CHAPITRE V : LES SERVICES PÉNITENTIAIRES

Les crédits des services pénitentiaires atteindront 1.654,44 millions d'euros en crédits de paiement dont 41,6 millions d'euros de moyens nouveaux en dépenses ordinaires au titre de la LOPJ. 437,9 millions d'euros en autorisations de programme sont prévues dont 365 au titre de la loi d'orientation. Le budget est donc en hausse de 3,89 % et représente 30,29 % des crédits du budget 2005 pour la justice.

Le tableau suivant présente les crédits et créations d'emplois prévus pour 2005, ainsi que leur évolution par rapport à l'année 2004.

(en millions d'euros)

Services judiciaires

LFI 2004

PLF 2005

Évolution 2004/2005

(en %)

Dépenses ordinaires

1.418,79

1.480,63

4,36

Dépenses en capital

173,615

173,710

0,05

Total des CP

1.592,40

1.654,34

3,89

Autorisation de programme

688,00

438,25

- 36,30

Créations nettes d'emplois

1.110

497

dont personnels de surveillance

707

200

dont personnels d'insertion et de probations

159

215

Source : Ministère de la Justice.

I.- LA GESTION DE LA POPULATION PÉNALE

A.- LA SURPOPULATION CARCÉRALE

Le nombre de détenus a augmenté en octobre de 2,3 % pour atteindre au 1er novembre le chiffre de 57.950, établissant le taux de surpopulation carcérale à 116,8 %. Le nombre de détenus condamnés est de 37.136 et celui des prévenus de 20.184. Le nombre de mineurs incarcérés a lui aussi augmenté, passant de 579 à 618. Ce dernier chiffre est inférieur à ceux enregistrés ces deux dernière années à la même période : 728 en novembre 2003 et 731 en novembre 2002.

Les évolutions du nombre de détenus et les caractéristiques de la population pénale sont difficiles à prévoir, ce qui rend aléatoire l'identification du besoin à un moment donné. A titre d'exemple le nombre de détenus était de 51 633 en 1995, il a été réduit à 45.000 en avril 2001 puis a considérablement augmenté pour atteindre 63.652 détenus au 1er juillet dernier. De même le pourcentage de détenus relevant de maison d'arrêt a subi des fluctuations, passant de 65 % en 1995 à 47 % en 2001, il était de 55 % au 1er janvier 2004.

Ces variations peuvent en partie s'expliquer par des évolutions de la politique pénale (nombre et durée de l'incarcération), par définition assujetties à des données contextuelles.

Ces évolutions retentissent sur les conditions de la détention. Le taux d'occupation des établissements pénitentiaires est passé de 115,5 à 121,9 % entre le début et la fin de 2003, avant d'atteindre 128 % à la mi-2004. L'évolution de la durée moyenne de détention s'est accrue en 2003 (8,4 mois).

Au 1er janvier 2004, les services pénitentiaires d'insertion et de probation avaient en charge 123 492 personnes assignées à une mesure en milieu ouvert, soit 4,5 % de moins que début 2003.

B.LE DÉVELOPPEMENT DE L'ALTERNATIVE À L'INCARCÉRATION

La notion de « milieu ouvert » rassemble l'ensemble des mesures pénales qui constituent une alternative à l'incarcération. Sous la pression de l'inflation carcérale et sous l'influence des travaux de recherche relatifs à la réinsertion des personnes détenues, les autorités judiciaires ont développé des peines alternatives à l'enfermement total pour les personnes passibles de courtes peines, en recourant soit aux mesures de milieu ouvert, soit à la semi-liberté. La constatation que le « tout prison » n'est ni socialement ni économiquement justifié est aujourd'hui largement partagée.

Le développement de cette nouvelle politique repose principalement sur l'action des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) ont été créés en 1999 ; ils ont des activités multiples : ils ont en charge les enquêtes présentencielles (enquêtes rapides dans le cadre de la permanence d'orientation pénale), le suivi des mesures de contrôle judicaire, des mesures alternatives à l'incarcération (travail d'intérêt général, sursis-TIG, sursis avec mise à l'épreuve) et des aménagements de peine (libération conditionnelle, semi-liberté, placement à l'extérieur sans surveillance) en milieu ouvert. Ils interviennent aussi pour l'assistance aux libérés définitifs.

1.- La prochaine mise en œuvre de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité

Les objectifs principaux de cette loi sont d'améliorer la mise à exécution des sanctions pénales, de renforcer l'individualisation des peines et de lutter plus efficacement contre la récidive en évitant les sorties de prison « sèches » ; les nouveaux dispositifs mis en place par la loi vont considérablement modifier les pratiques actuelles.

La loi pose, notamment, comme principe, pour les condamnés définitifs à des peines comprises entre 6 mois et 5 ans, un aménagement de leur fin de peine (reliquat de 3 mois pour les condamnés à des peines supérieures ou égales à 6 mois et inférieures à 2 ans, reliquat de 6 mois pour les condamnés à des peines supérieures ou égales à 2 et inférieures à 5 ans) en semi-liberté, placement à l'extérieur ou placement sous surveillance électronique. Dans cette nouvelle procédure d'aménagement de peine qui a vocation à favoriser la préparation à la sortie des personnes détenues, le directeur du SPIP devient autorité requérante. Il saisit le juge de l'application des peines (JAP) aux fins de proposition.

La loi implique le repérage des personnes incarcérées juridiquement éligibles au bénéfice d'un aménagement de peine, puis l'examen systématique de leur situation individuelle et l'élaboration avec elles d'un projet d'aménagement de peine. Le pouvoir de proposition des travailleurs sociaux au juge de l'application des peines en matière d'aménagement de peine s'en trouve considérablement renforcé. De plus, la loi confère au DSPIP, un droit de mise à exécution de ces propositions, en cas de silence du JAP.

En supplément de la nouvelle procédure d'aménagement des fins de courtes peines, la loi du 9 mars 2004 consacre la réforme du droit de l'application des peines amorcée par la loi du 15 juin 2000, avec la juridictionnalisation du milieu ouvert, le principe de fongibilité des mesures de la compétence du JAP.

Elle donne une place prépondérante aux SPIP tout au long de la chaîne pénale allant des alternatives aux poursuites avec la mise en œuvre du travail non rémunéré dans le cadre de la composition pénale, à l'exécution des peines restrictives et privatives de liberté.

Toutes ces nouvelles dispositions, issues de la loi du 9 mars 2004, vont entrer en vigueur entre le 1er octobre 2004 et le 31 décembre 2006. Elles nécessitent toutefois de travailler en amont puis en aval au tissage d'un réseau partenarial disponible mobilisant de nombreuses ressources humaines.

2.- Le milieu ouvert

Au 1er janvier 2004, les services pénitentiaires d'insertion et de probation prennent en charge 123.492 personnes assignées à une mesure en milieu ouvert et suivent 135.721 mesures, soit 1,1 mesure par personne suivie.

Les sursis avec mise à l'épreuve forment un peu plus des trois quarts des mesures suivies en milieu ouvert, les mesures de travail d'intérêt général représentent 13 %, les mesures de libération conditionnelle 4,7 %.

Entre le 1er janvier 2003 et le 1er janvier 2004, le nombre de personnes prises en charge a diminué de 4,5 %, soit près de 6 000 personnes en moins. Au regard des mesures (-3 %), les TIG ont enregistré une baisse de 6 %, les sursis avec mise à l'épreuve, une baisse de 2,4 %. La baisse observée peut être liée à celle du nombre de mesures ouvertes ou à celle de la durée moyenne de prises en charge.

L'analyse de l'indicateur de durée moyenne de prise en charge souligne que la durée moyenne de suivi (toute mesure confondue) a diminué entre 2002 et 2003 (passant respectivement de 23,6 mois à 20,7 mois). En revanche, le nombre de mesures ouvertes a augmenté entre ces deux dates.

En 2003, les services pénitentiaires d'insertion et de probation ont pris en charge 67.880 personnes au titre de 79.675 mesures de milieu ouvert. Ces données étaient respectivement de 61.542 et 75.200 en 2002, soit une augmentation de 10 % et 6 %.

Parallèlement, les SPIP ont réalisé 42.900 interventions au cours de l'année 2003. Sont comptabilisés parmi les interventions (ou actes ponctuels), l'accueil des sortants de prison et la réalisation d'enquêtes sollicitées par les juges mandant.

L'action d'assistance aux libérés définitifs illustre les limites du travail des SPIP au regard des besoins. Le code de procédure pénale, dans son article D. 544 issu du décret du 13 avril 1999 prévoit que pendant les six mois suivant sa libération, toute personne peut bénéficier, à sa demande, de l'aide du SPIP du lieu de sa résidence. Au 1er janvier 2004, le nombre de sortants de prison, tous motifs confondus, au cours de l'année 2003 s'élevaient à 78.066. Au cours de la même année, 6.602 sortants de prison seulement ont été reçus par un membre de ce service.

En 2003, l'administration pénitentiaire a disposé, au chapitre budgétaire 46-01, de crédits d'intervention à hauteur de 4,32millions d'euros, utilisés à la mise en œuvre des politiques d'insertion en faveur des personnes placées sous main de justice.

Ils servent, pour partie, à délivrer une aide directe à la population sous main de justice. Il s'agit de procurer une aide d'urgence aux sortants de prison et aux personnes suivies en milieu ouvert qui en ont besoin. Cette aide prend la forme de titres de transport (18 %), d'aide à l'entretien courant (habillement, tickets restaurant, cartes téléphoniques) (47 %), voire de bons d'hébergement (11 %). Ces crédits servent aussi à subventionner un partenariat associatif indispensable au fonctionnement des services et à la prise en charge des personnes détenues.

Dans le cadre des placements à l'extérieur, il existe, selon la situation du condamné, plusieurs possibilités d'hébergement, que le juge de l'application des peines compétent définit. Certains réintègrent systématiquement l'établissement pénitentiaire à la fin de leur activité, d'autres sont pris en charge par un centre d'hébergement où ils bénéficient d'un accompagnement socio-éducatif, d'autres encore sont locataires d'un appartement dans lequel ils séjournent en dehors des périodes où ils doivent réintégrer la prison. D'autres enfin, peuvent être autorisés à se rendre à leur domicile ou celui d'un tiers.

Au cours de l'année 2003, 2733 condamnés ont été admis au bénéfice du placement à l'extérieur. Parmi ceux-ci 1085 ont bénéficié d'un placement à l'extérieur sous surveillance continue de l'administration pénitentiaire, tandis que 1648 ont été placés à l'extérieur sans surveillance de l'administration pénitentiaire, dont 753 dans un centre d'hébergement.

La libération conditionnelle a concerné 5.056 détenus en 2002 et 5.286 en 2003. Ces chiffres sont en diminution par rapport à ceux des années 2000 et 2001.

La loi de 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a accru les possibilités de recours au placement sous surveillance électronique, dans le cadre du prononcer de la mesure ab initio ou de la proposition d'aménagement des fins de peine par le SPIP.

La mise en application du PSE par l'administration pénitentiaire intervient progressivement au terme de quatre étapes : l'étude des expériences étrangères, le lancement d'une expérimentation sur quatre sites, l'extension fonctionnelle et géographique, et, aujourd'hui, la généralisation du dispositif après l'analyse de l'expérimentation.

Votre Rapporteur rappellera qu'à partir d'Octobre 2000 le placement sous surveillance électronique a été expérimenté sur quatre sites pilotes : les juridictions d'Agen, Aix-en-Provence, Grenoble et Lille. Cette expérimentation a eu pour objectif de vérifier le bon fonctionnement des dispositifs de surveillance, d'évaluer les compétences des catégories de personnels pressenties pour la mise en œuvre et d'évaluer les réactions des personnes placées sous main de justice qui bénéficieront de la mesure et, le cas échéant, de procéder à des aménagements de celle-ci, notamment en termes d'intensité de l'accompagnement social et de longueur de la période de placement.

L'expérimentation a été ensuite étendue à de nouveaux sites pénitentiaires et toutes les directions régionales ont disposé d'un site dès 2002.

Au 1er juillet 2002, 340 placements avaient été prononcés depuis le début de l'expérimentation dont 100 étaient en cours et 10 juridictions étaient concernées par la mesure. En juillet 2004, 3118 placements avaient été prononcés depuis le début de l'expérimentation dont 863 étaient en cours et 126 juridictions étaient concernées par la mesure. La progression est notable depuis environ un an.

Le décret du 17 mars 2004 portant adaptation de la loi du 9 septembre 2002, a rendu possible l'utilisation du PSE pour les personnes sous contrôle judiciaire. Le 15 juillet 2004, 2 personnes sous contrôle judiciaire bénéficiaient d'un placement sous surveillance électronique.

Actuellement, le PSE fonctionne sur la base des marchés régionaux. Dans ces marchés, le prestataire loue le matériel de surveillance à l'administration pénitentiaire. Chaque DRSP est responsable du marché qu'elle a conclu selon les instructions données par l'administration centrale relatives au nombre de bracelets à louer ainsi qu'à la durée du marché. Le coût d'un bracelet électronique est d'environ 22 euros par jour (contre 63 euros pour une journée de détention). L'essentiel de ce coût est lié aux frais de location du matériel.

Parallèlement, une procédure est engagée concernant le marché dit de généralisation. Il s'agit d'un marché national de mise à disposition et d'exploitation qui a vocation à couvrir l'intégralité du territoire qui sera toutefois divisé en trois zones géographiques distinctes. Ce marché devrait reprendre progressivement les marchés régionaux et permettre de disposer d'un parc de 3000 bracelets en 2007 comme l'a annoncé le Garde des Sceaux.

Ce marché de généralisation est actuellement au stade de l'analyse des offres, les candidats ayant été entendus en septembre 2004. En effet, le dossier de spécifications fonctionnelles n'a pu être finalisé qu'après la parution du décret du 17 mars 2004 pour une mise en conformité avec les exigences formulées par le Conseil d'État. En conséquence, la reprise des marchés régionaux par le marché de généralisation s'effectuera en 2005.

3.- Le développement des Centres pour peines aménagées

Le développement des CPA s'inscrit dans le cadre de la politique de développement des mesures alternatives à l'incarcération et des mesures de préparation à la sortie pour les personnes placées sous main de justice.

Les centres pour peines aménagées (CPA) constituent un nouveau type d'établissement pénitentiaire. Implantés en centre-ville, ils différent des maisons d'arrêt, inadaptées à des traitements personnalisés, et visent à améliorer la prise en charge des courtes et moyennes peines, à moins d'un an de leur libération. Ils permettent à l'administration pénitentiaire de préparer la réinsertion et le retour des personnes en milieu libre. Ils sont également susceptibles d'accueillir des détenus bénéficiant d'une mesure de semi-liberté ou d'un placement à l'extérieur.

Ce nouveau type d'établissement comporte, outre le secteur gestion, logistique et hébergement, deux nouvelles structures : l'antenne du service pénitentiaire d'insertion et de probation et le secteur éducatif composé de salles d'activités. Selon les implantations et les besoins, la capacité de chaque centre peut varier de 60 à 80 places.

Le programme de réalisation des centres de semi-liberté et des centres pour peines aménagées prévoit l'expérimentation de ce nouveau type d'établissement sur trois sites existants dans le patrimoine pénitentiaire : l'ancien centre pénitentiaire de Metz-Barrès, l'ancienne prison hôpital de Marseille-Baumettes, et l'actuel centre de semi-liberté de Villejuif.

La réhabilitation des deux premiers sites a eu lieu : ils offrent l'un 78 places, et l'autre 87 places. L'aménagement du troisième CPA dans le centre de semi-liberté de Villejuif est en cours ; il sera mise en service mi-2005, et ouvrira une capacité de 120 places. Le coût de l'opération est de 3,55millions d'euros.

II.- LES PERSONNELS PÉNITENTIAIRES ET LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT

A.- LES RECRUTEMENTS SE POURSUIVENT À HAUT NIVEAU

Après 400 emplois obtenus au titre de la loi de finances 2004, dont 150 personnels de surveillance, l'administration pénitentiaire a obtenu pour l'année 2005 la création de 536 emplois nouveaux.

1.- Les effectifs

a) Les créations d'emplois 

Ces nouveaux emplois permettront l'activation de 1.036 places de détention supplémentaires.

Ces emplois sont ventilés de la manière suivante :

- 210 emplois de personnels de surveillance : dont 60 emplois pour le renforcement de la surveillance en établissement pénitentiaire ( 58 surveillants et 2 chefs de service pénitentiaire de 2ème classe) ; et 150 emplois dans le cadre du dispositif d'augmentation des capacités du parc pénitentiaire : 130 surveillants et 20 premiers surveillants ;

- 120 emplois de personnels administratifs dans le cadre du renforcement des structures administratives déconcentrées et du renforcement des personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation ;

- 200 emplois de travailleurs sociaux pour venir en appui aux personnels des SPIP ;

- 3 emplois de contractuels afin de renforcer les structures administratives déconcentrées ;

- 3 emplois à l'E.N.A.P.

On constate qu'au 1er janvier 2004, 2.250 vacances de postes, dont les créations d'emplois obtenues au titre de l'année, sont recensées, auxquelles il faut rajouter les départs libérant des postes durant l'année, notamment les retraites qui restent à niveau constant depuis 2001. Afin de remédier à ces vacances, les recrutements importants engagés depuis 1999 se sont poursuivent en 2004.

Les recrutements s'effectueront normalement pour plusieurs catégories de fonctionnaires. Les recrutements de personnel de direction (34 personnes recrutées au concours de concours 2004) et de personnel administratif devraient être organisés fin 2004 ou début 2005 et permettre ainsi de combler la plus grande partie des vacances actuelles, Le taux de vacance dans le corps des adjoints administratifs devrait baisser en dessous de 2 %. Les recrutements des directeurs techniques et techniciens organisés fin 2004 permettront au cours du 1er trimestre 2005 de couvrir au mieux les vacances.

En ce qui concerne les personnels socio-éducatifs, une réforme de la filière est actuellement en cours, de ce fait il n'a pas été possible d'organiser cette année un concours de chef de service d'insertion et de probation. Pour ce qui concerne les conseillers d'insertion et de probation, dont la scolarité dure 2 ans, 201 élèves ont été recrutés en 2004 et 360 au total sont actuellement en cycle de formation.

Grâce à une nouvelle campagne de publicité en 2004, la quasi totalité des vacances dans le grade de surveillant devrait être comblée d'ici à la fin de l'année. Les concours de juin 2003 (arrivés en formation en janvier 2004), janvier et juin 2004 auront permis d'accueillir environ 1.900 élèves. Dans un même temps environs 1.940 surveillants sortiront de formation durant l'année.

Enfin l'arrivée progressive d'environs 110 chefs de service pénitentiaire devrait permettre à ce corps d'encadrement de conserver un bon niveau.

Les exigences nouvelles du Contrôleur financier, imposant de procéder à des recrutement sur des vacances constatées uniquement dans le grade de base et non pas dans le corps, limitent les possibilité s de faire baisser le taux de vacance notamment pour les personnels administratifs et techniques.

SITUATION DES EFFECTIFS BUDGÉTAIRES ET RÉELS AU 1ER JANVIER 2004

EFFECTIFS REELS dont ENAP (ETP)

TOTAL EFFECTIF BUDGETAIRE
(y compris ENAP)

MILIEU FERME

SPIP

VACANCES (budgétaire/réel)

Personnel de direction

429

393

0

36

Personnel administratif

2766

2191

245

330

Personnel technique

745

610

0

135

Personnel socio-éducatif (personnel d'insertion et de probation, y compris les directeurs des SPIP et les personnels de service social

2633

0

2248

385

Personnel de surveillance

23146

21784

17

1345

Contractuels (y compris les professeurs)

209

182

8

19

TOTAL

29928

25160

2518

2250

27678

Source : ministère de la Justice

L'évolution du taux d'encadrement dans les établissements pénitentiaires est le suivant :

ÉVOLUTION DU TAUX D'ENCADREMENT DEPUIS 1994
CHAMP : MÉTROPOLE ET OUTRE-MER

(calculé à partir des effectifs réels de surveillants)

Au 1er janvier

Nombre de détenus

Effectifs réels des personnels de surveillance

Taux d'encadrement*

1994

52 551

18 147

2,90

1995

53 935

18 396

2,93

1996

55 062

18 763

2,93

1997

54 269

19 072

2,85

1998

53 845

19 331

2,79

1999

52 961

19 215

2,76

2000

51 441

19 165

2,68

2001

47 837

19 278

2,48

2002

48 594

19 845

2,45

2003

55 407

20 074

2,76

2004

59 426

20 902

2,84

* Nombre de détenus par surveillant

Source : nombre de détenus (statistique trimestrielle), nombre de surveillants (RH3)

On soulignera que les campagnes nationales d'information lancées, entre 2002 et 2004, par l'administration pénitentiaire, pour valoriser les métiers pénitentiaires, semblent avoir porté leurs fruits. L'objectif était de permettre le recrutement de 10.000 fonctionnaires sur 5 ans dont près de 8.000 surveillants.

Au cours des années précédent le lancement de cette campagne, le nombre de candidats se présentant spontanément aux concours de surveillant pénitentiaire ne suffisait plus à pourvoir l'ensemble des postes offerts. Le budget de la campagne s'est élevé à 2,28 millions d'euros. La campagne de communication à la télévision et dans la presse écrite a suscité le retrait de près de 65.000 dossiers d'inscription pour le concours de surveillant, contre 35.000 lors du précédent concours. A l'issue de l'ensemble des épreuves, 1.038 candidats ont été déclarés admis sur la liste principale et 904 personnes ont été inscrites sur la liste complémentaire. Ces promotions composées respectivement de 693 et 691 élèves sont les plus importantes jamais formées par l'ENAP.

b) Les besoins prévisibles

Les prévisions relatives aux départs en retraite du personnel de surveillance montrent une stabilisation, voire une légère régression jusqu'en 2007. Au-delà, le rythme des départs devrait s'accélérer légèrement entre 2007 et 2009, puis plus fortement entre 2009 et 2012. Les départs de gestion sont estimés à environ 300 agents par an.

La loi d'orientation et de programmation prévoit la création entre 2003 et 2007 de 2.653 emplois dans cette filière. Ces recrutements risquent d'être largement insuffisants, puisque le besoin total estimé entre 2003 et 2007 avoisine 8.000 personnels de surveillance.

Pour les autres filières, le besoin en recrutement, tant au regard des créations d'emplois que des départs de gestion, pour la même période quinquennale est évalué à 150 pour les personnels de direction, environ 950 pour les personnels administratifs, près de 200 pour les personnels techniques et plus de 1.000 pour les travailleurs sociaux.

Les départs en retraite dans ces filières connaîtront une nette augmentation, particulièrement à partir de 2005-2006, et sans discontinuer pendant plusieurs années. A titre d'exemple, 170 départs en retraite devraient avoir lieu en 2010 dans ces filières contre près de 50 en 2003. En cela, l'administration pénitentiaire connaît une évolution similaire aux autres secteurs d'activité.

Au total le besoin en recrutement estimé dans ces filières entre 2003 et 2007 est estimé à environ 2.300 agents.

c) La féminisation des personnels pénitentiaires

Deux phénomènes sont observés depuis quelques années : les candidates aux concours des personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire obtiennent de meilleurs résultats que les candidats et, dans le même temps, la proportion de femmes se présentant aux concours de recrutement des personnels de surveillance est toujours importante. En juin 2003, la proportion de femmes recrutées a été de 33,91 %, cette proportion a baissé en janvier 2004 pour s'établir à 26,03 %.

Cet accroissement de la féminisation, lors du recrutement initial, a conduit à l'augmentation constante du pourcentage des femmes dans l'effectif total du corps puisque celui-ci est passé de 7,1 % de femmes en 1996, à 8,9 % au 1er janvier 2001 puis 11 % au 1er janvier 2002. Le recul de la proportion des femmes recrutées en 2002 et 2003, conjugué à un moindre taux de départ en retraite, a permis de stabiliser la proportion des femmes au sein du corps à 11 % à ce jour. Les surveillantes, jusque là cantonnées en détention femme, doivent cependant trouver leur place dans l'ensemble de la détention.

Afin d'accompagner le processus de féminisation des emplois de surveillance, l'administration pénitentiaire a engagé un programme de mise aux normes des locaux du personnel (chambres de garde, vestiaires, sanitaires...).

2.La reconnaissance des contraintes des métiers pénitentiaires

Aucune mesure indemnitaire spécifique n'est inscrite au budget 2005, car ce sont les réformes statutaires qui sont privilégiées par l'administration pour 2005.

Le plan de transformation d'emplois se poursuit avec la création de postes d'insertion. 120 agents contractuels seront recrutés pour assister les personnels de l'éducation nationale exerçant en milieu pénitentiaire (3,7 millions d'euros).

La réforme statutaire de la filière des personnels de surveillance (gradés, surveillants et CSP) a pour objet de répondre au besoin de présence accrue de personnels et à l'augmentation du niveau d'encadrement. Dans le cadre de la stratégie d'alignement statutaire, il a été jugé souhaitable d'éviter un décrochage indiciaire des corps homologues des personnels de surveillance au sein de la police nationale.

Le coût total de cette réforme s'élève à 3,4 millions d'euros, mais il ne sera inscrit que 2,4 millions d'euros pour 2005, car des provisions avaient été inscrites en 2003 et 2004 pour mettre en œuvre cette réforme.

Le projet de revalorisation des personnels d'insertion et de probation (PIP) intervient au moment où leurs statuts ne sont plus en adéquation avec l'ampleur des changements intervenus ces dernières années dans la mission pénitentiaire d'insertion et de probation.

Suite à un arbitrage interministériel du 15 avril 2004 relatif à la réforme statutaire de la filière d'insertion et de probation de la direction de l'administration pénitentiaire, le projet validé par le Premier ministre comprend :

- la création d'un véritable corps d'encadrement, les directeurs d'insertion et de probation (DIP) classé en catégorie A-type ;

- l'amélioration du statut d'emploi de directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation (DSPIP) ;

- la revalorisation indiciaire de l'indice brut sommital du corps des chefs des services d'insertion et de probation (CSIP).

1,68 million d'euros a été inscrit en 2005 pour réaliser cette réforme.

La conséquence principale de cette réforme statutaire réside dans une modification du pyramidage de l'ensemble de la filière en améliorant les perspectives de carrière pour l'ensemble de ses agents.

Une clause de rendez-vous a été définie par les services du Premier ministre, prévoyant l'établissement, dans les deux années suivant la publication de la loi du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, d'un bilan relatif à l'activité et à la situation des SPIP, afin d'évaluer l'augmentation de leur charge de travail, générée à la fois par la mise en œuvre des dispositions législatives et par l'augmentation de la population placée sous main de justice. Ce bilan servira de base, dans ce délai, à une revalorisation du statut d'emploi pour les DSPIP exerçant les responsabilités les plus importantes.

B.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT

Le niveau total du chapitre de fonctionnement de la direction de l'administration pénitentiaire progressera de 35,5 millions d'euros compte tenu des mesures nouvelles d'ajustement et des moyens nouveaux obtenus (hors transferts). Ces 35,5 millions d'euros permettront notamment :

- d'ajuster les dépenses liées à la gestion mixte : 9,72 millions d'euros

- d'ajuster les crédits relatifs à la cotisation vieillesse des détenus employés au service général : 0,33 millions d'euros

- d'ajuster les crédits de fonctionnement au regard de l'impact de l'évolution de la population carcérale : 11,9 millions d'euros

- d'ajuster les crédits de fonctionnement au regard du taux d'inflation : 1,59 millions d'euros

- de poursuivre le placement sous surveillance électronique : 7,05 millions d'euros

- de recourir au secteur associatif pour assister les services d'insertion et de probation : 5,176 millions d'euros.

L'École nationale d'administration pénitentiaire bénéficie, en moyens nouveaux, de 3 créations d'emplois (0,131 millions d'euros) et 0,25 millions d'euros pour le fonctionnement du nouveau bâtiment. Les crédits en faveur de l'ENAP évolueront de + 1,73 % (+ 455.000 euros) compte tenu des mesures nouvelles d'ajustement et des moyens nouveaux de façon à augmenter les capacités de formation de l'école.

III.LE TRAVAIL EN MILIEU PÉNITENTIAIRE

Le code de procédure pénale (article 720) institue un droit au travail pour la population pénale et fixe à l'administration une obligation de moyens en vue de procurer une activité professionnelle aux détenus qui en font la demande. Ces activités contribuent à maintenir un lien entre la société civile et le détenu, ainsi qu'à son équilibre personnel. Le travail permet la réparation : une part égale à 10 % de la rémunération perçue est affectée à l'indemnisation des parties civile.

Les détenus sont employés par l'administration pénitentiaire pour les besoins de fonctionnement de l'établissement. Ils effectuent des tâches de maintenance ou d'hôtellerie. 30 % des détenus en activité travaillent au service général, soit environ 6.700 détenus. Le salaire mensuel moyen est de 180 euros.

Le service de l'emploi pénitentiaire (SEP) emploie des détenus dans ses ateliers ; l'emploi y est effectué pour le compte de la Régie Industrielle des Établissements Pénitentiaires (RIEP), compte spécial du Trésor. Les ateliers du SEP emploient environ 1.300 détenus. Le salaire mensuel moyen est de 453 euros.

Cependant, les activités peuvent être gérées par des entreprises privées : des établissements à gestion mixte, soit concessionnaires de l'administration pénitentiaire, soit titulaires des marchés de fonctionnement, gèrent des ateliers de production. Elles confient différents types de travail à la population pénale, notamment des travaux techniques ou de façonnage pouvant être effectués par une main d'œuvre à faible niveau de qualification. La concession représente 45 % des activités rémunérées. Elle emploie environ 9.300 détenus. Le salaire mensuel moyen est de 375 euros.

Le travail à l'extérieur (placements extérieurs et semi-liberté) : ces mesures d'aménagement de peine qui visent à préparer la réinsertion professionnelle et sociale des condamnés leur permettent de travailler, au moyen d'un contrat de travail, pour des collectivités publiques, des associations ou des entreprises. 1.300 détenus en moyenne travaillaient selon ces deux modalités, à l'extérieur des établissements pénitentiaires.

Votre Rapporteur spécial regrette que seuls 18.600 détenus travaillent dans ces différents ateliers ; le développement des activités rémunérées lui paraît essentiel en vue de la réinsertion des détenus.

IV.- LA POLITIQUE D'ÉQUIPEMENT : CONSTRUCTION ET RÉNOVATION
DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

Le budget 2005 prévoit 437,90 millions d'euros en autorisations de programme pour les équipements pénitentiaires dont 365 au titre de la LOPJ.

Les crédits nouveaux vont permettre le lancement de la construction de quatre établissements pénitentiaires en conception réalisation (130 millions d'euros), la construction de nouvelles structures en maîtrise d'ouvrage privée (200 millions d'euros), la rénovation, la maintenance lourde et le renforcement de la sécurisation des établissements (36,9 millions d'euros), la maintenance des dispositifs de sécurité (5 millions d'euros) et la poursuite du programme d'optimisation du parc pénitentiaire (30 millions d'euros).

De plus, 25 millions d'euros seront consacrés aux acquisitions foncières relatives, d'une part, aux nouveaux établissements pénitentiaires (13 millions d'euros pour le programme 13.000 places) et d'autre part, à la réalisation de centres de semi-liberté (12 millions d'euros).

La politique d'équipement de l'administration pénitentiaire constitue l'un des principaux enjeux de la loi d'orientation et de programmation. Celle-ci prévoit la construction de 11.000 places dont 7.000 nouvelles, les 4.000 autres remplaçant des places par trop vétustes.

Cependant, alors que le programme des « 4000 places » lancé en 1997 touche à son aboutissement, les dernières mises en service d'établissements étant prévues en 2005, le programme des « 11.000 places » se trouve seulement au stade du montage juridique des opérations. Or, l'administration pénitentiaire est confrontée à un phénomène de surpopulation (63.652 personnes sont incarcérées au 1er juillet 2004) qui obère une grande partie des possibilités de rénovation du parc, la priorité étant de disposer de l'ensemble des places disponibles.

Cette situation a conduit à la mise en ouvre d'un programme spécial : le Dispositif d'accroissement de la capacité du parc immobilier. Prenant en considération la période allant de la mise en service des derniers établissements du programme 4.000 et la réalisation du programme 13 200, il prévoit, entre 2003 et 2006, la réalisation de 3.000 places de détention supplémentaires qui se répartissent de la façon suivante : 1.000 places dans une première phase (2003-2005) et 2.000 places dans une seconde phase (2004-2006) dont 500 places en centre de semi-liberté.

Il s'agit donc, dans cette période intermédiaire, d'optimiser le parc déjà existant par le réemploi de surfaces désaffectées et réaffecter les établissements qui devaient fermer (la maison d'arrêt de Toulon par exemple), créer des places de semi-liberté ou optimiser les places existantes, et, enfin, développer le placement sous surveillance électronique (PSE).

La construction de ces établissements aura pour cadre juridique, selon les cas, les modalités traditionnelles de la maîtrise d'ouvrage, ou bien l'intervention d'un ou plusieurs partenaires privés, selon le dispositif de l'AOT-LOA ou encore du dispositif du partenariat public-privé, que votre Rapporteur a évoqués dans la troisième partie du présent rapport.

On notera que l'ouverture des nouveaux établissements du programme 4000 devait entraîner la fermeture d'établissements existants. Cependant, la surpopulation carcérale a conduit l'administration pénitentiaire à maintenir en fonctionnement plusieurs de ces établissements dans l'attente de l'ouverture des établissements du programme de 13 200 places.

A.LES PROGRAMMES DE CONSTRUCTION EN COURS

L'administration pénitentiaire dispose à ce jour d'un parc de 188 établissements comprenant 118 maisons d'arrêt, 23 centres de détention, 6 maisons centrales, 26 centres pénitentiaires, 14 centres de semi-liberté et 1 hôpital national pénitentiaire (EPSNF).

A ces locaux spécifiques, il convient d'ajouter les sièges des directions régionales (au nombre de 9 auxquelles s'ajoute une mission pour l'outre-mer) et les sièges des directions et services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP).

L'administration pénitentiaire a fait un effort important de modernisation depuis la fin des années quatre-vingts puisqu'elle a fait procéder à la fermeture de 30 établissements vétustes ou inadaptés (ces fermetures sont liées au programme 13.000 et à la construction d'établissements dans les Antilles et Guyane) et à la construction de 42 établissements.

Cet effort de modernisation va se poursuivre avec la réalisation de 13.200 places nouvelles de détention prévues dans le cadre de la loi d'orientation de 2002, avec le programme de rénovation des grands établissements, et la rénovation du centre de détention de Nantes.

Ainsi une grande partie du parc pénitentiaire sera modernisé à l'issue des programmes en cours et prévus dans le cadre de la LOPJ. Resteront toutefois quelques établissements, correspondants pour la plupart à des petites maisons d'arrêt, vétustes et inadaptés fonctionnellement. Il s'agit de structures installées dans des immeubles construits depuis un siècle ou plus dont certains sont des anciens biens d'Église transformés en prison pendant la période révolutionnaire et devenus inadaptées aux régimes modernes de détention.

1.- Le programme de construction des 4.000 places

Premier élément d'un vaste plan de modernisation et de réhabilitation du parc immobilier, le programme 4000 a été mis en œuvre antérieurement à la loi du 9 septembre 2002. Divisé en deux phases successives, il se traduit par la construction de six nouveaux établissements dont le terme interviendra au cours de l'année 2005. Il a permis la fermeture de la maison d'arrêt d'Avignon, à l'avenir celle de Toulouse ainsi que la reconversion des maisons d'arrêt de Toulon, Meaux et Melun et du centre de détention national de Liancourt.

En l'état, le coût final estimé de l'ensemble du programme 4000 s'établit à 355,20 millions d'euros. A ce jour, la consommation effective en crédits de paiement s'élève à 226,40 millions d'euros. Les moyens affectés à l'administration pénitentiaire par l'actuelle législature permettront d'achever la réalisation des 4.000 places.

Le tableau ci-après récapitule l'état d'avancement du programme :

CALENDRIER DU PROGRAMME 4.000

Établissement

Type d'établissement

Capacité

Date de livraison

Mise en service

Toulouse-Seysses (A)

maison d'arrêt

596

10.10.2002

26.01.2003

Avignon-le Pontet (A)

centre pénitentiaire

605

19.12.2002

23.03.2003

Lille-Sequedin (A)

maison d'arrêt

635

19.12.2004

Prévue en 2005

Liancourt (B)

centre pénitentiaire

616

17.02.2004

2004

Toulon-la Farlède (B)

centre pénitentiaire

587

15.04.2004

2004

Meaux-Chauconin (B)

centre pénitentiaire

578

08.07.2004

Prévue en 2005

Source : Direction de l'administration pénitentiaire

Quatre établissements du programme 4.000 ont été mis en service en 2003 et 2004. Il s'agit des établissements de Toulouse-Seysses, Avignon-Le Pontet, Liancourt et Toulon-la-Farlède. Les deux derniers le seront d'ici 2005 à savoir Lille-Sequedin et Meaux-Chauconin-Neufmontiers.

2.- La rénovation des grands établissements

Ce programme décidé en 1998 concerne les cinq plus grands établissements (maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis, Fresnes et Paris-la Santé, centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes, établissements de Loos-les-Lille), soit environ un cinquième de la capacité de détention des prisons françaises, pour lesquels le coût de la rénovation ne peut être intégré dans l'enveloppe annuelle des crédits de rénovation de l'administration pénitentiaire. La rénovation de ces établissements représente un coût budgétaire global estimé à 776 millions d'euros.

Initialement orienté vers la remise à niveau des bâtiments et installations avec quelques aménagements fonctionnels minimum, le programme de rénovation des cinq grands établissements pénitentiaires a progressivement été réorienté vers une remise aux normes fonctionnelles (la référence étant le programme de construction en cours) dont les principaux éléments sont l'encellulement individuel, la douche en cellule et la création d'espaces communs nécessaires à la mise en œuvre des actions de réinsertion.

Actuellement, la transformation n'est programmée que dans deux établissements : la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis et le centre pénitentiaire de Marseille-Baumettes, pour lesquels le choix des maîtres d'œuvres est en cours. Les projets concernant la maison d'arrêt de Fresnes sont suspendus, dans l'impossibilité d'entreprendre des travaux sur deux sites à la fois en région parisienne.

En ce qui concerne la maison d'arrêt et centre de détention de Loos, la réflexion menée dans le cadre du programme de rénovation des cinq grands établissements pénitentiaires a d'abord conduit à proposer la création d'un centre pénitentiaire regroupant les deux établissements. Toutefois, les directives sur l'encellulement individuel ainsi que l'étude sur la nouvelle carte pénitentiaire ont conduit à revoir ce projet. Compte tenu des besoins en places de détention qui subsisteront après l'ouverture de la nouvelle maison d'arrêt de Lille-Sequedin et du coût très élevé de maintien des bâtiments actuels, il est envisagé aujourd'hui de construire un centre pénitentiaire de 400 places dans la région lilloise.

En ce qui concerne la maison d'arrêt de Paris-la Santé, l'administration pénitentiaire est contrainte de privilégier, à cause de la surpopulation carcérale, la restructuration de l'établissement à 1.000 places. La mise en œuvre de ce projet difficile, car l'établissement doit être maintenu en fonctionnement pendant les travaux, sera forcément beaucoup étalé dans le temps et devra tenir compte des contraintes induites par la rénovation simultanée d'autres établissements en région parisienne.

B.LE PROGRAMME DES 11.000 PLACES NOUVELLES

Dans le cadre de la loi d'orientation de 2002, le Garde des Sceaux a fixé les objectifs prioritaires et les moyens budgétaires nécessaires à la mise en place d'un programme de construction de 13.200 places, dont 10.800 places par la construction de nouvelles prisons. Ces établissements seront, pour partie, des établissements de type classique, et, pour d'autres, des maisons centrales dotées du plus haut niveau de sécurité.

Au terme de ce nouveau programme de construction, la capacité du parc pénitentiaire sera portée à près de 60.000 places, soit une augmentation de 20 % par rapport à la situation actuelle. De plus, environ 31.000 place soit plus de la moitié du parc, auront moins de vingt ans d'existence, hors rénovations.

Les phases d'études de faisabilité ont été conduites pour l'ensemble des terrains proposés pour la construction des 9.200 places en métropole. La plupart des sites ont été validés par le Garde des Sceaux ; toutefois les recherches foncières n'ont pas abouti pour quatre établissements : les maisons d'arrêt de Nice et d'Orléans (sites identifiés mais non stabilisés), le centre de détention d'Île-de-France (recherche de sites en cours) et la maison d'arrêt de Lyon. Pour cette dernière trois emplacements ont été proposés : Saint-Priest, Cailloux-sur-Fontaines et Corbas, ce dernier site étant privilégié.

Le tableau ci-après récapitule les sites d'implantation annoncés pour la construction de 10.800 places en établissement pénitentiaire pour adultes :

Direction Régionale

Type d'établissement

Ville retenue

Nombre de
places prévues

Bordeaux

centre pénitentiaire

Mont-de-Marsan

400

centre pénitentiaire

Poitiers

400

Lille

centre pénitentiaire

Dunkerque

400

centre pénitentiaire

Lille

400

maison centrale

Vendin-le-Vieil

150

centre pénitentiaire

Beauvais

400

centre pénitentiaire

Le Havre

400

Lyon

maison d'arrêt

Lyon

600

centre pénitentiaire

Bourg-en-Bresse

600

centre pénitentiaire

Roanne

600

Marseille

maison d'arrêt

Nice

600

centre pénitentiaire

Ajaccio

300

Paris

centre pénitentiaire

Orléans

600

centre de détention

Ile-de-France

600

Rennes

centre pénitentiaire

Le Mans (Coulaines)

400

centre pénitentiaire

Rennes

600

maison centrale

Alençon

150

Strasbourg

centre pénitentiaire

Nancy

500

centre pénitentiaire

Colmar

500

Toulouse

centre pénitentiaire

Béziers

600

Outre-mer

maison d'arrêt

Saint-Denis (la Réunion)

600

maison d'arrêt

Basse-Terre (Guadeloupe)

400

indéterminé

indéterminé

600

Les établissements de type classique (maisons d'arrêts, centres de détention ou centres pénitentiaire) représenteront 8.900 places de détention. Les montages juridiques seront de deux sortes : 4 établissements (Bourg en Bresse, Rennes, Mont de Marsan, Ajaccio) seront réalisés dans le cadre d'un montage en conception réalisation, et les 4 autres établissements seront engagés dans le cadre d'une consultation reposant sur le principe des montages AOT LOA ouverts par la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (LOPSI), les autres seront conduits suivant un mécanisme de partenariat public-privé (PPP).

Les deux maisons centrales dotées du plus haut niveau de sécurité figurent aussi dans le programme de construction de nouveaux établissements pénitentiaires de 1.130 millions d'euros. Elles seront réalisées en maîtrise d'ouvrage publique en raison de leur nature très spécifique : une convention de mandat a donc été passée avec l'agence début octobre 2003. Après finalisation du programme détaillé avec la DAP, leur coût sera de 92 millions d'euros. 320 places seront réalisées à Alençon et Vendin-le-Vieil.

Les livraisons des établissements pénitentiaires pour majeurs seront échelonnées à partir de la fin de l'année 2008 afin de permettre le recrutement et la formation des personnels nécessaires à la mise en service des nouvelles structures.

C.- LES ÉTABLISSEMENTS DESTINÉS AUX MINEURS

1.- Le programme de rénovation et d'extension des quartiers mineurs des maisons d'arrêt

Il existait début 2003, 853 places mineurs dont 361 aux normes. On notera qu'au 1er juin 2004, 766 mineurs étaient placés en détention. La loi d'orientation doit permettre de porter la capacité totale d'accueil des quartiers mineurs à 1.160 places dont 886 aux normes soit une création de 307 places sur la durée de la loi. Pour ces opérations, 25 millions d'euros sont prévus en autorisations de programme et 12,5 millions en crédits de paiement pour la période 2003-2007 (chapitre 57-60, article 40).

Fin 2003, 71 nouvelles places avaient été créées. A la fin 2004, 983 places devraient être opérationnelles dont 653 aux normes soit une création de 59 places supplémentaires.

Les opérations sont conduites sur tout le territoire français (MA Villefranche, de Bordeaux-Gradignan, de Strasbourg, de Besançon, de Bourges, de Laon, de Rouen, de Tours, CP Varenne, de Nouméa, de Rennes..).

Le coût global des opérations du programme de rénovation-extension de ces quartiers mineurs, s'élève à environ 15 millions d'euros. La totalité de cette enveloppe budgétaire devrait être mise en place d'ici la fin 2004.

Au stade actuel des études, le calendrier prévisionnel de montée en puissance de la capacité des quartiers mineurs prévoit une capacité, fin 2004, de 60 établissements pouvant accueillir 983 mineurs dans 653 places aux normes. La capacité de 1160 places, dont 886 places aux normes, devrait être atteinte mi 2006.

Néanmoins, la création d'établissements pénitentiaires autonomes permettra d'empêcher tout contact des mineurs avec des détenus majeurs et de modifier les heures pendant lesquelles les mineurs pourront sortir de leur cellule afin de se rapprocher du rythme de vie habituel des adolescents.

2.- La construction d'établissements pénitentiaires pour mineurs

Pour renforcer le dispositif de traitement des mineurs récidivistes ou violents la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice prévoit la création de 400 places dans de nouveaux établissements placés sous la responsabilité de l'administration pénitentiaire qui y bénéficiera de l'aide de la protection judiciaire de la jeunesse. Il s'agit d'établissements pénitentiaires conçus pour offrir aux mineurs de 13 à 18 ans détenus une offre d'activités et un encadrement renforcés.

Le programme de construction d'établissements pénitentiaires pour mineurs devrait commencer en 2005. Pour la période 2003-2007, 90 millions d'euros en AP et 45 en CP sont prévus sur le chapitre 57-60, articles 73.

Après l'établissement d'un pré-programme, une convention de mandat a été notifiée en mai 2003 à l'AMOTMJ sur la base d'un montant de 85,8 millions d'euros hors foncier, pour 420 places réparties sur 7 établissements, soit une augmentation de 20 places par rapport au programme de 400 places prévu initialement en loi d'orientation.

Le programme connaîtra un surcoût de 11 millions d'euros environ. En effet, les choix de terrains engendrent des dépenses d'aménagement et de viabilisation supérieures à la provision prévue et d'autre part, le surcoût de construction des établissements est évalué à 7,2 millions d'euros (adaptation des surfaces utiles et coût des équipements technique. Ce surcoût est couvert par un transfert de financement du programme de création et d'extension des quartiers mineurs.

Le Garde des Sceaux a décidé la construction de 7 établissements pour mineurs (EPM) de 60 places chacun, réalisés prioritairement auprès des grandes agglomérations urbaines. Les 7 sites sur les 7 implantations retenues ont été identifiés. Il s'agit de Porcheville, pour la région Paris-Ouest, de Quièvrechain, pour la région Nord-Pas de Calais, de la ZAC Saint Antoine, limitrophe de Marseille, pour la région Sud-Est, de l'Isle d'Abeau, pour la région Lyonnaise, de Lavaur, pour l'agglomération de Toulouse, de Orveaux, pour l'agglomération de Nantes.

Sur le plan procédural, la consultation a été faite en deux lots. L'analyse des offres est achevée et le jury de sélection vient de statuer sur le choix du candidat retenu pour chacun des deux. Au regard du coût final estimé des projets retenus, le montant de la convention de mandat sera monté à 100,7 millions d'euros par voie d'avenant. Les travaux devraient ainsi débuter en 2005, pour une livraison des premiers EPM pour 2007.

Pour ce programme immobilier, l'Administration Pénitentiaire a eu recours à la procédure de marché de conception-construction, qui consiste à réunir un groupement maîtrise d'œuvre-entreprise.

Votre Rapporteur approuve le concept nouveau qui a prévalu dans l'élaboration de ces opérations d'équipement. Le concept des EPM repose en effet sur une forte dimension éducative, les activités étant conduites avec des groupes limités à 6 mineurs, encadrés en permanence par des équipes composées de surveillants - référents mineurs - et d'éducateurs, dans un environnement destiné à promouvoir la vie en collectivité et la responsabilisation individuelle.

La vie des mineurs sera rythmée autour des activités éducatives, culturelles et sportives, avec une forte densité des emplois du temps. Les personnels de la PJJ seront en effectif renforcé et travailleront « en binôme » avec les surveillants.

Bien que les conditions de détention soient conformes aux règles régissant la détention provisoire ou l'exécution d'une peine, la dimension éducative des E.P.M. s'exprimera à tout moment du séjour en détention. L'accueil des familles sera favorisé et l'aménagement des parloirs adapté. Les secteurs d'hébergement seront organisés en unités autonomes d'une dizaine de cellules, dotées des espaces nécessaires à une vie collective encadrée en permanence. Ces unités de vie seront isolées les unes des autres. L'une d'entre elle, de taille plus réduite, sera destinée à accueillir les jeunes filles.

L'emploi du temps des mineurs comportera des temps de formation, d'activités dirigées mais aussi des temps collectifs de promenades, de repas et d'activités de détente. Les mineurs, accompagnés et soutenus dans les différentes activités seront pris en charge de façon continue et cohérente. La période de détention pourra être l'occasion d'un suivi éducatif renforcé du mineur.

Les E.P.S.M. pourront accueillir 60 mineurs, ce qui permettra de parvenir à un équilibre entre la mise en place d'un suivi réellement individualisé des mineurs, la présence d'une offre d'activités continue, le maintien des liens familiaux et les coûts de fonctionnement.

Les secteurs d'hébergement qui comprendront les cellules ainsi que les salles à manger et les salles de détente et les aires de plein air (cours de promenades aménagées) seront séparés des secteurs dévolus aux activités et aux services administratifs. Ce mode d'organisation permet de clairement distinguer les différentes périodes de la journée ou de la semaine comme cela est le cas à l'extérieur des établissements pénitentiaires.

En ce qui concerne les activités dirigées (formation, activités sportives ou socio-éducatives), le nombre de mineurs possible est évalué à 6 pour un adulte. En ce qui concerne les temps collectifs (promenade, repas, temps de détente en salle (jeux vidéo, baby-foot ...) qui se dérouleront dans les secteurs d'hébergement, la présence simultanée des éducateurs de la PJJ et des surveillants permet d'envisager des groupes de 10 mineurs qui composeraient ainsi une unité de vie.

En effet, en créant de nouveaux établissements pénitentiaires, il sera possible de mettre à disposition des enseignants un nombre suffisant de salles de cours pour couvrir la diversité des niveaux scolaires mais aussi de disposer de salles adaptées à la formation professionnelle afin de parvenir à ce que chaque mineur bénéficie, soit de 4h d'enseignement général par jour, soit de 2h d'enseignement général et de 2h de formation professionnelle, ce qui est très supérieur à l'offre actuelle.

Afin d'atteindre cet objectif, il a été calculé que chaque mineur devrait suivre 20 heures de formation par semaine. La taille moyenne des groupes, s'agissant d'adolescents particulièrement difficiles et violents, ne peut pas, par ailleurs, dépasser en moyenne le nombre de six mineurs. Cela conduit à définir des besoins hebdomadaires, pour un EPM de 60 places, à hauteur de 150h d'enseignement général, soit 5 enseignants à temps plein et 50 heures de vacations. Il est projeté que les mineurs pourraient bénéficier d'environ 20 heures d'activités sportives par semaine, y compris donc pendant les fins de semaine qui sont actuellement souvent des périodes de désœuvrement

La quasi totalité des postes créés depuis deux ans ont été dédiés aux actuels quartiers mineurs. Ces postes constituent une partie des postes nécessaires à l'ouverture des futurs EPM : ils devront être, pour partie, redéployés dans les EPM à leur ouverture en 2005 et 2006.

3.- L'extension de l'École nationale d'administration pénitentiaire

Dans le cadre de la loi d'orientation, il a été jugé nécessaire de permettre l'augmentation du nombre d'élèves en formation en portant la capacité actuelle des locaux d'enseignement pédagogiques de l'école de 850 places à 1 200 places. A terme, 70 personnels administratifs et pédagogiques supplémentaires seront accueillis, correspondant à l'augmentation du nombre d'élèves. En outre, sera créé un bâtiment école de détention destiné à l'apprentissage des gestes et pratiques professionnelles. Les travaux ont débuté début 2004 et devraient s'achever début 2005.

Les crédits ouverts ont été de 15 millions d'euros en autorisations de programme et 6 millions d'euros en crédits de paiement en loi de finances 2003 et 2004, dont 11,6 ont été affectés en AP et 3,2 délégués en crédits de paiement pour ces années.

C.LES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT

Les crédits d'équipement de l'administration pénitentiaire sont inscrits sur la chapitre 57-60, à l'article 40 pour les opérations assurées directement par l'administration pénitentiaire, et à l'article 73 pour celles menées à bien par l'Agence de maîtrise d'ouvrage du ministère de la Justice.

Votre Rapporteur a évoqué au début de ce chapitre le programme d'augmentation du parc pénitentiaire décidé en juillet 2003, et qui comporte des mesures d'urgences en faveur de la régulation des phénomènes de surpopulation.

Au titre de l'exercice 2004, une enveloppe de 40 millions d'euros en autorisations de programme a été dégagée par redéploiement de crédits, dont 20 millions ont d'ores et déjà été destinés à des projets nécessitant peu d'études préalables lourdes, et à réalisation des études sur les opérations plus lourdes.

Pour l'année 2005, 30 millions d'euros seront nécessaires pour engager les travaux afin de réaliser 1.000 places prévues sur la base d'un coût moyen de 30.000 euros par place.

- La sécurisation des bâtiments pénitentiaires bénéficiera de 12 millions d'euros pour la sécurisation des maisons centrales, le brouillage des téléphones portables, la reconnaissance biométrique des détenus, la mise aux normes des miradors et la sécurisation des maisons d'arrêt et centres de détention.

- La maintenance lourde du parc immobilier pénitentiaire bénéficiera de 24,9 millions d'euros pour réaliser les travaux de maintenance et de sauvegarde du patrimoine (clos et couvert, mise aux normes techniques des installations et des équipements dans les établissements et logements de fonction).

- La mise en œuvre de programmes régionaux de maintenance du parc immobilier (PRMI) et de programmes régionaux de maintenance des dispositifs de sécurisation (PRMDS) bénéficiera de 5 millions d'euros.

CHAPITRE VI : LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse atteindront 613,08 millions d'euros en crédits de paiement dont 6,85 millions d'euros de moyens nouveaux en DO au titre de la loi d'orientation et de programmation. Les autorisations de programme s'élèvent à 20 millions d'euros et les crédits de paiement à 10,5 millions d'euros pour les dépenses en capital. Le budget est donc en hausse de 4,42 %et représente 11,22 % des crédits du budget 2005 pour la Chancellerie. Hors changement de périmètre, la progression du budget de la PJJ serait de 4,87 %.

Les moyens humains et financiers obtenus pour les deux secteurs (public et habilité) de la P.J.J. permettront de renforcer le dispositif de traitement des mineurs récidivistes ou violents dans des structures fermées : les quartiers mineurs, les centres éducatifs fermés), de prévenir la récidive (par le milieu ouvert, la réparation, les classes relais) et de mettre à niveau les services de formation et d'administration.

Au projet de loi de finances pour 2005, les crédits du secteur associatif seront abondés d'une mesure nouvelle de 20 millions d'euros. Il s'agit d'une mesure d'ajustement qui risque d'être insuffisante au regard de la prévision de dépenses sur ce chapitre.

Le secteur public bénéficiera de 107 emplois dont 56 emplois de personnels éducatifs (directeurs, éducateurs, agents techniques d'éducation).

Le taux de réalisation de la loi d'orientation s'élèvera, à la fin 2005, à 52,4 %, à comparer à un taux de réalisation théorique qui devrait atteindre 60 %.

Le tableau suivant présente les crédits de la P.J.J pour 2005 et leur évolution par rapport à l'année 2004.

CRÉDITS DE LA P.J.J POUR 2005

(en millions d'euros)

Services judiciaires

LFI 2004

PLF 2005

Évolution 2004/2005

(en %)

Dépenses ordinaires (CP)

573,62

602,56

5,05

Dépenses en capital (CP)

11,00

10,50

- 4,55

Total des CP

584,62

613,06

4,87

Autorisation de programme

26,10

20,00

- 23,37

Créations nettes d'emplois

203

88

dont corps éducatifs

162

56

dont autres personnels

41

32

Source : ministère de la Justice.

Le budget total de la Direction de la PJJ s'élève à 346,63 millions d'euros, dont 57 % pour le secteur public et 266,44 millions d'euros, soit 43 %, pour le secteur habilité. Le tableau suivant présente la répartition des crédits pour 2005, ainsi que leur évolution par rapport à 2004.

2004

2005

variation

en M°€

en M°€

en M°€

%

personnels

255,26

257,29

2,03

+0,8 %

fonctionnement

71,47

75,89

4,42

+6,2 %

subventions

2,96

2,95

-0,01

-0,3 %

équipement

11,00

10,50

-0,50

-4,5 %

Secteur public

340,69

346,63

5,94

+1,7 %

 

 

 

 

 

Secteur habilité

246,44

266,44

20,00

+8,1 %

 

 

 

 

 

Budget total PJJ

587,13

613,07

25,94

+4,4 %

Les crédits consacrés au secteur associatif habilité progressent de 20 millions d'euros soit + 8,1 % et représentent 43 % du budget total de la DPJJ. Cette évolution des crédits s'explique par l'achèvement du programme des centres éducatifs renforcés et par la montée en charge du programme des centres éducatifs fermés. Ainsi en 2005, 14 nouveaux centres éducatifs fermés sont créés.

Les moyens destinés au secteur public progressent de 5,9 millions d'euros soit 1,7 %. Près des trois quarts des crédits sont consacrés aux personnels (rémunérations, indemnités, charges sociales).

I.- L'ACTIVITÉ DE LA P.J.J.

L'activité de la protection judiciaire de la jeunesse a augmenté à nouveau en 2003, mais de manière plus modérée qu'en 2002. La croissance de l'activité totale résulte de l'augmentation soutenue des prescriptions pénales (+ 11 % depuis 2001) particulièrement en milieu ouvert (+ 18 % depuis 2001) mais aussi en placement collectif (+ 23 % en 3 ans). Cette croissance du champ pénal s'oppose au déclin des mesures éducatives civiles (mineurs en danger) où le placement diminue de - 6,3 % en 3 ans et où le milieu ouvert diminue de - 2,6 % en 2002 et de - 1,2 % en 2003.

On peut constater une certaine spécialisation des services: le secteur public concentre son action sur le milieu ouvert pénal, en forte croissance, d'où un déclin sur l'activité civile en milieu ouvert. Son activité se concentre sur le public adolescent. Le secteur associatif apparaît quant à lui centré sur les jeunes enfants et les mesures civiles, mais toutefois fortement engagé dans la gestion des CER et des CEF.

La loi d'orientation et de programmation pour la Justice fixait à la direction de la PJJ l'objectif de réduire le délai de prise en charge par le secteur public des mesures pénales (placement et milieu ouvert) de 51,9 jours, chiffre constaté en 2002, à 15 jours en 2007. En 2003, ce délai a été réduit à 48,5 jours.

Le stock des mesures en attente comptabilisées au 31 octobre pour l'ensemble du secteur public et associatif passe de 7.251 mesures en 2002 à 5.249 en 2003 (- 30 % depuis 1998). La baisse est forte entre 2002 et 2003 (- 19,8 %). Le taux de mesures en attente rapporté aux mesures en cours ne cesse de diminuer alors que l'activité progresse : 5,4 % en 1999, 3,6 % en 2003.

Globalement, pour le secteur public, dans un contexte de hausse sensible de l'activité générale entre 2001 et 2003 (+ 5,3 %) induite par le milieu ouvert (+ 8 %), le stock total de mesures en attente diminue sensiblement (- 30,4 %) tant en investigations (- 27 %) qu'en milieu ouvert (- 22 %). Il n'y a pas de mesures de placement en attente puisque ces dernières sont traitées dans la journée.

Toutes mesures confondues, le secteur associatif habilité connaît une diminution de 13 % des mesures en attente entre 2001 et 2003. Parallèlement, le nombre de mesures suivies chaque année a augmenté de 3,31 % en trois ans. En milieu ouvert, malgré une croissance équivalente de l'activité (+ 3,1 %), la baisse des mesures en attente est encore plus marquée.

II.- LES MESURES CONCERNANT L'EMPLOI

Au 1er septembre 2004, les effectifs réels, tous corps confondus, sont au nombre de 7.510 personnes, dont 3.992 personnels éducatifs. Les recrutements en cours au second semestre 2004 portent notamment sur 455 emplois qui se répartissent comme suit: 270 postes ouverts aux éducateurs, 51 postes ouverts aux agents techniques d'éducation, 74 postes ouverts aux ouvriers professionnels et maîtres ouvriers, 35 postes ouverts aux adjoints administratifs et 25 postes ouverts aux assistants de service social.

Dans la perspective de la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances, une carte des emplois est actuellement en cours d'élaboration au sein de la DPJJ qui a pour but d'attribuer à chacune des régions les moyens nécessaires en personnel pour atteindre les objectifs qui leur sont assignés, notamment dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation.

A.- LES CRÉATIONS D'EMPLOIS EN 2005

Dans le cadre de la loi d'orientation, 101 emplois sont créés en 2005. Elles permettent la mise en œuvre de deux objectifs prioritaires.

Le premier est la prise en charge adaptée et renforcée pour les mineurs récidivistes ou violents. A cette fin, il est prévu de créer 50 emplois d'éducateurs pour le suivi des jeunes incarcérés dans 20 nouveaux quartiers mineurs, compte tenu des résultats très positifs déjà enregistrés depuis un an au titre de cette action.

Le second est la mise à niveau des services de formation et d'administration et le renforcer des capacités d'encadrement : 51 emplois dont 2 directeurs, 35 attachés et 14 secrétaires administratifs. Il s'agit notamment de mettre en œuvre la loi organique relative aux lois de finances et de lancer dès 2005 la déconcentration des ressources humaines, conformément aux engagements du Garde des Sceaux dans sa réponse au rapport public de la Cour des Comptes de 2003.

Par ailleurs, 17 emplois de personnels exerçant leurs fonctions à l'administration centrale sont transférés de la DPJJ sur le budget de la Direction de l'administration générale et de l'équipement, ce qui clarifiera le statut de ces personnels et améliorera leur situation indemnitaire. Le transfert de deux emplois accompagne l'opération conduite vers les caisses d'allocations familiales. En outre, l'extension des missions de la protection judiciaire de la jeunesse à la Polynésie Française entraîne la création de 6 emplois.

Au total, les effectifs budgétaires s'élèvent pour 2005 à 8.044 personnels dont 4.068 éducateurs et chefs de service éducatifs. Les effectifs ont progressé de 41 % de 1994 à 2004.

B.- LA DIVERSIFICATION DES RECRUTEMENTS

L'entrée en vigueur du décret n° 2004-19 du 5 janvier 2004 relatif au statut particulier des éducateurs de la PJJ a permis de mettre en œuvre la diversification des modes de recrutement pour les concours organisés cette année.

Outre les concours « classiques » sur épreuves, à titre interne et à titre externe, sont ouverts trois autres modes d'accès au corps des éducateurs de la PJJ.

Le concours dit «troisième voie» est réservé aux candidats justifiant d'une activité professionnelle, d'un mandat électif ou d'un engagement de responsable associatif hors qualité de fonctionnaire, de militaire ou d'agent public. À l'issue des épreuves organisées au mois d'avril 2004, le concours ouvert pour 62 postes a permis le recrutement de 33 lauréats qui ont pris leurs fonctions en septembre ;

Le concours sur titre est réservé aux personnes titulaires du DEES (diplôme d'état d'éducateur spécialisé). Le concours ouvert pour 39 postes a permis de recruter 18 lauréats également entrés dans le corps en septembre.

Enfin, la liste d'aptitude qui sera établie à l'automne 2004 permettra également la promotion interne d'agents de la PJJ qui rejoindront la promotion 2005 pour leur formation.

La PJJ a obtenu l'autorisation de gager 800 emplois pour le recrutement d'agents contractuels sur des postes de titulaires, parmi lesquels 320 postes peuvent être consacrés à des éducateurs contractuels, dont 220 sont réalisés à ce jour. Cette autorisation apporte une souplesse de gestion dans une période de forte rotation, les départs à la retraite s'ajoutant aux créations d'emplois. La capacité d'accueil actuelle du Centre de formation, le CNFE apparaît aujourd'hui insuffisante pour permettre la formation simultanée de telles promotions de stagiaires.

C.- L'AMÉLIORATION DES CARRIÈRES

Dans le budget 2005, le total des sommes consacrées aux mesures catégorielles s'élève à 807.000 euros et traduit la poursuite de l'effort d'amélioration de la situation des personnels.

Les mesures statutaires comportent un financement de 277.000 euros (hors provisions des années précédentes). A ce titre, la réforme du statut des personnels de direction a fait l'objet d'un accord interministériel, avec un financement intégral de la réforme dont le coût total dépasse 1 million d'euros. Les crédits utilisés comprennent les provisions des années précédentes et une mesure nouvelle. Elle sera mise en œuvre en 2005 avec la parution des nouveaux textes statutaires.

Les mesures d'amélioration des carrières (transformation d'emplois et de repyramidage) s'accompagneront d'un budget de 391.000 euros. Poursuivant l'effort important entrepris l'an dernier, cette amélioration portera sur les carrières des agents (80 emplois repyramidés), et la transformation de 20 emplois d'adjoints administratifs en emplois de secrétaires administratifs. En outre, la poursuite du plan pluriannuel de transformation des emplois d'agents administratifs en adjoints administratifs pour 77 emplois aboutit à l'extinction complète du corps des agents administratifs.

L'aménagement du régime indemnitaire est réalisé cette année au bénéfice de certains personnels administratifs par une amélioration du taux moyen indemnitaire des secrétaires administratifs et des attachés. Cette mesure constitue la première étape d'un rapprochement du niveau indemnitaire PJJ avec ceux des autres directions relevant du ministère de la justice. Elle sera complétée par d'autres revalorisations dans les années à venir. Elle s'accompagne d'un effort financier de 138.000 euros.

III.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT EN HAUSSE

Hors crédits de rémunérations, les crédits de fonctionnement du secteur public progressent de 4,42 millions d'euros soit 6,2 % (après une progression de 5,3 % l'an dernier).

Ces moyens nouveaux se décomposent en :

- 0,4 millions d'euros de crédits pour l'informatique d'initiative centrale (réécriture et fiabilisation de l'application GAME notamment)

- 4 millions d'euros de crédits pour améliorer le fonctionnement des services éducatifs et pour la formation. L'incidence des 101 créations d'emploi L.O.P.J. et la perspective de création d'une unité éducative en Polynésie Française représentent la moitié de cette augmentation. Un quart de ces crédits est consacré à la prise en compte de l'augmentation des coûts locatifs et de l'entretien du patrimoine. Le dernier quart complète les crédits destinés à la formation. Cet effort accru de formation accompagnera la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances et l'évolution des systèmes d'information qu'elle implique.

IV.- LES STRUCTURES D'ACCUEIL ET LA POLITIQUE D'ÉQUIPEMENT

La LOPJ prévoyait d'augmenter de 500 places la capacité des quartiers mineurs et d'améliorer les conditions de détention dans les structures existantes ; ce programme aura été achevé sur seulement trois ans, car l'achèvement est prévu en 2005. 1160 places de détention devraient avoir été réalisées ou mises aux normes à cette échéance.

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse disposera en 2005 de 20 millions d'euros d'autorisations de programme réparties ainsi :

- 4 millions d'euros dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la création de Centres éducatifs fermés ;

- 14 millions d'euros dans le cadre de l'accompagnement de la L.O.P.J. pour la délocalisation du Centre national d'études et de formation (6 millions d'euros), l'amélioration de l'état du patrimoine et la sécurité (5 millions d'euros), le renforcement du milieu ouvert (2 millions d'euros, et le renforcement de l'administration territoriale (1 millions d'euros) ;

- 2 millions d'euros hors L.O.P.J. pour la poursuite des programmes antérieurs : l'amélioration du dispositif de placement en hébergement (foyers, centres éducatifs renforcés et centres de placement immédiat), soit 1 millions d'euros, et le développement des activités d'insertion (1 millions d'euros).

Le montant des crédits de paiement s'élève à 10,5 millions d'euros.

A.- L'ADAPTATION DES STRUCTURES D'ACCUEIL AUX MESURES JUDICIAIRES

La prépondérance de l'activité pénale des services de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse s'est confirmée en 2003 (+ 3 % entre 2002 et 2003. Les mesures en assistance éducative régressent très légèrement (-1,6 % entre 2002 et 2003) et représentent 34,5 % de l'activité des services du secteur public tandis que les mesures de protection des jeunes majeurs en représentent 1,8 %.

Le secteur associatif se voit également confier de plus en plus de mesures éducatives pénales (+33,7 % de mesures nouvelles en trois ans), même si celles ci représentent moins de 12 % en 2003 du total des mesures confiées (88 % étant ainsi des mesures civiles : article 375 du code civil et décret de 1975).

Au sein de l'activité pénale, la prise en charge des mineurs les plus réitérants, est en outre prédominante : l'article 16 bis, la libération conditionnelle, la réparation, le SME, le suivi socio-judiciaire et la liberté surveillée, représentant près de 60 % de l'activité. Il faut, en outre, tenir compte de l'investissement important que représente la mise en œuvre de ces mesures (recherche de lieu d'exécution des SME, partenariat, relation avec le réseau associatif et les collectivités territoriales....).

Cette spécialisation sur les mineurs les plus difficiles se traduit par une plus grande spécialisation des structures et par des évolutions des pratiques éducatives.

La protection judiciaire de la jeunesse a adapté ces structures à cette évolution. C'est ainsi qu'ont été créés les centres éducatifs renforcés puis les centres de placement immédiat, dont les cahiers des charges reposent sur la prise en compte spécifique de mineurs délinquants, multirécidivistes ou simplement mineurs très marginalisés avec des comportements particulièrement difficiles à gérer. Rôle des activités comme facteur de socialisation, encadrement éducatif accru, travail sur l'idée de réparation, ces nouvelles structures débouchent sur de nouvelles modalités du travail éducatif. La mesure de réparation a également fortement contribué à développer l'idée d'un travail spécifique auprès des mineurs délinquants, avec l'idée d'une confrontation positive du mineur comme auteur du délit avec sa victime.

La loi d'orientation du 9 septembre 2002 a confirmé cette nécessaire adaptation à des mineurs récidivistes ou violents avec la création des centres éducatifs fermés, la mise en place de nouvelles sanctions éducatives et l'inscription de la protection judiciaire de la jeunesse dans un travail éducatif au sein des quartiers mineurs des maisons d'arrêt et, dans les prochaines années, au sein des nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs qui seront créés à partir de 2006.

1.- Les centres éducatifs renforcés

Les 71 centres éducatifs renforcés sont de petites structures (5 à 8 places), capables de répondre aux problèmes posés par les mineurs délinquants ou en situation de grande marginalisation qui restent à l'écart des institutions existantes, au risque de la récidive et de l'incarcération. Ils permettent un séjour de rupture de trois à six mois avec un encadrement renforcé (en secteur public 8 personnes pour 6 à 7 mineurs dans chaque CER) et continu (de jour comme de nuit). Les activités y sont diversifiées permettant au jeune de construire un projet individuel. La mise en service des CER a permis de monter des projets diversifiés qui ont instauré des ruptures dans des trajectoires délinquantes.

1159 jeunes ont été accueillis en centres éducatifs renforcés en 2003 contre 894 en 2002.

Ces objectifs imposent de recruter des équipes pédagogiques fortement mobilisées et disposant de compétences techniques et pluri-professionnelles (éducateurs spécialisés, artisans, sportifs souhaitant s'inscrire dans des métiers pédagogiques).

Globalement, les CER répondent aux attentes qui ont conduit à leur conception. Ils ont permis d'apporter une solution à des mineurs incapables d'accepter la règle de structures collectives et qui n'avaient d'autre alternative que la rue ou la détention. Au 15 juillet 2004, 72 centres éducatifs renforcés sont ouverts dont 66 associatifs et 6 du secteur public.

Le nombre de centres ouverts paraît correspondre de manière satisfaisante aux besoins en la matière. L'ouverture de quatre centres associatifs est programmée d'ici la fin de l'année.

La moyenne d'age des jeunes accueillis en CER se situe à 16 ans et 3 mois. Ils ont été confiés pour 90 % d'entre eux par un juge pour enfants au titre de l'ordonnance du 2 février 1945. Plus de 95 % sont des garçons issus à 85 % d'une famille monoparentale. A l'origine de leur placement en CER, la nature du délit relève en grande majorité d'une atteinte aux biens et aux personnes.

Prés de 20 % étaient incarcérés avant leur placement. A la sortie, 18 % ont pu retourner dans leur famille sans mesure éducative et 40 % avec une mesure éducative, 35 % ont été placés en foyer ; ce qui marque une resocialisation de ces mineurs. Toutefois 12 % étaient incarcérés.

Au 1er octobre 2004, 66 centres éducatifs renforcés gérés par le secteur associatif habilité sont administrativement ouverts. L'encadrement est assuré par 11 ETP (équivalent temps plein) soit un taux d'encadrement de deux adultes pour un jeune.

Les principales difficultés tiennent pour l'essentiel aux réactions souvent négatives de l'environnement local des sites d'implantation des centres et à la constitution d'équipes homogènes, aptes à faire face à la prise en charge de mineurs aux comportements très difficiles.

La difficulté à recruter et à garder des éducateurs est forte. Aujourd'hui, plus de 75 % des intervenants éducatifs en CER sont dépourvus de diplômes spécialisés dans le champ éducatif. La grande majorité d'entre eux attendent une reconnaissance personnelle et institutionnelle de leur engagement dans les projets mis en œuvre par les centres éducatifs renforcés. C'est la raison pour laquelle une expérimentation de formation qualifiante des personnels éducatifs sera mise en œuvre à compter de septembre 2004 pour une durée de 2 ans, afin, d'une part, d'assurer la pérennisation des centres éducatifs renforcés et d'autre part, d'améliorer la qualité des prises en charge éducatives.

Les dépenses de fonctionnement des centres éducatifs renforcés du secteur public sont imputées sur le chapitre 34-34 art 20. Une étude analytique des budgets réalisés est établie à partir de l'application COBRA et permet d'extraire les dépenses par fonction (éducative et administrative) et de faire apparaître celles concernant les différents types d'établissements et services, donc de suivre plus particulièrement les paiements effectués sur l'hébergement en centres éducatif renforcés.

Les dépenses de fonctionnement pour les centres éducatif renforcés sont liées au coût moyen journalier estimé pour 2004 à 361,20 euros. 1 % des dépenses globales de fonctionnement est destiné aux centres éducatifs renforcés. La prévision budgétaire imputable sur le chapitre 37-33 du ministère de la justice est de 37,902 millions d'euros en 2004

2.- Les centres éducatifs fermés

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 définit dans son article 22 les centres éducatifs fermés comme « des établissements publics ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État, dans lesquels les mineurs sont placés en application d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve.

La loi d'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004 a étendu les hypothèses de placement dans un centre éducatif fermé au cadre de la libération conditionnelle. Ce type de placement est donc désormais possible tant dans la phase présentencielle que dans les phases sententielles et postsentencielle.

Un cahier des charges (pour le secteur associatif habilité) et une instruction de service (pour le secteur public) définissent le contenu éducatif ainsi que le cadre administratif et financier des centres éducatifs fermés. Un additif du 25 juin 2003 renforce les prescriptions relatives à la prévention des fugues.

Neuf centres éducatifs fermés ont été créés par arrêté préfectoral. Ils ont accueilli 146 mineurs âgés de 13 à 18 ans.

Centre éducatif fermé de Lusigny

24

Centre éducatif fermé de Sainte Eulalie

21

Centre éducatif fermé de Valence

34

Centre éducatif fermé de Saint-Denis le Thiboult

17

Centre éducatif fermé de Beauvais

14

Centre éducatif fermé de Mont de Marsan

17

Centre éducatif fermé de Hendaye

7

Centre éducatif fermé de Tonnoy

9

Centre éducatif fermé de l'Hôpital le Grand

3

Pour les huit centres du secteur associatif, le nombre prévisionnel de journées à payer à la fin de l'exercice 2004 est de 20.197 jours sur la base du coût moyen de 625,45 euros soit un montant total de dépenses de 12,632 millions d'euros.

La mise en œuvre du dispositif couvrira les années prévues par la LOPJ, soit jusqu'en 2007. Pour l'année 2005, l'objectif est de créer 14 nouvelles structures destinées à accueillir chacune 10 mineurs.

Trois autres centres, relevant du secteur associatif habilité, sont programmés d'ici la fin de l'année ou le début 2005 : Lusigny sur Barse (Aube), en septembre 2004, Moissannes (Haute Vienne), en octobre 2004, et Autun (Saône et Loire), en janvier 2005.

Au 11 août 2004, 8 projets d'établissements parmi les 14 prévus ont d'ores et déjà été validés par l'administration centrale, à savoir : St Paul d'Espis (Tarn et Garonne), Saverne (Bas Rhin), St Venant (Pas de Calais), Cagnes sur Mer (Alpes Maritimes), Département du Rhône (en cours de localisation), Département de l'Isère (en cours de localisation), Montbéliard (Doubs) et Narbonne (Aude).

Après plus d'une année de fonctionnement, les constats suivants peuvent être faits, grâce au dispositif d'évaluation mis en place dès la création des centres. Un premier rapport d'étape portant sur les quatre premiers centres a établi que les fugues se sont raréfiées et que les jeunes ont effectué, depuis, des suites de prise en charge qualifiées d'encourageantes.

Pour ce qui concerne les modalités de prise en charge à la sortie, 50 % de jeunes ont été placés dans les structures d'hébergement classique de la PJJ ou en famille d'accueil avec suivi PJJ, 30 % ont bénéficié d'un retour dans leur famille avec suivi éducatif PJJ, 16 % ont été incarcérés (motif de la sortie) avec suivi PJJ, quelques jeunes ont été hospitalisés en service pédo-psychiatrique, avec suivi PJJ, et les derniers sont devenus jeunes majeurs avec suivi PJJ.

Pour ce qui concerne leur scolarité ou leur formation, 32 % ont bénéficié d'une remise à niveau scolaire leur permettant d'accéder au dispositif de droit commun, 16 % d'un retour direct en scolarité classique, 32 % d'un pré-apprentissage ou d'un apprentissage et 20 % d'une formation professionnelle.

Le prix de journée dans les CEF s'établit à environ 550 à 600 euros en 2004, selon les établissements.

Il est observé, en dépit de quelques pics ponctuels, une diminution du nombre des mineurs incarcérés depuis deux ans. De 834 mineurs détenus lors du lancement du programme CEF en mars 2003, ils sont 739 mineurs incarcérés en janvier 2004, alors que 7 CEF passaient la barre des 100 mineurs accueillis. Au 1er juillet 2004, 751 mineurs étaient incarcérés et les 9 CEF hébergeaient 143 jeunes.

Il semble donc que les CEF remplissent effectivement leur mission d'alternative à l'incarcération tant pour les mineurs prévenus que pour les mineurs condamnés.

B.- LE DÉPASSEMENT RÉCURRENT DE LA DOTATION PAR LE SECTEUR ASSOCIATIF HABILITÉ

Le secteur associatif représente une part très importante, du budget total de la DPJJ, tant au niveau des dépenses (44 % des dépenses ACCT en 2003) qu'au niveau des dotations (41 % au budget 2004).

Le secteur associatif est financé conjointement :

- par l'État pour les mesures concernant le placement des mineurs délinquants relevant de l'ordonnance de 1945 et les jeunes majeurs relevant du décret du 18 février 1975, et pour l'ensemble des investigations ;

- par les conseils généraux pour les autres mesures éducatives concernant les mineurs en danger faisant l'objet d'une mesure éducative sous mandat judiciaire sur la base de l'article 375 du code civil.

Dans le cadre de la réglementation actuelle, la DPJJ n'a pas la capacité de réguler l'évolution de ce poste de dépense, tant au niveau des volumes qu'au niveau des coûts unitaires. En effet les établissements du secteur associatif facturent au ministère de la justice les prises en charges éducatives prescrites par l'autorité judiciaire.

Les magistrats prescripteurs n'ont pas de compte à rendre sur leurs décisions et sont en règle générale plus sensibles aux enjeux concrets et immédiats liés au règlement de situations individuelles qu'à celui de la maîtrise de la dépense publique.

De plus, le secteur associatif joue un rôle majeur dans la mise en œuvre du programme CEF. Il convient de trouver les solutions permettant de combler l'écart entre le chiffrage initial présenté dans la LOPJ et la dépense réellement constatée : le coût unitaire moyen d'un CEF (1,83 millions d'euros/an) est trois fois plus élevé que le coût initialement prévu (0,52 millions d'euros, sur la base du coût de fonctionnement des CER). Ce coût unitaire résulte du cahier des charges des CEF, défini postérieurement au vote de la LOPJ.

Ces dépenses liées au financement du secteur associatif ont un caractère obligatoire qui justifie le caractère provisionnel du chapitre 37-33 (Etat G). Celui ci permet d'abonder les crédits ministériels concernés à partir d'une dotation spécifique «budget des charges communes ».

En 2004, la dotation budgétaire accordée sur le chapitre 37-33 (251 millions d'euros dont 5 au titre des reports 2003 sur 2004) pour le financement du secteur associatif ne permet pas de faire face aux dépenses prévues sur ce chapitre (292 millions d'euros, selon les dernières estimations disponibles), compte tenu d'une part d'importants reports de charges (qui résultent notamment de l'annulation de 29 millions d'euros sur les reports de crédits 2002-2003) et d'autre part de l'évolution de l'activité dans les CER et les CEF. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) avait déjà alerté la direction du Budget sur ce sujet, notamment à l'occasion de la préparation du budget 2005.

Une demande d'abondement de crédit pour 2004 a donc été transmise à la direction du budget.

Il est probable compte tenu des prévisions de dépenses des directions régionales et malgré 20 millions d'euros de mesures nouvelles sur ce chapitre, que les dotations obtenues seront insuffisantes pour couvrir l'ensemble des charges attendues en 2005. La conjonction de l'effet prix (2,6 %) due à la convention collective du secteur, de la montée en charge des centres éducatifs fermés et de l'extension en année pleine des nouveaux centres éducatifs renforcés explique cette insuffisance, en dépit des économies engagées et d'une maîtrise des autres articles de ce chapitre.

V.- LES PERSPECTIVES D'EXPÉRIMENTATION DE LA DÉCENTRALISATION

Dans le cadre de la du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, il est prévu d'expérimenter l'extension des compétences des conseils généraux dans l'exécution des décisions prononcées par les juridictions en matière d'assistance éducative. Cette expérimentation est ouverte pour cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi. Les candidatures sont effectuées auprès du Garde des Sceaux dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la loi et ce, après publication de la loi organique.

Le Garde des Sceaux doit se prononcer dans les quatre mois suivant le dépôt des candidatures. Les dossiers des départements candidats à l'expérimentation seront instruits par la protection judiciaire de la jeunesse au plan déconcentré puis national. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse est chargée d'élaborer une grille d'indicateurs et de préparer les conventions-types.

Dans les départements qui seront retenus par le Ministre de la justice pour conduire cette expérimentation, l'article 59 prévoit la suppression de la possibilité pour le juge de confier directement un mineur ou l'exercice d'une mesure à un organisme public ou privé en matière d'assistance éducative. C'est ainsi qu'au titre de l'article 59-2 "dans les départements retenus pour l'expérimentation, le service de l'aide sociale à l'enfance est seul compétent pour assurer la mise en œuvre des mesures prises par les magistrats au titre de l'article 375-2, du 3° de l'article 375-3, de l'article 375-4 et de et de l'article 375-5 du code civil, à l'exception de celles dont l'exécution est confiée aux personnes physiques et aux établissements mentionnés à l'article 375-9 du même code".

Ainsi, dans les départements soumis à expérimentation, le juge des enfants sera amené à confier au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) la mise en œuvre des mesures qu'il ordonne à charge pour ce service de choisir l'organisme qui exécutera la mesure. Cette modalité de répartition des compétences n'est pas nouvelle en soi puisqu'elle correspond d'ores et déjà largement aux pratiques en cours. Il appartiendra aux services de l'ASE d'assurer eux-mêmes les mesures d'assistance éducative ou de faire appel à des organismes publics ou privés associatif pour la mise en œuvre des mesures qui leur sont confiées.

CHAPITRE VII : LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Les crédits de paiement atteindront 174,84 millions d'euros dont 7,015 millions d'euros de dépenses ordinaires au titre de la loi d'orientation et de programmation de 2002. 12,3 millions d'euros sont prévus en autorisations de programme au titre de cette loi. Le budget est en hausse de 3,25 % et représente 3,20 % des crédits du budget 2005 pour la justice.

CRÉDITS DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES POUR 2005

(en millions d'euros)

Services judiciaires

LFI 2004

PLF 2005

Évolution 2004/2005

(en %)

Dépenses ordinaires

157,12

164,54

4,72

Dépenses en capital

12,30

10,30

- 16,20

Total des CP

169,42

174,84

3,20

Autorisation de programme

15,50

13,6

- 10

Créations nettes d'emplois

91

45

dont magistrats

42

21

dont fonctionnaires et contractuels

49

24

Source : ministère de la Justice.

I.- L'ÉVOLUTION DE L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

La difficulté majeure à laquelle est confrontée la justice administrative, notamment les cours administratives d'appel, est aujourd'hui celle des délais de jugement.

Cette situation s'explique, d'une part, par l'augmentation continue du contentieux, qui a progressé en moyenne de plus de 20 % durant les cinq années précédant la loi d'orientation et, d'autre part, par l'insuffisance des effectifs des juridictions administratives.

Afin de remédier à cette situation, la loi d'orientation a prévu de doter les juridictions administratives de moyens nouveaux, afin notamment de poursuivre l'objectif de ramener à un an, à l'issue de la période, les délais de jugement devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, comme c'est déjà le cas devant le Conseil d'État.

Cet objectif a été repris dans le cadre du projet annuel de performance du programme «justice administrative».

La réalisation de l'objectif « réduire les délais de jugement » sera suivie, au Conseil d'État, dans les cours administratives d'appel et dans les tribunaux administratifs, grâce à un indicateur unique qui permettra de mesurer, pour chaque niveau de juridiction et de manière indépendante, « le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock ».

Il convient cependant de relever que l'objectif consistant à ramener le délai de jugement à un an ne pourra pas être atteint en 2007 devant les tribunaux administratifs, eu égard à la très forte hausse du contentieux constatée (en données brutes : + 17 % en 2003, + 27 % au 1er semestre 2004 par rapport à la même période de l'année précédente) et du retard que prendra l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la justice en 2005, le présent budget n'accordant à la juridiction administrative que la moitié des création de postes correspondant à une exécution linéaire de la loi sur cinq ans.

A.- LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS

Le nombre annuel d'affaires enregistrées en données nettes s'est accru de près de 50 % au cours des dix dernières années.

Après une période de progression quasi continue de 1991 à 1998, le nombre d'affaires nouvelles enregistrées devant les tribunaux administratifs s'est stabilisé jusqu'en 2002. Depuis l'année 2003, on constate à nouveau une très forte progression des entrées, liée notamment à l'augmentation du contentieux des étrangers et du contentieux des pensions. Le mouvement se poursuit, puisque les résultats des six premiers mois de l'année 2004 font craindre une augmentation du total des entrées de plus de 20 % par rapport au volume constaté en 2003.

Le nombre d'affaires jugées s'est élevé à 118.915 en 2002, et à 127.035 en 2003. Le nombre d'affaires jugées s'est accru de façon quasi continue de 1993 à 2003. Il est ainsi supérieur de près de 63 % en 2003 à celui relevé dix ans auparavant. Cette évolution favorable reflète à la fois les effets du renforcement des effectifs de magistrats et l'amélioration de la productivité au sein des juridictions.

En 2003, le nombre d'affaires réglées a, de nouveau, fortement progressé mais dans une proportion moindre que celui des affaires enregistrées. De ce fait, le ratio des affaires traitées sur les affaires enregistrées a connu une baisse sensible, en étant ramené à 99 %.

Le nombre d'affaires en stock s'élevait à 197.913 à la fin 2003. Les prévisions pour 2004 font craindre que le niveau du stock d'affaires en instance devant les tribunaux administratifs repasse fortement au-dessus de la barre des 200 000 affaires, et ce malgré une nette augmentation de la productivité des juridictions.

Le délai moyen « enregistrement - notification » des affaires jugées s'établit à 1 an, 10 mois, et 2 jours pour l'année 2003.

B.- LES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL

Le nombre d'affaires traitées a été de 14.281 en 2002, et de 16.700 en 2003. Le volume des affaires traitées a progressé de près de 173 % entre 1993 et 2003. Après une certaine stabilisation en 2001, il connaît depuis 2002 une forte progression, pour atteindre en 2003 16.700 affaires.

Cette amélioration très sensible s'explique notamment par la création des cours administratives d'appel de Marseille en 1997, puis de Douai en 1999.

Les résultats statistiques de l'année 2003 sont encourageants et témoignent du bien-fondé de la démarche engagée par la signature des « contrats d'objectifs » à la fin de l'année 2002, prévoyant à la fois un renforcement des moyens et une augmentation du nombre d'affaires jugées par magistrat, grâce à l'amélioration des méthodes de travail. En effet, les objectifs définis pour cette première année d'application des contrats ont tous été atteints, voire dépassés.

La situation devrait encore s'améliorer fin 2004. En effet, les cours bénéficient à nouveau, en application des « contrats d'objectifs », de moyens supplémentaires. En outre, le décret n° 2003-543 du 24 juin 2003, qui généralise l'obligation du ministère d'avocat en appel et supprime la voie de l'appel dans certaines matières relevant en première instance de la procédure du juge statuant seul, produit actuellement ses pleins effets. Enfin, la création d'une nouvelle cour administrative d'appel à Versailles, effective depuis le 1er septembre 2004, devrait permettre d'alléger la charge reposant sur celle de Paris.

Le nombre des affaires en stock s'élève à 40.968 fin 2002, et à 40.058 au 31 décembre 2003.

En 2003, pour la première fois depuis leur création, les juridictions d'appel ont traité plus d'affaires qu'elles n'en ont reçues, permettant ainsi une diminution du stock des affaires en instance. Cette évolution favorable devrait se poursuivre en 2004. Le délai prévisible moyen des affaires en stock pourrait ainsi être ramené à 2 ans au 31 décembre 2004.

C.- LE CONSEIL D'ÉTAT

Le chiffre des affaires enregistrées au cours du premier semestre 2004 comparé à celui du premier semestre 2003 fait apparaître une forte augmentation, due principalement à l'accroissement du nombre des pourvois en cassation, notamment ceux dirigés contre les arrêts des cours administratives d'appel (+ 10,7 %), ainsi que ceux dirigés contre les décisions rendues en premier et dernier ressort par les tribunaux administratifs, d'une part, en matière de référé (+ 23,5 %), et, d'autre part, en application du décret du 24 juin 2003 entré en vigueur au 1er septembre 2003 (639 affaires enregistrées).

Le nombre d'affaires jugées a été de 11.402 en 2002, et de 11.135 en 2003. Pour ces deux années, le nombre des affaires jugées a diminué par rapport aux deux années précédentes, mais comme pour les entrées, il faut souligner que ce chiffre est minoré du fait de la réforme de la procédure de règlement des questions de compétence à l'intérieur de la juridiction administrative, intervenue par décret du 19 avril 2002. Par contre, ces deux années connaissent un excédent des sorties par rapport aux entrées.

Le nombre d'affaires en stock s'élevait à 10.190 en 2002, et à 8.993 en 2003. En dix ans, le stock d'affaires a diminué de plus de la moitié. De 1994 à 1998, le stock a régulièrement diminué, puis s'est stabilisé jusqu'en 2002 au niveau de 10.000 affaires par an ; il connaît à nouveau une diminution en 2003. Depuis 1997, le stock reste inférieur à la capacité annuelle de jugement et s'est considérablement « rajeuni », car il comprend désormais un moins grand nombre d'affaires anciennes.

Le Conseil d'État poursuit ses efforts pour qu'au 31 décembre 2004, la part des affaires en stock enregistrées depuis plus de trois ans soit ramenée à 1 %, et celle des affaires enregistrées depuis plus de deux ans et moins de trois ans soit ramenée entre 2 et 3 %. Le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock est actuellement de moins de 10 mois, soit une réduction de plus d'un mois par rapport à l'année 2002.

II.- LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT

46 créations d'emplois sont prévues dont 2 pour le Conseil d'État et 44 pour les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs (21 magistrats et 23 administratifs et greffiers). Votre Rapporteur spécial a déjà souligné que ces créations étaient insuffisantes au regard de la mise en œuvre de la loi d'orientation.

Un abondement de 0,99 millions d'euros est inscrit afin principalement d'ajuster la dotation relative à l'indemnité forfaitaire versée aux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (0,568 millions d'euros), de mettre en place une rémunération variable pour les membres du Conseil d'État exerçant une fonction d'encadrement (0,1 million d'euros).

Le chapitre des crédits de vacations (chapitre 31-96) augmente de 0,12 millions d'euros se répartissant entre le recrutement d'assistants de justice dans les juridictions administratives et l'augmentation des crédits de vacation compte tenu des besoins en matière d'indemnisation du chômage des agents vacataires des juridictions administratives.

Les crédits de fonctionnement seront majorés de 3,26 millions d'euros au titre des moyens nouveaux.

III.- LES INVESTISSEMENTS

Pour l'équipement, 13,6 millions d'euros d'autorisations de programme sont demandées en 2005 au titre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice pour dont 2,63 pour le Conseil d'État et 11,50 pour les cours et tribunaux administratifs.

Pour ce qui concerne le Conseil d'État, des travaux de réhabilitation sont prévus à partir de la fin 2004 afin d'augmenter les surfaces de travail disponibles. Ces travaux de construction, d'environ 250 m2 de surfaces nouvelles dans une courette intérieure de l'aile située à côté de la place Colette, seront complétés par une rénovation et une restructuration des bureaux occupés par les services du Secrétariat général, une amélioration de l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite, et une mise en conformité des locaux. Ces travaux de réhabilitation permettront, parallèlement, la rénovation et la restructuration des locaux abritant la cafétéria du Conseil d'État, locaux mal agencés dont les équipements ne répondent plus aux normes d'hygiène et de sécurité en vigueur.

Le Conseil d'État a obtenu, au titre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, l'ouverture de 60 millions d'euros en autorisations de programme et de 30 millions d'euros en crédits de paiement sur cinq ans, en plus des crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2002 (6,4 millions d'euros d'autorisations de programme et 4,4 millions d'euros de crédits de paiement, qui seront reconduits annuellement sur la période). Ces dotations permettront de mieux prendre en compte, à moyen terme, l'évolution des besoins de l'ensemble des juridictions administratives et, particulièrement, les besoins des sept cours administratives d'appel avec lesquelles le Conseil d'État a signé le 9 décembre 2002 des contrats d'objectifs.

La loi prévoit également la création de trois nouvelles juridictions administratives : une cour administrative d'appel et deux tribunaux administratifs.

La nouvelle cour administrative d'appel a été ouverte à Versailles en septembre 2004 et sera officiellement inaugurée en novembre.

S'agissant des deux nouveaux tribunaux administratifs, ceux-ci n'ont pas encore fait l'objet de choix définitifs d'implantation, mais ils devraient être créés en 2006 et 2007 dans le sud-est de la France.

Au tribunal administratif de Bastia, des travaux de couverture et de sécurité ont été réalisés au quatrième trimestre 2003. Suite à un attentat, perpétré le 9 juin 2004, un certain nombre de travaux de remise en état du bâtiment ont dû être réalisés en urgence. La réhabilitation totale des locaux sera achevée ultérieurement.

Le tribunal administratif de Besançon doit faire l'objet d'une extension, dans des locaux libérés par le Tribunal de Commerce. En 2004, une partie des travaux de rénovation nécessaires a été réalisée (ascenseur, installations électriques) ; la restructuration des bureaux est programmée pour 2005.

En vue de l'extension du tribunal administratif de Bordeaux, un bâtiment d'une surface de 500 m2, contigu à celui abritant la juridiction, a été acquis en 1999. Les travaux conservatoires du clos du bâtiment ont été exécutés en 2002 ; l'opération d'extension est envisagée en 2005.

Le tribunal administratif de Grenoble a fait l'objet de rénovations en en 2001et 2002. Il est en outre prévu, en 2005-2006, la construction d'un bâtiment en vue de l'extension de la juridiction.

CHAPITRE VIII : LA COOPÉRATION ET L'HARMONISATION DANS L'UNION EUROPÉENNE

Plusieurs dispositions de coopération et d'harmonisation juridique et judiciaire ont été adoptées depuis 2003. On citera notamment les règlements et directives suivants :

_ la directive 2002/8 du 27 janvier 2003 visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires, transposable au 1er novembre 2004 ;

_ le règlement du Conseil n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, abrogeant un précédent règlement de 2000, qui entrera en vigueur le 1er mars 2005 (dit « Bruxelles II bis ») ;

_ le règlement du parlement et du Conseil n° 805/2004 du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées qui entrera en vigueur le 21 octobre 2005 ;

_ la directive relative à l'indemnisation des victimes de la criminalité, adoptée par le Conseil le 29 avril 2004, instaurant un système de coopération visant à faciliter aux victimes de la criminalité l'accès à l'indemnisation dans les situations transfrontalières, transposable au 1er juillet 2005.

Sur le plan national, des mesures à caractère réglementaire sont en cours d'élaboration pour la mise en œuvre du droit communautaire. On citera, par exemple :

_ un décret en cours de signature qui définit les conditions de prise en charge financière des frais de traduction des actes dans le cadre de l'application du règlement n° 1206/2001. Il organise en outre les conditions dans lesquelles les décisions françaises sont certifiées aux fins de leur reconnaissance à l'étranger et simplifie les formalités de reconnaissance en France des titres rendus dans l'espace judiciaire européen (mission confiée au greffier en chef) ;

_ un décret en cours d'élaboration tire les conséquences du règlement 2201/2003 et organise la procédure applicable aux actions destinées à obtenir le retour d'un enfant ayant fait l'objet d'un déplacement illicite ;

_ le règlement n° 805/2004 impose des normes minimales de procédure qui conditionnent la certification des titres rendus comme « titre exécutoire européen ». Une modification des règles de procédure touchant aux modes de notification et de signification des actes judiciaires et extrajudiciaires devra être entreprise afin de garantir que toutes les décisions rendues par les juridictions françaises satisferont à ces normes minimales. Un projet de décret est en cours d'élaboration à cette fin.

Par ailleurs, plusieurs textes sont actuellement en négociation :

_ un projet de règlement portant création d'une procédure européenne d'injonction de payer a été présenté par la Commission. La négociation entre États membres a commencé au mois de juin.

_ une proposition de règlement sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « projet Rome II » visant à harmoniser les règles de droit international privé des États membres en matière de conflits de lois dans le domaine visé. La négociation est ouverte depuis le dernier trimestre 2003 et le Conseil a abordé en juin la seconde lecture, sans toutefois que le Parlement européen se soit encore prononcé sur cette proposition.

Enfin, la Commission européenne devrait présenter à l'automne un projet de directive relative aux modes alternatifs de règlement des litiges, ainsi qu'un projet de règlement ou de directive portant création d'une procédure applicable aux litiges de faible importance.

Elle annonce par ailleurs depuis plusieurs mois le lancement d'une proposition « Rome I », qui serait le pendant du projet Rome II et viserait l'harmonisation des règles de conflits de lois en matière d'obligations contractuelles, par voie de communautarisation de la convention de Rome de 1980.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa séance du 4 novembre 2004, votre Commission des Finances, de l'économie générale et du Plan a examiné, en commission élargie à l'ensemble des députés, les crédits de la justice.

*

* *

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je suis heureux d'accueillir, avec M. Clément, Dominique Perben et Nicole Guedj. La clé du succès des commissions élargies réside dans le caractère dynamique du débat, beaucoup moins contraint qu'en séance publique.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois - Les débats en commission élargie doivent en effet gagner en vivacité et en capacité d'échange ce qu'ils perdent en solennité. Je souhaite qu'ils traduisent en tout cas toute l'importance de ce budget.

Monsieur le ministre, vous êtes, avec Nicole Guedj, l'interlocuteur naturel de notre commission. Je voudrais d'abord vous féliciter d'avoir fait qu'aient été créés dès 2005 dans l'administration pénitentiaire 70 % des emplois prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Le calendrier est ainsi respecté. La progression est, en revanche, moins rapide pour les juridictions administratives. Le retard sera-t-il comblé dans les deux dernières années d'application de la loi d'orientation ? Par ailleurs, comment envisagez-vous d'endiguer la progression des frais de justice, qui se fait au détriment des autres dépenses ? Où en est la mise en œuvre des contrats de partenariat public-privé ?

M. Dominique Perben, Garde des sceaux, ministre de la justice - Pour favoriser le jeu des questions-réponses, je n'évoquerai dans mon propos liminaire que quelques chiffres-clé. D'abord, le budget de la justice augmente de 4 % pour 2005, soit de 210 millions. Cette hausse s'entend bien sûr à périmètre constant, c'est-à-dire après neutralisation du transfert des allocations familiales. 1 100 emplois budgétaires sont créés, soit un tiers des créations dans l'ensemble du budget de l'Etat. Les crédits de fonctionnement, un des points durs du budget de la justice, augmentent de 8 %. Je vous assure que cette augmentation n'a pas été facile à obtenir du ministre du budget ! Mais elle est pleinement justifiée par les besoins qui s'expriment dans l'administration pénitentiaire, à cause de l'augmentation du nombre des détenus, et dans les juridictions. Quant à l'effort d'investissement, il reste stable avec 320 millions.

Nous mettons ainsi en œuvre la troisième année de la loi d'orientation et de programmation. La priorité a été donnée à l'administration pénitentiaire pour faire face aux réalités à l'augmentation du nombre de détenus. La capacité d'accueil de l'école d'Agen est renforcée et nous comptons maintenir un flux de recrutement de 2000 surveillants par an, qui couvre les créations de poste et les départs à la retraite. Cela permet, comme disent les surveillants, d'avoir « du monde dans les coursives » dans cette période de surpopulation carcérale.

Les créations de postes de magistrats ont, elles, légèrement baissé. J'espère corriger cette situation en 2006 et 2007, mais il fallait faire des choix. Il faut toutefois compter avec l'effet à terme de deux réformes majeures : la mise en place des juges de proximité - une centaine a été nommée par le Conseil supérieur de la magistrature que je présidais hier - et la réorganisation en pôles pour les dossiers de grande criminalité, classique ou financière, qui engendrera des progrès en termes de productivité. Le ministère de la justice a aussi fait un gros effort de simplification des procédures. A partir du 1er janvier par exemple, le divorce par consentement mutuel se fera en une seule audience, engendrant une économie de temps importante pour les juges aux affaires familiales. Le rapport Magendie sur la qualité et la célérité de la justice contient aussi nombre de propositions intéressantes et novatrices qui devraient permettre à terme d'augmenter la productivité et la rapidité des procédures.

En ce qui concerne les crédits de fonctionnement, ils augmentent de 10 % pour l'administration pénitentiaire. Ils permettront de poursuivre les travaux de sécurisation des établissements engagés depuis 2002, tels que les filets anti-hélicoptère, les tunnels à rayons X ou le brouillage des téléphones portables. Cette dernière opération, qui constituait une exigence forte il y a deux ans, est quasiment achevée pour l'ensemble des zones à risque. Ils permettront également d'améliorer la santé dans les prisons. Nancy a mené une expérience réussie d'unité hospitalière sécurisée interrégionale. Avec le ministère de la santé, nous sommes décidés à progresser dans cette direction. Enfin, ces crédits permettront de développer l'éducation dans les prisons, dans la perspective de la loi Warsmann. Le budget prévoit la création de 200 emplois de conseillers d'insertion et de probation. Les 160 qui ont déjà été recrutés en 2004 sont en train d'achever leur formation. Il leur appartient de s'occuper de 13 000 personnes chaque année.

Sur le plan immobilier, nous progressons. Ainsi, seront livrées en 2005 les deuxièmes tranches des palais de justice de Pontoise, Besançon et Narbonne et les travaux de l'Ecole nationale des greffes et des palais de justice de Toulouse, Thonon, Nanterre Avesne-sur-Helpe, Ajaccio, Bordeaux et Niort démarreront. Je rappelle que nous avons augmenté la capacité d'accueil pénitentiaire de près de 1 700 places en deux ans, soit par l'ouverture d'établissements nouveaux, soit grâce à des travaux d'aménagement. C'est heureux ! En 2005, l'effort se poursuivra avec la mise en service de l'établissement de Sequedin, la mise en chantier des premiers établissements pour mineurs, de la maison d'arrêt de La Réunion - très attendue - et de trois centres de semi-liberté à Aix, Bordeaux et Lille. L'année 2005 verra également se poursuivre la rénovation des établissements de Fleury-Mérogis et des Baumettes, travaux considérables qui s'étendront sur plusieurs exercices. Enfin, l'extension de l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire s'achèvera ; sa capacité d'accueil a été doublée, et les lieux ont été aménagés pour permettre une formation plus pratique.

S'agissant des partenariats public-privé, les annonces d'appels publics à la concurrence ont été publiées en juillet dernier pour quatre établissements et les attributions de marché se feront en 2005. Il s'agit, je le rappelle, de déléguer la maîtrise d'ouvrage et d'obtenir du secteur privé un service complet comprenant la construction, la maintenance et la gestion des établissements pénitentiaires.

J'en viens à l'évaluation des résultats. Nous disposons désormais d'instruments de mesure de performance transparents et les contrats d'objectifs passés entre la Chancellerie et les juridictions se généraliseront progressivement, ce qui traduira un changement d'état d'esprit garant d'une meilleure efficacité. Des résultats probants sont déjà constatés tant à Douai qu'à Aix, les deux cours qui ont, les premières, expérimenté ce nouveau dispositif. L'instauration de la rémunération au mérite participe du même objectif. Enfin, je m'apprête à créer un baromètre trimestriel des 181 juridictions, qui récapitulera leur activité sous forme de statistiques.

Le ministère de la justice prépare donc la LOLF dans des conditions satisfaisantes. Son projet annuel de performance, significativement plus lisible que le document traditionnellement soumis au Parlement, recense 70 indicateurs dont le suivi, au fil des ans, permettra d'intéressantes comparaisons. Déjà, les résultats constatés depuis deux ans présentent des éléments encourageants. Notre effort continu porte ses fruits, comme en atteste la décroissance de la délinquance des mineurs, après des années préoccupantes. Le nombre des mineurs emprisonnés est passé de plus de 900 à moins de 600, en baisse, donc, de 30 %. Les solutions alternatives à l'emprisonnement, tels que les centres éducatifs fermés, se sont développées. Par ailleurs, les délais de traitement des affaires civiles diminuent dans les cours d'appel et, pour la première fois, dans les TGI. Enfin, le taux de réponse pénale augmente et, corrélativement, le nombre des classements sans suite baisse.

Telles sont les informations que j'ai souhaité porter à votre connaissance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes - L'amélioration de la prise en charge des victimes, l'une des priorités du Gouvernement, s'est concrétisée par la création du secrétariat d'Etat aux droits des victimes, qui traduit la volonté de reconnaître la condition des victimes et d'établir et de préserver leurs droits par l'élaboration d'une politique publique globale. J'ai présenté un premier train de mesures au Conseil des ministres, le 29 septembre dernier. Ce plan d'action tend à généraliser et à mettre en cohérence les dispositifs de prise en charge des victimes, à améliorer l'indemnisation et à agir en faveur de la réinsertion sociale, affective et professionnelle. 750 000 euros sont inscrits à cet effet en mesure nouvelle au budget du ministère ; ils seront complétés, à hauteur de 250 000 euros, par les crédits destinés à l'accompagnement de dispositifs innovants, éligibles au FSE, au bénéfice des publics les plus fragiles. Ce million supplémentaire traduit une augmentation de 13 % du budget consacré à ces actions par la Chancellerie, sans tenir compte des mesures présententielles, transférées en 2004 sur les frais de justice.

Le secrétariat d'Etat s'attachera à renforcer les capacités d'intervention auprès des associations conventionnées par les cours d'appel, et des services d'aide aux victimes. A ce jour, il existe 168 de ces associations, qui ont accueilli près de 240 000 personnes en 2003. Leur financement repose sur le ministère de la justice mais aussi sur les crédits du fonds interministériel pour la ville et sur les contributions des différentes collectivités territoriales. L'amélioration de la prise en charge des victimes se traduira par la création d'astreintes téléphoniques et par l'élargissement des horaires de permanence. De plus, un numéro unique d'appel - le « 08 Victimes » - sera créé dans les tout prochains mois, et des psychologues seront recrutés pour venir en aide aux victimes traumatisées.

Le secrétariat d'Etat organisera d'autre part des actions, sur le plan national, en relation avec les autres ministères et tous les partenaires concernés : associations, collectivités territoriales, universités, entreprises... Le secrétariat d'Etat a en effet vocation à appuyer les associations qui œuvrent dans d'autres domaines que ceux dévolus au ministère de la justice, pour aider par exemple les victimes de catastrophes naturelles ou les victimes de l'amiante. Je souligne que, compte tenu des crédits encore disponibles, le choix a été fait de ne pas demander cette année la consolidation du fonds de réserve prévu en cas d'accident collectif ou de catastrophe, dont les actions en cours concernent notamment le crash de Charm-el-Cheikh et le procès du Mont-Blanc.

Dans un autre domaine, le secrétariat d'Etat s'attache à développer la politique d'accès au droit et d'aide aux victimes à l'intention des publics fragilisés. Il s'agit particulièrement d'aider les victimes de violences familiales ou de discrimination, pour favoriser leur réinsertion professionnelle. Cette démarche originale trouvera sa place au sein des dix plates-formes Europe récemment créées par la Chancellerie, et elle pourra aussi bénéficier d'un financement dans le cadre du projet d'initiative communautaire EQUAL. Cette politique est dans la droite ligne du plan d'action de la justice en faveur des personnes en difficulté et de la réflexion interministérielle de lutte contre les violences familiales. Il s'agit de mettre au point des dispositifs expérimentaux adaptés à la situation des personnes les plus touchées par la précarité, la désinsertion et la violence, en organisant des collaborations actives entre les conseils départementaux d'accès au droit, les auxiliaires de justice, les associations et les organismes de formation et de réinsertion, en liaison avec les réseaux associatifs spécialisés.

Telles sont, très brièvement, les grandes lignes de l'utilisation des crédits attribués au secrétariat d'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Albertini, rapporteur spécial de la commission des finances - Comme l'a indiqué le Garde des Sceaux, le budget de la justice augmentera de 4 % en 2005. De ces crédits, 41,6 % seront alloués aux services judiciaires, un peu plus de 30 % aux services pénitentiaires, quelque 11 % à la protection judiciaire de la jeunesse et 13,6 % à l'administration générale. Les effectifs du ministère sont d'un peu plus de 72 000 agents, soit 3,6 % des effectifs de l'Etat. Le projet de budget qui nous est présenté, légèrement inférieur à 2 % du budget global de l'Etat en termes de crédits, est encore perfectible si nous souhaitons que les retards chroniques de la justice française soient progressivement comblés. Tel est d'ailleurs l'objet de la LOLF. En 2005, le ministère de la justice connaîtra 1100 créations d'emploi et 135 emplois seront consolidés, dont 120 sont des emplois jeunes et 15 des postes d'assistants de justice. L'administration pénitentiaire est la principale attributaire des emplois créés, avec 533 emplois nouveaux. Les services judiciaires se voient dotés de 355 nouveaux postes mais l'ont constate une relative faiblesse des recrutements de magistrats, avec 121 nominations nouvelles seulement. Ce retard devra être rattrapé au cours des années 2006 et 2007.

Les crédits de fonctionnement, auxquels les magistrats sont spécialement attachés en ce qu'ils permettent d'assurer le fonctionnement quotidien des juridictions, augmentent globalement de 8 %, l'administration pénitentiaire en étant la principale bénéficiaire. Les crédits de paiement sont stabilisés à 318 millions.

Comme l'a indiqué le Garde des Sceaux, le programme de création de huit nouveaux établissements pénitentiaires se poursuit, quatre devant faire l'objet d'un partenariat public-privé. Il s'agit, chacun le sait, d'un processus juridique un peu complexe face auquel les vieilles habitudes doivent évoluer.

Nous disposerons dans quelques jours d'un rapport d'exécution de la LOPJ. Il semble que la difficulté majeure soit liée au nécessaire rattrapage des créations de postes de magistrats, notamment dans l'ordre administratif où le contentieux des étrangers tend à exploser. A cet égard, il conviendra de veiller à doter les juridictions implantées à proximité des centres de rétention de moyens nouveaux suffisants.

La surpopulation carcérale commande de trouver des alternatives à l'incarcération plus efficaces que celles qui existent aujourd'hui. Autre point préoccupant, le fléchissement du travail en prison, alors que chacun sait qu'il y a là pour les détenus un moyen privilégié de préparer la réinsertion.

S'agissant de la prévention de la récidive, l'excellent rapport de la mission d'information présidée par Pascal Clément a légitimement insisté sur les insuffisances du suivi socio-judiciaire. Notre système pâtit du manque de juges d'application des peines et de services d'appui à la réinsertion. Quant au secteur psychiatrique pénitentiaire, il est confronté à une véritable crise des vocations, extrêmement préoccupante à tous égards.

La PJJ a fait l'objet d'un rapport très sévère de la Cour des comptes. Il est vrai qu'il reste beaucoup à faire, notamment pour ce qui concerne le contrôle du secteur associatif habilité dont les dépenses croissent continûment. Le nombre de mineurs incarcérés a fortement diminué et nous nous en félicitons tous. Cependant, l'application aux jeunes majeurs des dispositions traditionnellement réservées aux mineurs a un coût, dont il faudra tenir compte à l'avenir.

Naguère évaluatifs, les frais de justice seront désormais intégrés à la loi de finances pour répondre aux préconisations de la LOLF. Cela exige un changement d'approche, d'autant qu'ils sont en augmentation constante, du fait notamment de la généralisation des expertises génétiques et du coût des interceptions téléphoniques de sécurité.

Je plaide pour une réforme rapide des tutelles, puisque 600 000 personnes sont aujourd'hui traitées par seulement 100 juges des tutelles en équivalent temps plein. Il est urgent de rétablir la situation, en conjuguant mieux le judiciaire et le social. Les conseils généraux pourraient être utilement associés à la réflexion et nous souhaitons que le projet de loi en cours de préparation à ce sujet soit rapidement déposé.

J'en viens à la mise en œuvre de la LOLF et je veux saluer d'emblée l'excellent travail d'anticipation accompli par les services de la Chancellerie. La mission justice comportera 6 programmes - justice administrative, justice judiciaire, administration pénitentiaire, PJJ, accès au droit et à la justice, soutien de la politique de la justice et organismes rattachés - et se décomposera en 33 actions afférentes. L'architecture retenue ne pêche pas par un excès de sophistication, mais elle épouse bien les contours de la politique de la justice actuelle et elle permettra de disposer d'indicateurs pérennes particulièrement lisibles. Une réserve cependant, les indicateurs de performances retenus sont essentiellement quantitatifs, ce qui n'épuise pas le champ de l'évaluation de notre service public de la justice. S'il est intéressant de disposer de données chiffrées - retraçant par exemple le nombre de dossiers traité par magistrat ou le stock d'affaires en instance -, il serait également judicieux de lancer des enquêtes de satisfaction auprès des professionnels de la justice eux-mêmes. Le GIP - dont la rigueur scientifique n'est plus à démontrer - pourrait aussi s'attacher à mieux mesurer dans le temps l'image de la justice aux yeux des Français.

Mme Valérie Pecresse, rapporteure pour avis de la commission des lois, pour les services pénitentiaires et pour la protection judiciaire de la jeunesse - En augmentation de 4 %, le budget pour 2005 de l'administration pénitentiaire est parfaitement conforme aux exigences posées par la LOPJ. Les 1 100 emplois créés représentent plus du tiers des créations d'emplois publics prévues au titre du PLF du prochain exercice. En matière pénitentiaire, ce sont près de 68 % du programme fixé par la loi d'orientation qui sont d'ores et déjà exécutés. On mesure l'effort accompli. Je salue tout particulièrement l'augmentation substantielle des postes relevant des services pénitentiaires d'insertion et de probation - plus de 200 postes. C'est à ce prix que l'on interdira les « sorties sèches » de prison à l'issue de la période d'incarcération. L'ampleur des vacances de postes - 2 250 postes non pourvus - fragilise la volonté politique de poursuivre les recrutements dans la pénitentiaire. Il y a entre la volonté que retrace le budget et la réalité d'un décalage que je me devais de relever. A cet égard, les actions entreprises pour renforcer le pouvoir d'attraction des métiers de la pénitentiaire méritent d'être saluées, qu'il s'agisse des campagnes publicitaires ou des réformes statutaires des différents corps. Je n'insiste pas sur les dispositions déjà prises pour améliorer les conditions de travail des personnels. En quelques années, le taux d'encadrement dans nos établissements est passé de 2,8 détenus par surveillant à un surveillant pour 2,5 détenus.

Le programme de création de huit unités interrégionales d'hospitalisation sécurisée se poursuit. L'UHSI de Nancy fonctionne déjà, mais son taux d'occupation relativement faible nous interroge. Est-il dû au poids des habitudes ou à une légère surévaluation des besoins de la région Est ? Ce point méritera d'être éclairci.

Les programmes de rénovation des établissements se poursuivent. Fleury-Mérogis et les Baumettes sont sur la bonne voie. Le rythme d'avancement des travaux est plus modéré à la Santé, à Loos-les-Mines et à Fresnes. Le « programme 4 000 » est en voie d'achèvement et le « plan 13 000 » est lancé. Parallèlement, le plan de mise en sécurité et de prévention des évasions des centres de détention se poursuit. Trois évasions par substitution d'identité ayant été à déplorer au cours des derniers mois, le contrôle biométrique des détenus va être renforcé.

La situation faite aux délinquants sexuels et aux détenus présentant des troubles mentaux me préoccupe tout particulièrement. Au cours de la dernière décennie, les délits sexuels sont devenus la première cause d'incarcération. 7 400 personnes sont actuellement détenues à ce titre, soit 20 % des personnes condamnées. Reposant sur le consentement de la personne, la prise en charge de la délinquance sexuelle continue de poser problème, et, comme l'ont relevé MM. Clément et Léonard dans leur rapport sur la prévention de la récidive, la dangerosité sociale des délinquants sexuels ayant purgé leur peine est extrêmement difficile à évaluer. Nous manquons également de données sur l'injonction thérapeutique.

Les personnes souffrant de troubles mentaux ont représenté 50 % des entrants en prison en 2001. Il ressort de l'étude épidémiologique en voie d'achèvement que la souffrance psychique et psychiatrique tend à se développer dans le milieu carcéral. En témoignent les 500 agressions à l'encontre de personnels survenues en 2003 - contre 127 en 1996 - et le nombre des suicides en détention, en augmentation continue depuis plus de dix ans - 59 en 1990, 120 en 2003. Le nombre de détenus psychotiques ou souffrant d'un état dépressif est en augmentation constante. 10 % des personnes entrant en détention faisaient l'objet d'un suivi psychiatrique régulier dans l'année précédant leur condamnation. Les psychiatres intervenant en prison appellent notre attention sur le risque que le défaut de soins psychiatriques soit à l'origine de crimes et délits qu'une prise en charge adaptée aurait peut-être pu éviter.

L'insuffisance des moyens psychiatriques ne fait aucun doute, puisque 800 postes de psychiatres sont vacants dans le secteur public. L'impossibilité d'assurer la prise en charge de nuit des détenus souvent souffrants de troubles mentaux graves, l'interdiction de mettre en œuvre un traitement médicamenteux sans le consentement du détenu et les réticences des établissements de santé à recevoir des personnes détenues en hospitalisation d'office en l'absence de garde statique par les forces de l'ordre constituent autant d'obstacles au traitement efficace des personnes incarcérées présentant un état de détresse psychique. En vue de remédier à cette situation, l'article 48 de la LOPJ modifie les conditions d'hospitalisation pour troubles mentaux des personnes détenues en créant des unités hospitalières spécialement aménagées.

Comme M. Albertini, je voudrais évoquer l'insertion professionnelle des détenus. La population carcérale cumule les difficultés : 60 % des détenus ont un niveau inférieur à l'école primaire. Par ailleurs, 20 % de ceux qui sortent ont moins de 8 € de pécule. C'est là une des carences du système : le risque de récidive est fort.

Actuellement, 26 000 détenus travaillent et ce nombre est en hausse de 13 %. Mais l'emploi pénitentiaire est très sensible à la conjoncture : il avait baissé de 12 % entre 2001 et 2003, après une hausse de 25 % des rémunérations versées entre 1997 et 2000, quand la conjoncture était la plus favorable. En outre, les délocalisations d'emplois peu qualifiés posent un problème structurel. Je demande au Garde des Sceaux de faire de l'emploi pénitentiaire une priorité.

L'activité des services de la protection judiciaire de la jeunesse a augmenté de 77 %, ce qui est supérieur à l'évolution du nombre de mineurs mis en cause, en hausse de 57 %. En outre, le secteur public de la PJJ tend à se spécialiser dans les mesures pénales. Le nombre de mineurs en attente a reculé de 20 % entre 2002 et 2003, ce qui est très positif : la rapidité de la réponse judiciaire est le meilleur moyen de prévenir la récidive. Toutefois, dans le milieu ouvert pénal, le délai d'exécution des mesures s'établit à 51 jours, ce qui est encore trop long. Le budget de la PJJ augmente de 4,42 % et 101 postes sont ouverts. Le nombre des mineurs incarcérés diminue et c'est une évolution qui se confirme. Elle tient à l'amélioration de la réponse pénale, grâce à la bonne loi préparée par le Garde des Sceaux et la commission. Nous disposons de 47 centres de placement immédiat qui offrent une alternative à la détention provisoire des mineurs. Ces centres ont pris en charge 1 500 jeunes l'année dernière. Les 72 centres éducatifs renforcés en ont recueilli 1 100 et nous disposons également de neuf centres éducatifs fermés. Ceux-ci font l'objet d'une évaluation et je salue cette initiative de l'administration de la Justice.

Par ailleurs, la PJJ intervient maintenant dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires. Dix établissements bénéficient de cette mesure, et tout se passe très bien. Cette intervention préfigure le rôle que jouera la PJJ dans les futurs établissements pénitentiaires pour mineurs.

Je salue la diversification du recrutement. Le profil moyen de l'éducateur est trop généraliste et trop scolaire. Il est bon qu'un concours interne soit ouvert aux agents de justice et qu'une troisième voie de recrutement installe des passerelles avec d'autres professions.

La PJJ a donc évolué dans le bon sens. Elle a tiré les conséquences du rapport alarmiste publié par la Cour des comptes en créant une sous-direction des ressources humaines et en se dotant d'indicateurs d'activité. Elle est entrée dans une logique d'évaluation et de contrôle.

Des décrets devraient améliorer le fonctionnement des établissements et nous fournir des indicateurs sur l'utilisation du patrimoine immobilier. Il faudrait en outre que la PJJ établisse des référentiels de bonne pratique.

Je tiens à citer un chiffre qui devrait mettre fin à la polémique : seulement 16 % des mineurs passés en centres éducatifs fermés sont ensuite incarcérés. Le taux d'échec est donc faible.

On nous annonce des indicateurs qualitatifs, ce qui est toujours difficile à mettre en place. Nous manquons tout particulièrement de données sur la récidive des mineurs.

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour l'administration centrale et les services judiciaires - Le budget des services judiciaires augmente de 3,8 %, soit un montant de 3,2 milliards d'euros en crédits de paiement. Ces chiffres montrent que la Justice est une priorité du Gouvernement. Je salue l'action en faveur des victimes, y compris le travail remarquable du secteur associatif. Il s'agit en définitive de rapprocher la Justice des citoyens.

Dans l'ordre judiciaire, le stock des affaires à juger au civil a diminué, s'agissant de la Cour de cassation et des cours d'appel. Toutefois, en 2003, le délai moyen de traitement à la Cour d'appel était de 16,1 mois. Le stock des affaires à juger reste stable dans les tribunaux d'instance, mais il augmente dans les tribunaux de grande instance avec le contentieux aux affaires familiales.

Au pénal, le nombre des condamnations a diminué, mais c'était en 2002 : à cet égard, notre outil statistique est sans doute perfectible. La baisse constatée en 2002 s'explique par l'application de la loi d'amnistie. En 2003, le taux d'élucidation a progressé. Le taux de réponse pénale a atteint 72 % grâce à l'utilisation croissante des procédures alternatives.

Les magistrats vont bénéficier de nouveau d'une extension de la nouvelle bonification indiciaire au titre des fonctions d'encadrement, ainsi que de la revalorisation indemnitaire. Il s'agit d'un effort sans précédent : 4 % de revalorisation en 2003, 4 % en 2004 et encore 1 % en 2005. Il faut ajouter la création des primes modulables, dites « primes au mérite », qui avaient suscité la polémique : les arrêtés portent leur taux moyen de 4 à 8 %, le taux maximal pouvant aller jusqu'à 15 %. Il faut certes préserver l'indépendance des magistrats, mais la Justice est un service public qui doit répondre aux attentes de nos concitoyens. Le versement des primes modulables est fondé sur l'évaluation faite par le chef de juridiction.

Dans la juridiction administrative, j'ai observé une augmentation du contentieux devant les tribunaux administratifs. Alors que le stock est en stagnation au Conseil d'Etat et dans les cours administratives d'appel, les tribunaux administratifs sont engorgés. Le nombre d'affaires jugées a augmenté de 63 % entre 1993 et 2003 et de 27,3 % entre 2003 et 2004. Il faut donc prévoir des moyens supplémentaires, mais aussi revoir certaines procédures. Il arrive souvent, par ailleurs, que les administrations ne répondent pas aux demandes de recours gracieux, se contentant de laisser passer le délai. Les justiciables saisissent alors le tribunal administratif. Si le Gouvernement incitait les administrations à répondre, le nombre des saisines diminuerait.

Il y a eu une nette augmentation du nombre des reconduites à la frontière, ce qui est positif. Mais la procédure d'arrêté de reconduite à la frontière envoyé par la voie postale n'a aucune efficacité. Elle mobilise des juridictions pour un taux d'exécution inférieur à 4 %. Je poserai une question au Garde des Sceaux à ce sujet.

Les juridictions de proximité ont été créées par la loi du 9 septembre 2002, la loi d'orientation du 26 février 2003 et le décret du 23 juin 2003. Ces textes ont autorisé le recrutement de juges non professionnels, soumis au statut des magistrats, qui ont des compétences civiles pour les litiges d'un enjeu inférieur à 1 500 € et des compétences pénales allant jusqu'aux contraventions de police de quatrième classe et certaines de cinquième classe. Ces juges de proximité travaillent en lien étroit avec le tribunal d'instance, puisque c'est le juge d'instance qui organise les audiences et qui évalue ces magistrats. Comme le dispositif avait été critiqué, j'ai souhaité en établir un petit bilan, sachant que nous manquons encore de recul, les premiers juges de proximité n'étant entrés en fonction qu'au début de l'année. On sait qu'ils ont dû suivre une formation qui était, pour la plupart d'entre eux, probatoire. Il s'agit à 40 % de professions libérales, en majorité des avocats ; à 10 % d'anciens magistrats ; à 40 % de diplômés justifiant de quatre années d'expérience juridique ; à 8 % de personnes justifiant de vingt-cinq années d'expérience juridique ; à 1 % d'anciens greffiers et à 1 % de conciliateurs de justice en exercice. Leur âge moyen est de 53 ans. Monsieur le Garde des Sceaux, nous avons rencontré des juges de proximité et nous avons vu que le recrutement était de qualité. Ces juges s'intègrent dans le milieu judiciaire et vous avez d'ailleurs prévu un certain nombre de moyens financiers pour faciliter leur intégration.

La nomination de greffiers et d'agents de catégorie C accompagne cette réforme. Au 13 septembre 2004, il y avait 172 juges de proximité en exercice et au 15 octobre quatre promotions, soit 466 personnes, avaient été formées à l'Ecole nationale de la magistrature. Cependant, il s'écoule trop de temps entre la fin de la formation et la nomination effective. Il faudrait donc revoir la procédure. Un certain nombre de députés, dont le président de la commission des lois, ont déposé une proposition visant à accroître les compétences des juges de proximité. Si leurs « pouvoirs » sont étendus, il faudra renforcer leur formation. Quels seront les moyens disponibles pour mettre en place cette réforme lorsqu'elle sera votée ?

Enfin, les frais de justice sont difficilement maîtrisables. En 2006, les chefs de cour d'appel disposeront d'enveloppes globalisées pour remplir les objectifs prévus par la LOLF. Comment pourront-ils à la fois faire face à l'évolution de ces frais et garder une certaine marge de manœuvre ?

Je salue la réforme courageuse menée par le ministère de la justice, notamment grâce aux contrats d'objectif lancés dès 2002, pour rendre la gestion plus efficace et améliorer la qualité du service. Il s'agit d'une véritable révolution dont nous attendons qu'elle rapproche la justice des citoyens.

M. Christian Vanneste - Selon M. Hanoteau, le directeur de l'ENM, la France passe beaucoup de temps à réformer la justice sans prendre toujours le temps d'appliquer les réformes. Celles-ci sont indispensables et j'apprécie de voir augmenter chaque année les crédits du ministère de la justice afin d'appliquer la LOPJ. Leur augmentation de 4 % en 2005 permet la création de 1 100 emplois budgétaires, dont 100 emplois de magistrats, et une augmentation de 8 % des crédits de fonctionnement.

Le budget doit répondre aux attentes des justiciables, c'est-à-dire avant tout accélérer le temps judiciaire. La modernisation de l'institution et un recrutement accéléré de magistrats, de fonctionnaires et de juges de proximité doit y concourir. J'apprécie également l'augmentation des crédits d'aide aux victimes. Celle des aides judiciaires permettra d'appliquer la nouvelle procédure de rétablissement personnel. Toutes ces mesures rapprocheront les Français de leur justice.

En 2003, le nombre de décisions judiciaires a augmenté, en particulier de 3,9 % au pénal et de 13,3 % dans les juridictions spécialisées. Comme l'a dit à juste titre M. Bilger, à force de ne plus considérer la justice comme le service public qu'elle est pourtant, les notions d'efficacité, de célérité et de responsabilité finissent par s'effacer derrière la recherche de la perfection formelle dans les décisions de justice. Heureusement, ces notions de base sont au cœur des orientations de votre politique budgétaire.

S'agissant d'abord de l'efficacité, les justiciables souhaitent avoir la certitude d'une réponse. Or, il y a une certaine « perte en ligne » en raison de la mauvaise articulation entre police et justice. Elle vient peut-être de ce que nos policiers sont plus nombreux qu'ailleurs en Europe, et nos magistrats moins nombreux. D'autre part, notre taux d'incarcération est plus faible que la moyenne européenne. Dès lors, si la population des prisons est surabondante, n'est-ce pas que la bouteille est trop petite plutôt que trop pleine ? L'absence de toute initiative de la part du gouvernement socialiste est responsable de cet engorgement. Il nous faut maintenant combler le retard. Les peines de substitution, le bracelet électronique, les TIG, doivent permettre d'améliorer les choses en ce qui concerne les plus petites peines. Pouvez-vous nous informer sur l'évolution comparée des mises en détention et des places disponibles, ainsi que sur celle des peines alternatives et sur leur efficacité, notamment en ce qui concerne les TIG ? Pour ce qui est des jeunes délinquants, où en est-on de l'installation des centres d'éducation fermés ? Il n'y en a toujours pas dans ma région. Enfin, serait-il possible de faire participer des sociétés privées au transfert des détenus ?

C'est évidemment d'une efficacité accrue que dépend l'accélération du traitement des affaires. On sait comment les dossiers s'éternisent de contestation en appel. Bien juger nécessite du temps, mais de délai en délai, ce sont parfois des vies qui se désagrègent. Si la procédure du plaider coupable est une réponse, c'est l'ensemble de l'institution qui doit accélérer le traitement des dossiers. J'en viens enfin à la responsabilité des magistrats. Récemment, l'affaire d'Outreau a mis en évidence bien des dysfonctionnements. La justice doit pourtant être garante du lien social. Juges d'instruction et magistrats doivent donc faire preuve de discernement et de lucidité dans leur action. Quand la justice remet des coupables en liberté et maintient des innocents en détention, c'est un traumatisme et elle perd sa crédibilité. Selon Durkheim, la société repose sur la foi dans les institutions. La justice, institution de premier plan, doit contribuer à l'assurer pleinement.

M. André Vallini - Monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir que, cette fois, votre budget ne sera pas virtuel ? Ce fut le cas en 2003 et en 2004 en raison des gels, reports et annulations de crédits. Ainsi, le décret du 16 juillet 2004 a annulé 2,9 millions d'autorisations de programmes et 4,2 millions de crédits de paiement, celui du 9 septembre a annulé 51 millions de crédits, dont 19 millions pour les services pénitentiaires, 11 millions pour les services juridiques, 6 millions pour l'informatique et la téléphonie, et 3 millions pour la protection de la jeunesse, en touchant souvent la formation. Par la circulaire du 15 juillet 2004, vous avez également institué une réserve de précaution, en gelant 8,5 % des crédits de fonctionnement. De la même façon, ce budget qui affiche une augmentation de 4 %, s'il ne devait pas être exécuté, serait insincère.

Et quand bien même il serait exécuté, il est insuffisant pour répondre aux besoins. Il est d'ailleurs inférieur à celui des autres grands pays européens : le budget de la justice en Allemagne, compte tenu du nombre d'habitants, est le double du nôtre. Contrairement à ce qu'a dit M. Garraud, de 1997 à 2002, ce budget a augmenté dans notre pays de 29 %. Vous ne partez donc pas de rien ! 2005 est une année charnière, puisque c'est la troisième année d'application de la LOPJ. Or, nous sommes loin du rythme à suivre pour qu'elle soit réalisée dans les délais.

Le coût des réformes aggrave la situation. C'est le cas avec la création des juges de proximité et la mise en application de certaines dispositions de la loi Perben II, dont 11 mesures ont des conséquences sur les frais de justice, pour lesquels les 20 millions de crédits inscrits en 2005 ne suffiront pas. De même, la personnalisation des peines, qui est une bonne mesure en soi, demandera des expertises et des enquêtes de personnalité. La politique mise en œuvre par Mme Guedj pour renforcer les droits des victimes est également positive, mais elle aura un coût, tout comme le recours à de nouvelles techniques d'investigation et à des équipements de télécommunication de plus en plus sophistiqués. Au passage, qu'en sera-t-il pour les repentis ? Rien n'est prévu au budget. La loi Perben II a mis en place un système à l'italienne ; dans ce pays, il coûte environ 80 millions par an.

S'agissant des personnels, vous avez mis fin aux emplois-jeunes sans donner aux intéressés d'autre perspective que des facilités d'accès aux concours. Au total, 135 postes de contractuels sont prévus pour les remplacer alors qu'il en faudrait 90 pour la seule cour d'appel de Paris. Vous créez un nombre insuffisant de postes de greffiers, alors que leur travail augmentera en liaison avec la justice de proximité et l'application des peines.

Le budget de l'administration pénitentiaire augmente, notamment en crédits de fonctionnement, mais l'essentiel est absorbé par l'immobilier. Nous arrivons seulement à la fin du programme 4 000 et le programme 13 000 ne commencera qu'en 2005. La prison en France reste un enfer sur terre. Ce retard est inacceptable. Il faut aller plus vite, même si les délais tiennent aussi à la passation des marchés publics. Nous avons heureusement voté les mesures Warsmann sur la libération conditionnelle et la semi-liberté, mais cela ne suffira pas. Il n'existe actuellement que deux UHSI - pour huit prévues - alors qu'il en faudrait au moins le double. 40 % des détenus souffrent de problèmes psychologiques et ne sont pas suivis comme il le faudrait ; ils représentent donc un danger pour leurs co-détenus et pour les gardiens. Les créations de postes pour le personnel pénitentiaire sont à relativiser, car il va y avoir beaucoup de départs en retraite. Finalement, les mesures Warsmann seront difficiles à mettre en œuvre. Selon les syndicats, il faudrait 3 000 agents supplémentaires pour l'aménagement des fins de peine. En 2003, par rapport à 2002, les sursis avec mise à l'épreuve ont diminué de 2,4 %, les TIG de 5,8 % et les placements en semi-liberté de 4,8 %. Espérons que la mise en application des mesures Warsmann freinera cette tendance.

Pour ce qui est de la PJJ, je déplore que les moyens soient concentrés sur les établissements en milieu fermé. L'éducation en milieu ouvert nécessiterait beaucoup de moyens supplémentaires car la prise en charge de bien des mineurs délinquants est trop tardive.

M. Garraud, dans la langue de bois dont il est familier, nous a dit que l'institution des juges de proximité fonctionnait bien. C'est exactement le contraire ! Tous les magistrats et les syndicats de tous bords le disent, c'est un échec. La vraie justice de proximité est assurée par les juges d'instance, avec un délai de traitement des dossiers de quatre mois. Mais on s'est cru obligé de créer des juges de proximité pour appliquer une promesse électorale, voire électoraliste, de M. Chirac. Les juges de proximité compliquent la justice ; or, dans une sorte de fuite en avant, vous étendez encore leurs compétences ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP)

En ce qui concerne la loi Perben II, nous gardons toutes nos craintes sur la porosité entre les procédures d'exception et ordinaires. Nous serons très vigilants, comme sur la nouvelle procédure du plaider coupable. Nous veillerons particulièrement au respect des droits de la défense, même si des garde-fous ont été prévus et que le Conseil constitutionnel a émis des réserves d'interprétation, et aux affaires sensibles, que le plaider coupable ne doit pas servir à occulter. Quant à la délinquance des mineurs, la baisse que vous évoquée doit être nuancée. Les violences contre les personnes augmentent, ainsi que la délinquance dans les zones rurales et à l'école. Le combat est donc loin d'être gagné.

Je veux également revenir sur la reprise en main de la justice que nous constatons depuis deux ans. Tous les magistrats que je rencontre, de toutes tendances, s'accordent à ce sujet. Vous avez d'abord rétabli les instructions individuelles.

M. le Président de la commission des lois - C'est la loi !

M. André Vallini - Une réforme était justement en cours d'examen, mais vous ne l'avez pas poursuivie ! Monsieur le ministre, vous ne suivez pas non plus les avis du CSM concernant la nomination des magistrats. Des nominations récentes posent problème, ainsi que celle de votre directeur de cabinet au CSM. Et que dire du déclenchement de trois enquêtes sur le verdict du tribunal de Nanterre, ou de l'entreprise de déstabilisation du procureur de Nice, Eric de Montgolfier, menée par la Chancellerie ?

M. le Garde des Sceaux - Pourriez-vous rappeler le nom du Garde des Sceaux qui a diligenté l'inspection sur M. de Montgolfier ?

M. André Vallini - C'était Mme Lebranchu, mais les mesures de déstabilisation viennent bien de votre cabinet ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Le rapport de M. Lamanda fait heureusement justice des accusations contre M. de Montgolfier ! Par ailleurs, les primes au rendement qui ont été instituées sont dénoncées par l'ensemble des magistrats. Bref, il existe un faisceau d'indices graves et concordants accréditant l'idée d'une reprise en main de la justice.

Alors que la justice fait face à une crise de confiance sans précédent, votre politique pénale, au lieu de fixer le cap, varie en fonction de l'opinion publique. Après la psychose sécuritaire, qui s'est traduite par la surpopulation carcérale que nous connaissons, les préoccupations nées du procès d'Outreau vous poussent à mettre à nouveau l'accent sur les droits de la défense et revoir les conditions de la détention préventive. Nous avions préféré, quant à nous, fixer trois orientations claires : une justice accessible et rapide, indépendante et responsable, respectueuse et protectrice des libertés.

M. Michel Vaxès - Je me limiterai à quelques remarques, pour respecter le temps très restreint qui nous est alloué, du moins en ce qui concerne les représentants de l'opposition. La différence entre les règles du jeu en vigueur ici et les conditions de la séance publique n'est pas avantageuse pour nous.

Le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances pour 2003 révèle que 200 millions ont été bloqués en crédits de paiement et 53 millions en autorisations de programme - et que 33 % seulement des crédits disponibles pour les équipements judiciaires, pénitentiaires et de la PJJ ont été utilisés. Aussi convient-il de relativiser la hausse de 4 % du projet de budget pour 2005. L'Union syndicale des magistrats considère d'ailleurs que l'objectif de la LOPJ ne sera jamais atteint en 2007.

Or, le droit est devenu le nouveau langage de notre démocratie, la judiciarisation de la société n'est plus un phénomène conjoncturel. La justice doit donc disposer d'un budget en conséquence. Il n'est guère étonnant qu'elle souffre d'une mauvaise image et suscite une insatisfaction croissante, quand on sait que 7 144 magistrats rendent 2,5 millions de décisions civiles et 11,3 millions de décisions pénales et que les prisons comptent 60 000 détenus pour 22 000 surveillants ! Oui, la justice manque de moyens et votre budget n'y remédie pas.

Cette année, un million d'euros seront consacrés au recrutement des juges de proximité, qui sont censés rendre la justice plus rapide et plus efficace. Après un an d'activité, le bilan est pourtant plus que mitigé. Les juges de proximité n'ont fait preuve ni d'utilité pour le désengorgement des tribunaux, ni d'efficacité dans l'accomplissement de leur mission. La présidente d'un tribunal de grande instance a ainsi déclaré à la presse que leurs jugements étaient truffés de bourdes, sans possibilité d'appel ! Une vingtaine de ces juges, sur les 170 nommés, ont donné leur démission, l'un deux estimant que quinze jours de formation ne lui permettaient pas de remplir sa mission ! Nous attendons donc une évaluation sérieuse de cette réforme. Au lieu de cela, vous voulez étendre leurs compétences à des litiges allant jusqu'à 4 000 euros, et même aux instances introduites par des personnes morales ! A l'évidence, nous changeons d'échelle, et cette perspective inquiète particulièrement les associations de défense des consommateurs.

Comme vous, nous aspirons à une justice plus rapide mais qui ne sacrifie pas la qualité. La voie que vous avez choisie n'y conduira pas. Les primes de rendement, pudiquement appelées primes modulables, doivent ainsi être attribuées en fonction de la « contribution du magistrat au bon fonctionnement de l'institution judiciaire ». Ce critère, des plus vagues, peut donner lieu à de graves dérives, et certaines des premières primes distribuées en septembre font d'ailleurs déjà l'objet de recours hiérarchiques. Si ce critère est si imprécis, c'est bien parce que des seuils quantitatifs ne peuvent être raisonnablement retenus et que les limites d'une justice productiviste se font vite ressentir. La qualité de la justice tient à des choses plus importantes et plus impalpables, telles que le respect, l'écoute ou tout simplement le sentiment de justice. Les magistrats ne rejettent pas l'évaluation en tant que telle, mais les outils que vous avez institués.

En ce qui concerne l'aide juridictionnelle, le conseil national des barreaux s'est étonné que le conseil national de l'aide juridictionnelle ait réduit l'indemnisation des procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Est-ce à dire que le travail d'un avocat, dans cette procédure, est moins important ? C'est pourtant la liberté du prévenu qui est en jeu !

Enfin, les conditions de détention dans nos prisons sont déplorables. L'Etat vient de voir reconnaître à deux reprises sa responsabilité dans des suicides de détenus, par les tribunaux administratifs d'Amiens et de Rouen. C'est une nouvelle preuve de l'insuffisance des effectifs de l'administration pénitentiaire. La sécurité des détenus n'est pas assurée : 117 suicides ont été relevés en 2003. Le budget pour 2005 créera-t-il des conditions plus dignes ? Il y va de la vie d'une centaine de personnes chaque année !

M. le Président de la commission des lois - Je rappelle que le grand avantage de la commission élargie est l'interactivité. Chacun dispose certes d'un temps limité, mais peut reprendre la parole plusieurs fois. Ne retombons pas dans les travers de la séance publique, que le regretté Edgar Faure avait ainsi définis : litanie, liturgie, léthargie !

Mme Anne-Marie Comparini - Notre réunion de ce matin met bien en lumière la priorité accordée à l'administration pénitentiaire, sans toutefois que l'on ait assez souligné à quel point elle est traitée de façon globale. Vous avez élaboré, Monsieur le Garde des Sceaux, un plan complet, tant pour le personnel et ses conditions d'exercice que pour les détenus et leurs conditions de détention. Par ailleurs, les deux rapports de Mme Pecresse et de M. Albertini viennent d'ouvrir des pistes très intéressantes, telles que la tutelle et la nécessité de préparer les délinquants sexuels à leur sortie. Ces propositions ne doivent pas tomber dans l'oubli. Il est essentiel de les mettre en œuvre le plus rapidement possible.

Un ambitieux programme immobilier a été lancé en 2002. Il était très attendu par tous les acteurs. Vous avez fait le point sur les opérations en cours, mais pouvons-nous déjà savoir ce qu'il reste à programmer, quel est le bilan des deux dernières années, quels dossiers locaux ont rencontré les plus grands problèmes ? Elue de Lyon, je connais bien le problème des prisons Saint-Paul et Saint-Joseph. Quelles solutions proposez-vous ?

M. le Président de la commission des lois - Nous en venons aux questions.

M. Gérard Léonard - En ma qualité de rapporteur de la mission d'information sur le traitement de la récidive des infractions pénales, je souhaite insister sur la nécessité d'une meilleure prise en charge psychiatrique des détenus. L'absence d'évaluation de leur dangerosité me semble particulièrement préjudiciable, car c'est l'une des causes de la récidive. Par ailleurs, notre collègue Warsmann a souligné à juste titre les lacunes du casier judiciaire : on connaît le retard apporté aux inscriptions et l'on sait aussi que la difficulté d'accès au casier judiciaire prive les magistrats d'une vision d'ensemble des antécédents d'un justiciable. Quelles mesures d'urgence sont envisagées à ce sujet ? La mission d'information a, pour sa part, formulé diverses propositions qui seront reprises dans une prochaine proposition de loi.

M. François Rochebloine - Ma question portera sur la juridiction prud'homale de Saint-Chamond (Sourires), sujet sur lequel je reviens depuis 17 ans... S'il est un bassin d'emplois homogène, c'est bien celui de la vallée du Gier ; pourtant, la justice prud'homale ne l'entend pas de cette oreille. Par méconnaissance de la réalité, on en est venu, dans un premier temps, à ce que certains conseils prud'homaux soient surchargés de travail, cependant que d'autres étaient en sous-activité, ce qui a conduit à supprimer une juridiction. Après quoi, sur la base d'une consultation conduite en 2002 dans des conditions contestables, on a réduit le nombre de conseillers. Le moins que l'on en puisse dire est que l'esprit de service public et l'idée de justice de proximité risquent ainsi d'être battu en brèche. Je me félicite donc que depuis votre arrivée à la Chancellerie, Monsieur le Garde des Sceaux, cette entreprise de démantèlement ait cessé, mais je demeure vigilant. Je souhaite, en particulier, obtenir l'assurance qu'il sera enfin remédié à l'incohérence de l'organisation des conseils prud'homaux dans ma circonscription et que le conseil prud'homal de Rive-de-Gier sera, comme il se doit, rattaché à la juridiction de Saint-Chamond.

M. le Président de la commission des lois - Je loue votre persévérance ! (Sourires).

M. Alain Marsaud - C'est un beau résultat que d'avoir obtenu 8 % d'augmentation des crédits de fonctionnement du ministère. Mais quels moyens prévoyez-vous de consacrer à la réduction de la durée de traitement des procédures pénales ? Chacun conviendra que mettre 27 ans pour en finir avec l'affaire Mesrine, c'est beaucoup ! Certes, il s'agissait d'une affaire exceptionnelle, mais d'autres affaires criminelles traînent tant que des magistrats finissent par être gênés de rendre leurs décisions, qui leur semblent plus ridicules que justes. D'autre part, nous avons entendu parler d'une longue liste de juridictions dont les établissements seront rénovés, cependant que d'autres seront construits. Mais le dossier de Limoges semble enfoui au plus bas de la pile... Pourtant, le tribunal de commerce, pour ne parler que de celui-là, est dans un état d'insalubrité tel que le risque de poursuites pénales est patent ! Quelles mesures envisagez-vous à ce sujet, Monsieur le Garde des Sceaux ? J'en viens enfin à la scandaleuse affaire de l'ourse des Pyrénées, après avoir appris qu'un chasseur voudrait plaider la légitime défense ... Pourtant, si un délit est avéré dans ce cas, c'est bien celui de mauvais traitement à animal ! (Sourires).

M. Xavier de Roux - Ma question portera sur les juges de proximité. En effet, le dispositif ne fonctionne pas dans certaines juridictions où ces juges, subordonnés à une hiérarchie judiciaire peu accommodante, ne sont pas très occupés... Je suis, pour ma part, favorable à l'accroissement de leurs compétences, et j'ai d'ailleurs signé le texte du Président Clément à ce sujet. Dans l'intervalle, je souhaite qu'une plus grande autonomie de moyens leur soit conférée au sein des juridictions auprès desquelles ils ont été nommés.

Sur un autre plan, j'observe que le projet de budget qui nous est soumis ne dit pas grand-chose du déménagement du tribunal de Paris, alors même que la question agite beaucoup les esprits. Qu'en sera-t-il ?

Enfin, il me paraît anormal que des délinquants mineurs en viennent à être placés, comme c'est le cas dans ma circonscription, dans des foyers départementaux de la protection de l'enfance, faute d'équipements spécialisés suffisants. Il faut mettre un terme à cette nouvelle version de l'introduction de loups dans les bergeries, mais comment ?

M. Emile Blessig - Dix ans après la réforme de la médecine en milieu pénitentiaire, bien des problèmes demeurent. Pourtant, l'accès aux soins est un droit. De plus, l'accompagnement sanitaire des détenus en passe d'être libérés est nécessaire. Où en est-on de la prise en charge des détenus dépendants des stupéfiants, de l'alcool ou des médicaments psychotropes ? Comment suit-on, sur le plan médical, les détenus libérés atteints de maladies infectieuses telles que l'hépatite C ? Comment prend-on en charge les détenus âgés malades ?

M. Thierry Mariani - J'aimerais savoir quand sera publié l'arrêté définissant les modalités de la rémunération des indicateurs de police et de gendarmerie. D'autre part, le tribunal pour enfants de Carpentras, que vous avez inauguré en septembre 2003, est déjà au bord de l'asphyxie faute de moyens. La nomination d'un nouveau juge y est indispensable. Quand aura-t-elle lieu ?

M. Edouard Landrain - Monsieur le Garde des Sceaux, comment et quand envisagez-vous de désengorger la maison d'arrêt Lafayette de Nantes ? Choisirez-vous une extension ou la construction d'un second bâtiment ? Par ailleurs, j'aimerais connaître le bilan des mesures contraignantes prises à l'encontre des pollueurs marins après le naufrage de l'Erika et savoir si la coordination se fait bien entre les services de justice, les douanes et la marine nationale.

M. Guy Geoffroy - Je suis persuadé que, pour prendre en charge les mineurs délinquants, la seule solution consiste à construire des centres éducatifs fermés. C'est d'ailleurs pourquoi je pense être le seul maire de France à avoir proposé l'édification d'un tel centre sur le territoire de ma commune. J'aimerais connaître les suites qui seront données aux évaluations successives de ce nouveau dispositif, dont Mme Pecresse nous a dit qu'elles avaient été très fournies, très contradictoires et donc très positives. S'ensuivra-t-il des modifications dans le cahier des charges, la dimension des établissements et les conditions générales de leur création et de leur développement ?

M. le Garde des Sceaux - Je commencerai par répondre à vos rapporteurs, et en premier lieu à M. Albertini, qui s'est inquiété du retard pris dans le recrutement de magistrats. La loi d'orientation contenait en effet des dispositions précises à cet égard, mais il se trouve que la population carcérale a augmenté davantage que nous ne l'avions prévu. Nous avons donc dû modifier la répartition des créations d'emplois pour tenir compte de cette évolution, comme en témoigne le budget qui vous est proposé. Des emplois nouveaux en plus grand nombre seront donc affectés aux services pénitentiaires, on recrutera moins de magistrats que prévu cette année, et les créations de postes dans les greffes correspondront aux prévisions. De fait, si l'on entend les chefs de juridictions, les goulots d'étranglement sont au niveau des greffes. Il fallait en tenir compte, ce qui ne signifie par pour autant de suspendre les recrutements de magistrats ; il y en aura d'ailleurs cent en 2005, je le rappelle. Il n'est pas question de relâcher l'effort et j'espère que nous pourrons revenir à un équilibre plus satisfaisant en 2006 et en 2007.

Votre rapporteur a également évoqué l'engorgement de la justice administrative. Nous souhaitons améliorer la carte judiciaire et je compte créer deux tribunaux administratifs : l'un dans le Var, l'autre dans la circonscription de Montpellier - soit à Nîmes, soit en Avignon - tant il est vrai que l'engorgement des juridictions dans cette région est inacceptable. Comme l'a justement relevé M. Garraud, il faut aussi travailler sur les conditions dans lesquelles on accède à la justice administrative, de manière à éviter un gonflement artificiel du contentieux. Je pense notamment à la fonction publique, où devraient se développer les mécanismes d'arbitrage et de médiation précontentieuse.

Plusieurs d'entre vous ont insisté sur la situation dans les prisons, et je souhaite que nous continuions, sur ces sujets, à dégager des positions consensuelles. A la lumière des exemples étrangers, force est d'admettre que nous sommes en dessous du nécessaire, tant pour ce qui concerne le nombre de places que pour la qualité de la prise en charge des personnes détenues. A Mme Comparini qui m'interrogeait sur son état d'avancement, je puis confirmer que le programme 13000 - en fait 13200 - est lancé et que les procédures afférentes à la réalisation de 5 594 places ont d'ores et déjà abouti.

En particulier, les sept établissements pour mineurs, auxquels je tiens beaucoup, sont lancés. Je souhaite que nous tirions parti de l'expérience de nos partenaires les plus avancés, en les organisant comme de véritables collèges fermés, organisés autour de la salle de classe et du gymnase. Je suis convaincu que la prison peut apporter quelque chose aux jeunes des plus désocialisés et qu'il n'y a pas de fatalité à ce qu'elle constitue un milieu destructeur. Ces sept établissements pour mineurs, qui offriront 420 places à la fin de 2006, nous aideront à faire face aux cas les plus difficiles. Par ailleurs, j'ai souhaité, dès mon arrivée à la Chancellerie, que la plupart des quartiers pour mineurs des établissements existants fassent l'objet d'une rénovation complète et le programme est en cours d'achèvement. Nous nous devons de donner aux jeunes incarcérés des conditions de vie acceptables. Dans le même esprit, j'ai voulu que la PJJ puisse entrer dans les prisons, de manière à améliorer la continuité du suivi. Au Royaume Uni, où la compétence des services de protection de la jeunesse est territoriale, ce sont les mêmes éducateurs qui suivent les jeunes délinquants avant leur condamnation éventuelle, pendant leur période de détention et dans la phase de réinsertion. Il est indispensable de mobiliser des moyens suffisants pour garantir la réussite de la réforme Warsmann, dont nombre de dispositions avaient fait consensus.

S'agissant des recrutements, je peux comprendre que certains nous demandent de faire toujours plus, mais il faut tenir compte des limites naturelles qui s'opposent à toute démarche de recrutement massif. Nous en avons fait l'expérience avec les personnels de surveillance, puisque nous avons dû lancer une campagne de publicité pour renforcer le pouvoir d'attraction du métier. Le décret ouvrant l'accès à la PJJ à des personnels expérimentés vient d'être publié, et les SPIP continueront de bénéficier de moyens complémentaires. L'ampleur du flux de sortie de prison - 12 000 par an - commande que nous renforcions l'accompagnement des détenus en fin de peine.

MM. Léonard et Albertini ont abordé le problème de la récidive. Sur le plan législatif, votre commission a accompli un très gros travail qui devrait déboucher prochainement sur une proposition de loi tendant notamment à nous donner des moyens supplémentaires pour veiller à ce que la récidive entraîne une sanction aggravée. Vous avez trouvé un dispositif législatif équilibré et satisfaisant. Parallèlement, il convient d'améliorer les délais de mise en œuvre des décisions de justice, et nous attendons beaucoup des bureaux d'exécution des peines créés par la loi de mars 2004. Injustement décriée par certains, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité me semble participer de la prévention de la récidive, car reconnaître sa culpabilité, c'est accepter la peine encourue et se donner les chances d'une réinsertion réussie. La justice acceptée, c'est très important !

Il est exact, Monsieur Garraud, que la prise en charge des jeunes majeurs pèse très lourd dans notre budget, et il convient de s'interroger au cas par cas sur la légitimité de la démarche. A l'origine, l'objectif était de continuer à s'occuper dans les mêmes conditions du mineur incarcéré lorsqu'il atteignait sa majorité. Dans les faits, il est apparu que certains jeunes majeurs faisaient l'objet d'un accompagnement renforcé, sans avoir été incarcérés en tant que mineurs. Il faut tenir compte de la très grande complexité des situations humaines en cause et se garder de toute approche systématique du problème. Si la PJJ, cher président Clément, qui êtes aussi président du Conseil général de la Loire, se dégageait de cette charge, il faudrait bien envisager que les conseils généraux s'y intéressent. Les réalités humaines qui s'attachent à ces situations s'imposent à nous, et je suis conscient qu'il n'y a pas, en la matière, de solution facile.

S'agissant du contrôle à exercer sur le secteur associatif habilité, la question qui se pose à nous est de savoir comment répondre aux justes critiques de la Cour des comptes sans se priver de la richesse des interventions du milieu associatif. Mme Pecresse a bien voulu saluer l'effort de réorganisation administrative et territoriale de la PJJ que nous avons engagé. Notre objectif est de conforter le rôle de pilotage de la PJJ face à un réseau associatif complexe mais irremplaçable.

Nombre d'entre vous ont évoqué l'explosion des frais de justice, effectivement préoccupante puisqu'ils augmentent d'environ 20 % par an. Le coût des interceptions des communications téléphoniques passées sur des mobiles et celui des expertises génétiques y sont pour beaucoup. La police scientifique ne cesse de gagner en efficacité, mais cela a un coût. Il convient de mieux organiser la commande publique pour que les opérateurs susceptibles de rendre les prestations demandées soient mis en concurrence et facturent leurs services au meilleur coût. Conformément aux exigences de la LOLF, les frais de justice feront l'objet d'une ligne de crédits limitative dès 2006, mais cela ne doit pas entraver la liberté du juge de demander la prestation technique dont il a besoin pour mener à bien ses investigations. Il faudra envisager un système de réserves, de sorte que chaque juridiction puisse faire face aux besoins.

Je souscris pleinement à l'analyse de M. Albertini sur la nécessaire réforme du régime des tutelles. Conçu par mes services, le volet juridique, tendant à ce que la tutelle s'exerce sur les personnes et non pas seulement sur les biens, est prêt. Le volet social de la réforme reste à finaliser, mais j'ai bon espoir d'être en mesure de présenter un texte au Parlement dans les prochains mois.

Le ministère de la justice a fait preuve de volontarisme dans la préparation de la mise en œuvre de la LOLF. Plusieurs expériences ont été lancées, et la Chancellerie y a trouvé une occasion supplémentaire de faire de grands progrès en matière de gestion.

Valérie Pecresse a cité un chiffre relatif aux vacances de postes dans les établissements pénitentiaires qui est techniquement correct, mais qui retrace la situation arrêtée au 1er janvier. En fait, le taux de vacance des postes n'excède pas 3 %, et il sera difficile à améliorer, compte tenu des mouvements naturels d'effectifs. Du reste, ceux qui parmi vous se rendent régulièrement dans les établissements n'entendent plus les critiques qui avaient cours à ce sujet dans le passé.

Mme Pecresse et M. Blessig ont, avec d'autres, appelé l'attention sur le caractère très préoccupant de la situation sanitaire des détenus. Je tiens à dire que, grâce aux dispositions prises par mes prédécesseurs, on soigne les gens en prison. Ceux d'entre vous qui visitent les établissements le savent. Les détenus sont notamment examinés par des dentistes dès leur entrée, car leur dentition est souvent dans un état déplorable. L'administration pénitentiaire assure une mission sanitaire de grande qualité et je veux rendre hommage au travail des médecins et des infirmières.

Il subsiste le problème des UHSI. La solution consiste à reproduire, dans cinq ou six endroits, ce qui a été fait à Nancy, où les médecins travaillent dans des conditions acceptables.

Vous avez été plusieurs à évoquer l'étude en cours sur la prise en charge des détenus atteints de troubles psychiatriques. En fait, cette étude est terminée. Mais j'hésite à l'exploiter car les spécialistes ne sont pas d'accord sur les chiffres. Nous savons, en tout cas, que le nombre de détenus souffrant de tels troubles augmente et a atteint un niveau préoccupant. Il s'agit non seulement d'un problème pénitentiaire, mais encore d'un problème de santé publique : on demande au système pénal de traiter un dossier qui n'est pas de sa compétence. Avec Philippe Douste-Blazy, nous avons mis en place une commission présidée par M. Burgelin sur la manière de traiter les individus les plus dangereux. Je pense à l'affaire Bodein, en Alsace : un homme qui avait passé 35 ans de sa vie en prison ou en hôpital psychiatrique a sans doute tué deux petites filles six mois après sa libération. Devant des réalités humaines aussi abominables, la société ne peut se contenter d'une remise en liberté une fois la peine purgée. Il nous faut réfléchir, car je n'ai pas la solution. Je sais que nous manquons de psychiatres dans les établissements pénitentiaires comme dans les centres éducatifs fermés.

M. le Président de la commission des lois - Recrutons des psychologues !

M. le Ministre - Peut-être. En tout cas, il nous faut des professionnels, pas des intervenants qui risqueraient de rendre encore plus malades les personnes qui leur seraient confiées...

S'agissant du travail en prison, les difficultés que nous rencontrons tiennent à l'environnement économique. Nous travaillons avec des sociétés présentes dans les établissements. Le marché industriel classique se restreint parce que les tâches répétitives se raréfient en France. Nous devons essayer d'accéder au marché protégé, mais il ne faudrait pas prendre des initiatives qui risqueraient de déstabiliser les CAT.

M. Garraud a évoqué les juges de proximité. Voulons-nous ouvrir l'administration de la justice à la société ? Oui, c'est mon souhait. Il faut avoir le courage de reconnaître que les Français ne se font pas une idée positive de la justice. Certes, il y a des raisons objectives pour que les justiciables conservent un mauvais souvenir de leur passage devant le juge. Mais de façon plus générale, la justice doit devenir une fonction partagée. Il ne s'agit pas de remplacer des magistrats par des non-professionnels, mais d'ouvrir la maison sur l'extérieur, de façon à rendre possible un échange culturel. Cela existe depuis toujours aux assises et dans les tribunaux pour enfants. Pour les petits délits et les petits litiges, il est bon que des hommes et des femmes d'expérience apportent un complément d'approche aux juges professionnels. Je suis déterminé à poursuivre dans cette direction. Il s'agit d'une réforme profonde, dont on dira dans dix ans qu'elle a amélioré l'image de la justice, j'en suis convaincu.

M. Vallini a évoqué les gels et les reports. Je m'honore de prendre part à la saine gestion de nos finances publiques : c'est le devoir de tout ministre. Cependant, la situation que M. Vallini a décrite est celle de juillet dernier. Les discussions avec le ministère de finances nous ont permis d'avancer, et les reports ne concernent que 1 % du budget, ce qui est raisonnable. J'ajoute que le budget de mon ministère a progressé de 17 % en trois ans.

Le dispositif des repentis, qu'a également évoqué M. Vallini, dépend du budget de l'intérieur.

S'agissant des emplois-jeunes, nous avons fait en sorte que les intéressés puissent préparer les concours statutaires dans de bonnes conditions. En outre, nous avons prévu un certain nombre de postes contractuels pour ceux qui ne peuvent passer les concours mais que nous souhaitons conserver.

Dans le domaine de la protection judiciaire de la jeunesse, il n'est pas question d'abandonner le milieu ouvert : je sais ce qu'apporte le travail des éducateurs. Mais la réorganisation des services autour des directeurs régionaux et départementaux permettra de travailler dans de meilleures conditions.

Plusieurs d'entre vous ont parlé de la loi « Perben II ». Ce dispositif fonctionne, y compris en matière de lutte contre la pollution maritime : ceux qui dégazaient en pleine mer sont sanctionnés et les gros dossiers de criminalité organisée sont traités comme il convient. J'ai la conviction que le plaider coupable fonctionnera aussi. Ce dispositif est même une chance pour les avocats, dont il enrichit le métier. Au lieu d'attendre six mois une audience correctionnelle qui durera trois minutes, ils peuvent dialoguer successivement avec le procureur, le délinquant et le juge. J'observe, par ailleurs, que 40 % des propositions faites au juge du siège sont refusées : il ne s'agit donc pas d'une simple formalité, on ne se contente pas de donner un coup de tampon, il s'engage une vraie discussion. Nous pourrons faire le point dans un an, mais ce dispositif a véritablement un intérêt.

L'aide juridictionnelle, dans le cas d'une comparution en reconnaissance préalable de culpabilité, ne donne droit qu'à cinq unités de valeur au lieu de huit mais il s'en ajoute trois si la victime ou son représentant sont présents. On atteint donc le même niveau qu'en correctionnelle.

Pour répondre à M. Vaxès, les primes modulables sont gérées par les chefs de cour sur proposition des chefs de juridiction et ce système fonctionne dans la sérénité. Si les primes ont été modulées, c'est parce que j'ai obtenu en trois ans l'augmentation de 9 % des primes versées aux magistrats. A ces niveaux de traitement, peu de fonctionnaires ont bénéficié d'une telle mesure. La modulation a été demandée en contrepartie par le ministère des finances et cette demande était légitime.

Le nombre des suicides en prison a diminué ces trois dernières années. J'ai commandé un rapport au professeur Terra, psychiatre spécialisé dans la prévention du suicide. J'ai découvert, grâce à lui, comment il est possible de détecter des personnes suicidaires. Son travail nous a permis de prendre des mesures matérielles pour réduire les risques. Un second type de réponse existe : il est d'ordre psychologique et psychiatrique.

Mme Comparini m'a interrogé sur la construction de nouvelles prisons. Nous ne rencontrons de difficultés que dans certaines villes. Pour ma part, j'ai l'intention d'utiliser les procédures qui existent en droit français pour faire prévaloir l'intérêt général. Il en va de même des centres éducatifs fermés : on ne peut les réclamer dans les discours et tout faire pour éviter leur installation dans certaines circonscriptions. J'aurai donc recours, si besoin est, à des procédures contraignantes. On ne peut renoncer à une grande ambition pour des raisons d'intérêt local.

Monsieur Rochebloine, vous soulevez un problème complexe. La concertation a eu lieu, mais il ne semble pas que votre proposition de redécoupage fasse l'unanimité.

M. François Rochebloine - Il ne s'agit pas d'un redécoupage, mais d'un regroupement !

M. le Ministre - M. Marsaud a raison : les durées de traitement au pénal sont excessives. La réorganisation en pôles de criminalité devrait améliorer la situation. Je lui fournirai, par ailleurs, une réponse écrite sur le tribunal de Limoges. S'agissant enfin de l'ourse tuée dans les Pyrénées, une enquête est ouverte, dont les premiers éléments semblent faire apparaître que les personnes qui se trouvaient sur place, en présence de l'animal, n'avaient pas grand-chose à y faire...

Monsieur de Roux, l'établissement public qui a vocation à construire le nouveau site judiciaire de Paris a été constitué et la procédure de sélection est engagée. Le conseil d'orientation et le conseil d'administration ont choisi deux sites en priorité : le premier est le site hospitalier recouvrant la Cité et Saint-Vincent-de-Paul, le second, la ZAC Tolbiac. L'étude est en cours pour choisir le meilleur emplacement et passer à la réalisation le plus rapidement possible.

En ce qui concerne les détenus âgés, la loi Kouchner a été appliquée 151 fois, ce qui correspond à un nombre de libérations considérable. C'est l'administration pénitentiaire qui décide. Je lui ai demandé par circulaire de prendre, le cas échéant, l'initiative, car même si on a à l'esprit une demande célèbre, il n'est pas rare que ces personnes soient totalement très isolées, dont personne ne s'occupe.

Monsieur Mariani, vous avez raison : l'effectif est insuffisant au tribunal de Carpentras. Une étude a été réalisée, et dans le cadre du budget 2005, je proposerai d'y affecter un juge pour enfants supplémentaire. La nomination pourrait intervenir lors du mouvement du printemps avec prise de fonctions en septembre 2005. Quant aux indicateurs de police et de gendarmerie, l'arrêté interministériel - nous travaillons avec la Défense, l'Intérieur et les Finances - devrait être prêt avant la fin 2005.

En ce qui concerne les pollutions marines, Monsieur Landrain, une trentaine de procédures sont en cours et nous avons demandé 6,5 millions de cautionnement, ce qui n'est pas rien. La loi dite Perben II se révèle véritablement utile, pour combattre ces pollutions.

Monsieur Vanneste, si après la grâce du 14 juin nous sommes redescendus à 500 placements sous bracelet électronique, notre objectif est de 2 000 placements en moyenne, et nous avons les moyens techniques d'y parvenir. Effectivement, il n'y a pas de centre d'éducation fermé dans le Nord, mais il y en a à proximité. S'il faut donner mon sentiment sur cette expérience, également évoquée par M. Geoffroy, elle est difficile mais utile. Ces centres accueillent des garçons, et parfois des filles, multirécidivistes et dont la personnalité est très perturbée. Cela suppose un travail énorme de la part des éducateurs, des médecins et des psychiatres. Le résultat est positif, puisque la majorité de ceux qui sont passés par ces centres reprennent ensuite un cursus normal de formation ou de retour à l'emploi. Dix centres sont en fonctionnement et il faudra essayer d'en doubler au moins le nombre en 2005. Cela ne résoudra pas tout, mais il faut poursuivre et trouver aussi les équipes pédagogiques expérimentées qui sont nécessaires. En tout cas, ce résultat positif est l'un des facteurs qui expliquent la baisse considérable du nombre de jeunes incarcérés : nous étions à moins de 600 le mois dernier contre 925 il y a deux ans et demi. C'est la réponse à ceux qui ont fait campagne contre un certain Garde des Sceaux qui voulait, disaient-ils, incarcérer les mineurs.

Monsieur Landrain, vous m'avez aussi interrogé sur la surpopulation de la maison d`arrêt Lafayette à Nantes. Nous avons des réponses partielles. Il est prévu de créer un établissement pour mineurs, et, en fin d'application de la loi de programmation, un établissement pour les peines courtes. En effet il est un peu ridicule d'incarcérer tous les détenus dans des établissements avec le même niveau de sécurité : il est peu probable qu'un détenu qui n'a que quinze jours à faire essaye de s'échapper...

Mme la Secrétaire d'Etat - Chacun a pu apprécier tout l'intérêt de la mission qui m'est confiée de rapprocher la justice des victimes. J'espère qu'à l'avenir les crédits augmenteront à la mesure des besoins. S'il y a consensus sur ce point, nous parviendrons à améliorer au quotidien le sort des victimes.

*

* *

Après l'audition de M. Dominique Perben, Garde des sceaux, ministre de la justice, lors de la réunion de la commission élargie, votre commission a examiné les crédits de la Justice.

M. Jean-Jacques Descamps, Président, a demandé au Rapporteur spécial s'il souhaitait proposer des thèmes à l'examen de la Cour des Comptes ou de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC).

Votre Rapporteur spécial a indiqué que la Cour des Comptes pourrait être chargée d'un examen de la mise en place de l'institution des juges de proximité dans un an ou deux. Deux sujets pourraient être soumis à la MEC. Le premier concernerait les opérations d'équipement conduites par l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la Justice. Cette Agence monte en puissance et comporte aujourd'hui 70 personnes, aussi le moment est-il venu d'évaluer sa réactivité aux besoins actuels, importants en matière d'investissement. L'autre sujet est celui des tutelles, qui comporte à la fois un volet social et un volet juridique.

À l'état B Titre III, la Commission a examiné, sous réserve de son dépôt, un amendement de M. André Vallini, rejeté par la commission des Lois, visant à réduire les mesures nouvelles de 1.033.000 euros sur le chapitre 31-96 et de 467.000 euros sur le chapitre 33-90, correspondant aux mesures nouvelles pour les juges de proximité.

Votre Rapporteur spécial a indiqué qu'il était défavorable à l'adoption de cet amendement. Même si on peut émettre quelques réserves à l'encontre du fonctionnement de la justice de proximité aujourd'hui, l'interrompre serait révélateur d'un mal français systématique consistant à remettre en cause une réforme sans se donner le temps de l'évaluer dans la durée.

La Commission a alors rejeté cet amendement et, suivant l'avis favorable de votre Rapporteur spécial, elle a adopté les crédits de la Justice figurant aux état B, Titres III et IV, et C, Titres V et VI et vous demande d'émettre un vote favorable à leur adoption.

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N° 1863 - annexe 31 - Rapport spécial au nom de al commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2005 : Justice (M. Pierre Albertini)


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