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N° 3364

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2006.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2007 (n° 3341)

TOME XIII

TRAVAIL ET EMPLOI

Par M. Bernard PERRUT,

Député.

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Voir le numéro : 3363 (annexe n° 39).

INTRODUCTION 5

I.- LES CRÉDITS DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » 7

A. CINQ PROGRAMMES AU SERVICE DE LA LUTTE POUR L’EMPLOI 7

1. Le programme « Développement de l’emploi » 7

2. Le programme « Accès et retour à l’emploi » 9

3. Le programme « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques » 10

4. Le programme « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail » 11

5. Le programme « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail » 12

B. LA TRADUCTION DES PRIORITÉS GOUVERNEMENTALES POUR 2007 12

1. La mise en œuvre du plan de cohésion sociale 12

2. L’exploration de nouveaux gisements d’emplois : le développement des services à la personne 13

3. Le retour à l’emploi 14

4. L’accès à l’emploi des personnes handicapées 15

5. La poursuite du plan d’urgence pour l’emploi 15

II.- L’ENTREPRISE, VECTEUR PRIVILÉGIÉ DE L’INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEUNES 17

A. LES ENTREPRISES CONTRE LES JEUNES ? UNE DIVERGENCE APPARENTE DE COMPORTEMENTS 17

1. L’entreprise, notion économique et juridique…et réalité sociale 17

2. L’entreprise, réponse à la question du chômage des jeunes 18

3. L’entreprise, incapable de répondre au chômage des jeunes ? 19

B. LES ENTREPRISES POUR LES JEUNES : DEUX EXEMPLES CONCLUANTS, L’APPRENTISSAGE ET LE CONTRAT JEUNES EN ENTREPRISE 20

1. Deux « vrais » contrats de travail entre le jeune et l’entreprise 20

a) Le contrat d’apprentissage 20

b) Le contrat jeunes en entreprise 22

2. Une logique « gagnant-gagnant » pour le jeune et l’entreprise 24

a) Le contrat d’apprentissage 24

b) Le contrat jeunes en entreprise 27

3. Des résultats quantitatifs et qualitatifs très encourageants 27

a) L’apprentissage : des chiffres à la hauteur du défi 27

b) Le contrat jeunes en entreprise : un dispositif en constante progression 28

C. LES ENTREPRISES AVEC LES JEUNES : POUR UNE RÉCONCILIATION DURABLE DES JEUNES ET DE L’ENTREPRISE 30

1. Pour une entreprise qui recrute 31

2. Pour une entreprise qui forme 34

3. Pour une entreprise qui accompagne 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

ANNEXES 43

ANNEXE 1 : RÉCAPITULATION DES CRÉDITS DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » PAR PROGRAMMES ET ACTIONS 43

ANNEXE 2 : PART DU BUDGET POUR 2007 CONSACRÉE À L’EMPLOI DES JEUNES 45

ANNEXE 3 : SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR 47

ANNEXE 4 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 49

INTRODUCTION

Les crédits de la mission « Travail et emploi » pour l’année 2007 s’élèvent à 12,64 milliards d’euros. Compte tenu du financement des allègements généraux de cotisations sociales patronales (19,84 milliards d’euros) et des dépenses fiscales relevant de la même mission (8,32 milliards d’euros), les moyens affectés à la politique de l’emploi en France atteignent près de 41,8 milliards d’euros pour 2007, soit une progression d’environ 6 % par rapport à 2006. Cet effort traduit la volonté du gouvernement de poursuivre activement la lutte contre le chômage, qui est déjà passé de 10 % à 8,9 % entre juin 2005 et juillet 2006.

Le présent avis n’a pas pour objectif l’analyse détaillé de l’ensemble des crédits de la mission « Travail et emploi », cet objet étant imparti prioritairement au rapport spécial établi au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Après un rappel des principaux programmes et actions de la mission budgétaire, ainsi que des lignes générales suivies par le gouvernement en matière de lutte contre le chômage, le rapporteur souhaite proposer une réflexion sur le chômage des jeunes.

Ce rapport ne se veut toutefois pas seulement un rapport supplémentaire à aborder cette question, au sujet de laquelle beaucoup a été dit. Il est vrai que le chômage des jeunes est un fléau depuis les années 1970 et, plus encore, 1980. Un fléau qui ronge la société, qui casse les espérances, qui brise des destins individuels et collectifs, qui fait désespérer du fonctionnement de l’économie, qui interroge le politique.

Certes, en août 2006, le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans présents sur le marché du travail (au sens du bureau international du travail) était en diminution sur un an de 11,6 %, mais le chiffre alors atteint, de 21,6 %, est encore trop élevé.

Le rapporteur n’ignore pas l’esprit de polémique qui aujourd’hui entoure trop souvent les débats sur cette question. Il entend malgré tout prendre ce problème du chômage des jeunes au sérieux, tant il est vrai que l’emploi ne se décrète pas, en laissant de côté cet esprit de polémique, et en invitant toutes les bonnes volontés à se joindre à cette démarche. Il propose ainsi de profiter de l’occasion offerte par l’examen du projet de loi de finances pour 2007 pour engager une nouvelle réflexion, que permet la distance avec la « crise du CPE ».

Les questions posées sont les suivantes : comment analyser le comportement des entreprises aujourd’hui ? Les entreprises ont-elles encore un rôle à jouer en matière d’insertion professionnelle des jeunes ? Comment ce rôle peut-il être défini ?

Le rapporteur a souhaité engager une réflexion la plus large possible. Il a invité l’ensemble des partenaires sociaux à s’associer à ce débat, et recueilli le témoignage des acteurs économiques engagés sur le terrain.

Il résulte de ces échanges qu’à l’évidence, les relations entre les jeunes et les entreprises sont complexes, oscillant entre divergences de comportements et convergences des logiques d’insertion. Mais deux exemples notamment montrent aussi, avec constance depuis quelques années, que le jeune et l’entreprise savent faire bon ménage : l’apprentissage et le contrat jeunes en entreprise (dit aussi SEJE). Ces exemples tracent la voie pour déterminer les conditions d’une réconciliation plus durable et plus générale des jeunes et de l’entreprise.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe comme date butoir, pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires le 10 octobre.

Le rapporteur a demandé que les réponses lui parviennent le 15 septembre. A cette date, 14 % des réponses lui étaient parvenues. À la date butoir, ce pourcentage était de 98 %.

I.- LES CRÉDITS DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI »

L’ensemble des moyens affectés à la mission « Travail et emploi » s’élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2007, à près de 41,8 milliards d’euros, ce qui représente une progression de près de 6 % par rapport à l’année précédente. Ce chiffre se décompose de la manière suivante :

– la mission « Travail et emploi » comporte des crédits de paiement pour un total de 12,64 milliards d’euros (contre un montant de 13,16 milliards d’euros votés en loi de finances initiale pour 2006) ;

– la compensation des allègements généraux de cotisations patronales de sécurité sociale, même si elle n’est pas retranscrite dans la mission « Travail et emploi », constitue un élément fondamental de la politique de l’emploi et s’élève, à titre prévisionnel, à 19,84 milliards d’euros pour 2007 ;

– les dépenses fiscales relevant de la mission « Travail et emploi » atteignent pour 2007 un montant de 8,32 milliards d’euros : elles concernent pour l’essentiel la forte progression de la prime pour l’emploi ainsi que la réduction d’impôt sur le revenu au titre de l’emploi par les particuliers d’un salarié à domicile.

Les crédits de la mission « Travail et emploi » sont répartis, comme dans le projet de loi de finances pour 2006, en cinq programmes. Ils traduisent les grandes orientations de la politique poursuivie par le gouvernement pour lutter contre le chômage (1).

A. CINQ PROGRAMMES AU SERVICE DE LA LUTTE POUR L’EMPLOI

L’évolution des crédits de paiement des différents programmes et actions de la mission « Travail et emploi » est retranscrite dans le tableau présenté ci-après.

1. Le programme « Développement de l’emploi »

Ce premier programme vise à développer l’emploi dans les « gisements d’emplois » encore trop peu exploités, notamment dans le secteur des services à la personne et le secteur des hôtels, cafés, restaurants. La politique suivie par le gouvernement tend à diminuer, de manière ciblée, le coût du travail, à la fois par les allègements de charges et par des subventions à l’embauche. Ainsi doivent pouvoir être levés un certain nombre de freins à l’embauche ou à la création d’emplois.

Les crédits du programme « Développement de l’emploi » s’élèvent dans le projet de loi de finances pour 2007 à 1 254,91 millions d’euros, contre seulement 846 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2006, ce qui représente une augmentation de 48,34 %. Cette augmentation forte est imputable au transfert des mesures de l’insertion par l’activité économique du programme « Accès et retour à l’emploi » vers le présent programme. À structure constante, c’est-à-dire hors financement sur ce programme des dispositifs de l’insertion par l’activité économique à hauteur de 228 millions d’euros, les crédits progressent de 21,4 %.

Ce programme repose sur deux orientations principales pour 2007. La première résulte de la poursuite de l’effort engagé en faveur du secteur des hôtels, cafés, restaurants (HCR), qui souffre d’un manque d’attractivité. L’article 10 de la loi du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l’investissement avait mis en place une aide à l’emploi dans ce secteur, composée : d’une part, d’une prime au profit des employeurs du secteur, hors restauration collective et cantines soumises à une taxe sur la valeur ajoutée de 19,6 %, ; d’autre part, d’une aide au conjoint collaborateur consistant en une prise en charge de la moitié des cotisations d’assurance vieillesse et d’invalidité-décès des professions artisanales, industrielles et commerciales dues par les conjoints collaborateurs qui adhèrent volontairement à ce régime.

En outre, un plan de croissance du secteur a été signé le 17 mai 2006. Ce plan prévoit d’une part une augmentation du montant des aides et d’autre part la création d’une aide pour l’emploi de salariés « extras ». En contrepartie, les professionnels du secteur se sont engagés à étudier la possibilité d’une nouvelle grille salariale et de 40 000 créations d’emplois.

Au total, les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2007 s’élèvent à 697 millions d’euros. L’ensemble de ces mesures vise à établir une revalorisation substantielle du salaire minimum, donc une attractivité plus grande du secteur pour les salariés rémunérés au salaire minimum.

L’autre orientation principale du programme est l’effort en faveur du secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE). Les acteurs de ce secteur sont nombreux, qu’il s’agisse des entreprises d’insertion, des entreprises de travail temporaire d’insertion, des associations intermédiaires ou encore des ateliers et chantiers d’insertion. Il s’agit d’un secteur créateur direct de valeur marchande, qui en outre assure le retour vers l’emploi de personnes ayant des difficultés d’insertion parfois importantes et contribue à la politique d’aménagement du territoire. Dans le présent projet de loi de finances, 228 millions d’euros sont prévus au profit de ce secteur.

2. Le programme « Accès et retour à l’emploi »

Ce programme a pour objectif la lutte « contre le chômage massif et l’exclusion durable du marché de l’emploi », selon les termes des services du ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

De ce fait, il constitue en grande partie la traduction des principales lois votées ces dernières années, à commencer par la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005, la loi pour le retour à l’emploi de 2006 ou encore la loi relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005 (voir infra).

Ce programme s’adresse avant tout aux personnes se heurtant à des obstacles à l’embauche, du fait de leur ancienneté dans le chômage, leur âge, leur sexe, leur faible niveau de qualification, etc. Il vise l’accompagnement des publics les plus en difficulté, par la mise en place d’actions de formation, le versement de prestations sociales ou la mise en situation d’emplois. Il s’adresse en particulier aux jeunes.

L’un des axes prioritaires du programme est l’indemnisation des demandeurs d’emploi, que ce soit les demandeurs d’emploi indemnisés par le régime d’assurance chômage suivant les actions prescrites par l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) dans le cadre du plan d’aide au retour à l’emploi (PARE), ceux qui perçoivent des allocations de solidarité dans le cadre du projet d’action personnalisé pour un nouveau départ (PAP-ND) ou encore ceux qui, suivant une formation au-delà de la durée d’indemnisation du chômage, bénéficient de l’allocation de fin de formation financée par l’État (AFF). Au total, 1 212,42 millions d’euros sont affectés dans le projet de loi de finances pour 2007, en crédits de paiement, à la sous-action « Indemnisation des demandeurs d’emplois », ce montant s’élevant à 1 284,26 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2006.

Un autre axe prioritaire du programme est le développement du service public de l’emploi, assuré par les services de l’État, l’ANPE, l’association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et l’Unédic ainsi que le réseau des Assédic ; les collectivités locales peuvent aussi concourir au service public de l’emploi, de même que les missions locales et les permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO). La convention tripartite signée entre l’État, l’Unédic et l’ANPE le 5 mai 2006, la signature d’une convention bipartite entre l’ANPE et l’Unédic ou encore la convergence des systèmes d’information et l’instauration de guichets uniques constituent des avancées importantes récentes dans la voie de la dynamisation du service public de l’emploi. Au total, dans le présent projet de loi de finances, 1 495,5 millions d’euros de crédits de paiement sont consacrés à la sous-action « Rapprochement de l’offre et de la demande d’emploi », contre 1 531,65 dans la loi de finances pour 2006.

3. Le programme « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques »

Ce programme se fonde sur la nécessité d’anticiper et d’accompagner les mutations économiques et sociales, en assurant une sécurisation des trajectoires professionnelles. C’est donc un thème majeur de la politique de l’emploi menée aujourd’hui.

Les crédits de chacune des deux actions composant ce programme augmentent dans le projet de loi de finances pour 2007.

La première action est consacrée à l’anticipation des mutations et la gestion active des ressources humaines (533,48 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances, contre 508,77 millions d’euros pour 2006). Cette action recouvre notamment la contribution de l’État au financement du dispositif des conventions de reclassement personnalisé (CPR), créées par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 et permettant un accompagnement renforcé vers l’emploi pour une période de huit mois. L’État procède dans ce cadre au doublement du droit individuel à la formation (DIF), sur la base du reliquat d’heures non consommées. Dans une même perspective, l’expérimentation des contrats de transition professionnelle (CTP) se poursuit sur sept bassins d’emploi, dans lesquels le CTP se substitue à la CRP.

La seconde action, consacrée à l’amélioration de l’accès des actifs à la qualification, est dotée à hauteur de 3 866 millions d’euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2007, contre 3 819 millions d’euros pour 2006. À périmètre constant, c’est-à-dire hors mesures de transferts, cela représente une augmentation de 1,21 %, qui s’explique notamment par la hausse des crédits des exonérations sociales liées aux contrats d’apprentissage et de professionnalisation ainsi que des crédits destinés à la rémunération des stagiaires.

Le soutien accordé par l’État dans le cadre de cette action aux contrats d’apprentissage, aux contrats de professionnalisation et au parcours d’accès aux carrières des trois fonctions publiques (PACTE) (2) est en augmentation par rapport à l’année précédente et le projet de loi de finances prévoit l’accueil de 20 000 personnes supplémentaires dans les dispositifs d’acquisition des savoirs de base et de lutte contre l’illettrisme (voir aussi sur l’ensemble des mesures destinées aux jeunes les développements qui y sont consacrés dans la deuxième partie de cet avis).

Entrées annuelles dans les différents dispositifs de formation en alternance

Dispositifs

Entrées en 2005 (réalisation)

Entrés en 2006 (prévision)

Stock au 31 juillet 2006

Entrées prévues en 2007

Contrat d’apprentissage

255 121

265 000

374 000

275 000

Contrat de professionnalisation jeune

92 400

125 000

121 000

135 000

Contrat de professionnalisation adulte

1 500

4 000

7 500

PACTE

-

200

Non disponible

500

TOTAL

349 021

394 200

495 000

418 000

Source : Ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement

4. Le programme « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail »

Ce programme revêt une importance particulière car il permet la modernisation des tâches des différents acteurs intervenant dans les relations du travail : le directeur général du travail, ses services déconcentrés, l’agence française de sécurité sanitaire, de l’environnement et du travail (AFFSET, anciennement AFFSE), l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), les vingt-cinq associations régionales du réseau de cette dernière (ARACT), ainsi que l’Institution nationale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) ou la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal (DILTI).

Selon les indications transmises au rapporteur par les services du ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, « conformément à la stratégie européenne de l’emploi et à la stratégie communautaire pour la santé et la sécurité au travail, il s’agit de construire une politique active du travail associant étroitement les partenaires sociaux ».

Cette politique se fonde aujourd’hui avant tout sur le plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail, lancé en mars 2006, qui prévoit la création de 700 emplois de 2007 à 2010 (200 le sont effectivement dans le présent projet de loi de finances : 120 contrôleurs du travail, 70 inspecteurs et 10 médecins et ingénieurs, qui correspondent à 106 équivalents temps plein travaillés – ETPT), la poursuite du plan « santé au travail », la préparation des élections prud’homales (pour laquelle le présent projet de loi de finances prévoit des crédits de paiement à hauteur de 25,55 millions d’euros pour 2007) ou encore le développement de la formation syndicale et de la négociation collective territoriale (crédits de paiement de 30,22 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances).

5. Le programme « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail »

Ce programme regroupe l’ensemble des moyens de personnels, de fonctionnement, d’investissement, de statistiques, d’études, d’évaluation et de recherche de la mission « Travail et emploi ». Les crédits de paiement représentent 741 millions d’euros, dont 534 millions d’euros de crédits affectés aux dépenses en personnel (soit 72 % du total).

Les deux priorités de ce programme pour 2007 sont le développement d’une démarche qualitative en matière d’accueil, avec la généralisation de la « charte Marianne » (3) dans l’ensemble des services chargés d’accueillir et de renseigner le public (avec une attention particulière accordée à la réduction des délais de réponse) et le développement des télé-procédures. Avec ce programme, la dimension qualitative du budget est donc particulièrement mise en valeur, conformément à l’esprit de la réforme que constitue l’application de la loi organique relative aux lois de finances.

B. LA TRADUCTION DES PRIORITÉS GOUVERNEMENTALES POUR 2007

Le projet de loi de finances constitue avant tout la traduction de priorités. Il est possible de regrouper celles-ci autour des grandes lois consacrées à l’emploi qui ont marqué ces dernières années.

1. La mise en œuvre du plan de cohésion sociale

La loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale a traduit les grandes inspirations de la politique de l’emploi telles qu’elles figuraient dans le plan de cohésion sociale de juin 2004 ; 2007 est la deuxième année de mise en œuvre de ce plan. Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit à cet effet des crédits à hauteur de 2,1 milliards d’euros, ce qui représente 17 % du budget total de la mission.

Principaux objectifs emploi du plan de cohésion sociale

Objectifs

Crédits pour 2007

(en millions d’euros)

Fédérer les acteurs pour un nouveau contrat avec les demandeurs d’emploi (maisons de l’emploi)

118,5

De l’assistance à l’emploi, une chance pour le pays tout entier (contrat d’avenir)

623,46

Accompagner 800 000 jeunes en difficulté vers l’emploi durable

640,77

500 000 apprentis, « étudiants des métiers » (crédits d’impôt et progression des exonérations)

Non disponible

Accélérer le développement des services

186

Aide aux chômeurs créateurs d’entreprise

Non disponible

TOTAL

2 100,0

Source : ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement

Cette loi a profondément transformé la politique des contrats aidés marchands et non marchands, qui continue sa montée en charge en 2007, conformément au tableau présenté ci-après. Désormais, deux contrats de travail permettent d’activer les minima sociaux, le contrat d’avenir dans le secteur non marchand et le contrat d’insertion-revenu minimum d’activité (CI-RMA) dans le secteur marchand. Par ailleurs, pour tous les autres publics en difficulté, ont été adaptés ou rénovés le contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE) dans le secteur non marchand et le contrat initiative emploi (CIE) dans le secteur marchand (voir en outre sur l’ensemble des mesures destinées aux jeunes les développements qui y sont consacrés dans la deuxième partie de cet avis).

Évolution des crédits consacrés aux contrats aidés

(en millions d’euros)

Dispositif concerné

Loi de finances initiale pour 2006

Projet de loi de finances pour 2007

Contrat initiative emplois

274 ,85

303,398

Contrat d’accompagnement dans l’emploi

690,46

962,252

Contrat d’avenir

747

623,46

Source : ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement

Au plan institutionnel, la loi du 18 janvier 2005 a créé les maisons de l’emploi, de manière à permettre à l’ensemble des acteurs du service public de l’emploi de mieux se coordonner dans les territoires et les bassins d’emploi. L’objectif pour l’année 2007 est d’atteindre le chiffre de 300 maisons de l’emploi au 31 décembre. À cet effet, 118,5 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2007

En outre, le plan de cohésion sociale renforce les moyens affectés à l’aide à l’accompagnement dans les associations intermédiaires ainsi qu’au financement de postes d’insertion dans les entreprises d’insertion et crée une aide à l’accompagnement dans les chantiers d’insertion.

2. L’exploration de nouveaux gisements d’emplois : le développement des services à la personne

La loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale s’est donnée pour objectif de faciliter le développement de l’emploi dans le secteur des services à la personne. Le but est de doubler la tendance actuelle de création d’emplois dans ce secteur.

Elle a créé à cet effet un crédit d’impôt spécifique pour les sociétés, un allègement de cotisations patronales au bénéfice des particuliers employeurs ainsi qu’une exonération totale de cotisations sociales pour les entreprises et associations agréées.

Dans le projet de loi de finances pour 2007, 49,694 millions d’euros de crédits de paiement sont consacrés à la sous-action « Création d’un environnement favorable au développement des services à la personne, des activités d’utilité sociale et des nouvelles formes d’emploi ». Ces crédits incluent le montant de la subvention pour charges de service public prévue pour l’agence nationale des services à la personne chargée de promouvoir le développement des services à la personne, à hauteur de 26 millions d’euros (contre 20,3 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2006).

3. Le retour à l’emploi 

L’importance des dispositifs d’intéressement pour favoriser le retour à l’emploi n’est plus à démontrer. La loi du 23 mars 2006 relative au retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux a procédé à une réforme profonde de l’intéressement à la reprise d’activité des bénéficiaires de certains minima sociaux.

La loi pérennise et élargit le champ de la prime de retour à l’emploi de 2005 (établie à hauteur de 1 000 euros). Elle complète l’actuel intéressement fondé sur le cumul dégressif du salaire et de l’allocation, au profit d’un dispositif forfaitaire plus simple et plus attractif, propre à favoriser la sortie de la précarité des bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique. À ce titre, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances s’élèvent à 100 millions d’euros pour l’année 2007.

Par ailleurs est menée une véritable politique d’activation des minima sociaux. Les titulaires du revenu minimum d’insertion (RMI), les allocataires de l’allocation de parent isolé (API), de l’allocation adultes handicapés (AAH) ainsi que ceux de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) peuvent se voir proposer un contrat d’avenir, résultant d’une collaboration entre les services de l’État et les collectivités.

Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007 au titre de l’aide de l’État aux employeurs de contrats d’avenir s’élèvent à 623,46 millions d’euros. Cette dotation prend en compte, selon les informations transmises par les services du ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement au rapporteur, « l’ajustement des besoins compte tenu de la montée en charge effective en 2006 et prévisionnelle en 2007 de ces contrats. Ainsi la dotation du projet de loi de finances pour 2007 repose sur une hypothèse de 90 000 entrées en contrats d’avenir en 2006 et 100 000 nouvelles entrées en 2007 ».

En outre, l’article 58 du présent projet de loi de finances porte création d’une « prime de cohésion sociale » au profit des demandeurs d’emploi de longue durée de cinquante ans et plus. Ce dispositif est motivé par le fait que sur le marché du travail, la situation des demandeurs d’emploi âgés de plus de cinquante ans reste tendue (57 % des allocataires de l’ASS âgés de cinquante ans et plus sont au chômage depuis au moins trois ans, contre 42 % des allocataires âgés de quarante à quarante-neuf ans et 25 % des moins de quarante ans). Avec cette prime, l’État prend en charge la quasi-intégralité de la rémunération des allocataires de l’ASS de plus de cinquante ans et éloignés durablement du marché du travail, lorsqu’ils sont embauchés en contrat d’avenir, dans la limite du salaire minimum de croissance. Le coût de cette prime est estimé à 15 millions d’euros en 2007, pour 50 000 bénéficiaires.

Enfin, l’article 59 du projet de loi de finances pour 2007 institue un dispositif expérimental tendant à autoriser les départements qui en font la demande, pour une durée de trois ans, à effectuer des aménagements aux lois existantes en matière de retour à l’emploi des bénéficiaires du RMI. Cette expérimentation vise à permettre une amélioration des incitations financières associées à la reprise d’un emploi, la simplification des conditions d’accès aux emplois aidés ainsi que l’adoption de mesures innovantes pour réduire les autres obstacles au retour à l’emploi (concernant les conditions de garde d’enfants, de transport ou de mobilité familiale notamment). Il est prévu que l’État accompagne financièrement ces expérimentations. Par ailleurs, cet article exonère d’impôt sur le revenu, au même titre que leur montant en principal, les majorations dont les primes forfaitaires et de retour à l’emploi versées aux allocataires du RMI peuvent faire l’objet de la part des départements, dans le cadre de l’expérimentation (ces majorations seraient aussi exonérées de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale).

4. L’accès à l’emploi des personnes handicapées

La loi du 11 février 2005 relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a posé le principe de non-discrimination des personnes handicapées dans le domaine de l’emploi, en promouvant l’accès aux dispositifs de droit commun et en faisant du travail en milieu ordinaire une priorité, grâce à la mobilisation des contrats aidés dans le secteur marchand comme dans le secteur non marchand.

À cet effet, les « entreprises adaptées », qui contribuent à l’accès à l’emploi des travailleurs handicapés, reçoivent une subvention spécifique qui s’élève à 47,37 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2007 ainsi qu’une aide au poste par travailleur handicapé employé par l’entreprise adaptée versée par l’État, au titre de laquelle 243,6 millions d’euros sont prévus pour 2007.

5. La poursuite du plan d’urgence pour l’emploi

La loi du 21 avril 2006 sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise a précisé la notion de parcours d’accès à la vie active en faveur des jeunes (PAVA). Dans ce cadre sont mises en œuvre un certain nombre de mesures qui trouvent leur traduction budgétaire dans le présent projet de loi de finances.

Ainsi, des crédits de paiement à hauteur de 12 millions d’euros sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2007 au profit des opérations de placement de jeunes demandeurs d’emplois par des opérateurs privés.

En outre, l’opération « 50 000 stages de formation professionnalisante », lancée en mai 2006, est poursuivie en 2007, de manière à mieux orienter les jeunes les plus éloignés de l’emploi vers le contrat de professionnalisation, en particulier dans les métiers connaissant des difficultés de recrutement.

Le projet de loi de finances a également prévu l’ouverture de 20 000 places supplémentaires dans les dispositifs d’acquisition des savoirs de base et de lutte contre l’illettrisme, à savoir les ateliers pédagogiques personnalisés et les dispositifs dits Insertion Réinsertion Illettrisme, au profit des jeunes en grande difficulté.

De façon plus générale encore, le présent budget vise à favoriser le rôle de l’entreprise comme vecteur privilégié de l’insertion professionnelle des jeunes, par la promotion de l’apprentissage ou du contrat jeunes en entreprise.

II.- L’ENTREPRISE, VECTEUR PRIVILÉGIÉ DE L’INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEUNES

« Les entrepreneurs sont les agents dont la fonction est d’exécuter de nouvelles combinaisons. Nous appellerons entreprise, l’exécution de nouvelles combinaisons et également ses résultats dans les exploitations ».

Joseph-Alloïs Schumpeter,

Capitalisme, socialisme et démocratie,

1942

Pourquoi vouloir réconcilier l’irréconciliable ? Tout sépare, a priori, les entreprises et les jeunes, à tel point qu’il faut commencer par s’interroger sur le point de départ de la présente réflexion : pourquoi traiter spécifiquement du rôle de l’entreprise dans l’emploi des jeunes ? Comme l’a montré Joseph-Alloïs Schumpeter, l’entreprise est le lieu de l’innovation par excellence, dans la mesure où elle permet la mise en œuvre de nouvelles combinaisons. Or la question du chômage des jeunes et sa récurrence n’invitent-elle pas aujourd’hui à l’invention de nouvelles combinaisons à partir d’outils existants plutôt qu’à la création de nouveaux dispositifs ? Ne serait-ce pas là la réelle innovation ?

A. LES ENTREPRISES CONTRE LES JEUNES ? UNE DIVERGENCE APPARENTE DE COMPORTEMENTS

1. L’entreprise, notion économique et juridique…et réalité sociale

« Quotidiennement, notre vie est marquée par l’entreprise, « cellule de base de l’économie de marché ». L’entreprise est un lieu où s’élaborent les produits que nous consommons, où sont réalisés les investissements, répartis les revenus, exportés les produits qui conditionnent l’équilibre commercial, créés des emplois nouveaux. Plans de carrière, conditions de travail, relations hiérarchiques, rapports sociaux prennent forme au sein de l’entreprise. Élément clé de l’appareil de distribution et de production, elle est un « laboratoire social » où se négocient congés, durée et rythme de travail. Lieu de formation du profit, elle est l’élément essentiel du capitalisme fondé sur la propriété privée. Elle agit sur l’environnement et modèle les paysages ». Cette simple définition livresque de l’entreprise (4) en dit déjà long sur son importance dans la vie quotidienne de chacun.

C’est parce que l’entreprise a pris une place croissante dans l’économie et dans la société au XIXè puis, surtout, au XXè siècle, qu’il est apparu nécessaire de lui conférer un statut juridique.

Au fil du temps, avec l’ordonnance de 1945 sur les comités d’entreprise, le préambule de la Constitution de 1946, mais également les grands textes sur l’intéressement et la participation aux résultats de l’entreprise (1959 et 1967), l’exercice du droit syndical (1968), la conclusion de certains accords collectifs de travail (1971), … la notion d’entreprise a ainsi dû être juridiquement précisée. Mais la législation française n’a jamais réellement établi de véritable définition de l’entreprise, contrairement au droit allemand. C’est que outre-Rhin, traditionnellement, le système de relations sociales envisage les relations du travail sous l’angle de la communauté de travail, quand le droit français privilégie la notion de contrat.

Il est vrai que certains juristes, tels Paul Durand, dans la lignée du fondateur de l’école jusnaturaliste de Toulouse Maurice Hauriou, et sous l’influence des thèses allemandes, développeront une doctrine « institutionnelle » pour insister sur la réalité sociale que désigne avant tout l’entreprise : le salarié y est d’une certaine manière citoyen, et l’intérêt de l’entreprise peut être assimilé au bien commun (5). Mais en France, la relation contractuelle entre l’employeur et le salarié finit toujours par l’emporter, l’entreprise n’étant pas véritablement sujet de droit et bien davantage le cadre de relations juridiques particulières.

L’entreprise est donc loin d’être uniquement une entité juridique et constitue aussi une réalité multiforme et bien vivante, susceptible de devenir tant un lieu qu’un acteur essentiel des relations du travail en général, et de la lutte contre le chômage en particulier.

2. L’entreprise, réponse à la question du chômage des jeunes

Il existe indéniablement une diversité des formes du chômage des jeunes. Les analyses du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) l’ont très bien montré : les disparités existent entre les jeunes chômeurs selon leur niveau de formation, selon leur diplôme, selon les disciplines, selon l’existence ou non de discriminations, selon même l’environnement familial, etc. Nul ne saurait le nier.

Mais centrer l’analyse du chômage sur les jeunes uniquement conduit à occulter l’importance de l’autre acteur central et, in fine, à manquer un pan entier de la question de l’insertion professionnelle, comme l’a montré de manière remarquable un ouvrage coordonné également par des membres du Céreq et de son réseau de Centres régionaux associés, consacré aux « Entreprises et jeunes débutants » (6).

Cet ouvrage précise que « se référer de façon centrale à l’entreprise, c’est postuler, au moins implicitement, que les variables explicatives de l’insertion et des différences d’insertion entre les jeunes ne sont pas principalement ou en tout cas pas seulement de nature individuelle. Dans un tel cadre d’analyse, la contribution des entreprises est en fait tout à fait essentielle à la structuration, à l’organisation, à la mise en forme des trajectoires individuelles d’insertion professionnelle. Ce rôle des entreprises n’est pas l’effet d’un rationnement des emplois offerts [qui serait lié à un contexte conjoncturel donné] mais résulte de l’intervention très concrète des entreprises dans la mise au travail des jeunes et dans ce qui spécifie l’insertion : l’accès non pas à un emploi mais à une qualification professionnelle ».

Ce détour par une analyse de ce qu’est l’insertion est fondamental pour comprendre aujourd’hui la question de l’accès à l’emploi des jeunes. Comme le montrent les auteurs de l’ouvrage précité, l’insertion est une période de qualification, ou plus encore « un processus d’accès à une qualification professionnelle » pour ceux dont la qualification est à l’origine seulement, ou presque seulement, scolaire. Les auteurs concluent : « La question de l’insertion devient alors celle de l’accès à des parcours et des emplois qualifiants, sachant que tout activité n’est pas pareillement qualifiante pour les débutants ». Bref, la question du chômage des jeunes appelle moins une réponse en termes d’emploi qu’en termes de qualification.

3. L’entreprise, incapable de répondre au chômage des jeunes ?

La question posée est de savoir si l’entreprise est ou non candidate à l’insertion des jeunes, ainsi définie. Dans quelle mesure les entreprises sont-elles prêtes à embaucher en insérant ? Dans le monde de l’entreprise, la notion de débutant a un sens précis, à savoir qu’elle renvoie au fait d’être inexpérimenté, dans le double sens de n’être pas doté d’expérience professionnelle et de n’avoir pas été testé par un employeur et ainsi reconnu comme travailleur. Dans quelle mesure l’insertion est-elle un objectif d’entreprise ? Si traditionnellement on isole aisément dans l’entreprise les fonctions de direction, logistique, de production ou encore de distribution (7), la fonction d’insertion est en revanche loin d’être toujours identifiable.

Interrogés par le rapporteur sur cette question, les services du ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement postulent que « les entreprises du secteur marchand, de tous secteurs et de toutes tailles, sont en situation de remplir un rôle majeur en matière d’insertion professionnelle des jeunes, notamment de faible niveau de qualification. Les employeurs, en effet, doivent faire face au renouvellement de leurs collaborateurs du fait des départs à la retraite mais aussi pour actualiser les compétences requises afin que les entreprises puissent se développer dans un contexte économique exigeant ».

Dans le même temps, ils reconnaissent que les jeunes, aujourd’hui, « peuvent présenter des lacunes en matière de savoirs de base ou comportementaux qui empêchent les employeurs de repérer leurs capacités, de mesurer leur potentiel et de prendre en compte leurs apports au monde du travail ».

Ce double constat fonde la nécessité de la mise en œuvre de mesures rendant plus attractive l’embauche des jeunes.

B. LES ENTREPRISES POUR LES JEUNES : DEUX EXEMPLES CONCLUANTS, L’APPRENTISSAGE ET LE CONTRAT JEUNES EN ENTREPRISE

Le rapporteur a souhaité procéder à l’analyse détaillée de deux mesures qui montrent combien l’entreprise et les jeunes ne sont pas « irréconciliables ».

Le premier exemple – l’apprentissage – s’imposait presque. En effet, dans l’artisanat traditionnel, l’apprentissage organisait précisément la transition de l’état de jeune débutant à celui de jeune expérimenté. L’apprentissage allait aussi parfois de pair avec des changements d’employeurs (dans la boulangerie par exemple), ces changements étant pour partie modalités de la qualification.

Le second exemple est moderne, puisqu’il remonte à 2002 : il s’agit du contrat jeunes en entreprise, aussi dénommé soutien à l’emploi des jeunes en entreprise (SEJE). Ce contrat à durée indéterminée, réservé à une classe d’âge, a été perfectionné et étendu au fil des années, mais a connu dès l’origine un succès indéniable et atteste également qu’il est possible d’inciter les entreprises à embaucher (et insérer) des jeunes.

1. Deux « vrais » contrats de travail entre le jeune et l’entreprise

Il est essentiel de garantir la conclusion d’un contrat de travail entre le jeune intéressé et l’entreprise. Les analyses précitées du Céreq montrent qu’une entreprise n’offrant que des expériences de travail de courte durée ne permettent pas toujours au jeune de se situer dans l’entreprise et ne facilitent pas son travail de socialisation : « certaines formes de précarité en début de vie active ne se posent pas comme des pré-embauches et n’ont pas non plus la capacité à fournir une expérience professionnelle reconnue ; elles ne font alors que reporter l’effort à fournir et allonger le temps de socialisation ».

a) Le contrat d’apprentissage

Le contrat d’apprentissage, avant toute spécificité, s’affiche comme un contrat de travail. Contrat de travail de type particulier certes, selon l’expression figurant à l’article L. 117-1 du code du travail, mais particulier pour la bonne cause pourrait-on dire, à savoir la formation, puisque ce même article précise que l’employeur doit s’engager « à assurer à un jeune travailleur une formation professionnelle méthodique et complète, dispensée pour partie en entreprise et pour partie en centre de formation d’apprentis. L’apprenti s’oblige, en retour, en vue de sa formation, à travailler pour cet employeur, pendant la durée du contrat, et à suivre la formation dispensée en centre de formation d’apprentis et en entreprise ».

En aucun cas cette particularité ne pourrait donc s’analyser comme « en moins » par rapport au contrat de droit commun. L’article L. 117-2 du code du travail précise en effet que sont applicables au contrat d’apprentissage l’ensemble des lois, règlements et conventions ou accords collectifs de travail prévalant dans les relations de travail entre employeurs et salariés dans la branche ou l’entreprise considérée, dans la mesure où ces dispositions ne sont pas contraires à celles qui s’appliquent spécifiquement à la situation du jeune en première formation. À titre d’exemple, c’est ainsi que la chambre sociale de la Cour de cassation, par un arrêt du 12 juillet 1999, a considéré qu’un apprenti avait droit au bénéfice d’une prime de vacances profitant à l’ensemble des salariés.

Ce contrat est à durée déterminée, d’une durée de un à trois ans selon les cas.

Du point de vue retenu dans le présent avis, le contrat d’apprentissage, par sa double nature (contractuelle et qualifiante) constitue un premier exemple démontrant le rôle exemplaire que peut jouer l’entreprise dans l’insertion dans l’emploi.

Le contrat d’apprentissage est conclu entre une entreprise, quelle que soit sa nature (entreprise relevant du secteur artisanal, commercial ou industriel, ainsi que tout employeur du secteur public non industriel et non commercial) et un jeune de 16 à 25 ans (dans le cas général). Ce contrat est régi aujourd’hui par l’ensemble du titre Ier du code du travail.

La place de l’entreprise dans ce dispositif est prééminente, en cohérence avec le rôle traditionnel de l’apprentissage et sa double nature, puisque celui-ci constitue un mode de formation en alternance. L’article L. 117-4 du code du travail prévoit que « dans le cadre du contrat d’apprentissage, la personne directement responsable de la formation de l’apprenti et assumant la fonction de tuteur [au sein de l’entreprise] est dénommée maître d’apprentissage. Celle-ci doit être majeure et offrir toutes garanties de moralité. Le maître d’apprentissage a pour mission de contribuer à l’acquisition par l’apprenti dans l’entreprise des compétences correspondant à la qualification recherchée et au titre ou diplôme préparés, en liaison avec le centre de formation d’apprentis ».

Très récemment, ce rôle central de l’entreprise a été réaffirmé par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. Cette loi a créé en effet les outils nécessaires pour que puisse être atteint l’objectif de 500 000 apprentis en 2009. L’ensemble de ces outils est au service d’une logique « gagnant-gagnant » pour les apprentis comme pour les employeurs.

Un certain nombre des dispositifs ainsi créés l’illustrent : aux termes de l’article L. 115-2-1 du code du travail, désormais, l’apprenti est soumis, au centre de formation d’apprenti, à un entretien d’évaluation du déroulement de la formation afin, le cas échéant, d’adapter cette dernière, dans les deux mois suivant la conclusion du contrat d’apprentissage : il est prévu que l’employeur et le maître d’apprentissage participent à cet entretien ; aux termes de l’article L. 117-4 du même code, la fonction tutorale dans l’entreprise peut désormais être assurée par plusieurs salariés constituant une équipe tutorale, au sein de laquelle sera désigné un maître d’apprentissage référent ; l’article L. 117-3 du même code ouvre la possibilité d’un dépassement de la limite d’âge supérieure de l’apprentissage (soit vingt-cinq ans) lorsque l’apprenti a un projet de création ou de reprise d’entreprise dont la réalisation est subordonnée à l’obtention du diplôme ou du titre sanctionnant la formation poursuivie.

Il faudrait pour être complet mentionner aussi la formation d’apprenti junior, inscrite par l’article 2 de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances dans le code de l’éducation (article L. 337-3). L’enjeu de ce nouveau dispositif de préapprentissage, qui se substitue aux classes d’initiation professionnelle en alternance (CLIPA), est la lutte contre les sorties sans qualification du système scolaire et la préparation à une insertion sociale et professionnelle réussie. L’existence de parcours d’initiation aux métiers ou de stages en milieu professionnel montrent l’importance de la sensibilisation à la réalité de l’entreprise, même pour ces jeunes encore soumis, dans le même temps, à l’obligation de scolarité.

b) Le contrat jeunes en entreprise

La loi du 29 août 2002 a créé un « dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprise ». À cet effet, elle a introduit dans le code du travail un nouvel article L. 322-4-6 (ce dernier article avait existé préalablement dans le code du travail, mais avait été abrogé en 2001), qui ouvre la possibilité aux employeurs de bénéficier « d’un soutien de l’État lors de la conclusion de contrats de travail à durée indéterminée », dans le respect de certaines conditions. La spécificité du dispositif résulte de l’existence d’un soutien particulier, non de la nature du contrat de travail dont il est clairement indiqué qu’il s’agit d’un CDI.

Comme le rapporteur du projet de loi l’avait souligné dès 2002 (8), « la première des singularités de ce dispositif que l’on a parfois appelé pour des raisons de simplicité « contrat-jeunes » est précisément qu’il ne constitue pas un contrat d’un nouveau type, un contrat de travail plus ou moins adapté à la spécificité du public visé (…) [et qu’] il vise à permettre aux jeunes d’accéder enfin à ce qui leur paraît souvent inaccessible, un vrai contrat de travail ».

L’article L. 322-4-6 du code du travail s’ouvre par le rappel des objectifs fondamentaux poursuivis avec ce dispositif : favoriser l’accès des jeunes à l’emploi et faciliter leur insertion professionnelle.

Les CDI conclus peuvent l’être à temps plein ou à temps partiel, mais doivent alors avoir une durée au moins égale à la moitié de la durée collective du travail applicable dans l’entreprise.

À l’origine, le public visé est ciblé de manière extrêmement précise : l’employeur peut bénéficier du SEJE pour des contrats signés avec des jeunes âgés de 16 à 22 ans, et dont le niveau de formation est inférieur à un diplôme de fin du second cycle long de l’enseignement général, technologique ou professionnel.

Ce ciblage a fait l’objet de certains aménagements au cours des deux dernières années.

D’une part, de manière à rendre plus incitative l’embauche des jeunes sans qualification, l’article 13 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 et son décret d’application n° 2005-221 du 9 mars 2005 ont introduit une modulation du montant de l’aide apportée aux employeurs en fonction du niveau de formation du jeune. Par ailleurs, la loi de programmation pour la cohésion sociale a étendu le bénéfice de cette mesure aux jeunes de 16 à 25 ans bénéficiaires d’un accompagnement renforcé dans le cadre du contrat pour l’insertion dans la vie sociale (CIVIS), à savoir des jeunes de niveau de formation V bis et VI.

D’autre part, afin de toucher plus largement l’ensemble des jeunes éloignés de l’emploi et susceptibles de subir des discriminations, la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, complétée par la loi du 21 avril 2006 sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise, ont procédé à une large extension du SEJE. Désormais celui-ci est ouvert à tout employeur concluant un contrat avec : des jeunes âgés de 16 à 25 ans dont le niveau de formation est inférieur à celui d’un diplôme de fin de second cycle long de l’enseignement général, technologique ou professionnel ; des jeunes âgés de 16 à 25 ans révolus qui résident en zone urbaine sensible ; des jeunes titulaires d’un CIVIS tel qu’il est défini à l’article L. 322-4-17-3 du code du travail. Ce dernier public est d’autant plus large que l’article L. 322-4-17-3 a été modifié par la loi précitée du 21 avril 2006 : peut désormais bénéficier d’un CIVIS tout jeune de 16 à 25 ans « rencontrant des difficultés particulières d’insertion sociale et professionnelle ».

En outre, l’article 25 de la loi pour l’égalité des chances précité a rendu le SEJE applicable aux employeurs concluant avant le 1er janvier 2007 un contrat de travail avec des jeunes de 16 à 25 ans demandeurs d’emploi depuis plus de six mois au 16 janvier 2006. Cette date du 16 janvier 2006 correspond à l’annonce de la mesure par le Premier ministre.

Enfin, la loi du 21 avril 2006 a ouvert la possibilité aux employeurs embauchant des jeunes en contrat de professionnalisation à durée indéterminée de bénéficier de ce soutien, alors qu’auparavant était proscrit tout cumul du SEJE avec une autre aide à l’emploi attribuée par l’État.

2. Une logique « gagnant-gagnant » pour le jeune et l’entreprise

a) Le contrat d’apprentissage

Le contrat d’apprentissage constitue un jeu à somme positive pour l’apprenti comme pour l’entreprise. C’est en tout cas dans cette direction qu’a œuvré la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005. Ces éléments nouveaux ne portent pour autant pas atteinte au socle existant, à savoir, au profit de l’apprenti, le bénéfice d’une formation en centre de formation d’apprentis d’au minimum 400 heures par année, aboutissant à l’acquisition d’une qualification reconnue par un diplôme.

La revalorisation du statut de l’apprenti est l’un des éléments connus de la loi de programmation pour la cohésion sociale, et le présent avis n’a pas pour objet de revenir dans le détail sur tous ces éléments. Pour mémoire, on rappellera l’attribution à tout apprenti d’une carte d’apprenti délivrée par son centre de formation et ouvrant droit à certaines réductions tarifaires (article L. 117 bis-8 du code du travail), la refonte complète de la grille de rémunération des apprentis permettant de mettre fin à un certain nombre d’iniquités (article L. 117-10 du même code), et notamment d’assurer aux jeunes concluant deux contrats d’apprentissage successifs qu’ils bénéficieront d’un salaire au moins égal à celui qu’ils percevaient dans le cadre de leur premier contrat, l’exonération d’impôt sur le revenu des revenus des apprentis dans la limite du SMIC (article 81 bis du code général des impôts), ou encore l’adaptation de la durée du contrat lorsque le cursus de formation antérieur le permet (article L. 115-2 du code du travail).

Mais l’entreprise n’est pas en reste. Au cœur du dispositif, elle est à la fois aidée et sollicitée.

— D’une part, les entreprises bénéficient d’exonérations de cotisations sociales (et dans une certaine mesure fiscales) non négligeables au titre de l’apprentissage. En application de l’article L. 118-5 du code du travail, une partie du salaire de l’apprenti (à hauteur de 11 % du SMIC) ne donne lieu à aucune cotisation sociale, fiscale ou parafiscale.

En outre, en application de l’article L. 118-6 du même code, les entreprises de moins de onze salariés et les entreprises inscrites au répertoire des métiers dans les départements d’Alsace et de Moselle ne versent aucune cotisation, à l’exception des cotisations supplémentaires d’accident du travail. Ces employeurs représentent 60 % des employeurs d’apprentis.

Quant aux employeurs de onze salariés et plus (et non inscrits au répertoire des métiers), ils sont, depuis l’adoption de l’article 18 de la loi n° 87-572 du 23 juillet 1987, exonérés des cotisations patronales de sécurité sociale. Restent donc à la charge de ces employeurs : la part patronale des cotisations aux régimes complémentaires de retraite ; la part patronale des cotisations d’assurance chômage ; la cotisation au Fonds national de garantie des salaires ; la cotisation au Fonds national d’aide au logement ; la contribution solidarité autonomie ; le versement de transport (le cas échéant) ; les cotisations supplémentaires d’accident du travail.

Pour les employeurs d’apprentis du secteur public non industriel et commercial, l’État prend également en charge les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale et les cotisations salariales d’origine légale et conventionnelle imposées par la loi, dues au titre du salaire de l’apprenti, en application de l’article 20 de la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l’apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail.

L’article 60 du présent projet de loi de finances pour 2007 modifie à la marge ce régime. Compte tenu du taux élevé d’accidents du travail parmi les titulaires de contrats d’apprentissage (15,7 % d’après l’enquête sur les conditions de travail menée en 1998 par la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement) et afin de responsabiliser les entreprises dans ce domaine, le gouvernement propose de supprimer l’exonération des cotisations patronales dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Au total, les crédits que l’État consacrera à la compensation des exonérations de cotisations sociales en 2007 s’élèvent à 926,02 millions d’euros.

— Par-delà les exonérations de charges, les entreprises bénéficient également, pour tout apprenti embauché, d’une indemnité compensatrice forfaitaire. Initialement versée par l’État, cette indemnité est depuis 2003 attribuée par les régions. Depuis l’adoption de l’article 8 de la loi du 13 août 2004, celles-ci peuvent même déterminer librement la nature, le niveau et le montant de l’indemnité compensatrice forfaitaire. Néanmoins, le décret n° 2005-1502 du 5 décembre 2005 a fixé le montant minimal de l’indemnité à 1 000 euros pour chaque année de cycle de formation (le montant étant proratisé en fonction de la durée du contrat lorsque celle-ci est supérieure à un an).

La compensation de ce transfert de compétences par l’État a été prévue par la loi de finances pour 2003, le principe d’une compensation progressive (étalée sur plusieurs années) étant retenu dans la mesure où les dépenses s’effectuent elles-mêmes dans un cadre pluriannuel lié notamment à la durée des contrats d’apprentissage. Pour 2007, ce montant prévisionnel s’élève à 783,47 millions d’euros.

— Enfin, depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale, les entreprises embauchant des apprentis peuvent bénéficier, aux termes du nouvel article 244 quater G du code général des impôts, d’un crédit d’impôt annuel par apprenti de 1 600 euros, cette somme étant portée à 2 200 euros dans le cas d’un apprenti auquel est reconnue la qualité de travailleur handicapé, lorsque l’apprenti bénéficie de l’accompagnement personnalisé prévu dans le cadre du contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS), quand l’apprenti est employé par une entreprise portant le label « Entreprise du patrimoine vivant », dans le cas où l’apprenti suit une formation dite d’apprenti-junior ou encore lorsque l’apprenti a signé son contrat d’apprentissage à l’issue d’un contrat de volontariat pour l’insertion.

Aidée, l’entreprise est aussi sollicitée financièrement. La loi de programmation pour la cohésion sociale a réformé en profondeur le système de financement de l’apprentissage, en particulier en créant un nouveau fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage, successeur de l’ancien fonds de péréquation, et en instituant des contrats d’objectifs et de moyens signés entre les régions et l’État de manière à favoriser le développement quantitatif et qualitatif de l’apprentissage.

Dans cette même perspective, la loi de finances pour 2005 (n° 2004-1484 du 30 décembre 2004) a institué une contribution au développement de l’apprentissage, en remplacement des deux dotations de décentralisation relatives à la formation professionnelle et à l’apprentissage, progressivement supprimées. Cette contribution est due par les personnes ou les entreprises redevables de la taxe d’apprentissage, et assise sur les rémunérations retenues pour l’assiette de la taxe. Le taux de la taxe avait été fixé à 0,06 % en 2005.

Il faut aussi citer le récent article 16 de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances. Cet article majore le taux de la taxe d’apprentissage des entreprises de 250 salariés et plus dès lors que celles-ci n’emploient pas un nombre minimal de jeunes en alternance. Ainsi, le taux de la taxe d’apprentissage de ces entreprises est porté à 0,6 % de la masse salariale lorsqu’elles comptent moins de 1 % de jeunes de moins de 26 ans en contrat d’apprentissage ou en contrat de professionnalisation dans leur effectif en 2006. Ce seuil est porté à 2 % en 2007 et à 3 % pour les années suivantes. Cette majoration s’appliquera pour la première fois à la taxe d’apprentissage due en 2007 et assise sur les salaires versés en 2006.

Dans une perspective voisine, l’article 61 du projet de loi de finances pour 2007 affecte à l’association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), à partir de 2007, la fraction de taxe d’apprentissage due par les entreprises de plus de 250 salariés qui n’ont pas dans leurs effectifs un nombre minimal de jeunes en contrats d’apprentissage ou de professionnalisation. Les auditions réalisées par le rapporteur ont toutefois tendu à démontrer combien cette mesure soulève d’interrogations, en particulier car elle aboutit, d’une certaine manière, à un « détournement » de la taxe d’apprentissage au profit de la formation professionnelle en général, ce qui ne correspond pas à sa vocation première.

Il reste qu’au final, l’effet incitatif à l’embauche d’apprentis reste déterminant, comme en témoignent, on le verra, le bilan qui peut être fait de l’évolution de l’apprentissage aujourd’hui.

b) Le contrat jeunes en entreprise

Le jeune est évidemment « gagnant » dans la mesure où il bénéfice d’un contrat de travail à durée indéterminée. En outre, le jeune embauché dans le cadre du SEJE a la possibilité de bénéficier d’un bilan de compétences, ainsi que de faire valoir ses droits à validation des acquis de l’expérience selon les modalités fixées par les partenaires sociaux dans les branches professionnelles.

L’entreprise bénéficie quant à elle – c’est le principe même du « soutien » à l’emploi des jeunes en entreprise – d’une aide forfaitaire par jeune embauché.

Le décret n° 2006-692 du 14 juin 2006 a fixé à 400 euros le montant du SEJE la première année, 200 euros la seconde. Ce montant est de 200 euros dans le cas où l’employeur a conclu un contrat de professionnalisation à durée indéterminée avec le jeune (100 euros la deuxième année).

3. Des résultats quantitatifs et qualitatifs très encourageants

a) L’apprentissage : des chiffres à la hauteur du défi

Alors que l’apprentissage avait connu un ralentissement au début des années 2000, l’année 2004 a marqué un changement puisque le stock d’apprentis augmente, conformément au tableau présenté ci-après.

Nombre total d’apprentis en stock (en milliers)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

331

347

353

359

356

357

355

364

381

Source : ministère de l’emploi de la cohésion sociale et du logement

Par ailleurs, les services du ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement notent, pour 2005 et 2006, une forte accélération des entrées en apprentissage, en lien avec la montée en charge du plan de cohésion sociale : entre juillet et décembre 2005, 183 698 contrats d’apprentissage ont été enregistrés, contre 177 265 entre juillet et décembre 2004 : cela représente une augmentation de 3,62 % des entrées en apprentissage sur cette période. Cette accélération se confirme au cours des six premiers mois de l’année 2006, où les entrées en apprentissage (75 251) connaissent une évolution de plus de 9,5 % par rapport aux entrées en apprentissage constatées au cours des six premiers mois de l’année 2005 (68 701). Il faut en effet noter que l’évolution des entrées en apprentissage au cours des six premiers mois de l’année 2005 et les six premiers mois de l’année 2004 était de seulement 1,5 %.

Les secteurs d’activité qui contribuent le plus à la hausse de l’apprentissage, en 2004, sont la construction, les services aux particuliers et les boulangeries, pâtisseries et charcuteries. En 2004, l’apprentissage est moins concentré qu’auparavant dans les très petites entreprises : les entreprises de moins de cinq salariés ont embauché 41 % des apprentis, ce qui représente cinq points de moins qu’en 2002.

En 2004 également, l’apprentissage reste encore traditionnellement concentré sur les formations de niveau CAP-BEP (qui représentent deux tiers des contrats). Néanmoins, l’apprentissage se développe de plus en plus au niveau du baccalauréat (20 % des contrats enregistrés en 2004, contre 11 % dix ans plus tôt) et particulièrement dans le commerce. En outre, les diplômes de l’enseignement supérieur représentent aujourd’hui près de 13 % des formations préparées, contre 6 % dix ans auparavant.

Le projet de loi de finances pour 2007 a établi une dotation budgétaire de 926,02 millions d’euros au profit de l’apprentissage, sur la base d’une hypothèse de 275 000 entrées en 2007 (après 255 121 entrées pour l’année 2005 et une prévision établie à 265 000 entrées pour 2006).

b) Le contrat jeunes en entreprise : un dispositif en constante progression

Quelques chiffres suffisent à rendre compte du succès quantitatif de la mesure. Celui-ci ne se dément pas depuis la création du SEJE en 2002, même si la réforme menée avec la loi de programmation pour la cohésion sociale a contribué à favoriser encore le développement du SEJE. Il est trop tôt cependant pour disposer des chiffres résultant de l’application de la réforme de 2006 (entrée en vigueur au 15 juin).

Au 30 juin 2006, 117 081 jeunes bénéficient du dispositif. Sur la seule période de janvier à juin 2006, 38 654 dossiers ont été enregistrés par les Assedic (auxquelles a été confiée la prise en charge administrative du SEJE), contre 26 471 de janvier à juin 2005, ce qui représente une augmentation de 46 %. Les services du ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement notent toutefois que la diminution du délai de dépôt de la demande de soutien auprès de l’organisme gestionnaire (un mois suivant l’embauche, aux termes du décret du 9 mars 2005) a eu un impact important puisque au cours de cette même période, 8 448 demandes ont été rejetées pour cause de non respect du délai (soit le quart environ – 24,6 % – de l’ensemble des rejets) : selon ces même services, l’accroissement de ce délai, porté de un à trois mois par le décret du 14 juin 2006, « devrait permettre de réguler cette tendance [car ce nouveau délai est] plus compatible avec les habitudes de gestion des petites entreprises qui sont majoritaires dans le SEJE ».

De l’été 2002 au 30 juin 2006, on dénombre 293 843 entrées effectives dans le SEJE. Les régions d’Ile-de-France (avec 48 056 entrées), Rhône-Alpes (avec 29 852 entrées) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (avec 25 777 entrées) ont le plus mis en œuvre cette mesure, cependant que les départements d’outre-mer (avec 455 entrées), la Corse (avec 1 600 entrées) et le Limousin (avec 3 169 entrées) sont les régions qui en comptabilisent le moins.

Le nombre total de sorties du dispositif s’élève, depuis 2002, à 175 512. La grande majorité des sorties concerne les ruptures de contrat avant le terme de trois ans (146 386 sorties, soit 49,8 % de l’ensemble des entrées). Les autres sorties (soit 29 126) correspondent à la fin « naturelle » de la mesure, au terme des trois ans de versement de l’aide : concernant les embauches effectuées dans le cadre du SEJE au second semestre 2002, et pour lesquelles le dispositif devait prendre fin au second semestre 2005, 34,7 % des dispositifs sont arrivés à échéance (17 179 SEJE) ; concernant les embauches réalisées au premier semestre 2003, 11 432 SEJE sont arrivés à échéance, soit environ un quart (26,1 %). Près de la moitié des sorties ont lieu dans les six premiers mois du contrat, 30,3 % des contrats étant rompus au-delà d’un an.

Quelles entreprises ont bénéficié du SEJE ?

Il est constant depuis l’entrée en vigueur du dispositif que le SEJE est tout particulièrement utilisé dans les plus petites entreprises : plus de la moitié des salariés bénéficiant du dispositif (58,7 %) sont employés dans des établissements de moins de 10 salariés, et 84,7 % du total le sont dans des établissements de moins de 50 salariés. À l’inverse, les établissements de plus de 100 salariés représentent 10,3 % des contrats SEJE.

Il faut saluer cette tendance, qui dément les critiques habituelles selon lesquelles il est difficile aux plus petites entreprises de s’approprier les dispositifs d’aide à l’embauche, par méconnaissance de ces dispositifs considérés souvent comme trop complexes. Ce résultat est d’autant plus exemplaire que l’on sait combien les plus petites entreprises sont parfois réticentes à l’embauche, en raison des contraintes économiques et sociales que peut, dans certains cas, représenter leur petite taille.

S’agissant des secteurs d’activité concernés, trois secteurs sur trente-six représentent plus de la moitié des entrées dans le SEJE (56,3 %) : la construction (26,1 %), les hôtels et restaurants (17,1 %) ainsi que le commerce de détail et les réparations (13,1 %). En revanche, d’autres secteurs sont sous-représentés par rapport à l’emploi affilié, comme celui de la santé et de l’action sociale (1,1 % contre 8 %), celui des services opérationnels (3,5 % contre 9,9 %) ainsi que celui des conseils et de l’assistance (1,2 % contre 8,2 %).

Il est important de noter que 80 % des embauches se font à temps plein. Seulement 7,3 % des contrats concernent des emplois dont le taux de temps partiel est inférieur à 60 %.

Les jeunes concernés sont en majorité âgés de 19 à 21 ans (61,8 % du total). Les jeunes de 16 et 17 ans sont très minoritaires (6,3 % des embauches). L’âge moyen à l’embauche est de 19,8 ans. Les hommes sont très majoritaires dans le dispositif puisqu’ils représentent 70,8 % du stock au 30 juin 2006.

Pour ce qui concerne les niveaux de formation, un peu plus de la moitié des embauchés bénéficiant du dispositif ont interrompu leur scolarité après l’obtention d’un certificat d’aptitudes professionnelles (CAP) ou d’un brevet d’études professionnelles (BEP). Les jeunes d’un niveau VI et V bis sont minoritaires (ils représentent respectivement 7,6 % et 12,3 % des effectifs).

Au total, l’exemple du SEJE montre combien l’entreprise peut être un vecteur privilégié de l’insertion professionnelle des jeunes.

Il n’y a pas lieu de s’étonner dès lors que le législateur ait, à chaque loi de finances, jugé bon de maintenir le niveau des crédits par jeune affectés au développement de cette mesure, conformément au tableau présenté ci-après.

Évolution des crédits consacrés au SEJE
dans les lois de finances successives

 

Loi de finances initiale pour 2003

Loi de finances initiale pour 2004

Loi de finances initiale pour 2005

Loi de finances initiale pour 2006

Loi de finances initiale pour 2007

Crédits inscrits

(euros)

200 millions

416,4 millions

429,65 millions

252,98 millions

318,13 millions

Base d’entrées

94 000 entrées

90 000 entrées

90 000 entrées

50 000 entrées

50 000 entrées

Crédits consommés (au 31 décembre de l’année visée)

144,74 millions

272,55 millions

274,28 millions

118,67 millions (au 30 juin)

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Source : ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

C. LES ENTREPRISES AVEC LES JEUNES : POUR UNE RÉCONCILIATION DURABLE DES JEUNES ET DE L’ENTREPRISE

Les deux exemples de l’apprentissage et du SEJE montrent qu’il est possible d’assigner à l’entreprise un rôle décisif en matière d’insertion professionnelle des jeunes.

Il convient toutefois d’aller au-delà de ces deux exemples pour déterminer, de manière plus générale, dans quelles conditions l’entreprise peut devenir cet acteur privilégié du « droit pour tous d’être accompagnés vers l’emploi » qu’a évoqué récemment le Président de la République (9), tant il est vrai que l’entreprise qui insère c’est une entreprise qui à la fois recrute, forme et accompagne le jeune.

Une remarque préliminaire doit être faite, vers laquelle concordent l’ensemble des auditions réalisées par le rapporteur. Il convient avant toute chose de favoriser la sécurité juridique et d’éviter la prolifération des modifications législatives, à l’évidence trop nombreuses ces dernières années. Avec la meilleure volonté du monde, on ne peut ainsi à l’envi multiplier les réformes et les dispositifs sans créer pour les principaux intéressés, à savoir les entreprises et les jeunes, un sentiment d’incertitude.

La création d’outils nouveaux n’est pas une priorité : il convient bien plutôt de privilégier l’approfondissement des (nombreux) dispositifs existants ainsi que leur combinaison, conformément à l’intuition de Joseph-Alloïs Schumpeter mais aussi à l’esprit de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, qui incite à un renforcement de la dimension qualitative de l’utilisation des crédits budgétaires.

1. Pour une entreprise qui recrute

Le recrutement constitue bien sûr l’attitude attendue de la part de l’entreprise, la réponse qui peut paraître la plus immédiate face au problème de l’emploi. Mais la difficulté préalable au recrutement est souvent de faire coïncider l’offre de travail par le jeune et le besoin de l’entreprise, difficulté mise en évidence par de très nombreux rapports récents (10).

Une première réponse à cette difficulté se trouve dans la réforme de l’orientation des jeunes. Même si les entreprises ne peuvent directement assumer cette responsabilité, l’orientation – et, à dire vrai, l’orientation précoce – est un préalable à l’insertion des jeunes dans l’emploi en entreprise, ainsi que l’ont montré les rapports précités, notamment l’avis du Conseil économique et social selon lequel « il est important de rappeler la nécessité d’une information suffisamment précise et pertinente, dès le collège, sur la pluralité des métiers, les compétences et les qualifications recherchées dans ces métiers, leurs perspectives d’évolution et leurs débouchés sur le marché de l’emploi ».

Il convient de ce point de vue de souligner la création, en cette rentrée universitaire 2006-2007, d’un « service public de l’orientation », destiné à assurer une continuité dans l’accompagnement du jeune, élève ou étudiant, de la fin du collège à la troisième année de l’université, et ce dans une perspective d’orientation professionnelle. La fonction de délégué interministériel à l’orientation a été instituée à cet effet. Mais ne faut-il pas aller plus loin en cette matière, par exemple en procédant à une véritable réforme du système d’orientation par la rationalisation et le regroupement des structures existantes à cet effet, après une réflexion sur le rôle des centres d’information et d’orientation (CIO) ? En outre, de manière à assurer une meilleure adéquation entre formation des jeunes et besoins des entreprises, pourquoi ne pas créer un observatoire de l’insertion professionnelle et des débouchés, qui permette un état des lieux de ces besoins filière par filière et région par région ?

Une seconde réponse est également apportée actuellement et vise plus directement l’entreprise : il s’agit de la création d’« actions préparatoires au recrutement », destinées aux demandeurs d’emplois qui ont des compétences proches de celles requises pour une offre d’emploi disponible et non satisfaite, avec une priorité particulière pour les jeunes accompagnés dans le cadre d’un contrat pour l’insertion dans la vie sociale (CIVIS). Ces actions sont proposées aux entreprises qui s’engagent, à l’issue de l’action préparatoire au recrutement, à embaucher le demandeur d’emploi sur un emploi durable. Durant l’action préparatoire au recrutement, le demandeur d’emploi est rémunéré comme stagiaire de la formation professionnelle et il est accompagné par un tuteur dans l’entreprise ; 50 000 actions préparatoires au recrutement sont prévues d’ici à la fin 2007. Une circulaire de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle du ministère de l’emploi en date du 4 octobre 2006 a précisé le régime de ces APR. Selon cette circulaire, le stage pourra être d’une durée de un à trois mois. Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit 40 millions d’euros en crédit de paiement pour la rémunération et la formation de ces stagiaires.

Ces réponses très récentes sont importantes et pourtant elles ne peuvent suffire. Le rapporteur considère notamment que trois pistes destinées à accroître les recrutements doivent encore être approfondies.

— D’une part, il existe encore des obstacles de nature psychologique à l’embauche. Ce constat a été fait par le « rapport Camdessus » (11) il y a près de deux ans déjà. Trop souvent, les jeunes sont repoussés par l’image (fictive) attachée à certains emplois. Il serait important que les branches professionnelles par exemple puissent mettre en œuvre des programmes de revalorisation de certains travaux – le travail manuel par exemple – incluant les conditions de travail, la formation, la qualification, le développement de carrière, la rémunération, ces programmes étant relayés par des campagnes nationales. Cela a été fait, d’une certaine manière, pour l’apprentissage, mais reste encore insuffisamment pratiqué.

— D’autre part, il est essentiel de favoriser, plus encore que cela n’est fait aujourd’hui, le développement des contrats de professionnalisation. Ces contrats, créés par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui porte sur ce point transposition de l’accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l’accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle, avait vocation à se substituer progressivement aux contrats de qualification, d’adaptation et d’orientation.

Au 31 décembre 2005, plus de 90 000 contrats de professionnalisation ont été enregistrés. La durée des contrats est en moyenne de 16 mois en 2005 et les contrats à durée indéterminée sont encore trop peu nombreux (15 % du total en 2005). C’est pour cette raison que la récente loi du 21 avril 2006 a ouvert la possibilité d’un cumul des aides afférentes au contrat de professionnalisation et du soutien à l’emploi des jeunes en entreprise (SEJE).

Il convient toutefois d’aller plus loin encore dans le développement des contrats de professionnalisation sous la forme de contrats à durée indéterminée, comme l’ont appelé de leurs vœux de récents rapports. Pour M. Henri Proglio, dans le rapport précité, c’est « une formule qui conviendrait parfaitement à des jeunes qui quittent l’université sans diplôme professionnel et qui ont besoin d’acquérir les savoir et les savoir-faire dans un domaine professionnel (…) [Ces contrats peuvent constituer] une première étape dans un parcours de progression au sein de l’entreprise ». Le rapporteur estime à cet égard qu’un effort de communication pourrait être réalisé, car cette possibilité de conclusion d’un contrat de professionnalisation sous la forme de contrat à durée indéterminée est encore trop méconnue.

— Enfin, il faut encore et toujours se demander si tout a été fait pour promouvoir la reprise et la création d’entreprise. Le rapporteur est conscient que le défi des dix prochaines années (plusieurs centaines de milliers de départs à la retraite de chefs d’entreprise) est connu et que de nombreuses mesures ont été mises en œuvre afin de favoriser les reprises d’entreprise. Mais beaucoup reste à faire. Là aussi, comme l’a fait remarquer le Conseil économique et social dans son avis précité de 2005, il est essentiel de renforcer l’information, la formation et l’accompagnement des repreneurs d’entreprise, notamment en associant étroitement les cédants et les organisations professionnelles.

La systématisation de l’enseignement d’une véritable « culture de l’entreprenariat » dans les écoles contribuerait aussi à favoriser l’intérêt des jeunes pour la reprise d’entreprises.

2. Pour une entreprise qui forme

Recruter, c’est dans le même temps former. L’entreprise est un lieu de formation de manière générale, mais c’est encore plus vrai pour les jeunes. Dès lors, pourquoi ne pas systématiser ces procédures de qualification, au profit du développement de l’emploi ?

La validation des acquis de l’expérience (VAE) permet à un salarié de convertir son expérience professionnelle en diplôme ou qualification professionnelle. Ce dispositif a connu une montée en charge importante au cours des dernières années (10 000 titre attribués par cette procédure en 2003, 17 700 en 2004, 20 500 en 2005) : il permet à la fois d’offrir une « seconde chance » aux 30 % de personnes dépourvues de titres ou de qualifications, mais aussi ouvre la possibilité de progresser vers des niveaux de qualification plus élevés. Le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes a lancé un plan de développement de la VAE fin juin 2006, comprenant : une campagne d’information nationale et l’ouverture de deux services d’information accessibles à tous ; la simplification des démarches administratives ; une garantie de prise en charge des frais engagés par les jurys salariés ; la mise en place d’une politique locale de développement de la VAE. Le rapporteur insiste pour que ce plan soit effectivement développé sans tarder. C’est une condition pour que soit atteint l’objectif des 60 000 certifications fin 2006.

La revalorisation des stages constitue un autre chantier mis en place par ce même ministère : là aussi, certaines avancées existent. L’article 9 de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances a consacré le caractère obligatoire de la convention de stage et imposé une durée maximale des stages de six mois. En outre, il a établi le principe de la gratification des stages dont la durée est supérieure à trois mois consécutifs. En avril 2006 a été signée une charte des stages étudiants en entreprise entre le gouvernement, les organisations représentatives des employeurs, les représentants des établissements d’enseignement supérieur et trois organisations d’étudiants. Cette charte vise à sécuriser la pratique des stages tout en favorisant leur développement. Le rapporteur considère qu’il est important d’évaluer aussi vite que possible l’impact de ces premières mesures.

Concernant le développement des formations en alternance, il peut être reproché à l’apprentissage d’enfermer les jeunes dans une carrière limitée par avance, au niveau du diplôme préparé. De manière à prolonger cet enseignement, d’aucuns ont imaginé la création d’une « école de l’employabilité » (12), par l’institution d’un sas de formation générale complémentaire destiné à permettre aux apprentis qui le souhaitent de poursuivre leurs études tout en restant dans la voie de l’apprentissage. Ce complément permettrait aux apprentis d’acquérir les éléments de connaissance nécessaires à l’obtention de qualifications complémentaires.

En outre, on pourrait imaginer d’étendre le bénéfice d’au moins une partie des allègements de charges sociales existants au profit des employeurs d’apprentis à ceux d’entre eux qui décideraient, à l’issue du contrat d’apprentissage, de recruter en contrat à durée indéterminée ces mêmes jeunes.

Dans le même but de développer la formation en alternance, il serait opportun de prévoir que la dernière année effectuée dans l’enseignement supérieur soit systématiquement réalisée en alternance, avec conclusion d’un contrat de travail, qu’il s’agisse d’un contrat d’apprentissage ou d’un contrat de professionnalisation. Seule une telle mesure semble, selon le rapporteur, à même d’ouvrir réellement les étudiants à la réalité que recouvrent l’entreprise et l’économie de marché (13).

3. Pour une entreprise qui accompagne

Ce terme, évoqué récemment par le Président de la République, résume peut-être le mieux aujourd’hui la subtile action menée par les entreprises en matière d’insertion professionnelle des jeunes. Elle fait, en effet, la part à la fois au recrutement et à la formation.

C’est dans ce sens qu’a été réformé le contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS) avec la loi du 21 avril 2006 sur l’accès des jeunes à la vie active en entreprise, dont l’intitulé montre à lui seul le rôle majeur imparti à l’entreprise. Dès la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, l’article L. 322-4-17-1 du code du travail dispose que « toute personne de seize à vingt-cinq ans révolus en difficulté et confrontée à un risque d’exclusion professionnelle a droit à un accompagnement, organisé par l’État, ayant pour but l’accès à la vie professionnelle », le CIVIS constituant la modalité de mise en œuvre de ce nouveau droit.

Aux termes de la nouvelle rédaction de l’article L. 322-4-17-3 du code du travail, désormais, le CIVIS est ouvert à toute personne de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés particulières d’insertion sociale et professionnelle. Chaque jeune ayant signé un CIVIS a droit à un « accompagnement personnalisé » par un référent, dans le cadre du suivi par une mission locale ou une permanence d’accueil, d’information et d’orientation, qui établit avec le bénéficiaire du contrat un « parcours d’accès à la vie active ». Le référent doit proposer l’une des quatre voies suivantes : un emploi précédé, lorsque cela est nécessaire, d’une période préparatoire ; une formation professionnalisante, pouvant comporter des périodes en entreprise ; une action spécifique pour les personnes connaissant des difficultés particulières d’insertion ; une assistance renforcée dans la recherche d’emploi ou la démarche de création d’entreprise. Il est à noter que l’accompagnement peut se poursuivre pendant un an après l’accès à l’emploi dans l’entreprise.

Le rapporteur ne peut que se réjouir de ce dispositif qui met à la disposition de l’employeur les outils nécessaires à un accompagnement réussi et doivent permettre de développer encore un contrat déjà plein de promesses (au 31 juillet 2006, 231 500 jeunes avaient signé un CIVIS depuis le début de sa mise en œuvre en mai 2005).

D’une certaine manière, la balle est aujourd’hui dans le camp des entreprises. Par-delà les instruments juridiques nécessaires, il en va en effet aussi de la volonté et de la psychologie des acteurs concernés. De ce point de vue, il est intéressant de songer à l’élaboration d’une charte de l’entrepreneur solidaire (14), qui favoriserait une implication concrète des entreprises, en prônant un certain nombre d’engagements, tels : le recrutement de personnes « employables » bien qu’étant en situation précaire ; le renforcement des processus d’intégration et d’adaptation dans l’entreprise pour les personnes en grande précarité ; la nomination d’un « référent insertion en entreprise » ; la professionnalisation du tutorat et du parrainage en entreprise ; etc.

De façon plus générale, le thème de la « sécurisation des parcours professionnels » rejoint et résume cette préoccupation de l’accompagnement, dans un environnement économique et social en constantes mutations.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a examiné pour avis, sur le rapport de M. Bernard Perrut, les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2007, au cours de sa séance du mardi 31 octobre 2006.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Georges Colombier, président, a remercié le rapporteur et souligné la pertinence de ses treize propositions en espérant qu’elles ne resteront pas lettres mortes et qu’elles contribueront à accélérer la baisse du chômage.

M. Jean-Marie Geveaux a félicité à son tour le rapporteur pour son exposé complet, concis et enthousiaste. Il faut tout d’abord saluer les mesures proposées par le gouvernement dans le projet de budget, car l’effort dans ce domaine traduit la volonté de poursuivre activement la politique de lutte contre le chômage, politique qui produit déjà des résultats. Sur l’ensemble de la politique de l’emploi, une réserve s’impose néanmoins face à la multiplication des dispositifs ajoutés par les gouvernements successifs, qui ne prennent pas toujours la précaution d’évaluer l’existant.

Concernant le rôle des entreprises dans la formation des jeunes, il faudrait revenir sur une proposition souvent évoquée, à savoir confier aux salariés proches de la retraite la mission d’accompagner les jeunes, solution qui présenterait l’avantage, dans le même temps, de prolonger la présence des seniors dans l’entreprise.

Une question se pose aussi au sujet des travailleurs handicapés aujourd’hui : quelle est l’évolution de leur intégration professionnelle tant dans le secteur privé que dans les administrations ?

On ne peut que se féliciter du développement de l’apprentissage et il faut persévérer dans cette voie en étendant celui-ci à la préparation à des professions comme celles d’ingénieur et non seulement aux formations préalables à l’obtention du certificat d’aptitudes professionnelles (CAP) ou du brevet d’études professionnelles (BEP). Il faut noter que le passage aux trente-cinq heures a freiné l’embauche des apprentis, le temps à leur consacrer étant réduit dans les entreprises.

Certains exemples étrangers, notamment ceux de l’Espagne et dans une moindre mesure de l’Allemagne, montrent la voie en ce qui concerne l’enseignement supérieur, car dans ces pays les jeunes doivent effectuer un passage d’une année ou deux en entreprise avant de commencer leurs études. Il serait intéressant d’avoir en France une discussion avec le patronat sur ce point.

Les centres d’information et d’orientation (CIO) ne fonctionnent certes pas très bien, mais il ne faut pas oublier que certains relèvent de la gestion des départements et que c’est à ce niveau qu’il convient d’agir également pour améliorer leur fonctionnement et les rendre plus créatifs.

Mme Martine Billard a appuyé les remarques précédentes sur la prolifération législative, soulignant que personne ne peut suivre les changements constants imposés par le législateur ou le gouvernement, pas même les structures concernées. Par ailleurs, la multiplication des statuts particuliers entraîne parallèlement celle des exclus qui ne rentrent dans aucun de ces statuts.

Les exonérations de charges sociales pour les entreprises sont très coûteuses et très peu efficaces car elles ne permettent pas des actions ciblées sur des entreprises particulières ou exerçant des activités spécifiques. Une exonération générale et indifférenciée ne peut produire que des résultats médiocres. Pour ce qui est des chiffres sur la baisse du chômage, il faudrait savoir s’ils ne sont pas associés à une augmentation parallèle du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI).

S’agissant des ruptures anticipées des contrats jeunes en entreprise, il serait intéressant de savoir à l’initiative de qui ces ruptures se produisent et combien de jeunes sont finalement recrutés définitivement. On peut se demander, en effet, si les entreprises n’embauchent pas de nouveaux jeunes dans le seul but de profiter des dispositifs aidés, par un effet d’aubaine.

Le problème de l’échec de nombreux jeunes dans le premier cycle à l’université s’explique en très grande partie par le fait que ceux-ci n’ont pas obtenu de place dans un institut universitaire de technologie (IUT) ou dans une section de technicien supérieur (STS). Ces jeunes s’inscrivent à l’université par défaut et il est hypocrite de s’étonner ensuite de leur échec. Il conviendrait donc d’augmenter le nombre de places dans les filières courtes et professionnalisantes.

À l’inverse, on ne peut pas mettre en œuvre des formations en alternance dans toutes les disciplines, comme semble le préconiser le rapporteur. Par exemple, ce serait inadapté dans la filière des lettres classiques, et il faut donc trouver de meilleures formules.

La question du développement de l’inspection du travail est très préoccupante en raison de la difficulté de la tâche qui consiste aujourd’hui à faire appliquer les lois dans les entreprises ainsi que du manque chronique d’inspecteurs et de contrôleurs du travail. Le rapporteur pourrait-il apporter quelques précisions à ce propos ?

Enfin, l’accès des demandeurs d’emploi aux organismes de placement est devenu très complexe, notamment à Paris, dans la mesure où il est subordonné à un passage par les Assedics avant l’orientation vers l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE). Cette situation génère des coûts et se révèle peu efficace. De surcroît, la spécialisation par domaine professionnel des agences pour l’emploi est sans doute une bonne chose pour les personnes exerçant un métier bien défini, mais les personnes les moins qualifiées sont renvoyées d’une agence à l’autre, ce qui engendre fatigue et découragement. Un bilan de ces modes de fonctionnement serait nécessaire, en particulier pour savoir s’ils prévalent dans d’autres villes que Paris.

Mme Catherine Génisson a protesté à son tour contre l’inflation législative et a ajouté que l’alternance politique qui conduit, pour des raisons idéologiques, à remettre en cause tout ce qui a été mis en place auparavant finit par se révéler contreproductive : la baisse du chômage, dont on se félicite aujourd’hui, aurait sans doute été plus importante et plus rapide si l’actuelle majorité n’avait pas commencé par supprimer tous les contrats aidés qu’il a fallu réintroduire ensuite.

Les exonérations de charges sociales doivent être utilisées avec précaution, comme le montre l’exemple du secteur de la restauration, dans lequel 40 000 créations d’emplois avaient été annoncées alors qu’on en compte à peine 15 000 finalement. Il faut en outre mettre en regard la baisse du chômage et l’augmentation du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI).

On ne peut qu’approuver le rapporteur lorsqu’il insiste sur le rôle des entreprises dans la formation des jeunes, mais ces derniers se plaignent souvent de la difficulté à trouver un contrat de travail adapté et, partant, de l’impossibilité à s’inscrire dans une formation en alternance.

L’avant-dernière proposition du rapporteur, selon laquelle la dernière année d’études devrait être effectuée obligatoirement en alternance, est intéressante mais ne pourra sans doute pas être systématisée. Le problème le plus préoccupant reste l’orientation des jeunes et en particulier des filles. On peut être d’accord avec la proposition de création d’un observatoire de l’insertion, à condition que cette mesure soit associée à la mise en place de passerelles entre les différentes formations, afin d’éviter que les jeunes ne reçoivent une formation trop spécialisée et trop « formatée ». Enfin, la proposition relative au développement de la validation des acquis de l’expérience (VAE) va dans le bon sens, sous réserve que soient introduites des simplifications dans les procédures.

M. Jean Luc Préel a tout d’abord félicité le rapporteur pour l’enthousiasme et la conviction avec lesquels il a présenté son avis. Effectivement, le chômage des jeunes et le contrat d’apprentissage constituent des thèmes majeurs de la politique de l’emploi. Il reste à espérer que les propositions formulées dans le rapport pourront être prises en compte par le gouvernement.

Concernant la question de l’orientation et de la formation, il convient en effet de mettre en adéquation les souhaits des jeunes et les besoins du pays.

Naturellement, on ne peut que se féliciter de la baisse du chômage. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que celle-ci s’explique en partie par le départ en retraite anticipée de plus de 300 000 salariés, élément qui a un impact très négatif sur la branche vieillesse de la sécurité sociale dont le déficit dépasse cette année 3 milliards d’euros.

Concernant la politique d’exonération de cotisations sociales également mise en œuvre pour lutter contre le chômage, on ne peut oublier qu’elle a un prix très élevé, chiffré aujourd’hui à 25 milliards d’euros, pour des résultats incertains comme a eu l’occasion de le mettre en évidence la Cour des comptes.

En outre, l’impact de cette politique sur la protection sociale est d’autant plus important que 2,6 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales ne sont pas compensés par l’État et viennent ainsi alimenter le déficit des caisses de sécurité sociale. Il n’est pas admissible que l’État finance sa politique de l’emploi au détriment des régimes de la protection sociale. En principe, la loi impose la compensation de telles mesures ; dans les faits, il en va autrement, comme le montrent par exemple les dispositions de l’article 21 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, qui institue de nouveaux cas d’absence de compensation.

Pour éviter de telles dérives, il serait donc souhaitable de revoir le mode de financement de la protection sociale avec la mise en place d’un système alliant cotisation sociale généralisée (CSG) et taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sociale, système qui permettrait une baisse des cotisations et donc une augmentation des salaires nets, favorisant ainsi l’accroissement du pouvoir d’achat.

Enfin, s’agissant de l’objectif de 300 maisons de l’emploi fin 2007, le dispositif va certes dans le bon sens, mais se borne à juxtaposer, dans un même lieu, Assedic et Agence nationale pour l’emploi (ANPE). Or à l’origine, c’est bien un projet de fusion des deux administrations qui était envisagé, en dépit de difficultés statutaires réelles qui peuvent se poser.

En réponse aux intervenants, le rapporteur, après s’être félicité de cet ensemble de réflexions, a apporté les éléments de réponse suivants :

– La diminution du taux de chômage, qui atteint désormais 8,8 %, après la plus forte baisse, en cinq ans, sur une période de vingt mois, démontre que les politiques en faveur de l’emploi mises en place par le gouvernement portent leurs fruits. De plus, on constate, en particulier sur le terrain, que la diminution du nombre des demandeurs d’emplois ne s’est pas traduite par une augmentation du nombre des bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI). Globalement, la situation s’améliore. On en voit d’ailleurs les effets sur le régime d’assurance chômage qui passe d’un déficit de 3,2 milliards d’euros en 2005 à un excédent prévu de 300 millions d’euros en 2006, conséquence d’une diminution de 10,1 % du nombre de demandeurs d’emploi indemnisés entre septembre 2005 et septembre 2006. La question de l’insertion n’en demeure pas moins une réalité.

– Concernant l’emploi des personnes handicapées, bien qu’une loi ait été adoptée en 2005, les décrets d’application ont en grande partie été publiés au cours de l’année 2006, et il est un peu tôt pour disposer de chiffres permettant un réel bilan. Force est de constater que les entreprises, comme l’administration, appliquent encore très timidement les mesures adoptées.

– Dans le cadre de la mise en œuvre du plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail, 660 emplois supplémentaires d’inspecteurs et de contrôleurs du travail viendront, entre 2007 et 2010, renforcer cette inspection. Dès 2007, cette administration disposera de 200 emplois supplémentaires (120 contrôleurs du travail, 70 inspecteurs et 10 médecins et ingénieurs).

– S’agissant du bilan que l’on peut faire du contrat jeunes en entreprise, il convient de relever que depuis le début de la mise en œuvre de cette mesure, 175 512 sorties ont été comptabilisées. Au 30 juin 2006, le nombre des bénéficiaires était de 117 081. La majorité des sorties (environ la moitié de l’ensemble des entrées) sont le fait d’une rupture du contrat avant l’échéance des trois ans. Les rupture de contrat s’expliquent essentiellement pour deux motifs : dans 61,5 % des cas, la démission ; dans 13 % des cas, l’existence d’une faute grave ou faute lourde.

– Il existe un réel engouement des étudiants de l’enseignement supérieur pour les stages en entreprise. Il n’y a pas de raison que les étudiants en sciences humaines et sociales ne puissent pas, eux aussi, effectuer des stages en entreprise. L’une des difficultés rencontrées par ces étudiants pour trouver un emploi réside précisément dans l’existence d’une séparation trop importante entre les entreprises et ces filières.

Mme Catherine Génisson a estimé que les propos du rapporteur témoignent d’une vision assez idéaliste et, tout en soulignant qu’une fois n’est pas coutume, a décidé de prendre la défense des entreprises. Le stage en entreprise doit en effet être l’occasion d’un échange entre le jeune et la société privée. Si le jeune concerné ne voit pas l’intérêt de sa présence dans l’entreprise, le stage n’a pas de réelle utilité ; or les stages constituent une charge non négligeable pour les entreprises en termes de formation.

Mme Martine Billard a ajouté que les propos du rapporteur révèlent une vision presque « maoïste » de la société…

Le rapporteur a ensuite poursuivi ses réponses aux différentes interventions en indiquant que d’ici la fin de l’année 2007, 300 maisons de l’emploi seront en place. Leur vocation est de regrouper sous un même toit des organismes qui ne travaillaient pas en collaboration jusqu’ici. Cette nouvelle dynamique commune doit apporter des améliorations concrètes dans trois domaines essentiels : l’observation, l’anticipation et l’adaptation aux territoires ; l’accès et le retour à l’emploi ; le développement de l’emploi et la création d’entreprise. Dans les territoires où les maisons de l’emploi sont déjà opérationnelles, on constate d’ores et déjà une nette amélioration du taux de retour à l’emploi, qui démontre la réussite du dispositif. L’exemple de la maison de l’emploi du Grand-Nancy, inaugurée par le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement le 20 octobre dernier, maison dans laquelle 103 personnes travaillent désormais ensemble, est significatif de l’évolution de l’administration du travail vers un accueil plus personnalisé des demandeurs d’emploi, grâce à un travail commun des services de l’ANPE, des Assedic, de la mission locale et des collectivités locales.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2007 de la mission « Travail et emploi ».

ANNEXE 1 
RÉCAPITULATION DES CRÉDITS DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » PAR PROGRAMMES ET ACTIONS

INTITULÉS DES PROGRAMMES ET ACTIONS

Loi de finances initiale pour 2006

Projet de loi de finances pour 2007

Développement de l’emploi

845 983 324

1 254 914 000

Baisse du coût du travail pour faciliter le développement de territoires et de secteurs à forts potentiels d’emploi  (libellé modifié)

546 090 000

893 090 000

Promotion de l’activité  (libellé modifié)

299 893 324

361 824 000

Accès et retour à l’emploi

6 964 953 313

6 157 224 000

Indemnisation des demandeurs d’emploi et rapprochement de l’offre et de la demande d’emploi 

2 815 911 078

2 707 920 000

Mise en situation d’emploi des publics fragiles 

4 149 042 235

3 449 304 000

Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques

4 541 539 512

4 399 691 363

Anticipation des mutations et gestion active des ressources humaines  (libellé modifié)

526 282 058

533 476 350

Amélioration de l’accès des actifs à la qualification 

4 015 257 454

3 866 215 013

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

81 537 450

83 370 000

Santé et sécurité au travail

26 900 000

30 600 000

Qualité et effectivité du droit 

24 417 450

22 550 000

Dialogue social et démocratie sociale 

30 220 000

30 220 000

Lutte contre le travail illégal 

   

Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

722 846 473

741 747 694

Gestion du programme « développement de l’emploi »

26 015 000

25 309 982

Gestion du programme « accès et retour à l’emploi » 

78 045 000

110 744 521

Gestion du programme « accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques »

78 045 000

68 240 838

Gestion du programme « amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail » 

161 293 000

181 524 391

Soutien

337 059 230

319 369 353

Études, statistiques, évaluation et recherche 

42 389 243

36 558 609

Fonds social européen - Assistance technique (nouveau)

   

TOTAL

13 156 860 072

12 636 947 057

ANNEXE 2 
PART DU BUDGET POUR 2007 CONSACRÉE À L’EMPLOI DES JEUNES

Action

Dispositifs

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

TOTAL PROGRAMME 102

977 894 000

977 894 000

Action 2 - Indemnisation de personnes au chômage et contrôle de la recherche d'emploi

977 894 000

977 894 000

Total sous - action 1 : Construction de parcours vers l’emploi durable

650 679 000

650 679 000

 

Emplois jeunes CNASEA (Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles)

200 000 000

200 000 000

 

Contrats emplois consolidés

77 550 000

77 550 000

 

Contrats emplois solidarité

-

-

 

Contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS)

15 000 000

15 000 000

 

Actions préparatoires au recrutement

40 000 000

40 000 000

 

Soutien à l'emploi des jeunes en entreprise

318 129 000

318 129 000

Total sous - action 2 : Mise en situation d’emploi des publics fragiles

327 215 000

327 215 000

 

Mission locale et permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO)

162 640 000

162 640 000

 

Bourses intermédiaires pour l'insertion des jeunes

(allocations servies aux titulaires d’un CIVIS)

60 000 000

60 000 000

 

Fonds d'insertion professionnelle des jeunes

50 000 000

50 000 000

 

Etablissement public d’insertion de la défense

50 000 000

50 000 000

 

Contrats de plan État-régions - parrainage

-

-

 

Actions de parrainage

4 575 000

4 575 000

TOTAL PROGRAMME 103

1 298 477 368

1 298 477 368

 

Action 2 – Amélioration de l’accès des actifs à la qualification

1 298 477 368

1 298 477 368

 

Total sous - action 1 : développement de l’alternance à tous les âges

1 298 477 368

1 298 477 368

 

Exonérations de cotisations sociales liées aux contrats d’apprentissage

926 020 498

926 020 498

 

Exonérations de cotisations sociales liées au parcours d’accès aux carrières des trois fonctions publiques (PACTE)

1 000 000

1 000 000

 

Primes liées aux PACTE

500 000

500 000

 

Exonérations de cotisations sociales liées aux contrats de professionnalisation (jeunes)

370 956 870

370 956 870

ANNEXE 3 
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DU RAPPORTEUR

Proposition n° 1 : Il convient de favoriser la sécurité juridique et d’éviter la multiplication des modifications législatives. La création d’outils nouveaux n’est pas une priorité : il importe bien plutôt de privilégier l’approfondissement des dispositifs existants.

Proposition n° 2 : Il serait opportun de procéder à une véritable réforme du système d’orientation par la rationalisation et le regroupement des structures existantes à cet effet, après une réflexion sur le rôle des centres d’information et d’orientation (CIO).

Proposition n° 3 : De manière à assurer une meilleure adéquation entre formation des jeunes et besoins des entreprises, il pourrait être créé un observatoire de l’insertion professionnelle et des débouchés, qui permette un état des lieux de ces besoins filière par filière et région par région.

Proposition n° 4 : Il est important que les branches professionnelles puissent mettre en œuvre des programmes de revalorisation de certains travaux – le travail manuel par exemple – incluant les conditions de travail, la formation, la qualification, le développement de carrière, la rémunération, ces programmes étant relayés par des campagnes nationales.

Proposition n° 5 : Un effort de communication doit être réalisé concernant la possibilité de conclusion d’un contrat de professionnalisation sous la forme de contrat à durée indéterminée et de cumul du contrat de professionnalisation avec le dispositif du SEJE.

Proposition n° 6 : Il est essentiel de renforcer l’information, la formation et l’accompagnement des repreneurs d’entreprise, notamment en associant étroitement les cédants et les organisations professionnelles.

Proposition n° 7 : Il conviendrait de systématiser l’enseignement d’une véritable « culture de l’entreprenariat » dans les écoles, ce qui contribuerait à favoriser l’intérêt des jeunes pour la reprise d’entreprises.

Proposition n° 8 : Le plan en faveur de la validation des acquis de l’expérience (VAE) doit être développé sans tarder. C’est une condition pour que soit atteint l’objectif des 60 000 certifications fin 2006.

Proposition n° 9 : Il est important d’évaluer avant le 31 décembre 2006 l’impact des premières mesures en faveur de l’encadrement de la pratique des stages.

Proposition n° 10 : Il pourrait être créé une « école de l’employabilité », par l’institution d’un sas de formation générale complémentaire destiné à permettre aux apprentis qui le souhaitent de poursuivre leurs études tout en restant dans la voie de l’apprentissage.

Proposition n° 11 : Il serait souhaitable d’étendre le bénéfice d’au moins une partie des allègements de charges sociales existants au profit des employeurs d’apprentis à ceux d’entre eux qui décideraient, à l’issue du contrat d’apprentissage, de recruter en contrat à durée indéterminée ces mêmes jeunes.

Proposition n° 12 : Il est nécessaire de prévoir que la dernière année effectuée dans l’enseignement supérieur soit systématiquement réalisée en alternance, avec conclusion d’un contrat de travail, qu’il s’agisse d’un contrat d’apprentissage ou d’un contrat de professionnalisation.

Proposition n° 13 : Il serait opportun d’élaborer une charte de l’entrepreneur solidaire, qui favoriserait une implication concrète des entreprises, en prônant un certain nombre d’engagements, tels : le recrutement de personnes « employables » bien qu’étant en situation précaire ; le renforcement des processus d’intégration et d’adaptation dans l’entreprise pour les personnes en grande précarité ; la nomination d’un « référent insertion en entreprise » ; la professionnalisation du tutorat et du parrainage en entreprise ; etc .

ANNEXE 4 

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – M. Francis Da Costa, président de la commission formation, M. Bernard Falk, directeur de la formation, M. Élie de Saint-Jores, chef de service à la direction de l’éducation et de la formation, et Mme Karine Grossetête, directrice-adjointe en charge des relations avec le Parlement

Ø Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) – M. Alain Griset, président, et Mme Béatrice Saillard, directrice des relations parlementaires

Ø Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales, et M. Jean-François Veysset, vice-président chargé des affaires sociales

Ø Union des professions artisanales (UPA) – M. Pierre Perrin, président, M. Pierre Burban, secrétaire général, et M. Guillaume Tabourdeau, conseiller technique chargé des relations avec le Parlement

Ø Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Olivier Gourlé, secrétaire confédéral chargé de la formation professionnelle continue et de l’insertion des jeunes

Ø Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie (ACFCI) –M. Bernard Legendre, directeur général-adjoint chargé de la formation et de l’emploi 

La C.F.E.-CGC a fait parvenir une contribution écrite au rapporteur.

© Assemblée nationale

1 () Il convient de noter qu’un certain nombre de mesures en faveur de l’emploi seront par ailleurs discutées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Il en va ainsi de la suppression de 2,1 points de cotisations patronales restant dues au niveau du smic pour les entreprises de moins de cinquante salariés, du renforcement de l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise (Accre) ou encore des mesures en faveur de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou de l’emploi des seniors.

2 () Ce dispositif, créé par l’ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005, peut être défini comme l’équivalent du contrat de professionnalisation pour les collectivités publiques. Il associe des actions d’évaluation, d’accompagnement et de formation à l’exercice d’une activité dans une administration publique en rapport avec la qualification visée. Il s’adresse aux jeunes faiblement qualifiés de 16 à 26 ans et concerne tous les corps de catégorie C.

3 () Mise en place à titre expérimental en janvier 2004 dans six départements (Ain, Charente, Eure-et-Loir, Hautes-Pyrénées, Loiret et Moselle), la charte Marianne répond au souhait du gouvernement de garantir la qualité de l’accueil dans tous les services de l’État. Elle repose sur cinq engagements : un accès plus facile aux services publics, un accueil attentif et courtois, une réponse compréhensible aux demandes dans un délai annoncé, une réponse systématique aux réclamations.

4 () Dictionnaire économique et social, Janine Bremond et Alain Gélédan, Hatier 1990.

5 () Ces éléments sont rappelés dans le manuel de droit du travail établi par MM. Jean Pélissier, Alain Supiot et Antoine Jeammaud, Dalloz, 2004.

6 () « Entreprises et jeunes débutant », ouvrage coordonné par Jean-François Lochet, L’Harmattan, 2003.

7 () Voir notamment l’ouvrage précurseur en la matière de Henri Fayol, « Administration industrielle et générale » (1916), consacré à la gestion et à la direction des entreprises.

8 () Rapport (n° 149) fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi portant création d’un dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprise par M. Bernard Perrut.

9 () Discours devant le Conseil économique et social du mardi 10 octobre 2006.

10 () À titre d’exemple : « L’insertion professionnelle des jeunes issus de l’enseignement supérieur », avis établi au nom du Conseil économique et social par M. Jean-Louis Walter (juillet 2005) ; « L’insertion des jeunes sortis de l’enseignement supérieur », rapport du groupe de travail présidé par Henri Proglio (février 2006) ; « Sorties sans qualification », rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale et de l’inspection générale de l’administration de l’éduction nationale et de la recherche (juin 2005).

11 () « Le sursaut - Vers une nouvelle croissance pour la France », rapport du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, La documentation française, 2004.

12 () Voir par exemple le rapport « Mondialisation : réconcilier la France avec la compétitivité », Institut Montaigne, juin 2006.

13 () Cette proposition s’inspire, notamment, des conclusions du rapport remis le 24 octobre 2006 par la commission du débat national « Université-emploi » présidée par M. Patrick Hetzel au Premier ministre.

14 () Proposition reprise du rapport « Pauvreté, exclusion : ce que peut faire l’entreprise », Institut Montaigne, février 2006.