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le 16 novembre 2005

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N° 2568

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2005.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2006 (n° 2540),

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

--

ANNEXE N° 28


REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS

Rapporteur spécial : M. JEAN-JACQUES DESCAMPS

Député

___

INTRODUCTION 7

TITRE I : UNE COTE MAL TAILLÉE POUR LE PLUS GROS BUDGET DE L'ÉTAT ? 9

I.- UNE « STRATÉGIE PEU EXPLICITE » SELON LA COUR DES COMPTES 9

A.- UNE MISSION SANS PERSONNEL, MALGRÉ UNE MOBILISATION ADMINISTRATIVE SANS DOUTE CONSIDÉRABLE 9

B.- UN CONTRÔLE « HORS SOL » DE L'EFFICACITÉ DES SERVICES 10

1.- Des indicateurs discutables 10

2.- Des chronomètres sans coureurs 11

II.- UNE MISSION TRÈS COMPOSITE AU SEIN DU BUDGET GÉNÉRAL 12

A.- UNE DISTINCTION TÉNUE ET POREUSE ENTRE CRÉDITS ÉVALUATIFS ET CRÉDITS LIMITATIFS ? 12

1.- La distinction établie en théorie 12

2.- Une ligne de démarcation plus flottante 13

B.- LA SOLUTION DES RECLASSEMENTS DE CRÉDITS 14

1.- Les reclassements déjà opérés 14

2.- Vers d'autres reclassements ? 14

III.- POUR UN RATTACHEMENT DES CRÉDITS D'INTERVENTION À LEURS MISSIONS D'ORIGINE 15

A.- UN RATTACHEMENT EXISTE DÉJÀ EN MATIÈRE DE DÉPENSES FISCALES 16

1.- La présentation obligatoire des dépenses fiscales 16

2.- Le point d'intersection entre dépenses fiscales et remboursements 16

B.- VERS UN RATTACHEMENT BUDGÉTAIRE ? 17

1.- Le décaissement, indispensable révélateur des dépenses fiscales 17

2.- Vers une comptabilité double pour certaines missions ? 17

TITRE II : LES REMBOURSEMENTS, DES DÉCAISSEMENTS QUASI-AUTOMATIQUES 19

I.- PLUS DE QUARANTE MILLIARDS DE REMBOURSEMENTS AUTOMATIQUES 19

A.- LES REMBOURSEMENTS DE TVA, PREMIER CHAPITRE DE DÉPENSES 19

1.- La diligence exemplaire de la Direction générale des impôts 20

2.- Une forte mobilisation heureusement destinée à diminuer 20

B.- IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS 21

1. Un impôt au comportement volatil 21

2.- Une action très composite 22

II.- ENTRE DÉCAISSEMENTS AUTOMATIQUES ET INSTRUMENTS DE SOUTIEN FISCAL 23

A.- IMPÔT SUR LE REVENU 23

B.- « D'AUTRES PRODUITS », DÉCAISSEMENTS AUTOMATIQUES OU INSTRUMENTS D'UNE POLITIQUE DE SOUTIEN ? 24

III.- LES CONTOURS D'UNE FUTURE MISSION RÉDUITE À L'ESSENTIEL ? 26

A.- UNE MISSION MIROIR ? 27

B.- VERS UNE RÉDUCTION ALGÉBRIQUE ? 27

TITRE III : LES DÉCAISSEMENTS, INSTRUMENTS PRIVILÉGIÉS DE PILOTAGE ÉCONOMIQUE ? 29

I.- L'ÉTAT, PREMIER CONTRIBUABLE LOCAL 29

A.- UN MÉCANISME ANCIEN 29

1.- L'État, généreux comptable des collectivités 30

2.- L'ampleur des dégrèvements au profit des collectivités 30

B.- LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE : DEUX MESURES PHARES POUR 2006 32

1.- Un calcul plus juste du plafonnement de la taxe professionnelle 32

2.- La pérennisation des dégrèvements pour investissements nouveaux 34

II.- JUSTICE SOCIALE ET STIMULATION ÉCONOMIQUE, DEUX EXPLICATIONS AUX DÉCAISSEMENTS 35

A.- LE SOUTIEN AUX MÉNAGES 35

1.- La prime pour l'emploi, incitation au travail 35

2.- La taxe d'habitation 38

3.- Les taxes foncières 40

B.- LE SOUTIEN AUX ENTREPRISES 42

1.- La ventilation des différents dégrèvements de taxe professionnelle 42

2.- Le crédit d'impôt-recherche, imputable sur l'impôt sur les sociétés 43

EXAMEN EN COMMISSION 47

ANNEXE 53

L'article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe comme date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires le 10 octobre.

Votre Rapporteur spécial n'avait reçu à cette date aucune réponse. Il a dû attendre le 13 octobre 2005 pour que le premier envoi ait lieu, lequel en rassemblait certes 95 %. Il est néanmoins regrettable qu'à défaut d'une réponse d'ensemble dans les délais, la possibilité d'envoyer des réponses séparées n'ait pas été utilisée, votre Rapporteur spécial ayant pourtant engagé les services à y recourir si besoin. Il conviendra que le circuit des réponses soit beaucoup mieux contrôlé à l'avenir.

INTRODUCTION

Les remboursements et dégrèvements constituent une mission nouvelle au sein du budget de l'État. Contrairement à toutes les autres missions, qui recoupent peu ou prou des domaines d'action, cette mission ne saurait s'identifier à un champ d'intervention précis.

Les crédits qui s'y trouvent regroupés ont seulement en commun de représenter des sorties de fonds pour le Trésor public. En règle générale, le Trésor public encaisse les recettes de l'État, tandis que les différents ministères engagent les dépenses nécessaires à la conduite des politiques publiques. Dans certains cas, le Trésor public signe cependant des chèques aux contribuables et aux collectivités locales. Ces décaissements ont des raisons multiples. Ils peuvent consister aussi bien en restitutions d'excédents d'acomptes ou de sommes indûment perçues qu'en versements de prime pour l'emploi ou en transferts compensateurs de dégrèvements législatifs.

Le dénominateur commun entre les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements apparaît ainsi à première vue comme un critère très formel. Ils ne forment pas un tout organisé en fonction d'une fin déterminée, mais livrent au contraire un aperçu sur une multitude de mécanismes générateurs de décaissements. Ce serait cependant céder au fatalisme que de ne voir dans ces opérations que des mouvements inéluctables sur lesquels l'autorité budgétaire n'a aucune prise et qu'elle doit se borner à enregistrer. Il convient au contraire de s'interroger sur leurs origines diverses.

Car la mission Remboursements et dégrèvements représente la mission la plus importante du budget de l'État en volume. Elle retrace en effet l'emploi de 68,4 milliards d'euros. Certains de ces crédits correspondent à des décaissements purement mécaniques qui peuvent s'analyser comme des modalités de recouvrement de l'impôt. Mais d'autres procèdent au contraire d'une volonté réfléchie et délibérée de soutien aux entreprises, aux ménages, aux collectivités, au retour à l'emploi...

Dans son rapport de 2003 sur la fiscalité dérogatoire, le Conseil des Impôts a mis au jour la progression inquiétante des dépenses fiscales, qui coûte à l'État environ un cinquième de ses recettes chaque année. Certains décaissements retracés dans la mission constituent la partie émergée de ces dispositifs, lorsqu'ils vont jusqu'à conduire le Trésor public à verser des fonds au contribuable, par le renversement de la logique fiscale propre aux crédits d'impôts. Le phénomène mérite mieux qu'un simple traitement analytique. Il convient de faire ressortir son importance pour mieux cerner les enjeux de la mission Remboursements et dégrèvements.

La mission se présente sous la forme de deux grands programmes, consacrée pour l'un aux opérations qui concernent les impôts d'État et pour l'autre aux opérations qui intéressent les impôts locaux. La présentation retenue a le mérite de mettre en lumière l'importance du soutien financier consenti par l'État aux collectivités territoriales. L'État reste aujourd'hui en France, ne nous lassons pas de le redire, le premier contribuable local : il est peu d'occasions de le constater aussi nettement qu'en analysant le document qui retrace les versements par lesquels il se subroge aux redevables initiaux pour alimenter les caisses des communes, départements, régions... Au demeurant, le projet de loi de finances pour 2006 comprend également une mission Relations avec les collectivités territoriales qui a spécialement pour objet l'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales.

Une fois précisés les contours d'un découpage général trop abstrait à première vue, il paraît plus judicieux de partager les crédits de la mission entre ceux qui pourraient à juste titre représenter de pures opérations comptables et ceux qui gagneraient au contraire à être envisagés comme les instruments de politiques publiques clairement affirmées et assumées. Dans le maquis des décaissements en tous genres, l'analyse voudrait ainsi progresser des éléments les plus mécaniques aux aspects les plus politiques. L'exercice comporte à n'en pas douter une part d'artifice, mais il a aussi une raison d'être : mettre en valeur la dimension volontariste de certaines dépenses, pour proposer de l'ensemble une définition plus claire, qui soit à même d'inspirer un découpage ultérieur de la mission plus conforme à l'esprit de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.

TITRE I

UNE COTE MAL TAILLÉE POUR LE PLUS GROS BUDGET
DE L'ÉTAT ?

La mission Remboursements et dégrèvements schématise l'emploi de 68,378 milliards d'euros sous la forme d'opérations purement comptables. Or la loi organique relative aux lois de finances fait obligation au Gouvernement de fixer pour chaque mission des « objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation » (article 7). Comme une opération comptable n'a en soi aucune autre raison d'être que la nécessité de son exécution, la Direction générale des Impôts, en parfaite conformité avec le dessin général de la mission, a proposé pour seul objectif aux deux programmes de « permettre aux usagers de bénéficier de leurs droits le plus rapidement possible ». Cette approche extrêmement prudente peine pourtant à convaincre et à dissiper l'impression que la mission Remboursements et dégrèvements constitue un ensemble essentiellement composite dont le périmètre n'est sans doute pas vraiment adapté aux exigences de la loi organique.

I.- UNE « STRATÉGIE PEU EXPLICITE » SELON LA COUR DES COMPTES

La mission étant seulement définie comme une masse d'opérations comptables, son responsable a pris le parti, pour évaluer ses effets, de mesurer l'efficacité des comptables publics qui réalisent les opérations en cause. Ce choix est pourtant d'autant plus délicat que la mission ne comporte elle-même aucun crédit de personnel.

A.- UNE MISSION SANS PERSONNEL, MALGRÉ UNE MOBILISATION ADMINISTRATIVE SANS DOUTE CONSIDÉRABLE

La mission budgétaire la plus importante en volume ne comporte aucun crédit de personnel. Il a en effet semblé difficile d'individualiser, au sein de chaque trésorerie comme dans les services centraux, le nombre d'équivalents temps plein consacrés spécialement aux opérations de décaissements. Force est de reconnaître que les approximations obtenues n'auraient peut-être pas eu grand sens. Il n'en demeure pas moins que, dans sa présentation actuelle, la mission ressemble à un train sans conducteur ou du moins à une ligne ferroviaire entièrement automatisée, fonctionnant sans trace de la moindre intervention humaine.

Les opérations retracées représentent pourtant à n'en pas douter une activité administrative et comptable considérable. Pour les seules demandes de remboursements de crédits de TVA par les entreprises, on dénombre 920.000 opérations. La barre du million est donc largement franchie une fois qu'on y ajoute les opérations accomplies en exécution des autres actions de la mission. L'addition brute n'est certes pas satisfaisante, dans la mesure où elle totalise des opérations qui n'ont pas toutes la même nature et réclament une attention et un temps très variés. Malgré sa dimension approximative, le chiffre donne cependant une idée de la mobilisation bureaucratique nécessaire. Il rend ainsi d'autant plus étonnante l'absence totale de crédits de personnel.

À ce propos, le rapport de la Cour des comptes de juin 2005 sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2004 évoquait déjà une « mission sans moyens », exposant ainsi la situation : « La mission est très étroitement reliée au programme Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local, qui concentre la totalité des moyens humains affectés à la gestion des remboursements et dégrèvements. » Ce choix n'allait pourtant pas de soi. Réfutant d'avance les objections qui pourraient être présentées sur un fondement juridique, la Cour rappelle qu' « en l'état actuel du droit, rien n'empêcherait la mission Remboursements et dégrèvements de comporter un programme support avec des crédits limitatifs, permettant ainsi de donner des moyens aux deux programmes qui la composent ».

En soi très contestable, l'absence de crédits de personnel au sein de la mission devient un nouveau sujet de préoccupation lorsqu'il s'agit d'analyser la poursuite des objectifs définis par le responsable du programme.

B.- UN CONTRÔLE « HORS SOL » DE L'EFFICACITÉ DES SERVICES

Fidèle à son approche très prudente, la Direction générale des impôts propose en effet comme objectif commun aux deux programmes de « permettre aux usagers de bénéficier de leurs droits le plus rapidement possible ». À cette fin, elle définit trois indicateurs, qui n'offrent cependant qu'une vue très étroite de l'activité administrative qu'ils sont censés mesurer.

1.- Des indicateurs discutables

À chaque programme n'est associé qu'un objectif, qui se trouve être le même pour les deux. Pour apprécier le degré d'avancement de sa réalisation, la Direction générale des impôts retient cependant des indicateurs différents.

Pour le premier programme Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, elle propose d'une part « le taux de demandes de remboursement de crédits TVA non imputable et de restitutions d'impôts sur les sociétés remboursées dans un délai inférieur ou égal à trente jours », d'autre part « le taux de réclamations contentieuses en matière d'impôt sur le revenu traitées dans le délai d'un mois ». En mars 2005, la mission d'information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances avait relevé « qu'il aurait été intéressant de dédoubler [ces indicateurs] en faisant apparaître, pour chacun, d'une part, le délai moyen de traitement des déclarations reçues dans l'année et, d'autre part, l'ancienneté moyenne des déclarations en stock et non traitées ». (1) Ses propositions n'ont pourtant pas été suivies, de sorte que la Cour des comptes observait à son tour en  juin 2005 que « les indicateurs retenus pour les deux programmes de l'administration présentent un biais commun, car ils sont élaborés à partir du nombre d'affaires prises en charge et non de demandes déposées, ce qui exclut des statistiques le stock de demandes en souffrance » (2).

Ces indicateurs bruts auraient en effet mérité d'être affinés, ne serait-ce que pour mieux tenir compte de la complexité variable des dossiers traités. L'examen approfondi d'un cas individuel ne requiert pas le même temps ni la même concentration qu'un traitement répétitif qui peut être semi-automatique, même pour les dégrèvements prononcés au plan contentieux, comme le fait apparaître le tableau suivant.

PART DES OPÉRATIONS COMPTABLES AUTOMATISÉES SUR LE TOTAL
DES DÉGRÈVEMENTS PRONONCÉS AU PLAN CONTENTIEUX EN 2004

Montant des dégrèvements automatiques
(en millions d'euros )

Montant total des dégrèvements
(en millions d'euros)

Part en % des dégrèvements automatiques

TOTAL Impôts d'État

15,0

41.150,0

0,04

Taxes foncières

81,0

538,1

15,05

Taxe d'habitation

2.356,9

2.707,8

87,04

Taxe professionnelle

76,1

6.641,0

1,15

Autres taxes locales

/

1,2

TOTAL fiscalité directe locale

2.514,0

9.888,1

25,42

TOTAL GÉNÉRAL

2.529,0

51.038,1

4,96

Source : Direction générale des impôts.

Quant au deuxième programme Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux, la Direction générale des impôts propose comme seul indicateur « le taux de réclamations contentieuses relatives à la taxe d'habitation traitées dans le délai d'un mois ». Il aurait pu être utile de le compléter par un indicateur portant sur la principale masse financière, relative aux dégrèvements de taxe professionnelle. Mais le reproche essentiel est ailleurs.

2.- Des chronomètres sans coureurs

Car les indicateurs livrent des indications sur les résultats d'une course d'où les concurrents sont absents. La Direction générale des impôts prend certes la précaution de préciser que l'objectif fixé n'est défini que du point de vue de l'usager, qui attend seulement que son dossier soit traité, sans se demander par qui. Du point de vue de l'efficacité de la dépense publique, le rendement représente cependant peu de choses s'il n'est pas mis en regard des forces humaines qui fournissent le travail mesuré -en un mot, s'il ne représente pas un degré de productivité.

La Cour des comptes observe ainsi, dans le rapport cité plus haut, que « compte tenu de l'absence de moyens et du caractère évaluatif des crédits en cause, les objectifs retenus ne sont orientés que vers la qualité du service rendu, par opposition à des objectifs d'efficience. » Dans les termes mêmes où la Direction générale des impôts pose la question, la mesure de la performance reste donc problématique dans la mission Remboursements et dégrèvements. Le choix de ces objectifs minimalistes, mesurés par des indicateurs contestables, reflète néanmoins avant tout un problème de fond.

II.- UNE MISSION TRÈS COMPOSITE AU SEIN DU BUDGET GÉNÉRAL

La faiblesse de la stratégie dessinée trouve son origine dans le fait que, vu les options retenues au départ, l'ensemble des crédits inscrits au budget de la mission n'a pas pu être organisé autour d'une idée centrale. Les crédits inscrits dans la mission portent en vrac sur les remboursements de TVA aux entreprises, la prime sur l'emploi, les remises de débet aux comptables publics, les dégrèvements de taxe d'habitation en faveur des ménages à faible pouvoir d'achat...

Il apparaît que la mission rassemble seulement par défaut tous les crédits qui n'ont pas été inscrits dans les autres missions parce qu'ils étaient non des crédits limitatifs, mais des crédits évaluatifs. Or cette distinction ne possède pas toute la netteté qu'on lui prête parfois. La loi organique a déjà conduit au reste à opérer certains reclassements.

A.- UNE DISTINCTION TÉNUE ET POREUSE ENTRE CRÉDITS ÉVALUATIFS ET CRÉDITS LIMITATIFS ?

Tous les crédits rassemblés dans la mission Remboursements et dégrèvements sont des crédits évaluatifs, alors que tous les crédits rassemblés dans les autres missions sont des crédits limitatifs. Cette distinction fondamentale en droit budgétaire n'est pourtant ni aussi claire ni aussi simple qu'il ne semble de prime abord.

1.- La distinction établie en théorie

Crédits limitatifs et crédits évaluatifs s'opposent avant tout par le fait que les uns imposent à l'administration un cadre qu'elle doit impérativement respecter, tandis que les autres tracent de manière seulement indicative les contours budgétaires de son action. Il convient de rappeler ici la définition fournie par les manuels :

« La caractéristique du crédit limitatif, c'est qu'il lie impérativement l'administration : celle-ci, en principe, ne peut ni modifier l'objet de la dépense, ni dépasser le montant du crédit fixé par la loi de finances. Les ordonnancements ne peuvent avoir lieu que dans le cadre de l'autorisation législative, et les comptables ont l'obligation de refuser de payer tout ordonnancement ou mandatement si le crédit correspondant est épuisé. » (3)

Ces indications nous renseignent sur la manière très rigoureuse dont les comptables publics doivent interpréter l'autorisation parlementaire donnée à l'exécution des crédits inscrits dans toutes les missions autres que la mission Remboursements et dégrèvements. Elles nous font comprendre, par contraste, l'originalité de cette dernière. Car la qualité évaluative des crédits qu'elle rassemble met pour ainsi dire une différence de nature entre eux et les crédits limitatifs inscrits dans les autres missions. Le même exposé poursuit en effet :

« [Les crédits évaluatifs] sont tout d'abord des crédits pour lesquels l'autorisation donnée porte essentiellement sur l'objet de la finance et non sur son montant. Le montant inscrit dans la loi de finances n'a qu'une simple valeur indicative, et les dépenses correspondant à ces crédits pourront continuer à être librement engagées, même si le montant initial est dépassé. Ces crédits correspondent en principe à des dépenses juridiquement obligatoires pour l'État, et qui échappent par conséquent à l'appréciation des autorités administratives ».

Il est manifeste que l'autorisation parlementaire perd dès lors une grande partie de sa portée, puisqu'elle n'impose pas à l'administration d'obligation impérative. Ce dessaisissement ne saurait donc être admis que lorsqu'il n'en constitue pas un à proprement parler, c'est-à-dire lorsque ces crédits correspondent effectivement à des dépenses juridiquement obligatoires pour l'État. Mais il est précisément difficile de cerner le champ des dépenses « juridiquement obligatoires pour l'État ».

2.- Une ligne de démarcation plus flottante

Le critère paraît simple en effet, mais se révèle à l'usage par trop formel. Rembourser la TVA aux entreprises exportatrices et honorer une convention fiscale avec la Suisse ou le Maroc sont deux manières pour l'État de remplir des obligations juridiques. Mais les remboursements aux entreprises s'effectuent de manière mécanique, par une opération comptable qui trouve sa forme symétrique dans l'opération inverse sur le territoire des autres États qui lèvent une taxe sur la valeur ajoutée, de sorte que le mécanisme de remboursement pourrait presque apparaître comme une modalité particulière de recouvrement de cet impôt.

Dans le cas de certaines conventions fiscales au contraire, il s'agit d'apporter un soutien financier à des États qui accueillent sur leur sol une forte présence française ou entretiennent des relations de bon voisinage avec notre pays. Ce soutien est certes versé en vertu d'une obligation juridique internationale, mais cette obligation a été sans conteste librement contractée et longuement négociée quant à son montant : elle procède d'une démarche volontariste que ses promoteurs devraient mieux assumer sur le plan budgétaire.

Quelques crédits évaluatifs inscrits dans la mission présentent enfin des cas limite à mi-chemin entre le décaissement purement comptable et fera spontanément l'exécution d'une dépense budgétaire spontanément consentie. De manière significative, l'examen de ces crédits fera apparaître que le classement dans l'une ou l'autre des catégories dépend aussi d'une question de point de vue ou, plus exactement, du degré de volonté à assumer certaines dépenses sur le plan budgétaire.

B.- LA SOLUTION DES RECLASSEMENTS DE CRÉDITS

La loi organique relative aux lois de finances a fortement resserré le champ des crédits évaluatifs. Il paraît cependant délicat de pousser beaucoup plus loin la démarche.

1.- Les reclassements déjà opérés

Le volume des reclassements opérés en vertu de la nouvelle loi organique constitue sans doute la meilleure preuve que la distinction entre crédits évaluatifs et crédits limitatifs peut être évolutive, si la volonté nécessaire est présente. Le législateur organique a eu en effet clairement pour intention de réduire les facilités que pouvait s'octroyer le Gouvernement dans le calibrage des crédits au motif que les dépenses étaient difficilement prévisibles ou que leurs fluctuations ne pouvaient être couvertes par les mécanismes habituels.

De nombreux crédits ont ainsi perdu leur caractère évaluatif sous l'empire de la nouvelle loi organique. Il faut citer notamment les crédits de pensions civiles et militaires, les pensions d'anciens combattants, les frais de justice et de réparations civiles. Ils sont désormais inscrits comme crédits limitatifs dans les missions auxquelles ils se rattachent. La nouvelle présentation budgétaire réalise donc un progrès notable sur l'ancienne.

2.- Vers d'autres reclassements ?

Est-on cependant allé assez loin dans la voie des reclassements ? La question reste ouverte. Certains crédits aujourd'hui inscrits dans la mission Remboursements et dégrèvements prêtent encore le flanc à la critique.

Ainsi, dans le premier programme Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, les dépenses de l'action n°2  englobent les versements effectués au profit de la Suisse et du Maroc en application des conventions fiscales spécifiques que ces pays ont signées avec la France. Or il peut paraître discutable de continuer à ranger ces versements dans la catégorie des crédits évaluatifs. Le montant total de ces deux dépenses peut certes apparaître négligeable par rapport au volume global de l'action, 92 millions d'euros contre 2,15 milliards. Sur le plan de la méthode, son rattachement pose cependant un problème révélateur de l'équivoque qui règne parfois au sein même des actions prises individuellement.

Il serait en effet possible de considérer que ces deux chefs de dépense relèvent d'une logique de « subvention » aux États concernés : pour le Maroc, il s'agit d' « indemniser » l'État concerné à hauteur des recettes d'impôt régulièrement perçues par la France sur certaines catégories de contribuables qu'elle rémunère pour leur activité dans cet État, en l'occurrence des enseignants ; pour la Suisse, il s'agit de verser à la Confédération le montant d'impôt qu'elle aurait dû prélever sur les frontaliers résidant en France et travaillant en Suisse si ceux-ci étaient résidents en Suisse, donc soumis aux règles fiscales en vigueur dans ce pays.

L'argument selon lequel le caractère limitatif des crédits d'impôts pourrait empêcher la France d'honorer ses engagements à l'égard de pays étrangers n'est pas recevable : les crédits des contributions obligatoires de la France à certaines organisations internationales, notamment l'Onu, sont limitatifs au sein du programme Action de la France en Europe et dans le monde. D'autre part, il n'est question dans aucune des deux situations invoquées de rembourser les contribuables à hauteur de l'impôt qu'ils ont versé. Les dépenses financées à ce titre ne peuvent entrer dans la catégorie des « remboursements, dégrèvements et restitutions ». Les crédits correspondants doivent être limitatifs.

Il n'en demeure pas moins que les reclassements de crédits opérés sous l'empire de la nouvelle loi organique ont déjà été nombreux. Il paraît difficile d'en opérer de nouveaux. S'ils devaient avoir lieu, ils resteraient rares en tout état de cause et ne porteraient, comme pour ces conventions fiscales spécifiques, que sur de faibles volumes.

III.- POUR UN RATTACHEMENT DES CRÉDITS D'INTERVENTION
À LEURS MISSIONS D'ORIGINE

Si le reclassement n'offre pas de solution pour en finir avec le caractère hétéroclite de la mission, il est peut-être préférable d'envisager un mécanisme de rattachement des crédits évaluatifs, ou du moins de certains d'entre eux, à leur champ naturel d'appartenance. À défaut d'être reclassés comme crédits limitatifs, ces chefs de dépense seraient du moins regroupés dans leur mission d'origine.

Ce ne serait sans doute pas une solution praticable, ni même souhaitable, pour l'ensemble des 68,4 milliards d'euros concernés. Il faut cependant espérer que, par ce procédé, la mission perdrait sa ressemblance avec un inventaire à la Prévert.

A.- UN RATTACHEMENT EXISTE DÉJÀ EN MATIÈRE DE DÉPENSES FISCALES

La loi organique relative aux lois de finances impose désormais que les dépenses fiscales soient présentées, à titre d'information, dans la mission à laquelle elles se rattachent. Or les dépenses fiscales recouvrent en partie des crédits évaluatifs inscrits dans la mission Remboursements et dégrèvements. Peut-être serait-il utile, en s'inspirant de cette démarche, d'aller jusqu'à une forme de rattachement budgétaire de ces crédits évaluatifs, puisque la nouvelle présentation les fait implicitement correspondre à chaque mission.

1.- La présentation obligatoire des dépenses fiscales

En combinant les expressions classiques de « dépenses publiques » et « recettes fiscales », la formule « dépenses fiscales » se conçoit d'emblée comme une alliance de mots, comme le rapprochement de deux termes contradictoires. Elle n'est au demeurant qu'un décalque de l'expression anglaise tax expenditures, formée de manière analogue à partir de tax revenues et de public expenditures.

Les dépenses fiscales s'analysent comme des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l'État une perte de recettes et pour le contribuable un allégement de la charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l'application des principes généraux du droit fiscal français. Toute mesure impliquant une perte de recettes pour le budget de l'État n'est donc pas une dépense fiscale. Qualifier une mesure de dépense fiscale suppose en effet de se référer à une législation de base à laquelle elle dérogerait. Ainsi, une disposition applicable à la grande majorité des contribuables n'est pas considérée comme une dépense fiscale ; à l'inverse, l'avantage accordé à une catégorie particulière de contribuables ou d'opérations économiques constitue une dépense fiscale.

Or, pour la première fois cette année, l'ensemble des dépenses fiscales qui se rapportent à une mission est retracé, conformément à la loi organique, dans l'annexe au projet de loi de finances qui leur est consacrée.

2.- Le point d'intersection entre dépenses fiscales et remboursements

Tous les remboursements retracés dans la mission Remboursements et dégrèvements ne correspondent pas à des dépenses fiscales : qu'il suffise de songer aux remboursements de TVA aux entreprises. Inversement, toutes les dépenses fiscales ne donnent pas forcément lieu à remboursement, puisqu'elles sont parfois mises en œuvre par de simples déductions d'impôt qui, contrairement aux crédits d'impôt, ne peuvent donner lieu à remboursement dans l'hypothèse où elles seraient supérieures à l'impôt dû.

Dépenses fiscales, remboursements et dégrèvements sont des notions qui ne se recoupent donc qu'en partie. Elles se recoupent pourtant bel et bien lorsque les dépenses fiscales ne conduisent pas seulement à priver l'État de rentrées d'argent, par le jeu de réductions d'impôts, mais le contraignent à puiser dans ses caisses pour opérer des versements aux contribuables, en honorant ainsi des crédits d'impôt qu'il a contractés envers eux.

À titre d'exemple, la dépense fiscale « Prime pour l'emploi », qui constitue un crédit d'impôt, se traduit en partie par une minoration des recettes d'impôt sur le revenu au regard de l'impôt qui aurait résulté de l'application de la norme. Cette minoration n'est pas retracée par la comptabilité budgétaire. Mais la prime pour l'emploi fait souvent plus qu'absorber l'impôt dû. Elle donne alors lieu à un remboursement en numéraire au profit des contribuables, pour la part qui excède la somme qu'ils auraient dû normalement payer au Trésor public. Seul ce remboursement apparaît dans la mission Remboursements et dégrèvements, comme « dépense en atténuation de recettes » imputée sur les recettes fiscales brutes de l'État. L'absorption et le remboursement constituent à eux deux la dépense fiscale totale.

B.- VERS UN RATTACHEMENT BUDGÉTAIRE ?

Il serait plus logique de rattacher aux missions les décaissements traduisant l'application des politiques fiscales qui leur correspondent. Il ne s'agirait cependant pas d'un simple changement de présentation.

1.- Le décaissement, indispensable révélateur des dépenses fiscales

La dépense fiscale afférente à la prime pour l'emploi se trouve présentée tout entière dans la mission Travail et emploi, au programme « Accès et retour à l'emploi ». Sa deuxième composante figure cependant aussi dans la mission Remboursements et dégrèvements, dans la mesure où elle donne lieu à un remboursement effectif : elle constitue la partie émergée du dispositif. Non content d'être plus conforme à l'exigence de clarté et de transparence budgétaire qui a inspiré le législateur organique, son rattachement unique à la mission Travail et emploi aurait pourtant une vertu pédagogique certaine.

Car les dépenses fiscales trouvent dans cette opération positive de versement leur manifestation la plus parlante et la plus concrète. Elles ne passent alors plus seulement pour un manque à gagner, mais apparaissent clairement comme une dépense nette. Le versement agit ainsi comme un révélateur, tant pour le contribuable que pour l'autorité budgétaire. Atténuer les recettes de l'État peut sembler une opération indolore. Envoyer un chèque au contribuable matérialise un mouvement financier qui ne reste plus invisible, rendant d'autant plus attentif à sa destination, à son bien-fondé et à sa justification budgétaire profonde.

2.- Vers une comptabilité double pour certaines missions ?

Aussi serait-il sans doute expédient de ne pas se contenter d'évaluer les dépenses fiscales dans leurs missions d'appartenance naturelle, mais d'y inscrire également les crédits évaluatifs qui correspondent dans l'actuelle mission Remboursements et dégrèvements. Dans chaque mission où ce serait nécessaire, des crédits évaluatifs seraient ainsi inscrits de manière strictement séparée des crédits limitatifs.

Au sein de leur mission d'appartenance réelle, les crédits évaluatifs ne pourraient certes très probablement pas commuter avec des crédits limitatifs, puisque les uns et les autres resteraient de nature différente. Il ne fait en effet guère de doute qu'un amendement visant à transférer une charge d'un programme où sont inscrits des crédits évaluatifs vers un programme où sont inscrits des crédits limitatifs tomberait sous le coup de l'article 40 de la Constitution. L'article prohibe en effet toute aggravation des charges publiques. Or le transfert envisagé transformerait une dépense éventuelle en dépense certaine.

La réciproque est tout aussi vraie. Un amendement visant à transférer une charge d'un programme où sont inscrits des crédits limitatifs vers un programme où sont inscrits des crédits évaluatifs changerait une dépense plafonnée en autorisation au montant indicatif. Il ne pourrait manquer dès lors de connaître un sort identique.

Aucun risque de dérive des finances publiques ne saurait donc être valablement invoqué au soutien du statu quo dans la répartition actuelle des crédits entre la mission Remboursements et dégrèvements et les autres missions du budget de l'État. Dans les deux cas possibles de transferts entre crédits limitatifs et crédits évaluatifs, l'article 40 garantirait l'étanchéité d'un dispositif qui présenterait, si nécessaire pour chaque mission, deux colonnes de crédits séparées.

Votre Rapporteur spécial concède cependant que la gestion quotidienne des crédits en serait certainement rendue plus délicate, puisqu'ils ne constitueraient plus un ensemble de choses fongibles. L'exception qui vaut pour les dépenses de personnel devrait en effet être étendue aux crédits évaluatifs sous une forme renforcée ; ils devraient être totalement isolés des autres. La fongibilité des crédits ne serait ainsi plus seulement asymétrique pour une partie d'entre eux. Elle sombrerait comme principe général d'exécution du budget.

Car ce sont les orientations fondamentales de la loi organique qui confèrent en définitive sa raison d'être à la mission Remboursements et dégrèvements. Au-delà des critères matériels et des distinctions incertaines, son existence repose sur un rapport nécessaire qu'il ne serait pas possible de remettre en cause à moins de toucher aux grands équilibres de la nouvelle constitution financière.

TITRE II

LES REMBOURSEMENTS, DES DÉCAISSEMENTS
QUASI-AUTOMATIQUES

Votre Rapporteur spécial voudrait présenter ici les décaissements dont l'origine n'est pas imputable à une volonté claire et manifeste du législateur de soutenir, d'encourager, de favoriser, de faciliter tel aspect ou tel autre de la vie sociale ou économique, mais s'explique simplement par l'application mécanique des règles de recouvrement, qui entraînent essentiellement des opérations d'encaissement, mais peuvent aussi donner lieu parfois à des sorties de crédits.

La distinction peut sembler en partie factice. L'exemple des remboursements de TVA en fera mieux comprendre la portée. Il serait néanmoins difficile de soutenir qu'il existe toujours une différence de nature entre tels décaissements et tels autres. Il n'existe pas entre ces montants de limite imperméable, ne fût-ce qu'en vertu de la fongibilité intrinsèque des crédits, qui se confondent parfois au sein d'une même action.

Pour la clarté de l'analyse, sont cependant regroupés dans cette partie ceux qui semblent plutôt dériver des seules nécessités de la comptabilité publique, tandis que la dernière partie examinera ceux qui correspondent davantage à l'exécution d'une démarche réfléchie et délibérée qui retentit sur le solde structurel des finances de l'État.

I.- PLUS DE QUARANTE MILLIARDS DE REMBOURSEMENTS AUTOMATIQUES

Plus des deux tiers des crédits de la mission Remboursements et dégrèvements représentent des décaissements qui sont inhérents au mode même de perception de deux grands impôts : la taxe sur la valeur ajoutée ; l'impôt sur les sociétés.

A.- LES REMBOURSEMENTS DE TVA, PREMIER CHAPITRE
DE DÉPENSES

Les mouvements financiers les plus importants qui vont des caisses du Trésor public vers les contribuables sont dus au remboursement de la TVA aux entreprises. La taxe sur la valeur ajoutée repose en effet sur les consommateurs, mais elle est payée par les entreprises qui la refacturent à leurs clients. Lorsque ces clients sont étrangers, ils sont cependant soumis à la taxe sur la valeur ajoutée de leur pays d'origine. Les entreprises françaises ne peuvent donc répercuter en l'incluant dans leur tarif la part de TVA qu'elles ont déjà payée à leurs propres fournisseurs ; elles se retournent alors vers le Trésor public pour en obtenir le remboursement. Il en va de même lorsqu'elles acquièrent des biens et services qui ne sont pas destinés à la revente mais constituent un investissement. Ainsi, près de 37 milliards d'euros sont inscrits à l'action n°4 Taxe sur la Valeur ajoutée du programme Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, ce qui en fait l'action la plus importante en volume de toute la mission.

1.- La diligence exemplaire de la Direction générale des impôts

Ces chiffres représentent naturellement une activité comptable considérable. Les entreprises peuvent défalquer, dans leurs déclarations mensuelles ou trimestrielles de TVA, la part de TVA dont elles peuvent obtenir le remboursement. Dans ce cas de figure, elles attendent l'échéance pour opérer la compensation. Elles sont cependant de moins en moins nombreuses à faire ainsi l'avance à l'État du produit de l'impôt, même sur une période limitée. De plus en plus, les entreprises demandent des remboursements de crédits de TVA plutôt que d'imputer les sommes correspondantes sur leurs déclarations de paiement ultérieures. Cela tient sans doute pour partie au fait que les délais de remboursement se sont raccourcis, ce qui est plutôt positif.

La Direction générale des impôts est en effet très attentive à ce que ces remboursements aient lieu rapidement. Elle s'est fixé l'objectif ambitieux de traiter en moins d'un mois 80% des demandes. Or, comme le prouve le volume total de l'action, les remboursements effectués portent souvent sur des montants importants ; ils n'ont rien d'une opération machinale. La vitesse à laquelle l'État honore ses engagements en matière de remboursements de TVA est un enjeu considérable. Elle contribue à la fluidité des circuits financiers et économiques, fondement nécessaire de la vitalité des affaires. Dans ce domaine comme dans d'autres, la performance du service public apparaît comme un élément constitutif de la compétitivité du pays.

2.- Une forte mobilisation heureusement destinée à diminuer

Sans conteste, cette rapidité ne peut cependant exister qu'au prix d'une forte mobilisation des comptables publics. D'ordinaire, la TVA se recommande pourtant par son coût administratif limité, du fait de l'externalisation partielle de sa gestion, effectuée en pratique par les entreprises. Les remboursements apparaissent ainsi comme une entorse onéreuse à la règle générale.

S'ils compliquent la gestion quotidienne de l'impôt, il importe cependant de rappeler qu'une bonne part d'entre eux ne subsiste plus qu'à titre provisoire. Tous les remboursements effectués à l'occasion d'exportations réalisées à l'intérieur de l'Union européenne sont en effet appelés à disparaître d'après la directive européenne de 1991, qui n'a mis en place le mécanisme actuel qu'à titre transitoire. L'objectif reste à terme de parvenir, dans les relations entre résidents de la Communauté, à une taxation générale des biens et services dans le pays d'origine, et non plus dans l'État où est établi l'acquéreur.

Lorsque cet objectif sera atteint, les acheteurs français de véhicules Volkswagen paieront la TVA allemande, tandis que les acheteurs allemands de véhicules Peugeot s'acquitteront de la TVA française. La politique actuelle de rapprochement des taux de TVA à l'échelle européenne vise à assurer que le futur passage à un autre régime de recouvrement ne provoque pas de déséquilibres majeurs. Dans cette situation nouvelle, les entreprises n'auront en pratique plus de demandes de remboursements à remplir, au moins pour toutes les exportations à destination de l'Union européenne. La consommation de papier et de travail administratif s'en trouvera diminuée d'autant, par l'effet d'un retour aux sources de cet impôt dont la gestion fut d'abord conçue pour être économique et légère.

B.- IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

La perception de l'impôt sur les sociétés donne également lieu à des remboursements, à une hauteur estimée de 7 milliards d'euros en 2006. D'un montant cinq fois inférieur aux restitutions opérées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, ces décaissements sont en outre concentrés sur un effectif de bénéficiaires beaucoup plus restreint. Ils sont donc loin d'engendrer le même volume d'activité des services des impôts. Ainsi, en 2005, deux versements ont représenté à eux seuls 1,6 milliards d'euros.

1. Un impôt au comportement volatil

Le montant total des restitutions pouvant être affecté par des opérations ponctuelles de très forte amplitude, les prévisions d'impôt sur les sociétés sont moins sûres que celles des autres impôts. Il suffit qu'une très grande entreprise reprenne une provision ou absorbe une concurrente pour que des sommes considérables se déplacent. Les diagrammes représentant les restitutions d'impôts sur les sociétés depuis 2001 illustrent cette évolution en coups d'accordéon.

graphique

Pour évaluer le montant des restitutions, malgré le comportement volatil de l'impôt, les services calculent le rapport entre les recouvrements bruts et les restitutions qui apparaissait les années précédentes. Ils évaluent ensuite les recettes brutes pour l'année à venir. Ils leur appliquent enfin un rapport proche de ceux qui ont été constatés dans le passé, plutôt plus élevé lors des années de basse conjoncture, plutôt plus faible en cas de reprise.

(en millions d'euros)

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Impôt sur les sociétés brut

34.450

40.879

44.748

49.067

47.007

43.921

46.056

Restitutions d'excédents d'impôt sur les sociétés (hors transferts jusqu'en 2004) (1)

5.882

5.503

6.245

6.995

7.416

8.309

6.691

Restitutions d'excédents hors transferts / l'impôt sur les sociétés brut

17,1%

13,5%

14,0%

14,3%

15,8%

18,9%

14,5%

(1) De 1998 à 2004 inclus, les recouvrements d'impôt sur les sociétés brut s'entendent hors transferts, liés aux restructurations d'entreprises et à certains événements exceptionnels. À l'occasion du transfert à la DGI de la gestion du recouvrement de l'impôt sur les sociétés, ces transferts ne sont plus comptabilisés.

2.- Une action très composite

En l'état actuel des registres tenus par les services des impôts, les restitutions d'impôt sur les sociétés sont présentées en bloc, qu'elles correspondent à la régularisation d'excédents de versement ou à l'imputation, au-delà de l'impôt dû, de divers crédits d'impôts. Les documents budgétaires précisent ainsi :

« en l'état actuel des pratiques et des systèmes d'information, il est fait masse de l'ensemble des motifs de remboursement au titre de l'impôt sur les sociétés, ce qui donne lieu à des versements globaux ».

Tels qu'ils sont présentés aujourd'hui, l'ensemble des crédits se confondent dans une même rubrique. Pour l'analyse, il aurait certes été plus commode de distinguer et de disposer d'une ventilation analytique. Force est cependant de reconnaître que toutes ces sommes sont par définition fongibles. Il est difficile de savoir, pour une entreprise donnée, si la somme effectivement reçue correspond au crédit d'impôt recherche qui lui revient, après que le Trésor public a soustrait à l'impôt dû ses excédents de versement, ou bien si le crédit sert à la déduction et si l'entreprise reçoit le remboursement de ses excédents de versement.

Une différence de nature sépare cependant la restitution pour trop perçu du crédit d'impôt recherche. L'une n'est qu'une opération de régularisation comptable, tandis que l'autre sert à mettre en œuvre une politique de soutien à la recherche-développement dans les entreprises. Il sera examiné comme tel dans la troisième partie de ce rapport.

II.- ENTRE DÉCAISSEMENTS AUTOMATIQUES ET INSTRUMENTS
DE SOUTIEN FISCAL

Certains décaissements se situent à mi-chemin entre de pures opérations comptables de recouvrement inverse de l'impôt et des mécanismes fiscaux de soutien à quelques aspects de la vie économique ou sociale.

A.- IMPÔT SUR LE REVENU

Le programme 200 de la mission Remboursements et dégrèvements compte deux actions qui concernent l'impôt sur le revenu : l'action n° 1 Prime pour l'emploi et l'action n° 2 intitulée, de manière plus générale, Impôt sur le revenu. Ce découpage vise à séparer des crédits évaluatifs ordinaires de ceux qui sont consacrés à une politique fiscale emblématique, examinée comme telle en dernière partie de ce rapport.

L'action n°2 Impôt sur le revenu retrace cependant des dépenses qui ne correspondent pas seulement à des rectifications d'imposition. Pour 20 % environ des dépenses, cette action est en effet imputable à des crédits d'impôt liés au barème de taxation, principalement aux crédits d'impôt pour dépenses de gros équipements et à l'avoir fiscal des personnes résidentes en France.

Le reste des remboursements et dégrèvements qui sont traités dans l'action n°2 Impôt sur le revenu fait suite à des réclamations contentieuses ou gracieuses, ou bien sont consécutifs à des erreurs dans le calcul de l'imposition des revenus ou des contributions sociales. Anciennement inscrite au budget au sein du paragraphe 41 du chapitre 15-01, l'action s'élevait à 2.053 millions d'euros pour 2004, ce qui correspondait à une augmentation de 0,6 % par rapport à 2003.

Pour 2005, les prévisions de dépenses pour cette action sont estimées à 2.100 millions d'euros. L'augmentation progressive de la dépense depuis 2001 et une nouvelle mesure instituant un crédit d'impôt pour les apprentis justifient ces progressions.

Pour 2006, la dépense serait de 2 267 millions d'euros. Elle intégrerait notamment, pour 112 millions d'euros, le coût des conventions fiscales franco-helvétiques et franco-marocaines, dépenses précédemment classées dans le chapitre 42-07. Votre Rapporteur spécial s'est exprimé plus haut sur l'intérêt de leur reclassement.

B.- « D'AUTRES PRODUITS », DÉCAISSEMENTS AUTOMATIQUES
OU INSTRUMENTS D'UNE POLITIQUE DE SOUTIEN ?

L'action n°5 Autres produits directs indirects et divers offre un autre exemple de mécanismes de dégrèvements qui se situent aux limites du décaissement automatique et de la politique de soutien fiscal, telle qu'elle sera examinée en dernière partie de ce rapport.

Dotée de 6,51 milliards d'euros pour 2006, elle enregistre principalement :

- des dégrèvements prononcés sur impôts directs (1,45 milliards d'euros) ;

- des restitutions opérées dans le cadre de la taxation des revenus des capitaux mobiliers, que ce soit pour les résidents ou les non-résidents (ce poste,en forte diminution du fait de la suppression de l'avoir fiscal, devrait s'élever à 750 millions d'euros en 2006) ;

- les dégrèvements spécifiques à la redevance, suite à son nouveau mode de prélèvement (440 millions d'euros en 2006) ;

- les restitutions d'excédent de versement de contribution sociale sur les bénéfices (250 millions d'euros en 2006).

L'action enregistre par ailleurs les remboursements et dégrèvements ordonnancés par le réseau des douanes. La plupart correspondent à des remboursements de taxe intérieure sur les produits pétroliers, pour 500 millions d'euros en 2006. Leur exemple illustre la nature indécise des dépenses inscrites dans l'action n° 5.

Ils peuvent en effet se classer dans la catégorie des décaissements automatiques si l'on considère qu'ils reviennent à alléger le fardeau de l'imposition pour ceux qui, du fait de la profession qu'ils exercent, en supporteraient autrement une part trop grande. Mais ne serait-il pas possible de considérer aussi que ces dégrèvements servent au soutien de professions par nature plus exposées que d'autres à la compétition internationale, notamment sur le plan fiscal ? Les principaux bénéficiaires de ces dégrèvements sont en effet des entreprises de transport, comme le montre le tableau suivant. Le tableau suivant présente les principaux bénéficiaires de ces dégrèvements.

graphique
MONTANT DES RESTITUTIONS EFFECTUÉES AU TITRE DES DÉGRÈVEMENTS DE TAXE INTÉRIEURE SUR LES PRODUITS PÉTROLIERS

Exploitants agricoles (remboursements de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel)

1 171 761

LA PROCÉDURE D'ADMISSION EN NON-VALEUR (ANV)

La procédure d'admission en non-valeur peut être mise en œuvre lorsque le recouvrement de créances fiscales justifiées en droit s'avère impossible. Constituent ainsi des créances irrécouvrables celles dont l'apurement effectif n'a pu être obtenu en raison de l'insolvabilité ou la disparition du redevable. Jusqu'à la fin de l'année 1999, le traitement des admissions en non-valeur relevait de la compétence des services de la direction générale des impôts. Depuis le
décret n° 99-889 du 21 octobre 1999, mis en application le
1er novembre 1999, le pouvoir de décision en matière d'admission en non-valeur des créances irrécouvrables d'impôts directs a été transféré aux trésoriers-payeurs-généraux.

S'agissant de la contrepartie des non-valeurs, il s'agit de recettes pour ordre, recettes fictives sans contrepartie réelle de trésorerie alimentant les catégories d'impôts d'état et locaux. Ces opérations sont neutres pour le budget de l'Etat puisqu'elles sont comptabilisées à la fois en recettes et en dépenses.

ÉVOLUTION DES NON-VALEURS DEPUIS 2000

(en millions d'euros)

ANV

2000

2001

2002

2003

2004

ÉTAT

2.427

1.869

1.337

2.080

2.160

COLL. LOC.

629

565

461

727

716

TOTAL

3.056

2.434

1.798

2.807

2.876

Source : Direction générale des impôts.

Les crédits pour non-valeurs enregistrés au titre des impôts d'état sont inscrits à l'action n° 5 du programme 200 remboursements et dégrèvements d'impôts d'état, tandis que les crédits pour non-valeurs enregistrés au titre des impôts locaux constituent l'action n° 4 du programme 2001 remboursements et dégrèvements d'impôts locaux.

III.- LES CONTOURS D'UNE FUTURE MISSION RÉDUITE À L'ESSENTIEL ?

Les actions et sous-actions rassemblées ici sous la rubrique des décaissements quasi-automatiques pourraient former le noyau d'une mission Remboursements et dégrèvements ramenée à l'essentiel dans les prochaines présentations budgétaires. Elle pourrait au demeurant s'intituler Dégrèvements, restitutions et décaissements divers, pour mettre en valeur les deux grandes origines fiscales de l'inscription évaluative (dégrèvement, restitutions) et les replacer dans l'ensemble plus vaste que constituent tous les décaissements.

Plus conforme à l'esprit de la nouvelle loi organique, elle serait réduite aux opérations de décaissement pur. Deux options s'ouvriraient ensuite.

A.- UNE MISSION MIROIR ?

Il serait d'abord possible d'envisager une mission Dégrèvements, restitutions et décaissements divers pourvue de personnel. La productivité pourrait dès lors en être mesurée. La stratégie de performance définirait des objectifs plus larges que la simple fluidité des opérations administratives, si louable que soit en lui-même cet objectif.

Ces moyens pourraient prendre la forme d'un programme support où seraient inscrits les crédits limitatifs servant à la rémunération des agents qui effectuent les opérations en cause. Avec son nouveau volet limitatif, la mission Dégrèvements, restitutions et décaissements divers constituerait ainsi le pendant des missions qui seraient augmentées d'un volet évaluatif. Vu l'imbrication matérielle des remboursements en cause avec l'ensemble des tâches effectuées par les services, la construction présenterait cependant un aspect artificiel. C'est pourquoi votre Rapporteur spécial estime qu'il faut privilégier une autre solution.

B.- VERS UNE RÉDUCTION ALGÉBRIQUE ?

Si les crédits évaluatifs correspondant à des politiques fiscales de soutien se trouvaient rattachés aux missions à la mise en œuvre desquelles ils participent, le Parlement se prononcerait sur ces crédits de manière beaucoup plus judicieuse, car il serait en mesure d'appréhender la cohérence globale de la politique propre à chaque mission. Au sein de cette mission, le poids des dépenses fiscales serait lui-même mieux apprécié, puisqu'il ferait l'objet d'un vote effectif.

A contrario, la nouvelle mission Dégrèvements, restitutions et décaissements divers ne serait plus que le négatif algébrique des prévisions de recettes estimées pour l'année suivante. Simple traduction des calculs prévisionnels, elle pourrait faire l'objet d'un examen accéléré, qui aurait pour seule fin de vérifier la sincérité des prévisions, que les méthodes appliquées ne permettent pas a priori de remettre en cause.

Le contrôle parlementaire serait ainsi renforcé sur le fond des politiques engagées, tout en allégeant des vérifications annuelles qui perdraient en grande partie leur raison d'être.

TITRE III

LES DÉCAISSEMENTS, INSTRUMENTS PRIVILÉGIÉS
DE PILOTAGE ÉCONOMIQUE ?

La plupart des décaissements qui pourraient correspondre à des politiques publiques identifiables, à des dépenses fiscales pratiquées au profit d'une partie des contribuables, sont des dégrèvements opérés sur les impôts locaux. La prime pour l'emploi constitue la principale exception à ce schéma. Les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements font ainsi d'abord apparaître l'État comme premier contribuable local. En tant que tel, il agit cependant aussi comme un stimulateur de la vie économique ou un dispensateur de justice sociale, à travers le soutien aux entreprises et aux ménages qui en ont le plus besoin.

Par-delà la diversité apparente des mécanismes fiscaux, quelques grandes orientations se dégagent ainsi de la masse des crédits consacrés aux dégrèvements d'impôts locaux et à certaines formes de remboursement : soutien aux collectivités locales ; soutien à la consommation des ménages et au retour à l'emploi ; soutien aux entreprises soumises à la compétition internationale. L'examen de ces crédits jette un éclairage instructif sur l'entreprise pluriannuelle de baisse des charges à laquelle le Gouvernement s'est attelé. Car il dispose là d'un levier non négligeable, permettant un usage souple dont il convient d'apprécier la cohérence.

I.- L'ÉTAT, PREMIER CONTRIBUABLE LOCAL

L'État est depuis longtemps le premier contribuable local de France. Soucieux de dynamiser la vie économique du pays, le Gouvernement a pris cette année deux nouveaux engagements qui devraient alléger le fardeau qui pèse sur les entreprises, mises à contribution dans des proportions excessives comme contribuables locales.

A.- UN MÉCANISME ANCIEN

Sans que les contribuables locaux en soient toujours conscients, l'État prend souvent en charge une partie de leur imposition. Ils sont dégrevés de leur impôt pour des motifs aussi divers que leurs faibles revenus, des pertes de récoltes ou leurs efforts d'investissement nouveaux. Le Trésor public compense la perte correspondante auprès des collectivités locales. Bien que les avis d'imposition locale retracent minutieusement le décompte de la taxation, les contribuables se bornent le plus souvent à prendre simplement connaissance du montant qu'ils ont à payer. Quoiqu'elle soit compréhensible, cette indifférence altère la nature du consentement à l'impôt local. Les indications contenues dans la mission Remboursements et dégrèvements devraient pourtant servir à l'éclairer davantage.

1.- L'État, généreux comptable des collectivités

Traditionnellement, l'État collecte l'impôt pour les collectivités locales. Il perçoit au demeurant sur le produit de l'impôt des frais de recouvrements censés représenter le coût des opérations administratives effectuées. Le mécanisme est détourné de sa fonction première lorsqu'il sert à modifier la perception des impôts locaux pour venir en aide aux entreprises ou aux ménages, en leur accordant sur ces impôts des dégrèvements parfois très importants.

Lorsqu'un dégrèvement est accordé, les comptables publics en déduisent le montant lorsqu'ils calculent l'impôt à payer par le contribuable. Ils versent néanmoins l'intégralité de l'impôt aux collectivités : la fraction réellement payée par les entreprises ou par les habitants d'une commune, mais aussi la fraction complémentaire qui serait due si un dégrèvement n'avait pas été accordé. Cette fraction complémentaire s'impute directement sur le budget de l'État. Les crédits inscrits dans la mission en font apparaître le montant selon les impôts perçus. Encore les dégrèvements ne sont-ils pas tous intégralement compensés.

L'essentiel des remboursements et dégrèvements d'impôts locaux pourrait être rattaché à la mission Relations avec les collectivités territoriales, si l'on considère les dégrèvements concernés d'abord comme un moyen de financer les collectivités locales. Si l'accent est mis au contraire sur le contribuable dégrevé, ménages à faibles ressources ou entreprises, les crédits en cause seraient rattachés de préférence à la mission Solidarité et intégration ou Développement et régulation économiques.

Ces dépenses considérables n'apparaissent pas du tout dans la présentation des dépenses fiscales de l'État, telle qu'elle est imposée par la nouvelle loi organique. Elle ne concerne en effet que les impôts d'État, tant dans les tableaux annexés à la présentation des missions que dans le fascicule récapitulatif Voies et moyens. Il n'est pas exagéré de dire que, de ce point de vue, les impôts locaux se situent comme dans l'angle mort de la présentation budgétaire.

2.- L'ampleur des dégrèvements au profit des collectivités

Les décaissements opérés au profit des collectivités locales en vertu de dispositifs de dégrèvement représentent pourtant des mouvements financiers très importants. Ils sont retracés dans le programme 201 Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux. Rangés par type d'imposition locale, ils sont présentés en trois actions : taxe professionnelle (action n° 1), taxes foncières (action n° 2), taxe d'habitation (action n° 3). Le tableau suivant indique les montants correspondants, en les décomposant selon le motif de dégrèvement.

RÉPARTITION DES DÉGRÈVEMENTS
(prévisions 2006)

(en millions d'euros)

Dégrèvements

Montant des dégrèvements

I.- Taxes foncières

_ Dégrèvement d'office de la totalité de la taxe (article 1390 du CGI)

62

_ Dégrèvement partiel de la TFPNB pour pertes de récoltes

28

_ Dégrèvement de la TFPNB pour les jeunes agriculteurs

14

_ Autres dégrèvements

436

Total Taxes foncières

540

II.- Taxe d'habitation

_ Dégrèvement total

274

_ Plafonnement en fonction du revenu (article 1414 A du code général des impôts)

2 196

_ Autres dégrèvements

330

Total Taxe d'habitation

2 800

III.- Taxe professionnelle

_ Plafonnement au regard de la valeur ajoutée (article 1647 B sexies du code général des impôts)

5 670

Crédit de TP pour le maintien de l'activité dans les zones en grande difficulté face aux délocalisations

340

_ Dégrèvement au titre des investissements nouveaux

2 100

_ Autres dégrèvements

1 190

Total Taxe professionnelle

9 300

IV.- Autres impôts locaux

0

TOTAL GÉNÉRAL

12 640

Source : Direction générale des impôts.

La quatrième action du programme 201 porte sur les admissions en non-valeur d'impôts locaux. Dues à l'insolvabilité du redevable ou à sa disparition des registres, elles n'appellent par elles-mêmes aucune observation. On remarquera seulement que la disparition des registres ne se confond pas forcément avec le décès du redevable ; il peut arriver que l'administration fiscale perde simplement la trace du contribuable.

B.- LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE : DEUX MESURES PHARES POUR 2006

La réforme de la taxe professionnelle se décline en deux mesures phares qui sont toutes les deux contenues dans l'article 67 du projet de loi de finances pour 2006.

1.- Un calcul plus juste du plafonnement de la taxe professionnelle

La valeur ajoutée produite par les entreprises a -heureusement- beaucoup crû depuis 1995. En ne retenant que la base de l'époque pour calculer le plafonnement censé les garantir contre des prélèvements excessifs, la législation fiscale en vigueur n'est pas satisfaisante. En pratique, beaucoup d'entreprises payent aujourd'hui une taxe professionnelle supérieure à 3,5% de la valeur ajoutée qu'elles produisent, alors même que le législateur retient prétendument le principe qu'elles ne devraient pas être taxée au-delà de ce seuil. Le projet de loi de finances pour 2006 rétablit la vérité de l'impôt en prévoyant que l'État prendra désormais en charge le dégrèvement sur la base de la valeur ajoutée des entreprises en 2004.

La mesure met cependant les collectivités territoriales en face de leurs responsabilités. En augmentant de manière régulière les taux de la taxe professionnelle, les collectivités territoriales sont en effet pour partie à l'origine de l'évolution constatée. L'État ne prendra donc pas en charge le manque à gagner qui pourrait apparaître du fait des hausses votées après 2004.

La révision du mécanisme devrait avoir pour effet de neutraliser les hausses ultérieures, dans la mesure où elles s'appliqueront à des contribuables déjà imposés au maximum légal de leur capacité contributive et dont l'État ne complétera plus la cotisation au-delà du seuil calculé sur la base des références de 2004. Ainsi, ni l'État ni les entreprises ne pourront plus être concernés par les hausses de taux. À l'inverse, lorsqu'une collectivité abaissera son taux de taxe professionnelle, la réduction de cotisation sera effective. Les dégrèvements seront donc opérés sur la base des nouveaux taux.

Conçu au départ comme un simple garde-fou, le plafonnement est en passe de devenir l'étalon de rigueur pour toutes les entreprises. D'impôt local à taux variable sur une assiette locative, la taxe professionnelle se glisse peu à peu dans la catégorie d'un impôt national à taux unique (3,5%), assis sur la valeur ajoutée.

FINANCEMENT DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

Exemple d'application du nouveau mécanisme

Soit une entreprise ayant un seul établissement. Les bases d'imposition de l'établissement au titre de l'année 2007 s'établissent à 1.000.000 euros. On suppose par ailleurs que 3,5% de la valeur ajoutée s'élèvent à 150.000 euros.

Taux 2004

Taux 2007

Cotisation 2007 (en euros)

Commune

10%

11%

1.000.000 x 11 % = 110.000

Département

6%

5%

1.000.000 x 5 % = 50.000

Région

2%

3%

1.000.000 x 3 % = 30.000

TOTAL

190.000

L'entreprise peut demander un dégrèvement au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée de : 190.000 - 150.000 = 40.000 euros.

· Calcul de la part du dégrèvement pris en charge par l'État

Taux de référence

Cotisation de référence (en euros)

Commune

10%

1.000.000 x 10% = 100.000

Département

5%

1.000.000 x 5% = 50.000

Région

2%

1.000.000 x 2% = 20.000

TOTAL

170.000

La part du dégrèvement de la taxe professionnelle au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée pris en charge par l'État est de : 170.000 - 150.000 = 20.000 euros

· Calcul de la part du dégrèvement pris en charge par les collectivités territoriales

Commune

1.000.000 x (11% - 10%) = 10.000 euros

Département

-

Région

1.000.000 x (3% - 2%) = 10.000 euros

TOTAL

20.000 euros

Source : Présentation du projet de loi de finances pour 2006, sur le site du MINEFI.

Le dispositif ne sera applicable qu'à partir de 2007. Les dégrèvements correspondants n'apparaissent donc pas dans la mission Remboursements et dégrèvements pour 2006. Le mécanisme actuel de plafonnement, qui bénéficie à 150.000 entreprises par an, devrait avoisiner en 2006 un coût de 5,65 milliards d'euros, soit un montant proche de ceux des deux années précédentes.

2.- La pérennisation des dégrèvements pour investissements nouveaux

L'année 2006 sera la première année d'application complète du dégrèvement pour investissements nouveaux. La montée en charge du dispositif concourt à expliquer l'augmentation substantielle des dégrèvements de taxe professionnelle, qui passent de 7,184 milliards d'euros en 2005 à 9,3 milliards d'euros pour 2006.

Le projet de loi de finances pour 2006 propose de pérenniser ce dégrèvement en en modifiant les caractéristiques : si l'article 67 est adopté dans sa rédaction actuelle, les biens ouvrant droit à l'amortissement dégressif ouvriront également droit à un dégrèvement total de taxe professionnelle la première année, à un dégrèvement des deux tiers l'année suivante et d'un tiers la troisième année.

L'État financera ainsi de manière permanente un allègement de la fiscalité des entreprises, pour un coût estimé de 1,8 milliards d'euros par an.

a) Le dispositif institué par la loi du 9 août 2004

L'article 11 de la loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement du 9 août 2004 a mis en place le dispositif actuel de dégrèvement de taxe professionnelle pour investissements nouveaux. Peuvent en bénéficier toutes les entreprises imposées à la taxe professionnelle sur la base de leurs équipements et biens mobiliers, quelle que soit leur forme juridique : sociétés commerciales, entrepreneurs individuels, association ou personnes publiques se livrant à des activités lucratives, etc.

Le dégrèvement porte sur les cotisations dues au titre des équipements et biens mobiliers, relevant, au moment de leur création ou acquisition entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005, du champ de l'amortissement dégressif. Le dégrèvement concerne notamment les biens d'équipements et outillages, les biens informatiques ainsi que les investissements hôteliers. Les acquisitions de biens d'occasion ou de véhicules de tourisme sont en revanche exclues du bénéfice du dispositif.

b) Une prorogation bienvenue

Le dispositif actuel et le dispositif projeté sont très proches dans leur champ (biens éligibles à l'amortissement dégressif) comme dans leurs modalités (mode de calcul, neutralité pour les collectivités territoriales). Ils différent cependant sur deux points :

- le dégrèvement pour investissements nouveaux est désormais pérennisé : les investissements éligibles au dégrèvement ne sont plus bornés dans le temps ;

- le dégrèvement pour investissements nouveaux est aménagé pour éviter les phénomènes de ressaut : aujourd'hui, il s'applique à 100 % sur deux ans, puis les biens rentrent brutalement dans la base d'imposition.

Tout en étant aussi attractif sur le plan financier, le nouveau dispositif serait plus progressif. Les biens seront dégrevés à 100 % la première année, 66 % la deuxième année et 33 % la troisième.

II.- JUSTICE SOCIALE ET STIMULATION ÉCONOMIQUE,
DEUX EXPLICATIONS AUX DÉCAISSEMENTS

Il faut des signaux simples pour les agents économiques, pour les salariés comme pour les entreprises. C'est à ce prix que la décision gouvernementale stimule la confiance et que les mesures prises font sentir le plus rapidement leur effet dans le cadre des mécanismes de marché. Grâce au relais de l'administration fiscale, l'impulsion gouvernementale se diffuse dans la vie économique, en se retrouvant intégrée dans les anticipations des acteurs. À cet égard, la mesure phare du projet de loi de finances pour 2006 restera sans aucun doute le doublement et la mensualisation de la prime pour l'emploi.

À l'instar de la prime, les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux peuvent être envisagés eux aussi comme des instruments de soutien aux ménages et aux entreprises. Dans cette perspective, les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements permettent de dresser un inventaire des soutiens existants.

A.- LE SOUTIEN AUX MÉNAGES

La prime pour l'emploi est le dispositif le plus connu de soutien au retour à l'emploi. Elle n'est pourtant pas le seul mécanisme fiscal qui concourt à améliorer les gains associés à la reprise d'un travail. D'autres ont en revanche plutôt pour fin de soulager les contribuables en difficulté, sans qu'il soit toujours possible de distinguer entre les intentions poursuivies.

1.- La prime pour l'emploi, incitation au travail

Comme son nom l'indique, la prime pour l'emploi est un instrument de soutien délibéré au retour à l'emploi. Inscrite comme action n° 1 du programme 200 Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, elle représente en 2006 des remboursements d'un montant de 1,989 milliards d'euros.

La prime pour l'emploi ne constitue pas au demeurant le seul mécanisme fiscal d'incitation à l'emploi. Certains crédits de l'action n° 2 du même programme 200 servent à honorer les crédits d'impôts accordés aux jeunes gens exerçant une activité salariée dans un métier connaissant des difficultés de recrutement (article 200 decies du CGI). La Direction du budget n'a cependant pas fourni de ventilation convaincante des crédits de cette action composite. Les crédits d'impôts accordés aux jeunes gens exerçant une activité salariée dans un métier connaissant des difficultés de recrutement sont en tout état de cause de dimension largement inférieure au dispositif de la prime pour l'emploi.

a) Un mécanisme visible seulement en partie dans la mission

Les crédits inscrits dans la mission représentent la plus grande partie, mais non la totalité, de l'effort budgétaire consenti par l'État au titre de la prime pour l'emploi. L'État fournit en effet cet effort de deux manières : d'une part, il sacrifie une rentrée d'argent, en diminuant l'impôt à payer par les bénéficiaires de la prime qui restent tout de même contribuables au titre de l'impôt sur le revenu ; d'autre part, il opère un versement positif en faveur des bénéficiaires qui ne paient pas, ou n'ont plus à payer, d'impôt sur le revenu.

Ce n'est donc que 78 % du coût total du crédit d'impôt qui est visible dans l'action n° 1 du programme Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État. Pour les 22 % restants, la prime pour l'emploi absorbe en effet l'impôt dû. Les remboursements inscrits à ce titre dans la mission ne constituent donc, pour ainsi dire, que la partie émergée de l'iceberg.

b) Un renforcement pour 2006

Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit de revaloriser la prime pour l'emploi et d'en mensualiser le versement.

_ Le dispositif actuel

Le coût de la prime pour l'emploi, en 2004, s'est élevé à environ 2,5 milliards d'euros, dont 0,34 milliard d'euros au titre des majorations forfaitaires pour enfant à charge et conjoint inactif. Sur les 8,7 millions de foyers fiscaux bénéficiaires de la prime, 69 % sont situés dans la première moitié de la distribution des revenus, comme l'indique le tableau suivant :

RÉPARTITION DU NOMBRE DE FOYERS FISCAUX BÉNÉFICIAIRES DE LA PRIME
POUR L'EMPLOI EN 2004, PAR DÉCILE DE REVENU FISCAL DE RÉFÉRENCE
PAR UNITÉ DE CONSOMMATION

Déciles

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Total

En milliers

133

1.123

1.541

1.494

1.683

1.528

770

386

40

-

8.697

En % du total des bénéficiaires

1,5%

12,9%

17,7%

17,2%

19,4%

17,6%

8,9%

4,4%

0,5%

0,0%

100,0%

Lecture : le cinquième décile comporte 1.528.000 foyers fiscaux bénéficiaires de la prime, soit 19,4 % du total des foyers bénéficiaires.

Note : un décile représente 3,4 millions de foyers fiscaux environ.

Source : Échantillon de 500.000 déclarations de revenus relatives à l'année 2003 (DGI) ; calculs : DGTPE.

Pour les seuls foyers bénéficiaires, la prime pour l'emploi moyenne s'établissait à 283 euros en 2004. Sur les cinq premiers déciles se concentrent à la fois la proportion la plus élevée de foyers bénéficiaires et le montant moyen de prime pour l'emploi par foyer bénéficiaire le plus fort.

PRIME POUR L'EMPLOI MOYENNE (EN EUROS), EN 2004, POUR LES SEULS FOYERS FISCAUX BÉNÉFICIAIRES, PAR DÉCILE DE REVENU FISCAL DE RÉFÉRENCE
PAR UNITÉ DE CONSOMMATION

Déciles

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Total

PPE moyenne

347

328

307

307

307

239

221

250

224

-

283

Lecture : sur les seuls foyers fiscaux bénéficiaires de la PPE du cinquième décile, le montant moyen de PPE s'est élevé à 307 euros en 2004.

Source : Échantillon de déclarations de revenus 2003 (DGI) ; calculs : DGTPE.

_ L'évolution envisagée dans le projet de loi de finances pour 2006 : une prime pour l'emploi revalorisée et mensualisée

Afin de renforcer l'incitation à la reprise d'un emploi, le Gouvernement a décidé de revaloriser la prime pour l'emploi. Pour un salarié à temps plein au Smic, la prime pour l'emploi, qui s'élevait à 538 euros, passera à 714 euros en 2006, et à 809 euros l'année suivante, soit 50% d'augmentation. Pour une personne à mi-temps, cette progression est encore plus spectaculaire : sur deux ans, elle passera de 390 euros à 748 euros.

Par ailleurs, pour améliorer sa visibilité, la prime pour l'emploi sera mensualisée dès le début de l'année 2006, avec ajustement en septembre pour ceux qui la perçoivent déjà. Pour ceux qui reprennent un emploi, un acompte sera versé à l'issue des quatre mois suivant la reprise d'emploi ; la prime sera mensualisée ensuite.

Au total, cette réforme devrait représenter un effort supplémentaire pour l'État d'un milliard d'euros sur deux ans : 500 millions d'euros en 2006, 500 millions d'euros supplémentaires en 2007.

c) L'impact socio-économique attendu

La prime pour l'emploi tire son impact psychologique de sa nature de crédit d'impôt, manifeste dans les tableaux de la mission Remboursements et dégrèvements. Sur un marché de l'emploi encore trop souvent morose, le déclic favorable doit venir de ce que le chômeur qui trouve un travail prend conscience de ce que la collectivité lui en sera reconnaissante et qu'elle devient en un certain sens redevable envers lui. Comment cela peut-il mieux se matérialiser qu'en rendant le Trésor public débiteur à son égard ?

Alternant emplois précaires et périodes de chômage, certains Français actifs se trouvent en pratique aux marges du monde de travail. Le renforcement du dispositif de prime pour l'emploi a précisément pour fin de les hisser au-dessus de la trappe de pauvreté qui menace trop souvent de se refermer sur eux. Il faut donc saluer le renforcement du dispositif comme une initiative heureuse, aussi conforme à la justice sociale qu'aux impératifs de l'efficacité économique.

2.- La taxe d'habitation

Les dégrèvements accordés sur la taxe d'habitation coûteront 2,8 milliards d'euros à l'État en 2006. L'essentiel du coût supporté est dû au plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu (2196 millions d'euros). Le dégrèvement d'office total prononcé au profit des titulaires du Rmi, des personnes de condition modeste et des gestionnaires de foyer rend compte de l'usage des 274 millions d'euros restants.

a) Un palmarès des départements vertueux ?

Il serait tentant d'établir un palmarès des départements où les collectivités sont les plus vertueuses et font le moins appel aux contribuables. Se fonder pour cela sur la faiblesse des dégrèvements d'habitation opérés par le Trésor public serait pourtant erroné. Car elle peut tout aussi bien tenir à la relative aisance des contribuables concernés. Sous ces réserves, le tableau suivant fournit cependant des indications dignes d'intérêt. Il décrit la ventilation par département des dégrèvements de taxe d'habitation.

DÉGRÈVEMENTS 2004

(en milliers d'euros)

graphique

b) Un impact socio-économique positif

Les dispositifs de dégrèvements de taxe d'habitation peuvent s'évaluer de deux manières : l'analyse de leurs effets redistributifs suppose d'appréhender la répartition du coût des dégrèvements par décile de revenu ; l'analyse de leur efficacité économique permet, par exemple, de mesurer la manière dont ils gauchissent l'offre de travail des actifs.

Des études réalisées pour préparer la réforme des dégrèvements de taxe d'habitation mise en œuvre par la loi de finances rectificative pour 2000 ont fourni les indications suivantes.

Sur le plan de la redistribution, la réforme a permis de réduire sensiblement la dégressivité de la taxe d'habitation au début de la distribution des revenus. Dans l'ensemble, en effet, la taxe d'habitation présentait un profil globalement proportionnel au revenu. Toutefois, elle se traduisait, pour les 10% de redevables aux revenus les plus faibles, par un niveau relatif de taxe d'habitation après dégrèvements supérieur à la moyenne de la population. La loi de finances rectificative pour 2000 a corrigé cette situation en abaissant significativement le niveau relatif de taxe d'habitation acquitté par les contribuables les moins aisés.

Sur le plan de l'efficacité, la réforme des dégrèvements a permis de lisser les effets de seuil que créait le précédent système de dégrèvements à l'entrée sur le marché du travail. En particulier, la sortie du dispositif du RMI, qui entraînait la perte du bénéfice du dégrèvement d'office, se traduisait par un choc important sur la cotisation de taxe d'habitation. Le dispositif de 2000 supprime donc les distorsions qui pesaient sur l'offre de travail des actifs les moins qualifiés. Plus généreux que le mécanisme précédent, il concourt aussi à améliorer les gains associés à la reprise d'un emploi.

3.- Les taxes foncières

Les 540 millions d'euros de crédits consacrés aux dégrèvements de taxe foncière correspondent pour 490 millions d'euros à des transferts aux ménages.

Le tableau suivant présente les dégrèvements de taxes foncières opérés de 2000 à 2004, ainsi que les estimations de remboursements actuellement retenues pour 2005 et 2006, selon le fondement de la décision. Y figurent également les dégrèvements en matière de taxe foncière destinés à rectifier une erreur ou qui font suite à une procédure contentieuse non directement liée à un des dispositifs énumérés.

graphique

Les dégrèvements détaillés dans ce tableau sont les suivants :

Dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés non bâties

- dégrèvement en cas de pertes de récoltes sur pied par suite de grêle, gelée, inondation, incendie ou autres évènements extraordinaires. Ce dégrèvement est proportionnel à l'importance des pertes subies (article 1398 du code général des impôts) ;

- dégrèvement accordé aux « jeunes agriculteurs » (article 1647-00 bis du CGI), qui se sont installés à compter du 1er janvier 1995 et sont bénéficiaires de la dotation d'installation ou des prêts à moyen terme spéciaux.

Dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties  en faveur des personnes âgées et de condition modeste (article 1391 B du CGI)

Pour les impositions établies à compter de 2002, les redevables qui sont âgés de plus de 65 ans et de moins de 75 ans au 1er janvier de l'année d'imposition bénéficient d'un dégrèvement d'office de 100 euros de la taxe foncière afférente à leur habitation principale s'ils occupent cette habitation dans les conditions prévues à l'article 1390 du code général des impôts.

Il faut noter que le dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour pertes de récoltes est accordé au propriétaire, débiteur légal de l'impôt. Ce dernier, précisent les documents budgétaires, « devra en faire bénéficier le fermier par ristourne ou réduction du fermage ». Rien ne permet cependant de s'assurer qu'il respecte la marche à suivre.

B.- LE SOUTIEN AUX ENTREPRISES

L'essentiel de l'effort que l'État a engagé au profit de la compétitivité des entreprises porte, depuis plusieurs années, sur la taxe professionnelle, l'année 2005 ne faisant pas exception à cette règle. Mais les impôts d'État sont eux aussi concernés : le crédit d'impôt recherche renforcé par le projet de loi de finances pour 2006 s'impute notamment sur l'impôt sur les sociétés.

1.- La ventilation des différents dégrèvements de taxe professionnelle

Le dégrèvement pour investissements nouveaux bientôt pérennisé espérons-le par la loi de finances pour 2006 n'est que le dernier-né d'une longue suite de dégrèvements visant à soutenir l'activité dans certains secteurs ou à stimuler l'effort privé en faveur de la recherche-développement.

Le tableau suivant présente les montants des différents dégrèvements de taxe professionnelle de 2000 à 2004, leur poids par rapport aux émissions de l'année (rôles généraux) ainsi que les estimations (y compris le crédit d'impôt accordé aux entreprises implantées dans des zones d'emploi en grandes difficultés, créé par l'article 24 de la loi de finances pour 2005) actuellement retenues pour 2005.

graphique

Source : Direction générale des impôts.

2.- Le crédit d'impôt-recherche, imputable sur l'impôt sur les sociétés

Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, le Gouvernement français s'est engagé, aux côtés des autres gouvernements européens, à porter à 3% du PIB de l'Union européenne l'effort d'investissement en faveur de la recherche-développement qui doit lui permettre de devenir un espace de référence en matière d'économie de la connaissance.

Cet effort ne saurait être réalisé tout entier par des organismes publics. Le crédit d'impôt recherche vise donc à inciter les entreprises à investir dans la connaissance. Le projet de loi de finances pour 2006 propose de le renforcer, en rendant notamment plus attractif l'emploi de jeunes chercheurs (4).

a) La situation actuelle

Le crédit d'impôt recherche, plafonné annuellement à 8 millions d'euros, est imputable sur l'impôt sur le revenu ou sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche ont été exposées.

L'excédent de crédit d'impôt non imputé constitue une créance sur l'État d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivantes. La fraction non utilisée à l'issue de cette période est remboursée. Toutefois, la créance constatée au titre de l'année de création et des deux années suivantes est immédiatement remboursable aux entreprises qui remplissent notamment certaines conditions tenant à la composition de leur capital.

b) La situation nouvelle

Afin d'encourager davantage l'effort de recherche des entreprises, le Gouvernement projette d'améliorer de manière significative le crédit d'impôt :

- en augmentant de trois à cinq ans de la durée de la période au cours de laquelle les entreprises nouvellement créées peuvent bénéficier de la restitution immédiate du crédit d'impôt ;

- en encourageant l'emploi de jeunes docteurs, grâce à la prise en compte, pour le double de leur montant, des frais de personnel et de fonctionnement qui leur sont consacrés ;

- en prenant mieux en compte les dépenses de sous-traitance ;

- en augmentant de 5 % à 10 % du taux de la part en volume et en diminuant corrélativement de 45 % à 40 % du taux de la part en accroissement (hors crédit d'impôt collection) ;

- en augmentant le plafond des frais de défense des brevets (de 60.000 euros à 120.000 euros) ;

- en prenant en compte les frais de défense des dessins et modèles pour les entreprises du secteur textile-habillement-cuir, dans la limite de 60.000 euros.

Les trois premières modifications s'appliqueraient aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2005 ; les autres modifications seraient applicables aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2006.

Dans sa présentation du projet de loi de finances pour 2006, la Direction du budget propose quelques exemples d'application du nouveau dispositif.

EXEMPLE 1 :
DOUBLEMENT DE LA PART EN VOLUME

Une entreprise réalise en 2006 des dépenses de recherche (frais de personnel et dotations aux amortissements) pour un montant de 50 millions d'euros.

Elle bénéficiera d'un crédit d'impôt de 5 millions d'euros selon le nouveau mode de calcul, au lieu de 2,5 millions d'euros selon l'ancien mode.

EXEMPLE 2 :
DOUBLEMENT DES DÉPENSES RELATIVES AUX JEUNES DOCTEURS

Une entreprise engage en 2005 un jeune docteur auquel elle verse une rémunération de 50.000 euros par an.

Le montant des dépenses relatives à ce jeune docteur qui entreront dans l'assiette du crédit d'impôt recherche s'élèvera, selon les nouvelles dispositions, à 200.000 euros (soit 50.000 euros x 2 au titre des dépenses de personnel et 50.000 euros x 2 au titre des frais de fonctionnement).

Avec les dispositions actuelles, ce jeune docteur serait pris en compte dans l'assiette du crédit d'impôt pour un montant de 100.000 euros (soit 50.000 euros au titre de la rémunération et 50.000 euros au titre des frais de fonctionnement).

Selon le ministère de l'économie, le coût du doublement du taux de la part en volume s'élèverait à 200 millions d'euros. Quant au coût des autres mesures contenues dans le nouveau dispositif, il a été chiffré à 40 millions d'euros.

*

* *

Les solutions retenues pour le budget 2006 ne sont pas définitives et pourront être revues d'ici l'an prochain. En analysant le fond de la distinction entre crédits évaluatifs et crédits limitatifs, il apparaît que les choix qui ont inspiré la présentation actuelle ne vont pas de soi. Les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements sont rassemblés sur une base conceptuelle qui est moins ferme qu'il ne semble de prime abord.

Mais le découpage arrêté pour 2006 obscurcit surtout la dynamique profonde qui est à l'œuvre dans les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements. Votre Rapporteur spécial s'est efforcé d'en faire ressortir les lignes de force. Un remaniement apparaît cependant nécessaire pour que le projet de loi de finances lui-même permette au Parlement de se prononcer à meilleur escient sur les crédits qui correspondent à de vraies politiques fiscales, par opposition à ceux qui traduisent seulement le fonctionnement mécanique du recouvrement.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 9 novembre 2005, la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a examiné, sur le rapport de votre Rapporteur spécial, les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Votre Rapporteur spécial a souligné que la mission « Remboursements et dégrèvements » constitue une entité exceptionnelle, puisqu'elle ne concerne pas un champ d'action particulier des politiques publiques, mais l'addition brute des décaissements consentis par l'État en faveur des contribuables, ménages ou entreprises, et des collectivités locales.

Le volume de la mission est très important : 68,4 milliards d'euros. Il comprend à la fois des décaissements de type purement mécanique, comme les remboursements de TVA aux entreprises exportatrices, et des décaissements qui procèdent d'une volonté délibérée, animant une politique publique identifiable, comme le versement de la prime pour l'emploi, pour la part qui ne vient pas en déduction de l'impôt dû. Un lien existe ainsi entre certains décaissements et les dépenses fiscales présentées dans les autres missions. Car les dépenses fiscales ne représentent pas seulement de moindres recettes, mais conduisent aussi parfois à des sorties de fonds effectives pour le Trésor public.

La mission se découpe en deux programmes : « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » et « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux ». Le rapport spécial retient cependant une autre summa divisio, qui a paru aller au fond de la réalité des choses, en séparant d'un côté les décaissements automatiques qui ne peuvent qu'être constatés, et d'un autre côté, les décaissements volontaristes qui appellent des réflexions sur les politiques publiques auxquelles ils correspondent.

Il faut noter que la mission ne comporte pas de crédits de personnel, bien que ces décaissements engendrent une activité administrative considérable, puisque chaque décaissement manuel -ils restent nombreux- suppose une écriture. La présentation actuelle ne donne pas les moyens de mesurer cette activité, ni de savoir à combien d'équivalents temps plein elle peut correspondre.

Le gestionnaire des programmes a fixé des indicateurs qui ne peuvent, par conséquent, être tout à fait satisfaisants. Ils mesurent seulement le délai de réponse de l'administration des impôts à l'usager destinataire du remboursement, par exemple à l'entreprise destinataire d'un remboursement de TVA. Ces indicateurs permettent seulement d'apprécier une efficacité brute. Ils ont aussi pour faiblesse de ne pas prendre en considération le stock des demandes en souffrance.

Les décaissements quasi-automatiques recouvrent principalement les remboursements de TVA, qui sont estimés à près de 37 milliards d'euros pour 2006. Plus de 900.000 actes de décaissement sont effectués à ce titre en 2005. Les contacts noués avec la Direction générale des impôts laissent penser que les prévisions sont plutôt fiables. L'impôt sur les sociétés donne également lieu à des décaissements importants. Ils correspondent pour l'essentiel aux remboursements de trop perçu. Il faut enfin mentionner les remboursements de taxe intérieure sur les produits pétroliers.

L'autre grande catégorie de décaissements comprend en premier lieu les exonérations d'impôts locaux : taxe d'habitation, taxes foncières, taxe professionnelle. Elles reviennent en effet très souvent à la charge de l'État. La Commission des Finances a eu l'occasion de se pencher sur ces questions lorsqu'elle a examiné la première partie du projet de loi de finances. La réforme de la taxe professionnelle ne manquera pas, au demeurant, de retentir sur les masses de crédits actuellement présentés dans la mission. Le rapport spécial fait également le point sur les dégrèvements de taxes foncières et de taxe d'habitation.

Les crédits inscrits dans la mission livrent enfin un aperçu des diverses formes de soutien aux entreprises. Les deux principaux dispositifs de dégrèvements de taxe professionnelle sont le dégrèvement pour investissements nouveaux, mesure qui devrait être pérennisée par la loi de finances pour 2006, et les crédits d'impôt recherche. Ces dégrèvements entraînent en effet des décaissements lorsque les entreprises concernées ne réalisent pas de bénéfice. En effet, elles n'ont pas à s'acquitter dans ce cas de l'impôt sur les sociétés, de sorte qu'il est impossible d'imputer le dégrèvement sur une cotisation inexistante. Dans ces conditions, le dégrèvement prend la forme d'un chèque du Trésor public rédigé à l'ordre de la société.

En conclusion, il faut se demander si le découpage de la mission respecte vraiment la philosophie de la loi organique. Il serait sans doute possible d'imaginer que certains des crédits qui s'y trouvent inscrits soient rattachés l'an prochain aux missions auxquelles ils correspondent effectivement, par exemple les missions « Relations avec les collectivités territoriales », « Solidarité et intégration » ou « Développement et régulation économiques ». Le poste des remboursements et dégrèvements ne regrouperait plus que les remboursements qui traduisent le fonctionnement mécanique du recouvrement.

Le Parlement pourrait ainsi se livrer à un examen plus rationnel des autres missions, tandis que ce poste ne requerrait plus d'analyse particulière.

M. Louis Giscard d'Estaing a souhaité savoir quelle différence le Rapporteur spécial entendait établir entre les dégrèvements manuels et les dégrèvements automatiques.

Votre Rapporteur spécial a répondu que cette distinction faisait référence au mode de traitement des dégrèvements : un dégrèvement automatique est celui qui ne nécessite aucune opération supplémentaire pour l'administration fiscale. On pourrait également utiliser le terme « mécanique ».

M. Jean-Yves Cousin a interrogé le Rapporteur spécial sur la notion de cotisation de référence de taxe professionnelle et sur les modalités d'application du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée de l'entreprise. On peut difficilement parler en l'espèce d'impôt national à taux unique.

Votre Rapporteur spécial est convenu qu'une convergence à très long terme des modalités d'application du plafonnement était envisageable, même s'il ne s'agissait pas du but recherché.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a précisé que le plafonnement à la valeur ajoutée jouait pour l'ensemble des entreprises, mais que les bases locatives des établissements restaient localisées. De ce fait, d'importants écarts subsistent d'une commune à l'autre, et les mouvements de taux opérés par les collectivités ne se traduisent pas toujours par une récompense pour les plus vertueuses d'entre elles.

M. Charles de Courson a regretté que le rapport spécial n'aborde pas le sujet de la classification des mesures de remboursements et dégrèvements en dépenses ou en prélèvements sur recettes. Nombre de prélèvements sur recettes donnent une fausse impression de maîtrise des dépenses.

Votre Rapporteur spécial a admis la pertinence de cette critique. Mais il est des cas où la frontière est difficile à tracer : par exemple comment traiter une remise d'impôts qui solde un contentieux avec un contribuable, ou bien la conséquence d'une reprise sur provisions ?

M. Charles de Courson a ajouté que certains dégrèvements posent problème dans la mesure où ils interviennent à un taux stabilisé, fixé une année une fois pour toutes.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a acquiescé, précisant que seul le dégrèvement de taxe d'habitation pour les allocataires du RMI était calculé chaque année.

M. Charles de Courson a poursuivi en remarquant que la plupart des dégrèvements sont plafonnés à taux stabilisé. Ce sont donc de faux dégrèvements. Par exemple, le plafonnement du loyer en fonction du revenu du contribuable doit être classé comme une dépense du budget de l'État.

Votre Rapporteur spécial a réitéré sa proposition consistant à réintégrer les dépenses dans les budgets correspondants, comme la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ou la mission « Développement et régulation économiques ».

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a émis le souhait que puisse être présentée chaque année la somme de tous les prélèvements sur recettes et de tous les dégrèvements de fiscalité locale qui pourraient être considérés comme des dépenses.

Votre Rapporteur spécial a indiqué que son rapport contenait une réflexion sur le sujet, la formalisation d'un amendement étant rendue délicate à ce stade par l'absence de données chiffrées.

M. Charles de Courson a souhaité qu'un rapport soit commandé sur cette question.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a estimé que l'application d'une règle stricte de stabilité des dépenses budgétaires encourage une présentation en moindres dépenses, source de confusion. L'indexation automatique des concours aux collectivités territoriales représente chaque année 1 milliard d'euros supplémentaires.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que les crédits regroupés dans la mission « Remboursements et dégrèvements » représentent un volume considérable, facteur de déresponsabilisation des élus locaux. Il faut être conscient de l'évolution très dynamique des dégrèvements de taxe d'habitation et de taxes foncières depuis 10 ans. Cette vérité doit être martelée ; le débat démocratique l'impose.

M. Charles de Courson a cité l'exemple d'un contribuable sortant du dispositif du RMI pour reprendre un emploi, qui avait vu sa taxe d'habitation augmenter de 70 %, à cause de l'absence de lissage des effets du plafonnement de cet impôt.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué qu'il souhaitait donner toute la publicité nécessaire aux travaux de M. Yves Fréville sur l'évolution de la taxe d'habitation, ainsi qu'à l'augmentation continue, le plus souvent sur initiative parlementaire, des dégrèvements d'impôts locaux.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souhaité l'organisation d'un débat annuel sur ce sujet. Il faudrait également, lorsqu'une commune se voit notifier sa D.G.F., qu'elle soit pleinement informée de la part que prennent le contribuable local et le contribuable national dans son paiement.

Le Président Pierre Méhaignerie a ajouté que la substitution croissante de l'État au contribuable local joue contre la péréquation entre collectivités.

M. Charles de Courson a jugé que les documents transmis chaque année aux élus par l'administration fiscale devraient indiquer clairement la part prise par l'État dans la fiscalité locale.

Le Président Pierre Méhaignerie a regretté que les élus locaux ignorent les taux d'exonération dont bénéficient leurs administrés.

M. Richard Mallié a estimé que, même informés, les élus ont tout intérêt à se taire.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a relevé que les mécanismes d'exonération de la taxe d'habitation, prenant pour base de référence une année donnée, conduisent à des montants d'imposition parfois extrêmement faibles. Les cas particuliers surabondent.

Votre Rapporteur spécial, répétant sa proposition de ventilation, à terme, des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » dans des missions « opérationnelles », a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

M. Charles de Courson a indiqué que le groupe UDF voterait contre leur adoption, compte tenu des masses financières ainsi amalgamées.

La Commission a adopté, sur proposition de votre Rapporteur spécial, les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » et vous demande de les adopter.

ANNEXE

Liste des personnes entendues par votre Rapporteur spécial

Votre Rapporteur spécial tient à exprimer de nouveau ses vifs remerciements aux personnes qu'il a rencontrées et qui lui ont fourni les éléments nécessaires à la préparation de ce rapport.

- M. Jonathan BOSREDON, Chef du bureau M2 (DGI) au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- M. Vincent MAZAURIC, Chef du service de l'application (DGI) au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- M. Bruno PARENT, Directeur général des impôts (DGI) au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, responsable des programmes de la mission Remboursements et dégrèvements.

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N° 2568-28 - Rapport de M. Jean-Jacques Descamps au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540), Annexe n° 28 : Remboursements et dégrèvements (M. Jean-Jacques Descamps)

1 () Des dispositifs de performance encourageants mais perfectibles, Rapport d'information n° 2161 sur la mise en œuvre de la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, mars 2005, p. 223. La remarque vaut naturellement en tout premier lieu pour les réclamations contentieuses.

2 () L'exécution des lois de finances pour l'année 2004, Cour des comptes, juin 2005, p. 102.

3 () LGDJ, Bouvier, Esclassan, Lassale, Finances publiques, Paris 2004, p. 239.

4 () Cf. Rapport général n° 2568 (tome 2) de M. Gilles Carrez, octobre 2005, p. 210 sqq.


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