COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 13

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 6 novembre 2002
(Séance de  16 heures 15)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

pages

- Loi de finances pour 2003 :

_ Avis personnes handicapées (M. Jean-François Chossy, rapporteur pour avis)

2

_ Avis culture (M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis)

10

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-François Chossy, les crédits des personnes handicapées pour 2003.

M. Jean-François Chossy, rapporteur pour avis, a fait part de la satisfaction qu'il éprouvait à présenter un budget porteur d'avancées réelles dans le domaine du handicap.

En effet, le projet de loi de finances pour 2003 consacre 7,1 milliards d'euros aux mesures à destination des personnes handicapées, soit une progression de 5,6 % par rapport à l'année dernière.

Cette progression importante permet de financer, dans le cadre budgétaire, les allocations qui relèvent de l'Etat : garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH) et allocation aux adultes handicapés (AAH) ; 4,53 milliards d'euros seront consacrés au financement de cette dernière.

Ces crédits permettent également la poursuite des plans pluriannuels de création de places en établissements qui étaient prévus jusqu'en 2003, avec les financements provenant de l'assurance maladie.

Ils vont surtout permettre, grâce à des mesures nouvelles d'un montant total de 49 millions d'euros de réaliser un effort significatif envers les personnes handicapées dans deux secteurs dans lesquels les manques sont particulièrement criants : les places en établissement et les aides à domicile. Actuellement, 90 % des personnes handicapées vivent aujourd'hui chez elles, soit par choix, mais, encore trop souvent, faute d'une autre solution. De plus, cet effort portera plus particulièrement sur les personnes lourdement handicapées.

Plus précisément, il s'agit :

- de la création de 3 000 nouvelles places de centres d'aide par le travail, soit un doublement de l'effort de création de places par rapport au plan 2001/2003 du précédent gouvernement, afin d'offrir aux adultes lourdement handicapés la possibilité d'avoir une activité professionnelle ;

- du financement de 500 nouveaux postes d'auxiliaires d'intégration scolaire en 2003 qui seront mis en place à la rentrée afin de favoriser la scolarisation des enfants handicapés ;

- de la création de 400 postes d'auxiliaire de vie afin de favoriser le maintien à leur domicile des personnes adultes handicapées et de 309 postes pour des personnes très lourdement handicapées ;

- de la généralisation des sites pour la vie autonome avec la création des trente derniers sites en 2003 pour favoriser la mobilisation des aides pour la vie à domicile.

Le rapporteur pour avis a ensuite abordé la question de la prise en charge du handicap lourd.

En effet, sa prise en charge, qu'il s'agisse de polyhandicap, d'autisme, de traumatismes crâniens graves ou de handicaps moteurs sévères est un problème qui reste largement devant nous. De multiples facteurs conduisent à ce que notre société se trouve de plus en plus confrontée à ce problème et, paradoxalement, ce sont trop souvent ces personnes qui ont le plus de mal à trouver une solution adaptée, que ce soit la recherche d'une vie autonome à domicile ou bien des prises en charge séquentielles et des « répits » temporaires pour les familles ou encore l'accueil permanent dans des structures adéquates.

Leurs besoins en services à domicile étant toujours croissants on ne peut que se féliciter des mesures nouvelles du projet de loi finances en matière d'auxiliaires de vie supplémentaires parmi lesquelles 309 seront destinées aux handicaps les plus graves.

Néanmoins, il est urgent d'ouvrir aux personnes handicapées l'utilisation des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), normalement destinées à des personnes âgées. Le décret, promis d'année en année, n'a jamais été pris. Sa parution est annoncée et la création des 750 places de SSIAD dédiées aux personnes handicapées prévue par le plan triennal 2001 - 2003 est poursuivie sur les crédits d'assurance maladie.

En outre, malgré la volonté qui avait été affirmée par le gouvernement précédent de développer l'insertion en encourageant la vie à domicile, les modalités de prise en charge des aides à domicile n'ont cessé de se dégrader. En effet, l'écart croissant entre l'évolution du SMIC et le niveau de l'ACTP aboutit à ce que le nombre d'heures pris en charge au titre de l'aide à domicile soit d'environ trois heures par jour, ce qui est très insuffisant pour une personne lourdement handicapée.

La mesure expérimentale décidée pour 2003 qui va porter à 28 950 euros par poste d'auxiliaire de vie la prise en charge par l'Etat est donc fondamentale. Il est essentiel que l'on puisse poursuivre dans cette voie.

Le rapporteur pour avis a ensuite évoqué la réforme des compléments de l'allocation d'éducation spéciale (AES) intervenue en 2002.

Ces compléments étaient auparavant au nombre de trois et de niveaux très différents. L'objectif était de moduler l'aide apportée aux familles en créant des catégories intermédiaires entre le deuxième et le troisième complément pour arriver à un total de six compléments.

Cette modification a permis d'améliorer la prise en charge. Elle se révèle toutefois très complexe à appliquer. En outre, sa mise en œuvre a donné lieu à l'élaboration d'un questionnaire extrêmement précis de justification des dépenses qui est très mal ressenti par les familles. C'est particulièrement le cas pour les parents d'enfants polyhandicapés qui considèrent que le seul certificat médical faisant état du polyhandicap devrait suffire à apprécier la lourdeur de la prise en charge qu'il suppose à l'évidence.

En outre, il semble que certaines familles qui avaient droit au troisième complément ne se voient pas attribuer le sixième car elles ne remplissent pas certains des critères.

S'il est trop tôt pour apprécier en détail les effets de cette réforme, celle-ci devra cependant faire l'objet d'un suivi attentif pour que les correctifs nécessaires puissent être apportés.

Enfin, le manque de places en établissements pour les adultes lourdement handicapés demeure une question cruciale.

Des efforts financiers pour les personnes lourdement handicapées ont été décidés dans les années passées par l'augmentation du nombre de places en foyers de vie, en MAS et en FDT au travers des deux plans pluriannuels.

Mais au préalable, il serait impérieux de mettre fin, dans des délais rapides, aux graves lacunes du suivi de la mise en œuvre des créations de places. La Cour des comptes l'a vivement dénoncé cette année. D'ailleurs, les derniers chiffres disponibles portent sur 1998, c'est-à-dire avant la mise en oeuvre des plans dont l'impact reste imprécis.

En tout état de cause, il est clair qu'il subsiste des besoins insatisfaits comme le montre le fait que des familles sont contraintes de se tourner vers des établissements belges (plus précisément wallons), même lorsqu'elles ne sont pas frontalières, pour l'accueil de personnes, souvent lourdement handicapées.

Un déplacement sur place a permis de mieux comprendre les raisons de cette situation.

- Premièrement : 2 800 Français sont actuellement accueillis dans des établissements belges. Il s'agit principalement d'adultes affectés de handicaps mentaux lourds ou sévères.

- Deuxièmement : ces structures fonctionnent selon un statut bien particulier. Au fil des quarante dernières années se sont progressivement créés en Belgique francophone des établissements pour handicapés tournés vers l'accueil de Français dans un régime de grande liberté. N'étant pas financée par l'État belge et ne concernant à l'origine aucun ressortissant de ce pays, cette activité ne s'exerce pas - stricto sensu - dans le cadre du système médico-social belge et n'est donc pas soumise à la procédure d'agrément avec toutes les conséquences qui s'y attachent. Il en résulte une souplesse de fonctionnement et des coûts moindres qui sont - il ne faut pas se le cacher - une des raisons de la réussite de ces établissements.

Cet état de fait peut conduire à des situations très diverses, parfois bonnes, parfois très critiquables. Ainsi, si des situations désormais disparues en France demeurent (salles de vingt-cinq lits, appartements de jour occupés par dix-sept jeunes majeurs encadrés par deux personnes), d'autres structures prévoient un encadrement d'une personne par résident.

Depuis 1995, la Belgique a soumis ces structures à une autorisation de création qui est prévue par l'article 29 d'un décret du 6 avril 1995.

Cent vingt-neuf établissements entrent dans cette catégorie : parmi eux, trente-deux établissements hébergent exclusivement des Français, les autres sont dits « mixtes ou gigognes ». Les services mixtes ou gigognes reçoivent aussi des Belges : il s'agit soit de services accueillant des résidents belges sans prise en charge financière de la part de la Belgique puisqu'ils n'ont pas d'agrément; soit d'établissements fonctionnant avec deux statuts : un agrément classique qui leur permet l'accueil d'handicapés belges avec un financement de cet État et, pour une autre part de leur activité, une autorisation au titre de l'article 29 qui leur permet d'accueillir des étrangers. Au total, la part des résidents belges dans les structures - ou les parties de structures  - autorisées au titre de l'article 29 est tout à fait mineure : 800 Belges pour 2 800 Français. 

- Troisièmement : les financements sont français. La prise en charge est financée soit par les conseils généraux, soit, lorsqu'il s'agit d'enfants, par les caisses d'assurance maladie qui acquittent le prix de journée défini par conventionnement entre l'organisme payeur et l'établissement (sachant que celui-ci est en général inférieur au tarif français).

Il résulte de cette situation un double paradoxe :

- Pour la Belgique, d'abord, qui accueille sur son territoire des personnes handicapées auxquelles elle offre un service auquel ses ressortissants n'ont de fait pas accès car pour des raisons budgétaires, elle a bloqué depuis plusieurs années toute création de places nouvelles dans ses établissements médico-sociaux et connaît de ce fait des difficultés.

- Pour la France, ensuite, puisque le manque de place et les coûts de revient inférieurs dans les établissements wallons aboutissent à ce que des organismes payeurs français subventionnent des établissements qui ne sont pas soumis aux règles et aux normes qu'elle a définies pour les établissements situés sur son territoire, simplement parce qu'elle n'est pas en mesure de fournir elle-même ce service.

Il ne s'agissait pas d'évaluer des établissements, qui offrent effectivement une solution à des parents désemparés et constituent parfois grâce à leur souplesse de fonctionnement un facteur d'innovation important. Mais il faut souligner, en tout état de cause, que cette situation n'est pas satisfaisante.

En conclusion, le rapporteur pour avis a observé qu'apporter aux personnes handicapées les réponses évolutives qu'elles attendent allait nécessiter une remise à plat importante qui devra être opérée dans le cadre de la réforme de la loi de 1975.

Trois principes devront guider les multiples questions qui seront à traiter : la simplification, l'innovation et l'individualisation des réponses.

La simplification peut se concevoir à partir de l'expérience des sites pour la vie autonome, pour définir des « guichets uniques » à même de mettre fin aux véritables « parcours du combattant » auxquels les familles sont confrontées.

L'innovation doit être mise en œuvre, sans attendre, pour favoriser des solutions nouvelles et particulièrement pour arrêter les modalités concrètes de l'accueil temporaire dont le principe a été posé et qui répond à un besoin réel pour les familles. Un décret est en préparation et définira, à titre expérimental, ces modalités.

L'individualisation, enfin, est un impératif. S'il est protéiforme, le handicap demeure toujours particulier en tant qu'il constitue une expérience propre à la personne handicapée et à son entourage : tout doit être mis en œuvre pour faciliter son contact avec l'extérieur, cela en vue d'une possible intégration.

L'année à venir qui sera l'année européenne du handicap devrait offrir le cadre d'une telle réforme.

M. Pierre Forgues a souhaité tempérer l'enthousiasme du rapporteur pour avis pour revenir à la réalité du budget.

Il est certes incontestable que l'insertion des handicapés dans la société fait partie des priorités définies par le Président de la République et que l'année 2003 a été consacrée année européenne du handicap, mais on ne peut pas dire pour autant que le budget des handicapés pour 2003 marque une rupture forte avec la politique menée par le passé. Ainsi, les crédits sont en augmentation de 5,6 %, alors qu'ils étaient, à périmètre comparable, en hausse de 5,8 % dans la loi de finances pour 2002. Par ailleurs, il faut bien avoir conscience que le budget des handicapés possède une structure particulièrement contrainte puisque 82 % de ses crédits servent au financement de l'allocation pour les adultes handicapés (AAH), dont la croissance n'est pas maîtrisable. La marge de manœuvre budgétaire est donc limitée et les mesures nouvelles annoncées relativement réduites.

De plus, lorsque le gouvernement annonce l'ouverture de 3000 places supplémentaires dans les Centres d'aide par le travail (CAT), il convient de rappeler que le plan pluriannuel adopté pour les années 1999-2003 prévoyait la création de 8500 places au total, dont 1500 places en 2002 et en 2003. Il serait donc intéressant de savoir si les créations supplémentaires annoncées pour 2003, au delà des 1500 places prévues par le plan, correspondent réellement à des créations nouvelles ou s'il s'agit plus simplement de reporter sur 2003 celles prévues pour l'année précédente, compte tenu des gels de crédits et des reports intervenus en 2002.

Il ne s'agit pas de contester l'engagement philosophique du rapporteur pour avis sur la question du handicap, qui peut tout à fait être partagé, mais bien de savoir comment celui-ci sera traduit dans la réalité et quels sont les moyens les plus appropriés pour y parvenir.

M. Pascal Terrasse a souhaité que le sujet des handicapés ne soit pas l'objet de polémiques, considérant que tous les parlementaires ont très certainement, en la matière, les mêmes objectifs, même si les moyens mis en œuvre par les gouvernements successifs peuvent différer.

Il a d'abord précisé que le champ du handicap recouvrait des réalités très hétérogènes et qu'il n'était pas possible de traiter de la même façon les handicaps acquis et innés, les enfants et les personnes âgées dépendantes. Or cette question de la définition du handicap n'a jamais été véritablement réglée.

Il a ensuite formulé les observations suivantes :

- Les décrets d'application de la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale du 2 janvier 2002 n'ont toujours pas été publiés, alors que l'attente est grande, notamment en ce qui concerne la mise en place des foyers d'accueil médicalisés ou encore de l'« aide au répit » pour les familles de personnes handicapées.

- L'annonce d'une loi d'orientation pour les personnes handicapées en 2003 paraît tout à fait opportune en cette année européenne du handicap. Ce texte devra notamment préciser la répartition des compétences et des responsabilités entre l'Etat, les collectivités territoriales et les institutions médicales et médico-sociales, car l'application locale de la politique du handicap manque trop souvent de chefs de file identifiés.

- La réforme des CDES et des COTOREP est toujours aussi urgente ; les délais d'examen des dossiers sont scandaleusement longs et seule une réforme des structures pourra y apporter une solution car il ne s'agit pas d'un simple manque de moyens.

- Un effort important doit être fait en ce qui concerne les autistes : les places d'accueil sont trop peu nombreuses et le plan d'action mis en place ces dernières années est clairement insuffisant.

- Enfin, la baisse de 20 % des crédits de subventions d'investissement inscrits sur le budget des handicapés est inquiétante pour les années à venir, car elle obère les possibilités d'investissement du ministère et donc sa capacité à accompagner, sur le terrain, la mise en œuvres des décisions prise au niveau national.

M. René Couanau a considéré qu'un pays comme la France ne pouvait se satisfaire de la situation qui est faite aujourd'hui aux handicapés tant en matière d'accueil et d'intégration que d'aide et d'assistance aux familles. Des progrès importants doivent donc être réalisés. Le budget des handicapés pour 2003 va dans le sens de cet effort et peut donc être considéré comme satisfaisant.

Les retards constatés dans la réalisation des décisions d'ouvertures de places sont tels, comme l'a d'ailleurs souligné la Cour des comptes, que l'on peut se demander s'il existe véritablement sur le terrain, de la part des services déconcentrés, une volonté d'agir et de les réaliser. Il faut aujourd'hui en moyenne trois ans pour qu'une décision prise au niveau administratif soit concrétisée, ce qui est inacceptable. Il faut dire que la procédure applicable est particulièrement absurde car, si les associations obtiennent assez facilement l'autorisation pour l'ouverture de places, elles sont par contre totalement livrées à elles même pour la réalisation des équipements et ne bénéficient d'aucun préfinancement qui leur permettrait de se lancer sans trop de risque dans les investissements. Des mesures pratiques doivent être prises pour faciliter ces opérations et définir la collectivité qui sera à même de fournir un soutien aux associations, qui ne savent pas toujours à qui s'adresser.

Il a ensuite signalé différents points sur lesquels une action serait particulièrement nécessaire :

- L'aide aux famille d'enfants polyhandicapés ne saurait se limiter à une place dans une structure d'accueil de jour, lorsque celle-ci existe. Il convient de leur apporter une aide complémentaire : il s'agit là d'un véritable devoir moral pour notre société.

- La politique de lutte contre l'autisme doit être redéfinie, cette maladie devant être mieux identifiée et traitée.

- Enfin, le cumul d'une AAH et d'un salaire à mi-temps doit être facilité car l'intégration des personnes handicapées à la vie quotidienne passe très certainement par la possibilité d'exercer un travail.

Mme Hélène Mignon a formulé les remarques suivantes :

- Il est essentiel de poursuivre les efforts qui ont été entrepris pour les autistes.

- Il existe effectivement un décalage important entre le moment où les décisions sont prises et leur mise en œuvre et l'expérience a montré qu'il était difficile d'instaurer un lien mécanique entre eux. Toutefois, on peut observer que, s'il subsiste des reliquats de crédits dans le budget de l'Etat, les dossiers quant à eux sont prêts à être lancés.

- Le respect que l'on doit à l'ensemble des handicapés suppose de leur donner la réponse la mieux appropriée. La question se pose pour les handicapés vieillissants. L'âge venant, alors que leur famille a souvent disparu, ils se retrouvent dans une situation particulièrement inconfortable. Ils occupent des places en maison d'accueil spécialisées, qu'attendent les plus jeunes, parce que leur transfert dans des maisons de retraite ordinaires serait une solution totalement inadaptée.

- La presse fait aujourd'hui état de dérives dans les centres d'aide par le travail. Au moment où l'on propose de créer 3 000 places dans ceux-ci, il n'est pas souhaitable de laisser se développer une telle polémique et des initiatives devraient être prises sur cette question, telle la création d'une mission d'information.

- Enfin, s'agissant du lien entre handicap et travail, il faut effectivement étendre la possibilité de cumuler l'AAH et les revenus d'une activité à temps partiel et s'interroger, par ailleurs, sur les conditions d'application des pénalités pour les entreprises ne remplissant pas leurs obligations en matière d'intégration des handicapés.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est félicité que les membres de la commission fassent abstraction de leurs divergences politiques pour débattre des crédits des personnes handicapées. De ce point de vue, la question de la création d'une mission d'information sur les centres d'aide par le travail donnerait un contenu concret au souhait que la commission ait un rôle d'aiguillon dans la politique d'aide à l'insertion des handicapés. Cette proposition sera donc étudiée par le bureau de la commission.

S'agissant de l'autisme, la recherche s'oriente maintenant vers des causes génétiques et la thérapie génique pourrait donc constituer une solution.

M. Jean Le Garrec a jugé la création d'une mission d'information non seulement utile mais nécessaire.

De façon plus globale, trois actions doivent absolument être menées : l'achèvement de la rénovation de l'action sociale et médico-sociale par la publication de ses décrets d'application, la refonte de la loi de 1975 sur le handicap et enfin la réforme des COTOREP.

Mme Martine Carrillon-Couvreur a souligné l'importance des conditions dans lesquelles l'annonce du handicap est faite. Elles doivent pouvoir constituer le point de départ d'une vie décente. Il est donc nécessaire de renforcer l'accueil des couples confrontés à cette situation, notamment dans les services de maternité et dans les hôpitaux. Des dispositions dans ce sens, s'inspirant notamment du texte d'une circulaire de 1982, devraient être inscrites dans la loi.

Elle a ensuite abordé la question des enfants handicapés à l'école. Des progrès ont été faits grâce aux initiatives prises, mais des difficultés demeurent et notamment celle de la participation aux frais de scolarisation dans les classes spécialisées des communes où résident les enfants et qui avoisinent la ville centre dans laquelle ces classes ont, pour des raisons logiques, été implantées. Ce refus de participation repose sur deux arguments : le premier est que les communes n'ont pas connaissance de la scolarisation de ces enfants et le second que les enfants pourraient être scolarisés dans leur commune de résidence. Il convient donc d'éclaircir cette question qui par ailleurs fait actuellement l'objet d'une enquête de la part des préfectures.

Mme Muriel Marlan-Militello a relevé que la hausse du budget s'inscrivant dans un exercice budgétaire contraint, la part relative des crédits consacrés au handicap s'en trouvait accrue d'autant. On doit, en outre, se féliciter de l'orientation clairement retenue en direction d'un soutien aux polyhandicapés qui se traduit par la création de structures et par des moyens supplémentaires pour les auxiliaires de vie.

Ce budget est séduisant d'abord parce qu'il est humble : il ne comporte pas d'effets d'annonce. D'ailleurs, la politique en faveur des personnes handicapées ne passe pas seulement par des questions budgétaires mais également par une évolution des mentalités dans le sens d'une perception banalisée du handicap, à l'instar de ce qui se passe, par exemple, au Canada ou dans les pays scandinaves.

Il est également séduisant par sa dimension concrète. La secrétaire d'Etat aux personnes handicapées a souligné la nécessité d'une telle approche concrète et individualisée du cas de chaque personne « en situation de handicap ». Mieux vaudrait d'ailleurs utiliser cette formule que celle de personne handicapée.

Par ailleurs, s'il faut effectivement élargir les possibilités de cumul de l'AAH avec une activité à temps partiel, il faudrait également opérer un ajustement du dispositif de la couverture maladie universelle afin que son bénéfice soit ouvert aux bénéficiaires de cette allocation.

Enfin, il faut insister pour que les sanctions existantes, en cas de non-respect des obligations légales, comme par exemple en matière d'accessibilité, soient dissuasives et fermement appliquées.

Mme Catherine Génisson a convenu de la difficulté concrète qu'il y a à créer dans des délais rapides des places supplémentaires dans les établissements et a souligné que ces difficultés sont encore plus grandes quand il s'agit de structures innovantes.

Par ailleurs, on insiste souvent sur le handicap congénital. Il ne faut pas négliger le handicap acquis, par exemple celui dont souffrent les traumatisés crâniens qui rencontrent des difficultés dans la recherche de structures d'accueil.

Enfin, s'agissant des sanctions encourues pour non-respect des quotas d'emploi de personnes handicapées, ne faut-il pas les abandonner pour privilégier une logique d'obligation ?

M. Dominique Tian s'est interrogé sur l'application effective de l'obligation d'emploi de handicapés à l'Etat et aux collectivités locales et sur le respect de celle-ci. En ce qui concerne la création de structures, il conviendrait de réfléchir à la prise en compte d'éventuels projets émanant d'entreprises privées.

M. Jean-Paul Anciaux s'est enquis du sort de l'amendement déposé lors de l'examen du projet de loi relatif aux contrats jeunes en entreprise prévoyant la possibilité de cumuler le soutien de l'Etat afférent à ce contrat avec les autres aides à l'emploi des personnes handicapées, amendement dont le sort avait été renvoyé au présent débat sur le projet de loi de finances.

M. Maurice Giro a insisté sur la nécessité d'aider les ateliers protégés car ils apportent une véritable réponse aux personnes ayant un handicap léger. Ces ateliers peuvent notamment intervenir comme sous-traitants d'autres entreprises, ce qui permet de donner du travail à des personnes handicapées et évite de payer des pénalités financières pour le non-respect des quotas d'emploi.

M. René Couanau a observé qu'il ne serait pas souhaitable de créer une mission d'information sur les CAT en simple réaction à une coupure de presse mais qu'il conviendra de mener une réflexion sur le secteur du travail protégé, son fonctionnement et le bilan des créations de place qui ont été décidées.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

- L'essentiel des interventions s'est inscrit dans la perspective de la rénovation de la loi de 1975 et non pas strictement dans le cadre budgétaire, ce qui prouve l'urgence de cette réforme.

- Il est nécessaire de simplifier le dispositif des COTOREP et des CDES. Au-delà de la fusion des deux sections, il serait souhaitable de généraliser la mise en place de guichets uniques en suivant l'inspiration qui a guidé la création des sites pour la vie autonome expérimentés dans certains départements et qui vont être généralisés.

- Le problème soulevé quant aux différents entre les communes pour la prise en charge scolaire des enfants handicapés peut être résolu par l'application de la règle de la réciprocité entre établissements.

- L'aide aux ateliers protégés a été portée à 1 500 euros par poste, mais il faut aller au-delà en définissant un statut de « l'entreprise adaptée » qui en ferait une véritable voie de passage vers une vie professionnelle active.

- L'amendement prévoyant le cumul des exonérations entre le contrat pour l'emploi des jeunes et les aides aux personnes handicapées a été déclaré irrecevable. C'est une bonne idée qu'il faudra reprendre dans le cadre adéquat.

- Des dérives dans la gestion des CAT ne peuvent être tolérées. La question de la création d'une mission d'information de la commission sur ces structures devra être étudiée mais à la condition que ses contours soient clairement définis.

- La définition de la prise en charge de l'accueil temporaire, prévue par la loi rénovant l'action sociale et médico-sociale, nécessite des textes réglementaires d'application qui seront pris à la suite des conclusions de la mission constituée sur ce sujet, qui a été confiée à M. Olivin, président du groupe de réflexion et réseau pour l'accueil temporaire.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des personnes handicapées pour 2003.

*

La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de M. Michel Herbillon, les crédits de la culture pour 2003.

Le rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de budget du ministère de la culture pour l'année 2003 traduit la volonté du gouvernement de renforcer les moyens réels d'action du ministère. D'un montant de 2,49 milliards d'euros, il va permettre d'accroître sensiblement ses capacités d'engagement. Les dépenses ordinaires et les autorisations de programme augmenteront de 3,9 %, les dépenses ordinaires progressant à elles seules de 4,7 %.

Seul le montant des crédits de paiement diminuera. Ce choix se justifie pleinement au regard du montant des crédits de paiement non consommés qui se sont accumulés en quelques années. Entre 1997 et 2001, le taux de consommation des crédits de paiement s'est en effet effondré, passant de 86 % à 57 %, ce qui a généré une réserve de 450 millions d'euros totalement stérile. C'est pourquoi le ministre a choisi de ne pas demander en mesures nouvelles la totalité des crédits de paiement qui seront dépensés en 2003 mais d'utiliser en priorité les crédits disponibles à hauteur de 205 millions d'euros.

La réduction des crédits de paiement demandés explique à elle seule la baisse apparente du budget. Mais, compte tenu de la mobilisation des crédits d'investissement aujourd'hui inutilisés, le ministère de la culture connaîtra en 2003 une progression des moyens disponibles de près de 3,6 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement.

Le budget 2003 traduit la mise en œuvre d'une nouvelle stratégie budgétaire fondée sur la transparence et la recherche de l'efficacité. Le choix responsable opéré par le nouveau ministre de la culture mérite d'être salué car il tranche singulièrement avec l'action du précédent gouvernement qui, pour des raisons politiques, a sciemment inscrit dans les projets de loi de finances successifs des volumes abondants de crédit de paiement dont on savait à l'avance qu'ils ne pourraient pas être consommés. Cette pratique budgétaire a été dénoncée par la Cour des Comptes qui a regretté, dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2001, «  une programmation budgétaire principalement guidée par l'objectif d'arrimer le budget de la culture au seuil du 1 % sans que celui-ci corresponde aux capacités d'absorption du ministère ». Elle a permis de gonfler artificiellement le budget de la culture afin qu'il atteigne en 2002 le seuil de 1 % du budget de l'Etat. Non seulement la réalité du budget réalisé était très éloignée de cet affichage, mais cette façon de faire a aussi occulté la dégradation des marges d'actions artistiques et culturelles.

Cette réduction des marges de manœuvre budgétaires a été clairement analysée dans l'audit commandé par le nouveau ministre de la culture au cabinet KPMG. L'importance des charges fixes et la dynamique à la hausse des coûts de fonctionnement, due aux nombreux projets immobiliers lancés ces dernières années, mènent le ministère directement à une impasse. Par réalisme, le budget 2003 marque la volonté du gouvernement de rompre avec la politique d'affichage des années antérieures et de privilégier l'augmentation des crédits des titres III et IV, immédiatement utilisables.

Cette stratégie budgétaire plus réaliste et plus efficace, qui vise à redonner au ministère sa capacité d'action, se traduira aussi par la mise en place de nouvelles pratiques de gestion. La politique d'évaluation des actions du ministère et des aides consenties va devenir ainsi plus systématique. Par ailleurs, une stratégie immobilière plus réaliste, prenant en compte l'investissement mais aussi les coûts de gestion induits, a été arrêtée la semaine dernière par le ministre de la culture pour les projets d'établissements parisiens. Tous les projets engagés sont maintenus mais nombre d'entre eux ont été rationalisés. Le ministre de la culture a par ailleurs indiqué sa volonté de freiner la prolifération des projets dans Paris intra muros et de rééquilibrer l'action du ministère en faveur du reste du territoire.

La nouvelle stratégie budgétaire du ministère de la culture doit permettre la mise en œuvre dès 2003 des priorités culturelles du gouvernement. Ces priorités ont été définies en juin dernier par M. Jean-Jacques Aillagon : il s'agit d'augmenter les moyens des établissements publics qui seront dans le même temps davantage responsabilisés, de défendre la création et sa diffusion, de protéger et promouvoir le patrimoine et enfin d'élargir au plus grand nombre l'accès à la culture.

La première traduction de cette nouvelle politique culturelle est une hausse de 5 % des moyens des services. C'est la plus forte augmentation à périmètre constant depuis huit ans. Ces moyens nouveaux serviront d'abord à la politique de consolidation des emplois du ministère. Le budget 2003 permettra une réduction de l'emploi précaire en ouvrant aux concours et recrutements réservés 150 emplois de titulaires aujourd'hui vacants.

Les établissements publics culturels verront leur autonomie et leurs moyens renforcés en 2003. Le ministre a en effet décidé d'instaurer un nouveau rapport de tutelle avec eux, fondé sur davantage de confiance et de responsabilité, notamment pour la réunion des musées nationaux (RMN) et le Louvre. Pour accompagner cette plus grande autonomie, les moyens des établissements publics seront accrus de plus de 4 %. Cette augmentation profitera à presque tous les établissements existants et permettra la montée en puissance des grands projets comme le musée des arts premiers du Quai Branly. Un effort particulier sera consacré aux écoles d'architecture qui ont été trop longtemps négligées : leurs crédits de fonctionnement progresseront de 9,3 %.

Il faut noter par ailleurs avec satisfaction que les crédits d'entretien du patrimoine monumental vont croître l'an prochain de plus de 53 % grâce au redéploiement de 10 millions d'euros de crédits d'investissement vers les crédits d'entretien. Ce choix est de bonne politique car les interventions régulières d'entretien limitent les opérations de restauration lourde, toujours plus onéreuses.

La progression de près de 5 % des crédits d'intervention en 2003 servira d'abord aux créateurs ; 5,6 millions d'euros supplémentaires sont ainsi dégagés pour une meilleure garantie des droits d'auteur à travers le financement du droit de prêt en bibliothèques. De même, en 2003, année du vingtième anniversaire de la création des FRAC, un effort particulier sera mené pour la promotion des arts plastiques qui bénéficieront d'une hausse de 3,5 %.

Le spectacle vivant est aussi un des grands bénéficiaires du budget. Il verra ses moyens croître de 12,8 millions d'euros, qui seront destinés en particulier à la promotion des formes artistiques en développement (arts de la rue, cirque, danse contemporaine,...) et au soutien de nouveaux lieux de spectacle.

L'effort réalisé en faveur d'un accès plus large à la culture se traduira enfin par un soutien renforcé au développement des équipements de proximité, notamment les bibliothèques et les espaces multimédia, et par la poursuite des efforts en faveur de l'éducation aux pratiques artistiques. Les crédits destinés au développement de l'éducation artistique à l'école progresseront ainsi de près de 5 %. Enfin, les crédits d'acquisition seront en 2003 en hausse de 3,9 %, soit un rythme beaucoup plus soutenu qu'au cours de la législature précédente, où ils n'avaient augmenté que de 1,1 %.

En ce qui concerne les crédits d'investissement, le budget 2003 se caractérise, outre l'effort de transparence des comptes évoqué précédemment, par un maintien des capacités d'investissement grâce à la stabilisation des autorisations de programme et l'utilisation des crédits de paiement non consommés. La capacité d'intervention dans le domaine de la restauration des monuments historiques et dans la poursuite des grands projets sera ainsi garantie. Afin de traduire concrètement l'engagement du ministère en faveur de la décentralisation, le soutien aux investissements d'équipements culturels des collectivités locales sera particulièrement favorisé en 2003. Il portera notamment sur la construction et la modernisation des bâtiments des archives départementales et communales. Il se traduira aussi par le lancement d'un plan de soutien à la création de médiathèques de proximité en zones rurales et dans les quartiers périphériques des villes. Une quarantaine d'opérations de création ou de rénovation des musées de France seront par ailleurs subventionnées par l'Etat.

Le rapporteur pour avis a ensuite indiqué qu'il avait souhaité consacrer une partie importante de son rapport à la rénovation de la politique des patrimoines engagée par le gouvernement. Le patrimoine sera en effet l'un des grands chantiers ministériels en 2003, au travers notamment du projet de loi programme, souhaité par le Président de la République et le Premier Ministre, qui viendra accroître les crédits mobilisés et les inscrire dans une nouvelle logique pluriannuelle qui, en la matière, est de meilleure méthode. Par ailleurs, le projet de loi visant à développer le mécénat et à réformer le droit des fondations, qui sera présenté en 2003, devrait lui aussi autoriser une avancée significative pour la sauvegarde de notre patrimoine. Ces textes, qui seront bientôt déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale, illustrent la volonté du nouveau ministre de la culture et de la communication de conférer une nouvelle dynamique à la politique des patrimoines, dont la rénovation s'avère nécessaire.

Le patrimoine est au cœur d'enjeux essentiels sur le plan culturel, technologique, scientifique, technique et économique. Il représente aussi un enjeu considérable dans le domaine de la mémoire et de l'identité collective et constitue à ce titre un facteur important d'intégration. Pourtant, malgré l'importance de ces enjeux, force est de constater qu'il n'y a pas à ce jour de véritable politique des patrimoines fondée sur une approche globale. Cela tient d'abord au fait que la notion de patrimoine est trop souvent identifiée au seul patrimoine monumental et architectural, oubliant ainsi toutes les autres formes de patrimoine, qu'il soit archéologique, linguistique, scientifique, technologique, culinaire, photographique, cinématographique, audiovisuel,... Cela vient aussi d'un trop grand cloisonnement de l'action publique culturelle. Malgré les efforts réalisés par le ministère de la culture et de la communication, chaque direction mène encore sa propre politique sans réelle concertation alors même que les enjeux patrimoniaux sont souvent communs.

Une nouvelle approche moins cloisonnée s'impose. C'est là l'objectif de la réorganisation de l'action du ministère de la culture et de la communication autour de quatre grandes politiques, dont celle du patrimoine, que met en place actuellement M. Jean-Jacques Aillagon. Cela afin que les actions culturelles dépassent les frontières de chacune des directions et soient davantage lisibles et efficaces. Cette volonté s'inscrit d'ailleurs dans la logique de la réforme de la loi organique sur les lois de finances qui obligera, à compter du projet de budget 2006, à présenter les dépenses de l'Etat sous la forme de missions, de programmes et d'actions.

Outre cet effort de décloisonnement tout à fait nécessaire, la politique des patrimoines, plus que tout autre politique, nécessite aussi un enracinement dans les territoires. La politique de décentralisation souhaitée par le Premier ministre est donc une opportunité pour donner un nouvel élan à la politique des patrimoines. A ce titre, les conclusions des travaux de la commission présidée par M. Jean-Pierre Bady, qui doit proposer une nouvelle répartition des missions entre l'Etat et les collectivités locales en matière de patrimoine, sont très attendues.

Une politique des patrimoines ambitieuse passe enfin par une meilleure diffusion des connaissances à travers la numérisation des données. C'est une priorité d'action pour le ministère afin de rapprocher les citoyens de leur patrimoine. Outre une hausse de 40 % des crédits dédiés à la numérisation, le ministère entend faire porter en 2003 son effort sur la valorisation du patrimoine numérisé et sur sa diffusion auprès du grand public.

En conclusion, après avoir indiqué que le budget de la culture pour 2003 traduit la volonté de renouer avec une plus grande transparence budgétaire et de retrouver des capacités d'action, qui s'étaient au fil des années considérablement amenuisées, et après avoir salué le réalisme de la nouvelle politique culturelle initiée par le nouveau gouvernement, le rapporteur pour avis a proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture pour 2003.

Le président Jean-Michel Dubernard a indiqué que la politique du patrimoine envisagée par le gouvernement avait effectivement beaucoup de sens.

M. Patrick Bloche a salué le talent du rapporteur qui parvient à présenter sous un jour favorable un budget de la culture amputé de 5 % de ses crédits et ramené à 0,92 % du budget de l'Etat. Selon le rapporteur, cette diminution s'expliquerait par le recyclage des crédits non consommés qui traduirait une volonté de transparence de la part du gouvernement. En réalité, le retard constaté dans la consommation de ces crédits peut tout à fait se comprendre puisqu'il s'agit de crédits reportables destinés à des programmes pluriannuels ou à la mise en place d'établissements publics qui peuvent connaître des retards dans leur réalisation. Le plus inquiétant est que, privé de ces réserves de crédits, le ministère de la culture et de la communication voit sa marge de manœuvre budgétaire, déjà faible, réduite à néant. Que se passera-t-il lorsque seront opérées, début 2003, les régulations budgétaires que l'on voit déjà se profiler ? On doit enfin constater que la promesse du Président de la République de « sanctuariser » les crédits de ce ministère à 1 % du budget de l'Etat n'a pas été tenue.

M. Patrick Bloche a ensuite exprimé son inquiétude au sujet de plusieurs dossiers :

- la suppression de 150 emplois de titulaires au ministère de la culture et de la communication ;

- le gel des subventions attribuées au spectacle vivant et le risque de voir, à terme, ces subventions purement et simplement annulées ;

- la réduction d'un tiers des crédits alloués au plan d'enseignement artistique à l'école qui constituait une des priorités du précédent gouvernement ; cette amputation de crédits est d'autant plus dommageable que l'enseignement de l'art est le meilleur moyen de développer l'action culturelle ;

- le doublement des cotisations chômage pour les intermittents du spectacle et leurs employeurs, qui fragilise bon nombre d'entreprises du spectacle ;

- la suppression des emplois-jeunes destinés au ministère de la culture et de la communication.

De tout cela, il ressort que la culture n'est pas une priorité du gouvernement. De plus, la démarche gouvernementale manque de lisibilité. La multiplication des missions décidées par le ministre retarde d'autant l'action menée et conduit finalement à l'inaction. A titre d'illustration de cette absence de décision, on peut citer la faible réaction du gouvernement au rachat de la branche édition du groupe Vivendi Universal par le groupe de presse Lagardère, évènement qui constitue pourtant un enjeu d'importance en matière de diversité culturelle. Cette inquiétude quant au désengagement de l'Etat est renforcée par les tentations de l'Etat de profiter d'une nouvelle phase de décentralisation pour se décharger, sur les collectivités locales, de ses missions en matière de culture, en invoquant la fallacieuse nécessité d'un rééquilibrage entre Paris et la province.

Quant à l'action en faveur du patrimoine envisagée par le gouvernement, si celle-ci est en effet souhaitable, se pose néanmoins la question de son financement.

M. Emmanuel Hamelin s'est montré surpris par la vigueur des propos de M. Patrick Bloche et par sa lecture des crédits du budget pour 2003. En effet, depuis 1998, il existe une différence importante entre les crédits votés et les crédits consommés. En 2000, cette différence était de 389 millions d'euros et, en 2001, de 434 millions d'euros. On doit donc se réjouir que l'actuel gouvernement mette fin à cette pratique des budgets en trompe l'œil, qui ont permis d'atteindre le fameux 1 % ... sans jamais le réaliser !

Le statut des intermittents du spectacle connaît aujourd'hui des dysfonctionnements qui mettent son existence en péril. A ce titre, le doublement des cotisations est un mal nécessaire qui permettra de réduire fortement le déficit du régime. En outre, la négociation engagée par le ministère avec les intermittents devrait permettre d'aboutir à l'adoption d'un système cohérent qui pérennise les dispositifs actuels d'aide à la création.

Il serait par ailleurs souhaitable que, dans les années à venir, les collectivités locales soient plus étroitement associées à la politique culturelle de notre pays. La « délocalisation » du musée des arts et des traditions populaires à Marseille et la participation des collectivités locales à la célébration de l'année de la Chine en 2003-2004 constituent les premiers pas d'une démarche qu'il convient d'encourager. Dans le secteur du cinéma, ce renforcement de la décentralisation pourrait ainsi bénéficier aux fonds de soutien à l'écriture de scénarios et à des établissements comme l'Institut Lumière à Lyon.

M. Maurice Giro s'est félicité que le budget de la culture pour 2003 ait été élaboré avec une volonté de réalisme, de transparence et d'efficacité. Il a ensuite posé une question sur la pérennité du financement des « cafés-musique » et des scènes nationales et, plus généralement, sur l'avenir des structures soutenues aujourd'hui par l'Etat et les collectivités locales et participant à la diffusion culturelle en matière de théâtre, de danse ou de musique.

M. Marc Bernier, après avoir salué le travail du rapporteur pour avis qui a montré le caractère fallacieux des discours sur la prétendue baisse des crédits de la culture pour 2003 et a souligné l'importance des crédits non consommés, a noté que le projet de budget, qui fait preuve d'une grande transparence, reflète les nouvelles priorités culturelles affichées par le ministre en mettant en place des projets innovants et positifs.

S'agissant de la décentralisation, il faut savoir que les collectivités locales, et notamment les départements, financent aujourd'hui de nombreux pans de la politique culturelle. On peut citer le cas des archives départementales ou des bibliothèques. L'aménagement culturel du territoire doit cependant se faire de façon équilibrée et il faut impérativement éviter que seules les villes-centres soient dotées d'équipements culturels dignes de ce nom, au détriment des zones rurales. En matière de lecture publique, le développement d'un véritable maillage du territoire grâce aux bibliothèques relais et aux points lectures démontre toute l'utilité d'une action véritablement déconcentrée. Il conviendrait d'ailleurs, dans ce secteur, d'assouplir la règle applicable en matière de construction de bibliothèques, qui oblige à prévoir 0,07 mètre carré par habitant, car elle décourage la mise en chantier de nouveaux édifices, tant les investissements nécessaires sont importants. En la matière, il convient avant tout de ne pas freiner la volonté des élus locaux.

Mme Muriel Marland-Militello, après avoir salué la franchise de ce projet de budget pour 2003, a fait les observations suivantes :

- L'éducation à la culture est cruellement absente de l'enseignement scolaire. Si le ministre de la culture cherche à développer des structures de proximité pour rendre les biens culturels accessibles à tous, il faudrait qu'en amont un effort soit fait pour sensibiliser dès le plus jeune âge les amateurs potentiels. De la même façon que la littérature, des matières telles que la musique ou le dessin devraient être enseignées dans les établissements scolaires.

- La décentralisation, qui constitue a priori une démarche très positive, pourrait dans le domaine de la culture avoir des répercussions dommageables sur l'importance même du ministère concerné. Si les aspects liés au patrimoine, qui représentent une part importante des crédits du ministère, venaient à faire l'objet d'une gestion décentralisée, c'est l'idée même d'un grand ministère chargé de la culture qui serait remise en cause.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur pour avis a donné les éléments d'information suivants :

- Le seuil symbolique du 1 % est une notion ancienne, lancée par Jean Villars dans les années cinquante, qui n'a plus guère de sens aujourd'hui face à la réalité de l'effort public en matière culturelle. D'ailleurs, certains crédits inscrits au budget de la culture ne sont que partiellement gérés par lui tandis que d'autres, très importants, comme par exemple les 450 millions d'euros gérés par le CNC en matière de soutien à l'industrie cinématographique, ne figurent pas dans ce budget.

- L'utilisation des crédits non consommés ne signifie pas que le ministère a perdu toute marge de manœuvre. De plus, en échange de cet effort de transparence, le ministre de la culture a obtenu de Bercy l'assurance que son budget ne ferait pas l'objet de régulations en 2003.

- Le fait que le ministre actuel ait souhaité confier diverses missions d'études sur différents sujets est de bon augure. Cela signifie qu'il cherche à avoir le maximum d'informations avant de proposer de nouveaux projets. Ces missions ont en outre toujours des objets précis et sont insérées dans des calendriers raisonnables. Ainsi, en ce qui concerne la décentralisation de la politique du patrimoine, M. Jean-Pierre Bady a reçu sa lettre de mission en juin dernier et doit rendre ses conclusions avant la fin de l'année.

- La décentralisation représente une opportunité pour le ministère de la culture et les collectivités locales, qui participent déjà beaucoup au financement de l'action culturelle, de réorganiser leur coopération en améliorant la participation des acteurs locaux à la conception des projets.

- S'agissant du financement du cinéma, il faut rappeler qu'une mission d'information a travaillé sur ce sujet lors de la précédente législature et a présenté dans son rapport final un certain nombre de propositions intéressantes, comme celle d'encourager le développement des aides régionales à la création cinématographique. Le rôle de la télévision en ce domaine, qui faisait l'objet de développements importants dans ce rapport, mériterait aujourd'hui encore d'être étudié, compte tenu des difficultés actuellement rencontrée par Canal +.

- L'avenir des « cafés musique » et des scènes nationales ne semble nullement hypothéqué. Ces structures devraient bénéficier des mêmes financements que d'ordinaire.

- En ce qui concerne la lecture publique, le projet de budget pour 2003 prévoit justement de développer des équipements de proximité tant en milieu rural que dans les quartiers périphériques des grandes villes.

- En 2003, le ministère consacrera environ 38 millions d'euros à l'éducation artistique (c'est-à-dire hors établissements spécialisés), contre 36,27 millions d'euros en 2002. La quasi-totalité de ces dotations fait l'objet d'une gestion déconcentrée. Le plan de développement de l'éducation artistique à l'école, mené depuis l'année 2000 en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, bénéficiera notamment de 1,73 million d'euros de crédits supplémentaires, au delà des 36 millions d'euros qui lui ont été consacrés en 2002.

M. Patrick Bloche a souligné qu'en matière d'éducation artistique à l'école, les crédits du ministère de la culture sont effectivement stables mais que les dotations inscrites dans le budget du ministère de l'éducation nationale sont en diminution d'un tiers. La poursuite du plan « Lang-Tasca » aurait nécessité 20 millions d'euros supplémentaires.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture pour 2003.

--____--


© Assemblée nationale