COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 10 juillet 2002
(Séance de  16 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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-  Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que tout récemment, le ministre de la culture et de la communication avait rendu publics les résultats d'un audit sur le budget du ministère qui a montré que ses marges de man_uvre budgétaires en matière d'innovation culturelle étaient extrêmement réduites. C'est certainement l'un des sujets que la commission aimerait aborder. Le secteur de la communication devrait également susciter beaucoup de questions de la part des commissaires, par exemple sur la télévision numérique de terre. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est donc heureuse de recevoir le ministre de la culture et de la communication pour qu'il lui fasse part de son programme de travail et des grandes lignes de sa politique.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, a indiqué qu'il avait pu, par le passé, mesurer la qualité des travaux de la commission. En effet, ceux-ci ont toujours été orientés vers la préservation de l'identité culturelle française ainsi qu'un meilleur fonctionnement des institutions du ministère. Les travaux de la mission d'information sur les musées ont permis de nourrir la loi afin d'aboutir à une véritable modernisation des musées français. La mission d'information sur le cinéma a également formulé il y a quelques mois des propositions tout à la fois utiles et fécondes.

Après avoir évoqué l'audit mené sur la situation financière de son ministère et confirmé que les marges de man_uvre dans ce domaine s'étaient révélées faibles, M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, a situé son action dans le champ des engagements pris par le président de la République. Ceux-ci affichaient une triple ambition :

- libérer l'initiative et les énergies pour que la culture devienne l'affaire de tous ;

- assurer l'égal accès de tous les Français à la culture ;

- défendre la diversité culturelle en France, en Europe et dans le monde.

Il a ensuite présenté à la commission les trois axes de son action à la tête du ministère :

- globaliser la réflexion et l'action du ministère afin de décloisonner ses activités ;

- ouvrir le ministère à l'initiative extérieure afin que tous puissent avoir accès à la vie culturelle ;

- et enfin clarifier la situation budgétaire.

L'objectif de globalisation concerne le champ d'action même du ministère, tant au sein des secteurs de la culture et de la communication qu'en ce qui concerne les rapports entre ces deux secteurs. L'objectif est bien de parvenir à instituer un bon usage combiné de la culture et de la communication.

Après avoir rappelé que l'actualité l'avait conduit à s'exprimer à plusieurs reprises sur des sujets relatif à la communication, le ministre a fait part de ses interrogations sur la réalité de l'engagement du service public télévisuel en regard de ses missions et réaffirmé la nécessité pour le service public de l'audiovisuel de retrouver sa spécificité, dans la qualité des programmes d'information et des débats de société comme dans sa programmation culturelle. Les responsables de France Télévisions n'ont d'ailleurs pas été insensibles à ce questionnement et les grilles de rentrée devraient présenter certaines évolutions. Le rôle de la télévision publique est de mobiliser tous les moyens à sa disposition pour inciter les téléspectateurs à aller vers la culture, sans qu'il soit cependant nécessaire à France 2, par exemple, de devenir une « ARTE bis ».

Deux missions ont été confiées à Mme Catherine Clément sur la culture et la télévision et à Mme Blandine Kriegel sur la violence à la télévision. Cette dernière ne concernera pas uniquement les chaînes publiques et elle est particulièrement d'actualité. Ces missions travailleront avec les chaînes concernées ainsi qu'avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), dont les compétences ne sont absolument pas mises en questions. A cet égard, il convient d'apaiser les inquiétudes qui ont pu se faire jour : il n'est nullement question pour le ministre chargé de la communication de s'ériger en censeur et d'en revenir au temps de la « télévision d'Etat » : son rôle n'est pas de déterminer les programmes des chaînes de télévision.

En ce qui concerne l'avenir de la télévision numérique terrestre, il n'y a pas d'hostilité de principe. La décision du CSA de reporter au mois d'octobre l'attribution des fréquences est avant tout une décision de prudence afin de ménager un secteur audiovisuel particulièrement fragilisé actuellement. Le CSA reste bien évidemment la seule autorité compétente pour l'attribution des fréquences. Le développement de la télévision numérique de terre est un mouvement nécessaire et même utile pour un plus grand accès de tous à la diversité. Il serait donc absurde et dérisoire de vouloir s'y opposer.

L'implication du service public dans la télévision numérique de terre retient toute l'attention du ministère. Il convient notamment que la création de nouvelles chaînes ne nuise pas à l'engagement des chaînes « mères » dans un service public de qualité et n'éloigne pas le service public de ses missions de production cinématographique et audiovisuelle. A cet égard, prévoir d'attribuer huit canaux au service public semble excessif. Pour préserver la singularité des chaînes de service public, la concentration des moyens est préférable à la dispersion.

Le système public de financement du cinéma est aujourd'hui ébranlé par la situation de Vivendi Universal et de Canal +. La réflexion sur la diversification des sources de financement entreprise par le directeur du Centre national du cinéma (CNC) était donc particulièrement nécessaire. Les propositions présentées - accroître l'ampleur des SOFICAS et des initiatives régionales, renforcer la contribution de la vidéo et des DVD au compte de soutien, favoriser les coproductions internationales, appliquer la clause de diversité à tous les diffuseurs - sont d'ailleurs très proches des orientations issues des travaux de la mission d'information sur le cinéma.

Toujours dans une logique de globalisation et de décloisonnement de la politique culturelle, le ministre a fait part de son souhait de la voir se structurer autour de grands projets et de grands programmes. Le ministère de la culture souffre en effet d'une sectorisation excessive qui a conduit à un manque de communication, voire à un certain manque de cohérence entre les directions. Cette évolution devra permettre d'anticiper l'entrée en application des dispositions de la loi organique du 1er août 2001 sur la loi de finances qui oblige l'Etat, à partir de 2006, à présenter son budget par programmes et par politiques. Cette réforme permettra de mieux associer le Parlement à la politique budgétaire de la Nation.

L'exemple du patrimoine est à cet égard particulièrement parlant. Le dépôt d'un projet de loi de programme sur le patrimoine qui traitera notamment de sa transmission et de sa communication permettra de sortir d'une définition trop étroite du patrimoine qui tend à réduire celui-ci au domaine monumental. L'élaboration de ce texte s'appuiera sur les travaux d'une mission confiée à M. Jean-Pierre Bady, ancien directeur de l'Ecole du patrimoine, et devra permettre de procéder à une nouvelle répartition des rôles entre les collectivités territoriales et l'Etat. Cette meilleure articulation entre l'Etat et les collectivités devra aboutir à une amélioration des politiques publiques.

Le deuxième axe d'action est la nécessaire ouverture du ministère à l'initiative extérieure.

Le ministère de la culture et de la communication n'est pas un opérateur universel, il n'en a pas les moyens et cela n'est pas son rôle. Par contre, il ne saurait rester étranger ou indifférent aux besoins et aux initiatives qui s'expriment dans le pays. Il convient donc de développer les partenariats, tant avec les collectivités territoriales qu'avec le secteur privé.

Lorsque l'on se déplace en régions, on ne peut qu'être étonné par le paradoxe qui caractérise les relations entre l'Etat et les collectivités locales ainsi que par l'inégalité de traitement existant entre la capitale et le reste de la France. Les collectivités territoriales font preuve d'un grand dynamisme en matière culturelle. Cependant, les interventions étatiques et locales ont tendance à se superposer au lieu de se compléter. Dans ces conditions, il est urgent de réfléchir à une meilleure répartition des rôles entre les acteurs nationaux et territoriaux afin d'assurer à tous l'égal accès à la culture, à ses services ainsi qu'à ses équipements.

L'Etat doit se concentrer sur les grands équipements structurants et sur les programmes susceptibles de pallier les carences de l'aménagement culturel du territoire. Cette priorité trouvera dès 2003 une traduction concrète dans le lancement d'un plan d'équipement des zones rurales et périurbaines en médiathèques de proximité, mais elle motive également l'initiative prise, en concertation avec les régions Lorraine et Midi-Pyrénées, de dresser un bilan de l'action conjointe de l'Etat et des collectivités territoriales dans ces régions afin de mettre à plat l'ensemble des initiatives et de réfléchir aux possibilités de mieux répartir les interventions.

Il convient ensuite d'ouvrir davantage l'action culturelle à l'initiative privée, celle des particuliers et des entreprises. Il faut faire tomber les barrières qui entravent aujourd'hui la création de fondations et encourager le mécénat. Il ne s'agit pas de substituer l'initiative privée à l'action publique mais de lui permettre d'agir en complément de celle-ci ou dans le cadre de projets spécifiques, alors qu'elle est pour le moment marginalisée.

La loi sur les musées de France a, par le biais de deux amendements d'origine parlementaire, accordé des avantages fiscaux aux entreprises qui procèdent à l'acquisition de biens culturels. Il convient de poursuivre dans cette voie, notamment dans le cadre d'un futur projet de loi de modernisation de la vie culturelle qui inclurait des mesures fiscales incitatives pour les dons des particuliers et le mécénat des entreprises.

Ces mesures contribueront à la diversification du financement de la culture, diversification nécessaire au regard de la situation budgétaire du ministère, dont la clarification constitue le troisième axe d'action de la politique du nouveau gouvernement en matière culturelle.

Si le combat historique pour le 1 % culture a été techniquement gagné, il faut néanmoins observer que cette victoire est quelque peu en trompe-l'_il puisqu'elle résulte notamment de changements - parfois conséquents - du périmètre du budget du ministère. On ne saurait par exemple passer sous silence l'impact du transfert à son profit de la subvention annuelle de cent millions d'euros versée à la Cité des sciences et de l'industrie. Même si les moyens globaux et le poids du ministère s'en sont trouvés accrus, le renforcement est largement optique.

Quelle est aujourd'hui la situation réelle du ministère de la culture en matière budgétaire?

Il convient d'abord de rappeler qu'il n'existe pas de politique culturelle sans moyens budgétaires. D'une étude menée par un cabinet indépendant ressort la conclusion que, par un effet de ciseaux, la marge d'action culturelle et artistique dont dispose le ministère s'est considérablement érodée au fil des ans. Ceci résulte en particulier de la dérive des dépenses liées à l'existence de charges fixes - tant en fonctionnement qu'en renouvellement des équipements - structurellement élevées et trop rigides. Les conséquences de certaines décisions ont également été négligées : l'application de la réduction du temps de travail et celle de la législation relative au travail de nuit, cauchemardesque dans le monde du spectacle vivant, constituent ainsi des sources de dépenses supplémentaires non prévues. Partout, la récrimination porte sur la baisse de la part des moyens qu'il est possible de consacrer à l'action artistique et culturelle.

Cette situation appelle un nouveau comportement budgétaire. Il est tout d'abord nécessaire de mieux évaluer la réalité des besoins et la cohérence des projets : les regroupements sur une base strictement immobilière, sans anticipation ni évaluation, de structures dépourvues de projets fédérateurs constituent des exemples à ne pas renouveler.

Il conviendra également de définir, en concertation avec les ministres des finances et du budget, un cadre pluriannuel de croissance des moyens pour engager des projets nouveaux. Il ne s'agit pas de faire de l'actuel ministère de la culture un ministère de récession, là où d'autres ont su faire prévaloir l'imagination, mais il est clair que de nouveaux projets ne pourront être lancés que dans la mesure où leur financement, tant en investissement qu'en fonctionnement, sera acquis et validé par le Gouvernement.

Ce n'est qu'à ce prix que l'on pourra reconquérir des marges d'action culturelle et artistique et mener notamment une action résolue en faveur des lieux de création. La mise en _uvre de l'ensemble de ces orientations revêt un rôle essentiel pour le bien de la culture et, au-delà, celui du pays.

Après l'exposé du ministre, le président Jean-Michel Dubernard a relevé que la culture scientifique et technique n'avait été évoquée par le ministre qu'une seule fois dans toute son intervention. Ceci signifierait-t-il que cette dimension est marginale ?

Par ailleurs, un certain nombre de textes avaient été lancés ou évoqués sous la précédente législature. On peut penser par exemple à la réforme des lois de 1977 sur l'architecture et de 1979 sur les archives ou encore à la proposition de loi de M. Pierre Lequiller relative à la protection des ensembles mobiliers. Quel sera le sort de ces textes ?

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, a rappelé que son ministère avait longtemps été celui des Beaux Arts et des Belles Lettres. La culture scientifique et technique n'a fait l'objet que d'un intérêt tardif, même si la compétence du ministère sur ce point est désormais acquise. En témoignent par exemple les actions de la Bibliothèque nationale de France, de la Bibliothèque publique d'information ou encore la tutelle conjointe avec le ministère de la recherche exercée sur la Cité des sciences et de l'industrie. S'agissant de cette dernière, il est cependant souhaitable de développer un nouveau projet redéfinissant notamment les relations qu'elle entretient avec le public. La culture scientifique et technique renvoie à des questions non seulement politiques mais éthiques qui, loin de la cantonner dans des actions marginales, la destinent au contraire à un rôle central.

S'agissant des textes préparés sous la précédente législature, le programme législatif du ministère pourrait, pour l'essentiel, prendre la forme suivante :

- Le texte relatif à la rémunération du droit de prêt et à la protection juridique des artistes déposé le 20 mars 2000 au Sénat devrait être examiné à l'automne par celui-ci et transmis en novembre à l'Assemblée nationale.

- La partie législative du Code du patrimoine qui offre l'avantage de présenter dans un texte unique et homogène des dispositions éparses vient d'être validée par la Commission supérieure de codification et devrait être transmise au Parlement à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine.

- Le projet de loi de transposition de la directive du 22 mai 2001 relative aux droits d'auteurs dans la société de l'information pourrait être inscrit à l'ordre du jour à la fin de l'année 2002 ou début de l'année 2003.

Plusieurs projets devraient également être présentés au Parlement en fin d'année ou au début 2003 :

- un projet de loi relatif aux archives,

- un projet de loi réformant la loi de 1977 sur l'architecture,

- un projet de loi de transposition des directives constituant le « paquet Télécom ».

Enfin, la mission confiée à M. Jean-Pierre Bady sur la répartition des compétences en matière de patrimoine entre l'Etat et les collectivités locales, d'une part, et au sein de celles-ci, d'autre part, devrait donner lieu à la remise d'un rapport en novembre et à l'élaboration d'un projet de loi d'ici la fin de l'année.

M. René Couanau a évoqué le service public audiovisuel pour s'interroger sur la conformité de sa grille de programmes à ses missions et sur l'existence d'une différence entre télévision publique et télévision privée autre que le financement par la redevance. Le coût du service public apparaissant comme plus élevé que celui de télévisions privées comparables, il est peut être nécessaire de se poser la question de son périmètre.

Il a ensuite abordé le problème de l'action culturelle menée par les collectivités locales, en notant que la loi portant réduction du temps de travail, la réglementation relative au travail de nuit et les normes de sécurité toujours plus sévères, en augmentant les coûts, pèsent de façon insupportable sur les entreprises culturelles. L'application du régime fiscal de la taxe sur la valeur ajoutée aux institutions culturelles pénalise particulièrement les associations et l'on peut constater dans certaines communes, comme par exemple à Saint-Malo, une diminution de l'offre culturelle de l'ordre de 20 %.

M. Patrick Bloche a posé les questions suivantes :

- L'engagement du Président de la République de « sanctuariser » le budget du ministère de la culture et de la communication en conservant le niveau de 1 % du budget total de l'Etat doit il être regardé comme une contrainte ou une garantie ?

- Le ministère aura-t-il la capacité de trouver des partenaires parmi les collectivités locales et dans le secteur privé afin de contribuer au financement de la culture, alors que l'on observe actuellement une baisse de la part des dépenses consacrées à la culture dans les budgets des collectivités territoriales ?

- Pour remédier au cloisonnement du ministère de la culture, est-il envisagé de restructurer les différentes directions, afin notamment de ménager une place plus importante aux industries culturelles ?

- Le ministre de la culture et de la communication a-t-il l'intention de mener une réflexion approfondie sur le statut des artistes dans notre pays et tout particulièrement sur la pérennité du régime des intermittents du spectacle qui semble menacée par le récent accord de doublement des cotisations passé entre le patronat et certains syndicats ?

M. Etienne Pinte, après avoir jugé que le résultat de l'audit mené par la société KPMG montrait l'absence totale de marges de man_uvre budgétaires du ministère de la culture et de la communication, a demandé si le ministre comptait supprimer ou différer certains projets. Il a ensuite posé des questions sur :

- le renforcement de l'autonomie des musées possédant le statut d'établissement public et la fin des reversements d'une partie de leurs recettes à la Réunion des musées nationaux (RMN) ;

- la situation actuelle de l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles qui, faute de subvention versée par l'Etat, doit dorénavant faire payer l'accès au petit parc ;

- la participation insuffisante de l'Etat aux financement des établissements d'enseignement artistique et particulièrement à celui des conservatoires nationaux de régions, pour lesquels sa participation n'excède pas 9 % ou 10 %, alors que la programmation pluriannuelle mise en place par M. Jean-Philippe Lecat, ministre de la culture de 1978 à 1981, prévoyait pour ces établissements un financement de l'Etat à hauteur de 25 %.

Abordant la question de la définition du périmètre du service public audiovisuel, M. Didier Mathus a estimé que la volonté manifeste du Gouvernement de recadrer le service public avait pour but de laisser plus de champ à TF1 qui a rendu quelques services à la majorité actuelle lors des dernières campagnes électorales. De même, le projet de chaîne d'information internationale et francophone annoncé par le Président de la République pendant la campagne apparaît clairement comme une menace pour le projet de France Télévisions de développer, sur la télévision numérique de terre, une chaîne publique d'information nationale en continu alternative à LCI.

Quant à la situation actuelle du groupe Canal +, celui-ci est bien évidemment fragilisée par la crise que traverse Vivendi et l'on peut se demander si le groupe sera en mesure d'assurer la distribution des programmes de la télévision numérique de terre comme il en avait l'intention. Canal + étant vraisemblablement destinée à être vendue, a-t-on déjà une idée de ses éventuels repreneurs ?

En réponse aux intervenants, M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, s'est déclaré indigné d'être soupçonné de connivence avec TF1 et de voir son sens du service public mis ainsi en cause.

Il a ensuite apporté les précisions suivantes aux membres de la commission :

- La volonté de réformer les musées nationaux s'appuie notamment sur la nécessité de ne pas leur faire subir les conséquences des errements de la RMN dans la gestion de ses activités commerciales. Actuellement, tous les musées nationaux reversent à la RMN une partie plus ou moins grande de leurs recettes, alors que celle-ci perd de l'argent. Il est donc souhaitable de suivre les recommandations de la Cour des comptes en rendant chaque établissement autonome, l'Etat réajustant le niveau de ses subventions aux musées nationaux et attribuant une subvention correspondante à la RMN.

- On ne peut pas dire que l'Etat ne subventionne plus l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles puisqu'il rémunère la totalité de ses personnels et lui verse une subvention d'investissement. Il est cependant vrai qu'il n'y a plus de subvention de fonctionnement.

Par contre, on ne peut que constater le caractère incompréhensible des règles qui président de façon générale au financement par l'Etat des établissements culturels auxquels il a attribué un label national. Il convient donc de redéfinir nettement le partage des charges entre les différentes collectivités publiques et l'Etat doit clarifier les critères de son subventionnement. En ce qui concerne par exemple les centres dramatiques nationaux, l'Etat doit se comporter de manière équitable dans la détermination du niveau de ses subventions, ce qui est loin d'être le cas actuellement.

- Les marges de man_uvre budgétaires sont faibles et appellent une meilleure gestion. Il faudra renoncer à des projets dont le financement est mal assuré. Cependant, l'exemple des travaux menés au 51 rue de Bercy à Paris montrent que parfois, une décision d'abandon pourrait coûter très cher.

- La « sanctuarisation » du budget de la culture doit être abordée dans une perspective dynamique, comme un état d'esprit. Cette sanctuarisation garantit le ministère contre les pratiques de gel ou de régulation budgétaire couramment utilisées ces dernières années et qui ont notamment touché le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou.

- En ce qui concerne le désengagement des collectivités locales en matière culturelle, il ne s'agit pas d'une tendance générale. La plupart continuent à s'engager de façon compétente et généreuse, parfois sans délégation explicite de l'Etat : c'est par exemple le cas des régions Nord Pas-de-Calais ou Poitou-Charentes.

- En aucun cas un financement privé ne doit se substituer à un financement public, gage d'unité et de diversité. Le mécénat sera donc toujours un appoint, sauf lorsque une initiative privée entreprend un projet de bout à bout, comme ce sera peut-être le cas pour la fondation Pinault.

- La réforme administrative du ministère est nécessaire mais difficile à mener : il faudrait créer une véritable direction du patrimoine national, réunissant le patrimoine monumental, les archives et les musées, un grand pôle des créations plastiques et visuelles comprenant l'architecture ainsi que des structures transversales pour les enseignements artistiques et pour les industries culturelles. De plus, actuellement, la direction du développement des médias relève du Premier ministre et non du ministère de la culture et de la communication, ce qu'il faudrait changer.

- S'agissant des professions artistiques, la situation financière du régime des intermittents du spectacle est à surveiller, puisque la vitalité artistique nationale est en partie garantie par l'existence de ce régime. De plus, si sa gestion est assurée par les partenaires sociaux, une augmentation des cotisations conduit in fine à peser sur les dépenses de l'Etat.

- On peut être sévère avec la télévision publique sans pour autant vouloir la déstabiliser voire la privatiser. Il convient néanmoins de la mettre face à ses responsabilités. Comme l'a redit le président de la République, le service public a besoin d'une grande chaîne généraliste dont les programmes reflètent les incitations à la qualité présentes dans son cahier des charges. Le périmètre idéal du service public pourrait être le suivant : une chaîne généraliste, populaire et digne, une chaîne fédérant des télévisions locales, une chaîne culturelle et du savoir et une chaîne d'information à vocation nationale et internationale. Il s'agit ainsi d'éviter la prolifération, synonyme d'affaiblissement et d'aborder ainsi dans de meilleures conditions le débat sur le financement et sur la concurrence avec les chaînes privées.

M. Michel Herbillon a souhaité connaître les orientations du Gouvernement pour favoriser la décentralisation culturelle ainsi que la clé de répartition des compétences qui sera retenue. Estimant que l'accès à la culture créait du lien social, il a demandé quelles initiatives le Gouvernement prendrait-il pour réduire la fracture culturelle.

M. Bernard Perrut a insisté sur la nécessité de rééquilibrer les politiques culturelles entre Paris et la province, notamment dans le domaine de la création théâtrale.

M. Michel Françaix a posé des questions sur :

- la répartition des différents canaux de télévision numérique terrestre entre services publics et privés, nationaux et locaux, anciens et nouveaux, gratuits et payants ;

- le développement des télévisions locales, notamment par une ouverture, à leur seul profit, des secteurs de publicité interdits à la télévision.

M. Patrick Roy a rappelé que les pratiques musicales en amateur se heurtaient à deux obstacles : le coût du matériel et l'absence de lieu de répétition et de concert. Il convient d'aider les jeunes à surmonter ces obstacles, notamment en milieu urbain.

M. Edouard Landrain a souhaité savoir quel rôle le ministre confierait aux collectivités locales en ce qui concerne l'enseignement de la musique et comment il entend clarifier ses relations avec le ministère de l'éducation nationale.

M. Yves Durand s'est inquiété de la poursuite de la mise en _uvre du plan Lang-Tasca sur le développement des arts et de la culture à l'école.

M. Dominique Richard a souhaité connaître les intentions du Gouvernement s'agissant de la protection de l'enfant contre la violence et la pornographie à la télévision.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, a formulé les observations suivantes :

- En ce qui concerne la violence et la pornographie à la télévision, la mission Kriegel sera amenée à faire des propositions mais il faut bien se rendre compte que la pornographie est véhiculée sur d'autres supports que la télévision et que le devoir de pudeur ne doit pas conduire à la pudibonderie.

- Le dispositif Lang-Tasca est de qualité. Il sera évalué pour savoir comment le continuer de manière non plus seulement expérimentale mais généralisée au niveau national. Il est clair que la culture doit être une priorité à l'école.

- L'enseignement musical repose essentiellement sur la responsabilité des collectivités locales, l'Etat se contentant de fixer le cadre national des diplômes et apportant un concours financier marginal. Il importe pour autant de définir un véritable service public national des enseignements artistiques.

- Le suivi des pratiques amateurs et professionnelles est sans doute trop séparé dans les structures administratives. La pratique en amateur est une bonne propédeutique à l'accès aux pratiques professionnelles et l'Etat se doit donc de jouer une mission structurante en ce qui concerne par exemple les lieux d'accueil pour des pratiques alternatives comme, par exemple, les musiques amplifiées. Il lui est néanmoins impossible de soutenir tous les projets et initiatives qui se font jour.

- L'ouverture de la publicité télévisée à des secteurs aujourd'hui interdits est en débat car il s'agit d'arbitrer entre les besoins de financement des chaînes, la pression de la concurrence aux sein du secteur des médias (notamment pour la presse écrite) et la préservation de la diversité culturelle.

- Les télévisions locales doivent être promues car la France est très en retard dans ce domaine et n'utilise pas tous les moyens disponibles, notamment la presse quotidienne régionale qui est tout à fait prête à contribuer à ces projets.

- Il faut défendre la conception d'un service public télévisuel ramassé et à la singularité marquée car ces deux caractéristiques sont les meilleures garantes de son existence.

- Le développement sur tout le territoire de scènes théâtrales subventionnées constitue l'illustration la plus évidente de la volonté de décentralisation culturelle de l'après-guerre. Mais la coexistence de structures multiples aux missions parfois similaires
- centres dramatiques nationaux, scènes nationales, scènes conventionnées, centres chorégraphiques nationaux - est une source de complexité qui ne peut être réduite que par une véritable vision de l'aménagement culturel du territoire. Celle-ci devra mieux marquer ce que les différents partenaires sont en mesure d'attendre de l'Etat, tout en prescrivant, dans tous les cas, l'intervention de ce dernier selon des règles précises.

- La décentralisation est la question clef qui se pose aujourd'hui au ministère de la culture. Il faut déléguer aux autorités locales tout en affirmant l'existence d'un service public et d'une politique nationale de la culture. Mais il faut instaurer une relation à double sens qui tiendra compte des projets et des intérêts des collectivités locales. Cette réforme devrait être le meilleur moyen de réduction de la fracture culturelle. A cet égard, la création de bibliothèques dans les zones rurales déshéritées et les quartiers périphériques des grandes villes sera encouragée car ce sont à la fois des lieux de culture et des lieux de convivialité qui peuvent pallier la perte des liens sociaux.


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