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N° 2569

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2005.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2006 (n° 2540)

TOME XIII

TRAVAIL ET EMPLOI

Par M. Jean-Pierre LE RIDANT,

Député.

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Voir le numéro : 2568 (annexe n° 39).

INTRODUCTION 5

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION TRAVAIL ET EMPLOI 7

A. L'ÉVOLUTION DU PÉRIMÈTRE DES CRÉDITS DU TRAVAIL ET DE L'EMPLOI 7

1. Des moyens globalement reconduits à structure constante 9

2. La fiscalisation du financement de l'allègement général de cotisations sur les bas salaires 9

B. LA TRADUCTION DES PRIORITÉS GOUVERNEMENTALES 12

1. La loi de programmation pour la cohésion sociale 12

2. La loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées 14

3. Le développement de l'emploi dans les secteurs porteurs 14

a) Les hôtels-cafés-restaurants 14

b) Les services à la personne 15

4. Le plan d'urgence pour l'emploi 15

C. LE DÉCOUPAGE EN PROGRAMMES 15

1. Le programme « Développement de l'emploi » 19

2. Le programme « Accès et retour à l'emploi » 19

3. Le programme « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques » 20

a) L'anticipation et l'accompagnement des mutations 20

b) La formation professionnelle 20

4. Le programme « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » 21

II. L'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI (ANPE) DANS LE CONTEXTE DES RÉFORMES AFFECTANT SES MISSIONS 23

A. LA MODERNISATION DE L'ANPE 23

1. Des relations plus suivies avec les entreprises et de nouveaux services aux demandeurs d'emploi 23

2. Des moyens renforcés 24

3. Un rôle amplifié dans le cadre du plan de cohésion sociale et du plan d'urgence pour l'emploi 25

B. L'ANPE ET SES PARTENAIRES DANS LE SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI 26

1. Les relations avec l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) 26

a) Le plan d'aide au retour à l'emploi (PARE), première grande expérience contractuelle de l'ANPE et de l'UNEDIC 27

b) Les expérimentations locales en partenariat : l'exemple des parcours personnalisés dans le Nord 28

c) La convention tripartite nationale en cours de négociation 28

d) Les limites de cette démarche conventionnelle 29

e) L'équilibre actuel ANPE/UNEDIC et ses limites 31

f) Le débat de fond sur le principe d'une assurance chômage autonome gérée paritairement 33

2. Les relations avec l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) 34

3. Les relations avec les missions locales 36

4. Les relations avec l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) 36

5. Les relations avec les départements 37

6. La mise en place des maisons de l'emploi 38

C. LA SUPPRESSION DU « MONOPOLE » DE L'ANPE : DES ACTEURS PRUDENTS 39

D. L'ÉVOLUTION DE L'ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS D'EMPLOI 43

1. Vers une différenciation des modalités d'accompagnement ? 44

2. De nouvelles réponses aux pénuries de main d'œuvre 46

TRAVAUX DE LA COMMISSION 51

ANNEXE 1 : LES POLITIQUES DE L'EMPLOI ET LES JOBCENTRES AU ROYAUME-UNI 57

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 61

INTRODUCTION

La première année d'application de la réforme budgétaire se caractérise, pour ce qui concerne les crédits du travail et de l'emploi, par une stabilité des moyens mesurés à périmètre constant, à 15 milliards d'euros, si l'on n'y inclut pas le coût de la compensation des allègements généraux de charges sociales patronales sur les bas salaires.

Ces allègements, d'un coût important et croissant, puisqu'il approcherait 19 milliards d'euros en 2006, voient leur mode de financement profondément modifié par le projet de loi de finances : leur compensation pour la sécurité sociale ne passerait plus par une dépense budgétaire effectuée au titre de l'emploi, mais par l'affectation directe de ressources fiscales. La portée de cette opération dépasse la seule technique budgétaire et interroge la nature même des allègements de charge. Le rapporteur pour avis reviendra donc sur les questionnements qui en résultent.

Cependant, même s'il en traduit naturellement les engagements en matière de programmation financière, le budget ne peut rendre compte de l'intégralité des réformes très importantes engagées depuis un an dans le domaine de l'emploi au travers du plan de cohésion sociale et du plan d'urgence pour l'emploi.

Ces réformes comportent en particulier un volet institutionnel très significatif : institutionnalisation du rapprochement de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et de l'assurance chômage, mise en place des maisons de l'emploi et ouverture du placement des demandeurs d'emploi à des opérateurs privés dans le cadre du nouveau « service public de l'emploi », réforme du suivi de la recherche d'emploi.

Comment éviter, en effet, le débat sur l'organisation institutionnelle quand, dans un récent sondage (1) sur les différents services publics, ceux de l'emploi arrivent bons derniers pour la satisfaction, avec seulement 19 % de bonnes opinions, et symétriquement en tête parmi ceux qui devraient bénéficier d'un effort prioritaire de l'Etat, avec 56 % de sondés qui le pensent ? Bien sûr, les organismes intervenant dans le champ de l'emploi se voient souvent imputer une responsabilité intégrale de la situation de l'emploi, ce qui est injuste, mais cette responsabilité n'est pas nulle non plus lorsque de nombreuses offres d'emploi ne trouvent pas preneur malgré le niveau élevé du chômage.

Les modifications législatives susmentionnées mettent en cause le rôle de l'ANPE, dont le « monopole » historique pour l'intermédiation sur le marché du travail, depuis longtemps purement théorique, est officiellement abandonné. Cela dit, dans le même temps, on constate que le gouvernement renforce les moyens de l'agence - plusieurs milliers de postes vont être créés - et réaffirme son rôle en lui confiant de nouvelles missions : gestion des nouveaux contrats aidés du plan de cohésion sociale et instauration d'entretiens mensuels avec les demandeurs d'emploi. Dans ce contexte, le rapporteur pour avis a souhaité examiner comment l'agence évolue dans ses moyens, ses méthodes, ses partenariats.

A cette fin, il est notamment allé prendre connaissance en région lilloise des expérimentations novatrices menées pour assurer un service plus intégré de l'ANPE et de l'assurance chômage aux demandeurs d'emploi et leur proposer des « parcours personnalisés » dans le cadre desquels peuvent intervenir des prestataires privés. A cette occasion, il a également pu observer les démarches mises en œuvre pour répondre à la problématique des métiers en tension. Il a enfin visité à Londres un jobcentre plus, le Royaume-Uni ayant engagé depuis plusieurs années une réforme très intéressante des services de l'emploi et de l'accompagnement des demandeurs d'emploi.

L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe le 10 octobre comme date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Le rapporteur pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 15 septembre 2005. À cette date, aucune réponse ne lui était parvenue. A la date butoir ce pourcentage était de 90 %.

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION TRAVAIL ET EMPLOI

A. L'ÉVOLUTION DU PÉRIMÈTRE DES CRÉDITS DU TRAVAIL ET DE L'EMPLOI

A 13 milliards d'euros, les crédits inscrits sur la mission « Travail et emploi » ressortent en très forte diminution par rapport au plus de 32 milliards d'euros qui étaient inscrits au titre du fascicule budgétaire « Emploi et travail » en 2005, dans le cadre de l'ancienne nomenclature.

Cette évolution traduit, pour l'essentiel, des effets de périmètres, récapitulés dans le tableau ci-dessous.

Les modifications du périmètre « travail et emploi »

2005

2006

Evolution (%)

Crédits « travail et emploi »

32 225

13 174

- 59,1

Fiscalisation de l'allègement général des cotisations sur les bas salaires

17 140

18 900

10,3

Transfert de l'exonération de cotisations sociales en zone franche urbaine

363

339

- 6,6

Transfert du financement de la garantie de ressources dans les centres d'aide par le travail (CAT)

960

980

2,1

Création de l'allocation temporaire d'attente

157

Régionalisation de la validation des acquis de l'expérience (VAE)

6

Réduction de la dotation de décentralisation en contrepartie de l'augmentation de la contribution au développement de l'apprentissage (2)

407

Transfert du financement des emplois-jeunes de l'enseignement et de la justice

131

Transfert d'agents de l'INSEE

- 4

Périmètre constant 2006

32 225

34 090

5,8

Périmètre constant 2006 hors allègement de cotisations

15 085

15 190

0,7

Sortent en effet du périmètre des crédits du travail :

- le financement de l'allègement général de cotisations sur les bas salaires issu de l'amplification, par la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, des différents dispositifs préexistants d'allègement des cotisations ; cette modification, qui porte sur près de 19 milliards d'euros est naturellement celle qui a le plus d'incidence sur les masses en cause ;

- le financement de l'exonération spécifique de cotisations patronales dans les zones franches urbaines, désormais imputé à la mission « Ville et logement » ;

- le financement de la garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH) en centre d'aide par le travail (CAT), la nouvelle nomenclature permettant de distinguer clairement le financement des entreprises adaptées (ex-ateliers protégés) par le système de l'aide au poste instituée par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, du financement des CAT désormais regroupé sur le programme « Handicap et dépendance » de la mission « Solidarité et intégration » (l'imputation antérieure des subventions de fonctionnement des CAT sur le budget de la solidarité et des crédits de GRTH dans les CAT sur celui du travail étant effectivement peu lisible) ;

- le financement de « l'allocation temporaire d'attente », instituée par l'article 88 du projet de loi de finances en remplacement de l'allocation d'insertion, pour la part présumée de cette allocation qui bénéficie aux demandeurs d'asile et d'autres catégories d'étrangers, soit plus de 150 millions d'euros transférés sur le programme « Accueil des étrangers et intégration » de la mission « Solidarité et intégration » (un reliquat de 30,6 millions d'euros, correspondant à la part de l'allocation qui est affectée aux anciens détenus et aux salariés expatriés revenus sans ressources, restant imputé sur la mission « Travail et emploi ») ;

- le financement du réseau des centres et points d'information sur la validation des acquis de l'expérience (VAE), transféré par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux responsabilités et libertés locales aux régions (6,25 millions d'euros) ;

- une part de la dotation de décentralisation qui compense aux régions les transferts de compétences effectués en matière de formation, cette dotation étant réduite à due concurrence du montant supplémentaire attendu de l'augmentation du taux de la contribution au développement de l'apprentissage. Il est à noter que l'article 18 du projet de loi de finances initial portait ce taux à 0,18 % dès 2006, alors que la loi de finances pour 2005 prévoyait une évolution plus progressive, avec un taux de 0,06 % en 2005, 0,12 % en 2006 et 0,18 % seulement à partir de 2007. Compte tenu de la suppression de cet article 18 par l'Assemblée nationale lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, l'incidence de la montée en charge de la nouvelle contribution sur la dotation de décentralisation, calculée sur l'hypothèse d'un passage immédiat du taux de 0,06 % à celui de 0,18 %, devrait être réduite de moitié en 2006, ce qui a en conséquence amené la commission des finances à adopter un amendement de redéploiement de crédits à hauteur de 203 millions d'euros du programme « Accès et retour à l'emploi » vers le programme « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques » pour augmenter d'autant la dotation de décentralisation qui y est inscrite ;

- enfin, le financement des emplois-jeunes des ministères de l'éducation nationale et de la justice, transféré à hauteur de 131 millions d'euros vers les missions correspondantes.

1. Des moyens globalement reconduits à structure constante

On peut constater qu'auprès prise en compte de ces modifications du périmètre, les moyens budgétaires affectés au travail et à l'emploi sont en fait reconduits à l'identique hors financement de l'allègement général des cotisations patronales et en augmentation de 6 % en intégrant cet allègement.

2. La fiscalisation du financement de l'allègement général de cotisations sur les bas salaires

La fiscalisation du financement de l'allègement général des cotisations sur les bas salaires constitue une opération budgétaire qui justifie, ne serait-ce que par son ampleur, un commentaire particulier.

En préalable, on rappellera que la loi du 17 janvier 2003 précitée a généralisé, amélioré et simplifié les dispositifs préexistants d'allègements de charges sociales patronales sur les bas salaires en instaurant l'allègement général dit « Fillon ». Cette opération s'est accompagnée d'une très forte augmentation du SMIC horaire décidée par la même occasion au titre de la convergence en trois ans des différentes « garanties mensuelles de rémunération » (GMR) issues de l'instauration des 35 heures, augmentation qui s'est reportée ipso facto sur le montant, proportionnel, des cotisations prises en charge. Pour ces raisons, le coût global des allègements de charges sur les bas salaires a connu une évolution très dynamique, comme il ressort du tableau et du graphique ci-dessous, malgré les mesures d'économie prises dans les lois de finances pour 2004 (suppression de la possibilité de cumuler l'allègement général institué par la loi du 17 janvier 2003 avec l'aide temporaire issue de la loi « Aubry I » du 13 juin 1998) et 2005 (réduction de 1,7 fois à 1,6 fois le SMIC du niveau maximal de salaire ouvrant droit à l'allègement général de charges).

Les dépenses de compensation des exonérations générales
de cotisations sociales

(en millions d'euros)

2000 (réalisé)

2001 (réalisé)

2002 (réalisé)

2003 (réalisé)

2004 (réalisé)

2005 (LFI)

2006 (PLF)

10 382

11 549

12 215

16 194

16 275

17 140

18 900

Source : ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale (questionnaire budgétaire).

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En 2004 et 2005, le remboursement à la sécurité sociale des allègements sur les bas salaires a été imputé sur les crédits budgétaires du travail. L'article 41 du projet de loi de finances propose de remplacer la subvention budgétaire à la sécurité sociale par l'affectation d'un certain nombre d'impôts ou de fractions d'impôts d'Etat :

- 95 % du produit de la taxe sur les salaires ;

- divers droits d'accise sur les boissons ;

- la taxe sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire ;

- la taxe sur les primes d'assurance-automobile ;

- la TVA collectée par les commerçants de gros en produits pharmaceutiques et par les fournisseurs de tabac.

Cette opération appelle trois questions : Quelles garanties de compensation intégrale pour la sécurité sociale ? La nature de l'allègement général de cotisations justifie-t-elle qu'il n'apparaisse plus comme une « dépense pour l'emploi » ? Quel suivi, à l'avenir, de ce dispositif ?

La question de la garantie du niveau de compensation à la sécurité sociale est particulièrement sensible eu égard à l'importance de l'enjeu financier et aux engagements pris par les gouvernements successifs, concrétisés dans l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale qui pose le principe de la compensation intégrale des exonérations de cotisations établies depuis 1994 et dont l'application est ici explicitement écartée.

En préalable, il convient d'observer que si la fiscalisation du financement de l'allègement général est possible à partir de 2006, c'est parce qu'avec l'achèvement en 2005 du processus de convergence des SMIC, ce dispositif est parvenu à maturité et que son coût devrait désormais évoluer plus modérément que durant les années précédentes.

Pour le reste, le projet de loi de finances apporte plusieurs réponses :

- la garantie d'un recalage sur l'année 2006 à l'euro près, en fonction des montants effectifs, via une régularisation en 2007 ;

- la perspective d'une modification de la liste des impôts et taxes affectés dans le cas où les allégements de charges seraient eux-mêmes modifiés ;

- des rendez-vous pris en 2008 et 2009 au cours desquels le gouvernement remettra un rapport analysant les écarts éventuels entre les nouvelles ressources affectées et la perte de recettes résultant des allégements de charges l'année précédente. En cas d'écart supérieur à 2 %, un rapport sera transmis par le gouvernement à une commission indépendante en vue d'éventuelles mesures d'ajustement

La deuxième question renvoie à l'appréciation que l'on peut avoir de la nature du dispositif d'allègement général des cotisations. Le fait est qu'en tant qu'« héritier » des divers dispositifs qu'il a unifiés, il a dès son origine une nature ambiguë, étant à la fois une mesure de sauvegarde de l'emploi non qualifié à travers l'allègement de son coût et une mesure de compensation du coût des « 35 heures ». Par ailleurs, même s'il n'a pas été conçu comme tel, on peut se demander s'il ne s'agit pas en fait plutôt, avant tout, d'un système de soutien des revenus salariaux modestes et de redistribution, dans la mesure où, même si l'allègement porte sur la part patronale des cotisations, il se reporte indirectement en partie sur le niveau des salaires nets. C'est le fondement du débat ouvert sur la « barèmisation », c'est-à-dire la pérennisation du système par son introduction directe dans le barème des cotisations, ce qui constituerait une forme d'officialisation d'une progressivité des cotisations sociales selon le niveau des salaires.

En tout état de cause, le caractère très général de l'allègement des cotisations, qui n'est pas ciblé sur tel ou tel secteur ou territoire, avec un objectif spécifique de politique publique allant avec, rend compréhensible que l'on s'interroge sur l'opportunité de continuer à le traiter comme une sorte de « dépense fiscale » retracée directement dans le budget au titre de la politique de l'emploi.

D'ailleurs, ce dispositif n'a pas toujours été traité, budgétairement parlant, de la sorte : il avait été réintégré au budget en 2004 suite à la suppression du FOREC (Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, créé en 2000). Auparavant, le coût de l'allègement comme son financement apparaissaient seulement dans les agrégats financiers de la loi de financement de la sécurité sociale au titre des charges et des ressources du FOREC.

La mesure proposée cette année pose toutefois la question de l'évaluation et du suivi d'un dispositif dont le coût, à l'avenir, n'apparaîtra plus explicitement dans les documents budgétaires. Le rapporteur pour avis ne peut que souhaiter que cette perte d'information formelle soit compensée par un effort réel d'évaluation de l'impact de ce dispositif coûteux dont l'efficacité reste méconnue, donc incertaine. Il convient donc de saluer l'apport du débat parlementaire sur la première partie de la loi de finances, qui a débouché sur l'obligation pour le gouvernement de déposer à court terme (premier semestre 2006) deux rapports, l'un sur la perspective d'une intégration de l'allègement général de charges au barème des cotisations à partir de 2007, l'autre sur l'évaluation de cette politique d'allègements : nombre d'entreprises bénéficiaires, coût pour les finances publiques, emplois créés, incidence sur la hiérarchie des salaires, etc.

B. LA TRADUCTION DES PRIORITÉS GOUVERNEMENTALES

Le projet de loi de finances constitue d'abord la traduction de priorités inscrites dans un ensemble de textes et de mesures qui rendent compte de l'orientation de toute la politique du gouvernement vers l'emploi.

1. La loi de programmation pour la cohésion sociale

La loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a notamment revu intégralement le dispositif d'aide au retour à l'emploi des chômeurs de longue durée par les contrats aidés en promouvant plusieurs démarches : la simplification ; la recherche de l'activation des minima sociaux en prévoyant leur transformation éventuelle en aide à l'employeur ; le renforcement de la dimension d'accompagnement, en particulier dans le contrat d'avenir ; enfin, une gestion plus proche du terrain, responsabilisant les collectivités territoriales (contrat d'avenir) et les préfets de région (contrat initiative-emploi - CIE et contrat d'accompagnement dans l'emploi - CAE).

Par ailleurs, la loi de programmation comporte des engagements budgétaires quant à l'insertion par l'activité économique (IAE).

Enfin, elle se fixe des objectifs ambitieux en matière de formation en alternance des jeunes, notamment celui d'atteindre un effectif de 500 000 apprentis.

Le projet de loi de finances fait passer de 2,22 à 2,65 milliards d'euros (+ 19 %) les moyens affectés au financement des mesures spécifiques aux chômeurs de longue durée, contrats aidés et aides au secteur de l'IAE. S'agissant de ce secteur, les engagements de programmation sont tenus.

S'agissant des contrats aidés, on relève un ajustement dicté par le principe de réalité. Dans le secteur non marchand, le fait est que si le contrat d'accompagnement dans l'emploi, dispositif facile à manipuler car dans la lignée de l'ancien contrat emploi-solidarité (CES), connaît un début prometteur (déjà plus de 50 000 CAE passés début octobre 2005), le démarrage est plus lent pour le contrat d'avenir (4 000 à la même date). Ce contrat est peut-être plus rigide, car réservé aux allocataires de minima sociaux depuis plus de six mois et assorti d'une durée de travail fixe de 26 heures hebdomadaires (quand les autres contrats aidés, de manière générale, connaissent seulement un plancher de 20 heures). En tout état de cause, il est plus complexe par son caractère novateur et le rôle reconnu aux collectivités territoriales. Lorsqu'il bénéficie à des allocataires du RMI, en effet, le contrat d'avenir mobilise deux financements : le minimum social « activé » en aide à l'employeur, à la charge du département, et une aide complémentaire de l'Etat (gérée par l'ANPE). Afin de coordonner les deux acteurs, il a été prévu des conventions d'objectifs : presque tous les départements sont maintenant couverts, mais cela a naturellement pris quelque temps.

Quant aux contrats orientés vers le secteur marchand, tels que le CIE, ou, pour la formation des jeunes, le contrat de professionnalisation, leur essor est naturellement dépendant de la conjoncture économique, qui reste insuffisamment dynamique.

Dans ce contexte, le gouvernement a fait évoluer ses prévisions d'effectifs dans les différents dispositifs :

- il met l'accent sur le CAE, avec 120 000 entrées escomptées en 2006 ;

- il révise à 200 000, contre 250 000 inscrits dans la loi de programmation, la prévision quant aux entrées en contrat d'avenir ;

- il prévoit des niveaux relativement prudents d'entrées dans les mesures tournées vers le secteur marchand : le CIE (50 000 entrées attendues) ; le contrat jeune en entreprise (50 000 aussi) ; le contrat de professionnalisation (160 000 contrats pour les jeunes + 15 000 pour les chômeurs de longue durée) ;

- il anticipe un renforcement des effectifs d'apprentis (265 000 entrées en 2006 contre 250 000 en 2005), porté notamment par le crédit d'impôt incitatif mis en place.

Les maisons de l'emploi constituent l'un des autres éléments forts du plan de cohésion sociale. Anticipant la création de quatre-vingt maisons d'ici fin 2005 et 200 d'ici fin 2006, le projet de budget inscrit à ce titre 150 millions d'euros en autorisations d'engagement et 128,5 millions en crédits de paiement, montants effectivement en retrait sur la programmation très ambitieuse qui avait été effectuée en janvier 2005.

2. La loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

Chantier majeur du Président de la République, l'égalité des droits et des chances pour les personnes handicapées est l'objet de la loi du 11 février 2005.

Riche de mesures fondamentales en matière de compensation du handicap et d'accès à l'école, aux transports, au logement, cette loi modifie relativement moins les politiques de l'emploi des personnes handicapées et notamment celles qui ont une traduction budgétaire. On notera tout de même dans le projet de loi de finances pour 2006, conformément aux engagements, l'apparition de l'aide au poste aux entreprises adaptées, qui, se substituant au système de garantie de ressources antérieur, permettra à ces entreprises d'offrir à leurs salariés handicapés des rémunérations conformes au droit commun.

3. Le développement de l'emploi dans les secteurs porteurs

a) Les hôtels-cafés-restaurants

Il convient de rappeler que dans l'attente de la diminution du taux de la TVA à 5,5 % dans ce secteur, la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l'investissement a instauré une aide à l'emploi dans les hôtels, cafés et restaurants, en contrepartie d'engagements pris par la profession : un avenant à la convention collective nationale de la branche ratifié le 22 juillet 2004 par deux organisations patronales et par trois organisations syndicales a prévu notamment la suppression du système dérogatoire du « SMIC hôtelier », ce qui entraînait directement une hausse de 11 % pour les plus faibles rémunérations (incluant la hausse de 5,8 % du SMIC horaire au 1er juillet 2004), et institué une sixième semaine de congés payés et deux jours fériés supplémentaires.

L'aide publique accordée vise à la fois à accompagner cette revalorisation des conditions sociales et du pouvoir d'achat et à concourir à l'ajustement du marché du travail, puisque le secteur souffre d'une pénurie de main d'œuvre. Elle s'élève à 114,40 euros par mois et par salarié pour ceux dont le salaire horaire, hors avantages en nature, est égal au SMIC et 143 euros pour ceux dont le salaire horaire est supérieur.

Par ailleurs, la loi prévoit une aide spécifique aux chefs d'entreprise du secteur dont le conjoint est inscrit au registre du commerce comme conjoint collaborateur, afin d'inciter au développement de ce statut, qui permet aux intéressés d'acquérir des droits à la retraite.

Le dispositif initial a été établi à titre expérimental du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2005. L'article 91 du projet de loi de finances propose de le proroger pour l'année 2006. Dans la mesure où l'enveloppe budgétaire inscrite en 2005 couvrait dix-huit mois d'aides, l'enveloppe prévue pour l'année 2006 est naturellement en recul.

b) Les services à la personne

La loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a pour objectif, dans le cadre du plan de cohésion sociale, un doublement, de 70 000 à 140 000, de la tendance actuelle de création d'emplois de services à la personne.

A cette fin, cette loi a instauré une exonération de 15 points de cotisations patronales pour les particuliers employeurs déclarant leurs salariés au réel. Elle a intégralement exonéré de cotisations patronales les associations et entreprises agréées dans ce domaine. Le coût de la compensation à la sécurité sociale de ces exonérations, pesant sur les crédits du travail, est évalué en 2006 à 180 millions d'euros. Par ailleurs, 20,3 millions d'euros sont prévus pour le lancement de la nouvelle Agence nationale des services à la personne, dont le décret d'application est paru au Journal officiel le 15 octobre (3) dernier et dont le conseil d'administration vient d'être installé par le ministre de la cohésion sociale.

4. Le plan d'urgence pour l'emploi

Le projet de budget inclut le financement de plusieurs des mesures qui ont fait l'objet des ordonnances prises au début du mois d'août :

- le coût de l'instauration d'une allocation interstitielle de 16,40 euros par jour versée durant un mois par l'Etat aux bénéficiaires de contrats nouvelles embauches victimes d'une rupture de contrat sans avoir pu acquérir des droits à l'assurance chômage de droit commun est chiffré à 25 millions d'euros ;

- le parcours d'accès aux carrières des fonctions publiques territoriale, hospitalière et de l'Etat (PACTE), institué comme une nouvelle voie d'accès à la fonction publique alternative au système du concours, est doté de 15 millions d'euros en 2006 pour 13 500 bénéficiaires espérés ;

- le budget du travail contribuera à hauteur de 37 millions d'euros à la création de l'Etablissement public d'insertion de la défense créé afin de mettre en œuvre le contrat de volontariat pour l'insertion, qui doit permettre de s'inspirer en métropole du service militaire adapté de l'outre-mer.

C. LE DÉCOUPAGE EN PROGRAMMES

Conformément à la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, la mission « Travail et emploi » est découpée en programmes. Les cinq programmes qui ont été distingués sont, comme on le voit sur le graphique suivant, de tailles budgétaires très différentes, avec deux programmes fortement prédominants, « Accès et retour à l'emploi » et, dans une moindre mesure « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques ».

Répartition des crédits de la mission « Travail et emploi » par programme

graphique

S'agissant de la nature des dépenses, le budget du travail reste un budget d'interventions publiques, celles-ci, à 10,19 milliards d'euros, représentant les trois quarts du total. Il est à noter que les modestes dépenses de personnel affichées correspondent exclusivement aux moyens des administrations centrales et déconcentrées du ministère, les subventions aux grands opérateurs des politiques publiques de l'emploi étant traitées en dépenses de fonctionnement bien qu'elles servent essentiellement à financer des rémunérations. C'est ainsi que les 2,44 milliards d'euros de dépenses de fonctionnement prévues pour 2006 incluent la subvention à l'ANPE (1,27 milliard) et celle à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes - AFPA (714 millions).

Répartition des crédits de la mission « Travail et emploi » par nature de dépenses

graphique

Le tableau ci-après présente l'évolution des crédits entre la loi de finances pour 2005 et le projet de loi de finances pour 2006 pour chaque programme et les principales lignes identifiables dans chacun.

Il convient de relativiser la portée de la comparaison des crédits de loi de finances initiale en 2005 et 2006 qui est proposée quand c'est possible : des changements d'imputation de certaines charges rendent très difficiles des rapprochements à périmètre constant, même sur des lignes apparemment bien identifiées ; certaines subventions globales reconstituées dans le tableau, comme celle à l'AFPA, sont en fait partagées entre plusieurs programmes... En tout état de cause, le nouveau principe de la justification au premier euro des dépenses doit conduire à s'écarter des présentations trop systématiquement comparatives qu'entraînait l'ancien dispositif de justification des crédits par les mesures positives ou négatives d'ajustement à prendre par rapport aux moyens de l'année précédente. Enfin, le programme étant de toute façon l'unité de crédits sur laquelle s'exerce l'autorisation budgétaire du Parlement, les montants inscrits dans les documents budgétaires pour les actions qui composent les programmes, a fortiori pour le détail des différentes interventions, présentent un caractère purement indicatif.

Evolution des programmes et des principales lignes de crédits

(en millions d'euros)

LFI 2005

PLF 2006

Evolution (en %)

Programme « Développement de l'emploi »

18 029

881

- 95,1

Aide aux hôtels-cafés-restaurants (HCR)

550

390

- 29

Exonération sociale des avantages en nature dans les HCR

110

140

27,3

Exonérations sociales en zones de redynamisation urbaine et de revitalisation rurale

27

33

22

Exonérations pour les services à la personne

-

180

Agence nationale des services à la personne

-

20

Encouragement au développement d'entreprises nouvelles (EDEN)

45

45

0,7

Chèque conseil

16

16

- 0,8

Fonds de garantie pour l'insertion économique

4

12

200

Programme « Accès et retour à l'emploi »

7 149

7 102

- 0,7

ANPE

1 225

1 269

3,6

Maisons de l'emploi

120

129

7,1

Fonds de solidarité et allocation temporaire d'attente

1 326

1 225

- 7,6

Enveloppe fongible CAE-CIE (et reliquat CES)

1 060

1 360

28,4

Contrats d'avenir

383

792

106,8

Contrats emploi-consolidé (en extinction)

568

285

- 49,9

Secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE)

213

210

- 1,5

Emplois-jeunes (en extinction)

1 012

573

- 43,4

Contrat jeune en entreprise (SEJE)

430

273

- 36,5

Allocations interstitielles du contrat d'insertion dans la vie civile (CIVIS)

52

60

15,4

CIVIS associations (en extinction)

13

18

36,7

Missions locales (et reliquat de TRACE)

122

161

31,6

Fonds d'insertion professionnelle des jeunes

75

70

- 6,7

Parrainage

4

4

11,5

Etablissement public d'insertion de la défense

-

37

Programmes départementaux pour l'insertion des personnes handicapées (PDITH) et dépenses connexes

8

9

13

Subventions aux entreprises adaptées

39

46

16,4

Aide au poste dans les entreprises adaptées

n.s.

223

Programme « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques »

4 863

4 386

- 9,8

Aide au conseil à la gestion prévisionnelle de l'emploi (GPEC)

14

22

59,3

Engagements de développement de l'emploi et des compétences (EDEC)

37

51

38,6

Dotation globale de restructuration

57

57

-

Mesures d'âge

468

310

- 33,7

Conventions de reclassement personnalisé (doublement du DIF)

-

28

AFPA

751

755

0,6

Rémunération des stagiaires AFPA

143

142

- 0,7

Validation des acquis de l'expérience (VAE)

24

19

- 22,2

Contrats d'apprentissage (exonérations)

773

847

9,5

Contrats de professionnalisation

279

414

48,3

PACTE

-

15

Contrats de qualification (en extinction)

193

30

- 84,7

Dotation de compensation formation professionnelle aux régions

2 053

1 611

- 21,5

Programme « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail »

64

82

28

Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFFSET)

n.d.

9

Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT)

12

12

1,5

Elections prud'homales 2008

-

15

n.s.

Formation syndicale

26

26

-

Programme « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail »

641

724

12,9

1. Le programme « Développement de l'emploi »

De montant relativement modeste, suite à la fiscalisation du financement de l'allègement général de charges sur les bas salaires et au transfert de celui de l'exonération spécifique aux zones franches urbaines vers la mission « Ville et logement », le programme « Développement de l'emploi » regroupe des politiques « assurant un soutien structurel à la création d'emploi ». Il s'agit principalement d'allègements de cotisations sociales, dont les deux principaux, concernant les hôtels-cafés-restaurants et les particuliers employeurs, ont été commentés supra.

2. Le programme « Accès et retour à l'emploi »

Le programme « Accès et retour à l'emploi », de loin le plus important de la mission « Travail et emploi », a pour objet selon les documents budgétaires la lutte contre le chômage massif et l'exclusion durable du marché de l'emploi. Il est tourné vers les personnes rencontrant des obstacles à l'embauche tels que le chômage de longue durée, l'âge, le sexe, le faible niveau de qualification, l'absence d'expérience professionnelle, le handicap...

Sur ce programme sont imputées les contributions de l'Etat au financement du service public de l'emploi : la subvention à l'ANPE, sur laquelle le présent avis reviendra dans sa seconde partie ; celle aux maisons de l'emploi ; celle au fonds de solidarité. Cette dernière correspond à la contribution de l'Etat au régime d'indemnisation du chômage dit de solidarité, qui verse notamment l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Le recul d'une centaine de millions d'euros entre la subvention 2005 et la subvention 2006 rend compte notamment :

- de la mobilisation en 2006 de reports issus de la gestion 2005 à hauteur de 30 millions d'euros ;

- du transfert de 157 millions d'euros vers la mission « Solidarité et intégration » au titre du financement de l'allocation temporaire d'attente des demandeurs d'asile et bénéficiaires des protections temporaire et subsidiaire ;

- de l'évaluation à 25 millions d'euros du coût de l'allocation interstitielle versée par le fonds de solidarité en cas de rupture anticipée d'un contrat nouvelles embauches.

Le programme « Accès et retour à l'emploi » regroupe également les différentes interventions spécifiques en faveur des demandeurs d'emploi de longue durée, des jeunes et des travailleurs handicapés. La plupart de ces interventions s'inscrivent dans le plan de cohésion sociale. D'autres lignes correspondent au reliquat de dépenses liées à des programmes aujourd'hui fermés, comme celui des emplois-jeunes et des contrats emploi consolidé, ce qui explique leur déclin rapide.

3. Le programme « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques »

Le programme « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques » est subdivisé en deux actions orientées l'une vers l'anticipation des mutations et le développement de la mobilité professionnelle, l'autre vers l'accès des actifs à la qualification.

a) L'anticipation et l'accompagnement des mutations

La première action concerne notamment le financement par l'Etat des mesures d'âge, c'est-à-dire les différents dispositifs de préretraites, pour une dépense qui est en diminution constante depuis plusieurs années dans un contexte de restriction à l'accès à ces dispositifs, bien que l'Etat ait récemment revalorisé substantiellement sa participation au financement des allocations temporaires dégressives (4) qui visent à compenser l'acceptation par les salariés victimes de licenciements économiques d'une rémunération inférieure à leur ancien salaire.

Parmi les autres politiques financées, on relèvera notamment l'aide au conseil à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Les moyens envisagés pour cette mesure créée en 2003, en forte progression pour 2006, devraient permettre de financer environ 500 opérations avec les entreprises. Il est à noter que la loi de programmation pour la cohésion sociale a instauré une obligation de négociation sociale sur la mise en place de la GPEC dans les entreprises de 300 salariés et plus.

Le renforcement des moyens affectés aux engagements de développement de l'emploi et des compétences (EDEC) s'inscrit dans la politique des pôles de compétitivité. Il s'agit d'élaborer des diagnostics et des analyses prospectives de l'emploi et des qualifications. En 2003, 81 500 personnes ont été concernées, dans près de 9 500 entreprises.

Enfin, l'engagement de l'Etat, dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale, de contribuer au financement des conventions de reclassement personnalisé (CRP) se traduit par l'inscription de 27,9 millions d'euros (au titre du doublement du droit individuel à la formation - DIF - non consommé des personnes entrant en CRP, que l'Etat prend en charge).

b) La formation professionnelle

Les moyens affectés par l'Etat à la formation professionnelle sur les crédits du travail sont globalement reconduits si l'on neutralise l'effet de l'augmentation de la contribution au développement de l'apprentissage sur le montant de la dotation de décentralisation aux régions (407 millions d'euros) et celui de la régionalisation d'une fraction des charges liées à la VAE (6 millions d'euros). En particulier, la subvention à l'AFPA est stable à 755 millions d'euros.

Pour le reste, les crédits rendent compte de la réforme de la formation tout au long de la vie et du plan de cohésion sociale avec l'essor attendu du coût de l'exonération de charges des contrats d'apprentissage, la montée en charge des nouveaux contrats de professionnalisation et du dispositif PACTE et l'extinction des contrats de qualification.

4. Le programme « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail »

Ce programme au poids budgétaire modeste (82 millions d'euros) ressort en forte augmentation essentiellement pour un motif de circonstances : la montée en charge rapide des dépenses liées à la préparation des élections prud'homales de 2008.

Il finance également le plan « Santé au travail » dont l'opérateur, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) pourra recruter en 2006 dix scientifiques de haut niveau (l'objectif étant de parvenir en 2010 à un effectif de cinquante chercheurs spécialisés).

II. L'AGENCE NATIONALE POUR L'EMPLOI (ANPE) DANS LE CONTEXTE DES RÉFORMES AFFECTANT SES MISSIONS

Ouverture du placement des demandeurs d'emploi à des opérateurs autres que l'ANPE, mise en place des nouveaux contrats aidés de la loi de cohésion sociale, mise en place des maisons de l'emploi, institutionnalisation des relations conventionnelles avec l'UNEDIC et évolution vers le « guichet unique », réforme du suivi de la recherche d'emploi, instauration d'entretiens mensuels avec les demandeurs d'emploi... les réformes concernant l'ANPE à des degrés divers n'ont pas manqué depuis un an. Le rapporteur pour avis a souhaité examiner comment l'Agence, confrontée à ces mesures, évolue dans ses moyens, ses méthodes, ses partenariats.

A. LA MODERNISATION DE L'ANPE

L'ANPE revendique depuis plusieurs années un effort d'adaptation qui traduirait sa préparation aux nouvelles règles issues de la loi de programmation pour la cohésion sociale. Ses moyens ont également été significativement renforcés.

1. Des relations plus suivies avec les entreprises et de nouveaux services aux demandeurs d'emploi

L'évolution de l'ANPE se manifeste d'abord dans la terminologie : ses documents parlent désormais d' « offre de services » aux « clients », mot qui ne satisfait manifestement pas certaines de ses organisations syndicales, attachées à la notion d'« usager » du service public. Pour ce qui est de l'organisation, l'Agence a créé cette année une direction du marketing qui aura notamment pour tâche de mieux segmenter les services, tant aux entreprises qu'aux demandeurs d'emploi. Elle soutient que la modernisation de ses méthodes d'intervention, le développement de ses relations avec les entreprises et l'habitude qu'elle a prise de travailler avec des prestataires privés démontrent sa préparation au nouveau régime de partenariat et d'ouverture à la concurrence des opérateurs privés que promeut la loi de programmation pour la cohésion sociale.

L'évolution des méthodes est illustrée par le succès du site « anpe.fr », qui a reçu 82 millions de visites en 2004 ; plus de 190 000 offres d'emploi y ont été directement déposées. Les applications mises en place permettent aussi aux demandeurs d'emploi de diffuser sur le site leur curriculum vitae (anonyme) et de bénéficier de services tel qu'un filtrage systématique des offres d'emploi sur la base de critères comme le métier et la zone géographique, avec envoi systématique des offres ainsi sélectionnées à leur adresse mail. Par ailleurs, l'ANPE déploie progressivement des postes informatiques dans ses agences pour remplacer l'affichage des offres et des plateformes téléphoniques, notamment pour éviter aux demandeurs d'emploi de se déplacer pour certaines démarches simples. A Lille, le rapporteur pour avis a visité une plateforme commune aux agences de la ville qui traite en moyenne 800 appels par jour, fournissant des informations très diverses : outre une amélioration du service (suivie grâce à des indicateurs classiques comme le temps de décrochage, le taux d'appels inaboutis ou la durée des appels), cette démarche, en rapprochant les personnels des différentes agences qui y participent, conduirait à des réponses plus homogènes aux différents problèmes.

L'ANPE fait état d'un renforcement de son activité de prospection qui lui permet de recueillir plus d'offres d'emploi. 706 400 visites d'entreprise ont été réalisées en 2004, soit une augmentation de 17 % en un an. Le taux de satisfaction des entreprises « clientes » serait élevé : selon un sondage, 88 % recommanderaient le recours à l'ANPE pour un recrutement. En 2004, 3,17 millions d'offres d'emploi ont été recueillies, contre 2,99 millions en 2003 (+ 6 %) : 940 000, soit un peu moins de 30 %, étaient des offres de contrats à durée indéterminée, 492 000 des offres de contrats aidés divers.

L'essor rapide des « prestations de service » au bénéfice des demandeurs d'emploi rend compte de l'évolution rapide de l'accompagnement de ceux-ci, qui ne peut plus se limiter aux seuls services d'intermédiation basique (la mise en relation des offres et des demandes d'emploi). Il a conduit également à l'établissement de relations suivies avec de nombreux opérateurs privés.

De 2000 à 2004, le nombre de ces prestations spécifiques proposées par l'ANPE est passé de 0,8 million à plus de 2,7 millions. Ces prestations consistent en ateliers d'aide à la recherche d'emploi, évaluations professionnelles, bilans de compétence approfondis et accompagnements spécifiques par le même conseiller sur trois mois. S'y ajoute 1,1 million de prescriptions de formations.

Les prestations d'accompagnement représentent 87 % des dépenses de prestation, celles d'évaluation 7 %. L'ANPE recourt à 4 800 prestataires, dont 3 500 entreprises privées. En 2000, le chiffre d'affaires de l'ensemble des prestations réalisées était de 137,9 millions d'euros. Il a connu une forte progression jusqu'en 2003 avec un montant de 483,2 millions d'euros, soit plus de 350 %, puis s'est stabilisé en 2004 (473,3 millions).

2. Des moyens renforcés

Les années récentes ont vu un renforcement substantiel des moyens de l'ANPE. L'augmentation des effectifs sur la période 2000-2003 correspond aux engagements pris par l'Etat dans le contrat de progrès (2 500 emplois ont été ainsi créés) et à l'application de la convention bipartite avec l'UNEDIC du 13 juin 2001 relative à la mise en œuvre du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE), dans le cadre de laquelle l'assurance chômage s'est engagée à financer 3 650 emplois supplémentaires à l'ANPE. La mise en place du PARE a, en effet, amené l'UNEDIC à devenir soudainement un gros financeur de l'ANPE. En 2004, l'Etat a fourni 64,5 % des ressources de l'Agence et l'UNEDIC 25,5 %.

Evolution des effectifs budgétaires de l'ANPE

(en équivalents temps plein)

2000

2001

2002

2003

2004

16 990

17 223

21 223

21 223

22 457

Le renforcement des moyens humains des membres du service public de l'emploi répond à un constat, celui d'un relatif sous-investissement français en la matière par rapport à d'autres pays européens. Par exemple, quand le réseau jobcentre plus devrait à terme avoir 75 000 agents au Royaume-Uni (et ce après des réductions d'effectifs), pour une population française très voisine, l'addition des effectifs de l'ANPE et de l'UNEDIC représente la moitié de ce nombre. Bien sûr, cette comparaison doit être relativisée, les missions des jobcentres s'étendant notamment, au-delà des allocations chômage, à la gestion de prestations assimilables à nos prestations familiales ou minima sociaux. Il n'empêche qu'il semble bien exister un écart, qui se ressent dans le taux d'encadrement des demandeurs d'emploi : quand l'objectif d'un conseiller pour 40 est affiché au Royaume-Uni, on est à un pour 260 dans les agences locales pour l'emploi lilloises.

En décembre 2004, le réseau ANPE comprenait 797 agences, 190 « points relais » (antennes de proximité) et plus de mille implantations en partenariat : 509 avec les missions locales et permanences d'accueil, d'information et d'orientation-PAIO (« espaces jeunes »), 173 avec l'AFPA, 143 avec le réseau Cap Emploi financé par l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH)...

3. Un rôle amplifié dans le cadre du plan de cohésion sociale et du plan d'urgence pour l'emploi

Pour 2006, la subvention de l'Etat à l'ANPE prévue dans le projet de loi de finances atteindrait 1,268 milliard d'euros, en progression de 3,6 % sur celle inscrite en loi de finances pour 2005. Sur ce montant, 50 millions d'euros sont identifiés comme affectés aux plateformes des vocations (contre 32 en 2005) et 5 millions sont destinés à financer le plan de mobilisation pour les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique. 25 millions d'euros, soit plus de la moitié de l'augmentation de la subvention de l'Etat, seront absorbés par l'évolution spontanée de la masse salariale. Selon les documents budgétaires, 926 emplois supplémentaires (équivalents temps plein) seraient financés, dont 286 par l'Etat pour les plateformes des vocations et 633 par l'UNEDIC pour la gestion des conventions de reclassement personnalisé.

La mise en place d'entretiens mensuels pour l'ensemble des demandeurs d'emploi dès le quatrième mois d'inscription a été décidée trop tard pour être prise en considération dans le projet de budget. Les conditions budgétaires de cette opération sont en cours de discussion, mais il a été annoncé l'embauche de 3 200 agents nouveaux à cette fin par l'ANPE, qui recrutera par ailleurs 1 000 contrats d'avenir. D'ores et déjà, les recrutements nécessaires ont été engagés.

L'ANPE voit également son rôle de « bras armé » de l'Etat conducteur de politiques publiques de l'emploi réaffirmé par les textes d'application de la loi de programmation pour la cohésion sociale : ils lui confient la maîtrise pour le compte de l'Etat des différents contrats aidés pour les demandeurs d'emploi de longue durée que crée ou réforme cette loi (CIE, CAE et contrats d'avenir ainsi que contrats insertion-revenu minimum d'activité en ce qu'ils relèvent de l'Etat, c'est-à-dire concernent les bénéficiaires des minima sociaux autres que le RMI). Pour tous ces contrats, l'ANPE instruira les dossiers et signera les conventions avec les employeurs subventionnés, la gestion matérielle et le paiement des aides revenant ensuite au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), qui est l'organisme payeur classique des mesures pour l'emploi et la formation, bien que son nom ne l'indique pas.

On rappelle enfin que d'autres acteurs des politiques de l'emploi doivent voir leurs moyens accrus dans le cadre du plan de cohésion sociale : la programmation comprend ainsi le financement par l'Etat de 7 500 créations d'emplois dans les maisons de l'emploi et de 2 500 pour l'accompagnement des jeunes par les missions locales.

C'est donc bien à la fois à un renforcement substantiel des moyens humains mis en place par l'Etat pour l'accompagnement des demandeurs d'emploi et, dans ce cadre, à un renforcement spécifique du rôle et des moyens de l'ANPE que l'on assiste.

B. L'ANPE ET SES PARTENAIRES DANS LE SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI

1. Les relations avec l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC)

Dans le rapport qu'il a rendu en 2004 « sur le rapprochement des services de l'emploi », rapport qui a inspiré les mesures institutionnelles de la loi de programmation pour la cohésion sociale, M. Jean Marimbert relevait que le système d'intervention français sur le marché du travail est devenu au fil des ans « de moins en moins lisible » et « le plus éclaté d'Europe ».

Dans une annexe consacrée à l'analyse des institutions des autres pays européens, il signalait en particulier que si la fusion dans un seul organisme des missions de placement et d'indemnisation n'est réalisée que dans une minorité de pays (dont tout de même l'Allemagne et le Royaume-Uni), le désengagement total de l'Etat de la gestion courante de l'indemnisation qui caractérise la France (l'UNEDIC est la chose des partenaires sociaux et l'Etat n'intervient que ponctuellement, lors des crises financières ou politiques, comme récemment la question des allocataires « recalculés ») est devenu une rareté ; en règle générale, en Europe, la gestion de l'indemnisation du chômage associe l'Etat et les partenaires sociaux et la mission de pilotage de l'Etat peut donc s'exercer sur l'ensemble du dispositif de gestion du chômage.

M. Marimbert n'a pas recommandé la fusion des grands organismes intervenant dans le domaine de l'emploi, à commencer par l'ANPE et l'UNEDIC, estimant qu'outre son caractère inacceptable pour les partenaires sociaux (5), une telle fusion obligerait à un alignement des statuts des personnels complexe et coûteux.

Au demeurant, il existe des arguments de principe justifiant la distinction entre un organisme chargé du placement et un chargé de l'indemnisation. Du point de vue, par exemple, de la majorité des organisations syndicales de l'ANPE, cette distinction est nécessaire pour assurer l'égalité de traitement des demandeurs d'emploi et la neutralité de l'action de l'Agence, qui ne doit pas se préoccuper du statut de demandeur d'emploi indemnisé ou non des personnes qu'elle accompagne, ni céder à une logique financière de retour dans n'importe quelles conditions des personnes à l'emploi pour économiser des allocations. D'un point de vue a contrario beaucoup plus « libéral », l'existence d'un assureur autonome l'autorise à se placer en position d'évaluateur de l'efficacité des différents opérateurs de placement - dont l'ANPE -, ce que d'une certaine façon envisage de faire l'UNEDIC en testant actuellement (voir infra) le recours à des opérateurs privés.

La loi de programmation pour la cohésion sociale s'est inscrite dans cette logique en préférant le rapprochement et la coordination des acteurs. Le législateur a donc choisi, au niveau local, d'organiser le rapprochement sous le « toit » des maisons de l'emploi, au niveau national, de systématiser, en l'officialisant, le système des conventions pluriannuelles tripartites Etat/ANPE/UNEDIC.

a) Le plan d'aide au retour à l'emploi (PARE), première grande expérience contractuelle de l'ANPE et de l'UNEDIC

Les relations conventionnelles entre l'ANPE et l'UNEDIC, sous l'égide de l'Etat, ont d'ailleurs déjà donné des résultats substantiels dans le cadre de la mise en œuvre du PARE. Depuis 2001, l'assurance chômage fournit le quart des ressources de l'ANPE, soit environ 500 millions d'euros par an, d'une part pour le remboursement de 3 650 emplois comme il a été dit supra, d'autre part pour le financement de différentes mesures d'« activation » alors mises en place, dont la loi de programmation autorise la généralisation :

- aide à la mobilité géographique à l'intéressé qui reprend un travail éloigné de son domicile (le lieu de travail doit être distant d'au moins 50 km aller-retour de la résidence habituelle ou imposer au minimum un trajet aller-retour égal à 2 heures ; l'aide consiste dans la prise en charge des frais réels sous un plafond), attribuée à 16 612 demandeurs d'emploi en 2004 ;

- aides à la formation (financement de stages et frais annexes). 24 863 allocations de formation préalable à l'embauche ont été accordées en 2004 ;

- aide aux employeurs embauchant un demandeur d'emploi indemnisé de plus de 12 mois (aide dégressive sur trois ans au plus correspondant à 40 % du salaire brut, puis 30 % et 20 %). En 2004, cette aide a concerné 12 154 demandeurs d'emploi inscrits depuis plus de un an ou ayant plus de cinquante ans.

b) Les expérimentations locales en partenariat : l'exemple des parcours personnalisés dans le Nord

ANPE et ASSEDIC conduisent depuis le début de l'année présente une expérimentation de construction en commun de « parcours personnalisés » pour les demandeurs d'emploi sur une quinzaine de sites. Le rapporteur pour avis a pu observer cette expérimentation à Lomme, près de Lille.

Le présent avis reviendra ultérieurement sur le concept de différenciation des parcours qui justifie cette opération, dont il faut d'abord dire que c'est un excellent exemple de coopération partenariale en vue d'une amélioration du service. Par exemple, ANPE et ASSEDIC se sont organisées pour que les demandeurs d'emploi, à leur inscription à l'ASSEDIC, se voient fixer immédiatement un premier rendez-vous à l'ANPE, en principe dans les huit jours, voire cinq s'ils paraissent ressortir du « parcours 1 » orienté vers le retour rapide à l'emploi dans les métiers en tension (voir infra). La même organisation permettant la fixation immédiate d'un rendez-vous à très court terme existe d'ailleurs dans le cas où des demandeurs d'emploi sont ensuite adressés au prestataire privé Ingeus (voir infra). De même, l'évaluation qui décidera du parcours qui leur sera proposé est effectuée une première fois à l'ASSEDIC, sur la base de critères préfixés, et confirmée ou infirmée ensuite à l'ANPE suite au premier entretien permettant une analyse plus individualisée.

Il est à noter que l'expérimentation vise aussi la gestion de « l'indisponibilité prévisionnelle », c'est-à-dire la capacité à obtenir des demandeurs d'emploi qu'ils indiquent (en réponse à un automate téléphonique) s'ils pensent être disponibles pour telle ou telle prestation d'accompagnement - ou un entretien d'embauche - à une échéance donnée compte tenu de leur agenda personnel (stages, hospitalisations programmées, emplois temporaires...), ce qui représente un enjeu de qualité du service vis-à-vis d'eux (gestion des propositions qui leur sont faites), mais aussi des employeurs éventuels (inutile de leur adresser une personne indisponible à un moment donné).

c) La convention tripartite nationale en cours de négociation

En application de la loi de programmation pour la cohésion sociale, une convention tripartite est donc en cours de négociation. D'après les éléments potentiels de son contenu qui ont été rendus publics, elle afficherait des projets concrets et tournés vers le service aux usagers, tels que :

- le rapprochement ou mise en commun des locaux ANPE et ASSEDIC d'ici 2010 avec établissement avant fin 2005 d'un programme d'implantations immobilières communes ou contiguës ;

- la création d'une filiale commune ANPE-UNEDIC pour l'informatique dès 2005, avec l'objectif d'une architecture informatique commune en 2008. A cet égard, la décision récente du directeur général de l'ANPE de renoncer à l'application informatique « maison » GEODE pour se rallier à celle de l'UNEDIC, GIDE, constitue un geste de bonne volonté et de rationalisation tout à la fois qui doit être relevé ;

- un partage des tâches clair et des engagements sur les délais en ce qui concerne l'accueil des demandeurs d'emploi : réalisation d'un diagnostic initial sur la distance à l'emploi dès l'inscription à l'ASSEDIC ; à compter de 2006, premier entretien à l'ANPE dans les huit jours ouvrés après l'inscription, à partir de 2007 dans les cinq jours ; élaboration d'un projet personnalisé par l'ANPE ; entretiens au moins trimestriels...

- une coordination de l'offre de services entre l'ANPE et l'AFPA en ce qui concerne l'accompagnement dans les contrats aidés non marchands.

Les dirigeants de l'assurance chômage insistent effectivement sur la coordination opérationnelle, qui, de leur point de vue, peut passer par la création d'une filiale commune, mais doit rester à la fois pragmatique et respectueuse de l'indépendance des partenaires. L'UNEDIC s'oppose donc à l'introduction dans la convention de dispositions complexes et directives sur la « gouvernance » du service public de l'emploi. L'accent est mis en revanche sur l'unification des systèmes d'information, la mise en œuvre dans ce cadre du dossier unique du demandeur d'emploi, la politique immobilière concertée, le rapprochement des hommes avec des actions de formation communes, une forme d'« animation » en commun du réseau des agences ANPE et ASSEDIC visant des objectifs concrets tels que la mise en place d'horaires identiques d'accueil du public pour les agences voisines des deux réseaux...

Le projet de convention précise également ce que pourraient être les « conventions territoriales de développement de l'emploi » voulues par le législateur : également tripartites et passées à l'échelon départemental, elles seraient centrées sur le diagnostic du marché de l'emploi et le suivi de la recherche d'emploi (la réforme opérée en la matière par la loi de programmation impliquant une coopération accrue des services).

d) Les limites de cette démarche conventionnelle

Reste que l'architecture de la convention elle-même est déjà critiquée. Notamment pour le choix d'une convention tripartite à laquelle est adjointe une annexe signée par l'AFPA, qui laisse de côté d'autres acteurs majeurs, tels que le réseau des missions locales ou l'AGEFIPH. Ces deux acteurs, actuellement liés aux autres acteurs du service public de l'emploi par diverses conventions à objet spécifique, souhaitent une clarification de ces relations mutuelles à travers des accords globaux couvrant l'ensemble de ces relations. Etant exclus de la première négociation, celle sur la convention tripartite, ils craignent aussi, manifestement, de se voir ensuite imposer des choix qui ne seraient pas les leurs.

Par ailleurs, ce projet de convention respecte-t-il la définition précise que donne la loi de son objet ? Selon celle-ci, il s'agirait non seulement de définir des « modalités de coordination des actions », d'échanges de données, de mise en œuvre du « dossier unique du demandeur d'emploi », mais aussi de développer des dispositifs d'expertise (mise en place de mécanismes d'évaluation, diffusion des bonnes pratiques, développement de la connaissance des besoins prévisionnels de main d'œuvre) et surtout de fixer les « principaux objectifs de l'activité du service public de l'emploi (...) au regard de la situation de l'emploi ». A côté de l'impératif de coordination des services rendus aux usagers, apparaît bien celui d'un pilotage commun, afin de répondre à la préconisation de M. Marimbert : mettre en place, « à l'image de la pratique contemporaine de la plupart de nos partenaires européens, (...) une chaîne articulée de services tournés vers le retour à l'emploi et non pas (...) une addition de stratégies institutionnelles plus ou moins cohérentes (...) ».

On peut d'ailleurs considérer que ce principe d'un pilotage nécessaire a été acté par le législateur, dans le cadre de la loi de programmation, non seulement par les moyens institutionnels prévus (convention tripartite nationale et localement maisons de l'emploi), mais aussi par la reconnaissance explicite qu'il a souhaité donner au « service public de l'emploi » (SPE), notion nouvelle introduite dans la loi, qui en nomme également les différents acteurs, inégalement concernés (« assurant » le service public, y « concourant » ou y « participant ») : dans la tradition française, un service public peut être assuré par divers opérateurs, y compris privés, mais implique deux choses, des obligations spécifiques vis-à-vis des usagers et une forme de pilotage par la puissance publique puisqu'est reconnu un intérêt général qui n'est pas atteint spontanément par le jeu du marché.

Le projet de convention dont on dispose apparaît centré sur la coordination opérationnelle, mais peu explicite sur les autres objets que la loi lui a fixés. Dès lors que le législateur mentionne les objectifs du « service public de l'emploi » (et non pas ceux de chacun des organismes le composant) et les rapporte à la situation de l'emploi, c'est bien un engagement collectif de résultats sur l'emploi qu'il exige, et pas seulement des engagements opérationnels de bonne coopération ou même de mise en place de « guichets uniques ».

La démarche de fixation d'objectifs et de revue des résultats est d'ailleurs bien celle à laquelle invite la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Certains des objectifs et des indicateurs proposés dans le « projet annuel de performances » (« bleu ») de la mission « Travail et emploi » pourraient au demeurant inspirer directement les négociateurs : des objectifs tels que « favoriser la reprise d'activité des demandeurs d'emploi », « améliorer l'efficacité de la mise en relation entre offres et demandes d'emploi en tenant compte de la variété des besoins », « mobiliser les moyens vers les publics les plus en difficulté », des indicateurs associés comme la part des allocataires de l'ASS bénéficiant de mesures d'activation et le taux de retour à l'emploi durable de ceux-ci, le nombre d'emplois vacants, le taux de satisfaction des offres d'emploi à six mois, le taux de sortie durable des chômeurs de longue durée, le taux de sortie après un appui à la définition d'un projet de formation par l'AFPA, la part de différents publics parmi les bénéficiaires des divers contrats aidés, et même « l'écart entre le délai moyen de retour à l'emploi de l'ensemble des demandeurs d'emploi et celui des demandeurs d'emploi ayant bénéficié d'un suivi renforcé selon les termes de la convention tripartite », qui renvoie donc directement à la démarche conventionnelle.

e) L'équilibre actuel ANPE/UNEDIC et ses limites

Plus généralement, il convient de s'interroger sur les limites du dispositif institutionnel, devenu spécifiquement français, consistant à conserver la dichotomie entre un organisme chargé du placement des demandeurs d'emploi qui est placé dans la seule main de l'Etat et un organisme d'indemnisation placé dans celle des seuls partenaires sociaux.

A cet égard, il est clair que, parmi les missions de l'UNEDIC, celle où la légitimité des partenaires sociaux paraît la plus forte, c'est naturellement la détermination des conditions de l'indemnisation du chômage et de son financement à travers les conventions pluriannuelles qu'ils concluent. S'agissant de la gestion courante du régime d'indemnisation, l'apport du paritarisme peut apparaître moins évident, du moins en ce qui concerne le versant relations avec les demandeurs d'emploi (pour le versant relations avec les entreprises, on peut espérer que le fait que le taux des cotisations soit fixé avec l'accord de leurs représentants en facilite le recouvrement...). D'où le pari tentant, aujourd'hui effectué, de faire l'économie d'une fusion des organismes tout en assurant la mise en place d'une gestion unifiée de la relation avec les demandeurs d'emploi (guichet unique) grâce à l'acceptation par l'assurance chômage d'une forme de pilotage de l'ANPE sur ses services en contact avec les demandeurs d'emploi, en contrepartie de la préservation de sa totale autonomie sur le taux des cotisations, les conditions d'indemnisation et plus généralement la gestion financière.

D'une certaine façon, c'est une évolution dont on peut trouver les prémices dans la gestion du PARE, l'UNEDIC ayant accepté de financer des emplois à l'ANPE (3 650) mais conservant la maîtrise de ses moyens financiers, qu'elle peut ainsi utiliser par ailleurs au développement de mesures d'« activation » ou au conventionnement de prestataires autres que l'Agence. Tout récemment, la gestion de la convention de reclassement personnalisé est construite selon les mêmes modalités, l'assurance chômage finançant 1 000 emplois à cette fin à l'ANPE. En quelques années, à partir de 2001, l'UNEDIC sera très rapidement montée en puissance dans le budget de l'ANPE, dont elle couvre désormais le quart.

Cette interpénétration des moyens va se poursuivre. Par exemple, selon le directeur général de l'ANPE, les entretiens mensuels prévus pour les demandeurs d'emploi, impliquant des moyens importants, devront se faire en partie dans des locaux des ASSEDIC, dont les agents seront par ailleurs formés pour ces entretiens. Les expérimentations en matière de parcours personnalisés et de gestion de l'indisponibilité prévisionnelle ont été présentées supra. Parallèlement, l'expérimentation du futur dossier unique du demandeur d'emploi a commencé en juin 2005 à Nancy et l'extension est prévue en 2006. Puis viendront toutes les mesures qui devraient figurer dans la convention tripartite.

Les choix opérés jusqu'à présent et qui paraissent devoir se perpétuer dans le nouveau cadre conventionnel comportent toutefois des risques et des limites : notamment le risque d'une assurance chômage privilégiant un rôle de financeur « donneur d'ordres » plutôt qu'une véritable cotraitance avec l'ANPE et les limites d'une coopération strictement opérationnelle mais pas sur des objectifs politiques. Outre qu'elle parvient à dégager des moyens lui permettant de financer des opérations spécifiques ou des expérimentations, l'assurance chômage tire manifestement du système paritaire une légitimité et une capacité à s'affirmer comme un acteur « politique » qui la placent en position de force par rapport à une ANPE agence « administrative » qui ne peut s'affirmer que pour autant que l'Etat joue lui-même pleinement son rôle de pilote de l'ensemble du système.

Cependant, sur certains points, les contradictions intrinsèques du positionnement de l'UNEDIC apparaissent déjà. S'agissant du suivi des demandeurs d'emploi, l'assurance chômage, en tant que payeur des indemnités, revendique légitimement un pouvoir de contrôle et a obtenu un renforcement de son rôle à cet égard dans la loi de programmation pour la cohésion sociale. Mais le fait est que n'étant pas l'autorité chargée de les accompagner et de leur prescrire telle ou telle démarche ou formation (c'est l'ANPE), l'assurance chômage n'est pas en position institutionnelle de contrôler la réalité de leurs efforts pour retrouver un emploi ; elle l'est d'autant moins quand elle préfère financer des emplois à l'ANPE que recruter pour ses services. Dans ces conditions, on conçoit que la faculté de suspendre à titre conservatoire (dans l'attente d'une décision prise par le préfet) l'indemnisation des demandeurs d'emploi, revendiquée et obtenue par l'UNEDIC, ait été limitée par le décret d'application (6) aux cas de non réponse aux convocations et de fausse déclaration et ne couvre pas les autres comportements susceptibles d'être sanctionnés - l'absence de recherche active d'emploi ou le refus d'un emploi « compatible », d'une formation ou d'un contrat aidé -, car c'est à l'ANPE et non à l'ASSEDIC qu'il appartient, dans la logique du système actuel, d'apprécier ces comportements.

f) Le débat de fond sur le principe d'une assurance chômage autonome gérée paritairement

Plus fondamentalement, le fonctionnement du système de gestion paritaire de l'assurance chômage appelle un débat de principe.

A l'actif du paritarisme, on conviendra qu'il a le mérite d'obliger les partenaires sociaux à décider ensemble, à prendre leurs responsabilités. A l'assurance chômage, à la différence d'autres organismes, le système paritaire a fonctionné : des décisions « douloureuses » ont pu être prises, comme en décembre 2002 la réduction à compter du 1er janvier 2004 de trente à vingt-trois mois de la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi justifiant de quatorze mois d'activité au cours des deux dernières années (catégorie la plus nombreuse).

On peut toutefois s'interroger sur le caractère « procyclique » inhérent à un système fondé sur un financement de l'indemnisation assis sur des cotisations sur les salaires et sur la recherche d'un équilibre financier à assez court terme (la convention en vigueur a été passée pour deux années, 2004 et 2005, la précédente en couvrait trois : 2001-2003) : confrontés aux fortes fluctuations des comptes qu'entraînent les variations conjoncturelles du chômage, qui exercent des effets inverses sur les ressources et les charges du régime, les partenaires sociaux sont amenés en matière d'indemnisation à prendre des décisions « généreuses » en période de bonne conjoncture - par exemple, en 2001, la suppression de la dégressivité des allocations - et restrictives quand la situation s'inverse - la réduction de la durée d'indemnisation en 2004. Or, on peut soutenir qu'au contraire aussi bien le raisonnement économique que l'équité sociale justifieraient que les conditions d'indemnisation s'améliorent en période de basse conjoncture, mais au contraire se durcissent quand l'emploi va bien : dans le premier cas, le filet de sécurité social doit jouer et une indemnisation relativement généreuse permet aussi d'éviter une désocialisation et une perte d'employabilité des demandeurs d'emploi ; dans le second, il est d'autant plus légitime d'inciter ceux-ci, par des mécanismes comme la dégressivité des allocations, à reprendre rapidement un emploi que les entreprises en proposent beaucoup et que l'existence d'emplois vacants fait perdre de l'activité économique. Au demeurant, le conflit des demandeurs d'emplois « recalculés » illustre bien l'injustice ressentie quand les règles d'indemnisation se durcissent au moment même où l'emploi se raréfie.

De plus, il convient de garder à l'esprit que l'assurance chômage ne finance les revenus de remplacement que d'une partie des demandeurs d'emploi et pour un temps seulement. Ensuite, ces personnes pourront selon le cas recevoir l'ASS, financée par l'Etat, ou le RMI, à la charge des départements. Dès lors, il apparaît que les modifications de réglementation décidées par un financeur se répercutent sur les charges subies par les autres, comme on en a eu l'exemple en 2004 : + 8,4 % d'allocataires du RMI en un an suite à la réduction au 1er janvier de trente à vingt-trois mois de la durée d'indemnisation UNEDIC pour la majorité des personnes indemnisées. Le graphique ci-après est à cet égard révélateur du pic d'entrées au RMI constaté au premier trimestre 2004 suite à cette mesure.

Nombre d'ouvertures de droit au RMI par trimestre

(en milliers)

graphique

2. Les relations avec l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA)

Longtemps peu denses, les relations de travail entre l'ANPE et l'AFPA se sont réellement mises en place quand l'Etat, dans les contrats de progrès qu'il a signés pour 1999-2003 avec chacun des deux organismes, leur a fixé des objectifs de complémentarité. La manière dont cette coordination a été initiée est en elle-même significative : elle n'a pas été discutée entre partenaires, mais imposée parallèlement à l'un et l'autre par la tutelle. Cette méthode n'est pas sans poser aujourd'hui quelques difficultés dans la mesure où, pour la période 2004-2008, un nouveau contrat de progrès a été signé par l'Etat et l'AFPA en février 2005, mais pas encore entre l'Etat et l'ANPE, ce qui a obligé ANPE et AFPA à trouver un cadre provisoire pour formaliser leurs relations en 2004 et 2005, des « notes communes » cosignées par leurs directeurs généraux respectifs. Un cadre conventionnel global serait donc souhaitable entre les deux organismes.

Le cœur de la coopération établie depuis 1999 est constitué par le « service intégré d'appui au projet professionnel » : il s'agit de coordonner les deux organismes dans leur mission de conseil aux demandeurs d'emploi en prévoyant que l'ANPE recourra à l'AFPA pour des prestations de définition d'un projet de formation au bénéfice de demandeurs d'emploi qui lui semblent justifier une formation : ce service concerne maintenant 200 000 personnes par an. D'autres domaines de complémentarité ont été reconnus, les uns dès 1999 - l'évaluation des compétences, que peut réaliser l'AFPA ; le retour à l'emploi des anciens stagiaires AFPA, que doit prendre en charge l'ANPE -, d'autres plus récemment, comme la validation des acquis de l'expérience (VAE).

S'agissant des évaluations de compétences, dont l'AFPA réalise environ 30 000 par an pour l'ANPE, il est à noter qu'il s'agit d'une prestation « concurrentielle » facturée par l'AFPA (donc non financée sur la subvention générale de l'Etat).

Dans le cadre du plan de cohésion sociale, enfin, il est prévu que l'AFPA et l'ANPE mettent en place une offre conjointe de services pour les jeunes non qualifiés passés par une plateforme des vocations. Afin de favoriser l'accès aux nouveaux contrats aidés relevant de l'Etat et gérés par l'ANPE (contrats d'avenir pour les bénéficiaires de l'ASS, de l'API et de l'AAH, contrats d'accompagnement dans l'emploi), l'AFPA propose également, en amont de ces contrats, des prestations de 100 à 200 heures de préparation à l'accès à l'emploi ou à la formation, de découverte des métiers et de « remobilisation », parallèlement à ces contrats, des prestations de parcours de professionnalisation ; l'objectif est de 20 000 bénéficiaires. L'AFPA interviendra enfin dans le dispositif de la convention de reclassement personnalisé, notamment à travers un suivi sur six mois des personnes reclassées dans l'emploi.

Par ailleurs, il convient de relever l'existence de coopérations ponctuelles, notamment pour des opérations de reconversion comme celles consécutives à la fermeture de METALEUROP ou de MOULINEX et des opérations orientées vers les métiers en tension.

L'élaboration du « service intégré d'appui au projet professionnel » s'est accompagnée de celle d'indicateurs chiffrés et d'objectifs : dans un premier temps, l'indicateur retenu était le taux, parmi les bénéficiaires des formations de l'AFPA, de ceux qui avaient été adressés par l'ANPE, taux qui devait atteindre au moins 80 %, objectif proche d'être atteint en 2004. Le choix de cet indicateur traduisait implicitement une conception faisant de l'AFPA un « sous-traitant » de l'ANPE, puisqu'au fond il lui était demandé de devenir un prestataire exclusif de l'Agence. Un nouvel indicateur qui apparaît plus « équilibré » lui a donc été substitué à partir de 2004 : le taux d'accès à une « solution qualifiante » (formation ou VAE) après une définition d'un projet de formation par l'AFPA. Ce taux atteint 67 % au premier semestre 2005, pour un objectif de 70 %. Cet indicateur responsabilise les deux partenaires puisque son niveau dépend à la fois de l'implication de l'AFPA dans la recherche de solutions de formation pour les chômeurs que lui adresse l'ANPE et de la capacité de l'ANPE à n'adresser à l'AFPA que les personnes susceptibles de bénéficier effectivement de ses prestations.

On relève enfin que des indicateurs sont également suivis en termes de délai moyen de réception à l'AFPA des demandeurs d'emploi envoyés par l'ANPE et de « taux de perte » entre les deux établissements.

3. Les relations avec les missions locales

Les relations entre les missions locales et l'ANPE ont longtemps été distantes et empreintes d'une certaine concurrence à l'égard du « public » des jeunes.

Les relations entre le réseau des missions locales et l'ANPE se sont inscrites principalement, jusqu'à présent, dans deux cadres conventionnels : une convention pour la mise en œuvre du PAP-ND, qui arrive à son terme et en cours de bilan ; une convention relative aux « espaces jeunes » où 400 agents de l'ANPE sont mis à disposition des missions locales pour y délivrer des services de l'Agence.

Le Conseil national des missions locales souhaiterait globaliser ses relations avec l'ANPE dans une convention d'ensemble qui traiterait aussi, outre des deux aspects susmentionnés, de la mise en place des maisons de l'emploi et des plateformes des vocations, les missions locales n'étant pas systématiquement associées pour l'heure à ces mesures.

Comme d'ailleurs dans le cas de l'AFPA, on relève enfin un problème d'interface informatique avec l'ANPE. L'organisation actuelle impose des doubles saisies qui devraient pouvoir être évitées.

4. Les relations avec l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH)

L'AGEFIPH finance le réseau associatif « Cap emploi » qui se charge du placement en emploi de personnes handicapées. En 2004, ce réseau a accueilli 85 000 personnes, en a formé plus de 20 000 et placé en emploi plus de 46 000 (dont 18 000 en contrat à durée indéterminée), prouvant son efficacité. Il est toutefois à noter que l'ANPE place aussi des personnes handicapées et en adresse d'autres à Cap emploi, dont l'existence est d'abord le fruit de l'histoire. Les relations entre les différentes structures doivent donc être réglées par des accords de partenariat.

Effectivement, chacune des associations du réseau est conventionnée à la fois avec l'AGEFIPH, mais aussi l'Etat et l'ANPE. D'autre part, la mise en place du PARE en 2001 a concerné aussi ce secteur particulier et des conventions ont été signées entre l'ANPE, l'AGEFIPH et les associations Cap emploi, qui ont mis en place un circuit financier complexe : l'ANPE reverse à l'AGEFIPH une fraction des moyens supplémentaires apportés par l'UNEDIC pour le PARE, à charge pour l'AGEFIPH de les redistribuer aux associations dans le cadre d'une subvention globale comprenant aussi une part AGEFIPH (prépondérante)...

La poursuite des apports financiers de l'assurance chômage, par le biais de l'ANPE, à Cap emploi dépendra de la convention tripartite Etat/ANPE/UNEDIC et l'AGEFIPH regrette de ne pas être associée à cette négociation. Au-delà des seuls enjeux de financement, il existe à l'AGEFIPH comme dans les missions locales un vœu de fixation de l'ensemble de leurs relations avec les grands acteurs de la politique de l'emploi, ANPE et UNEDIC, dans un cadre global plutôt que dans des accords partiels multiples au chevauchement temporel incertain.

Faute de participer à la première négociation, celle sur la convention tripartite, on relève aussi une crainte de se voir imposer certains choix. Le réseau Cap Emploi est constitué, rappelle l'AGEFIPH, de 120 petites associations (dix personnes en moyenne) qui agissent dans la durée mais avec des moyens limités : il leur serait difficile d'assumer des changements trop rapides des règles du jeu, que ce soit en termes de moyens (pour le passage à l'entretien mensuel avec les demandeurs d'emploi...) que qualitatifs (par exemple sur les critères de répartition, selon la nature des populations, de l'accompagnement des personnes handicapées avec l'ANPE).

5. Les relations avec les départements

Les relations entre départements et ANPE sont anciennes pour la gestion de l'insertion des bénéficiaires du RMI. Avant la décentralisation, 600 conseillers ANPE travaillaient pour les commissions locales d'insertion.

En 2004, première année de la décentralisation, l'ANPE a continué à travailler, dans les conditions antérieures, avec 90 conseils généraux, et la mise en place de nouvelles relations a été quelque peu délicate.

En effet, les départements étaient collectivement mécontents des conditions faites par l'agence, critiquées notamment pour leur coût élevé. En 2004 et 2005, une dizaine de départements ont cherché à mettre en concurrence les opérateurs d'insertion professionnelle en lançant des appels d'offres (parfois d'ailleurs remportés par l'ANPE).

Tout récemment, l'Assemblée des départements de France (ADF) a négocié avec l'agence un accord-cadre en cours de finalisation qui devrait permettre une diminution importante des tarifs pratiqués : le coût du poste mis à disposition passerait ainsi de montants pouvant atteindre 93 000 euros à une fourchette qui serait pour 2006 de 41 000 à 57 000 euros selon le niveau des emplois - conseiller « de base » ou cadre - et le lieu d'exercice des missions, dans ou hors des locaux de l'ANPE, ce qui entraîne des frais de structure forfaitaires - inclus dans les montants susindiqués - différents. Par ailleurs, l'introduction possible d'objectifs de résultats, autre demande des départements, est visée. Enfin, un effort d'explicitation est effectué pour bien distinguer le « service de base » dû gratuitement par l'ANPE à tous les demandeurs d'emploi, donc notamment à ceux qui bénéficient du RMI, et le « service renforcé » facultatif qui peut être facturé aux départements.

En 2005, 60 départements ont déjà passé convention avec l'ANPE et une quinzaine d'autres pourraient le faire au titre de cet exercice, ce qui représenterait globalement le financement de 500 emplois ANPE pour 26 millions d'euros.

6. La mise en place des maisons de l'emploi

La mission qui est impartie aux maisons de l'emploi par l'article 1er de la loi de programmation pour la cohésion sociale est triple : la coordination dans le cadre du service public de l'emploi ; la prévision des besoins de main d'œuvre et de reconversion des territoires ; la participation à l'accueil et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi, couvrant l'aide à la création d'entreprise.

Aucune forme juridique n'est imposée, car le gouvernement n'a pas voulu imposer de modèle dans la loi, mais plutôt s'inspirer de diverses expériences déjà en place, qui pourront le cas échéant être reconnues en étant « labellisées ». Une forme est cependant privilégiée par la loi : elle dispose que les maisons de l'emploi pourront prendre la forme de groupements d'intérêt public (GIP) et fixe alors les principales règles applicables à ces GIP. A ce titre, elle prévoit notamment que les GIP-maisons de l'emploi associeront obligatoirement l'Etat, l'ANPE, l'assurance chômage et au moins une collectivité territoriale ou intercommunalité, ce qui n'exclut pas, dans le silence de la loi, d'autres partenaires. Par ailleurs, en application d'une autre disposition de la même loi (son article 2), les missions locales « participent » (de plein droit) aux maisons de l'emploi.

Actuellement, 56 maisons de l'emploi sont labellisées et l'objectif de 80 pour la fin de l'année 2005 apparaît réaliste. L'objectif pour fin 2006 est de 200 maisons. Les dépenses à prendre en charge par l'Etat se révèlent très inférieures aux prévisions initiales inscrites dans le plan de cohésion sociale : d'une part, peu de « maisons » se concrétisent par l'acquisition d'un site immobilier regroupant tous les acteurs et les coûts d'investissement sont donc limités. D'autre part, les créations d'emploi envisagées dans les différents projets sont également très en deçà de ce que permettrait l'enveloppe programmée.

Les cadres de mise en œuvre sont souples. La collectivité territoriale porteuse est en général une ville ou une intercommunalité, mais en région rurale des maisons départementales (avec des antennes locales) ne sont pas à exclure. De même, le cadre du bassin d'emploi est privilégié, mais avec des adaptations locales, notamment pour les grosses agglomérations. S'agissant de l'évaluation, la commission de labellisation demande la mise en place d'un système d'autoévaluation plutôt que le recours à des grilles préétablies.

En général, le président du conseil d'administration est un élu représentant la collectivité porteuse, mais il y a des exceptions ; une maison de l'emploi est ainsi présidée par un chef d'entreprise. La question de la gouvernance constitue apparemment le principal point de conflit potentiel. Pour des raisons de crainte de dérives financières, l'UNEDIC est en particulier très attachée à ce que la gouvernance, c'est-à-dire la participation à l'instance dirigeante, soit réservée aux quatre organismes ou collectivités du « socle de base » identifié par la loi (Etat, ANPE, ASSEDIC et collectivité territoriale).

Cette situation est notamment mal vécue par les missions locales, compte tenu de la relative ambiguïté de la loi qui ne les nomme pas dans le socle de base mais affirme leur participation de droit aux maisons de l'emploi. L'AFPA, quant à elle, est membre du conseil d'administration dans environ un tiers des maisons de l'emploi, le reste du temps « partenaire associé » et prestataire. Elle ne met pas de personnel à disposition des maisons de l'emploi.

Il est à noter que l'un des indicateurs chiffrés du projet annuel de performance (le « bleu ») de la mission « Travail et emploi » concerne le nombre de partenaires associés aux maisons de l'emploi, l'objectif pour 2008 étant d'atteindre 80 % de maisons de l'emploi avec plus de six partenaires associés.

C. LA SUPPRESSION DU « MONOPOLE » DE L'ANPE : DES ACTEURS PRUDENTS

Avant d'évoquer les premières conséquences que l'on constate « sur le terrain » des mesures de la loi de programmation, un petit rappel historique est nécessaire pour expliquer en quoi le monopole de l'ANPE méritait d'être placé entre guillemets et relativiser les enjeux : affirmée en 1945 et déléguée à l'ANPE lors de sa création en 1967, la compétence exclusive de l'Etat pour le placement des demandeurs d'emploi était depuis longtemps devenue assez théorique.

D'une part, le législateur lui-même y avait organisé de nombreuses exceptions en autorisant la publication d'offres d'emploi dans la presse, en reconnaissant l'existence d'intermédiaires spécifiques (agissant ou non à titre lucratif) dans certains secteurs d'activités (notamment les spectacles, le sport professionnel et les services à domicile), en prévoyant que peuvent concourir au service public du placement des organismes publics ou non lucratifs conventionnés ainsi que des collectivités locales, enfin en créant des organismes spécifiquement chargés de l'insertion professionnelle de certains groupes tels que l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) et, pour les jeunes, les missions locales et permanences d'accueil, d'information et d'orientation.

D'autre part, en l'absence de définition précise de l'activité de « placement » réservée en principe à l'ANPE, des opérateurs privés (conseillers en recrutement, entreprises de travail temporaire) avaient développé des activités très voisines. Il apparaît que l'obligation légale, jamais remise en cause, de dépôt par les employeurs de leurs offres d'emploi à l'ANPE n'était pas respectée, puisqu'on estime que la part de ces offres effectivement collectée par l'Agence a varié de moins de 25 % en 1993 à presque 40 % en 1996, avant de revenir à 35 % en 2003.

La loi du 18 janvier 2005 a supprimé l'obligation de dépôt des offres d'emplois à l'ANPE et reconnaît explicitement les nombreux intervenants du service public de l'emploi, dont les « agences de placement privées ». Cette reconnaissance permet de prévoir un encadrement de ces nouveaux opérateurs : ils doivent se déclarer à l'administration, sont soumis à des obligations de service public (gratuité des services de placement pour les personnes à la recherche d'un emploi et caractère non discriminatoire de ces services) et des contrôles. Elle justifie également, en contrepartie, que l'ANPE soit autorisée à intervenir dans le nouveau champ « concurrentiel » en prenant des participations ou créant des filiales ad hoc qui pourront facturer leurs services aux entreprises.

En pratique, l'attitude des uns et des autres ressort jusqu'à présent comme très prudente.

Le directeur général de l'ANPE a pour le moment renoncé à créer des filiales commerciales, la seule activité lui paraissant justifier éventuellement une telle création étant l'aide au recrutement interne dans les entreprises : cette position est cohérente puisque le cas de changements de postes en interne dans un groupe est le seul où les personnes concernées ne sont par définition pas des chômeurs et où l'on sort donc clairement de la politique publique de lutte contre le chômage.

Du côté des opérateurs privés, les entreprises de travail temporaire (ETT) constituent, du fait de leurs moyens (20 000 salariés permanents, 6 300 agences... bref un réseau bien plus développé que celui de l'ANPE), la catégorie d'opérateurs privés la plus susceptible de développer rapidement des activités de placement direct en contrat de travail « standard ». Au demeurant, certaines enseignes ont rapidement communiqué sur le fait qu'elles ne proposaient plus seulement des contrats de mission, mais aussi, éventuellement, des contrats à durée indéterminée. Cependant, les représentants du secteur revendiquent une montée en puissance progressive dans ce domaine (sans être en mesure de produire des données chiffrées), expliquant que le recrutement d'intérimaires et de salariés à durée indéterminée sont deux métiers bien différents, le risque d'un mauvais recrutement et donc l'enjeu étant très différents pour l'employeur, ce qui exige dans les ETT l'embauche de conseillers spécialisés pour la seconde tâche.

Plus généralement, le secteur de l'intérim préfère afficher une complémentarité plutôt qu'une concurrence avec les opérateurs publics. Le 6 juillet dernier, le Syndicat des entreprises de travail temporaire (SETT) et l'ANPE ont ainsi signé un accord qui renouvelle leurs accords de partenariat précédents en posant des principes de bonne conduite visant à faciliter les échanges d'informations entre ETT et agences pour l'emploi sans que les données échangées ne soient détournées à des fins de concurrence : il est utile aux demandeurs d'emploi que les offres d'emploi collectées par les différents opérateurs puissent être diffusées entre eux en toute transparence, mais cela implique des engagements mutuels de ne pas utiliser ces informations pour démarcher les entreprises « clientes » des autres réseaux. Des échanges intenses existent entre les deux réseaux depuis plusieurs années : en 2004, les sociétés d'intérim ont confié 462 000 offres à l'ANPE ; elles sont également des prestataires importants de l'Agence pour certains services spécialisés, notamment des évaluations de compétences.

Dans le Nord-Pas-de-Calais, l'ANPE, ayant constaté que les industriels de l'automobile ne veulent en pratique embaucher à durée indéterminée que des personnes qu'ils ont connues en intérim, accepte de conduire pour eux des opérations de recrutement en intérim en lien avec des ETT.

La mise en concurrence des opérateurs de placement par des commanditaires publics constitue la dernière faculté qui résulte de la réforme. Les ASSEDIC et des conseils généraux se sont engagés dans cette démarche, confiant contre rémunération le placement de groupes de demandeurs d'emploi à des agences privées. Ces expérimentations restent pour le moment des plus limitées. Il convient en outre de relever qu'elles respectent deux principes déterminants :

- le volontariat des demandeurs d'emploi, auxquels l'accompagnement renforcé par un opérateur privé est proposé, pas imposé ;

- le monopole de prescription des organismes du service public de l'emploi. Les opérateurs privés prennent exclusivement en charge les personnes qui leur sont adressées par les ASSEDIC en collaboration avec l'ANPE et doivent les prendre toutes en charge.

Le tableau ci-après fait le point des expérimentations engagées par l'assurance chômage en 2005, qui portent sur des personnes diagnostiquées comme à risque fort de chômage de longue durée.

Synthèse des résultats observés pour le recours à des prestataires privés
pour le placement des demandeurs d'emploi dans l'expérimentation « parcours 3 »

Données au 3
ou 5 octobre

Nombre de personnes convoquées (A)

Présence aux convocations

Adhésions au dispositif (B)

Taux d'adhésion (B/A en %)

Personnes reclassées (C)

Taux de reclassement (C/B en %)

Ingeus

5 797

4 939

2 102

36

496

24

Etap carrières

1 077

774

405

38

106

26

Adecco

6 688

3 457

2 019

30

175

9

Altédia

1 458

693

534

37

80

15

BPI

1 891

963

528

28

82

16

Total

16 911

10 826

5 588

33

939

17

Les taux de reclassement calculés n'ont pour l'heure guère de sens faute d'un recul suffisant, les expériences ayant débuté au printemps : ce n'est que quand des cohortes de demandeurs d'emploi auront atteint le terme des dix mois d'accompagnement renforcé prévus que le bilan en termes de placement sera significatif.

En revanche, on peut déjà relever la perte en ligne entre la proposition des prestations spécifiques et l'adhésion, qui est élevée, puisqu'égale à deux personnes sur trois. Selon une analyse conduite plus précisément sur l'expérimentation Ingeus à Lille, plus de 80 % de cette perte en ligne serait due à des problèmes d'indisponibilité des personnes, les refus étant donc minoritaires. Ces refus paraissent liés notamment à la conviction qu'ont certaines personnes indemnisées par l'assurance chômage que celle-ci, financée par leurs cotisations et celles de leur ancien employeur, doit constituer en conséquence un droit inconditionnel.

On note également à Lille deux autres caractéristiques des bénéficiaires de la prestation Ingeus : une faible présence des jeunes (11 % de moins de vingt-cinq ans) qui amène à s'interroger sur leur acceptation de ce système et une forte représentation des personnes relevant de l'agence locale pour l'emploi la plus proche du site Ingeus, qui illustre l'importance du facteur de proximité géographique dans la réussite de ce genre d'opération. Il ne sert à rien de proposer des prestations, aussi attrayantes soient-elles, si elles impliquent des déplacements excessifs.

La rémunération des opérateurs privés est liée à leurs résultats en matière de reclassement. Dans le Nord, Ingeus perçoit ainsi 2 800 euros pour chaque prise en charge d'un demandeur d'emploi de moins de cinquante ans, puis 300 à la signature d'un contrat de travail, puis 600 autres après treize semaines d'emploi et encore 600 après sept mois d'emploi, soit au total 4 300 euros pour une personne placée pour au moins sept mois (pour les plus de cinquante ans, le tarif est plus élevé, la rémunération maximale atteignant 6 000 euros). On observe que le principe de la rémunération au résultat - qui ne s'applique pas à l'ANPE, faut-il le rappeler - cristallise les oppositions idéologiques, les uns y voyant une condition évidente de l'efficacité, les autres une dérive vers le placement en emploi « à tout prix ».

On observe aussi que ce niveau de rémunération est effectivement élevé, même pour un public sélectionné comme difficile à placer. A titre de comparaison, et même si de telles données chiffrées rendant compte du traitement de masse opéré à l'ANPE n'ont sans doute guère de sens, l'Agence a inscrit 4,53 millions de demandeurs d'emploi en 2004 et considère être à l'origine de 2,78 millions de recrutements, pour un budget de 1,924 milliard d'euros (hors crédits des contrats aidés), soit un coût un peu supérieur à 400 euros par inscription ou d'environ 700 euros par placement.

D'après les constats du rapporteur pour avis à Lille, cette rémunération généreuse des opérateurs privés correspond, au moins dans le cas d'Ingeus, à un niveau élevé de service : un conseiller pour cinquante demandeurs d'emploi ; des conseillers recrutés parmi des personnes ayant en général déjà une expérience dans l'accompagnement social et bien rémunérés ; la personnalisation du suivi, chaque personne ayant « son » conseiller ; l'élaboration progressive d'un plan d'action avec chaque demandeur d'emploi ; un « centre de ressources » offrant gratuitement tous les moyens télématiques...

Pour conclure sur l'intervention des prestataires privés, le rapporteur pour avis souhaite souligner l'importance d'une évaluation indépendante, dès qu'elle sera possible, des performances des uns et des autres, évaluation nécessaire au regard des préjugés et des conflits idéologiques qui s'attachent à la question.

D. L'ÉVOLUTION DE L'ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS D'EMPLOI

L'ANPE a parfaitement relevé, en termes quantitatifs au moins, l'un des défis du plan d'urgence pour l'emploi, recevoir dans l'été les jeunes de moins de vingt-cinq ans demandeurs d'emploi depuis plus d'un an : 71 000 entretiens ont été réalisés et près de 59 000 mises en relations avec un employeur pour une offre d'emploi identifiée ont été effectuées, dont plus de la moitié sur des offres durables. L'agence prévoit d'autres opérations d'entretiens systématiques avec diverses catégories de chômeurs de longue durée afin de les remobiliser : cet automne, il s'agit de rencontrer les 240 000 bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) de moins de cinquante-cinq ans afin de les orienter vers les nouveaux contrats d'activation des minima sociaux ou vers les stages de remobilisation que propose l'AFPA en amont (pour les personnes qui ne paraissent pas en état de signer immédiatement un contrat de travail, même à temps réduit et avec un accompagnement).

La volonté de systématiser dès janvier 2006 les entretiens mensuels avec les demandeurs d'emploi, ce qui fera passer de 14 à 28 millions le nombre d'entretiens assurés annuellement par l'agence, et de personnaliser le suivi en attribuant un référent à chaque demandeur d'emploi représente un défi quantitatif et qualitatif. En dehors des problèmes de moyens qu'une telle mesure implique (il ne suffit pas de recruter des personnels, il faut les former, leur trouver des locaux...), l'enjeu est d'avoir véritablement quelque chose à offrir aux personnes convoquées lors de rencontres aussi rapprochées, sauf à entraîner rapidement une forte lassitude chez de nombreux demandeurs d'emploi qui risquent alors de ne plus se rendre aux entretiens (du moins ceux qui, n'étant pas indemnisés, ne risquent pas de sanction immédiate), voire, exceptionnellement, de céder à la violence (cette crainte est soulignée par plusieurs organisations syndicales de l'ANPE). Il convient sans doute de réfléchir aux offres de l'agence en matière d'accompagnement social, pour les plus en difficulté, et de formation, dans le contexte de la régionalisation de la formation professionnelle. Plus généralement, la mensualisation des entretiens a été présentée par une organisation syndicale comme exigeant une refonte de l'organisation et des métiers de l'ANPE.

1. Vers une différenciation des modalités d'accompagnement ?

La question d'une prise en charge plus différenciée des demandeurs d'emploi, à la manière de ce qui a été mis en place dans d'autres pays européens, reste ouverte.

Dans un pays tel que les Pays-Bas, les demandeurs d'emploi sont classés, dès leur entrée au chômage, en quatre catégories selon leur distance au marché du travail mesurée par un score chiffré (système à points), ce classement entraînant une prise en charge différente, non seulement pour ce qui est du type d'accompagnement proposé, mais même du point de vue institutionnel (organisme en charge de leur retour à l'emploi).

Le système britannique est tout à fait différent : l'entrée dans les programmes dits new deal comprenant un accompagnement intensif n'est pas liée à une évaluation en début de parcours, mais à des critères simples dont le principal est la durée de chômage, l'âge et divers critères de handicap (au sens strict ou social) venant ensuite (voir la présentation du système britannique en annexe du présent avis pour plus de détail).

Cette différence est importante car elle met en lumière ce qui semble est le principal sujet de débat dès lors que l'on accepte la logique de parcours différenciés : faut-il les prescrire sur la base d'un « profilage » initial - mais peut-il être fiable ? - ou plutôt les envisager essentiellement lorsque le chômage dure -au risque de regretter d'avoir laissé les personnes dériver sans accompagnement pendant un certain temps ?

Les expérimentations en cours en France depuis quelques mois, dans la continuité de la forme de classement instituée dans le cadre du PARE (7), reposent sur une évaluation initiale en deux temps (effectuée d'abord sur une base statistique à l'ASSEDIC, puis de manière plus individualisée lors du premier entretien à l'agence locale pour l'emploi). Trois « parcours » sont identifiés :

- le parcours 1 pour les personnes « sans risque prévisible » de chômage de longue durée, soit, selon l'évaluation ex ante, 15 % des demandeurs d'emploi ; ce parcours, destiné aux personnes exerçant ou voulant exercer un métier en tension, renvoie à la problématique des pénuries de main d'œuvre (voir infra) ;

- le parcours 2 pour les personnes au « risque modéré » de chômage de longue durée, correspondant en fait au « droit commun », avec un public visé représentant 70 % de l'effectif ;

- le parcours 3 pour les personnes à « risque fort » de chômage de longue durée, soit 15 % des personnes a priori.

Un premier bilan local effectué au 21 octobre sur l'agence locale pour l'emploi de Seclin, évidemment encore très précoce pour une expérimentation débutée le 2 mai 2005, fait apparaître une surreprésentation, par rapport à la prévision, des « parcours 3 », qui atteignent 35 % de l'effectif, contre 11 % pour les « parcours 1 » et 35 % pour les « parcours 2 ». Une enquête de satisfaction sur les bénéficiaires du « parcours 3 » donne 89 % de « satisfaits », dont 50 % de « très satisfaits ».

Il est à noter que les différents « parcours » ne correspondent pas pour le moment à des formes et des nivaux d'accompagnement aussi différents que dans d'autres pays : les conseillers des agences ne sont pas spécialisés dans le suivi des différents parcours et il n'y a pas de référentiel de moyens supplémentaires à mettre en œuvre, sinon que les personnes en « parcours 3 » indemnisées par l'assurance chômage sont susceptibles, après trois mois de chômage, d'être adressées à un prestataire privé assurant un accompagnement intensif, tel qu'Ingeus dans le Nord (voir supra). A cette fin, ces personnes sont systématiquement contactées par téléphone durant leur quatrième mois de chômage.

Sans avoir de réponse préconçue, les responsables locaux s'interrogent sur l'opportunité de ce délai de latence pour proposer aux personnes un accompagnement renforcé : d'un côté, une personne sur quatre classée « parcours 3 » retrouverait cependant du travail dans les trois premiers mois de chômage, ce qui montre les limites de l'outil de classement (sans que l'on puisse encore savoir quelle est la marge d'amélioration) et invite à n'engager une prise en main plus active qu'après ce délai ; de l'autre, cela peut être aussi du temps perdu avant la nécessaire remobilisation.

Enfin, il convient d'observer qu'à coté des expériences de parcours différenciés en cours, certaines décisions prises récemment, comme l'instauration d'un entretien mensuel pour tous les demandeurs d'emploi, semblent plutôt aller dans le sens inverse de modalités d'accompagnement indifférenciées.

De même, on peut relever que parallèlement au critère d'éloignement présumé vis-à-vis de l'emploi, d'autres critères de discrimination dans les droits des demandeurs d'emploi sont utilisés : ainsi, pour le dispositif tout récent de la convention de reclassement personnalisé, la condition d'accès est d'être menacé d'un licenciement économique, auquel la CRP sera une alternative ; or, les licenciements économiques représentent moins de 7 % des motifs d'inscription à l'ANPE. D'ailleurs, même dans les expérimentations de parcours individualisés, un critère autre que l'éloignement présumé à l'emploi joue, c'est le fait d'être indemnisé ou non par l'assurance chômage, lequel détermine la périodicité des entretiens supplémentaires prévus en cas de « parcours 1 » et l'accès aux prestations de type Ingeus en « parcours 3 ». Il y a donc des interférences entre les différents critères, qui tiennent notamment au rôle de l'assurance chômage comme financeur de certaines mesures.

2. De nouvelles réponses aux pénuries de main d'œuvre

La réponse aux difficultés de recrutement que rencontrent certains secteurs d'activité est l'une des priorités du gouvernement, que prend en compte l'ANPE. D'après les statistiques nationales de l'Agence, de décembre 2003 à décembre 2004, le nombre d'offres d'emploi non satisfaites de plus d'un mois (hors intérim) est passé de 292 000 à 230 000. De 2003 à 2004, le taux de satisfaction des offres a augmenté de plus de 3 points, atteignant 87,6 %, et le délai de satisfaction moyen a baissé de 3 jours, à 33 jours.

Ces résultats ont été obtenus par une évolution des méthodes de travail, plus tournées vers la prospection des entreprises, l'identification des métiers porteurs, le suivi renforcé des demandeurs d'emploi exerçant ces métiers et le développement de nouvelles méthodes d'évaluation des aptitudes professionnelles permettant d'envisager des orientations vers ces métiers, même quand les études effectuées n'y conduisent pas a priori.

Cependant, les efforts engagés pour orienter les demandeurs d'emploi vers les métiers en tension et accélérer leur accès aux emplois qui y sont proposés doivent manifestement être poursuivis et accentués. D'après une récente statistique des services du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement (8), du fait de la hausse des offres déposées à l'ANPE, les tensions sectorielles sur le marché du travail se sont plutôt accrues du premier semestre 2004 au premier semestre 2005 : par exemple, le ratio offres/demandes, qui traduit un « excès » d'offres d'emploi s'il est supérieur à un et est égal à 0,77 au premier semestre 2005 pour l'ensemble des métiers, atteint alors 2,3 pour les ouvriers qualifiés des travaux publics (contre 1,9 début 2004), 1,5 pour les cuisiniers, 1,4 pour les personnels hôteliers, les infirmières, les ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment et les techniciens dus secteur BTP, etc. A ces ratios élevés sont associés des « taux d'écoulement » des demandeurs d'emploi, c'est-à-dire des délais moyens pour retrouver un emploi, qui ne sont en général que légèrement supérieur à la moyenne, ce qui laisse à penser qu'il existe des marges significatives d'amélioration de l'intermédiation assurée par l'ANPE dans ces secteurs.

Dans une agglomération telle que Lille, les différentes agences pour l'emploi, tout en gardant pour le moment une compétence sur une base géographique vis-à-vis des demandeurs d'emploi, se spécialisent sur des secteurs d'activité (prospections spécifiques, mise en valeur des annonces correspondant à ces secteurs...), démarche qui devrait se systématiser avec la mise en place de l'entretien mensuel en 2006.

Par ailleurs, sur la base de l'enquête annuelle sur les projets de recrutement des entreprises que conduit l'ASSEDIC, les partenaires du service public de l'emploi du Nord-Pas-de-Calais ont élaboré en 2005 un plan régional d'anticipation des entreprises qui identifie cinq branches (hôtellerie-restauration, construction, métallurgie, transports, services aux personnes) et plus spécifiquement huit métiers « porteurs ». Y sont associés des indicateurs et objectifs chiffrés.

L'enquête sur les besoins de main d'œuvre a également servi à l'identification des 34 métiers porteurs dont l'exercice détermine l'insertion des demandeurs d'emploi dans le « parcours 1 » dans le cadre de l'expérimentation des parcours individualisés dans le Nord. Dans la mesure où il est présumé que des personnes exerçant ces métiers doivent pouvoir trouver rapidement du travail et que symétriquement les entreprises sont pénalisées par la difficulté à recruter, ce « parcours » a pour objet une « mise sous tension » des demandeurs d'emploi qui se traduit notamment par l'organisation d'entretiens de suivi avant celui de droit commun prévu à six mois de chômage : le projet d'action personnalisé (PAP) est actualisé à 90 jours de chômage et, pour ceux qu'elle indemnise, l'ASSEDIC du Nord organise deux entretiens à 60 et 120 jours.

D'après les premiers éléments de bilan de l'agence ANPE de Seclin, le « parcours 1 » concerne finalement assez peu de personnes, mais donne des résultats : la comparaison de deux « cohortes » comparables de demandeurs d'emploi en 2004 et 2005 ferait apparaître une augmentation de quatre points du taux de sortie du chômage à trois mois.

Les plateformes de vocation constituent un autre élément de cette nouvelle politique orientée vers la prise en compte concrète des besoins des entreprises. Mises en œuvre et animées par l'ANPE, elles ont pour but d'évaluer les jeunes sur un à trois métiers qu'ils ont choisis parmi les métiers porteurs ou en tensions sur leur bassin d'emploi. Les jeunes sont évalués sur leurs habiletés dans ces métiers par la méthode de recrutement par simulation (MRS). Chaque plateforme est rattachée à une agence locale et comporte une équipe de cinq à sept agents de l'ANPE formés à la méthode.

L'objectif affiché en application du plan de cohésion sociale est d'atteindre 72 plateformes fin 2005, puis 100 en 2006. Les crédits nécessaires en 2005 pour cette montée en charge du dispositif se sont élevés à 9,6 millions d'euros pour les frais de personnel (360 agents) et 22,4 millions pour l'investissement et le fonctionnement. En 2004, 154 opérations de recrutement par simulation ont été menées et 9 000 personnes placées par cette méthode.

A Lille, où le rapporteur pour avis a pu assister à un test de simulation, on souligne que cette méthode emporte l'adhésion d'un nombre croissant d'entreprises qui constatent que le taux de rupture des recrutements opérés par ce biais est plus faible. Du point de vue de jeunes demandeurs d'emploi, l'attestation d'une certaine aptitude à tel ou tel métier que produit ce genre de tests a pour intérêt de leur permettre de contourner l'écueil de l'exigence d'expérience professionnelle.

*

Le rapporteur pour avis souhaiterait conclure ce développement thématique en observant qu'il débouche sur plusieurs constats assez consensuels, mais aussi sur un débat beaucoup plus difficile à trancher.

Les constats assez consensuels portent sur :

- Le renforcement du rôle des opérateurs privés sur le « marché » du placement en emploi : la prudence de ces opérateurs et leur volonté de complémentarité plutôt que de concurrence frontale avec l'ANPE doivent être relevés, de même que le respect de certains principes dans les expérimentations en cours, tels que le monopole de prescription des prestations privées laissé au service public de l'emploi et la liberté de choix pour les demandeurs d'emploi. Il est cependant clair que sur une question souvent dominée par des préjugés idéologiques, une évaluation indépendante des coûts et des résultats sera particulièrement nécessaire.

- Les maisons de l'emploi : aucun retour d'expérience n'est évidemment encore envisageable, mais le mouvement de rapprochement des acteurs locaux permettant leur création est bien lancé, même si d'inévitables conflits de pouvoir se produisent. Les dépenses supplémentaires induites semblent devoir être limitées (trop ?).

- La différenciation des « parcours » des demandeurs d'emploi : cette évolution semble inéluctable et est légitime dans son principe, car il est normal de concentrer les moyens sur ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi et d'être a contrario plus exigeant vis-à-vis de ceux qui peuvent y revenir rapidement. Il reste à évaluer les expériences en cours, faire des choix clairs et les assumer.

Beaucoup plus délicate est la question du rapprochement ANPE/UNEDIC. Jusqu'où peut-on aller dans le rapprochement volontaire (puisque conventionnel) et essentiellement limité à la coordination opérationnelle ? Il faut bien admettre que ce système mis en place depuis l'instauration du PARE en 2001 et que l'on veut aujourd'hui accentuer rencontre vite diverses limites, tensions et contradictions :

- le rapport de force structurellement déséquilibré entre l'assurance chômage acteur « politique », puisque gérée par des partenaires sociaux ayant une légitimité représentative, et l'ANPE acteur seulement « administratif » dépendant de l'Etat, qui conduit à des relations dans lesquelles les personnels de la seconde ont souvent le sentiment d'être réduits à un rôle de « sous-traitants » ;

- la contradiction entre la volonté - légitime - de l'assurance chômage, en tant que payeur, de contrôler les demandeurs d'emploi indemnisés et son implication limitée, par construction, dans leur accompagnement, qui ne lui permet pas de revendiquer légitimement des prérogatives de sanction pour absence de recherche d'emploi active ou refus d'une formation ou d'un emploi proposés ;

- l'équité discutable d'une situation qui veut que parce qu'ils sont indemnisés par l'UNEDIC, qui accepte donc de payer pour cela, des demandeurs d'emploi bénéficient le cas échéant de prestations d'accompagnement renforcé (par exemple celles des opérateurs privés conventionnés dans le cadre des expérimentations en cours) ou de formations inaccessibles aux demandeurs d'emploi non indemnisés qui en auraient pourtant besoin tout autant ;

- les sentiments d'injustice ressentis lorsque l'on est amené à durcir les conditions d'indemnisation du chômage alors même que la situation de l'emploi se dégrade, comme ce fut le cas en 2004, ce qui est inévitable dès lors que cette indemnisation repose sur une caisse assurantielle autonome qui doit assurer son équilibre à assez court terme ;

- les effets induits de la segmentation de la chaîne d'indemnisation des personnes sans emploi, qui peuvent être successivement bénéficiaires d'allocations fiancées par l'UNEDIC, l'Etat et les départements, les modifications de réglementation décidées par un financeur se répercutant dès lors sur les charges subies par les autres, comme on en a eu l'exemple en 2004.

Aller plus loin dans le rapprochement impliquerait, il faut en être conscient, une nouvelle intervention du gouvernement et du législateur qui pourrait être perçue comme un acte d'autorité inacceptable. Ce serait inévitablement le cas si une fusion devait être imposée.

Cependant, il appartient à l'Etat d'assumer pleinement son rôle de pilotage du service public de l'emploi tel que l'a inscrit dans le marbre la loi de programmation pour la cohésion sociale. Très prochainement, il sera partie prenante de la délicate négociation de la nouvelle convention UNEDIC, qui s'engagera sur le constat d'un déficit cumulé approchant 14 milliards d'euros fin 2005. Ce pourrait être une occasion exceptionnellement favorable de convaincre les partenaires sociaux de la nécessité d'une refonte en profondeur du dispositif institutionnel dans le respect de la légitimité de chacun. Il s'agit d'éviter un « coup de force ».

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Pierre Le Ridant, les crédits de la mission « Travail » pour 2006, au cours de sa séance du mercredi 9 novembre 2005.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

Le président Jean-Michel Dubernard a félicité le rapporteur pour avis d'avoir choisi l'ANPE pour thème d'étude, ainsi que d'avoir exposé en annexe les politiques efficaces suivies au Royaume-Uni.

M. Gaëtan Gorce a considéré, au nom du groupe socialiste, que la politique de l'emploi menée depuis 2002 est un échec : le chômage reste très élevé malgré la légère décrue obtenue ces derniers mois par des moyens au demeurant discutables ; l'emploi baisse dans l'industrie et, plus généralement, dans le secteur marchand. Les effets d'une croissance insuffisamment soutenue ont été aggravés par une politique en dents de scie, qui a d'abord consisté à supprimer les dispositifs précédemment adoptés au motif de mettre l'accent exclusivement sur l'emploi dans le secteur marchand - au moment même où l'activité s'y réduisait. Force est de constater que les résultats ne sont là ni sur le terrain, ni même dans le projet de budget : les crédits en faveur de l'emploi, qui avaient baissé quand M. François Fillon était ministre, progressent de 0,7 % à peine - hors allégements de cotisations sociales - malgré les dizaines de milliards d'euros annoncés par M. Jean-Louis Borloo. Le contraste est frappant entre un discours volontariste et des moyens en stagnation.

On observe, dans ce contexte de stagnation budgétaire, un redéploiement de moyens au détriment de certains dispositifs qui ont manifestement échoué : le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) agonise et le contrat jeunes en entreprise (SEJE), annoncé à l'été 2002 comme une mesure phare justifiant la convocation du Parlement en session extraordinaire, voit ses crédits se réduire substantiellement. S'agissant des contrats d'avenir, qui s'adressent à des publics en grande difficulté, l'objectif annuel est ramené de 250 000 à 200 000 signatures, au bénéfice des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE). En d'autres termes, le gouvernement ne croit plus aux dispositifs qu'il a lui-même instaurés pour développer l'accès à l'emploi dans le secteur marchand ou au bénéfice des personnes les plus en difficulté et en revient à une politique classique de traitement social, visant à « faire du chiffre » sans trop se préoccuper d'insertion.

Quant aux contrats nouvelles embauches (CNE), leur impact sur l'emploi est très discutable, compte tenu de l'effet probable de substitution à des embauches classiques. En matière d'apprentissage, enfin, le contraste est vif entre la volonté affichée par le gouvernement de le développer et le vote par la commission des finances d'un amendement tendant à supprimer l'augmentation de la contribution au développement de l'apprentissage.

S'agissant de l'ANPE et du service public de l'emploi, la réflexion conduite par le rapporteur pour avis mérite d'être saluée et l'intéressante annexe consacrée au Royaume-Uni pourrait être utilement complétée, en vue de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, par d'autres visites à l'étranger, en Suède par exemple. Ce pourrait être l'objet d'une mission d'information. La fluidité du marché du travail et les moyens de l'assurer constituent en effet des enjeux essentiels.

Le regroupement, envisagé par certains, entre l'ANPE et l'UNEDIC peut laisser sceptique à l'heure où le nombre des opérateurs, publics et privés, se multiplie sur le marché du travail, et où l'ANPE elle-même est mise en concurrence avec des agences privées. On prétend coordonner, mais on organise plutôt la balkanisation du système. Comment mener une politique efficace sans coordonner ces interventions dispersées et sans renforcer les moyens consacrés à l'accompagnement des chômeurs ? Le droit des chômeurs à la reconversion doit certes être assorti de devoirs, notamment en matière de recherche effective d'emploi, mais il n'a pas de sens d'imposer ces devoirs si les services de l'emploi ne sont pas eux-mêmes mobilisés de façon efficace dans cette direction. Le gouvernement doit s'engager dans une politique durable, dont le service public de l'emploi soit l'axe, au lieu de changer de cap tous les ans ou tous les deux ans, au risque de démoraliser et de démobiliser les personnels, les élus et les associations.

M. Francis Vercamer, après s'être étonné du faible nombre de participants à un débat portant sur le principal sujet de préoccupation des Français, a regretté que le rapporteur pour avis ait choisi de visiter des services de l'emploi à Lomme plutôt qu'à Roubaix ou Lille-Sud, secteurs plus touchés par les difficultés économiques et sociales, et estimé que le thème de l'organisation de ces services est effectivement intéressant ; il a d'ailleurs été l'objet d'un excellent rapport de M. Christian Blanc.

De manière générale, on ne peut que se féliciter que figurent au projet de loi de finances les moyens annoncés dans le cadre de l'examen de la loi de programmation pour la cohésion sociale, ainsi que de voir le chômage reculer, fût-ce légèrement, pour le sixième mois consécutif.

Il n'est pas condamnable de réduire les financements destinés à des dispositifs qui ne fonctionnent pas et de les orienter vers de nouvelles politiques plus conformes aux réalités des territoires et aux attentes des publics concernés. Certes l'emploi ne se décrète pas, mais si l'Etat peut intervenir utilement dans ce domaine, c'est en faveur des populations les plus exclues, les plus atteintes par la discrimination en matière d'emploi - et les événements actuels ne sont pas de nature à infirmer cette idée. Mais la réussite des politiques de l'emploi repose aussi sur les partenaires de l'Etat, en particulier sur les collectivités territoriales - villes, départements, régions. Certains territoires, plus atteints que d'autres par la désindustrialisation, par les reconversions, ont besoin de plus de moyens, et la seule discrimination positive qui vaille est une discrimination territoriale, qui permette d'aider au reclassement des travailleurs, notamment ceux que l'on a fait venir d'ailleurs il y a longtemps, sans les former ni même, souvent, les alphabétiser, et qui se retrouvent aujourd'hui sans emploi ni perspectives.

S'agissant des différents contrats, il ne faut pas confondre prévisions et réalités. Le budget 2005 prévoyait le financement de 185 000 contrats d'avenir ; au 3 octobre, seuls 3 813 avaient été signés, contre 49 111 CAE. Cette différence de succès entre les deux dispositifs s'explique notamment par le fait que l'encadrement des personnes concernées dans les chantiers-école est financé dans un cas, mais pas dans l'autre, du moins dans certaines régions, car il semble que les choix soient différents selon les territoires. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que la politique de l'Etat soit mal comprise sur le terrain.

Il est par ailleurs difficile de dire si le contrat nouvelles embauches est ou non un succès, faute de savoir si les employeurs qui y ont recouru auraient ou non embauché en son absence, et sous quelle forme. Ce qui est certain, en revanche, c'est qu'il est un facteur de précarité supplémentaire, et donc un frein à la consommation et à la croissance.

Il est indispensable que soit menée une politique durable, afin de redonner confiance aux partenaires sur le terrain : comment une association s'enhardirait-elle à embaucher quelqu'un sur un contrat aidé en sachant qu'elle risque de devoir le licencier sous peu, faute de pouvoir le payer ?

Il faut également s'attaquer au problème des effets de seuil, qui retiennent nombre de bénéficiaires de minima sociaux de reprendre un emploi, car ils perdraient certains avantages liés à leur statut d'allocataires - exemption de redevance audiovisuelle ou de taxe d'habitation, gratuité des transports ou de certains services municipaux, etc. Un lissage de ces effets de seuil favoriserait la reprise d'emploi ; Mme Valérie Létard, sénatrice du Nord, est l'auteur d'un rapport très intéressant sur cette question.

Enfin, la création d'une agence pour la sécurité au travail est une initiative louable, mais ne vaudrait-il pas mieux créer une délégation interministérielle, afin que les différentes agences des différents ministères concernés ne se livrent pas une concurrence aussi stérile que coûteuse ?

Mme Cécile Gallez a estimé nécessaire de poursuivre la politique d'allégement de charges, notamment sur les bas salaires, ainsi que de réduction de la taxe professionnelle, afin d'aider les entreprises françaises à résister à la mondialisation. Le développement des services à la personne et le soutien au secteur de l'hôtellerie et de la restauration sont également susceptibles de créer des emplois. Après plusieurs mauvaises années, l'emploi donne des signes d'amélioration, et les contrats « Borloo » devraient aider la tendance à s'améliorer encore.

Les maisons de l'emploi sont une formule qui n'a pas besoin d'être très onéreuse pour donner de bons résultats. Si les demandeurs d'emploi ont accès à tous les services au même endroit, ils ne recevront plus d'informations contradictoires d'un guichet à l'autre. De même, le droit à un entretien mensuel pour les demandeurs d'emploi et le suivi personnalisé constituent d'excellentes mesures.

M. Bernard Perrut, président, a souligné en préambule le contraste entre la puissance des moyens financiers consacrés aux politiques de l'emploi et leur impuissance face au chômage, largement tributaire de la conjoncture économique internationale. A cet égard, le projet d'avis, par ailleurs excellent, évoque de façon injuste la mauvaise opinion qu'auraient les Français du service public de l'emploi, lequel est sans doute perfectible, mais accomplit un travail d'une grande qualité, notamment à l'occasion des entretiens avec les demandeurs d'emploi.

Les maisons de l'emploi sont sans nul doute une bonne idée, à condition qu'il ne s'agisse pas de créer un organe administratif de plus, mais simplement de faire travailler ensemble des gens qui n'en ont pas l'habitude, en vue de définir des stratégies adaptées aux besoins du terrain. On peut regretter aussi que les missions locales, qui envisagent l'insertion sous tous ses aspects, y compris ceux liés au logement ou à la santé, n'y soient pas associées. Il convient de sortir de la rivalité entre agences de l'emploi et missions locales.

Il serait intéressant de disposer d'un bilan des contrats jeunes en entreprise, portant aussi bien sur le nombre de contrats signés que sur celui des structures nouvelles - entreprises ou associations - nées grâce à ce dispositif. L'apprentissage est également une priorité sur laquelle il faut insister. Le Premier ministre a envisagé publiquement qu'il puisse commencer à quatorze ans, mais où en est la conclusion des contrats d'objectifs et de moyens avec les régions ? Enfin, les entreprises d'insertion rencontrent des difficultés financières du fait de la remise en cause de crédits de l'Etat (mais qui ne figurent pas dans la mission « Travail et emploi »).

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les éléments suivants :

- Il ressort de toutes les interventions que la question de l'emploi est difficile entre toutes, et requiert de la constance dans l'action. L'entrée en vigueur de la LOLF permettra au moins une analyse plus fine des effets des politiques menées. Les budgets doivent aussi s'adapter aux réalités du terrain, à la possibilité réelle d'utiliser les montants inscrits, c'est-à-dire à la capacité des entreprises ou des associations à embaucher. Certains contrats ont du mal à démarrer, c'est vrai, mais il convient de saluer l'effort consenti par l'Etat qui a porté son taux d'aide à 90 % pour tous les contrats d'avenir conclus jusqu'au 1er mars 2006 et de manière pérenne pour les chantiers d'insertion.

- L'augmentation du chômage des dernières années n'a pas commencé au printemps 2002, mais à l'été 2001, et l'on observe une amélioration depuis le printemps 2005. Cela mérite d'être rappelé car certains rapprochements entre les politiques menées et la situation de l'emploi sont trop faciles.

- Les déplacements en province ou à l'étranger sont toujours instructifs, et si le rapporteur pour avis a choisi de se rendre à Lomme, c'est parce qu'une expérimentation intéressante y est en cours ; d'autres visites lui ont permis par ailleurs d'avoir une vue plus large des choses. Développer la connaissance des systèmes d'accompagnement des demandeurs d'emploi à travers une mission spécifique pourrait être une bonne idée.

- La question des effets de seuil recevra une solution dans le cadre du projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi, qui améliorera les conditions de cumul partiel entre minima sociaux et revenus du travail.

- Il conviendra d'évaluer à brève échéance les effets des allégements de charges, mais ceux-ci sont une bonne chose, ainsi que l'a dit à juste titre Mme Cécile Gallez.

- Nul ne conteste l'intérêt des maisons de l'emploi, qui ne seront d'ailleurs pas forcément onéreuses, et si les crédits qui leur sont affectés sont plus faibles que ceux programmés dans le plan de cohésion sociale, c'est parce qu'en maints endroits les coûts d'investissement ou de personnel sont inférieurs aux prévisions. Il ne doit évidemment pas s'agir d'un « machin » supplémentaire, mais d'une structure souple, permettant aux différents partenaires de travailler dans la même direction, sur un secteur qu'ils connaissent bien, et il serait bon que les missions locales y soient associées également.

- L'entretien mensuel dont bénéficieront les demandeurs d'emploi sera utile s'il offre des perspectives et que l'on ne décourage pas les demandeurs d'emploi. Quant à l'image de l'ANPE, le rapporteur pour avis n'a fait que mentionner les résultats d'un sondage, avec les aléas qui s'attachent à cette forme de consultation, et n'a nullement mis en cause la qualité du service public et de ses agents.

- On décomptait un cumul de 229 820 contrats jeunes en entreprise signés jusqu'au 30 juin 2005, soit 30 % de plus que l'année précédente à la même date.

- L'Agence nationale des services à la personne a été mise en place le 18 octobre. Présidée par M. Laurent Hénart, elle se fixe pour objectif de doubler les créations d'emplois dans ce secteur.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi ».

ANNEXE 1 

LES POLITIQUES DE L'EMPLOI
ET LES JOBCENTRES AU ROYAUME-UNI

Le Royaume-Uni affiche aujourd'hui l'un des taux de chômage les plus bas de l'Union européenne : 4,7 % en données harmonisées pour 2004, contre 8,1 % pour la moyenne européenne (Europe des Quinze) et 9,7 % pour la France. Surtout, en dix ans, ce taux de chômage a été divisé par deux (il était de 9,3 % en 1994), ce qui est dans les meilleures performances européennes avec l'Irlande, la Finlande et l'Espagne (qui partaient toutes trois de taux extrêmement élevés, 14 à 20 %).

Ce résultat est obtenu avec un niveau de dépenses publiques spécifiques à l'emploi le plus faible de l'Union européenne : en 2002, les « dépenses des politiques du marché du travail » (notion harmonisée par Eurostat) ont représenté 0,53 % du PIB britannique, 2,52 % du PIB français (ce qui est proche de la moyenne) et 4 % du PIB danois (le maximum).

Cette performance mérite que l'on s'y arrête en faisant abstraction des idées reçues qui s'attachent à la politique du gouvernement britannique actuel, dont on sait peu qu'il a par exemple introduit un salaire minimum au Royaume-Uni et aura en quelques années réalisé des investissements considérables dans les services publics (précédemment laissés à l'abandon), créant au passage 850 000 emplois publics...

1. La politique générale de l'emploi

Au regard de la présentation effectuée au ministère du travail britannique de cette politique, il convient de signaler en préambule que les différences d'approche entre la France et le Royaume-Uni sont très importantes, au point que des problématiques très présentes dans le débat public français peuvent n'avoir aucun écho outre-Manche.

Il en est ainsi, par exemple, de la question des aides aux employeurs - de leur efficacité, des effets d'aubaine qu'elles entraînent, des contreparties à exiger... - et ce pour une raison simple : alors qu'en France, la politique de l'emploi passe très largement par les allègements de charges, généraux ou ciblés, ou les aides directes dans le cadre des contrats aidés, au Royaume-Uni, de tels dispositifs sont pratiquement inexistants.

De même, le problème des « métiers en tension » et des pénuries sectorielles de main d'œuvre n'est manifestement pas à l'ordre du jour à Londres, où l'on observe seulement que la flexibilité du marché du travail et, élément plus circonstanciel, l'ouverture immédiate de ce marché aux ressortissants des nouveaux Etats membres de l'Union européenne suffisent à assurer l'équilibre de l'emploi dans les différents métiers.

Pour le reste, les points marquants de la politique britannique actuelle de l'emploi, tels qu'ils sont présentés, apparaissent au nombre de quatre.

a) La priorité donnée au cadre macroéconomique

Quelles que soient les vertus des interventions spécifiques sur le marché du travail, les Britanniques reconnaissent le primat, dans l'explication de leurs résultats en matière d'emploi, du cadre macroéconomique, tout en mettant la « stabilité de la plateforme macroéconomique » au crédit de la politique générale du gouvernement actuel.

b) La flexibilité

Les « vertus » de la flexibilité sont illustrées, selon les Britanniques, par l'exemple du temps de travail : alors que dans pratiquement tous les pays européens - dont la France - , il existe un horaire de travail hebdomadaire fortement prédominant - 35 heures en France... -, ce n'est absolument pas le cas au Royaume-Uni.

c) L'attractivité financière du travail

Making work pay, cette formule pour le moins concrète illustre l'un des objectifs de la politique britannique de l'emploi : le travail doit payer par rapport à l'inactivité. Le système est organisé à cette fin : d'un côté, l'indemnisation du chômage est très peu généreuse, puisqu'elle est forfaitaire et représente seulement 80 euros environ par semaine pour un demandeur d'emploi isolé de vingt-cinq ans et plus (c'est moins pour les jeunes, un peu plus pour les couples et les parents isolés), soit plus ou moins l'équivalent du RMI français (pour les personnes dispensées de recherche d'emploi, il existe d'ailleurs un income support du même montant).

De l'autre, des dispositifs de crédit d'impôt rappelant notre prime pour l'emploi mais beaucoup plus incitatifs au retour à l'emploi sont mis en place : le working tax credit, réservé aux personnes travaillant au mois seize heures par semaine, peut ainsi représenter environ 2 200 euros par an pour une personne seule, avec des compléments substantiels au titre des frais éventuels de garde d'enfants (jusqu'à près de 300 euros par semaine pour deux enfants et plus). S'y ajoutent divers mécanismes spécifiques pour les personnes reprenant un emploi.

Par ailleurs, il faut rappeler que le gouvernement de M. Tony Blair a introduit en 1999 un salaire minimum au Royaume-Uni, qui est maintenant d'un niveau assez proche de notre SMIC : environ 7 euros/heure pour les personnes de vingt-deux ans et plus (moins pour les plus jeunes). L'existence d'un salaire minimum, significativement, n'est pas présentée comme un risque pour l'emploi (du fait de l'incidence sur le coût du travail), mais comme un élément positif de valorisation du retour à l'emploi.

d) L'évolution récente : ramener à l'emploi les « inactifs »

Le second mandat de l'actuel Premier ministre est marqué par la mise en œuvre du programme jobcentre plus, lequel, au-delà du versant institutionnel de rapprochement des fonctions de placement et d'indemnisation, s'inscrit dans une volonté d'élever le taux d'emploi en ramenant à l'activité les personnes inactives.

En effet, bien que le Royaume-Uni affiche à la fois des taux de chômage et d'emploi flatteurs - le taux de 15-64 ans ayant un emploi y atteignait 72 % au quatrième trimestre 2004, contre 63 % en France - , le gouvernement considère qu'un plus grand nombre de personnes doivent être mises à l'emploi. Un objectif de 80 % a été fixé pour le taux d'emploi, ce qui impliquerait de remettre 2,5 millions de personnes à l'emploi : les personnes visées sont en fait les 800 000 bénéficiaires de l'allocation aux parents isolés et surtout les plus de 2,5 millions de bénéficiaires de celle d'incapacité (incapacity benefits), dont l'effectif n'a cessé d'augmenter depuis plus de vingt ans.

C'est là que le principe de regroupement du placement et de l'indemnisation dans les jobcentres plus prend tout son sens : les fonctions d'indemnisation concernées vont en effet bien au-delà de l'indemnisation du chômage stricto sensu et incluent notamment les allocations d'incapacité précitées. Le champ des personnes couvertes par ces différentes prestations est bien plus large que celui des seuls demandeurs d'emploi à la recherche active d'un travail : par exemple, dans le jobcentre visité par le rapporteur pour avis, les allocataires gérés sont 8 000 pour 3 000 demandeurs d'emplois au sens strict. La démarche jobcentre est censée, sans imposer d'obligation de recherche d'emploi aux allocataires autres que ceux bénéficiant des allocations chômage, les remotiver pour l'emploi par divers entretiens et prestations d'accompagnement orientés en ce sens.

Dans le même esprit, le dispositif new deal d'accompagnement renforcé, créé initialement pour les jeunes (voir infra), a été étendu aux personnes handicapées et parents isolés qui souhaitent y accéder.

2. Les jobcentres plus

a) La mise en œuvre matérielle

Le programme jobcentre plus est d'abord un programme de créations de « guichets uniques » prestations/placement qui a été engagé en 2001 et doit en principe être conduit à terme en 2006. Dans le district du sud de Londres où le rapporteur pour avis a visité un jobcentre, les trois quarts de la quinzaine de centres sont à cette heure devenus des jobcentres plus regroupant les anciens services de placement et de prestations financières.

Il apparaît que cette évolution a pu se faire, au moins dans ce district, sans gros investissement immobilier ; en revanche, il y a eu des aménagements intérieurs pour améliorer l'accueil et unifier les conditions dans le réseau. Pour ce qui est des personnels, l'objectif est de le réduire de 15 %  d'ici 2008. D'importantes mesures de rationalisation de l'activité - qui sont aussi des mesures d'amélioration du service - ont été prises, telles que la mise en place de plateformes régionales ou nationales, joignables par téléphone pour les demandeurs d'emploi, pour plusieurs missions : le premier contact (voir infra) ; le traitement des dossiers de prestations financières ; l'information sur les emplois disponibles au jour le jour (également accessible par internet naturellement).

Les jobcentres sont soumis à un régime d'évaluation rigoureux, reposant sur une batterie d'objectifs et d'indicateurs (nombre de personnes placées, mais aussi qualité et rapidité du service du point de vue des demandeurs d'emploi comme des entreprises, taux d'erreur et de fraude sur les prestations financières...).

b) Une démarche centrée sur la qualité du service aux demandeurs d'emplois

Les demandeurs d'emploi sont les « clients » (customers) des jobcentres. Leur premier contact avec le système se fait par un entretien téléphonique détaillé suite auquel ils reçoivent un dossier de demande de la prestation financière à laquelle ils ont a priori droit et sont convoqués au jobcentre, en principe, c'est l'objectif, dans les quatre jours. Le premier versement des allocations dues doit être effectué dans les douze jours de la prise de contact (avec possibilité d'avance sur prestations).

Les demandeurs d'emploi, lors de leur premier entretien au jobcentre, se voient désigner un référent individuel. Chaque conseiller ne doit suivre qu'une quarantaine de personnes.

Il est à noter que l'activité de prospection vis-à-vis des entreprises a moins évolué ces dernières années. Les relations sont toutefois bonnes : réalisation de plans de recrutement, prescription de formation adaptée à cette fin, mise à disposition gratuite de locaux pour les entretiens des employeurs, voire les tests qu'ils veulent organiser...

c) Les contreparties demandées

En contrepartie d'un service de qualité, le système est exigeant vis-à-vis des demandeurs d'emploi :

- Ils signent un contrat (jobseeker's agreement) lors de leur premier entretien approfondi au jobcentre.

- Ils doivent se présenter physiquement tous les quinze jours pour que soit renouvelée l'allocation chômage. C'est l'occasion d'un entretien de quelques minutes où sont vérifiées la disponibilité et l'activité de recherche d'emploi.

- Les allocations peuvent être suspendues dans divers cas pour une durée plus ou moins longue (2 à 26 semaines). On doit relever que les conflits portant sur le jobseeker's agreement et certaines décisions de suspension font intervenir un arbitrage assuré par des agents indépendants du jobcentre, dits decision maker.

d) Les programmes new deal : la différenciation de l'accompagnement des demandeurs d'emploi

Les programmes new deal lancés depuis 1998 assument le principe d'un accompagnement différencié des demandeurs d'emploi. Les jobcentres sont incités à cibler des populations spécifiques par le système de points qui sert à les évaluer, le nombre de points attribués pour chaque placement effectué variant de un à douze selon les personnes concernées.

Le premier programme new deal a concerné les jeunes de 18 à 24 ans dépassant six mois de chômage. D'autres ont ensuite été mis en place pour les plus de 24 ans dépassant dix-huit mois de chômage, les personnes handicapées, les parents isolés, etc. Par ailleurs, l'accès au new deal « jeunes » peut être anticipé à trois mois de chômage si sont présents divers handicaps (au sens propre ou de nature sociale : illettrisme, non-maîtrise de l'anglais...).

L'entrée dans un programme new deal entraîne une intensification conséquente de l'accompagnement apporté, avec par exemple des entretiens approfondis deux fois par mois avec le référent, alors que le « droit commun » est (hors les entretiens de « pointage » déjà signalés) d'un entretien après trois mois de chômage, puis six.

L'accès à ces dispositifs de prise en charge intensifiée se fait, comme on l'a vu, non sur la base d'une évaluation initiale, mais sur des critères objectifs dont les principaux sont la durée du chômage et l'âge. L'administration britannique se félicite d'avoir réduit à zéro le chômage de plus d'un an des jeunes (par définition, après quatre mois au new deal, donc dix mois de chômage, ils doivent basculer sur une formation, un emploi aidé - c'est le seul cas d'emploi aidé au Royaume-Uni - ou un emploi bénévole associatif ou environnemental) et de faire sortir plus de 90 %  des autres demandeurs d'emploi du registre du chômage an moins d'un an. La réduction du chômage de longue durée apparaît donc bien comme l'objectif prioritaire.

ANNEXE 2 

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

A Paris

¬ Agence nationale pour l'emploi (ANPE) - M. Christian Charpy, directeur général

¬ M. Jean Marimbert, auteur du rapport sur le rapprochement des services de l'emploi

¬ Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) - Mme  Patricia Bouillaguet, directrice du développement

¬ Conseil national des missions locales - M. Jean-Jacques Giannesini, secrétaire général, Mme  Karine Guillet et M. Yves Auton, chargés de mission

¬ Syndicat des entreprises de travail temporaire - M. François Roux, délégué général, M.  Christian Pedeux, secrétaire général d'Adecco, et M. Jean-Pierre Lemonnier, président de Manpower France

¬ Ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement - M. Pierre-François Gouiffes, directeur adjoint de cabinet, M. Arnaud Richard, conseiller chargé des relations avec le Parlement, et Mme Gabrielle Hoppé, conseillère technique

¬ Assemblée des départements de France (ADF) - M.  Christophe Sirugue, président de la commission exclusion

¬ Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) - M. Denis Gautier-Sauvagnac, président, et M.  Jean-Pierre Revoil, directeur général

¬ Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) - Mme Claudie Buisson, directrice générale, et Mme Najiba Fradin, directrice des services aux personnes handicapées

¬ Commission de labellisation des maisons de l'emploi - M. Jean-Paul Anciaux, président

¬ Confédération générale du travail (CGT) de l'ANPE - Mmes Béatrice Playt et Margot Undriener, secrétaires

¬ Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO) de l'ANPE - Mme Thérèse Hergott, secrétaire nationale

¬ Syndicat national unitaire (ANPE) - MM. Joao Ferreira-Martens et André Momein, membres du bureau national

¬ Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) de l'ANPE - M. Jean-Paul Thivolie, secrétaire national, et Mlle Suzie Petit, membre du bureau national

¬ M. Raymond Soubie, président du Conseil d'orientation pour l'emploi et de la société Altédia

A Londres

¬ Jobcentre plus de London Bridge - Mme Kathy Prior, responsable de district pour les jobcentres de Lambeth, Walworth et Southwark, et Mme Maggie O'Brien, responsable du site

¬ Department for work and pensions (ministère du travail et des retraites) -M. Simon Wood, chef de la division Economie et marché du travail

¬ Ambassade de France - M. Vincent Chevrier, conseiller social, et Mlle Alexia Dauchy, son assistante

A Lille (site Ingeus, agence locale pour l'emploi Lille-Bleuets et plateforme de vocation Lille-Flandre intérieure) et Lomme (agence ASSEDIC)

¬ ANPE - Mme Catherine d'Hervé, directrice régionale Nord-Pas-de-Calais, M. Bruno Drolez, directeur délégué pour le bassin d'emploi de Lille, Mme Françoise Depecker, directrice de l'agence de Seclin, M. Gaétan Lermusieaux, directeur de l'agence Lille-Bleuets, et ses collaborateurs, Mme Catherine Jaussème, animatrice d'équipe à la plateforme de vocation Lille-Flandre intérieure, et ses collaborateurs, Mme Sylvie Jettot, du service de presse de la direction nationale, et Mme Agnès Ménard, responsable de la communication à la direction régionale

¬ ASSEDIC des Pays du Nord - M. Karim Khetib, directeur général, M. Denis Cavillon, directeur-adjoint, M. S. Kwiatkowski, coordinateur réseau, M. Dominique Derinck, responsable du site de Lomme, et Mme Laurence Leprêtre, chargée de la communication

¬ Direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle - M. Philippe Faucompré, directeur régional-adjoint

¬ Ingeus - Mme Veronica Comyn, directrice du développement, Mme Annick Chautard, responsable du site de Lille, et ses collaborateurs

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graphique

N° 2569 - Avis présenté par M. Jean-Pierre Le Ridant au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) - tome XIII - travail et emploi

1 () Sondage Institut Paul Delouvrier-BVA, La Tribune, 2 novembre 2005.

2 () Le montant ici présenté est celui résultant du projet de loi de finances dans sa version initiale et devrait être modifié suite aux votes de l'Assemblée nationale lors de l'examen de la première partie de la loi de finances (voir infra).

3 () Décret n° 2005-1281 du 14 octobre 2005.

4 () Arrêté du 19 septembre 2005.

5 () Ils ne souhaitent naturellement pas être « expropriés » de l'assurance chômage dans l'hypothèse d'une « étatisation » globale du système, mais, s'agissant des syndicats de salariés, ne sont pas nécessairement très favorables non plus une « paritarisation » de l'ensemble du système qui les contraindrait à assumer la responsabilité du contrôle des demandeurs d'emploi.

6 () Décret n° 2005-915 du 2 août 2005 relatif au suivi de la recherche d'emploi.

7 () Ce classement est fondé sur un diagnostic initial établi par le conseiller ANPE et conduit à quatre types de services : le libre accès ; l'appui individualisé ; l'accompagnement renforcé ; l'accompagnement social.

8 () DARES, Premières informations n° 43.1, octobre 2005.


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