PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2006

Réunion de la commission des finances,
de l'économie générale et du Plan

(en formation élargie)

compte rendu intégral

Séance du mercredi 9 novembre 2005

 

sommaire

Sécurité sanitaire

Présidence de M. Pierre Méhaignerie

M.  Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Richard Mallié, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Mme    Geneviève Gaillard,

M.        Claude Leteurtre,

Mme    Jacqueline Fraysse,

M.        Jean-Pierre Door.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, réunie en formation élargie.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.

M. Michel Cadot, directeur du cabinet de M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

MM. François Dosé, Antoine Herth, Richard Mallié, Mme Catherine Génisson, MM. Claude Birraux, Jean-Marie Le Guen, Jean Gaubert.

M. le président.

M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Michel Cadot, directeur du cabinet de M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.


présidence de M. Pierre Méhaignerie,

président de la commission des finances,
                  de l’économie générale et du Plan

 

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La réunion de la commission élargie est ouverte.

(La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente-cinq.)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, doit bientôt nous rejoindre. Je vous propose, mes chers collègues, de commencer dès à présent nos travaux, qu’il serait souhaitable de ne pas prolonger au-delà de midi, heure à laquelle doit se réunir la commission des finances.

Je salue la présence, à mes côtés, de M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Nous n’insisterons jamais assez sur l’intérêt que présentent les commissions élargies, puisqu’elles permettent à plusieurs commissions de travailler ensemble. C’est le cas ce matin des commissions des finances, des affaires économiques et des affaires sociales pour le budget de la sécurité sanitaire.

Nous entendrons d’abord M. Richard Mallié, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier souhaitera peut-être ajouter quelques mots…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Je me réjouis de la réunion de la commission élargie consacrée à l’examen des crédits pour 2006 de la mission « Sécurité sanitaire », dans lesquels sont compris ceux du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ». C’est en effet l’un des avantages de la LOLF que de nous permettre de traiter de manière spécifique des problèmes majeurs tels que celui de la qualité sanitaire.

Je salue la présence M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. M. Bussereau, ministre de l’agriculture et de la pêche, regrette de ne pouvoir être parmi nous ce matin, car il a été retenu à Bruxelles. Son directeur de cabinet, ici présent, répondra à vos questions.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Nous allons d’abord entendre les rapporteurs.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je tiens à rappeler à chaque orateur que son temps de parole est compté.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. La parole est à M. Richard Mallié, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Richard Mallié, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Je ferai deux remarques préliminaires.

Premièrement, grâce à la LOLF, la mission « Sécurité sanitaire » est de nature réellement interministérielle, ce qui lui permet de couvrir l’ensemble des crédits affectés à son domaine. En revanche, le fait que la mission ne comprenne pas les crédits de personnels pose un réel problème, que je tiens à souligner. Certes, le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » inclut le personnel de la direction départementale des services vétérinaires – ce qui présente un avantage – mais non les personnels de l’administration centrale du ministère de l’agriculture.

Secondement, le fait que les deux ministères concernés – l’agriculture et la santé – n’ait aucune vision globale de la mission « Sécurité sanitaire » est à déplorer. Contrairement à l’esprit de la LOLF, ils ont répondu aux questions que nous leur avions posées sur le budget de la mission sans s’être concertés, un des deux ministères ayant d’ailleurs mis un certain temps à nous répondre, quand l’autre l’a fait plus rapidement.

J’ai, en conséquence, deux questions à poser à M. le ministre de la santé et à M. le directeur de cabinet du ministre de l’agriculture.

Première question : les dépenses de personnel, y compris celles du personnel de l’administration centrale du ministère de l’agriculture, seront-elles intégrées à la mission ? À mon sens, elles ont vocation à l’être.

Seconde question : quand les deux ministères partageront-ils une vision globale de la mission « Sécurité sanitaire » ?

En ce qui concerne le programme « Veille et sécurité sanitaires », je note le renforcement des moyens des agences sanitaires – ce point me paraît important –, grâce à la création de dix-sept équivalents temps plein travaillé – EPTT – : deux à l’AFSSAPS, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, trois à l’INVS, l’Institut de veille sanitaire, et douze à l’Agence de biomédecine, l’ABM. De plus, en dépit de la baisse des crédits affectés, les moyens financiers des agences sont maintenus, puisqu’on a fait appel aux fonds de réserve. Ces agences n’ont pas vocation, en effet, à constituer un bas de laine.

Je noterai encore le renforcement des capacités d’expertise de l’État dans le domaine de la santé au travail, par la transformation de l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale en Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET. Par ailleurs, le budget du dispositif de gestion des alertes sanitaires dispose de près de 8 millions d’euros d’autorisations d’engagement mais voit ses crédits de paiement baisser de 90 000 euros, en raison de la non-reconduction des crédits au fonds d’urgence instauré par l’article 18 de la loi relative à la politique de santé publique, qui bénéficiera du report des crédits non utilisés en 2005.

En outre, l’assurance maladie finance une part de la préparation des plans de réponse aux menaces sanitaires graves, à hauteur de 175 millions d’euros, dont 146 millions seront consacrés à l’application du plan gouvernemental de prévention et de lutte contre le risque de pandémie grippale d’origine aviaire. Il convient de noter la nomination d’un délégué interministériel à la grippe aviaire, M. Didier Houssin, directeur général de la santé.

Le Gouvernement, en vue de renforcer le dispositif d’alerte sanitaire, a élargi les missions de l’InVS dans le cadre de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Le système de télétransmission électronique des certificats de décès à l’INSERM se développe, ce qui est un point positif, et la DGS, la direction générale de la santé,  a créé en son sein un département des situations d’urgence sanitaire. Le plan « Canicule 2005 » illustre ce renforcement des plans de réponse aux alertes sanitaires.

Quant à l’augmentation de la taxe pour l’AFSSAPS, j’y viendrai lorsque j’évoquerai un amendement relatif à cette question.

En ce qui concerne la sécurité alimentaire, nous pouvons noter une hausse de près de 10 % des moyens consacrés à la lutte contre les maladies animales, puisque les autorisations d’engagement s’élèvent à 90,42 millions d’euros et les crédits de paiement à 99,71 millions d’euros.

Ceci permettra d’assurer la poursuite des actions de surveillance et d’évaluation des risques, de l’élaboration des plans d’urgence contre les épizooties majeures et de l’établissement des bilans sanitaires annuels des cheptels.

Je note ensuite une augmentation de 13,2 %, soit presque 20 millions d’euros, des moyens octroyés aux services vétérinaires pour assurer l’inspection et le contrôle sanitaire de la chaîne alimentaire. L’accent est mis sur les salmonelles en élevage et la gestion des alertes.

Je relève par ailleurs une augmentation de 6 % des crédits consacrés à l’élimination des stocks de farines animales. Il s’agit en fait d’une mise à niveau des autorisations d’engagement répondant aux encours antérieurs de l’ordre de 110 millions d’euros. De nouveaux contrats ont été signés pour 55 millions d’euros.

J’observe que la redéfinition du périmètre du service public de l’équarrissage permet aux opérateurs de passer des contrats directement avec les équarrisseurs pour l’élimination des déchets d’abattoir. Cette réforme permet de baisser le taux de la taxe d’abattage et donc, à terme, le coût de cette activité, tandis que la dotation de l’État en la matière augmente de presque 30 %, pour atteindre 44 millions d’euros.

Les dépenses de personnels, pour leur part, ne varient que très peu par rapport à 2005, de l’ordre de moins de 1 %o, soit 5 équivalents temps plein travaillés, rapportés aux 5 218 ETPT représentant l’ensemble des personnels des directions départementales des services vétérinaires, à l’exclusion des personnels d’administration centrale. Les dépenses de personnels s’élèvent à près de 239 millions d’euros pour 2006.

Pour finir, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, à propos des bouchers participant au service public de l’équarrissage, touchant une aide de 1 000 euros pour la collecte et l’élimination des matériaux à risques spécifiés, les MRS, les os de la colonne vertébrale des animaux équarris étant surtout concernés. Au mois de juin dernier, ces bouchers avaient proposé de réaliser une expérimentation dans six sites. Le ministère de la santé leur a donné son accord et l’expérimentation a commencé le 1er novembre. Or, dans le même temps, le ministère envisage de supprimer cette aide de 1 000 euros à partir du 1er janvier. Je constate donc un manque de cohérence entre la mise en œuvre tardive de l’expérimentation, le fait de ne pas en attendre les résultats et la suppression de l’aide de 1 000 euros pour l’élimination des MRS.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je vous félicite pour votre concision, monsieur Mallié.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. L’exercice auquel nous nous livrons se révèle intéressant et innovant, tant parce qu’il s’agit du contrôle des agences sanitaires, renforcé par les critères de la LOLF, que parce que la sécurité sanitaire est une prérogative régalienne depuis que l’État et la société existent. Ce travail de contrôle permet de réfléchir sur la modernisation et sur l’efficacité de l’État. Il est toutefois peut-être encore prématuré par rapport à une nécessaire vision prospective.

Il convient, en effet, de poursuivre une réflexion amorcée par Jean-François Mattei à propos du périmètre de ces agences et donc de leur efficacité. Nous avons mis en place, ces dernières années, un certain nombre de structures, à mon avis parfaitement justifiées et dont l’éclosion au cas par cas était sans doute nécessaire. Or, nous devons aujourd’hui réfléchir à une restructuration de ces agences afin de renforcer leur efficacité, leurs moyens, dans une perspective de cohérence politique. À cet égard, je ne suis pas certain que les dernières décisions relatives à la redéfinition du périmètre de ces agences soient très opportunes.

Sur le plan financier, les fonds de roulement ont été mobilisés pour financer ces agences, ce que nous pouvons considérer comme procédant d’une bonne gestion de l’argent public. Mais nous pouvons aussi nous interroger sur cette utilisation d’expédients alors que nous devrons bien recourir dans les prochaines années à de véritables moyens budgétaires, tant il est vrai que nous n’imaginons pas « baisser la garde », bien au contraire.

Le quasi-néophyte que je suis sur les questions alimentaires et sur celles relevant du ministère de l’agriculture, trouve la République bonne fille de prévoir 406 millions d’euros pour financer le retraitement de farines animales dans la fabrication desquelles elle entre pour peu de chose. Les industriels concernés, eux, semblent donc exonérés de leur responsabilité financière. C’est un point sur lequel je souhaite obtenir des précisions.

J’en viens maintenant au sujet qui a retenu plus particulièrement mon attention : le risque de pandémie grippale liée à l’épizootie de grippe aviaire, sur lequel j’ai travaillé dès le printemps. La prise de conscience générale qui a eu lieu cet été a amené le Parlement à mettre en place une mission d’information. Une partie de mon travail a été intégrée, d’une certaine manière, à celui de la mission, et étant donné l’importance qualitative et quantitative du sujet, je n’ai pas la prétention dans mon rapport de donner des conclusions définitives quant au dispositif de préparation au risque de l’épizootie de grippe aviaire. Le Gouvernement devrait prochainement communiquer sur le plan de préparation de lutte contre la pandémie, plan que la mission devra étudier attentivement.

Quelques remarques s’imposent. Nous avons tous noté l’importance significative des crédits ouverts en la matière par le PLFSS de 2005 et celui de 2006, à hauteur de plus de 300 millions d’euros au total. L’importance de ce geste a d’ailleurs justifié un débat au sein de la commission des affaires sociales de l’Assemblée. Nous nous sommes en effet interrogés sur le fait de savoir s’il était légitime que les crédits de l’assurance maladie financent une politique de sécurité sanitaire. Bien que la commission en ait refusé le principe dans un premier temps, elle a fini par l’accepter au nom du lien fort existant entre soin et prévention.

Je souhaite néanmoins, dans mon rapport, que l’État prenne le très ferme engagement de consacrer essentiellement ces moyens aux dispositifs médicaux et, éventuellement, aux études, aux recherches, à tout ce qui touche la recherche-développement. En effet, ces moyens ne doivent en aucun cas se substituer aux crédits de fonctionnement des agences et des administrations décentralisées, comme cela a pu être observé lors de la mise en œuvre du plan Biotox en 2002 et 2003. Nous devrons, à l’avenir, jouer notre rôle de contrôle parlementaire, la vigilance étant de mise puisqu’il vaut mieux prévenir que guérir et veiller à ce que les crédits abondants de l’assurance maladie ne se substituent pas à ceux que doit normalement mobiliser l’État.

Enfin, monsieur le ministre, vous êtes intervenu pour nous dire qu’il y aurait un complément de financement sur le budget de l’État de 177 millions d’euros, sans nous donner les éléments qui vous permettent d’inscrire cette somme. Mais vous allez probablement nous dire ce qu’il en est à propos de ce montant non négligeable.

Or, et nous en parlerons à propos du plan pré-pandémique, nous allons vraisemblablement devoir poursuivre nos achats de matériel médical, dans la mesure où, dans le cadre d’une pandémie grippale, on devra passer, notamment dans l’emploi des antiviraux, d’une logique de traitement à une logique prophylactique à destination des professions particulièrement exposées. Nous devrons donc sans doute augmenter d’une façon significative les stocks disponibles afin de protéger à la fois les personnes fragiles et les personnes exposées.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Je vous exprime mon admiration, monsieur Le Guen, pour avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Je vais devoir me montrer aussi rigoureux en ce qui concerne le temps qui m’est imparti que mes collègues et, pour éviter toute redondance, je tâcherai de focaliser mon attention sur deux ou trois points.

D’abord – information que vous trouverez dans mon rapport –, j’ai essentiellement concentré mes investigations sur la sécurité alimentaire et en particulier sur son organisation en France. Le bilan est globalement satisfaisant, même si l’on ne doit pas baisser la garde, comme l’ont montré les événements survenus dernièrement dans le Sud-Ouest. Nous devons donc rester vigilants et ne pas limiter les moyens d’intervention.

Par ailleurs, une organisation européenne digne de ce nom serait nécessaire. Certes, l’Office alimentaire et vétérinaire, l’OAV, fait avancer les choses, mais nous sommes confrontés à un certain nombre de paradoxes.

Par exemple, certains importateurs français citent les points d’accès permettant l’introduction de produits peu sûrs en Europe, alors que, dans le même temps, l’OAV relève des manques en France. On peut expliquer sans doute ce constat grâce au travail de contrôle systématique sur la production réalisé par les autorités françaises dans un certain nombre de secteurs, et grâce au travail de renseignement, qu’il faut bien appeler de dénonciation, qui n’est apparemment pas aussi bien mené dans tous les pays et qui pourtant permet de détecter directement certains problèmes. Pour parler clairement : plus on cherche, plus on trouve, et moins on cherche, moins on trouve.

Un vrai travail d’harmonisation européenne s’impose donc et il faudra que nous en assumions la conséquence : à partir du moment où existera un vrai protocole européen, aujourd’hui en préparation, nous devrons le respecter.

Je vais vous citer un exemple, même s’il n’est pas directement lié à la santé : la réglementation des produits « bio », différente en France de la réglementation européenne. Ainsi peut-on trouver sur notre marché des produits « bio » provenant d’autres pays européens – je ne parle pas des dix qui viennent de nous rejoindre, mais de ceux constituant l’Europe historique, si j’ose dire, celle d’avant 2004. Ces produits ne correspondent pas à nos critères et nous n’aurions pas pu les produire. Reste qu’ils se trouvent sur nos marchés et qu’on ne peut pas les interdire puisqu’ils respectent les protocoles européens.

À partir du moment où l’on milite pour une harmonisation européenne, il faut en conséquence appliquer la réglementation de l’Union sans en rajouter ni en retrancher.

S’agissant de l’AFSSA, à laquelle je me suis intéressé dans mon rapport, je voudrais répondre à M. Mallié : si, dans certaines agences, on peut encore considérer qu’il est possible de vivre sur les réserves – encore que ce soit, selon moi, de mauvaise politique –, ce n’est pas le cas de l’AFSSA. Celle-ci a déjà complété ses dotations annuelles depuis 2002 en puisant dans les réserves accumulées. La directrice générale, que j’ai rencontrée, m’a clairement indiqué que c’était maintenant la réserve prudentielle qui était entamée. On ne peut donc plus envisager ce type de fonctionnement pour 2006. L’Agence est très souvent saisie, et même « sursaisie », tant elle sert parfois à se débarrasser de la « patate chaude » quand on ne sait pas quoi faire : lui demander un avis est une manière de se donner du temps. Sur certains sujets, c’est légitime, mais ça l’est moins sur d’autres : j’en ai inventorié quelques-uns sur lesquels on peut se poser des questions. Au total, comme aucune création de poste n’est prévue, la dotation de l’AFSSA, en l’état, ne lui permettra pas d’assumer ses responsabilités, même en année normale – car on peut imaginer que, si, par malheur, une pandémie survenait, des moyens conjoncturels seraient débloqués.

J’en viens maintenant aux crédits. Si, dans cette période de rigueur, on ne peut que se féliciter de l’augmentation de 7 % annoncée, on constate toutefois, dès que l’on rentre dans les détails, que les choses ne sont pas si simples. En effet, l’essentiel de l’augmentation concerne l’action n° 06, laquelle regroupe principalement les moyens humains, notamment ceux des DDSV. Il s’agit surtout, à ma connaissance, d’augmentations de salaire consenties au personnel dans le cadre d’un protocole en cours de développement, et de quelques renforcements en personnel ici et là.

Le reste de l’augmentation concerne l’action n° 05, qui vise à l’élimination des farines animales. On sait fort bien que ces farines sont stockées dans des hangars et que cela coûte cher aux contribuables, tout en rapportant beaucoup à ceux qui louent les hangars : ceux-là ne sont pas très pressés de les voir se vider ! Les crédits prévus serviront à diminuer les stocks. C’est une bonne mesure, mais il faut observer que cette opération ponctuelle entre dans les 7 % d’augmentation générale. Ce que nous payons là est la résorption des erreurs du passé, et non la politique dynamique dont nous avons besoin pour l’avenir.

Je ne reviens pas sur l’action n° 04 : les crédits de l’AFSSA, je l’ai dit, ne sont pas satisfaisants.

Concernant l’action n° 02, qui porte sur la lutte contre les maladies animales et sur la protection des animaux, il ne faut pas, comme l’a fait M. Mallié, comparer les autorisations d’engagement avec les crédits de paiement. Si l’on compare les crédits de paiement de 2005 avec ceux qui sont prévus pour 2006, on constate que l’on passe d’environ 104 millions d’euros à 99 millions. Or, dans ce domaine, la distinction entre autorisations d’engagement et crédits de paiement n’est pas très nette, dans la mesure où les actions sont généralement prévues à l’année : en matière d’appui aux groupements de défense sanitaire, aux réseaux d’épidémiosurveillance, etc., ce sont quasiment des subventions de fonctionnement que l’on accorde. Comme je l’ai dit, la vraie évolution est donc traduite par la comparaison entre les crédits de paiement de 2005 et de 2006, et la baisse constatée me semble assez dangereuse, tant la surveillance des maladies animales est importante pour la sécurité sanitaire de nos concitoyens.

Ce projet de budget, satisfaisant de prime abord, soulève quelques doutes quand on entre dans le détail. Il ne faudrait pas que s’y ajoutent des gels budgétaires qui, dans le cas particulier de la mission concernée, exposeraient la santé de nos concitoyens à de graves dangers.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je précise, monsieur le rapporteur pour avis, que la commission n’a pas partagé vos doutes et qu’elle s’est prononcée favorablement. (Sourires.)

Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes, puis le ministre répondra globalement. Nous passerons ensuite aux questions.

Pour le groupe socialiste, la parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Avec les crises successives que nous traversons depuis un certain temps, la sécurité sanitaire constitue une préoccupation très forte de nos concitoyens. Pour y répondre, nous avons créé en 1998 en dans les années qui ont suivi de nombreux outils pour évaluer les risques : l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’Institut de veille sanitaire, l’Établissement français du sang et l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale.

Ce projet de budget est divisé en deux programmes : le programme de veille et de sécurité sanitaires et le programme de sécurité et de qualité sanitaires de l’alimentation, dotés respectivement de 104 et 538 millions d’euros en crédits de paiement pour 2006, soit 642 millions au total. Malgré la légère augmentation de 7 %, certaines carences se font jour, qu’il s’agisse des risques de pandémie de grippe aviaire, dont a parlé M. Jean-Marie Le Guen, ou de la question des contrôles évoquée par M. Gaubert.

En ce qui concerne l’AFSSA, outil important qui a fait l’objet de plusieurs audits, notamment l’année dernière, je me demande si la limitation de ses crédits lui permettra de jouer pleinement son rôle. J’aimerais donc que les ministères concernés – celui de la santé et celui de l’agriculture, en particulier – nous fassent connaître dans le détail le résultat des audits pratiqués ainsi que les suites données aux recommandations portant sur l’expertise phytosanitaire et la création d’un comité de suivi. Pouvez-vous aussi nous rassurer, monsieur le ministre, sur la question de l’augmentation des personnels d’expertise ? Il manquerait 400 000 euros pour que l’Agence fonctionne correctement : nous devons abonder cette somme rapidement ! Il serait également bon que les avis de cet organisme soient moins abscons : moi-même, qui ai pourtant travaillé quelque temps dans ce domaine, j’ai parfois du mal à m’y retrouver !

S’agissant du problème des farines animales stockées – qui n’épargne pas mon département des Deux-Sèvres –, que prévoit-on pour 2006 et pour les années suivantes ? Un certain nombre de projets pour l’élimination de ces farines semblent au point mort. Qui va les financer ? Est-il vraiment nécessaire que ce soit la collectivité publique qui paie pour les choix économiques du passé ?

Quant à l’AFSSE, qui a connu bien des difficultés à sa naissance, on ne sait trop comment elle fonctionne. Son champ d’action a été étendu à la sécurité du travail. J’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous en disiez plus afin que nous ayons une vision globale des missions qui lui sont confiées. L’importance des problèmes d’environnement nous a conduits, l’année dernière, à voter une charte de l’environnement qui a inclus le principe de précaution dans la Constitution. Il serait donc souhaitable que cet organisme, dont l’existence est pleinement justifiée, fonctionne de façon plus claire et que ses attributions soient élargies.

Pour revenir sur les contrôles aux frontières, les services de la DGCCRF font ce qu’ils peuvent mais leurs effectifs sont peu nombreux – je le sais pour avoir travaillé avec eux sur certaines missions. Cela peut devenir préoccupant, car il s’agit de l’entrée de produits alimentaires, voire d’animaux vivants, sur notre territoire. Que compte faire le Gouvernement ?

Un mot également sur les services vétérinaires, qui jouent un rôle essentiel sur tout le territoire en matière de sécurité alimentaire et sanitaire. Ils sont les premiers, sur le terrain, à pouvoir anticiper les crises et à assurer la veille sanitaire. Ce n’est pas en réduisant le nombre de postes qu’on les aidera à accomplir leur mission ! J’aimerais donc connaître les intentions du Gouvernement.

Enfin, pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, qui s’occupe dans notre pays de l’expertise sur les rayonnements ionisants en matière alimentaire ? Nous sommes, semble-t-il, particulièrement mauvais sur ce sujet et il est indispensable de progresser, notamment pour éviter tout problème futur avec l’Union européenne.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Claude Leteurtre. Monsieur le ministre, vous exercez décidément un métier bien difficile. Vous l’exercez bien, assurément, mais j’avoue que l’empilement des agences, des comités, et toute cette technicité souvent absconse, comme l’a relevé Mme Gaillard, me plongent dans la perplexité. Où est réellement l’aide à la décision ? Ne serait-il pas plus efficace de mener une vraie politique avec un chef de file bien identifié, sous l’autorité d’un seul ministre ? Vraiment, il est difficile de prendre une décision lorsque chacun, dans son coin, cherche à se cacher derrière le principe de précaution ! À cette notion, qui est un peu la tarte à la crème, je préfère d’ailleurs celle de risque évitable, qui est mieux adaptée à l’exercice d’une responsabilité.

Une telle conception vous fournit-elle vraiment suffisamment d’éléments techniques pour prendre la décision juste ?

Comme beaucoup ici, j’ai fait partie de la commission sur la canicule, qui a permis de relever des dysfonctionnements majeurs de l’INVS. Non seulement, l’Institut n’avait pas fait les bons choix en matière d’objectifs de santé publique, mais les CIR ne s’étaient pas mis en route. Au mois d’août, l’État était aux abonnés absents. La responsabilité est donc collective. Là encore, l’efficacité ne commanderait-elle pas d’avoir une vraie coordination assurée par un réseau central bien identifié en termes de santé publique ?

Je dis cela parce que je trouve que l’importance médiatique qui a été donnée au problème des farines animales a créé une psychose disproportionnée par rapport à leur toxicité. Aujourd’hui, on ne sait pas comment les détruire et leur stockage assure de confortables revenus à certains. Quel gaspillage ! Cet argent serait mieux utilisé ailleurs.

Avec la naïveté du béotien, monsieur le ministre, j’ai envie de vous demander si toutes ces agences ne contribuent pas à accroître la complexité plus qu’à résoudre les problèmes.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Jacqueline Fraysse. Je tiens à saluer d’emblée les points positifs de ce projet de budget : d’abord, la hausse sensible des crédits en faveur de la sécurité sanitaire à tous les stades de la chaîne agroalimentaire ; ensuite, la création de deux nouvelles agences : l’ANIV, qui était prévue dans le cadre de la loi d’orientation agricole, et l’AFSSET, dont le volet santé au travail répond à une revendication très ancienne de mon groupe. Améliorer la prévention et la réparation, mieux coordonner les différentes institutions existantes dans le domaine du travail, faciliter la circulation et la diffusion des connaissances en matière de santé au travail, le rôle de l’agence en ces matières sera déterminant. Je souhaiterais toutefois obtenir quelques précisions sur l’articulation de cette agence avec les institutions existantes, sur son rôle exact et sa composition. La représentation des personnels, et plus généralement du monde du travail,  y aura-t-elle sa place ?

Nous sommes préoccupés de constater que, dans le même temps, le nombre de places ouvertes à la formation des médecins du travail diminue de 60 unités ; de 73 en 2004, il tombe à 13 seulement en 2005. Voilà qui est paradoxal avec la création d’une agence dont le but est d’améliorer la santé au travail ! Pourquoi une telle mesure, qui paraît contradictoire avec les préoccupations positives dont témoigne la création de l’AFSSET ?

Par ailleurs, s’il nous paraît légitime que l’assurance maladie participe aux actions de prévention, sa contribution ne doit pas être disproportionnée par rapport à celle de l’État. Elle financera 176 millions en 2005 et 175 millions en 2006, soit 371 millions. La moitié du budget ! L’État doit intervenir de façon plus équilibrée, d’autant qu’avec la grippe aviaire les besoins vont augmenter. À cet égard, je souhaite connaître les moyens exacts  qu’il va mobiliser sur ses propres crédits. Est-il prévu d’aider les éleveurs si un abattage se révélait nécessaire ? Les aviculteurs bénéficieront-ils d’aides au cas où des opérations de vaccination préventive seraient décidées ? Si les crédits destinés à lutter contre les risques inhérents à la production végétale et les risques liés aux denrées animales augmentent, en revanche, les crédits en faveur des soins résultant des maladies animales et pour la protection des animaux diminuent. Il ne faut pas oublier que les risques liés à la grippe aviaire pèsent, pour l’instant en tout cas, avant tout sur les animaux. Les crédits alloués à cet égard me paraissent donc insuffisants. Je trouve cela préoccupant.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Le présent projet de budget confirme que la sécurité sanitaire est pour la majorité et le Gouvernement une priorité. Le passé est trop riche en enseignements pour que nous fassions l’impasse sur ce sujet, qui doit être pris en compte dans les orientations à prendre pour l’avenir. Je pense que le projet de budget répond à cette priorité.

Le rapporteur pour avis Jean-Marie Le Guen a souhaité que nos six agences fonctionnent selon une meilleure organisation. Soit, mais selon quel schéma ? Aucun ne semble satisfaisant aux diverses instances – offices parlementaires d’évaluation des choix scientifiques, Sénat et Cour des comptes – qui ont rendu un rapport à ce sujet. Pour l’heure, ces six agences existent et paraissent donner toute satisfaction.

M. Le Guen a eu raison d’insister particulièrement sur la grippe aviaire, car c’est un sujet qui nous interpelle tous. La mission d’information spécialement créée devra travailler en parallèle avec les instances gouvernementales et le ministre Xavier Bertrand.

S’agissant des farines animales, j’ai, moi aussi, des lieux de stockage dans ma circonscription. Leur élimination étant un sujet d’interrogation  pour les populations et pour les élus, je constate avec une grande satisfaction que les crédits augmentent de 15 %. Ce déstockage devra s’opérer très rapidement, car le problème remonte déjà à plusieurs années et la vue des silos est toujours aussi désagréable.

La succession des risques – sida, hépatite C, SRAS, bioterrorisme, H5N1 – doit nous alerter sur le fait que l’aléa existe toujours, malgré les progrès considérables accomplis sous l’impulsion de l’Institut national de veille sanitaire. Dans le cadre de mon rapport sur le risque épidémique, j’ai pu constater sur le terrain que la mise en œuvre locale des dispositifs élaborés au plan national se heurte au manque de moyens des DDASS, donc des collectivités locales. Il serait donc utile de revoir les moyens permettant la bonne déclinaison de ces mesures nationales à l’échelle locale.

Enfin, je ne peux pas passer sous silence, même s’il ne figure pas dans le projet, le rôle majeur de l’Institut Pasteur. Il ne faudrait pas que la dynamique extrêmement forte dont il est porteur soit cassée par le programme d’investissements lourds qu’il va être contraint d’engager dans les prochaines années. L’Institut est privé pour les deux tiers et public pour un tiers, ce qui peut justifier les appels qu’il a lancés au ministère de l’économie et des finances et à celui de la recherche, ainsi que la subvention allouée par l’Institut national de veille sanitaire. Il faut, monsieur le ministre, sauvegarder ce joyau national de la recherche sur les maladies infectieuses.

En conclusion, le projet de budget apporte toute satisfaction en prévoyant des augmentations parfaitement bien ciblées. Nous le soutiendrons.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, réunie en formation élargie. Même si, comme le disait M. Leteurtre, l’ensemble de nos dispositifs gagnerait à être mieux organisé, le système français de sécurité sanitaire est quand même l’un des plus développés et des plus efficaces en Europe. Cela dit, je suis d’accord avec l’idée qu’il doit être plus lisible. Par exemple, les laboratoires publics départementaux ont tendance à éliminer les laboratoires privés et l’on déplore quelquefois la tentation d’une superposition de structures.

Mais je m’interroge plus particulièrement, monsieur le directeur de cabinet du ministre de l’agriculture, sur les farines animales, dont le traitement mobilise une masse financière très importante : 405 millions d’euros. Où en est-on sur le plan scientifique et où en sont les autres pays en matière de réinsertion des farines animales ? Enfin, qui, des assujettis à la TACA, la taxe d’abattage, ou des agriculteurs, supporte le coût financier ? On ne s’y retrouve pas !

Jusqu’à présent, la France avait le meilleur système au monde de traçabilité en matière de production animale. D’ailleurs, nos entreprises industrielles occupent 70 % de ce marché. Le passage au système électronique de traçabilité risque de nous faire perdre notre position dominante si nous ne lançons pas des expériences dès maintenant.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.  La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités, que je remercie d’être aussi présent devant l’Assemblée nationale, notamment devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui le sollicite très souvent, et jamais en vain.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Mesdames, messieurs les députés, tout en restant dans un cadre horaire raisonnable, je voudrais essayer d’être exhaustif, si tant est que cela soit possible.

L’émergence de nouveaux risques sanitaires autant qu’une demande sociale renforcée en matière de protection de la santé collective nous conduisent à mener une action plus résolue encore en matière de veille et de sécurité sanitaire. C’est en tenant compte de ce contexte que je vous présente les grandes lignes de ce programme, placé sous ma responsabilité et celle de Dominique Bussereau, au sein de la mission « Sécurité sanitaire ».

Les 104 millions d’euros qui dotent cette mission en 2006 nous permettront de promouvoir une vigilance accrue en matière de sécurité sanitaire, ainsi qu’une véritable évolution à la fois des consciences et des pratiques. J’aurai l’occasion d’y revenir.

Pour répondre à ces objectifs, le programme s’appuie sur la constitution de systèmes réactifs de veille, de surveillance, d’alerte et d’expertise, sur l’amélioration de l’état des connaissances sur les risques, sur le renforcement de notre capacité à répondre aux urgences et, enfin, sur le développement d’une culture partagée du risque sanitaire.

Nous avons besoin pour cela d’une expertise fiable et indépendante. Mais j’ai bien conscience que la responsabilité politique ne se délègue pas. Nous avons besoin du regard des experts et celui-ci doit provenir de différentes agences car le risque est diffus. Mais, ensuite, la décision relève de la responsabilité politique et celle-ci ne peut à aucun moment ni se transmettre ni se déléguer. Cela vaut pour tous les ministères, mais encore plus pour celui-ci.

Il n’y a rien aujourd’hui qui complique la tâche, bien au contraire. Mais, comme nous devons faire face à des risques divers et qui ont profondément évolué, nous avons besoin de plus de données scientifiques.

Nous mettons en place tous les outils nécessaires pour faire face aux défis et aux risques sanitaires, au premier rang desquels la grippe aviaire. Elle a été évoquée à plusieurs reprises, notamment par M. Mallié.

Je souhaite préciser que le regroupement des dépenses de personnel sur un seul programme est un choix pragmatique : il est en effet difficile, voire impossible, de ventiler les personnels des DDASS et des DRASS entre les huit programmes. Comme je l’ai déjà indiqué, c’est également le pragmatisme qui a guidé nos pas dans le cadre de la mission « Santé ». Je précise aussi que la mission « Sécurité sanitaire » a pour objet de mobiliser les personnels de l’Agriculture et de la Santé sur les dossiers comme celui de la grippe aviaire.

Nous augmentons nos efforts d’expertise et de surveillance des risques sanitaires dans des domaines aussi divers que les médicaments, les greffes ou l’environnement.

En 2006, 77 millions d’euros sont plus particulièrement alloués à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments – l’AFSSA –, à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé – l’AFSSAPS –, à l’Agence de biomédecine, à l’Agence française de sécurité sanitaire environnementale et du travail – l’AFSSET –, à l’Institut national de veille sanitaire – l’INVS – et à l’Établissement français du sang – l’EFS. Leurs moyens ne diminuent pas pour autant.

Je sais que certains, comme M. Le Guen, demandent à ce que nous allions plus loin dans notre réflexion sur l’architecture de ce système d’expertise. Il est vrai que le phénomène de création et de développement de nouveaux organismes au fil des années nous conduit à porter nos regards sur l’état des connaissances dont nous disposons aujourd’hui, afin d’avoir une vision prospective. Cette dernière n’est pas du ressort du seul ministère de la santé. Je puis vous dire qu’avec Dominique Bussereau et, dans d’autres domaines, Nelly Olin et Gérard Larcher, nous travaillons, ainsi que nos cabinets et nos ministères respectifs, à la détermination de la meilleure architecte possible.

La complexité est souvent synonyme d’éparpillement et de gestion perfectible. Mais il n’y a aucune fatalité à cela. La synergie des moyens peut nous permettre aussi d’être plus efficaces ensemble. C’est pourquoi nous avons veillé à ne pas multiplier davantage les agences. Ainsi, l’Agence de biomédecine rassemble des compétences plus larges que l’Établissement français des greffes et l’AFFSSET réunit deux champs qui sont liés : la santé et l’environnement, et la santé au travail. Nous sommes donc bien là dans une logique de cohérence. Je précise à ce sujet à M. Leteurtre que le principal vecteur de cohérence est le contrat d’objectifs et de moyens avec chaque agence : il nous permet en effet de bien préciser ce que nous attendons à chaque fois et de vérifier si les résultats espérés sont bien au rendez-vous.

Sur le plan financier, je confirme à la suite de M. Gaubert que les moyens des agences sont renforcés en 2006, notamment du fait d’une plus grande mobilisation de leurs ressources propres, produits des taxes et fonds de roulement. Le ministère de la santé maintient son effort propre en leur faveur, et d’autres ministères participent désormais à leur financement.

Parmi les mesures prises en leur faveur, on peut noter que dix-huit postes supplémentaires leur sont attribués. Ces efforts budgétaires témoignent de notre conscience de l’absolue nécessité, comme l’a souligné M. Gaubert, de bénéficier d’une expertise à la fois indépendante et rigoureuse.

La confiance que nous faisons aux agences doit s’accompagner de la mise en œuvre d’un pilotage efficace de leur action. M. Le Guen en a parlé. M. Mallié s’est interrogé sur l’articulation entre services et agences. Nous mettons en place des instruments de pilotage stratégique, comme les contrats d’objectifs et de moyens, qui seront généralisés à toutes les agences sans exception, ce qui permettra une coordination optimale

Ce PLF doit aussi nous permettre de renforcer l’expertise et la validation dans le domaine du médicament. C’est un point important, qui, je le sais, intéresse tout particulièrement les parlementaires.

Vous connaissez les missions de l’AFSSAPS, mais il en est une sur laquelle je voudrais insister : l’évaluation du rapport entre les bénéfices attendus d’un nouveau médicament et les risques thérapeutiques encourus par le patient. Il n’est pas normal, en effet, que des patients attendent trop longtemps l’arrivée d’innovations thérapeutiques qui pourraient contribuer à leur guérison. C’est la raison pour laquelle le PLF fixe des objectifs en matière de délais de traitement des demandes d’AMM, qui devraient passer de 190 jours en 2005 à 160 en 2006, puis 100 en 2008.

En aval, l’AFSSAPS mène des actions de contrôle dans les laboratoires. En 2003, par exemple, elle a effectué plus de 70 inspections sur site. Elle est également en charge des actions de pharmacovigilance pour analyser les possibles effets secondaires d’un médicament déjà mis sur le marché. C’est un sujet qui mobilise un grand nombre d’acteurs et d’observateurs dans le monde. Nous veillons également en France à ce que la sécurité des patients soit assurée le mieux possible.

L’expertise en matière de biomédecine doit nous permettre de réaliser d’importants progrès, notamment dans la sécurité des greffes.

La montée en charge de l’Agence de la biomédecine, issue de l’EFG, se poursuit. Son rôle est conforté par l’attribution de douze nouveaux postes en 2006.

Cette agence porte aussi une nouvelle conception de l’utilisation qui peut être faite des organes et des tissus : sa création est liée au développement des règles de bioéthique dans les domaines du prélèvement et de la greffe d’organes, de tissus et de cellules, ainsi que dans ceux de la procréation, de l’embryologie et de la génétique humaine. Les nouveaux moyens qui lui sont affectés lui permettront d’améliorer ces objectifs en matière de nombre de greffes réalisées par rapport aux greffes en attente, tout en réduisant ces délais.

Nous sommes conscients de l’ampleur des efforts à réaliser dans ce domaine, et sommes résolus à les accomplir. Vous avez ouvert la voie, mesdames, messieurs les députés, en adoptant la loi de bioéthique et je suis particulièrement soucieux de concilier exigences éthiques et progrès de la recherche.

L’importance de la surveillance sanitaire en matière d’environnement et de travail se trouve réaffirmée avec la mise en œuvre du programme national « Santé et environnement » : le PNSE.

Contenu dans la loi relative à la politique de santé publique adoptée le 9 août 2004, le PNSE voit sa dotation de 22 millions d’euros reconduite. Il vise à réduire les atteintes à la santé de nos concitoyens causées par leur environnement mais aussi par leurs conditions de travail. L’ordonnance du 1er septembre 2005 a créé une compétence d’expertise publique en santé au travail, placée au sein de l’AFSSET. Pour répondre à la question de Mme Fraysse, je précise que cette agence remplit plusieurs rôles : elle soutient la mise en œuvre du PNSE ; elle étudie et prévient les risques liés à l’usage de substances chimiques, de fibres minérales artificielles remplaçant l’amiante, ainsi que les risques comme ceux de la légionelle dans les tours aéroréfrigérantes ; elle s’intéresse particulièrement aux environnements de travail dangereux pour prévenir les risques. La santé au travail constitue un de nos objectifs prioritaires. J’indique que, bien que l’AFSSET ait des champs de compétences plus élargis que l’AFSSE, le personnel continuera à être représenté et à s’exprimer comme au sein de l’AFSSE.

Je sais que certains d’entre vous, comme M. Mallié, sont très sensibles aux questions de prévention des risques environnementaux. Le ministère de la santé mène un certain nombre de contrôles de l’environnement pour améliorer la santé collective. Je pense en premier lieu au contrôle de l’eau potable, qui a reposé en 2004 sur 286 000 prélèvements d’échantillons. Mais il s’agit aussi des contrôles qui permettent de prévenir les intoxications au monoxyde de carbone ou de lutter contre le saturnisme. J’indique à M. Mallié, car je sais que c’est pour lui un sujet important, que, concernant le monoxyde de carbone, différentes campagnes de promotion réalisées avec l’INPES – l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé – sont en cours.

Ces menaces, ne l’oublions pas, concernent plus particulièrement les populations les plus précaires. C’est aussi pourquoi nous devons faire preuve d’une vigilance supplémentaire.

Le programme qui est présenté permet aussi de mettre en place des procédures et des outils plus performants pour gérer les urgences, les situations exceptionnelles et les crises sanitaires majeures.

Pour cela, nous développons un certain nombre de plans afin d’anticiper ces situations.

Au-delà de l’exercice « intéressant et innovant », pour reprendre – une fois n’est pas coutume – les termes employés par M. Jean-Marie Le Guen, que constitue ce programme, nous avons l’occasion de ne pas chercher seulement à réagir au mieux quand une crise se produit mais à essayer de l’anticiper au maximum. Je répondrai à M. Leteurtre et à M. Méhaignerie que le principe de précaution conduit de fait à l’anticipation puisqu’il impose d’envisager les choses très en amont. C’est un processus essentiel dans l’ensemble des sociétés occidentales. Les pays développés confrontés à des crises nous montrent aussi les voies à emprunter. Celle de l’anticipation est à approfondir.

En 2004, nous avons développé le plan Canicule et le plan Pandémie grippale. Nous mettons également en place des plans pour lutter contre le bioterrorisme, dont le plan Variole, et contre le SRAS, les inondations, les pannes d’électricité et le grand froid. Ils ont vocation à faciliter – afin de les réaliser plus rapidement possible – la mobilisation des organismes concernés et la mise en œuvre de toutes les actions pertinentes pour répondre aux situations d’urgence.

Pour cela, il est nécessaire de réaliser des exercices, comme ceux qui se sont déroulés cette année pour la variole, ou pour la grippe aviaire les 3 et 4 novembre derniers dans un département que connaît bien M. le président de la commission des finances.

C’est pourquoi nous avons souhaité mettre en place un indicateur concernant le pourcentage de plans sur lesquels il y a eu un retour d’expérience ou un exercice au cours des trois dernières années. Notre objectif est de passer de 50 % en 2005 à 66 % en 2006, et 100 % en 2008.

Parallèlement, nous menons une action de long terme pour pouvoir répondre aux situations exceptionnelles avec des traitements et du matériel adaptés. Depuis 2001, ce sont plus de 350 millions d’euros qui ont été consacrés aux stocks de précaution à des fins de protection de santé. Ainsi, 72 millions de vaccins contre la variole sont en stock.

L’INVS, vous l’avez dit, joue un rôle prépondérant dans ces cas exceptionnels, en permettant une alerte rapide, une analyse rigoureuse des risques, et donc une réponse appropriée.

À chaque fois qu’une situation nous conduit à nous poser des questions, je demande un retour d’expérience et l’évaluation la plus fine possible.

Si, pour les cas de suspicion de la grippe aviaire à La Réunion, j’ai décidé de rendre les informations publiques, c’est parce que, pour la première fois, les cas avaient été considérés comme positifs sur place. J’ai ensuite demandé à l’INVS et à un membre de la Délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire de me dire, à partir d’éléments recueillis sur place, comment les choses s’étaient passées et pourquoi il existait un décalage entre les premiers résultats sur place et les résultats définitifs du laboratoire national de référence infirmant les premiers et levant la suspicion de grippe aviaire.

Je considère que nous devons tirer le maximum d’enseignements de tous les cas pratiques, et cela vaut pour tous les acteurs de la chaîne en action sur les risques sanitaires.

Vous avez été nombreux à avoir poser des questions sur la grippe aviaire, notamment M. Jean-Pierre Door. Nous avons la responsabilité de mettre en œuvre toutes les mesures depuis l’information et la prévention jusqu’à l’organisation des soins éventuels, pour faire face à une pandémie qui pourrait toucher entre 9 et 21 millions de Français, selon l’INVS.

Mme Jacqueline Fraysse et M. Jean-Marie Le Guen m’ont interrogé sur les moyens mis en œuvre. Les moyens affectés sont considérables : 177 millions d'euros sont déjà mis à disposition du fonds Biotox par un décret d’avance. Je l’ai dit lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale : ces sommes seront bien gérées par le ministère du budget. S’y ajouteront 176 millions de crédits dégagés par l'assurance maladie en 2005 au titre d'un fond de concours doté, en 2006, de 175 millions d'euros.

Les résultats de cette mobilisation humaine et financière sont là. À la fin de l’année, 14 millions de traitements antiviraux seront disponibles et 10 millions supplémentaires ont déjà été commandés – le contrat est aujourd’hui à la signature. Nous sommes en pourparlers avec un autre laboratoire pour aller au-delà, en termes d’antiviraux disponibles, pour la population française. L’OMS indique que la France est l'un des pays les mieux préparés d'Europe, peut-être même sur le plan international. Le Président de la République a indiqué qu’il ne devait y avoir aucun obstacle économique et  financier à la préparation optimale de notre pays, face à un tel risque de pandémie.

Outre les 200 millions de masques de protection, dont nous disposerons au début de l'année 2006, une capacité nationale de production de masques sera développée en vue d'assurer l'approvisionnement nécessaire pendant une période de pandémie.

Nous souhaitons accélérer la livraison des vaccins prépandémiques, disponibles au début de l’année 2006. Nous avons  également commandé  un vaccin pandémique à deux laboratoires,  si la transmission à l'homme se réalisait.

Enfin, nous mettons en place les procédures de distribution des traitements, à titre gratuit, sur l'ensemble du territoire, et  nous préparons aussi l'organisation des soins en cas de crise éventuelle. Il est important d’entrer dans le détail de l’organisation opérationnelle – j’aurai l’occasion de m’exprimer avant la fin du mois de novembre devant la mission d’information créée par votre assemblée – afin d’obtenir le maximum d’efficacité, au cas où une telle crise surviendrait.

Pour organiser notre réaction, nous nous fondons sur les six phases déterminées par l'OMS, dont nous suivons les recommandations. Je suis en effet convaincu, comme l’ont indiqué MM. Maillé et Gaubert, que la coopération européenne et internationale doit être utilement renforcée.

Le 21 octobre, lors du dernier Conseil européen informel des ministres de la santé, j’ai proposé  la mise en commun d’actions – la constitution de production d’antiviraux, de vaccins et de masques et  la protection mutualisée de nos ressortissants – pour mettre en œuvre  dans les pays plus  démunis que d’autres, une aide technique et une expertise, tout en favorisant la transparence de l'information, notamment pour coordonner nos efforts d'intervention sur les foyers épizootiques.

Par ailleurs, nous mènerons en commun les 23 et 24 novembre un exercice pandémie grippale baptisé « Common ground», pour tester la coordination des États européens.

Je crois aussi à l'importance d'une action multilatérale renforcée au niveau international. Nous travaillons avec l'Organisation mondiale de la santé, l'Organisation mondiale de la santé animale, la Food and agricultural organisation et la Banque mondiale. Nous disposons des institutions compétentes pour promouvoir une véritable coopération internationale technique, sanitaire et financière. La conférence des donateurs s'achève d'ailleurs aujourd'hui à Genève. Elle permettra de doter de plans de lutte contre la grippe aviaire les pays les moins avancés qui pourraient être touchés. Nous travaillons sur toutes ces phases prépandémiques, main dans la main, en partenariat avec le ministère de l’agriculture.

Je me rendrai prochainement au Vietnam, en Chine et à Hong Kong, de façon à voir sur place comment ces pays réagissent.

M. François Brottes.  Soyez prudent ! Mettez un masque !

M. le ministre de la santé et des solidarités.  Je ne suis pas inquiet. Je vous remercie de votre sollicitude.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. M. Brottes a peur de la contagion de la grippe aviaire ! (Sourires.)

M. le ministre de la santé et des solidarités. Monsieur Brottes, le souci que vous manifestez pour mon état de santé me va droit au cœur et témoigne qu’au-delà des divergences qui peuvent être purement factuelles, l’essentiel nous rassemble !

Il est important de pouvoir porter un message aux communautés françaises vivant sur place et de se rendre compte de la façon dont est organisée la préparation par rapport à ces risques.

Si nous parlons beaucoup, aujourd’hui, de la grippe aviaire, nous sommes tout aussi vigilants face  aux autres menaces comme le terrorisme.

Notre souci de l’organisation face à ce risque de pandémie grippale nous permet  – j’en suis persuadé – d’être beaucoup plus efficace par rapport aux autres risques, car nous savons qu’aujourd’hui, dans le monde, ces autres risques sont toujours présents.

Le plan Biotox, dont l'objectif est de coordonner la lutte contre le terrorisme biologique et chimique, demeure une de nos priorités, aux côtés, et non pas après, la prévention de la grippe aviaire. Je veux insister sur ce point, qui a suscité plusieurs questions de votre part. Les financements du plan Biotox en 2006, assurés par l'État et l'assurance maladie, couvrent les opérations déjà programmées. Nous avons achevé notre première vague d'acquisition de matériel – antidotes, antibiotiques et vaccins – et nous consacrerons principalement cette année au renouvellement et à la maintenance des stocks.

Monsieur Le Guen, les postes budgétaires créés en 2002 sont bien là et participent aussi à notre effort de veille contre le bioterrorisme. Sur les 126 postes créés par la loi de finances pour 2002, 111 sont aujourd’hui pourvus. C’est très satisfaisant, compte tenu des profils recherchés.  Il ne s’agit pas là d’une question de moyens, il faut simplement trouver les profils qui correspondent  aux besoins. Par ailleurs, d'autres agents travaillent à temps partiel sur les menaces sanitaires majeures, dont le bioterrorisme. Enfin, un important effort d'organisation a été réalisé pour valoriser au mieux ces moyens. J'entends encore perfectionner ce dispositif, notamment en  améliorant la coordination des   acteurs au niveau de nos services déconcentrés, comme l’a indiqué M. Jean-Pierre Door.

Nous avons développé en 2004 plusieurs nouveaux volets, concernant la lutte contre la peste et le charbon, et contre la tularémie. Je remarque l'intérêt que plusieurs d'entre vous, dont M. Mallié, ont manifesté au sujet de notre dispositif en la matière. Je peux vous citer quelques chiffres qui montrent notre degré de préparation face à une attaque de cette nature : 13 hôpitaux de référence – dont  9 en métropole – abritent des stocks de médicaments efficaces contre ce risque. Par ailleurs, nous disposons de cinq stocks d'antidotes contre les menaces chimiques, ainsi que de 65 millions de jours de traitements antibiotiques préventifs et 600 000 jours de traitements antibiotiques curatifs contre la peste, le charbon, la tularémie et la brucellose. Nous menons régulièrement des exercices de simulation et nous comptons encore progresser, par la mise en œuvre de nouveaux moyens.

La culture de la prévention des risques, que nous souhaitons développer, se traduit – vous avez été nombreux à insister sur ce point –  par une exigence d'information pour les citoyens et de formation pour les professionnels de santé. Les mesures d'information des citoyens sur les risques sanitaires ont été renforcées. Il s'agit,  d’une part, d'une exigence de transparence, inhérente à la démocratie et aux nouveaux besoins de transparence de nos concitoyens, et, d’autre part, d’une exigence de santé publique, dans la mesure où  une bonne connaissance des dispositifs sanitaires nous permet de réagir plus rapidement. Nous allons donc continuer à développer ces moyens d’information en cas de situation exceptionnelle pour promouvoir une véritable culture du risque dans l’ensemble de la société. C’est d’ores et déjà le cas pour la grippe aviaire, et nous allons continuer. Mais, à plus long terme, nous renforcerons ces actions de pédagogie dans le cadre de l’ Institut national d’éducation pour la santé. Et je sais, monsieur Le Guen, l’importance que vous accordez à nos actions en ce domaine.

Nous devons agir avec les professionnels de santé, qui sont un maillon essentiel de la chaîne de réaction, qui lie l'alerte des pouvoirs publics, la réaction des citoyens et aussi l’assurance que les soins seront prescrits comme il faut, quand il faut, où il le faut. Ces professionnels de santé doivent donc être particulièrement informés et formés. Nous mettons tout en œuvre pour organiser des formations, avec l’aide notamment de l’École de santé publique. Dans l'éventualité d'une pandémie de grippe aviaire, nous travaillons étroitement avec les personnels de santé –  j’aurai l’occasion prochainement de les réunir avec Didier Houssin –, les médicaux et les paramédicaux, afin d’être réactifs.

En ce qui concerne l'indemnisation des transfusés, nous apportons la preuve de notre volonté de prendre en compte les risques et erreurs de santé en amont, par davantage de prévention et d’information, comme en aval, par le dédommagement des victimes.

Le projet de loi de finances pour 2006 change l'organisation de l'indemnisation du contentieux lié à la transfusion sanguine.  Nous voulons réduire les délais de traitement des dossiers et de mise en paiement des indemnités. L’Établissement français du sang, qui doit satisfaire les besoins en matière de produits sanguins labiles est en charge du contentieux lié au sang contaminé. La provision pour risques de cet établissement atteint, à  l'heure actuelle, 240 millions d'euros. C'est pourquoi nous avons décidé d'abonder ce fonds en 2006 pour un montant moindre, à hauteur de 4,5 millions d’euros. Nous avons désormais des provisions suffisantes pour indemniser les victimes de la manière la plus juste possible.

Avant de passer la parole à  M. Michel Cadot, qui va vous présenter au nom de mon collègue Dominique Bussereau le programme sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation, je veux réaffirmer ma conviction que ce PLF pour 2006 nous permet de mener une politique ambitieuse de veille et de sécurité sanitaires.

J’ai été sensible aux remarques que vous avez faites, mesdames, messieurs les députés, lors de cette commission élargie. Ces sujets dépassent les clivages politiques. Le soutien apporté à ce programme montre bien que nous avons, les uns et les autres, une exigence de résultat par rapport à un sujet majeur dans notre société, mais surtout pour la santé de nos concitoyens.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous en arrivons à l’intervention de M. Michel Cadot, directeur du cabinet de M. le ministre de l’agriculture.

M. Dominique Bussereau est en effet retenu à Bruxelles.

Or l’article 56 du règlement de l’Assemblée nationale autorise un haut fonctionnaire à intervenir à la demande du Gouvernement – ce qui est le cas.

Je donne la parole à M. Michel Cadot.

M. Michel Cadot, directeur du cabinet de M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de l’autorisation qui m’est faite de compléter le propos de M. Bertrand au nom de M. Bussereau, qui est retenu par les obligations de la négociation sur l’Organisation mondiale du commerce et qui vous prie d’accepter ses excuses.

Je vais vous présenter brièvement, en son nom, la participation du ministère de l’agriculture à la politique sanitaire.

Avant d’examiner la situation particulière des crédits de cette mission, je mettrai l’accent sur les enjeux et les priorités qui s’attachent à la sécurité sanitaire de l’alimentation. En ce qui concerne le ministère de l’agriculture et de la pêche, ces enjeux se présentent d’abord en termes de sécurité sanitaire, de maîtrise des risques sanitaires et phytosanitaires avec le réseau très développé des directions des services vétérinaires et des services de la protection des végétaux sur le territoire.

J’ai apprécié que plusieurs d’entre vous aient relevé la qualité de la sécurité sanitaire mise en œuvre par l’ensemble des services et le fait que nous avions, dans ce domaine, une situation satisfaisante au niveau international. Le premier enjeu pour l’action du ministère de l’agriculture est d’assurer une maîtrise complète et satisfaisante des risques sanitaires et phytosanitaires et de garantir la conformité aux règles de mise sur le marché des denrées et des aliments pour les animaux.

Pour compléter l’action des services en matière de sécurité sanitaire, il faut aussi développer la culture de veille sanitaire – M. le ministre de la santé l’a évoquée il y a quelques instants.

L’action de sécurité sanitaire va au-delà. Elle porte très clairement sur des enjeux économiques. La sécurité sanitaire doit permettre d’accompagner une politique de promotion de la qualité et de diversification des produits alimentaires. La notion de traçabilité est liée à celle de qualité des produits. On voit très clairement que les actions de sécurité sanitaire se traduisent immédiatement en termes de performance économique et de qualité économique des filières, et rejoignent donc la mission générale du ministère d’accompagnement et de développement des filières agricole et agro-alimentaire.

Dernier aspect de notre mission sanitaire : nous préparer aux nouvelles techniques de production – je pense évidemment aux organismes génétiquement modifiés. Par ce programme de mission sanitaire, nous devons mettre en œuvre et anticiper les procédures qui permettront de garantir que ces nouvelles techniques seront acceptables au regard des risques pour la santé et pour l’environnement.

Les enjeux autour de la mission sanitaire vont donc au-delà de la seule mission de sécurité des utilisateurs de produits agricoles.

La politique de sécurité sanitaire et cette mission pour le ministère de l’agriculture et de la pêche se développent dans un cadre européen : 2006 verra l’entrée en vigueur du « paquet hygiène », qui sera composé de cinq règlements adoptés par l’Union européenne et qui permettra de passer d’une logique très sectorielle à une vision beaucoup plus unifiée permettant de regrouper au sein des cinq règlements les dix-huit directives communautaires qui régissaient jusqu’à présent le secteur de la sécurité sanitaire au plan européen.

L’objectif général est de mettre en place une politique beaucoup plus transparente en matière d’hygiène et qui s’appliquera à la totalité des denrées alimentaires et à l’ensemble des exploitants du secteur alimentaire, y compris ceux de l’alimentation animale.

L’objectif est enfin de créer des instruments efficaces pour gérer les alertes sur l’ensemble de la chaîne alimentaire en veillant avec les milieux professionnels à une plus grande implication de ceux-ci dans la prise en charge de leur propre responsabilité : le dialogue doit être renouvelé entre les services administratifs, qui contrôlent et qui fixent les règles, et les professionnels, qui doivent être impliqués dans leur exécution.

Voilà brièvement rappelés les enjeux au-delà de la mission propre de sécurité sanitaire des aliments qui nous rassemble aujourd’hui. Le programme proposé permet de répondre à une plus grande lisibilité des priorités dans les documents budgétaires avec sept objectifs déclinés en neuf indicateurs qui sont retenus dans le projet annuel de performance.

Ont été retenus, vous l’avez relevé, deux objectifs de performance et d’efficience des services, l’un relatif à la mise en œuvre d’exercice de plans d’urgence – M. le ministre de la santé y a fait référence – et l’autre à la mise sous assurance qualité des services. Une architecture simple et lisible des actions du programme a été privilégiée ; sept actions immédiatement compréhensibles, dont cinq techniques, qui retracent les secteurs des végétaux, de la santé animale, des denrées alimentaires, des moyens scientifiques et enfin de l’équarrissage.

Comme pour l’ensemble des actions du ministère de l’agriculture et de la pêche, M. Bussereau a veillé à favoriser le plus possible la déconcentration des budgets. Celle-ci a été retenue au niveau régional pour les interventions et, plus directement, au niveau du responsable de service en ce qui concerne les crédits de fonctionnement.

Le budget met en œuvre de manière lisible des objectifs et affirme un certain nombre de priorités, avec une progression de 7 %, qui marque une augmentation du programme de 36 millions d’euros. L’augmentation porte principalement sur l’élimination des farines animales, enjeu prioritaire pour la plupart des orateurs, et représente 13,2 millions d’euros. M. le ministre a exprimé sa volonté d’accélérer le processus d’élimination des farines animales et de veiller que, d’ici à la fin de la législature, le processus soit mené à son terme. C’est également une mesure d’économie, les charges de location des sites de stockage étant particulièrement élevées. Cela va dans le sens de l’harmonisation européenne. Je répondrai à M. Méhaignerie dans quelques instants sur ce point.

L’autre augmentation importante concerne la prévention et la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires : une augmentation de 2,3 millions d’euros est prévue dans les crédits pour 2006. Cette augmentation permettra à la France de répondre à ses exigences en matière communautaire, ce qu’elle a peine à faire en ce moment. L’effort portera plus directement sur la lutte contre les salmonelles et le renforcement des inspections en abattoirs, ainsi que cela a été souligné par le rapporteur.

Le dernier poste d’augmentation significatif concerne la prévention et la gestion des risques inhérents à la production végétale, l’accent étant mis sur la surveillance et la gestion des risques liés à la bioaccumulation dans les végétaux de pesticides et autres contaminants.

Quant aux effectifs, question évoquée par M. Mallié, il faut rappeler que l’effort de rigueur qui a été appliqué aux différents ministères a été également réalisé sur la mission de sécurité sanitaire, sachant que celle-ci avait bénéficié depuis plusieurs années de fortes hausses de personnel. À cet égard, je précise que l’intégration des dépenses de personnel d’administration centrale a été réalisée ; le ministère de l’agriculture et de la pêche a fait le choix de mettre les moyens de fonctionnement, y compris de personnel, au plus près des responsables opérationnels. Pour les services déconcentrés, les dépenses de personnel sont donc bien localisées dans les budgets opérationnels de programmes. Pour l’administration centrale, le secrétaire général assure la coordination des moyens, ce qui permettra a posteriori de répartir, grâce au contrôle de gestion et à la comptabilité analytique, les moyens de personnel sur chacune des missions ou des programmes ou des actions.

Je précise d’ores et déjà que sur les 89 millions d’euros correspondant au montant des frais de personnel, 28 millions d’euros correspondent à la partie administration centrale, le reste comprenant les agents des services régionaux de la protection des végétaux.

La question de l’équarrissage, qui a été soulevée, est un des enjeux de ce budget 2006. Je précise que s’agissant de la situation des bouchers, et pour répondre à la question posée par M. Le Guen, l’élimination des colonnes vertébrales de bovins de plus de douze mois relève jusqu’au 1er janvier 2006 du service public de l’équarrissage. Nous travaillons actuellement avec le ministre chargé des PME à une aide qui se substituera à compter de cette date aux 1 000 euros versés jusqu’à présent par le ministère de l’agriculture et de la pêche. Ce nouveau dispositif fait l’objet de discussions avec la profession et le ministère. Il pourrait s’agir d’une mesure de défiscalisation sur du matériel de conservation des déchets, en tout cas d’une mesure de type incitatif. Je rappelle que le dispositif qui sera mis en place intervient à un moment où l’administration a autorisé le rallongement des délais de conservation des déchets chez les bouchers. Leurs obligations sont donc allégées, ce qui peut permettre de trouver un système différent et peut-être mieux adapté pour répondre aux questions d’élimination des colonnes vertébrales de bovins de plus de douze mois.

S’agissant des farines animales, il y a plusieurs éléments dans ce dossier : d’abord la nécessité pour la République, qui est certes bonne fille mais qui a surtout vocation à tenir les engagements qu’elle a pu prendre dans le passé, d’assumer les engagements pris dans les années 2000 au moment de la crise de l’ESB. Je rappelle que l’État a stocké les farines en son nom propre, et que les loyers correspondants ne représentent pas moins de 39 millions d’euros, soit par marché, soit par réquisition préfectorale. Ces coûts importants doivent être rapidement supprimés. Le Gouvernement consacre 25 millions d’euros sur le budget 2006, qui auront un effet immédiat, car seront consacrées à la suppression des stockages des sommes qui étaient aujourd’hui payées en loyers. Je rappelle qu’il s’agit de 700 000 tonnes de farines animales qui restent à éliminer, madame Gaillard, et qu’il est nécessaire d’accélérer le lancement des marchés de déstockage et d’incinération pour permettre le plus rapidement possible de mettre un terme à cette situation.

Quelles sont les perspectives pour l’avenir ? La première priorité est de déstocker et de gérer financièrement l’accélération de la mise en œuvre du déstockage. C’est fait dans le budget pour 2006.

Nous devons ensuite nous préoccuper d’harmonisation européenne pour les sous-produits animaux, et nous sommes dans ce domaine en phase avec l’Europe pour ce qui concerne l’ensemble des farines, notamment de porcs et de volailles, qui sont interdites pour l’alimentation des ruminants. La situation est harmonisée au plan européen, à l’exception d’un certain nombre de sous-produits animaux qui relèvent de mesures spécifiques au plan national – je pense aux graisses de ruminants ou aux os, pour lesquels nous sommes en train d’envisager de lever les prescriptions nationales après un avis de l’AFSSA, qui a été saisie à cet effet il y a quelques mois par le ministre.

M. le président. Quelle serait la différence de coût ?

M. Michel Cadot, directeur du cabinet de M le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je ne suis pas en mesure de vous répondre à brûle-pourpoint, monsieur le président, mais je vous transmettrai l’information au plus tôt.

Le schéma est clair : accélération des marchés ; harmonisation européenne dans le cadre du service public de l’équarrissage. Il est envisagé d’autoriser à nouveau les farines de poissons dans l’alimentation des ruminants.

Mme Maryvonne Briot. Non !

M. Michel Cadot, directeur du cabinet de M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Des expertises scientifiques sont en cours. Mais, pour les autres farines animales, il y a peu de perspectives sur l’année 2006.

En ce qui concerne les contrôles aux frontières, j’indique qu’il existe trente-trois postes d’inspection frontaliers chargés de contrôler tout animal et produit animal ou d’origine animale provenant des pays tiers, et de les soumettre au contrôle vétérinaire à l’importation. Ce contrôle donne lieu à la perception d’une redevance sanitaire. Son produit a atteint 3,6 millions d’euros par an et concerne 67 000 lots de produits d’origine animale et d’animaux vivants.

Tels sont les principaux éléments de ce budget. Sur le phénomène de l’influenza aviaire, je peux indiquer que sur l’abattage, il n’y a pas lieu à mettre en œuvre une politique d’indemnisations. La ligne budgétaire est cependant prévue ; elle est dotée d’une centaine de millions d’euros au titre de la lutte contre les maladies animales et permettrait, en cas d’épizootie et de nécessité d’abattage dans certains élevages, d’indemniser en totalité des animaux abattus dans le foyer contaminé. Mais ce n’est pas aujourd’hui une nécessité, car aucun foyer contaminé n’a été constaté.

Par ailleurs, l’AFSSA vient de rendre un avis indiquant qu’elle ne recommandait pas la vaccination pour les volailles. En tout état de cause, elle serait très limitée : à quelques zoos ou à quelques élevages très particuliers. Il n’y a donc pas lieu de prévoir des mesures budgétaires spécifiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci, monsieur le directeur, pour ces réponses très détaillées.

Nous en arrivons aux questions, pour lesquelles, je le rappelle, le temps de parole est limité.

La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé. Sous la législature précédente, j’ai participé aux travaux de la commission d’enquête sur l’ESB, présidée par M. Sauvadet : pendant six mois, nous avons auditionné de nombreuses personnes, nous avons travaillé avec assiduité et, une fois le rapport paru, plus rien, pas le moindre suivi ! C’est étrange ! Ne pourrait-on pas imaginer qu’une commission d’enquête ait un droit de suite sur le sujet dont elle a été saisie ? Il n’y a là rien de polémique, il s’agit simplement du lien entre l’exécutif et le législatif. Il conviendrait de tenir ses membres informés de l’état de la question car ils sont longtemps après sollicités sur certaines questions : type de farines concerné, état des stocks, déstockage, nombre d’incinérateurs. À tout le moins, il faudrait une information précise. N’oublions pas que, grippe aviaire ou pas, dans les campagnes, l’abattage des bêtes reste dans toutes les têtes. Nous ne devons pas donner l’impression que « tout le monde s’en fout » !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Je reviens, à mon tour, sur les farines animales. Le « bleu » est très explicite sur ce sujet : le Gouvernement compte éliminer l’année prochaine 200 000 tonnes sur les 750 000 tonnes stockées, à un coût de 120 euros par tonne. Et cela me fait sursauter.

L’année dernière, lorsque j’ai présenté le budget de l’agriculture, j’avais signalé que le coût unitaire prévu était de 100 euros par tonne éliminée. Les auditions m’avaient permis d’apprendre qu’en négociant de gré à gré avec les cimentiers, les équarisseurs pouvaient obtenir des tarifs sensiblement inférieurs, de l’ordre de 50 euros par tonne. Certes, depuis, le coût de l’énergie a augmenté, et l’objectif de 50 euros n’est peut-être plus envisageable, mais, avec 75 euros par tonne, il est possible d’éliminer la moitié du stock en 2006.

Mes remarques peuvent paraître un peu critiques. Mais je ne veux pas que le Gouvernement ait pour point de départ un coût de 120 euros par tonne dans les négociations pour le marché public de l’élimination des farines animales. Ce n’est pas acceptable : il faut partir de plus bas, en adoptant une attitude plus offensive à l’égard des opérateurs.

S’agissant des missions de l’AFSSA, j’ai bien noté qu’elle poursuivait son programme de travail sur l’exposition aux produits phytosanitaires. Je demande donc à M. le ministre de la santé et à M. Cadot ce qu’il est en est de l’application des dispositions de la loi d’orientation agricole que nous avons adoptées en première lecture ? Je sais bien que le texte n’est pas entièrement bouclé, mais de nouvelles missions seront-elles définies, notamment en matière d’homologation des produits phytosanitaires ? Comment comptez-vous les articuler avec les nouvelles dispositions budgétaires ?

Pour finir, je tiens à rappeler que, du point de vue du rapport coût-bénéfice, il est toujours plus intéressant pour les agences de dépenser l’argent public pour faire un travail de prévention plutôt qu’un travail de correction des effets négatifs. On le voit avec la filière volaille, qui a subi des pertes financières considérables alors même qu’aucun cas de grippe aviaire n’a été enregistré. Vous avez parfaitement raison, monsieur le ministre, de souligner qu’il ne faut pas se contenter d’additionner les masques en papier et les doses de vaccin comme on décomptait autrefois les boutons de guêtre. C’est le caractère opérationnel du dispositif qui est important, c’est-à-dire notre capacité à nous adapter à une situation pleine d’aléas et de surprises. Mais vous tenez le bon cap, monsieur le président, et je vous en félicite.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié, rapporteur spécial de la commission des finances. S’agissant de la question du financement de la grippe aviaire, la réponse me paraît très simple. La grippe aviaire étant une maladie, c’est à l’assurance maladie, et non à l’État, de couvrir les coûts qu’elle engendre, y compris dans une optique de prévention, comme cela a été le cas pour le sida.

Je ne veux pas allonger nos débats, mais je dirai aussi un mot des farines animales. Comme l’a dit très justement M. Cadot, c’est l’État qui, en vertu du principe de précaution, a décidé d’interdire l’emploi des farines animales, compte tenu de leur éventuelle toxicité, et c’est à lui qu’il revient de les éliminer. Les coûts de transport vont être particulièrement importants car les fours de cimenterie sont souvent éloignés des sites de stockage. Le message de la représentation nationale est donc clair : il faut arrêter de stocker ces farines et les éliminer au plus vite, afin d’éviter de continuer de surcroît à payer des loyers.

S’agissant du prélèvement sur le fonds de roulement des agences, il a été dit que nous vivions d’expédients. Mais, pour ma part – et c’est peut-être toute la différence entre le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et le rapporteur spécial de la commission des finances que je suis – je considère que le contribuable n’a pas à financer des bas de laine et des matelas de confort dans chaque agence. Elles doivent simplement être mieux gérées.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci d’avoir respecté votre temps de parole, monsieur Mallié.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le ministre de la santé, vous avez à juste titre évoqué la nécessité de multiplier les exercices grandeur nature pour tester leur validité et évaluer la réactivité des personnels. Cela dit, ces exercices – je le sais pour avoir participé à bon nombre d’entre eux – sont extrêmement consommateurs de personnels, en particulier de personnels hospitaliers, médicaux ou paramédicaux, qui travaillent déjà à flux tendu. Des crédits spécifiques seront-ils prévus pour dédommager les hôpitaux, dont le budget est ainsi grevé ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La parole est à M. Claude Birraux.

M. Claude Birraux. Monsieur le président, en février 2005, le sénateur Claude Saunier a présenté un rapport sur l’application de la loi du 1er juillet 1998, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques, comme cela était prévu par la loi. Il y a dressé la liste des différentes instances d’expertise existantes : le Conseil supérieur d’hygiène publique, remplacé par le Haut conseil de la santé publique, la Commission d'étude des produits destinés à une alimentation particulière, la Commission interministérielle et professionnelle de l'alimentation animale, la Commission de technologie alimentaire, le Centre national d'études et de recommandations sur la nutrition et l'alimentation, l'Observatoire des consommations alimentaires, le visa préalable de publicité, l’Académie de médecine, le Conseil national de l'alimentation et le Conseil national de la consommation. A-t-il été apporté plus de clarté dans cette organisation, comme le réclame notre excellent collègue ?

Par ailleurs, ses recommandations concernant la nécessité d’établir des liens entre les contrats d’objectifs et de moyens et les structures de la LOLF ont-elles été suivies ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur Cadot, vous avez indiqué tout à l’heure que vous envisagiez de permettre l’alimentation de certains animaux par des farines de poisson. Sur quelle expertise scientifique repose cette décision d’autoriser le franchissement des barrières d’espèces ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. L’intervention de mon collègue Richard Mallié me conduit à reprendre la parole.

Je n’ai examiné que la situation de l’AFSSA, et je ne peux pas porter de jugement sur les autres agences, mais il est clair que la situation financière de cette agence est tendue.

Depuis 2002, les réserves constituées, dont on peut considérer qu’elles étaient peut-être trop élevées, ont été entamées. Mais, dans chaque structure, il existe une réserve prudentielle qu’il est nécessaire de conserver : d’abord, pour assurer le paiement des factures en fin de mois, même si ce n’est pas toujours le souci de l’État, qui a tendance à ne pas s’appliquer à lui-même les règles qu’il impose aux autres ; ensuite, pour assumer les responsabilités qui s’imposent à l’égard des salariés de droit privé, non fonctionnaires et contractuels, de plus en plus nombreux dans ces structures. Car, là encore, il ne serait pas normal que l’État conduise certains employeurs sous sa responsabilité à ne pas respecter les règles qu’il impose aux autres.

M. le président. Avant que le Gouvernement ne réponde à ces questions, j’ajouterai un mot, en complément de la question de M. Le Guen. Est-il vrai que certains pays européens réintroduisent dans l’alimentation animale non seulement des farines de poisson mais aussi des farines de porc et de volaille ?

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il est exact, madame Génisson, que nous voulons multiplier les exercices grandeur nature, car, en la matière, la pratique vaut mieux que la lecture d’un dossier et qu’il n’existe pas aujourd’hui de crédits spécifiques pour les financer. Mais il faut relativiser l’impact de telles opérations. Si leur nombre croît, elles n’ont pas lieu toutes les semaines. Qui plus est, nous sommes en train de développer des exercices sur des sites spécifiques, à l’instar de ce qui s’est passé pour la grippe aviaire, plutôt que dans des hôpitaux, où ils ne se déroulent qu’en cas de nécessité. Je vous rappelle en outre qu’il s’agit de mobiliser non pas l’ensemble des services mais un seul.

Je suis foncièrement convaincu qu’il faut s’engager dans la voie des exercices concrets. Si nous nous apercevions qu’ils posent durablement de vrais problèmes d’organisation et de financement, nous en tirerions les conséquences. Mais, aujourd’hui, notre changement d’approche ne me semble pas de nature à mettre en péril l’équilibre financier de tel ou tel service ou de tel ou tel hôpital.

Mme Catherine Génisson. Je n’en suis pas sûre.

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est en tout cas ma conviction, même si je ne vous ai pas convaincue, madame la députée.

Toujours est-il que, si vous êtes intéressée, je vous fournirai le nombre exact d’exercices qui ont été effectués et de ceux que nous voulons organiser, afin d’en mesurer l’impact. Je suis prêt à vous communiquer davantage d’informations sur ce sujet.

En tout état de cause, quand nous faisons un exercice comme en Ille-et-Vilaine, avec une dimension agricole très forte puisqu’il s’agissait de répondre à une épizootie, l’hôpital est associé certes, mais dans la limite d’un service au niveau d’une région.

Telle est notre logique d’action. Nous n’avons pas mesuré l’impact budgétaire de ce type de mobilisation, mais je ne pense pas que ces exercices soient de nature à mettre en péril l’équilibre de telle ou telle structure hospitalière.

Quant au CHSPF, monsieur Birraux, il existe encore, mais il doit être transformé en Haut conseil de la santé publique. Nous attendons la parution du décret qui officialisera ce changement.

M. Mallié ne m’a pas véritablement interrogé. Il est intervenu en qualité de rapporteur pour apporter des précisions complémentaires.

Enfin, je n’ai pas à commenter les propos tenus par M. Herth, que je remercie.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Ils étaient en effet pleins de bon sens.

La parole est à M. Michel Cadot, directeur du cabinet de M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Michel Cadot, directeur du cabinet de M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. Je répondrai à M. Herth sur le rôle de l’AFSSA et les évolutions en cours prévues dans la loi d’orientation agricole.

Aujourd’hui, le dispositif administratif confie l’évaluation des produits phytosanitaires et l’autorisation de mise en marché à la direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture et de la pêche. Le projet de loi d’orientation agricole transférera à l’AFSSA, et plus précisément à l’un de ses services, l’Agence nationale des intrants végétaux – qui doit être autonome –, l’évaluation des produits phytosanitaires, le ministère conservant le pouvoir régalien de mise en marché et d’agrément. L’Assemblée nationale a préféré cette réforme – et le Sénat l’a adoptée hier soir – plutôt que de transférer à la fois l’évaluation et l’agrément.

Sur le plan budgétaire, ce transfert n’impliquera pas de coût supplémentaire important dans la mesure où aucune structure nouvelle ne sera créée – il s’agit seulement de mettre en place un service – et où il est prévu de majorer les redevances perçues auprès des entreprises qui déposent des demandes d’AMM, pour tenir compte de l’amélioration des délais et de la qualité des réponses de l’organisme évaluateur. Aujourd’hui, les délais sont extrêmement longs et ils posent problème.

En ce qui concerne les farines animales, l’estimation du coût d’élimination figurant dans le bleu budgétaire, à savoir 120 euros par tonne, est excessive. Les prix de revient ont baissé au cours de l’année 2005, puisqu’ils sont passés de l’ordre de 100 euros par tonne en 2004 à 70 euros pour les farines prises en charge par le service public, grâce à une renégociation beaucoup plus volontariste des marchés. Il me semble raisonnable d’anticiper une élimination plus rapide du stock puisque la diminution du coût permettra d’augmenter les quantités traitées. Je puis vous assurer que nous veillerons à tenir les prix autour de 70 euros pour gagner en efficacité.

La réintroduction des farines animales dans les pet foods permettra, monsieur le président, de réaliser 6 millions d’euros d’économies.

Pour ce qui est des autres pays, l’utilisation de farines animales dans l’alimentation des animaux est harmonisée au niveau communautaire. Les farines de ruminant, de porc et de volaille sont interdites dans l’alimentation des ruminants, de même que les farines de poisson. La situation est en cours de réexamen au niveau européen, mais aucune décision n’a été prise pour le moment, même si l’avis de l’Agence européenne de sécurité des aliments, l’AESA, est favorable à un assouplissement sur les farines de poisson.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Je remercie M. le ministre de la santé, ainsi que M. le directeur de cabinet du ministre de l’agriculture, pour les réponses qu’ils ont apportées à nos questions.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Les commissions vont maintenant, mes chers collègues, se réunir séparément.

(La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures trente-cinq.)


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