COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 octobre 2002
(Séance de  11 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition conjointe avec la commission des finances, de l'économie générale et du plan, en présence de la presse, de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, et Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (n° 250)

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La commissions des affaires culturelles, familiales et sociales a procédé à l'audition conjointe avec la commission des finances, de l'économie générale et du plan de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, et Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a tout d'abord indiqué que la philosophie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 repose sur la confiance et la responsabilité. Ce projet traduit un net changement dans la façon de concevoir la politique de santé et de sécurité sociale dans notre pays. La situation actuelle se caractérise par de nombreux éléments de crise :

- le paritarisme est remis en question, suite au départ du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) des conseils d'administration des caisses. En outre, à force d'imbrication des rôles entre l'Etat et les partenaires sociaux et de l'enchevêtrement des circuits financiers, le découragement s'est installé ;

- les médecins sont désenchantés. Il en est de même pour les établissements de santé, découragés par les contraintes administratives qui sont devenues un véritable carcan ;

- enfin, les outils de régulation ont perdu une large partie de leur crédibilité. L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) est devenu une enveloppe arbitraire et irréaliste, à l'origine d'une maîtrise comptable non seulement inefficace mais aussi totalement incomprise par les professionnels et les patients.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est un projet de changement car il rompt clairement aussi bien avec les méthodes qu'avec les orientations qui ont prévalu ces dernières années et qui ont conduit au malaise actuel. L'action du gouvernement est guidée par plusieurs principes : le principe d'humanité, qui doit conduire à donner à la santé la place qui lui revient dans notre société,  le principe de réalité qui conduit à sortir de l'illusion comptable, des prévisions irréalistes et des circuits financiers incompréhensibles pour les citoyens : ce projet de loi de financement est un projet de transparence et de crédibilité ;  enfin, le principe de la responsabilité partagée dans un système aussi complexe que notre système de santé et d'assurance maladie, chacun doit assumer son rôle.

L'équilibre financier du projet de loi marie pragmatisme et vérité. En effet, la situation prévue en 2002 et 2003 s'est considérablement dégradée.

En 2002, le solde du régime général se dégradera de plus de 4 milliards d'euros par rapport à 2001, car les dépenses augmentent à hauteur de 10 milliards d'euros, deux fois plus vite que les recettes qui devraient augmenter de 5,4 milliards. Au total, le régime général devrait, en définitive, être en déficit de 3,3 milliards d'euros en 2002. Encore ces chiffres bénéficient-ils du départ à la retraite des « classes creuses », nées pendant la seconde guerre mondiale, ce qui permet aux régimes de retraite d'afficher temporairement des excédents. Mais, il faut tenir compte de la rapide dégradation des comptes prévue à partir de 2005-2006 du fait du « papy-boom ». Dans cette évolution, l'assurance maladie est prépondérante : avec un taux d'augmentation qui devrait être, pour 2002, de 7,2 %, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) augmente bien au-delà des 4 % votés, qui n'étaient pas crédibles. Par rapport aux taux d'évolution constatés en 2000 et 2001, proches de 5,6 %, cette envolée des dépenses en 2002 tient beaucoup à la mise en place de la réduction du temps de travail à l'hôpital, qui n'était pas entièrement financée dans l'ONDAM. Pour 2003, si l'on continuait sur la même tendance, le déficit de l'assurance maladie atteindrait 10 milliards d'euros et celui du régime général dépasserait 6 milliards d'euros. Cette évolution n'est pas soutenable. Elle nous ramènerait aux pires années du régime général en 1992-1993. Un ONDAM « vérité » fixé à 5,3 % en 2003 est donc souhaitable. Ce taux relève en effet complètement des principes nouveaux mis en œuvre : réalisme, crédibilité et responsabilité partagée.

Il est impossible d'occulter le caractère structurel de la croissance des dépenses de santé. Les taux d'évolution des dépenses dans les pays de l'OCDE sont proches du nôtre. En 2000, par exemple, les dépenses de santé ont augmenté de plus de 7 % au Royaume Uni, en Italie, en Espagne et au Canada, de 6,5 % aux Etats-Unis, alors qu'en France, le taux de croissance était limité à 5,5 %. En second lieu, l'ONDAM doit être crédible. L'ONDAM a été systématiquement dépassé au cours des dernières années - à l'exception de 1997 - pour atteindre 9 milliards d'euros cumulés en quatre ans. Enfin, la responsabilité partagée reposera sur plusieurs mesures d'économie, tel le déremboursement de certains médicaments.

Plus globalement, au demeurant, le gouvernement s'engage à présenter au printemps un projet de loi de financement rectificatif, un « collectif sanitaire et social », en cas d'écart significatif constaté entre l'évolution réelle des différents agrégats de dépenses et de recettes et les objectifs fixés.

L'équilibre financier du projet de loi en 2003 est fondé sur la clarification et la transparence. Le gouvernement fait un pas important dans le sens de la clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Toutefois, le caractère extrêmement complexe et opaque des circuits de financement actuels ne pourra être clarifié que progressivement, étant donné les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques. Ainsi, une suppression pure et simple du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) ne serait pas raisonnable dans l'immédiat. Compte tenu de l'ancienneté du dispositif, des sommes engagées, des transferts complexes, du contexte économique et du court délai, cette mesure pourtant souhaitable ne pouvait apporter, dans la précipitation, les garanties nécessaires pour l'autonomie de la sécurité sociale et les exigences des partenaires sociaux.

Néanmoins, la réforme est suffisamment engagée pour indiquer clairement les orientations et les choix autour de trois volets essentiels :

- d'abord, l'engagement de l'Etat de compenser intégralement les nouveaux allégements de charges, soit un milliard d'euros en 2003, dont 660 millions grâce à la taxe sur les conventions d'assurance transférée depuis le budget de l'Etat et 300 millions de droits tabacs supplémentaires ;

- ensuite, le principe d'une réaffectation à la sécurité sociale d'une partie des recettes utilisées pour le financement du FOREC. La modification de la clef de répartition des droits tabacs entre le FOREC et la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) apportera à l'assurance maladie 700 millions d'euros et permettra de revenir à la clef de partage prévalant avant la création du FOREC, entre 15 % et 16 %, contre 8,9 % en 2002  ;

- enfin, le remboursement de la moitié de la dette passée au titre des allégements de charges. C'est ainsi qu'1,2 milliard d'euros sera remboursé par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) au régime général, sans allonger ni la durée de vie de la CADES, ni le niveau de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).

A la suite de l'ensemble de ces mesures, le déficit du régime général devrait donc atteindre 3,9 milliards d'euros en 2003 et celui de la branche maladie 7 milliards d'euros. La situation est donc loin d'être stabilisée, mais elle est significativement améliorée. Le redressement devra donc se poursuivre au cours des prochaines années.

S'agissant des mesures pour la santé et l'assurance maladie, le projet de loi de financement traduit les grandes priorités du gouvernement : la santé publique, la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie et l'excellence des soins. Il traduit aussi la philosophie de la réforme fondée sur la confiance et la responsabilité partagée entre les partenaires que sont l'Etat, les gestionnaires, les professionnels de santé et les patients.

La responsabilité de l'Etat se mesure à la priorité accordée à la santé publique. Dans notre pays, la santé publique a toujours été mal comprise et mal aimée. Nous en payons un prix élevé en termes de mortalité précoce et de gaspillages. La santé publique sera donc un objectif prioritaire. Le gouvernement déposera en 2003 un projet de loi de programmation quinquennale de santé publique. La prévention en constituera l'un des fondements. C'est le sens de la hausse des droits sur les tabacs, à hauteur d'un milliard d'euros de recettes supplémentaires, qui devrait permettre de diminuer sensiblement la consommation de tabac en France.

Dans le même esprit, le débat sur la politique de santé doit relever d'une approche plus médicale et moins comptable. Les dépenses d'assurance maladie doivent être fondées sur l'évolution de l'activité de soins. Un groupe de travail constitué au sein de la Commission des comptes de la sécurité sociale remettra ses conclusions à ce sujet au premier trimestre 2003. Déjà cette année, l'élaboration des annexes du projet de loi de financement intègre cette approche médicalisée.

Il convient également de clarifier les missions des gestionnaires de l'assurance maladie par la recherche d'une nouvelle gouvernance de l'assurance maladie. Un groupe de travail constitué au sein de la Commission des comptes de la sécurité sociale est chargé d'établir un état des lieux. Sur cette base, l'ensemble des acteurs sera invité à faire des propositions à partir desquelles le gouvernement élaborera un projet de réforme.

Le présent projet de loi de financement contient une série de mesures qui rompent avec la politique suivie jusqu'à présent, notamment la suppression de la maîtrise comptable, celle des comités médicaux régionaux et l'évolution des missions du service médical des caisses, afin que soit marquée la priorité du dialogue entre les professionnels et les organismes de sécurité sociale. Un avenant à la convention d'objectifs et de gestion qui lie l'Etat et la CNAM est en cours de négociation, dans le but de réorienter l'action de l'assurance maladie.

Concernant les établissements de santé, trois mesures importantes annoncent le plan « Hôpital 2007 ». Elles vont dans le sens d'une plus grande souplesse et d'une plus grande responsabilité des acteurs hospitaliers, et visent à répondre à la grave crise que traverse le monde hospitalier malgré les efforts innombrables accomplis par le personnel des hôpitaux. Les établissements hospitaliers vont passer à la tarification à l'activité. Des expérimentations seront réalisées dans des établissements volontaires en 2003 et ce mode de financement sera généralisé en 2004.

Une mission permanente d'audit et d'expertise hospitalière réalisera des référentiels de bonnes pratiques et de bonne gestion. Enfin, l'investissement à l'hôpital sera relancé afin de moderniser les établissements et leur permettre de s'adapter aux contraintes de sécurité sanitaire et à la recomposition de l'offre hospitalière En 2003, une première tranche d'investissement d'un milliard d'euros est prévue.

Pour ce qui concerne la médecine de ville, les professionnels doivent s'engager dans les processus de formation médicale continue, d'évaluation et de coordination des soins. Outre le renouveau du dialogue entre les professionnels de santé et les services médicaux des caisses, plusieurs mesures importantes devront concourir à l'objectif d'excellence qui s'impose aux professionnels de santé. La promotion de l'évaluation passe par le financement des actions d'évaluation proposées par les unions régionales de médecins libéraux et la suppression du mécanisme d'incitation à la cessation d'activité (MICA), en raison de la baisse de la démographie médicale. A l'inverse, la reprise d'une activité complémentaire sera facilitée pour les médecins et les infirmières en retraite, notamment dans les zones rurales.

Dans le domaine du médicament, une nouvelle politique moderne et équilibrée sera mise en œuvre. Elle repose sur un partenariat étroit entre l'Etat et l'industrie pharmaceutique, qui se traduira dans un nouvel accord sectoriel.

Une augmentation de 200 millions d'euros des moyens des établissements hospitaliers pour l'achat des médicaments innovants est prévue. Elle sera accompagnée d'une amélioration des procédures d'achat des médicaments par les hôpitaux et de la mise en place d'une procédure visant à permettre l'accès au remboursement en ville en quelques semaines pour les médicaments jugés les plus innovants. Des forfaits de remboursement pour les médicaments appartenant à des groupes génériques seront établis.

Enfin, il est nécessaire de tirer toutes les conséquences de la réévaluation du service médical rendu par les médicaments, voulue par le gouvernement précédent. Le principe en est arrêté. La mise en œuvre de cette décision sera entourée de toutes les garanties de procédure et d'impartialité. Il n'y a pas de liste préétablie. La procédure sera échelonnée sur trois ans, afin de permettre aux patients et aux médecins de modifier leurs comportements et aux industriels d'adapter graduellement leurs stratégies. Cette mesure repose sur le souci de la santé publique au regard de produits anciens peu efficaces et parfois déconseillés et celui d'une solidarité plus adaptée. Les patients ont déjà été sollicités avec l'accord conventionnel sur les visites à domicile non justifiées. Ils le sont aussi avec l'instauration, prévue dans le présent projet, du forfait de remboursement des médicaments appartenant à des groupes génériques. Demain, d'autres mesures de responsabilisation devront être instaurées, tel le dossier médical partagé.

Le handicap, enfin, constitue l'un des trois grands chantiers du quinquennat que le Président de la République a lancés le 14 juillet 2002. L'objectif d'une politique du handicap est de permettre aux personnes handicapées de choisir dans toute la mesure du possible leur mode de vie et de participer à la vie en société. Or, actuellement, certaines personnes handicapées qui souhaiteraient séjourner en établissement vivent à domicile par manque de places. D'autres sont obligées d'aller à l'étranger, notamment en Belgique. En 2003, le nombre de places en établissements sera accru fortement pour diminuer les listes d'attente actuelles.

Pour ce qui concerne la médicalisation des établissements pour personnes âgées dépendantes, la réforme actuellement en cours piétine. Le calendrier doit donc être allongé jusqu'en 2006, et le dispositif doit être simplifié.

En ce qui concerne les accidents du travail, l'objectif est, dans la continuité de la loi du 25 juillet 1994, de rendre la branche accidents du travail et maladies professionnelles plus autonome. Cette branche sera donc dotée dès 2003 d'une convention d'objectifs et de gestion et d'un conseil de surveillance spécifiques. Le mode de désignation des membres de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles sera, par ailleurs, harmonisé avec celui des membres du conseil d'administration de la CNAM : ils seront désormais nommés directement par les partenaires sociaux. Enfin, l'indemnisation des victimes de l'amiante fait partie des priorités du gouvernement qui a souhaité, dès son entrée en fonctions, que les mécanismes de réparation du préjudice subi par les personnes souffrant d'une affection liée à l'amiante soient rapidement mis en place. Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a défini les montants des acomptes en juin 2002 ; le barème de l'indemnisation définitive sera prochainement établi.

La situation financière de la branche vieillesse est paradoxale. Elle est excédentaire, mais dans moins de cinq ans, elle devra supporter le « papy-boom ». Dans ces conditions, conformément aux engagements du gouvernement, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité engagera au début de l'année prochaine une concertation. Pour 2003, la revalorisation des pensions permettra d'assurer le maintien du pouvoir d'achat des retraités. Elle sera alignée sur l'inflation prévue, soit 1,5 %. Tout effort supplémentaire présumerait de l'équilibre actuel et futur de la branche.

En conclusion, M. Jean-François Mattei a considéré que la sauvegarde de notre sécurité sociale appelle une modernisation de son organisation et de ses structures afin de l'adapter à son nouvel environnement. Le chemin tracé par le gouvernement est clair. C'est dans la durée, dans la concertation et le respect du dialogue social que les réformes seront menées.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a rappelé la mesure très importante du projet de loi en faveur des familles d'au moins deux enfants dont l'aîné a atteint vingt ans, âge à partir duquel, jusqu'à présent, les allocations familiales ne sont plus versées. Compte tenu du fait qu'en moyenne, les jeunes entrent plutôt à vingt-et-un ans sur le marché du travail, il est proposé de reporter d'un an l'âge limite donnant droit au versement des allocations, en accordant pendant cette période supplémentaire une allocation de 70 euros par mois, soit 840 euros par an. Ainsi, une famille de trois enfants dont l'aîné atteint vingt ans perd, dans le système actuel, 160 euros mensuels sur les 400 euros qu'elle percevait ; la réforme proposée compense cette perte pour près de la moitié de son montant.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a indiqué que, bien qu'aucun article du projet de loi de financement ne concerne explicitement son domaine d'attributions, l'enveloppe médico-sociale au sein de l'ONDAM attribuée aux actions conduites dans le domaine du handicap sert plusieurs priorités. Dans les maisons d'accueil spécialisé et les foyers à double tarification est proposé un doublement du nombre de places initialement prévu pour 2003 (2 200 au lieu de 1 100), mesure similaire à celle inscrite dans le projet de loi de finances pour 2003 concernant les centres d'aide par le travail (CAT), dont le nombre de places est lui aussi doublé. Le soutien aux soins ambulatoires en réseau pour personnes lourdement handicapées est réaffirmé, les services d'éducation spécialisée et de soins à domicile (SESSAD) sont confortés, et l'accueil temporaire sera mis en œuvre conformément à la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est félicité de l'organisation d'un débat et d'un vote au Parlement sur la loi de financement, dont les montants des recettes et des dépenses dépassent ceux du budget de l'Etat. Il a également tenu à saluer le travail accompli en quatre mois par le gouvernement en matière sanitaire et sociale.

Tout en notant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 est un texte de transition, il convient de souligner combien sont grands les espoirs qu'il fait naître pour les patients qui pouvaient se sentir de plus en plus exclus du système de santé, pour tous les protagonistes de la politique de santé publique, car cette politique manquait de vision d'ensemble, pour la médecine de ville, avec la fin de la maîtrise comptable des soins, pour l'hôpital et tous les personnels soignants hospitaliers, qui voyaient les équipements se dégrader d'année en année. Sur un thème connexe, celui de l'organisation interne de l'hôpital, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales va d'ailleurs mettre en place dès la fin du mois d'octobre une mission d'information, présidée par M. René Couanau. Il faut aussi saluer le courage politique dont le texte du projet de loi porte la marque, qu'il s'agisse de l'augmentation des droits sur les tabacs, de l'affichage d'un ONDAM en progression de 5,3 %, de la systématisation du recours aux médicaments génériques, ou encore de la prise en compte de la réévaluation du service médical rendu de certaines spécialités pharmaceutiques.

M. François Goulard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, a souligné les difficultés considérables du financement de la sécurité sociale. Il est très satisfaisant à cet égard que le projet de loi ne masque pas la réalité de la situation et ouvre la voie aux moyens d'aplanir les difficultés présentes. La croissance des dépenses de santé à un rythme élevé est certes inéluctable, et il est impossible de ne pas honorer ces dépenses. De ce point de vue, le changement qui s'opère, à savoir la suppression de la régulation strictement financière de l'offre de soins au profit d'une étude du rapport entre la prestation et son coût pour la collectivité, est salutaire. Les mesures annoncées - sur les génériques et sur le déremboursement des visites non médicalement justifiées ou des médicaments dont le service médical rendu s'avère insuffisant - vont dans le bon sens. Pour les établissements hospitaliers publics comme privés, l'expérimentation de la tarification à l'activité est une étape cruciale et indispensable. Il est éminemment souhaitable que, le moment venu, le Parlement soit informé de la façon la plus complète sur ces résultats.

La partie « recettes » du projet de loi présente les séquelles du bouleversement des finances sociales provoqué par le financement des trente-cinq heures et les allègements de charges inévitables à opérer en conséquence, qui conduit aujourd'hui à l'alignement du SMIC vers le haut. Cette réforme a entraîné à une hausse considérable des prélèvements, source de difficultés colossales. Le projet de loi de financement est un projet de transition, mais cette transition qui s'ouvre sera douloureuse. Le changement tout juste amorcé, par exemple en matière de transferts financiers dans le cadre du FOREC, devra aller à son terme : ce fonds devra être supprimé, car le lien entre ses dépenses et ses recettes est purement artificiel et l'affectation des recettes ne repose sur aucune logique. Quelles sont donc, au-delà de la transition, les perspectives à moyen terme ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, évoquant la nécessité de concilier les trois objectifs que sont la promotion d'une médecine de qualité, la maîtrise des prélèvements obligatoires et le refus d'une médecine à deux vitesses, a demandé quelle pédagogie serait menée pour responsabiliser les patients.

M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, s'est félicité qu'ait été retrouvé le courage de la réforme. Dans sa volonté de « détricoter » le FOREC, le gouvernement devra passer aux actes, en allant au-delà des allègements proposés dans le projet de loi présenté par M. François Fillon, du remboursement d'1,2 milliard d'euros au titre de la dette 2000 et de la réaffectation des droits sur les tabacs. L'occasion se présente de remettre à plat l'ensemble des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Il faut, pour cela, fixer à l'assurance maladie un périmètre de financement clairement établi, de façon à responsabiliser tous les acteurs du système. La politique de la main tendue en direction des professionnels de santé, sous la forme d'une responsabilité partagée, implique que tous les acteurs contribuent à la recherche du « juste soin ».

M. Yves Bur a ensuite posé les questions suivantes :

- la régionalisation de la santé - via la création d'agences régionales de santé, de conseils régionaux de la santé, de structures régionales pour l'assurance maladie et la politique de santé publique et de prévention -, est-elle toujours un objectif ?

- le produit d'un milliard d'euros, attendu de l'augmentation des droits sur les tabacs, sera-t-il effectivement perçu, ou bien ne doit-on pas craindre, comme cette année, une révision à la baisse des prévisions de recettes pour cause de développement de la contrebande, ou de report de la consommation vers des produits moins chers et donc plus mauvais pour la santé ?

- La CADES, qui doit en plus rembourser 1,2 milliard d'euros de dette au titre du FOREC, a déjà été mise à contribution plusieurs fois par le précédent gouvernement ; dès lors, on peut se demander si la date de 2014, retenue pour le terme de sa mission, sera tenue.

M. Jean Bardet, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, s'est réjoui de l'analyse lucide et des remèdes courageux contenus dans le projet de loi, en insistant sur l'abandon de la maîtrise comptable des dépenses de santé au bénéfice d'une maîtrise médicalisée. Devant le caractère inéluctable de la hausse de ces dépenses, une maîtrise s'impose en effet. A cet égard, la mesure annoncée pour promouvoir le développement du marché des médicaments génériques est bonne, car elle laisse un libre choix pour le malade et crée de l'émulation entre les laboratoires. Cependant, le risque existe que les prix des médicaments princeps soient abaissés au niveau de ceux des génériques, ruinant ainsi l'industrie des génériques. Par ailleurs, cette mesure constitue-t-elle une étape vers un remboursement par classe thérapeutique, qui ne serait pas dénué d'effets négatifs ? Que l'on songe à ce que l'on a observé dans le cas des statines, par exemple. Enfin, cette même mesure paraît contradictoire avec l'accord conclu en juin dernier, aux termes duquel les médecins généralistes acceptaient, en contrepartie de la revalorisation de leurs honoraires, de porter à 30 % le volume de leurs prescriptions en dénomination commune internationale (DCI).

Quel est le montant de l'économie attendue du mécanisme de déremboursement portant sur 835 spécialités, nombre ramené à 650 ? Ne risque-t-on pas de constater un transfert de la consommation vers d'autres spécialités, plus chères, mais remboursables ? Le processus de révision de l'autorisation de mise sur le marché, prévu par les textes mais inappliqué, sera-t-il mené à son terme ?

Le plan « Hôpital 2007 » est ambitieux ; il prévoit le déblocage, dès 2003, d'un milliard d'euros pour parer au plus pressé, mais les problèmes structurels vont demeurer ; à quand une grande loi hospitalière, pour réformer les services des urgences en particulier ? Il pourrait s'agir d'un volet du projet de loi à venir sur la décentralisation, et la mission d'information de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales va peut-être formuler des recommandations à ce sujet. Enfin, pour la médecine de ville, les accords récents de revalorisation d'honoraires et de réforme de la prise en charge des visites à domicile vont dans le bon sens, mais rien n'a encore été fait en faveur des médecins spécialistes.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a salué la volonté de clarté du ministre. Certes, la branche vieillesse donne lieu à peu d'articles dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais un texte est en préparation pour l'année prochaine, texte qui privilégiera une approche globale absolument nécessaire. Le « papy boom » qui s'annonce à horizon 2006, est effectivement très inquiétant. Il est urgent de ne plus attendre. Il a été décidé dans ce projet de revaloriser les pensions au niveau de l'inflation. Il sera très probablement reproché au gouvernement de ne pas pratiquer de coup de pouce, mais l'essentiel est qu'il n'y ait pas de perte de pouvoir d'achat pour les retraités.

Concernant la médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées, l'échéance est reportée à 2006, prenant acte du caractère totalement irréaliste de l'objectif initialement prévu. En effet, la simultanéité de la réforme de la tarification, de la signature des conventions tripartites, de la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et des trente-cinq heures justifie ce report ; pour autant, certaines fédérations et associations souhaitent que cette échéance ne soit pas repoussée au-delà de 2004 et une concertation approfondie avec ces fédérations paraît indispensable.

La mission sur la dépendance, qui avait, la première, posé le problème de l'autonomie des personnes âgées, avait dégagé deux grands principes : la solvabilisation des familles et l'augmentation de l'encadrement médical. Ces deux objectifs sont toujours d'actualité. Lors des discussions futures sur les moyens nécessaires pour les atteindre, il conviendra de ne pas écarter l'hypothèse de la mise en place d'un cinquième risque au sein de la sécurité sociale.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, s'est félicité de la qualité du débat en commission, qui contraste avec les propos, parfois convenus, que l'on entend dans l'hémicycle. Notre pays est confronté à un problème majeur dans un domaine majeur, problème face auquel le gouvernement précédent a échoué, comme d'ailleurs les autres gouvernements, qui n'ont pas davantage réussi. Il convient donc de se garder d'une approche polémique et il faut se tourner vers l'avenir. Il est possible de trouver, comme sur certains textes d'intérêt national, un accord qui dépassera les clivages partisans ; aussi ne faut-il pas fermer la porte aux idées nouvelles, d'où qu'elles viennent. De nombreuses erreurs ont été faites par le passé : il a été tenté de limiter l'offre de soins avec le numerus clausus, ce qui a débouché sur une pénurie de professionnels de santé, puis a été appliquée une maîtrise comptable de la demande, sans que ni l'une ni l'autre de ces politiques n'ait eu d'effet significatif sur l'évolution des dépenses de santé. La seule chose qui n'ait jamais été tentée est de construire des réformes avec ceux qui sont destinés à les appliquer, c'est-à-dire les professionnels de santé. Il s'agit là d'un vrai pari.

Certes, la hausse des dépenses de santé est structurelle et on peut l'expliquer par de nombreux facteurs comme le progrès technique, le vieillissement de la population ou encore le désir de mieux vivre. Néanmoins, un pays qui consacre 10 % de son PIB à la santé doit s'assurer qu'il peut dépenser mieux avant de dépenser plus. Or, tous les directeurs d'hôpitaux publics affirment qu'ils peuvent faire d'importants gains de productivité pour peu qu'on cesse de leur imposer des règles non négociées et qu'on se débarrasse de certaines rigidités, comme celles que comporte le code des marché publics. Il est indispensable de donner à l'hôpital public les moyens lui permettant d'assurer à la fois une concurrence et une complémentarité avec le secteur privé. Dans ce domaine comme dans les autres, ces réformes prendront du temps et il ne sera pas possible d'obtenir des résultats immédiats. Avant de mettre en œuvre des déremboursements ou des baisses de cotisations, il faut s'assurer du bon état de marche de notre système de santé.

Concernant les médicaments génériques, la crainte a été exprimée que les prix des princeps s'alignent à terme sur ceux des génériques : d'une part, cela semble peu probable étant donné les contraintes qui pèsent sur l'industrie pharmaceutique à l'exportation ; d'autre part, le rôle du ministre de la santé n'est pas de faire le travail qui incombe aux industriels, mais de gérer au mieux les dépenses de protection sociale dont il a la charge. En ce qui concerne les déremboursements, nous sommes à l'aube d'une révolution des pratiques médicales, qui implique que soit menée une véritable politique du médicament. Afin de responsabiliser les patients, il est nécessaire d'aller vers l'automédication. Mme Martine Aubry avait lancé le programme de réévaluation du service médical rendu des spécialités pharmaceutiques. De nombreux médicaments d'usage courant ont été déremboursés et ils ont néanmoins continué à être utilisés. Leur déremboursement permettra de mettre l'accent sur le financement des médicaments innovants luttant contre les fléaux que sont le cancer, le SIDA et les maladies dégénératives... Il est nécessaire de faire des choix. Par ailleurs, les médicaments ont leur propre vie : ainsi un médicament a récemment fait l'objet d'une évaluation de service médical rendu insuffisant, sur ses indications initiales ; on s'est néanmoins aperçu qu'il était très utile dans la lutte contre la mucoviscidose et son déremboursement, bien sûr, ne peut plus être envisagé lorsqu'il est prescrit à cette fin. Des médicaments déremboursés ont vu leur chiffre d'affaires augmenter. Aussi faut-il se méfier des jugements sommaires ou trop rapides en la matière. Le forfait de remboursement pour les médicaments figurant dans un groupe générique n'est pas contradictoire avec l'engagement de prescription souscrit dans le cadre de l'accord conventionnel du 5 juin dernier ; les deux mesures sont complémentaires.

Il faut reconnaître que les patients sont parfois déresponsabilisés, en particulier avec la carte Vitale et le tiers payant, qui leur donnent l'impression que les soins sont gratuits. Il est indispensable de leur faire comprendre qu'ils sont également responsables des fonds sociaux qui financent ces soins, mais ce n'est pas simple. Pourquoi ne pas, par exemple, les associer à la gestion de l'assurance maladie, dans le cadre de la nouvelle gouvernance souhaitée par le gouvernement ? Les associations de patients peuvent jouer un rôle très utile, comme l'ont prouvé les associations de consommateurs dans la gestion de la crise bovine liée à la maladie du prion.

La régionalisation est un des axes prioritaires de la politique de santé du gouvernement. Les agences régionales de l'hospitalisation ont montré leur efficacité. La création d'agences régionales de santé (ARS) permettra d'aller plus loin, en associant médecine de ville et hospitalisation.

M. Claude Evin a rappelé qu'à la fin de 1993, le gouvernement d'alors avait déjà mis en avant l'instrument de la responsabilisation des professionnels de santé. Ceci relativise le caractère inédit de la politique annoncée aujourd'hui.

Les comptes 2002 reflètent certainement une part d'héritage, pourtant le déficit de l'assurance maladie, tel qu'évalué par la Commission des comptes de la sécurité sociale, s'est creusé de 900 millions d'euros entre juillet et septembre, en raison des premières mesures prises par le nouveau gouvernement. Il faut d'ailleurs rappeler qu'en 1997, le déficit du régime général a atteint 4,5 milliards d'euros.

Pour 2003, le déficit prévisionnel, compte tenu des mesures annoncées, serait de 3,9 milliards d'euros. Il faut toutefois préciser que ce résultat n'est pas atteint grâce à une politique de maîtrise des dépenses, mais par des augmentations de recettes comme les droits sur les tabacs et le prélèvement sur la CADES, qui ne pourront pas être renouvelées.

Les mesures structurelles qui sont annoncées sont très réduites et reprennent bien souvent des dispositifs déjà existants, qu'ils soient prévus par la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades et la qualité du système de santé ou par celle du 27 juillet 1999 relative à la couverture maladie universelle (CMU) pour ce qui est de la tarification à la pathologie. Sur les autres points, il apparaît en fait que ce sont les patients qui devront assumer des dépenses supplémentaires : ce sera le cas pour les visites à domicile, comme pour le médicament. Dans le cas, par exemple, où le patient n'aurait pas été informé de l'existence d'un générique ou n'aurait pas bénéficié de la substitution par le pharmacien, il aura au bout du compte à acquitter un coût supérieur.

Il faut être particulièrement vigilant par rapport aux travaux du groupe de travail annoncé par le ministre sur la répartition entre couverture de base et couverture complémentaire en matière d'assurance maladie, afin de veiller à ce que notre système reste bien fondé sur la solidarité.

M. Bernard Accoyer a remercié le ministre de la lucidité de son approche et de sa volonté de sauvegarder les principes de solidarité.

Les déficits cumulés qui conduisent aujourd'hui à faire appel à la CADES résultent des dérives d'un système d'assurance maladie non maîtrisées entre 1998 et 2001, dans une forte période de croissance économique. En effet, rien n'a alors été fait ces dernières années pour garantir l'avenir de l'assurance maladie, des retraites, ou pour conduire une politique adéquate en direction des personnes handicapées ou des familles.

Il ne peut y avoir de régime d'assurance maladie pérenne que si les responsabilités sont partagées entre les praticiens, les gestionnaires de régime de base comme complémentaire, et les patients. Il faut maintenant définir la voie commune de la concertation et de l'équilibre.

M. Jean-Luc Préel s'est réjoui d'un projet de loi de transition qui va dans la bonne direction, de la fixation d'un taux réaliste de l'ONDAM, même si il devrait être encore plus médicalisé, ainsi que de la suppression des lettres clefs flottantes et des CMR, et des mesures relatives aux médicaments et à l'hospitalisation avec le plan « Hôpital 2007 ». En revanche, on peut regretter, tant la crise est profonde, qu'il n'ait pas été procédé à un audit de la santé. La question de l'apurement des comptes reste également entière, sachant qu'aujourd'hui les reports de charges représentent environ 3 % des budgets des hôpitaux. De même, l'enveloppe hospitalière pour 2003 devra prendre en compte ces reports de crédits.

Un certain nombre de questions demeurent aussi posées en matière de médecine ambulatoire : la revalorisation des honoraires des spécialistes, les frais de déplacement des infirmières, la création d'un ordre des kinésithérapeutes, des podologues et des infirmières. Pour les personnes âgées se posent également les problèmes de la médicalisation des établissements d'hébergement, du droit à partir à la retraite avec 40 annuités de cotisation, des droits des conjoints survivants et de l'assurance veuvage, question qui n'est pas mentionnée dans le rapport annexé.

En conclusion, M. Jean-Luc Préel a observé que le transfert du financement des majorations de pensions pour enfant du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) vers la branche famille est tout aussi inacceptable cette année que les années précédentes.

M. Jean-Pierre Brard a fait les remarques suivantes. Dans son intervention, le ministre n'a évoqué ni l'existence, ni le devenir des maisons médicales d'urgence. Ces structures sont pourtant porteuses d'avenir et il conviendrait de généraliser leur expérimentation. Le budget alloué aux centres de soins spécialisés aux toxicomanes pour 2003 est réduit de 14 % et on constate également une baisse de 30 % des crédits de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT). Cette baisse est catastrophique, au regard des résultats obtenus par ces centres qui sont remarquables, tant du point de vue sanitaire que de la réduction des nuisances dans l'espace public. En la matière, il conviendrait d'associer plus étroitement les efforts du ministère de la santé et ceux du ministère de l'intérieur, plutôt que de privilégier une approche unilatérale.

M. Etienne Pinte s'est réjoui du changement d'approche de la politique de santé publique introduite par le projet de loi. Il est cependant regrettable que le transfert du financement des majorations de pensions pour enfants du FSV vers la branche famille soit maintenu et augmenté pour l'année prochaine, alors que le Président de la République a clairement annoncé qu'il était favorable à une gestion séparée des branches.

M. Jean-Louis Dumont s'est tout d'abord exprimé au nom de M. Gérard Bapt, rapporteur spécial des crédits de la santé. Ce dernier s'étonne de n'avoir, jusqu'à présent, reçu aucune réponse écrite à son questionnaire budgétaire pour 108 questions posées. Il existe pourtant des délais fixés par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, délais expirés. En conséquence, M. Gérard Bapt se réserve le droit de ne pas rapporter tout ou partie de ce budget, lors de son examen en commission des finances ou en séance publique. Comme l'a constaté le Président Pierre Méhaignerie, il n'est pas admissible que la loi organique soit aussi mal respectée.

M. Jean-Louis Dumont a ensuite posé les questions suivantes :

- quel avenir pour la médecine générale en milieu rural ?

- quels sont les moyens pour parvenir à une meilleure utilisation des gros appareillages dans les hôpitaux, particulièrement des imageries à résonance magnétique (IRM) ?

Mme Jacqueline Fraysse a exprimé son accord avec le ministre concernant l'augmentation inévitable des dépenses de santé rapportées à la richesse nationale dans les prochaines années. Il est néanmoins regrettable de ne pas tirer pas les conclusions d'une telle situation qui devrait conduire à une réforme globale du mode de financement de la sécurité sociale, associée à l'augmentation des moyens financiers mis à sa disposition.

Mme Jacqueline Fraysse a ensuite fait les observations suivantes :

- s'il est légitime de s'interroger sur le déremboursement des médicaments dont l'efficacité thérapeutique n'est pas prouvée, il est par contre urgent de stopper le remboursement des médicaments inefficaces voire dangereux pour la santé. Par ailleurs, il est souhaitable de débloquer des moyens en faveur de l'utilisation des médicaments innovants dans les hôpitaux. Mais n'y a-t-il pas un risque de dérive financière, si les laboratoires fixent eux-mêmes le prix de tels médicaments ?

- la taxe sur les salaires pour les personnels hospitaliers va-t-elle être supprimée ?

- le ministre envisage-t-il d'étendre le bénéfice de la CMU aux titulaires de l'allocation adulte handicapé (AAH) et aux bénéficiaires du minimum vieillesse ?

Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué à M. Jean-Louis Dumont que la question posée par M. Gérard Bapt ne relève pas du cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais que le gouvernement devra, naturellement, y répondre, dans le cadre de la loi de finances.

M. René Couanau s'est félicité du souci d'efficacité qui guide l'action du ministre et des mesures qu'il a annoncé en direction des personnes handicapées. Pour autant, il existe un décalage important dans le temps entre le moment où une décision est prise et le moment où ses effets se traduisent. Ainsi, les mesures contenues dans le présent projet n'entreront pas dans les faits avant 2005 ou 2006. Il est important de trouver les moyens d'une plus grande réactivité de l'action publique.

M. Marc Bernier a insisté sur l'injustice d'une médecine à deux vitesses. Ainsi, le remboursement des prothèses oculaires, dentaires ou auditives n'est-il pas pris en charge par la sécurité sociale de manière satisfaisante et tous les Français n'ont pas les moyens de s'offrir une bonne assurance complémentaire.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a apporté les réponses suivantes :

- le dérapage des dépenses de santé constaté entre le mois de juin et aujourd'hui est la conséquence d'un double phénomène : d'une part, la baisse des ressources en conséquence de la réduction de 0,2 point de la croissance de la masse salariale - en liaison mécanique avec la recrudescence du chômage - qui induit une moindre ressource de 300 millions d'euros, et le coût des dernières décisions prises par le précédent gouvernement, pour un montant de 400 millions d'euros, qui n'étaient par financées ; d'autre part, trois mesures nouvelles décidées par le gouvernement actuel : la levée des pénalités financières pour les médecins spécialistes du secteur 1, l'accord du 5 juin 2002 avec les médecins généralistes (230 millions d'euros) et la revalorisation du tarif de la consultation pour les pédiatres. Ces trois mesures étaient nécessaires ; elles ont été prises. Cependant, il n'appartient pas au gouvernement d'aller plus avant sur ces sujets car ils relèvent du dialogue social et de la négociation. Est-il logique qu'une visite de généraliste coûte 20 euros et une visite de spécialiste 22,5 euros, alors que cette dernière dure, souvent, deux fois plus longtemps ?

- le maintien des maisons médicales d'urgence est une nécessité. Ces structures ont fait la preuve de leur efficacité, notamment pour soulager les services d'urgence des hôpitaux. M. Charles Descours, sénateur honoraire, a été chargé de faire des propositions en ce sens. Il n'existe pas de solution univoque en la matière. On ne peut que constater que certaines maisons médicales fonctionnent mieux que d'autres, notamment en milieu rural. Il est important de ne pas faire table rase du passé au seul nom de la modernité. Certaines structures ont démontré leur efficacité : on redécouvre ainsi l'utilité des dispensaires de campagne et des services de porte des hôpitaux ;

- en matière de lutte contre la toxicomanie, l'expérience montre que pour être efficace, l'action doit s'effectuer au plus près du terrain. En ce sens, le rôle des associations est primordial. Le gouvernement n'entend donc pas réduire les crédits alloués à la MILDT et aux centres de soins spécialisés aux toxicomanes. La réduction des crédits observée par M. Jean-Pierre Brard n'est que le résultat d'une clarification comptable : les crédits alloués aux centres de soins spécialisés dans la toxicomanie sont désormais inscrits au budget de l'assurance maladie et non plus au budget de l'Etat et la création de l'Institut national de prévention et d'éducation à la santé (INPES) entraîne mécaniquement un transfert du budget de communication antérieurement inscrit dans les crédits de la MILDT vers cette nouvelle structure ;

- il est difficile de faire des pronostics sur le déficit de la branche maladie en 2003, compte tenu de l'assiette des cotisations sociales ;

- la sécurité sociale a été instituée en 1945, essentiellement pour les travailleurs salariés et leurs familles. Depuis, une protection sociale concernant aujourd'hui d'autres populations que les salariés s'est développée. Aussi le lien entre travail et offre de soins s'est-il progressivement distendu. C'est une des raisons pour lesquelles le MEDEF s'est désengagé des conseils d'administration des caisses. C'est pourquoi une réflexion d'ensemble doit être engagée dans le sens d'une nouvelle gouvernance de l'assurance maladie ;

- il faudra assurément revenir sur la CMU afin de donner « un coup de pouce » aux populations situées juste au-dessus du seuil ouvrant l'accès à cette couverture. La CNAM a déjà mis en place une aide fort utile. Probablement faudra-t-il retenir des incitations fiscales pour la généralisation des couvertures complémentaires ;

- les contributions de la branche famille au financement des majorations de retraite pour enfants ont été maintenues. En effet, la branche famille dégage des excédents considérables. Il faut les utiliser, et ils le sont à des fins de politique familiale. Il convient de noter d'ailleurs que la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a voté les articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale relatifs à la famille ;

- s'agissant des équipements d'IRM, il convient de ne pas traiter de la même façon tous les établissements publics et privés. Même si quelques hôpitaux publics peuvent les mettre en service rapidement, les cliniques privées sont hélas souvent plus performantes ;

- une ordonnance de simplification des procédures administrative sera prise par le gouvernement, notamment afin de réduire les délais ;

- les questions relatives au remboursement des prothèses sont pertinentes. Elles ne pourront toutefois être traitées au fond que dans le cadre du groupe de travail sur la répartition entre la couverture de base et la couverture complémentaire.

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