COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 7

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 17 octobre 2002
(Séance de 9 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

pages

-- Loi de finances pour 2003

· Avis francophonie et relations culturelles internationales (Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis)

· Avis formation professionnelle (M. Christian Paul, rapporteur pour avis)

2

   

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Henriette Martinez, les crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales pour 2003.

Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis sur les crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales, a d'abord rappelé que les crédits des affaires étrangères pour 2003 s'établissent à 4 113,9 millions d'euros et se décomposent en trois agrégats : les crédits affectés à la rémunération du personnel et aux moyens de fonctionnement, les actions axées sur l'éducation et la solidarité et, enfin, l'ensemble des actions en matière de coopération et d'interventions internationales qui mobilisent 2 553 millions d'euros.

Le projet de budget est en augmentation de 13,3 %, avec + 484 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2002. La part de ce budget dans le budget de l'Etat s'élève à 1,5 % contre 1,3 % en 2002. L'inscription sur ce budget des crédits du Fonds européen de développement (FED) en 2002 comme des crédits destinés au financement des contrats de désendettement-développement (C2D) en 2003, marque l'élargissement du champ d'intervention du ministère des affaires étrangères.

Les crédits dont la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) a la gestion directe passent de 1 643 millions d'euros en 2002 à 2 031 millions d'euros en 2003, soit une augmentation de 23,6 % . On peut donc se réjouir de l'évolution très favorable de ce budget.

Les aspects positifs du projet de budget pour 2003 sont nombreux :

- Le projet de budget assure globalement le maintien et le développement des moyens de nos services diplomatiques à l'étranger. Pour améliorer l'efficacité de ce dispositif, le ministère a lancé un programme de modernisation des méthodes de gestion et met en place des moyens nouveaux en crédits et en emplois dans le projet de loi de finances pour 2003 (mesures nouvelles de 5,3 millions d'euros et 15 emplois de gendarmes) qui permettront notamment de renforcer la sécurité de nos représentations diplomatiques à l'étranger.

- Le budget permet de consolider la présence de la France dans de nombreuses organisations internationales où elle doit faire entendre sa voix. Vingt-et-une représentations permanentes assurent la défense des intérêts de la France au sein des organisations internationales. Les contributions de la France s'élèvent à 679 millions d'euros, en progression de 11 %. Quant aux crédits destinés à l'organisation des conférences, ils se montent à 26 millions d'euros dans la perspective de la tenue du sommet du G 8 à Evian et du sommet France-Afrique en 2003.

- Le budget pour 2003 marque la volonté de relancer l'aide publique au développement. En effet, le niveau de l'aide publique au développement (APD) française a connu à partir de 1994 et jusqu'en 2000 une baisse continue. Le Président de la République et le gouvernement actuel ont réaffirmé l'engagement de la France d'augmenter son aide publique au développement de 50 % en cinq ans pour parvenir à un objectif de 0,7 % du PIB en dix ans.

En 2003, la participation de la France au Fonds européen de développement (FED) contribuera de façon significative à la relance de l'APD internationale, avec une contribution de 496 millions d'euros. Notre contribution au FED est consolidée et connaît une augmentation sensible de  277 millions d'euros. S'agissant des concours financiers, on peut relever qu'une rubrique nouvelle est créée pour le financement des contrats de désendettement développement et est dotée de 91 millions d'euros. La priorité est en outre donnée à l'assistance technique dont la décrue a été arrêtée en 2002 et qui devrait même connaître un nouvel essor grâce à la mise en place du groupement d'intérêt public France Coopération Internationale.

Dans le domaine de l'aide bilatérale, un des objectifs poursuivis est d'améliorer la visibilité et l'efficacité des actions. L'aide bilatérale doit redevenir le vecteur privilégié de la solidarité de la France en faveur des pays les plus pauvres, notamment l'aide-projet conduite avec l'appui de près de 2000 assistants techniques français. Les aides-projets du Fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence française de développement enregistrent ainsi une hausse significative avec 190 millions d'euros d'autorisations de programme pour chaque instrument. Les concours financiers qui permettent d'allouer des aides budgétaires d'urgence, des dons ou des bonifications de prêts aux pays en développement sont en augmentation de 53 % par rapport à la loi de finances pour 2002. Enfin, il faut souligner qu'en application de la convention de Londres, la France s'est engagée à fournir et transporter une aide alimentaire fixée à 200 000 tonnes équivalent céréales. A cette fin, la dotation inscrite au budget du ministère des affaires étrangères est portée pour 2003 à 16,8 millions d'euros.

- Le budget pour 2003 contribue également à assurer le rayonnement culturel de la France.

Notre action en la matière repose sur les services de coopération et d'action culturelle, les 151 instituts et centres culturels, les 27 instituts de recherche et le réseau des Alliances françaises. On peut souligner que le réseau des centres et des instituts culturels va être harmonisé dans ses structures et ses modes de gestion en 2003.

La dotation de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) passe de 313,4 à 335 millions d'euros. Les mesures nouvelles permettront notamment de poursuivre la réforme du statut des agents des établissements, de valoriser les bourses attribuées par l'Agence ou de poursuivre la réouverture d'établissements d'enseignement à Kaboul ou à Alger. En 2003, la France participera largement au financement de nombreuses actions multilatérales décidées dans le cadre de la Francophonie, en contribuant à hauteur de 37 millions d'euros au Fonds multilatéral unique. Rappelons que les crédits de la Francophonie multilatérale sont destinés à l'Agence internationale de la francophonie, à l'Agence universitaire de la francophonie, à l'Association internationale des maires francophones et à l'Université Senghor d'Alexandrie. La France rendra publics ses engagements pour le biennum lors du sommet de Beyrouth.

- La politique d'attribution des bourses en faveur des étudiants étrangers sera largement poursuivie.

Il faut noter qu'avec 24 360 en 2001, le nombre total de boursiers étrangers ayant obtenu une bourse pour mener des études en France a crû assez sensiblement depuis dix ans (+ 10,4 %). Dans le projet de budget pour 2003, les crédits inscrits pour les bourses restent comme en loi de finances pour 2002 fixées à 114,3 millions d'euros.

Au-delà des chiffres, il est intéressant de noter l'évolution de la répartition géographique des effectifs depuis dix ans. Les étudiants originaires d'Afrique du nord demeurent, malgré une légère baisse, les premiers bénéficiaires des bourses. Les boursiers originaires de l'Europe de l'Est progressent régulièrement. Le nombre des étudiants venus d'Asie du sud et du sud est ont connu une progression assez importante entre 1990 et 2000. Le nombre des boursiers venus d'Amérique centrale et du sud a, quant à lui, connu une légère baisse en 2001.

Quelques améliorations de notre système d'attributions des bourses pourraient être encore réalisées. Il faudrait notamment être davantage présent sur les campus des universités étrangères pour faire connaître l'existence des bourses françaises, comme le font déjà avec succès la plupart des pays anglo-saxons.

- Des efforts particuliers seront accomplis en 2003 en faveur de la scolarisation des enfants français et de la sécurité des Français à l'étranger. Le réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger accueille plus de 158 000 élèves scolarisés, dont 68 000 élèves de nationalité française. Avec une dotation de 338 millions d'euros, ses crédits augmentent de 7,7 % par rapport à 2002.

Il faut souligner que le budget pour 2003 prévoit des moyens nouveaux pour la sécurité des communautés françaises à l'étranger. Les crédits consacrés à ces actions de prévention dépasseront 1 million d'euros, en augmentation de 32 % par rapport à 2002. Enfin, le budget renforce les moyens pour l'assistance aux Français en difficulté. La solidarité à l'égard des Français de l'étranger se traduit par un effort accru en faveur des plus démunis et la réinsertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté grâce à la formation professionnelle, par le biais du Fonds d'action sociale dont la dotation augmente de 3 % en projet de loi de finances pour 2003. Au total, les crédits d'assistance aux Français de l'étranger inscrits sur le chapitre 46-94 s'élèvent, en projet de loi de finances pour 2003, à 24 millions d'euros, enregistrant une progression de 4,3 %.

En définitive, ce budget doit être salué pour son caractère équilibré et pragmatique. Le contexte international actuel incite à la modernisation de notre action internationale car se font ressentir plus vivement aujourd'hui à la fois le besoin de sécurité dans un environnement international devenu plus dangereux et incertain et le devoir de solidarité à l'égard des pays plus pauvres.

Il existe cependant un sujet de préoccupation qui concerne l'avenir de Radio France Internationale (RFI). RFI, qui jouit d'une pleine indépendance par rapport à l'Etat, est financée à hauteur de 60 % par une subvention spécifique accordée par le ministère de la culture et à hauteur de 40 % par une contribution du ministère des affaires étrangères. Au cours des dernières années, la part du ministère de la culture a eu tendance à augmenter, alors que, depuis 1997, les crédits accordés par le ministère des affaires étrangères ont stagné. Les crédits dont dispose RFI restent insuffisants au regard de la mission extrêmement importante qui lui est confiée. D'après les responsables de la société, la hausse très modérée des crédits inscrits ne permettra pas à RFI d'absorber correctement l'année prochaine le coût induit par la mise en place des trente-cinq heures.

Il faut rappeler qu'aujourd'hui RFI emploie 750 équivalent temps plein dont 370 journalistes, une centaine de cadres, le reste des effectifs étant constitué par des agents technico-administratifs. Une dizaine de correspondants salariés sont employés par RFI dans le monde, auxquels il faut ajouter les quelque 300 pigistes correspondants collaborant de façon épisodique avec la radio au gré de l'actualité dans les grandes villes.

RFI a malheureusement été contrainte d'effectuer des redéploiements internes au cours des dernières années. Mais la logique de ces redéploiements n'étant pas extensible indéfiniment, il serait bon qu'elle bénéficie à l'avenir de crédits réévalués afin de lui permettre de mener à bien l'ensemble de ces missions.

Cette radio, qui est très écoutée dans de nombreux pays, constitue indéniablement un atout pour le développement de la francophonie et de l'usage du français sur l'ensemble de la planète. Au total, on peut estimer à 45 millions le nombre d'auditeurs de RFI dans le monde. Les programmes de RFI permettent de maintenir une forte présence française dans le monde. Il est certain que si la diffusion des émissions de RFI venait à diminuer ou à perdre en qualité, faute de moyens financiers suffisants, c'est la présence globale de la langue française qui en serait globalement et durablement affectée.

La rapporteure pour avis a ensuite évoqué la question de la francophonie et des actions de coopération comme levier de la politique d'influence de la France sur la scène internationale, en indiquant tout d'abord que la bataille pour le français et la francophonie s'inscrit dans le contexte plus vaste du combat en faveur de la diversité culturelle. Or la diversité linguistique est une des composantes essentielles de la diversité culturelle.

Le statut du français a incontestablement changé : le français a longtemps été l'autre langue universelle, avec l'anglais. Aujourd'hui l'enjeu est que la langue française s'affirme pleinement comme une langue d'influence mondiale. Le risque est qu'elle ne parvienne qu'à être une langue d'influence régionale. Il ne s'agit pas de lutter contre la position dominante de l'anglais mais de contrer les tendances à l'hégémonie, en valorisant pleinement les différents atouts du français. Il y a là un enjeu géostratégique majeur : c'est parce qu'une vingtaine de pays africains sont francophones et que leurs représentants s'expriment en français dans les enceintes internationales et notamment aux Nations unies en français que notre langue en est restée une des langues officielles. Le maintien de la francophonie dans ces pays constitue donc un gage essentiel pour la place de la France dans le monde et les institutions internationales.

L'avenir du français se joue en Europe tout d'abord. Si le français ne parvient pas à s'imposer dans l'espace européen, c'est l'objectif de sa préservation et de son maintien dans le monde qui est hypothéqué. Il faut tout faire pour que la deuxième langue étrangère apprise dans les pays de l'Union européenne par les jeunes écoliers soit le français.

Un des atouts majeurs de la langue française est qu'elle est parlée sur les cinq continents. De très nombreux locuteurs de tous pays se sont appropriés notre langue. Les locuteurs hispanisants, très nombreux dans le monde, ne sont cependant pas présents sur les cinq continents. Seuls l'anglais, et, en deuxième position le français, possèdent cet atout majeur. Pour développer réellement la francophonie, il ne faut pas plaider pour un usage exclusif de la langue française, mais chercher plutôt à en faire une langue ayant une fonction médiatrice entre la langue maternelle et l'anglais.

En conclusion, la rapporteure pour avis a souligné que la conception française de l'aide au développement était intimement liée à la défense de la langue française. La présence du français est effectivement accrue par une politique de coopération renforcée, notamment en Afrique mais aussi dans d'autres pays qui sont aujourd'hui demandeurs d'une plus grande présence de la langue française.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est réjoui des données exposées par la rapporteure pour avis qui montrent que la France reste attractive pour les étudiants étrangers, alors que la situation des filières médicales ne reflète pas ce phénomène. Or l'image de la France dépend du rayonnement de la langue française et de notre capacité à mobiliser tous les efforts pour contribuer encore plus activement l'aide au développement durable dans le monde.

M. Pierre Hellier s'est interrogé sur le rôle et les crédits destinés aux Alliances françaises et notamment sur leur impact réel en matière de pratique de la langue française dans les pays dans lesquelles ces alliances sont implantées.

Mme Béatrice Vernaudon a indiqué que la question de la francophonie se posait avec une acuité particulière dans le bassin océanien. En effet, sur les vingt-sept territoires qui le composent seuls trois sont français. On peut aussi mentionner le Vanuatu qui étant un bassin francophone jouit d'une situation particulière. On peut également se réjouir de la mise en place d'un organisme de coopération de la communauté du Pacifique, regroupant la Micronésie, la Polynésie et la Mélanésie. Les participations financières françaises ne sont d'ailleurs pas négligeables. Il paraît indispensable que le rayonnement de la France, dont l'image a été notablement ternie par les essais nucléaires effectués dans un passé proche, puisse être restauré dans cette région du monde.

En réponse, la rapporteure pour avis a indiqué que les crédits pour les établissements culturels, de coopération et de recherche s'élèvent à 51,4 millions d'euros pour 2003, tandis que les moyens affectés aux Alliances françaises pour la rémunération du personnel mis à disposition se montent à 28 millions d'euros.

On compte 1 135 Alliances françaises, dont 204 bénéficient d'une aide du ministère des affaires étrangères, présentes dans 138 pays. Elles ont pour rôle de contribuer à fédérer les Français à l'étranger mais elles dispensent également des cours d'enseignement du français à destination d'élèves et d'étudiants étrangers. Elles ne s'adressent donc pas seulement à la communauté des Français de l'étranger.

L'objectif est que les certifications de connaissances du français - que sont le diplôme élémentaire de langue française (DELF) et le diplôme approfondi de langue française (DALF) -soient à terme encore davantage reconnues sur le marché du travail de nombreux pays. Il serait par ailleurs intéressant de savoir ce que deviennent les personnes ayant obtenu le DALF ou le DELF ou ayant bénéficié d'une bourse pour mener des études supérieures en France car le but de cette politique est évidemment de développer les réseaux de personnes ayant appris et pratiquant la langue française et détenant dans leurs pays des responsabilités politiques, économiques ou sociales.

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales pour 2003.

*

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Christian Paul, les crédits de la formation professionnelle pour 2003.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis, a fait part de son regret de n'avoir pu disposer de plus de temps pour procéder à l'ensemble des auditions, la formation intéressant au premier chef les partenaires sociaux. Les réponses du ministère au questionnaire budgétaire ne sont pas parvenues dans les délais : ainsi, au 9 octobre, date limite fixée par la loi organique du 1er août 2001, plus de 20 réponses faisaient encore défaut ; à ce jour, toutes n'ont pas encore été fournies.

Le rapporteur pour avis a estimé que l'évolution du budget de la formation professionnelle ne peut être appréciée qu'à l'aune des défis qui se posent, en particulier celui du niveau de chômage. De fait, il n'est pas à la mesure des ambitions pour l'emploi.

Alors que les perspectives pour l'emploi sont sombres, certains secteurs font face à une pénurie de main d'œuvre faute de salariés qualifiés. L'artisanat estime qu'il pourrait recruter un million de salariés compte tenu des besoins si un nombre suffisant de salariés formés était présent sur le marché. Il y a donc un problème de profonde inadéquation entre l'offre et les besoins de formation, la formation professionnelle constituant de ce fait un élément de réponse fondamental au chômage.

Instrument privilégié du retour à l'emploi, la formation ne peut être déconnectée de la politique de l'emploi et force est de constater que les mesures adoptées ces derniers mois en la matière ne vont pas dans le bon sens, y compris sur le plan de la formation professionnelle.

Travailler plus signifie moins de temps libre pour la formation, en particulier moins de coinvestissement ; celui-ci était au cœur de la négociation entre partenaires sociaux, la remise en cause des 35 heures tue l'idée selon laquelle le salarié pourrait se former en partie en dehors de son temps de travail pour les formations autres que celles d'adaptation à l'emploi.

La monétarisation du compte épargne-temps signifie que ce compte débouchera sur une rémunération différée et non sur la capitalisation d'un temps conçu à l'origine comme un temps disponible pour la formation. Cela semble contraire au projet d'assurance formation annoncé par le Président de la République.

La seule piste offerte aux jeunes par le gouvernement est celle du contrat sans charges. Or, ce contrat ne comprend aucun accompagnement en termes de formation alors même qu'il s'adresse à des jeunes sans qualification. Bien plus, il en détournera un certain nombre des dispositifs de formation en alternance et ce de façon définitive. Il est peu probable que ces jeunes abandonnent un contrat à durée indéterminée au SMIC pour un contrat d'alternance à durée déterminée payé parfois 25 % du SMIC.

Pour ce qui concerne les contrats emploi-solidarité (CES) et les contrats emploi-consolidé (CEC), 295 000 CES auront été conclus en 2001 ; 80 000 sont prévus dans le budget pour 2003, les 20 000 CES annoncés par le ministre au mois d'octobre dernier n'apparaissent pas. Il s'agit là de plus de 600 millions d'euros. L'ampleur des sommes s'accorde mal avec l'incertitude du discours. Il en va de même du taux de prise en charge des CES par l'Etat, réduit dans un premier temps, réduction sur laquelle il semble que le ministre soit revenu.

Ce démantèlement de trois instruments essentiels à l'emploi, puisqu'ils concernent 900 000 emplois, laisse craindre une aggravation forte du chômage.

Le budget consacré à la formation professionnelle devrait compenser pour partie cette dégradation prévisible et contribuer à faire reculer le chômage. En effet, le Premier ministre avait bien annoncé, dans sa déclaration de politique générale, que « la formation professionnelle détermine l'emploi de demain ». Au vu du budget, il est à craindre que l'emploi ne soit pas plus la priorité de demain pour le gouvernement qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Deux constats peuvent être établis :

- dans un budget du ministère du travail sinistré, avec plus de 5,7 % de baisse, la formation professionnelle n'est pas la plus mal lotie. Ce que l'on appelle l'agrégat 2 (formation professionnelle) reste stable à 3,93 milliards d'euros avec une hausse de 3 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale de l'an dernier ;

- cette « hausse » de 3 millions d'euros reste à relativiser puisqu'elle est inférieure à 0,1 % des crédits et qu'elle ne compense même pas la hausse des prix ; par ailleurs, elle découle essentiellement de la hausse des dotations décentralisées qui augmentent de 6,3 % tandis que les moyens d'intervention de l'Etat diminuent de 1,7 %. A l'instar des crédits de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), le niveau des dotations budgétaires est au mieux en stagnation.

Quelques mesures doivent être saluées :

- la hausse de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle par exemple ;

- celle des crédits de l'allocation fin de formation (AFF) mise en place par le précédent gouvernement pour accompagner la réforme de l'assurance chômage. La mesure nouvelle de 35 millions d'euros ne semble malheureusement pas de nature à répondre aux besoins. L'allocation formation-reclassement (AFR) à laquelle elle s'est pour partie substituée s'élevait à plusieurs centaines de millions d'euros. Or l'AFF est particulièrement nécessaire pour les demandeurs d'emploi engagés dans une formation longue. Les moyens ne permettront que difficilement de prendre en charge des formations telles que celles préparant aux professions paramédicales alors qu'il y a pénurie de main-d'œuvre dans le secteur ;

- la hausse des crédits destinés à la validation des acquis mise en place par la loi de modernisation sociale les fait passer de 3,6 à 18 millions d'euros. Les sommes ne sont pas à la hauteur des enjeux : il s'agit de financer l'orientation des candidats à la validation, leur information. Ces moyens ne règlent pas la question du financement de l'accompagnement des candidats, des frais de validation, les frais de fonctionnement des jurys. Les crédits serviront à informer sur le droit à la validation, le problème est que les moyens de répondre aux attentes ainsi créées ne sont pas prévus.

Ces mesures nouvelles qui vont dans le bon sens apparaissent inadaptées à la réalité des besoins et sont sans commune mesure avec certaines des économies réalisées, par exemple, la baisse d'un milliard d'euros pour l'action de l'État en faveur des publics les plus en difficulté.

Un décalage subsiste par ailleurs entre certaines intentions affichées et leur traduction budgétaire.

L'attachement manifesté dans ce budget aux dispositifs de formation en alternance est louable : il est prévu de créer près de 40 000 contrats supplémentaires en 2003 soit une hausse de plus de 10 % des objectifs pour ce qui concerne les contrats de qualification et les contrats d'apprentissage. Malheureusement, les moyens consacrés à l'alternance diminuent de 100 millions d'euros. On veut ainsi faire conclure 20 % de contrats de qualification adultes supplémentaires avec un tiers de crédits en moins. Les partenaires sociaux eux-mêmes s'interrogent sur cette contradiction relative aux contrats en alternance. Les intentions du gouvernement dans ce domaine n'apparaissent pas clairement puisque les moyens nécessaires à la réalisation de l'objectif recherché font défaut.

D'ailleurs, une clarification s'impose également sur d'autres postes budgétaires. On constate que les diminutions de crédits sont le plus souvent motivées par une faible exécution de la dépense en 2002. Il en va ainsi des investissements qui baissent de 27 % ou encore une fois de l'apprentissage. Le budget 2003 apparaît sous-calibré et financé pour partie par les reports de 2002.

Or, il servira de base à d'éventuels transferts de ressources venant compenser la nouvelle étape annoncée de la décentralisation. Il augure donc mal de la mise en œuvre de cette réforme au cœur de la partie thématique du présent avis.

Il convient de réfléchir dès à présent sur cette nouvelle étape de décentralisation de la formation professionnelle et sur son articulation avec la négociation entre partenaires sociaux sur la formation professionnelle.

La formation professionnelle figure au cœur des compétences susceptibles d'être transférées aux régions, selon les annonces faites par le Président de la République, le Premier ministre et le ministre du travail. Ces annonces ont d'ores et déjà créé des attentes dans les régions et plusieurs présidents de conseils régionaux se sont exprimés sur cette question, à gauche comme à droite. Il convient d'aborder la question sans a priori mais sans évacuer les interrogations essentielles.

Cette nouvelle étape de la décentralisation n'est pas sans poser un problème quant à la méthode et au calendrier retenus.

Il existe un risque de confusion voire de contradiction entre les échéances. Le calendrier actuel reste assez flou. Il y aura une révision constitutionnelle dans la deuxième quinzaine de novembre portant sur la décentralisation et par la suite, à une date encore incertaine, une loi organique sur le transfert de compétences et de ressources.

A également été annoncé, et déjà reporté, un projet de loi sur l'assurance formation. Dans ces conditions, il y a lieu de s'interroger sur la façon dont ces réformes s'articuleront, sachant en outre que les partenaires sociaux n'ont que suspendu la négociation interprofessionnelle sur la formation, que celle-ci n'a que peu de chances de redémarrer avant les élections prud'homales de décembre et n'aboutira au mieux qu'à l'été prochain.

Une excessive précipitation risque de rendre impossible un dialogue social difficile. Ainsi, aucun des partenaires sociaux entendus ne semble prêt à une reprise rapide des négociations. Dès lors, la question se pose de savoir sur quelle base sera opéré le transfert de compétences, sachant que l'architecture de la formation pourrait être profondément modifiée. En outre, les partenaires sociaux ne sont pas consultés sur les projets de décentralisation.

L'incertitude persiste sur la levée du préalable du transfert des financements :

- Il est unanimement admis que les transferts de compétences doivent être accompagnés du transfert des ressources correspondantes.

- De ce point de vue, la question des transferts précédemment opérés n'a pas encore été apurée. Il y a lieu de se demander s'il est raisonnable de transférer de nouvelles compétences sans régler les contentieux existants sur l'insuffisante compensation de celles déjà transférées.

- La question des garanties de compensation des transferts à venir se pose de façon aiguë. En effet, sans préjuger des intentions du gouvernement en la matière, il convient de rester vigilant de façon que les régions ne voient pas leurs finances mises à mal par une compensation financière insuffisante.

De ce point de vue, l'exemple du transfert en vertu de la loi démocratie de proximité des primes d'apprentissage aux régions mis en place dans le présent budget constitue un sujet d'inquiétude. De fait, 46 millions d'euros seront à cet effet transférés aux régions en 2003. Or, la ligne correspondant à la prise en charge antérieure par l'Etat diminue de 69 millions d'euros. Le transfert des compétences s'accompagne donc d'un transfert de deux tiers des ressources. Par ailleurs, ce budget étant en baisse pour ce qui concerne les crédits d'intervention de l'Etat, il y a lieu de s'interroger sur la base qui sera retenue pour le transfert des ressources.

S'agissant des compétences devant être transférées aux régions, le rapport fait le point sur les étapes antérieures de la décentralisation de la formation professionnelle. Aujourd'hui, l'essentiel de la compétence est régionale même s'il semble abusif de parler de « compétence résiduelle de l'Etat » comme le fait le bleu budgétaire, s'agissant notamment de l'aide à l'insertion des publics les plus en difficulté.

Il est évidemment nécessaire de rapprocher l'offre de formation de la demande locale et des besoins du marché de l'emploi. Ce rôle revient notamment aux comités régionaux de l'emploi et de la formation (COREF) dont la composition et le fonctionnement ont été rénovés par la loi de modernisation sociale. Il est également possible de réfléchir à une décentralisation de la gestion des fonds communautaires, notamment ceux du fonds social européen.

Cependant, les propositions faites par certains présidents de régions sont de nature à susciter l'inquiétude. D'aucun revendiquent jusqu'à un transfert de la compétence normative. Il y a lieu de se demander si les régions créeront de nouveaux dispositifs de formation ou des titres, diplômes ou certifications régionales. On peut craindre l'atomisation d'une offre de formation déjà peu lisible.

Le danger de déconnexion de la formation professionnelle de la politique de l'emploi existe. La décentralisation de la première risque de s'accompagner de celle de la seconde. Les mécanismes garantissant leur bonne articulation devront être précisés.

Le transfert total de compétences risque de conduire les régions à privilégier les formations les plus immédiatement productives au détriment par exemple de celles en faveur des publics en difficulté. Cette dimension de solidarité mériterait d'être exercée au niveau national.

La question reste posée du maintien de l'égalité républicaine dans une république où la compétence de chaque région serait totale et exclusive. Le risque est celui d'une formation professionnelle à plusieurs vitesses, selon la richesse de la région. Or la formation a notamment pour objet d'offrir une seconde chance à certains publics.

Le président Jean-Michel Dubernard a fait part de son intention d'adresser aux ministres concernés une lettre relative aux délais de réponses aux questionnaires budgétaires. Toutefois, les contraintes de calendrier obligent la commission à examiner les avis budgétaires dans des délais très brefs et ne permettent guère de souplesse sur leur ordre d'examen.

Il a par ailleurs regretté que le rapporteur n'ait pas fait mention de la notion d'expérimentation de nature à déceler les éventuelles défaillances du processus de décentralisation.

Mme Béatrice Vernaudon a rappelé qu'en Polynésie, la formation professionnelle constitue une compétence du territoire et qu'elle relève, de ce fait, d'un droit autonome.

M. Pierre Morange a estimé que les éventuelles faiblesses du budget évoquées par le rapporteur résultaient principalement des choix opérés par la précédente majorité. Si le rapporteur pour avis a souligné que certains transferts, de l'ordre de quelques millions d'euros, étaient insuffisants, il n'est pas inutile de rappeler que le gouvernement précédent a sous-financé le dispositif de la prestation personnalisée d'autonomie (APA), grevant ainsi les finances des conseils généraux de plusieurs milliards.

M. Maurice Giro a rappelé que la formation professionnelle ne se fait pas hors du temps de travail. Par ailleurs, il faut remettre de l'ordre dans la gestion souvent opaque de trop nombreux organismes de formation. Des économies peuvent être réalisées, par le biais d'une amélioration des prestations.

M. Jean-Jacques Gaultier a fait part de l'existence de graves carences dans le domaine de la formation des personnels paramédicaux.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les observations suivantes :

- Les outils d'évaluation sont insuffisants : si les régions devront faire et réalisent déjà parfois des évaluations de proximité, il faut prévoir une centralisation des informations. La création d'un observatoire national serait donc souhaitable.

- L'APA relève d'une compétence propre des départements, même s'ils sont aidés par l'Etat. Il ne s'agit pas d'un transfert. De plus, il faut rappeler que les conseils généraux ont demandé à assurer le service de cette allocation.

Contrairement aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la formation professionnelle 2003.

_________


© Assemblée nationale