COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 58

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 24 septembre 2003
(Séance de  9 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président,
puis de M. René Couanau, vice-président.

SOMMAIRE

 

pages

- Examen du rapport d'information de M. Denis Jacquat sur la crise sanitaire et sociale déclenchée par la canicule

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- Examen des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête de M. Jean-Marc Ayrault sur les dysfonctionnements du système de santé face à la canicule - n° 1056, de M. Alain Bocquet sur les conséquences sanitaires, économiques, sociales et environnementales de la canicule et sur la gestion par l'Etat de ses effets - n° 1057, de M. Jacques Barrot sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule - n° 1059 et de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête de M. Hervé Morin sur les causes et les conséquences humaines, politiques, économiques et environnementales de la canicule - n° 1062 (M. Denis Jacquat, rapporteur)

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- Examen des articles du projet de loi relatif à la politique de santé publique- n° 877
(M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur)

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- Information relative à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le rapport d'information présenté par M. Denis Jacquat sur la crise sanitaire et sociale déclenchée par la canicule.

A titre liminaire, M. Gaëtan Gorce a fait part au nom du groupe socialiste de la surprise et de la réprobation que provoquent les annonces récentes du gouvernement en matière sociale, concernant en particulier l'allocation de solidarité spécifique, et exprimé le souhait que M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, vienne s'expliquer sur ce point devant la commission.

Revenant à l'ordre du jour de la commission, le président Jean-Michel Dubernard, a relevé la qualité des travaux de la mission d'information dont les conclusions éclaireront les débats sur le projet de loi de santé publique et le projet de loi de financement de la sécurité sociale et ne sont en rien contradictoires avec la création d'une commission d'enquête.

M. Denis Jacquat, président de la mission d'information, a souligné que l'Assemblée nationale ne pouvait rester muette et passive face au drame de cet été.

Le bureau de la commission a pris le 26 août la décision de créer une mission d'information sur la crise sanitaire et sociale déclenchée par la canicule. Cette mission s'est vu assigner pour objectif, sans attendre la rentrée parlementaire, de réunir les éléments d'information utiles lors de la discussion du projet de loi de santé publique, examiné dès aujourd'hui par la commission, et du projet de loi de financement de la sécurité sociale examiné en séance la dernière semaine d'octobre. Elle se devait par ailleurs d'éclairer la commission sur l'opportunité de créer une commission d'enquête et sur le champ des investigations de celle-ci au cas où la décision de la créer serait prise. La mission d'information constituée de onze membres, représentant l'ensemble des groupes politiques de l'Assemblée nationale, s'est donc vu confier la tâche de procéder à une première analyse de la crise et de proposer des pistes de réflexion afin d'éviter que ne se reproduise un tel drame.

La mission a entamé avec l'audition de Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, le 11 septembre un cycle d'auditions qui s'est achevé le 19 septembre. Elle a ainsi procédé à trente-trois auditions et entendu dans ce cadre quatre-vingt-une personnes : représentants des administrations concernées, services de secours, représentants des professions médicales, paramédicales et médico-sociales, ...

Quelles sont les conclusions de la mission ?

Il semble tout d'abord nécessaire de souligner que la brièveté des délais doit inciter à l'humilité. Le problème est à la fois trop grave et trop complexe pour prétendre tirer dès maintenant et de façon définitive l'ensemble des enseignements qu'appelle la crise. Cette réserve étant faite, on peut résumer les conclusions de la mission en trois points :

- Premièrement, la canicule a constitué une catastrophe naturelle aux conséquences d'une extrême gravité, cela n'aura malheureusement échappé à personne, mais également un phénomène inédit dont on cerne mal encore à l'instant présent l'ampleur.

- Deuxièmement, cette catastrophe, dont on peut se demander si elle était ou non prévisible, n'a en tout cas été ni anticipée ni détectée de façon rapide : elle pose de façon criante la question de la qualité et de l'efficacité de notre système de veille et d'alerte sanitaire.

- Troisièmement, elle a constitué un défi redoutable pour le système sanitaire et social dont elle a rappelé ou révélé certaines faiblesses ; sa capacité d'adaptation réelle, mais mise à rude épreuve, appelle sans doute aucun des mesures fortes. La canicule a révélé une crise au moins autant sociale que sanitaire.

Que s'est-il passé en août ?

En premier lieu, il apparaît clairement que le France a connu une situation climatique sans précédent. C'est bien à une catastrophe naturelle qu'elle a été confrontée. Deuxième constat : le lien entre surmortalité et chaleur extrême n'est pas contestable. Le professeur Besancenot l'avait analysé dans un travail resté malheureusement méconnu, à partir d'expériences précédentes, celles de Marseille en 1983, Athènes en 1987, Chicago en 1995. Chaque fois, la corrélation est frappante entre la chaleur et la surmortalité qui arrive après un à trois jours. Cela se vérifie encore en 2003.

Ce constat posé, de nombreux points restent en suspens, sur lesquels il n'est pas encore possible de disposer d'analyses concluantes. Ces points d'interrogation justifient la création d'une commission d'enquête, qui disposera de six mois pour rendre ses conclusions. Quelles pistes d'investigation peut-on lui suggérer ? D'abord, quel est le bilan exact de la canicule ? Les premiers chiffres de surmortalité qui ont été produits reposent sur une comparaison entre la mortalité en août 2003 et une moyenne des années précédentes. Cette démarche est la plus exhaustive et donc la plus honnête, mais elle manque évidemment de finesse, et une analyse beaucoup plus poussée devra être conduite. Deuxième question, quels autres groupes que les personnes âgées, principales victimes sur lesquelles s'est portée l'attention, ont été touchés ? D'autres classes d'âge ou catégories étaient potentiellement concernées : jeunes enfants, personnes handicapées, actifs exposés à des conditions de travail particulièrement peu adaptées aux fortes chaleurs... Il convient de rappeler que les premiers décès par coup de chaleur signalés ont concerné des personnes de moins de soixante ans.

Les facteurs « co-aggravants » potentiels de la surmortalité constituent un autre champ d'investigation. Il y a bien sûr la pollution atmosphérique qui a accompagné la canicule. Il y a aussi l'incidence de certaines consommations médicamenteuses, notamment de diurétiques mais aussi de psychotropes. On connaît le niveau élevé de consommation de médicaments par les personnes âgées, les méfaits potentiels de la polymédication, du respect aléatoire des posologies par les personnes âgées. Cela vient d'être rappelé par la Cour des comptes. Il faudra analyser cela sous l'angle « canicule ». Par ailleurs, les études épidémiologiques devront s'attacher également aux facteurs sociaux éventuels d'exposition à la surmortalité : l'isolement, le niveau social, qui avait été déterminant à Chicago en 1995, le type d'habitat, le type d'établissement d'hébergement... Le croisement de ces multiples facteurs est certainement très complexe. Dans un premier temps, les interlocuteurs de la mission ont surtout évoqué la grande diversité des situations, faisant apparaître qu'il n'existe pas de facteur « évident » - en dehors du facteur climatique - d'explication de la répartition de la surmortalité.

Le défaut d'anticipation du drame sanitaire de la canicule est considéré, on y reviendra, comme l'une des causes de l'importance de la surmortalité constatée. Il existe toutefois au moins une exception, celle de la ville de Marseille, où, à la suite de l'analyse faite de la canicule de 1983, des mesures ont été prises. Ces mesures ont-elles été efficaces ? Marseille a été, en termes relatifs, épargnée par la surmortalité, mais, selon certains, sa performance en la matière, si l'on peut dire, n'est pas meilleure que celle d'autres villes du sud de notre pays. Cela devra être analysé.

Des investigations plus larges seraient enfin intéressantes. Il y a ce qui s'est passé dans les autres pays européens, pour lesquels les éléments sont encore parcellaires, mais laissent apparaître des phénomènes de surmortalité, certes, mais plus limités. Enfin, au-delà du caractère exceptionnel et catastrophique de ce qui s'est passé cet été, la question du lien entre le climat (et plus particulièrement la température) et la santé, la mortalité, mérite d'être creusée, dans l'optique du changement climatique de plus en plus évident.

Le drame de cet été n'a été ni anticipé, ni détecté très rapidement, et la gravité de son bilan est liée en grande partie à cette situation. Ou plutôt, si ce drame a été assez vite détecté, il n'a pas été perçu immédiatement par la plupart des responsables administratifs comme une crise majeure.

On le sait, la France n'a pas su tirer les leçons des canicules de 1976 et de 1983. Des interlocuteurs de la mission ont évoqué une certaine indifférence aux problèmes du vieillissement, à l'analyse des causes de mortalité des personnes âgées, un déficit de l'intérêt scientifique pour ces sujets. La mission a également relevé des dysfonctionnements, des cloisonnements administratifs - voire des contradictions - qui, mettant en cause des personnes, pourraient être analysés plus au fond par la commission d'enquête à constituer.

Une première interrogation porte sur l'état des connaissances et de la recherche dans notre pays. M. Lucien Abenhaïm, directeur général de la santé démissionnaire, a expliqué devant la mission que lorsqu'il avait réuni une centaine d'experts pour définir les priorités de santé publique, personne n'avait parlé de la canicule. Cette question n'avait jamais été évoquée par les instances médicales.

Pourtant, il est apparu que des chercheurs français avaient travaillé sur cette question, en particulier le professeur Jean-Louis Sanmarco et le docteur Jean-Pierre Besancenot. En mars 2002, celui-ci a fait une communication lors d'un colloque organisé par le conseil supérieur de la météorologie. Ce dernier a adopté le 14 octobre 2002 un vœu demandant à Météo France d'étudier, en liaison avec le ministère de la santé, la diffusion vers les organismes responsables et le public de conseils de santé et d'informations relatifs aux épisodes de canicule et de grands froids. Cette recommandation faisait suite à des travaux internes. Lors d'une réunion de la commission Santé-Biométéorologie de ce conseil, le 30 août 1999, le docteur Coulombier, de l'Institut de veille sanitaire (InVS), avait présenté une communication sur les coups de chaleur, partant de l'expérience de la coupe du monde de football de 1998. Il existait donc bien à l'InVS, en théorie, une connaissance des problèmes liés à la chaleur, même s'ils étaient en l'espèce abordés sous un angle très différent : non pas l'hyperthermie fatale des personnes âgées en période de canicule, mais celle, le plus souvent sans conséquences, pouvant toucher le public d'une manifestation en période estivale « normale ».

A la suite des travaux du conseil supérieur de la météorologie, Météo France a, par convention avec le secrétariat d'État à la lutte contre la précarité et l'exclusion, mis en place un dispositif d'alerte directe de responsables administratifs, soit 15 DDASS et le cabinet du secrétaire d'Etat, en cas de prévision de grands froids. En revanche, tel n'a pas été le cas, symétriquement, avec le ministère de la santé, en cas de prévision de fortes chaleurs.

A propos de la détection de ce que l'on appelle l'épidémie caniculaire, plusieurs intervenants devant la mission ont souligné son caractère insidieux : il y a régulièrement, dans les hôpitaux et les établissements, des décès de personnes âgées, et il n'est, sans doute, pas prêté la même attention aux causes de ces décès que pour des sujets jeunes. En outre, il est assez connu que l'été, comme l'hiver symétriquement, n'est pas une bonne période pour les personnes âgées. Un ou deux décès sporadiques par établissement n'ont souvent pas été perçus comme « anormaux ».

Cependant, des éléments concordants sont remontés assez précocement, dès les 6 et 7 août, vers deux des directions de l'administration centrale du ministère de la santé, la direction générale de la santé (DGS) et la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins (DHOS) : des DDASS ont signalé des décès par hyperthermie ; le docteur Patrick Pelloux a joint la DHOS à propos de l'encombrement de son service d'urgences. Dès le 6 août, M. William Dab, responsable « santé publique » au cabinet du ministre, a adressé un e-mail à M. Yves Coquin, qui assurait la direction de la DGS en l'absence du directeur général en vacances, pour souligner le risque d'excès de mortalité. Ensuite, force est de constater que la mobilisation de la DGS, comme celle de l'InVS, dont les missions selon la loi sont pourtant la détection des évènements susceptibles d'altérer la santé publique et l'alerte, ne semble pas avoir été massive. Le directeur général de l'institut a simplement indiqué que les risques climatiques n'avaient pas été inscrits dans le contrat d'objectifs et de moyens en vigueur.

Le lundi 11 août, des dysfonctionnements dans les remontées d'information et dans les communications entre administrations centrales de la santé et avec le cabinet du ministre se sont fait sentir. Comme on le sait, un communiqué à la presse et un mail parlant de « situation maîtrisée » ont été rédigés, l'un au cabinet, l'autre à la DGS, sur la base d'informations remontant en partie au vendredi et fragmentaires car non recoupées entre les différentes directions de l'administration centrale. De fait, la gravité de la situation, sur laquelle le ministre s'est exprimé le soir, a été sous-estimée. Il y eu aussi des problèmes de fonctionnement du cabinet. M. Abenhaïm, lors de son audition, a regretté l'absence de tout spécialiste de santé publique au cabinet du ministre les 11, 12 et 13 août et fait état de la non perception par le cabinet de la situation de crise.

Le secteur « social » de l'administration centrale, représenté par M. Jean-Jacques Tregoat, directeur général de l'action sociale, a été quant à lui informé « officiellement » bien tard, restant isolé des administrations sanitaires et bénéficiant manifestement de peu de remontées du secteur médico-social, puisque c'est le 10 août seulement qu'il a été appelé par une maison de retraite qui ne parvenait pas à trouver de places en funérarium.

Enfin, l'attitude des administrations de sécurité civile pose un réel problème. La polémique sur les remontées venant des pompiers de Paris est publique. La mission a entendu le chef d'unité-adjoint de la brigade le jour même où Le Monde a sorti cette affaire, quelques minutes avant ; ce responsable n'en a pas soufflé mot. La mission a également procédé à l'audition des responsables du COGIC, le Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises. Le COGIC a été informé de la situation grâce à l'intervention télévisée de M. Patrick Pelloux le 10 août et suite à une dépêche AFP. Manifestement, le centre ne s'est guère senti concerné par un évènement perçu, comme il a été dit, davantage comme « une crise sanitaire qu'une crise de sécurité civile ». Dans la capitale, des patrouilles mixtes de policiers et de secouristes ont été mises en place pour contacter les personnes âgées, mais seulement le 15 août.

Il ressort des travaux de la mission que la prévention des conséquences d'un épisode de canicule repose sur deux éléments obligatoires : l'alerte donnée à temps et l'anticipation. En effet, l'alerte météo n'est encore vraiment fiable qu'à trois jours ; il reste, passé ce délai, un à trois jours avant que la surmortalité ne s'installe, brutale. Quand les victimes arrivent à l'hôpital, il est très souvent trop tard. L'intervalle entre l'alerte et le drame humain est donc trop bref pour être réellement utilisé si les mesures à prendre alors n'ont pas été anticipées. Et ces mesures ne sont pas compliquées, il s'agit principalement de conduire les personnes fragiles pendant quelques heures dans des lieux climatisés pour leur permettre de récupérer. Encore faut-il avoir préalablement repéré ces personnes.

Plusieurs dispositifs d'alerte sont possibles et sont évoqués parmi les trente-cinq pistes de réflexion qui figureront dans le rapport. Le suivi des causes de décès en temps réel est un problème connexe. La mission propose par ailleurs l'instauration de plans locaux de solidarité. Ces points feront l'objet d'amendements à la loi de santé publique.

Mis à l'épreuve par la canicule, le système français a révélé une crise non seulement sanitaire mais également sociale

Ces défaillances du système de veille et d'alerte ont placé le système sanitaire et social dans une situation particulièrement difficile, ne lui laissant d'autre choix que de réagir dans l'urgence. La mission considère de façon unanime que tous les acteurs de terrain -services de secours, personnels médicaux, soignants, personnels des établissements pour personnes âgées et des services d'aide à domicile sans oublier les bénévoles - ont eu une attitude exemplaire dans une situation parfois proche du chaos.

On peut considérer que l'ensemble du système sanitaire a su faire face à cette situation même si la crise a mis au jour de réels dysfonctionnements et insuffisances, latents ou déjà connus.

Les médecins généralistes ont fait l'objet de vives critiques. Ils auraient été absents, en vacances, ou présents mais n'assurant pas la permanence des soins la nuit et le week-end La permanence des soins constitue une obligation déontologique et il convient d'en assurer la pleine application. Il y a eu des défaillances individuelles, elles doivent être sanctionnées. Il faut incontestablement améliorer et conforter le dispositif de permanence des soins. On ne peut cependant stigmatiser l'attitude d'une profession qui a été, sauf exception, présente à son poste. La critique souvent émise sur la faible implication des généralistes dans la crise doit être éclairée par un constat quasiment unanime : souvent les victimes de la canicule sont décédées sans un appel au secours ou ont été trouvées dans un tel état que l'on a recouru immédiatement aux services d'urgence. Cela explique que les médecins généralistes aient été court-circuités sans que l'on puisse dire qu'ils ont failli à leur mission.

De ce fait, les moyens d'intervention lourds (SAMU, SMUR, pompiers) et les urgences hospitalières se sont retrouvés en première ligne. Habitués à réagir à des situations imprévues, à des surcharges d'activité, ils ont fait face. Mais ils l'ont fait au prix de grandes difficultés. Outre le nombre élevé de malades se présentant, il a fallu hospitaliser une proportion de ces malades cinq fois supérieure à la moyenne habituelle. Certes, les urgences ont tenu mais on a approché le point de rupture. Confronté à une mortalité comme on n'en a pas connu depuis la dernière guerre mondiale, chaque service d'urgence a dû gérer isolément la catastrophe dans un contexte de pénurie de lits : embouteillage à l'entrée des urgences, encombrement à la sortie, ce n'est que par un réflexe de solidarité de tout l'hôpital que les malades ont pu être accueillis. Les conditions d'accueil voire de traitement des patients en ont certainement souffert. On ne peut plus compter à l'avenir sur des solutions bricolées de ce type. Les urgences doivent être pleinement intégrées dans un hôpital capable de gérer de façon intelligente et fiable ses capacités en lits

Cela ne signifie pas qu'il faille revoir toute l'architecture sanitaire une fois encore. La mission estime que rien ne serait plus préjudiciable que de la déstabiliser pour répondre à la catastrophe du mois d'août sans pour autant nécessairement répondre à l'ensemble des besoins. Il faut simplement l'adapter au vieillissement de la société. Des propositions en ce sens figurent dans les pistes de réflexion dégagées par la mission.

La crise n'est d'ailleurs pas seulement sanitaire. Elle est tout autant sociale.

Le fait que tous les corps des victimes de la canicule n'aient pas été réclamés a vivement - et à juste titre - heurté les esprits. Les membres de la mission ne sont pas moins étonnés et tout aussi choqués de voir qu'un mois après le drame, on ne sait toujours pas avec précision d'où venaient les milliers de victimes, quel était leur mode vie, quelles étaient leurs fragilités. Plus encore qu'en matière sanitaire, les études épidémiologiques seront de ce point de vue d'une importance essentielle.

Un trait commun est pourtant unanimement et constamment mis en avant : cette crise est celle de l'isolement. Elle n'est pas forcément celle de l'abandon. On ne peut pas dire que les familles abandonnent les personnes âgées. Jamais leur implication n'a été aussi forte. L'isolement tient malheureusement pour partie à l'évolution de la démographie et à la modification des structures familiales. Nombre de personnes âgées vivent seules ou en établissements. C'est donc sur les établissements et les services d'aide à domicile chargés de les aider qu'a essentiellement pesée la canicule. La crise a révélé que ni les uns ni les autres n'étaient - en dépit de leurs efforts - préparés à un tel choc.

Les risques induits par la canicule n'étant pas connus, les personnels n'étaient pas formés à réagir en conséquence. A cela s'ajoutent les maux, bien connus ou mis en lumière, de ces structures - pour les établissements, inadéquation de l'architecture au phénomène de canicule, absence quasiment totale de climatisation, tensions des effectifs ; pour les services d'aide à domicile, caractère limité des moyens, redéployés au profit des personnes âgées jugées les plus vulnérables, absence de souplesse dans la gestion des moyens alloués - sur lesquels la mission propose là encore quelques pistes de réflexion.

La difficulté financière a été surmontée cet été, les structures n'hésitant pas devant l'urgence à faire travailler leurs personnels en heures supplémentaires sans s'être préalablement assurées que ces prestations seraient financées. Le problème de fond est celui de la pénurie de personnels formés et désireux de travailler auprès de personnes âgées à domicile ou en établissements.

Ces métiers n'attirent pas. Pourquoi ? Cela renvoie pour partie à la question essentielle posée par la canicule : au travers de la reconnaissance des personnels qui s'occupent des personnes âgées, la question posée à la société est celle du regard qu'elle porte sur ces personnes âgées. Elle renvoie au devoir de solidarité envers les plus vulnérables : la canicule a mis en relief l'isolement de certaines personnes âgées, pas par mépris ou indifférence, mais simplement parce que les réseaux traditionnels n'ont pas su s'adapter au vieillissement de la population. Pourtant, les bonnes volontés existent. Il faut les organiser : la mission entend proposer dans le cadre du projet de loi de santé public la reconstitution d'un maillage social dans chaque commune.

A cette déclinaison locale de la solidarité doit faire écho une solidarité nationale. Ce drame doit permettre de faire progresser l'idée d'un financement par la sécurité sociale de ce que l'on appelle parfois le « cinquième risque », la perte d'autonomie. Il est temps de faire sortir le soutien aux personnes les moins autonomes, personnes âgées en perte d'autonomie mais également personnes handicapées, du champ de la générosité pour les faire entrer dans celui de la solidarité, de transformer des assistés en assurés et de changer ainsi le regard porté sur eux.

Les questions soulevées par la crise sont nombreuses, la mission propose quelques éléments de réflexion pour y répondre. Le travail est entamé : on ne saurait pour autant considérer qu'il est achevé. C'est pourquoi, il est indispensable qu'elle soit suivie par la création d'une commission d'enquête sur la canicule.

M. Claude Evin a rappelé que la mission d'information mise en place par la commission a été voulue par son président et les membres de la majorité au prétexte de préparer l'examen de la loi relative à la politique de santé publique et de la loi de financement de la sécurité sociale. Ce n'était pas la bonne démarche Les députés socialistes regrettent qu'il n'ait pas été possible de commencer dès le mois de septembre un véritable travail d'investigation dans le cadre d'une commission d'enquête. Une réelle volonté de faire rapidement la lumière sur les conditions dans lesquelles s'est déroulée cette crise sanitaire aurait pu justifier la réunion d'une session extraordinaire afin de mettre en place cette commission d'enquête.

Il résulte de cette situation une très grande insatisfaction des députés socialistes tenant à l'impossibilité d'aborder au fond les questions qui se posent autour de cette crise. La mission d'information n'avait pas les pouvoirs d'investigation d'une commission d'enquête et le temps laissé à chaque audition n'a pas permis d'approfondir les éléments évoqués par ses interlocuteurs. Elle n'a pas pu auditionner toutes les personnes qui auraient pu apporter des éléments, éléments qui manqueront donc à l'appréciation à ce stade. C'est ainsi que, malgré la formulation de plusieurs demandes la mission n'a auditionné ni le ministre de l'intérieur, ni le préfet de police de la ville de Paris. De même, il n'a pas été possible d'entendre à nouveau certaines des personnes auditionnées.

Des premiers éléments qu'il a été possible de recueillir dans le cadre de ces auditions, il ressort toutefois des appréciations ou des interrogations à différents égards.

Outre les dysfonctionnements constatés dans les systèmes d'alerte, cette crise est symptomatique du dysfonctionnement de notre système de santé, notamment dans la prise en charge de la dépendance. Cette crise a également mis en évidence le problème sociétal plus vaste de la place de nos aînés. Elle a montré l'obligation pour tous d'intégrer les personnes âgées dans la société et non de les isoler. La poursuite du dispositif de prise en charge de la dépendance, mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin et gelé en 2003, n'aurait sans doute pas permis d'éviter cette crise sanitaire mais en aurait très certainement limité les effets.

Sur le terrain, tant dans la sphère privée que dans les organisations sanitaires et sociales, la mobilisation semble avoir été à la hauteur du drame qui se déroulait. La participation des autres acteurs et notamment de la médecine libérale (médecins et infirmiers) mérite également d'être soulignée. Il y a effectivement eu un cloisonnement important au sein des différents ministères chargés de la gestion de cette crise, mais également entre ces différents ministères, qui n'a pas permis de déclencher l'alerte suffisamment tôt.

Il y a eu une absence totale d'anticipation des effets de la canicule sur la santé. Il faut, à ce stade, relever la confusion parfois opérée dans le rapport entre anticipation, d'une part, et veille, alerte et gestion du risque, d'autre part. Ce n'est pas à l'InVS de définir la politique de santé publique et de diriger la gestion des crises.

A l'exception de quelques travaux très isolés, il n'existe pas de réflexion spécifiquement française sur ce sujet. Ce point est important : il faut par exemple rappeler que les températures atteintes en France au cours de cette période sont restées en deçà des niveaux d'alerte tels que mis en oeuvre aux Etats-Unis.

Le système de veille, d'alerte et de gestion du risque sanitaire n'est pas suffisamment fiable. La culture scientifique française est insuffisante pour expliquer un temps de latence dans la réaction des pouvoirs publics. On ne peut pour autant se satisfaire de cette explication et considérer que le système de veille, d'alerte et de gestion de crise a bien fonctionné. Certes, les premiers signes ne sont pas apparus d'un coup mais par des remontées sur des situations anormales (décès avec hyperthermie, augmentation du nombre d'interventions des pompiers, suractivité des urgences...). L'absence de centralisation, voire la rétention de ces informations, n'a pas permis d'identifier cependant au plus haut niveau de l'administration la survenance progressive d'une situation qui allait se révéler catastrophique. Il faut rappeler que l'InVS n'a pas été destinataire de l'ensemble des informations en la possession des divers services concernés.

Il faut noter que le Comité national de sécurité sanitaire ne s'est pas non plus réuni, ni au moment de déclenchement de la crise, ni ensuite alors que la loi prévoit qu'il se réunit sous la présidence du ministre chargé de la santé « immédiatement en cas de crise sanitaire ».

De même, le COGIC ne s'est senti concerné par la situation que le lundi 11 août. Jusqu'à cette date, apparemment, il n'y avait pas, pour lui, de saturation en termes de sécurité civile.

Par contre, les différents services sanitaires ont rapidement réagi. L'AP-HP a pris diverses mesures dès le 8 août, la DGS a publié le même jour un communiqué rappelant des recommandations sanitaires en cas de forte chaleur et la DHOS a mis en place le lundi 11 août une cellule nationale de crise afin d'être en relation permanente avec les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et les établissements de santé. On ne peut donc pas dire qu'il n'y a pas eu de mobilisation de leur part.

Le rapport a insisté sur la trop lente mobilisation des administrations mais il a totalement passé sous silence la non-réaction des ministres eux-mêmes. Ceux-ci ne semblent pas avoir perçu à temps la gravité de la crise. Les responsabilités n'incombent donc pas seulement aux administrations. De plus, la mission d'information a eu connaissance des rapports décrivant les actions menées par l'INVS, la DHOS et la DGS mais n'a rien obtenu d'équivalent pour ce qui concerne la façon dont le cabinet du ministre de la santé a géré la crise. On sait, par exemple, qu'il n'y avait pas, le 11 août, de spécialiste des questions de santé publique au cabinet du ministre, alors qu'à la suite des températures très élevées dans la nuit du dimanche au lundi, cette journée marque une étape nouvelle dans l'aggravation de la situation. Ce dysfonctionnement est sans doute à l'origine de l'erreur de communication du ministre de la santé lors de son interview télévisée du lundi soir.

Pourquoi ne pas avoir simplement reconnu les erreurs ? La persistance pendant plusieurs jours de certains membres du gouvernement à considérer que les témoignages des urgentistes ou que les questions posées n'étaient que « polémiques » ou « politiciennes » n'ont pas permis de passer les messages qui s'imposaient et de prendre au niveau adéquat les décisions qui auraient éventuellement pu, au début de cette deuxième semaine d'août, limiter les effets de la canicule. Elle n'a pas permis une communication gouvernementale suffisamment rapide et forte qui aurait sans doute mieux mobilisé l'ensemble des acteurs concernés par la prise en charge des personnes fragiles et particulièrement des personnes âgées. Il faut, à cet égard, particulièrement regretter le silence total du ministre des affaires sociales pendant cette période alors qu'il assure la tutelle du secrétariat d'État aux personnes âgées en vertu d'un découpage de l'action gouvernementale discutable.

Enfin, cette crise a sans doute mis en évidence l'insuffisante place faite aux personnes âgées dans notre société et révélé les retards de notre pays concernant leur prise en charge. Afin de commencer à rattraper ce retard, le gouvernement précédent avait mis en place une politique ambitieuse qui a été stoppée ou réduite en 2003 : plan de médicalisation des maisons de retraites, remise en cause des critères d'attribution de l'APA, plan de soutien à la gériatrie dans les hôpitaux et aux personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer ainsi qu'à leurs familles... Le fait que certains établissements pour personnes âgées aient du envoyer aux urgences les personnes les plus fragiles est le révélateur de cette insuffisance de moyens d'encadrement dans les établissements sociaux et médico-sociaux.

Cette crise appelle donc des mesures à des niveaux divers. Outre l'attention particulière à porter à la prise en charge des personnes âgées, des mesures doivent être envisagées concernant l'organisation de l'ensemble de notre système de soins. La tension qui s'est manifestée dans les services d'urgence est un symptôme du dysfonctionnement de notre système de santé, elle n'en est pas la cause. C'est parce que la prise en charge des personnes fragiles n'a pas bien fonctionné en amont que ces personnes se sont retrouvées dans les services d'urgence et c'est parce que les hôpitaux n'avaient pas immédiatement des lits en aval qu'elles y sont parfois restées anormalement longtemps. Il ne s'agit pas uniquement d'améliorer la permanence des soins. Ce constat oblige à travailler sur l'organisation des soins ambulatoires en réseaux, sur l'organisation des hôpitaux qui manquent autant de capacité d'adaptation dans leur gestion que de moyens financiers et à développer la recherche dans le secteur des personnes fragiles.

Le fait de n'avoir pu, compte tenu des délais de travail de la mission d'information, approfondir suffisamment les conditions dans lesquelles a été gérée cette crise sanitaire est source d'insatisfaction. La commission d'enquête devra donc permettre de réellement faire la transparence sur les responsabilités personnelles et collectives. Dans l'immédiat, l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale permettra de présenter des amendements pour rétablir les financements nécessaires à la médicalisation des maisons de retraite et un meilleur accès à l'APA.

Tout en reconnaissant que les travaux de la mission d'information se sont bien déroulés, que les commissaires ont pu exercer leur liberté de parole et disposer de beaucoup de documentation, Mme Catherine Génisson a cependant contesté son principe même. Organisées dans l'urgence, les auditions ont été trop rapides, incomplètes et n'ont pas permis d'approfondir un certain nombre de points, comme notamment le rôle des pompiers de Paris. Elles ont en revanche confirmé la réalité de l'engagement de tous les acteurs de terrain, ainsi que des familles qu'il n'y a pas lieu de culpabiliser.

La crise de cet été est le symptôme d'un dramatique dysfonctionnement sanitaire et met en évidence les graves conséquences du coup d'arrêt donné par le gouvernement à la politique de prise en charge des personnes âgées lancée par la précédente majorité. Par ailleurs, tout le monde a pu constater le dysfonctionnement des pouvoirs publics. On ne pourra pas, sur ce sujet, se contenter des analyses partielles et imprécises du rapport d'information qui est présenté aujourd'hui, alors que la mission n'a pas pu disposer de toutes les informations sur la crise de cet été, notamment sur ses conséquences réelles en termes de mortalité et de morbidité. Le travail de la mission d'information n'a pu être que partiel et précipité. Il aurait donc été plus raisonnable d'attendre la commission d'enquête pour formuler des propositions, qui en l'état, sont de niveaux extrêmement différents, semblent peu expertisés et constituent un subterfuge.

Le président Jean-Michel Dubernard a regretté que les commissaires socialistes contestent maintenant le principe de la création de cette mission d'information, alors que leur groupe n'était pas représenté à la réunion du bureau de la commission qui s'est tenu le 26 août sur ce sujet.

Mme Catherine Génisson a expliqué que, la convocation ayant été envoyée au tout dernier moment, elle n'avait pas pu se décharger de sa garde hospitalière.

M. Bernard Accoyer a regretté que les commissaires socialistes contestent l'utilité de la mission d'information du fait de la rapidité de ses travaux. Il est du devoir des députés de savoir parfois travailler dans l'urgence.

M. Maxime Gremetz a observé que le rapporteur a présenté son rapport et ses conclusions aux membres de la mission hier à 18 h 30, ce qui leur a laissé peu de temps pour en prendre connaissance et pouvoir y réagir. La mission a travaillé pendant un temps très court à un rythme très rapide. Elle a procédé à de très nombreuses auditions mais, curieusement, pas à celle du ministre de l'intérieur, pourtant au cœur du dispositif de sécurité civile. Les membres de la mission ont également beaucoup appris grâce aux documents qui leur ont été communiqués, et notamment les annexes non publiées du rapport Lalande. Cependant, tout cela ne suffit pas pour être en capacité de faire de véritables propositions. Il convient donc avant tout de rester modeste et de se donner, grâce à la commission d'enquête, les moyens d'approfondir la connaissance de la crise sanitaire qu'a traversée notre pays cet été et de ses causes.

Les conditions de travail de la mission d'information confirment le bien fondé de la demande, déposée le 20 août dernier par le groupe des député-e-s Communistes et Républicains, de la création d'une commission d'enquête.

Si la mission a pu entendre les principaux responsables des administrations concernées, certains documents n'ont jamais été fournis. En particulier, les sapeurs pompiers de Paris n'ont pas fourni à la mission les chiffres relatifs à leurs interventions et au nombre de décès qu'ils ont pu constater. Malgré les auditions réalisées et les nombreux documents fournis, les députés ne sont donc toujours pas en mesure de connaître tous les aspects de la réalité et encore moins les enseignements définitifs susceptibles de permettre de dégager des propositions concrètes et réfléchies. De même, il n'est pas acceptable que la mission n'ait pas pu entendre le ministre de l'intérieur, pourtant placé au cœur du dispositif d'alerte et de gestion des crises. C'est pourquoi il convient de rester modeste et de poursuivre les travaux. A cet égard, la commission d'enquête demeure l'instrument approprié.

Pour ce qui concerne le rapport de la mission d'information et ses conclusions, ils tendent à minimiser la responsabilité du gouvernement et des ministres concernés. En effet, les cabinets des ministres de l'intérieur, de la santé et de la solidarité ont été alertés dès le 8 août. Dans ces conditions, il est incompréhensible que le ministre de l'intérieur n'ait pas, dès le 8 août, organisé l'indispensable coordination interministérielle ni pris de mesures particulières. Cette situation a conduit les divers services concernés à fonctionner sans directives. Cette carence révèle l'incurie du gouvernement. De fait, comme l'ont souligné nombre des personnes entendues par la mission, tout aurait été différent si deux jours avaient pu être gagnés dans le déclenchement des actions à conduire.

Le rapport de la mission conduite par Mme Lalande a choisi de désigner comme boucs émissaires les hauts responsables de santé relevant de la DGS et la DGAS. Pour sa part, le rapport de M. Denis Jacquat élève la responsabilité au niveau du cabinet des ministres. Ce n'est pas encore à ce niveau qu'est la responsabilité.

Le rapport de la mission d'information parle abondamment d'organisation nouvelle, de dispositifs plus opérants à mettre en place, d'améliorations sensibles à apporter à notre système de santé ainsi que de redéploiement de moyens. Cependant, les propos tenus par les responsables entendus par la mission attestent que le drame a révélé l'existence d'une situation explosive existant depuis plusieurs années dans les hôpitaux, les services d'urgences et les maisons de retraite. Il est impératif de doter les services d'accueil de personnes âgées des moyens humains nécessaires. A cet égard, il est étonnant que le rapport n'identifie pas cet élément comme prioritaire.

Dans ces conditions, il n'est pas possible d'approuver le contenu du rapport. Pour ce qui concerne les recommandations que celui-ci contient, elles souffrent du même défaut : elles ne vont pas au cœur de la problématique.

Après avoir reconnu le contexte difficile dans lequel se sont déroulés les travaux de la mission d'information, M. Claude Leteurtre a estimé qu'il convient de demeurer objectif et de dégager des lignes de force.

Il n'est pas acceptable qu'à ce jour le nombre de décès et les statistiques précises relatives à ces décès ne soient pas connus. Le phénomène le plus choquant est bien l'incrédulité générale d'un grand nombre d'acteurs devant la réalité du drame. Ainsi, la France centralisée n'a pas fonctionnée et il a fallu faire face aux évènements sur le terrain. C'est ainsi que les médecins généralistes ont su faire fonctionner leurs réseaux en milieu rural. S'agissant de la médecine de ville, SOS Médecins, notamment, a normalement fonctionné. Quels que soient les dispositifs prévus, on constate que la structure n'a pas pu anticiper les faits malgré le nombre non négligeable des précédents. Une telle situation révèle l'impérieuse nécessité de la mise en place d'un système d'alerte en temps réel fiable.

D'autres questions sont soulevées : celle de l'organisation hospitalière, avec le problème de la médecine polyvalente, qui doit pouvoir intégrer les médecins généralistes ; celle du secteur médico-social, qui a fait face à la crise de façon inégale. En tout état de cause, c'est le manque de coordination entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social qui est le plus remarquable. A cet égard, il serait souhaitable que les ARH prennent en charge la gestion du domaine social. Il faut donc prolonger les travaux de la mission d'information dans le cadre d'une commission d'enquête.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler a tout d'abord insisté sur l'absence totale d'anticipation des pouvoirs publics et s'est interrogée sur les causes de cette carence. Pourtant, les risques liés à la chaleur pour les personnes âgées étaient connus, puisqu'une circulaire du secrétaire d'État aux personnes âgées datée de 2002 y est consacrée. Elle a ensuite fait les réflexions suivantes :

- Il est clair que les cabinets ministériels ont connu un certain nombre de dysfonctionnements.

- Il est faux de dire, comme le fait le gouvernement, que la cause de ce drame réside dans une crise de la société française car sur le terrain la mobilisation a été exemplaire. La véritable question est de savoir pourquoi il n'y a pas eu d'alerte et de mobilisation générales ; il a manqué un plan de communication national.

- Le rapport ne laisse pas suffisamment apparaître le problème fondamental de la séparation entre les secteurs sanitaire et social, qui est à l'origine de nombreux dysfonctionnements, y compris sur le terrain.

- Il est regrettable que le plan en faveur des maisons de retraite, qui a été voté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, ait été suspendu car la mise en place de moyens en personnel dans ces établissements est particulièrement nécessaire.

- Le temps imparti à cette mission d'information était à l'évidence trop court, mais ses travaux doivent orienter ceux de la future commission d'enquête vers la prise en compte du vieillissement de la population.

M. Jean-Marie Le Guen s'est félicité que les travaux de la mission d'information participent d'une prise de conscience de la gravité d'un sujet qui suscite des attentes parmi les citoyens et ne peut être exempt de conséquences politiques. Dans cette perspective, le rapport de la mission d'information, qui ne satisfait pas le groupe socialiste, témoigne tout au moins de la prise en compte de l'intérêt général et de l'acuité de la question.

M. Bernard Accoyer a souligné le caractère constructif de ce rapport élaboré dans l'urgence en vue d'améliorer le dispositif actuel. Il a fait part des réflexions suivantes :

- L'heure n'est pas au ton accusateur ni à la recherche de boucs émissaires, mais plutôt au regard dépassionné sur les phénomènes inéluctables que sont le vieillissement de la population, le changement climatique, l'émergence des risques environnementaux.

- Les systèmes d'alerte existants sont orientés exclusivement vers les risques épidémiologiques et toxiques, il convient de les diversifier.

- Si les crédits en faveur des maisons de retraites ont été en partie gelés, c'est parce qu'il a été nécessaire de les redéployer vers d'autres dispositifs non financés par le précédent gouvernement. Au surplus la mobilisation dans ces établissements prouve que ce ne sont pas tant les moyens qui ont fait défaut que les informations.

- Il n'y a pas eu de communication en temps réel sur l'évolution de la mortalité, ni au plan national ni de manière locale.

M. Georges Colombier a souligné que la mission d'information a le mérite d'exister et que sa durée limitée explique son caractère non exhaustif. Il convient de rappeler que la réforme de l'APA votée au mois de mars a pour objet d'assurer le financement de cette allocation pour l'année 2003. Au-delà de cette réforme, le financement de la dépendance et sa pérennité nécessitent un débat au Parlement. En tout état de cause l'analyse de la crise sanitaire liée à la canicule requiert de l'humilité de la part de tous les groupes politiques car les causes ne sont pas d'apparition récente.

M. Jean-Marie Rolland a souligné que la crise de l'été 2003 a surtout mis en lumière un problème de société, le regard porté sur le vieillissement. Il existe un autre aspect : le rôle des médias, qui a été critiqué par les intervenants devant la mission.

M. Jacques Domergue a rappelé que la crise de cet été a fait l'objet d'une mauvaise appréciation à tous les niveaux. Il est nécessaire de se garder de jugements a posteriori et de conserver à l'esprit qu'un gain de 48 heures n'était pas de nature à éviter le drame. Il est tout aussi souhaitable d'éviter les excès et les jugements corporatistes, car la crise est avant tout sociale, plutôt que sanitaire. Il est évident qu'en ce qui concerne l'hôpital, l'essentiel des moyens sont affectés aujourd'hui aux urgences aux dépens des autres services ; il n'est pas possible de réclamer toujours plus de moyens en personnel.

M. Dominique Paillé a tout d'abord salué le travail remarquable accompli par le président de la mission d'information, dans un large esprit d'ouverture et de tolérance, qui a permis d'éclaircir les conditions de la crise sanitaire de cet été.

Les conclusions du rapport appellent les trois observations suivantes :

- Une grande humilité est tout d'abord nécessaire, dans la mesure où les travaux de la mission d'information se sont déroulés sur cinq jours d'auditions et dix journées de travail. Il n'a donc pas été possible d'embrasser tous les aspects de cette question. C'est pourquoi les recommandations de la mission d'information doivent être davantage considérées comme des orientations que comme des propositions à mette en œuvre immédiatement.

- En second lieu, il convient d'éviter tout esprit polémique sur cette question, puisque les dysfonctionnements constatés par la mission d'information ne datent pas d'aujourd'hui. Chacun doit dès lors assumer sa part de responsabilité.

- Enfin, les préconisations de la mission ne doivent pas conduire à accroître les maux dont nous souffrons déjà. En effet, les dysfonctionnements révélés par cette crise ne concernent pas, à titre principal, les urgences ou les hôpitaux de façon plus générale. II s'agit surtout d'une crise sociale et d'un défaut de prise en charge des personnes âgées à domicile. C'est donc tout sauf une crise hospitalière. Or, si l'on continue d'adopter cette conception « hospitalo-centriste » et que l'on concentre tous les moyens au ministère de la santé, il ne sera pas possible de résoudre les problèmes qui se sont posés cet été.

M. Bernard Perrut a pour sa part indiqué que, s'il n'a pas été membre de la mission d'information, il a pu, à travers l'organisation de tables rondes au niveau local, mesurer la gravité de la crise sanitaire liée à la canicule. A cet égard, la proposition de mise en place de plans locaux de solidarité constitue une avancée importante, dans la mesure où il est nécessaire de mieux associer les élus locaux, et en particulier les maires. Il s'agit là d'une mesure simple à mettre en œuvre et qui permettrait de responsabiliser davantage les élus, les professionnels de la santé et les associations de soins à domicile. Tout ne peut reposer sur l'accumulation de moyens.

Mme Henriette Martinez a tout d'abord indiqué que, pour des raisons familiales, elle s'est rendue pendant plusieurs semaines dans des cliniques et des établissements d'hospitalisation de long séjour au cours de l'été et qu'elle n'a pas constaté de situation exceptionnelle, mais la présence, au contraire, d'un personnel dévoué et compétent. Il est vrai cependant que, dans le Midi, les établissements de santé sont plus habitués à gérer de tels phénomènes.

Il serait par ailleurs souhaitable que les travaux de la commission d'enquête ne se limitent pas à la canicule et portent sur les variations climatiques en général. En effet, on a pu observer, à chaque hiver rigoureux, des augmentations des décès de personnes âgées, en particulier dans les Hautes-Alpes.

Le président Jean-Michel Dubernard a précisé que la proposition de résolution déposée par M. Jacques Barrot prévoit déjà que les travaux de la commission d'enquête portent sur les conséquences de l'ensemble des variations climatiques.

Rejoignant les propos tenus par Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Jean-Luc Préel a souligné que la crise a révélé des problèmes de société majeurs concernant la prise en charge des personnes âgées. Toutefois, il serait abusif d'en attribuer la seule responsabilité aux familles, qui se sont réellement mobilisées. Nous sommes tous responsables de cette situation, car nous n'avons pas fait tout ce qu'il était possible de faire. Par exemple, des bulletins d'informations ont été régulièrement diffusés à la radio concernant la protection contre le mélanome, mais pas sur les mesures de prévention concrètes à prendre contre l'hyperthermie.

S'il est vrai qu'il ne s'agit pas uniquement d'un problème de moyens humains et financiers, il reste que les maisons de retraite ont rencontré de graves difficultés, dues notamment à un manque de formation, de personnel et de coordination. Il en est de même pour les urgences hospitalières qui, pour beaucoup, fonctionnent en flux tendus, en raison d'une insuffisance de lits, en particulier en gériatrie.

Approuvant les propos tenus par M. Jean-Luc Préel, Mme Catherine Génisson a souligné la nécessité de renforcer le personnel des maisons de retraite, qui doivent également être mieux organisées. Toutefois, il est également nécessaire, notamment en milieu rural, de ne pas définir des normes trop contraignantes qui les empêcheraient de fonctionner.

Après avoir rappelé que la méthode consistant à créer une mission d'information puis une commission d'enquête l'avait à l'origine laissé perplexe, M. René Couanau a estimé que les travaux de la mission ont permis d'éviter des débats visant, sous le coup de l'émotion, à rechercher des boucs émissaires. Il est toutefois regrettable que les travaux de la mission n'aient pas permis d' « objectiver » davantage la crise sanitaire de cet été, en réalisant une typologie des décès, selon leurs lieux (urgences, domicile) ou les personnes concernées. Faute de procéder à cette analyse objective « à froid » de la situation, des accusations non fondées peuvent en effet être portées. Or, cette analyse n'a pas été possible en raison des brefs délais impartis à la mission, mais également du choix des personnes auditionnées.

Outre les problèmes concernant les maisons de retraite et les hôpitaux, l'organisation de l'Etat doit également être repensée, et c'est précisément l'objet du projet de loi relatif à la politique de santé publique. On ne saurait en effet confondre, comme c'est le cas actuellement, la décentralisation des actions en matière de santé et la nécessaire centralisation des informations dans ce domaine.

Il est donc regrettable que le rapport d'information n'ait pu qu'imparfaitement remplir son rôle de préparation de la commission d'enquête, dont les travaux ne doivent pas porter uniquement sur les dysfonctionnements, mais sur une analyse objective de la crise sanitaire, afin de prendre en compte la diversité des situations.

Mme Jacqueline Fraysse a souligné que, face à cette catastrophe, il ne s'agit pas de se lancer des invectives, mais qu'il convient effectivement d'en rechercher les causes et les conditions de façon objective, afin d'éviter qu'elle ne se reproduise. Comme l'a souligné M. Jean-Luc Préel, il est également nécessaire de renforcer le personnel dans les maisons de retraite, dans la mesure où des gestes très simples auraient pu permettre d'éviter de nombreux décès. La France a connu une situation exceptionnelle ; il ne s'agit donc pas de critiquer le fait que tout n'était pas prévu, mais de souligner la nécessité d'une organisation plus efficace dans ces situations. Enfin, la création de postes dans les urgences, obtenue à l'issue des mouvements sociaux conduits avant l'été, a sans doute permis d'éviter que la crise ne soit plus grave encore.

M. Claude Evin a formulé les remarques suivantes :

- Il est important de comprendre l'ensemble des processus pour savoir où il y a eu des dysfonctionnements et proposer des modifications. Il est ainsi un peu facile de pointer la seule responsabilité de l'Institut de veille sanitaire alors qu'il y a bien d'autres services, voire des responsables politiques, qui se sont mobilisés mollement pendant la crise.

- Il faut éviter de dire que la crise était évitable ou prévisible car les événements se sont déroulés de manière très compliquée. Il importe donc d'abord de décortiquer l'ensemble des modes de fonctionnement, lesquels dépendent de situations très différentes d'une région à l'autre, voire au sein d'une même région.

M. Gérard Bapt a formulé les observations suivantes :

- Quand on étudie la situation des urgences cet été dans la région de Toulouse, on constate qu'il y a eu des problèmes d'admission aux urgences à l'hôpital de Toulouse, mais pas dans les hôpitaux locaux de la région. D'ailleurs, l'hôpital de Toulouse, a décidé de créer, à la demande des urgentistes, des lits d'aval avant répartition dans les spécialités.

- Alors que des associations ont fait passer avant l'été des circulaires d'information destinées aux auxiliaires de vie pour leur indiquer ce qu'il convient de faire en cas de canicule, on peut s'étonner qu'aucune initiative n'ait été prise au niveau central.

- A l'appui de la treizième proposition du rapporteur, consistant à se donner les moyens d'un système de détection, on a pu constater que les cellules interrégionales de recherche épidémiologique (CIRE) sont restées à l'écart de toute information pendant l'été, n'ayant été saisies par personne, alors qu'elles disposent d'experts compétents. De la même façon, il serait possible de généraliser le système Sentinelle mis en place avec les médecins généralistes libéraux, qui ne fonctionne actuellement que pour la grippe en hiver, et pourrait être étendu aux gériatres et fonctionner toute l'année.

- Alors qu'on peut approuver la vingt-septième proposition du rapporteur concernant les personnels des services d'aide à domicile, il faut regretter la décision de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui a retiré l'agrément d'un accord de branche des auxiliaires de vie leur accordant un certain nombre de revalorisations, par un arrêté publié au Journal officiel du 9 août.

En réponse aux intervenants, M. Denis Jacquat, président de la mission, a rappelé que le bureau de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a décidé à la fin du mois d'août la création de cette mission afin de faire le point rapidement sur la situation, car une commission d'enquête ne pouvait pas être créée, le Parlement n'étant alors pas en session, et qu'elle ne rendrait ses travaux qu'au terme de six mois. La mission s'est cependant heurtée au manque de données épidémiologiques. Pour autant, il ne faut pas considérer le drame qu'a connu la France cet été, avec des pics de surmortalité, dans un esprit polémique, mais il faut au contraire être constructif, en allant à la recherche des causes et en proposant des pistes pour mieux anticiper de telles crises par un véritable système d'alerte. Par exemple, Météo France a mis en place un dispositif d'alerte « grands froids », mais pas de dispositif symétrique « canicule ».

Le président Jean-Michel Dubernard a estimé que la qualité des interventions des nombreux orateurs souligne la pertinence de la décision de créer une mission d'information.

En application de l'article 145 du Règlement, la commission a décidé le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

*

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Denis Jacquat, les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête de M. Jean-Marc Ayrault sur les dysfonctionnements du système de santé face à la canicule (n° 1056), de M. Alain Bocquet sur les conséquences sanitaires, économiques, sociales et environnementales de la canicule et sur la gestion par l'Etat de ses effets (n° 1057), de M. Jacques Barrot sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule (n° 1059) et de M. Hervé Morin sur les causes et les conséquences humaines, politiques, économiques et environnementales de la canicule (n° 1062).

M. Denis Jacquat, rapporteur, a indiqué que tous les groupes politiques ont déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la canicule. Ces propositions étant toutes juridiquement recevables, deux questions sont à trancher : est-il opportun de créer une commission d'enquête ? Si oui, quel doit être son champ d'investigations ?

Sur le premier point, il n'existe aucun doute : la création d'une commission d'enquête est indispensable. Il a été clairement affirmé, dès le début des travaux de la mission d'information, que les deux démarches ne sont pas contradictoires mais complémentaires.

A la lumière du rapport de la mission d'information, la commission d'enquête présente, à plusieurs titres, un intérêt majeur :

- L'horizon temporel n'est pas le même et les délais dont bénéficiera la commission d'enquête devraient lui permettre d'aborder de manière plus approfondie l'ensemble des thèmes abordés par la mission d'information.

- La commission d'enquête disposera de données pour le moment inaccessibles telles les études épidémiologiques en cours de réalisation ; celles-ci permettront notamment d'apporter des réponses à de nombreuses questions encore en suspens.

- Elle pourra, notamment grâce aux moyens d'investigation qui lui seront dévolus, éclairer certaines contradictions relevées lors des auditions réalisées par la mission.

- Elle pourra enfin aborder des thèmes qui n'ont été qu'effleurés, voire simplement évoqués, par la mission d'information ; on peut citer, à titre d'exemple, la manière dont nos voisins européens ont traversé la même période, la question du lien entre le climat et la santé, l'incidence sanitaire de la canicule, au-delà des décès qu'elle a provoqués, ses effets sur les actifs compte tenu des conditions de travail.

Au-delà des réponses urgentes apportées, notamment par le biais d'amendements au projet de loi relatif à la politique de santé publique, et des pistes de réflexion suggérées par la mission, le champ de la réflexion et de l'analyse est donc vaste et justifie à l'évidence la création d'une commission d'enquête.

Quel doit en être le champ ? Les quatre propositions de résolution portent toutes sur la canicule, d'où leur examen conjoint, mais n'en présentent pas moins des différences significatives dans le champ d'investigations proposé.

La proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault (n° 1056) porte sur « les dysfonctionnements du système de santé face à la canicule ». L'exposé des motifs précise que les investigations porteront sur l'analyse de « la chaîne de responsabilité à l'origine du manque de réactivité des pouvoirs publics ». Elle est donc centrée sur la dimension sanitaire de la crise. Or, les travaux de la mission d'information ont montré à quel point cette crise était autant sociale que sanitaire. Le champ de la proposition apparaît trop restrictif.

La proposition de résolution de M. Alain Bocquet (n° 1057) propose de centrer les travaux sur « les conséquences sanitaires, économiques, sociales et environnementales de la canicule et sur la gestion par l'Etat de ses effets ». A la différence de la précédente, le champ d'investigations apparaît très large ; sont ainsi évoquées naturellement la politique de santé et la protection sociale, mais également « les dispositions mises en œuvre pour la sécurité civile, la lutte contre les incendies, la protection des personnes et des biens, la production d'énergie électrique et le respect des écosystèmes », mais aussi les conséquences de la canicule pour l'agriculture et l'élevage. Tous ces thèmes méritent assurément réflexion mais certains d'entre eux constituent des sujets à part entière et ont, comme ceux ayant trait aux conséquences sur l'agriculture et l'élevage, déjà fait l'objet de nombreuses réflexions et trouvent des solutions dans les dispositifs publics existants. La spécificité de la canicule de 2003, c'est son terrible bilan humain ; c'est bien la dimension sanitaire et sociale du drame qui doit être au cœur des travaux de la commission d'enquête. Les questions sont suffisamment nombreuses et complexes pour que l'on ne courre pas le risque de la dispersion.

Cette observation vaut également pour la proposition de résolution de M. Hervé Morin (n° 1062) tendant à la création d'une commission d'enquête sur « les causes et les conséquences humaines, politiques, économiques et environnementales de la canicule ».

Le champ retenu par la proposition de résolution de M. Jacques Barrot (n° 1059) tendant à la création d'une commission d'enquête sur « les conséquences sanitaires, et sociales de la canicule » semble en revanche pleinement correspondre aux questions soulevées par le drame essentiellement humain, ce qui lui a valu d'être précédemment retenu par les travaux de la mission d'information.

En conséquence, le rapporteur propose à la commission l'adoption de la proposition de résolution n° 1059, les propositions de résolution n°s 1056, 1057 et 1062 devenant dès lors sans objet.

M. Maxime Gremetz a indiqué que le groupe communiste a déposé, dès le mois d'août, une demande de commission d'enquête sur les conséquences et la gestion de la crise liée à la canicule et que le groupe UMP n'aurait pas proposé également de créer une commission d'enquête sans cela. Si le texte de la proposition de résolution de M. Alain Bocquet est préférable, car plus large, le groupe communiste se rallie à la proposition de M. Jacques Barrot, l'essentiel étant de créer rapidement une commission d'enquête.

Puis, la commission a examiné un amendement présenté par M. Claude Evin à l'article unique de la proposition de résolution de M. Jacques Barrot (n° 1059), étendant le champ de la commission d'enquête à l'analyse des dysfonctionnements du système de santé et à la recherche des responsabilités individuelles et collectives à l'origine du manque de réactivité des pouvoirs publics.

Après que M. Claude Evin a estimé nécessaire de faire toute la lumière sur la chaîne des responsabilités pendant la période de crise pour bien apprécier les mesures à prendre, le rapporteur a donné un avis favorable à cet amendement, souhaitant souligner par ce geste la volonté de la majorité de faire un diagnostic complet du déroulement de la crise.

La commission a adopté l'amendement, puis la proposition de résolution n° 1059 ainsi modifiée. En conséquence, les propositions de résolution n°s 1056, 1057 et 1062 sont devenues sans objet.

*

La commission a poursuivi l'examen, sur le rapport de M. Jean-Michel Dubernard, du projet de loi relatif à la politique de santé publique (n° 877)

TITRE IER

POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE

Chapitre 1er

Champ d'application et conditions d'élaboration

Article premier (articles L. 1411-1 à L. 1411-5 et L. 1413-1 du code de la santé publique) : Politique de santé publique nationale

Article L. 1411-1 du code de la santé publique

Dans le souci de limiter la longueur des débats, M. Jean-Marie Le Guen a indiqué qu'il ne ferait qu'une intervention pour l'ensemble des amendements déposés par le groupe socialiste sur les articles 1er à 5 du projet de loi. La commission a effectué un travail préliminaire important. Les nombreuses auditions qu'elle a conduites ont permis de dresser un état précis du système de santé publique. Cependant, le groupe socialiste est inquiet devant la conception du rôle de l'Etat développée par ce texte, tout particulièrement à la lumière des évènement de cet été. En effet, cette conception est en contradiction avec la nécessaire réforme de l'Etat. Le projet de loi préconise ainsi une centralisation du système de santé et semble marquer une défiance vis-à-vis des structures décentralisées et de la société civile qu'il marginalise. Les amendements déposés par le groupe socialiste combattent cette approche.

En outre, il n'apparaît pas souhaitable de procéder à la fusion d'organismes dont les missions sont très différentes. Ainsi le Haut conseil de la santé publique est un organe politique d'expertise à long terme tandis que Conseil supérieur d'hygiène publique de France est une structure technique de court terme. De la même manière quel sens aurait la fusion du Comité national de la sécurité sanitaire, organe de gestion de crise, et du Comité technique national de prévention, qui travaille à moyen ou à long terme ? Combattre une telle approche ne relève pas de l'idéologie mais du bon sens.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur, a indiqué que la plupart des amendements du groupe socialiste visent à revenir au texte de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Or cette loi, satisfaisante dans de nombreux domaines, est aujourd'hui en partie inappliquée car inapplicable. Concernant la mise en place du Haut conseil de la santé publique, la logique de fusion s'impose en termes d'efficacité dans la mesure où elle a pour but de regrouper différentes instances certes différentes mais complémentaires. Cette fusion répond en outre à une logique de simplification administrative.

Après que le rapporteur a donné un avis défavorable à l'amendement de M. Jean-Marie Le Guen visant à ce que la politique de santé publique s'inspire de la charte de promotion de la santé dite « charte d'Ottawa », la commission a rejeté cet amendement.

Puis, la commission a examiné un amendement de M. Jean-Luc Préel visant à associer les professionnels, associations et industriels de la santé à la définition de la politique de santé publique.

M. Jean-Luc Préel a présenté l'esprit général des amendements déposés par le groupe UDF sur le projet de loi. Ils répondent à trois grands principes. Premièrement la prévention en matière de santé relève des prérogatives de l'Etat et, à ce titre, il appartient au ministre chargé de la santé d'en définir les priorités. Cependant, au niveau régional, cette mission doit revenir au responsable de l'agence régionale de la santé plutôt qu'au préfet. Deuxièmement, les conseils régionaux de santé doivent être maintenus mais les membres qui les composent devront être élus. Troisièmement, l'Etat, pour définir les besoins en matière de santé au niveau local, doit s'appuyer sur le réseau associatif constitué par les comités départementaux d'éducation pour la santé (CODES) au niveau départemental et les comités régionaux d'éducation pour la santé (CRES) au niveau régional.

Le rapporteur a précisé qu'il connaît bien les préoccupations de M. Jean-Luc Préel et qu'il les partage en partie, notamment pour ce qui est de la prévention comme mission régalienne de l'Etat. Il a émis un avis défavorable à cet amendement au motif qu'il a déposé un amendement prenant en compte la place des usagers par le rétablissement des conférences régionales de santé.

La commission a rejeté cet amendement.

Puis, la commission a rejeté trois amendements de M. Jean-Marie Le Guen visant, le premier, à ce que l'application de la politique de santé soit évaluée annuellement par la Conférence nationale de santé, le deuxième, à ce que la politique de dépistage, dans une approche populationnelle, s'adresse en premier lieu aux populations fragilisées et, le troisième, à ce que la politique de prévention prenne en compte le développement ou l'aggravation des maladies.

La commission a ensuite rejeté un amendement de M. Jean-Marie Le Guen visant à mettre en place le dépistage précoce de toutes les maladies, après que le rapporteur a indiqué que la politique de prévention inclut le dépistage.

Puis, la commission a examiné un amendement de M. Jean-Marie Le Guen visant à réduire les inégalités face à la santé par la promotion de la santé et par le développement de l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire.

Le rapporteur ayant émis un avis favorable, dans la mesure où l'amendement précise utilement la définition de la politique de santé publique, la commission l'a adopté.

La commission a ensuite rejeté un amendement de M. Jean-Luc Préel visant à intégrer dans les programmes de santé des actions présentées ou développées par des professionnels, associations ou industriels de santé, ainsi que deux amendements de M. Jean-Marie Le Guen visant à rétablir la conférence nationale de santé et les conseils régionaux de santé supprimés par le présent texte.

La commission a rejeté un amendement de M. Jean-Marie Le Guen ayant pour objet de rétablir l'article L. 1411-4 du code de la santé publique dans sa rédaction actuelle en ajoutant la notion de « populations fragilisées »

Article L. 1411-2 du code de la santé publique

La commission a examiné un amendement de M. Jean-Luc Préel visant à ce que la loi définisse les objectifs de la politique de santé publique tous les ans et non tous les cinq ans comme le précise le projet de loi.

Le rapporteur a indiqué que le projet prévoit que le suivi de la mise en œuvre de la loi est annuel tandis que l'évaluation a lieu tous les ans. De plus, l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (OPEPS) peut intervenir quand il le juge nécessaire.

La commission a rejeté cet amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Jean-Marie Le Guen visant à compléter cet article afin que la mention des moyens et de la méthodologie adoptée apparaisse dans le rapport annexé. Après que le rapporteur a indiqué que l'amendement est déjà satisfait par la rédaction du rapport annexé, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de Mme Martine Billard visant à intégrer dans le rapport du Haut conseil de la santé publique l'état des inégalités socioprofessionnelles et les disparités géographiques relatives aux problèmes de santé. Le rapporteur a proposé de le sous-amender de manière à ne pas entrer trop avant dans le détail du contenu du rapport. La commission a adopté le sous-amendement puis l'amendement ainsi modifié.

La commission a examiné deux amendements de M. Jean-Luc Préel, le premier précisant que le rapport s'appuie également sur les propositions du Conseil national de santé et le second proposant que l'évaluation des lois quinquennales de santé publique donne lieu à un débat annuel. Après que le rapporteur a émis un avis défavorable à l'adoption de ces deux amendements, la commission a rejeté ces deux amendements.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Jean-Marie Le Guen prévoyant que la Conférence nationale de santé présente tous les ans une évaluation de la politique de santé publique. M. Jean-Marie Le Guen a précisé que le calendrier politique bousculerait inévitablement l'évaluation quinquennale prévue par le texte, la rendant caduque. Le rapporteur a déclaré qu'il faut distinguer l'évaluation quinquennale du suivi de l'application de la loi, qui lui est effectué à une fréquence annuelle, et a émis un avis défavorable.

La commission a rejeté l'amendement.

Article L. 1411-3 du code de la santé publique

La commission a ensuite examiné deux amendements de M. Jean-Luc Préel supprimant la consultation nationale et créant un Conseil national de la santé, émanation des conseils régionaux de santé composés de tous les acteurs de santé et élus par collèges. Après que le rapporteur a émis un avis défavorable, la commission a rejeté les deux amendements.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur visant à rétablir la Conférence nationale de santé.

Le rapporteur a expliqué que cet amendement est le fruit des auditions menées dans le cadre des travaux préparatoires à l'examen du projet de loi. En effet, le gouvernement avait la volonté de simplifier un paysage complexe et d'assouplir les modalités de concertation ; cependant les professionnels de santé et les associations d'usagers du système de santé se sont déclarés très attachés à une instance de débat et de consultation permettant aux acteurs de s'exprimer sur les politiques de santé. Le dispositif de la Conférence nationale de santé est cependant allégé par rapport aux dispositions prévues dans la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002.

Le président M. René Couanau s'est déclaré satisfait par l'initiative du rapporteur.

Mme Martine Billard a proposé un sous-amendement visant à mentionner les représentants syndicaux des personnels travaillant dans les établissements de santé. M. Jean-Luc Préel s'est déclaré favorable à l'amendement du rapporteur. M. Jean-Marie Le Guen s'est félicité de l'esprit ayant présidé à la rédaction de l'amendement et a demandé sur quels projets de loi la conférence est consultée : il semble utile qu'une instance de ce type soit notamment consultée sur les objectifs mentionnés au rapport annexé à l'article premier des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il a ensuite demandé si la conférence avait une capacité d'autosaisine.

Le rapporteur a répondu que le décret d'application préciserait la composition de la conférence. Placée auprès du ministre, elle sera consultative et pourra s'autosaisir. En revanche elle ne pourra pas se prononcer sur les objectifs mentionnés à l'article 1er du projet de loi de financement de sécurité sociale, comme c'est déjà le cas.

Après avoir rejeté le sous-amendement de Mme Martine Billard, la commission a adopté l'amendement.

En conséquence, deux amendements de M. Jean-Luc Préel relatif à la consultation nationale et aux programmes de santé sont devenus sans objet.

Article L. 1411-3-1 nouveau du code de la santé publique

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de M. Jean-Marie Le Guen ayant pour objet de rétablir dans le code de la santé publique le Conseil supérieur d'hygiène publique de France.

Article L. 1411-3-2 nouveau du code de la santé publique

La commission a rejeté un amendement de M. Jean-Marie Le Guen visant à rétablir le Haut conseil de la santé créé par la loi du 4 mars 2002.

Article L. 1411-4 du code de la santé publique

La commission a rejeté un amendement de M. Jean-Marie Le Guen proposant de supprimer la fusion du Conseil supérieur d'hygiène public et du Haut conseil de la santé.

La commission a ensuite rejeté, suivant l'avis défavorable du rapporteur, un amendement de M. Jean-Marie Le Guen visant à conserver la dénomination de « Haut conseil de la santé ».

La commission a également rejeté un amendement de M. Jean-Luc Préel permettant à soixante parlementaires de consulter le Haut conseil de la santé publique.

Article L. 1411-5 du code de la santé publique

La commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Marie Le Guen ayant pour objet de conserver la dénomination « Haut conseil de la santé ».

La commission a ensuite examiné un amendement de Mme Jacqueline Fraysse visant à ce que la composition du Haut conseil de la santé publique soit pluraliste et synonyme de démocratie sanitaire.

Mme Jacqueline Fraysse a précisé que le texte reste flou sur la composition de l'instance, qui ne doit pas être composée exclusivement d'experts.

Madame Martine Billard a ajouté que les observatoires régionaux de santé devraient y trouver toute leur place.

Après avoir répondu que la conférence nationale de santé satisfait à l'exigence de démocratie et de concertation, le rapporteur a émis un avis défavorable.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Jean-Luc Préel visant à ce que le président du Haut conseil de la santé publique soit élu par ses membres pour une période de cinq ans renouvelable.

Le rapporteur a présenté un sous-amendement tendant à supprimer la mention de la durée du mandat. La commission a adopté le sous-amendement, puis l'amendement ainsi modifié.

Article L. 413-1 du code de la santé publique

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Jean-Marie Le Guen visant à rétablir le Comité national de sécurité sanitaire tel que créé par la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle sanitaire des produits destinés à l'homme. Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement ainsi qu'un amendement de M. Jean-Luc Préel instituant un Conseil national de la santé.

Article L. 1417-3 du code de la santé publique

Elle a ensuite, suivant l'avis défavorable du rapporteur, rejeté un amendement de M. Jean-Marie Le Guen rétablissant le Comité technique national de prévention créé par la loi du 4 mars 2002.

La commission a adopté l'article premier ainsi modifié.

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Information relative à la commission

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M. Pierre-Louis Fagniez a été désigné membre du conseil d'administration de l'établissement d'hospitalisation publique de Fresnes, spécifiquement destiné à l'accueil des personnes incarcérées R. 27.


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