120 euros pour les retraités en couple, soit, dans tous les cas de figure, une somme supérieure au SMIC brut annuel. »

3 () En 2002, 12 721 cartes avaient été établies ; au 31 décembre 2003, 42 091 demandes avaient été instruites, et 37 904 avaient été établies.

4 () A titre d'exemple, voir la réponse récente sur ce thème à une question écrite du député François Liberti publiée au Journal officiel du 31 août 2004.

5 () quel que soit le taux d'invalidité à partir de 10 %.

6 () La dénomination « fléchard » renvoie à la fois au lieu du camp d'emprisonnement (la commune de La Flèche) et au statut de « bagnard » de ces personnes.

7 () Proposition de loi (n° 356) établissant le statut du réfractaire des Alsaciens et Mosellans, enregistrée à l'Assemblée nationale le 7 novembre 2002.

8 () Par décristallisation, on entend la mesure d'équité visant à mettre fin aux régimes prévus par les lois de finances pour 1959 et 1960, ainsi que par la loi de finances rectificative pour 1981, selon lesquels tous les avantages servis au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code des pensions civiles et militaires de retraite étaient « cristallisés », donc ne bénéficiaient d'aucune progression contrairement aux avantages dont bénéficiaient les ressortissants français.

9 () Tzvetan Todorov, Les abus de la mémoire, Arléa, 1995.

10 () « Dans le domaine de la mémoire, après une année 2004 qui laissera pour longtemps encore le souvenir des images exceptionnelles des commémorations des débarquements de Normandie et de Provence et de la Libération de Paris et de tant d'autres lieux, 2005 sera marquée par l'aboutissement des projets muséographiques d'Auschwitz et du Struthof. » (Plaquette de présentation du budget des anciens combattants pour l'année 2005).

11 () Le projet relatif aux rapatriés actuellement en cours de discussion au Parlement en est une illustration.

12 () Avis n° 77, 2003-2004, présenté par M. Marcel Lesbros au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2004.

13 () Créé par la loi n° 99-418 du 26 mai 1999, en vue de succéder au Conseil de l'ordre de la libération.

14 () Ce montant tient compte, notamment, des subventions au profit des musées nationaux.

15 () Selon l'expression de la plaquette de présentation du budget éditée par le ministère.

16 () Mais il faut ajouter d'autres cérémonies, moins médiatisées : Cérémonie internationale de Mondement (Marne) pour le 90e anniversaire de la première bataille de la Marne ; cérémonies à Rome et à la Nécropole de Venafro commémorant les combats de la campagne d'Italie en 1944 ; nombreuses cérémonies relatives à la libération du territoire, notamment à Sennecey-le-Grand, Montbard, Strasbourg ; hommage aux victimes civiles de la barbarie nazie à Oradour-sur-Glane et Tulle ; hommage à la mémoire de Jean Moulin ; cérémonie en hommage aux morts de la guerre d'Indochine dans le cadre du 50e anniversaire de la bataille de Diên Biên Phu ; cérémonie en hommage au maréchal Lyautey (150e anniversaire de sa naissance et 70e anniversaire de sa mort).

17 () Eléments communiqués par les services du ministre délégué au rapporteur pour avis.

18 () Claude Petit et André Delvaux, Guide social des anciens combattants et victimes de guerre, Lavauzelle, 1993.

19 () On peut retenir la définition de Claude Petit et André Delvaux dans l'ouvrage précité, selon lesquels les mémoriaux, au sein de la catégorie des monuments commémoratifs destinés à rappeler des faits, « se signalent par leur importance ou la dimension des événements qu'ils commémorent ».

20 () Le mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, quai Branly ; le mémorial du Mont Faron ; le mémorial de la France combattante du Mont Valérien ; le mémorial des martyrs de la déportation sur l'Ile de la Cité ; le camp des Milles ; le camp de Natzweiler-Struthof.

21 () Cette définition figure sur le site « mémoire des hommes » cité plus bas. Il figure aussi, de même que les explications suivantes, dans l'article de François Cavaignac et Hervé Deperne, « Les chemins de mémoire, une initiative de l'Etat », Cahier Espace 80, décembre 2003.

22 () Ces points d'appui et chemins de mémoire concernent quatre grandes thématiques : la fortification ; 1870-1871 ; 1914-1918 ; 1939-1945. Ils se répartissent sur le territoire français en sept secteurs, sept « territoires de mémoire », correspondant aux sept zones de défense.

23 () Il s'agit des deux contrats signés par la région Lorraine et par la région Champagne-Ardenne.

24 () http://www.cheminsdememoire.gouv.fr et http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr.

25 () Eléments d'information transmis par les services du ministre délégué, qui ajoutent : « La réalisation [de ce site] est l'illustration de la volonté du ministère d'élargir la diffusion des ressources documentaires dont il dispose, tout en participant à leur valorisation, en utilisant pour ce faire des technologies de communication les plus avancées ».

26 () D'ici la fin de l'année 2004, devraient figurer en outre les données relatives aux personnels de l'aéronautique militaire pendant la Première Guerre mondiale ainsi que celles relatives aux soldats de la garde impériale et de l'infanterie de ligne du Premier empire et à partir de l'année 2005, celles relatives aux « Morts pour la France » de la guerre d'Indochine et de la Deuxième Guerre mondiale.

27 () www.sepulturesdeguerre.sga.defense.gouv.fr.

28 () Eléments transmis par les services du ministre délégué.

29 () « Rapport sur la reconversion des anciens combattants en période de crise », La Documentation française, 2004.

30 () La journée nationale d'hommage aux morts le 2 novembre, la fête de Jeanne d'Arc le deuxième dimanche du mois de mai, la commémoration de l'armistice du 11 novembre 1918, la journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation le dernier dimanche du mois d'avril, la commémoration de la victoire du 8 mai 1945, la journée nationale à la mémoire des victimes de crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux « Justes » de France, le 16 juillet ou le dimanche suivant, la journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives le 25 septembre, la journée nationale d'hommage aux « Morts pour la France » pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie le 5 décembre. Au sujet de l'établissement de ces deux dernières journées, et plus généralement de la politique de mémoire en faveur des rapatriés dont les harkis, voir le rapport établi par Mme Pascale Gruny (n° 1797) sur la proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les événements après le cessez-le-feu de la guerre en Algérie.

31 () Interrogés par le rapporteur pour avis, les services du ministre délégué notent en effet que « l'année 2004 pour le tourisme de mémoire a été caractérisée essentiellement par la suppression des crédits d'investissement du titre VI (hors CPER) en raison des contraintes budgétaires ».

32 () Selon l'explication figurant sur le document de présentation du budget élaboré par le ministère.

33 () En plus des actions : administrer la dette viagère, gérer les droits liés aux pensions militaires d'invalidité et assurer la solidarité.

34 () Voir sur cette question le rapport établi par M. Xavier Bertrand au nom de la commission des finances pour le projet de loi de finances pour 2004 et l'avis établi par M. Marcel Lesbros au nom de la commission des affaires sociales du Sénat.

35 () Jean-Michel Puydebat, « Plaidoyer pour une mémoire moderne », Cahier Espace 80, décembre 2003.

36 () Paul Ricoeur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, Seuil, 2000.


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