COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 30

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 12 Mars 2003
(Séance de 16 heures 15)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et la francophonie, sur la diversité culturelle

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et la francophonie, sur la diversité culturelle.

Le président Jean-Michel Dubernard a tout d'abord rappelé que la notion de diversité culturelle a fait l'objet d'une déclaration adoptée en 2001 dans le cadre de l'Unesco. Mais cette déclaration, excellente dans son principe, est restée quelque peu vague. Par ailleurs, lors du cycle de négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de l'Uruguay Round, en 1993, la France a défendu le principe de l'exception culturelle. Les phénomènes de mondialisation constituent indéniablement des menaces pour la préservation des différentes spécificités culturelles comme pour la diversité du patrimoine linguistique.

L'enjeu consiste aujourd'hui à se donner les moyens de lutter contre la tendance à l'uniformisation culturelle et contre la démarche qui reviendrait à assimiler les biens culturels à des biens ordinaires. Mais cela ne signifie pas qu'il faille pour autant adopter des attitudes protectionnistes ou frileuses. Le point essentiel est de savoir si, à l'occasion des nouvelles négociations de Doha, le principe de l'exception culturelle va triompher, notamment dans le cadre de l'accord général sur les services.

Plusieurs questions se posent :

- Quelles sont les actions menées par la France dans le cadre de l'Union européenne pour défendre le principe de la diversité culturelle ?

- Qu'en est-il du projet de Convention internationale sur la diversité culturelle, lancé par le réseau international des politiques culturelles (RIPC), à l'initiative du Canada ?

- La diversité culturelle passe bien évidemment par la défense de la langue française et la promotion de la francophonie : comment le gouvernement entend-il améliorer le rayonnement de notre langue ?

- Enfin, s'agissant de Radio France Internationale (RFI), Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis sur les crédits de la francophonie, a insisté à juste titre, lors de l'examen des crédits pour 2003, sur la nécessité d'assurer l'avenir de cette radio, qui constitue un atout indéniable pour la promotion de la langue française dans le monde : peut-on considérer aujourd'hui que les émissions de RFI sont suffisamment diffusées dans l'ensemble des continents ?

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, a déclaré que la question de la diversité culturelle appelle une réflexion d'ensemble quant à la manière d'équilibrer au mieux les phénomènes de mondialisation actuellement à l'œuvre. Il convient de maîtriser cette tendance à la globalisation afin de donner toute sa place au patrimoine de l'humanité, ce qui suppose de lutter en faveur de la diversité des langues, des cultures et des créations artistiques.

La France qui a une expérience ancienne et forte des actions de coopération internationale considère qu'aucun pays ne peut espérer favoriser son développement en se coupant de sa propre culture. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de favoriser l'essor de la création culturelle dans les pays en voie de développement.

Le ministre a ensuite décrit les trois orientations qui structurent aujourd'hui la politique de la France en faveur de la diversité culturelle. Ces trois orientations consistent à promouvoir le développement culturel des pays du sud, à mener des actions fortes en vue de conserver à notre langue son rang et son statut et, enfin, à militer pour l'adoption d'une convention internationale sur la diversité culturelle.

- S'agissant de la promotion du développement culturel des pays du sud, il faut tout d'abord noter que les concours apportés par la France visent à aider au rayonnement des œuvres et des créateurs des pays concernés. Les actions de coopération ainsi conduites ont pour objectif de favoriser l'émergence d'une véritable économie de la culture, qui constitue un facteur de développement économique. Ainsi, les postes diplomatiques, l'Association française d'action artistique (AFAA) et l'administration centrale du ministère des affaires étrangères se donnent pour mission de développer au maximum les programmes de coopération et d'échanges culturels avec les pays concernés.

Il faut rappeler à ce sujet que l'AFAA est l'opérateur du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture pour l'organisation des saisons culturelles qui permettent à un pays de présenter les différentes facettes de sa culture. A titre d'exemple, « Djazaïr, l'année de l'Algérie en France » a fourni l'occasion de présenter cette année plus de deux mille manifestations organisées partout dans notre pays. La Chine, la Pologne, le Brésil et la Russie seront à leur tour à l'honneur au cours des prochaines années.

Certains outils, mis en place par la direction de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère des affaires étrangères, s'adressent plus spécifiquement aux pays du sud. Parmi les outils classiques visant à financer les actions de développement de la culture, il faut tout d'abord citer le fonds de solidarité prioritaire (FSP) qui a permis de mettre en place des actions sur mesure dans le domaine du développement culturel.

Dans ce cadre, neuf projets dits « FSP-pays » de développement culturel, concernant essentiellement les pays africains, sont actuellement en cours, tandis que trois ont fait l'objet de l'approbation du comité d'examen et que quatre sont en préparation. Au total, le montant des concours apportés à ces douze projets s'élève à près de 15,9 millions d'euros sur quatre ans. Au-delà des projets réservés à un pays, le FSP permet de développer des actions transversales en faveur de la création contemporaine : à compter de juin 2003, un projet intitulé « FSP-mobilisateur » d'un montant de 5,9 millions d'euros renforcera l'action engagée dans le domaine du développement culturel. Il convient de citer à cet égard le cas intéressant du programme nommé « Afrique en créations » confié à l'AFAA et financé par le FSP pour un montant de 2,286 millions d'euros. Ce programme a permis de mobiliser d'autres financements de la part de nos partenaires bilatéraux, des ministères africains de la culture et de trois fondations privées situées aux Etats-Unis et aux Pays-Bas qui apportent des fonds complémentaires aux sommes versées par la France.

Cet ensemble de mesures porte ses fruits et la création contemporaine des pays du Sud se renforce. On peut se réjouir de manifestations telles que « La passerelle des Arts », qui a réuni à Paris plus d'un million de visiteurs autour des sculptures d'Ousmane Sow, et les biennales organisées à Tananarive autour de la danse, à Bamako autour de la photo, à Cotonou et de Yaoundé pour les musiques urbaines, à Dakar ou Johannesburg pour les arts plastiques. Ces manifestations emblématiques ont incontestablement trouvé leur place sur la scène de la création internationale.

D'une manière générale, la présence des artistes africains s'affirme également dans les grands rendez-vous internationaux, à la Documenta de Kassel, dont le commissaire général était pour la première fois cette année d'origine africaine, ou à la Biennale de Venise. Les musiciens africains rencontrent enfin un grand succès en Europe comme aux Etats-Unis. Dans le même esprit, on peut relever le succès rencontré par les rencontres Nord-Sud « Territoires de la création » dont la dernière édition s'est tenue à Lille en septembre 2000 ou celles des opérateurs culturels organisées à Bamako en octobre 2001 et à Durban en septembre 2002.

Au total, la contribution de la France pour des actions de développement culturel mises en œuvre à travers le FSP est estimée à 4 715 000 euros par an.

La France est par ailleurs le principal mécène du cinéma africain grâce à des mécanismes comme le « fonds sud » ou l'aide directe à la production. Le soutien au cinéma africain a ainsi représenté en moyenne 3 millions d'euros par an entre 1990 et 2001 et la France est parvenue à convaincre certains de ses partenaires tels que l'Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF) et l'Union européenne d'apporter leur contribution à ces opérations.

Il convient aujourd'hui d'aller plus loin. Tel est l'objectif du plan « images sud » annoncé le 23 février dernier au Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou et devant voir prochainement le jour. L'ambition de ce plan est de doter le continent africain d'une véritable industrie cinématographique ainsi que d'une industrie de production audiovisuelle capable de créer des programmes de télévision à la fois nombreux et de qualité.

Au-delà des instruments bilatéraux, peuvent être mobilisés des instruments multilatéraux. L'appui de l'Union européenne est précieux et s'exerce notamment dans le cadre des accords de Cotonou, qui intègrent la dimension culturelle. De plus, l'Agence intergouvernementale de la francophonie, financée à 60 % par la France, met en œuvre des programmes d'appui à la création et à la diffusion culturelle des pays en développement. Sur les 27,5 millions d'euros consacrés par cette agence aux programmes en faveur de l'éducation et de la culture, un montant de 16 millions d'euros est réservé aux programmes culturels stricto sensu.

- Le deuxième axe de l'action de la France en faveur de la diversité culturelle porte sur la nécessité de préserver le rang et le statut de la langue française.

La France ne saurait renoncer à son ambition linguistique. La politique menée par le ministère des affaires étrangères vise à conforter l'apprentissage du français et son statut comme langue de communication internationale.

Le ministre a considéré qu'un des moyens de parvenir à cet objectif dans le cadre des pays de l'Union européenne est d'encourager le plurilinguisme. Il faut rendre systématique l'apprentissage de deux langues vivantes obligatoires dans les systèmes éducatifs nationaux. En outre, il convient d'apporter un soutien plus fort aux enseignements bilingues francophones, lesquels concernent aujourd'hui 120 000 élèves dans plus de trente pays, essentiellement au Moyen-Orient, dans le Sud-Est asiatique et en Europe centrale et méridionale.

La promotion du français dans les organisations internationales, et en particulier au sein des institutions européennes, constitue un sujet difficile. Cette question, qui était déjà cruciale dans le cadre d'une Union européenne composée de quinze membres, va se poser de façon plus aigue encore avec l'élargissement des structures communautaires. Il faut mesurer les effets néfastes qui risquent de résulter de l'augmentation du nombre de pays membres. Le principal écueil à éviter est de voir une langue unique, l'anglais, s'imposer définitivement.

Jusqu'à présent, lorsque les questions linguistiques ont été abordées dans le cadre de l'Union européenne, elles l'ont été à travers des problématiques techniques ou économiques sans que le débat sur la diversité culturelle soit abordé au fond. A cet égard, les difficultés liées à la rédaction du projet de texte constitutionnel européen sont éclairantes. Ce texte devrait en effet comporter un certain nombre de principes dont celui de la protection des cultures et des différentes langues des pays membres. Ces questions restent aujourd'hui largement ignorées. Dans ce domaine, la France s'est jusqu'à présent trouvée souvent en position défensive et a été assez peu soutenue par ses partenaires.

La question de la présence du français dans les instances européennes constitue un combat permanent. Le ministère a conduit un certain nombre d'actions fortes, dont un plan pluriannuel de formation au français qui a bénéficié, en 2002, à près de 2 000 agents travaillant dans les institutions européennes ainsi qu'aux fonctionnaires des pays candidats à l'adhésion.

De même, la valorisation du français comme outil d'aide au développement doit être encouragée, notamment par le soutien aux systèmes éducatifs locaux des pays de la zone de solidarité prioritaire où le français est une langue d'enseignement.

L'élargissement et la modernisation de la gamme des outils d'apprentissage du français constituent une priorité nouvelle du ministère. Cette volonté se traduit par le développement de produits audiovisuels éducatifs innovants adaptés aux publics locaux ainsi que par l'usage des nouvelles technologies de la communication. La promotion internationale du français requiert de bien maîtriser et d'utiliser à bon escient ces nouvelles technologies. A cet égard, il faut relever que le ministère des affaires étrangères a abondé de 1 million d'euros le plan francophone des inforoutes géré par l'Agence intergouvernementale de la francophonie.

En outre, le récent renforcement des partenariats entre l'Etat et les associations et institutions œuvrant en faveur de la promotion du français doit être salué. La Fédération internationale des professeurs de français, qui regroupe 180 associations de professeurs de français impliquant 90 000 enseignants étrangers de français dans 113 pays, mérite une mention particulière. Les établissements de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE), financés par le ministère des affaires étrangères à hauteur de 340 millions d'euros en 2003, contribuent également efficacement au développement d'une coopération d'influence. Le budget de l'agence permet d'entretenir 266 établissements, dont 67 en gestion directe et 199 conventionnés avec l'agence implantés dans 132 pays. Ces établissements ont scolarisé, au cours de la période 2001-2002, plus de 158 000 élèves dont 57 % d'étrangers.

Concernant l'accueil d'étudiants étrangers en France, des éléments positifs sont à noter tels que l'assouplissement des règles de délivrance des visas et le renforcement du dispositif des bourses. Ainsi 196 400 étudiants ont pu être accueillis en 2002, ce qui représente une progression de plus de 30 % en trois ans.

Les actions dans le domaine de l'audiovisuel revêtent une importance croissante en matière de diversité culturelle. Le ministère des affaires étrangères finance d'ores et déjà l'audiovisuel extérieur français à hauteur de 165 millions d'euros par an. Quant au projet de chaîne internationale d'information, actuellement à l'étude, il devrait renforcer la place du français dans les médias internationaux : TV5, Radio France internationale, Canal France international et l'Agence France presse, pour ne citer que les principaux opérateurs, ont vocation à être les vecteurs de ce développement. Différentes réflexions sont actuellement en cours sur la création de cette chaîne, notamment dans le cadre de la mission d'information présidée par M. François Rochebloine, commune aux commissions des affaires culturelles, familiales et sociales et des affaires étrangères, et des travaux menés par M. Phillippe Baudillon à la demande du ministre des affaires étrangères.

- L'adoption d'un instrument juridique international constitue le troisième objectif de la politique du ministère en matière de diversité culturelle.

La France mène une action forte en vue de l'adoption d'une convention internationale sur la diversité culturelle. Comme l'a déclaré le Président de la République le 2 février dernier, cette convention qui devra être négociée dans le cadre de l'Unesco sous forme de traité, doit conférer aux Etats et aux gouvernements la faculté légitime d'élaborer eux-mêmes des politiques de soutien et de promotion en matière culturelle. Elle doit permettre ainsi de faire clairement sortir les biens culturels de la seule logique du commerce international qui inspire l'OMC.

Dans ce domaine, des jalons ont déjà été posés. Le réseau international sur les politiques culturelles (RIPC) et l'Organisation internationale de la francophonie ont produit des documents de référence importants qui nourriront la négociation devant à présent s'engager à l'Unesco. Un groupe de travail interministériel a d'ailleurs été mis en place à l'initiative du ministère des affaires étrangères pour réfléchir au contenu de ce document. Le calendrier est toutefois serré car une course de vitesse s'engage avec l'OMC et il convient d'adopter cette convention en 2005 au plus tard.

Après l'exposé du ministre, M. Jean Le Garrec a déclaré apporter son entier soutien à l'action menée par le gouvernement en faveur de la diversité culturelle et de la promotion de la francophonie dans le monde. Il a ensuite fait les remarques suivantes :

- Le succès populaire remporté par l'exposition des sculptures d'Ousmane Sow sur le pont des Arts à Paris et par les rencontres nord-sud à Lille, pour ne citer que ces deux exemples, démontre que la France est par excellence le pays de la diversité culturelle. Il conviendrait d'insister sur cette particularité avec plus de netteté.

- Force est de constater que les personnes formant la deuxième ou la troisième génération des populations arrivées en France dans les années 1950 à 1970 sont à l'origine d'une nouvelle culture extraordinairement riche. Ils traduisent parfaitement la formule d'Antonio Gramsci : « La révolution passe par la culture ».

- Ce qu'il convient d'appeler la révolution culturelle s'illustre également dans le cinéma puisque Paris occupe sans conteste la première place mondiale en matière de diversité des films projetés. Fort de cette richesse et de cette diversité culturelles, la France ne doit pas hésiter à renforcer les liens qui l'unissent aux pays dont est originaire une partie de sa population afin de créer avec ces derniers de véritables passerelles culturelles. Une telle politique serait également utile en direction des pays qui vont intégrer l'Union européenne. Pour ne prendre qu'un seul exemple, la Roumanie, dont les liens culturels avec la France sont anciens et étroits, possède une grande tradition des arts populaires qui pourrait opportunément venir enrichir nos propres traditions. Développer ce type de coopération manifesterait l'existence d'une volonté politique forte.

M. Michel Herbillon s'est réjoui que la France s'impose comme le champion de la diversité culturelle. La préservation de cette particularité fait l'objet d'une forte volonté politique. Le Président de la République a d'ailleurs fait de ce dossier une de ses priorités, déclarant, lors des rencontres internationales sur la culture, qu'il est temps d'ériger la diversité culturelle en principe de droit international. La France se trouve ainsi à l'origine d'une proposition de convention mondiale sur la diversité culturelle.

Il a ensuite posé les deux questions suivantes :

- Où en est-on de l'accueil des étudiants étrangers ? Les années passées, le nombre des personnes ainsi accueillies en France a subi un important recul. Il conviendrait pourtant de montrer une plus large ouverture, notamment en direction des populations des pays de la zone francophone. Une augmentation des moyens financiers, à moyen ou à long terme, destinés à promouvoir ce type d'accueil est-elle envisagée ?

- La défense de l'usage de la langue française fait-elle partie des discussions menées dans le cadre de la convention pour l'Europe ? Il s'agit là en effet d'un aspect important de la nouvelle donne européenne. Jean Monnet ne disait-il pas : « Si je devais refaire l'Europe, je commencerais par l'Europe de la culture » ?

M. Patrick Bloche a fait part de son attachement au principe de la diversité culturelle qui implique à la fois la défense de la langue et de la culture françaises. A cet égard, il est important que le français, dont l'usage a tendance à régresser au sein des institutions européennes, ne voit pas son influence encore diminuée à l'occasion de l'élargissement de l'Union européenne. Par ailleurs, il est nécessaire de réaffirmer le rôle de pivot de la France au sein de l'Organisation internationale de la francophonie qui compte désormais plus de cinquante pays.

Il a ensuite posé les questions suivantes :

- Les crédits de la DGCID et de l'AFAA, dont l'utilité en matière de coopération n'est plus à démontrer, sont traditionnellement les premiers à faire l'objet de régulations budgétaires. Qu'en est-il pour les crédits en cours ?

- Un rapport remis au Premier ministre en 1998 préconisait de développer l'utilisation des nouvelles technologies de communication, et notamment d'internet, pour élargir la diffusion de la langue française. L'effort initié par le précédent gouvernement dans ce domaine a-t-il été maintenu par l'actuel gouvernement ?

- La mondialisation, qui est porteuse de fusion des entreprises culturelles dans des structures économiques de plus en plus vastes, constitue une menace pour la diversité culturelle. Quel rôle le gouvernement entend-il jouer auprès des dirigeants des multinationales de la communication pour les inciter à prendre en considération cette préoccupation ?

Ayant récemment participé à un séminaire sur la condition des femmes africaines, Mme Hélène Mignon a indiqué que l'utilisation du français constitue pour ces femmes un élément créateur de lien social. Or, la France est, dans ces pays, de moins en moins présente sur le plan éducatif. Au contraire, d'autres pays francophones, le Québec par exemple, renforcent leurs investissements dans ce domaine. La France doit réagir à cette situation qui n'est pas sans répercussion économique.

En réponse aux différents intervenants, le ministre a donné les informations suivantes :

- La francophonie a longtemps été considérée, y compris en France, comme le symbole d'un réflexe défensif animant différents pays face à un univers linguistique hostile. Elle était alors jugée à la fois démodée, frileuse et égoïste. Son image a fort heureusement beaucoup changé depuis qu'elle a pris la tête du combat pour la diversité culturelle. Sa démarche paraît désormais à la fois plus ouverte, plus dynamique et plus entraînante car elle répond à une inquiétude généralisée.

- Le développement des liens culturels entre les jeunes populations françaises issues de l'immigration et leurs pays d'origine est une idée à laquelle la France est culturellement et traditionnellement attachée, et qui trouve par exemple une traduction très forte dans une manifestation comme l'année de l'Algérie en France. La création a besoin de rapprochements culturels pour se nourrir et se développer. Il faut aller de l'avant pour encourager encore davantage ces liens.

M. Jean le Garrec a déclaré approuver cette volonté d'agir en soulignant que l'éclosion culturelle des deuxième et troisième générations issues de l'immigration constitue un phénomène récent devant être encouragé et accompagné.

Le ministre a ensuite poursuivi ses réponses :

- Des efforts doivent effectivement être accomplis en matière d'accueil des étudiants étrangers, mais la situation est en cours d'amélioration. Les problèmes de délivrance de visas ont été résolus mais la question de l'insuffisance des capacités d'accueil demeure, notamment en matière de logements. Des pourparlers ont été engagés à ce sujet avec les collectivités territoriales qui font, il est vrai, déjà beaucoup d'efforts pour le logement des étudiants de nationalité française.

Au total, 196 400 étudiants étrangers ont été accueillis en France en 2002. La France se situe donc au deuxième rang européen, derrière la Grande-Bretagne (220 000 étudiants) mais devant l'Allemagne (187 000 étudiants). Les étudiants venant d'Afrique représentent 51,4 % de l'effectifs total. Enfin, 24 360 bourses ont été accordées en 2001. Des chiffres plus détaillés sur la répartition des étudiants par zones géographiques pourront être communiqués ultérieurement à la commission.

- En ce qui concerne l'utilisation de la langue française au sein de l'Union européenne, la question est à l'ordre du jour des négociations s'agissant du contenu de la future constitution européenne et des principes fondamentaux devant figurer dans son préambule. Le Président de la République a évoqué la question lors de la récente réunion des agents des réseaux culturels. La France a besoin de s'appuyer sur un principe constitutionnel pour pouvoir ensuite obtenir que des règles précises soient mises en œuvre secteur par secteur. On peut penser que la France trouvera un certain nombre d'alliés au sein de l'Union, et notamment parmi les nouveaux adhérents, dans cette défense du plurilinguisme.

Mais les mauvaises surprises sont toujours possibles, comme tout récemment lorsque la France a été condamnée par la Cour de justice des communautés européennes pour entrave à la libre concurrence et aux droits des consommateurs parce que la loi française exige que les étiquettes des produits vendus sur le territoire français soient rédigées en langue française... La démarche de protection linguistique n'est donc pas toujours bien comprise en regard des enjeux économiques.

Quant à la présence du français dans les nouveaux pays adhérents, il s'agit d'une bataille stratégique sur laquelle il faut beaucoup investir ; certaines actions de développement de l'enseignement du français ont déjà été évoquées, mais il faudrait aller beaucoup plus loin en ce domaine.

- En ce qui concerne la régulation des crédits destinés à l'action culturelle extérieure, le budget pour 2003 ne devrait pas faire l'objet de « gels » mais simplement de « réserves de précaution » en regard de l'incertitude conjoncturelle. Pour le ministère des affaires étrangères, ces réserves s'élèveraient à 150 millions d'euros. Il serait tout à fait souhaitable que, compte tenu de leur modestie et de leur utilité, les moyens consacrés à l'action culturelle extérieure puissent être sanctuarisés et échapper ainsi à la régulation.

- Au sujet enfin des femmes africaines, il est indiscutable qu'elles sont un vecteur incontournable du développement en Afrique. Ce sont le plus souvent des femmes qui font fonctionner les associations et les ONG sur place et qui assurent le développement économique et social de base. Dans ses projets concrets de coopération, la France trouve très souvent des femmes comme interlocutrices.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné tout l'intérêt d'accueillir en France des étudiants étrangers en prenant l'exemple du secteur médical, où de nombreux étudiants en fin de cycle, venant notamment d'Amérique latine, d'un niveau tout à fait excellent, ont occupé de façon satisfaisante des postes d'interne ou d'assistant dans les hôpitaux français. De retour dans leur pays, ces personnes entretiennent ensuite la francophonie et la francophilie. Il est désolant que, pour des problèmes de visas, qui se sont posés sous les différents gouvernements, le nombre d'étudiants étrangers accueillis en France ait baissé.

Il a ensuite remercié le ministre de sa venue et s'est félicité de la tenue de cette audition, qui a permis à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de travailler sur un sujet culturel, ce qu'elle ne fait pas assez souvent. Tous les groupes politiques sont d'ailleurs invités à faire des propositions d'activités en la matière.

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