COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 26 novembre 2003
(Séance de 16 heures 15)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le projet de loi relatif à la formation tout au long de la vie et au dialogue social - n° 1233 (M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur)

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- Examen du projet de loi relatif à la formation tout au long de la vie et au dialogue social (discussion générale) - n° 1233 (M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur).

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le projet de loi relatif à la formation tout au long de la vie et au dialogue social - n° 1233.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre d'avoir bien voulu présenter à la commission le projet de loi plus tôt que prévu compte tenu des bouleversements de l'ordre du jour liés tant à la durée prévisible du débat sur le projet de loi relatif à la bioéthique qu'à la longueur des motions de procédure défendues sur certains textes. L'Assemblée nationale disposera ainsi d'un temps suffisant pour examiner de manière approfondie le présent projet de loi en séance publique.

Sur le fond, il s'agit d'un texte majeur voire historique à un triple titre :

- Il opère une transposition de deux textes essentiels issus des partenaires sociaux, adopté par tous s'agissant de celui sur la formation et par tous, à l'exception de la CGT, s'agissant de la position commune de juillet 2001.

- Il permet la mise en œuvre du droit pour chacun à la formation tout au long de la vie que la commission a appelée de ses vœux à maintes reprises. Il reconnaît notamment pour cela un droit individuel à formation.

- Il opère une réforme des règles de la négociation collective comme on n'en a pas connu au moins depuis 1982, voire depuis l'après-guerre. Il pose en particulier le principe de l'accord majoritaire. Le gouvernement prend en outre l'engagement solennel de renvoyer à la négociation collective avant de présenter un projet de loi modifiant le droit du travail.

Ce projet de loi offre à la fois le résultat d'un dialogue social réussi et les moyens d'entretenir cette dynamique.

M. Gaëtan Gorce a estimé que les conditions de l'examen parlementaire de ce texte, très important sur le fond, ne sont pas dignes. L'ordre du jour de l'Assemblée nationale est bouleversé à tout moment, ce qui ne permet pas de travailler sereinement ni d'articuler les travaux de différentes instances siégeant au même moment, par exemple la commission et la mission d'information sur la réduction du temps de travail. Avant de respecter la démocratie sociale, il faut respecter la démocratie parlementaire, ce qu'a déjà rappelé le président du groupe socialiste, tant dans l'hémicycle au travers d'un rappel au Règlement qu'en Conférence des Présidents. Il n'est pas sérieux d'avoir appris au début de cette semaine l'avancement de la date de cette audition et de l'examen des articles en commission, ni de commencer l'examen de ce texte en séance publique un jeudi et un vendredi.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que l'ordre du jour est fixé par le gouvernement. Compte tenu de l'intérêt du texte et de la durée prévisible des débats, il est paru nécessaire de commencer plus tôt son examen en séance publique, ce qui a nécessité d'avancer l'examen en commission tout en tenant compte des autres textes actuellement en débat en séance.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que le projet de loi relatif à la formation tout au long de la vie et au dialogue social transpose deux textes conclus par les partenaires sociaux. Il permet la modernisation de notre appareil de formation professionnelle et renforce le dialogue social dans notre pays.

Ce texte est fondamental sur l'un et l'autre aspect car la France a besoin d'une réforme profonde pour relancer la formation professionnelle et l'adapter aux besoins de l'économie et aux aspirations des salariés. Elle a également besoin d'une véritable révolution dans son système de négociation collective pour l'adapter aux réalités de notre temps. Ce texte entraînera des mutations profondes dans le système social. Il provoquera une nouvelle donne dans la vie syndicale.

En ce qui concerne la formation professionnelle, le projet de loi reprend fidèlement les principales dispositions de l'accord conclu par les partenaires sociaux, à l'unanimité, en septembre dernier. Il permet, par conséquent, de mettre en œuvre l'un des engagements majeurs du Président de la République : le droit à la formation tout au long de la vie. La possibilité donnée à chacun de se former constitue, en effet, la meilleure arme contre le chômage. C'est le moyen pour chaque salarié de progresser dans son entreprise ou de rebondir professionnellement.

L'objectif de ce projet de loi est de rénover l'appareil de formation professionnelle et de lutter contre les inégalités d'accès à la formation qui touchent les salariés les moins qualifiés et ceux des PME. Son titre n'est pas un gadget. La formation tout au long de la vie doit devenir une réalité dans les entreprises et dans notre société car elle est la condition de l'adaptation des salariés à l'évolution des emplois, du maintien de la compétitivité des entreprises et de la promotion sociale et professionnelle des salariés.

La qualité et l'intensité de la formation seront de plus en plus déterminantes pour l'économie française. Au carrefour de la compétitivité et de la solidarité, l'investissement formation sera bien au XXIe siècle le levier central du progrès.

Première concrétisation de ce caractère essentiel de la formation, le projet de loi prévoit que chaque salarié bénéficiera d'un droit individuel à la formation (DIF) de vingt heures par an, cumulable pendant six ans, utilisable avec l'accord du chef d'entreprise mais aussi sans cet accord sous certaines conditions. Ce droit individuel sera utilisable en cas de licenciement, sauf faute grave. Ce nouveau droit lié à l'individu permet donc la mise en œuvre d'une assurance-formation au profit de son bénéficiaire.

La deuxième innovation concerne le partage du temps de formation entre le temps de travail et le temps libre. L'accord interprofessionnel, naturellement repris par le projet de loi, a prévu un bon équilibre, favorisant une vraie coresponsabilité entre l'entreprise et le salarié : coresponsabilité permettant au salarié, pour développer ses compétences, d'utiliser une partie de son temps libre pour une action de formation et coresponsabilité de l'entreprise qui versera une allocation de formation à son salarié qui réalisera une partie de sa formation en dehors de son temps de travail.

Le projet de loi distingue à cet égard trois catégories de formation :

- L'adaptation au poste de travail : ces actions sont mises en œuvre pendant le temps de travail.

- L'évolution ou le maintien dans l'emploi : ces actions sont également mises en œuvre pendant le temps de travail. Sous réserve d'un accord d'entreprise ou de l'accord formalisé du salarié, elles pourront ne pas s'imputer sur le contingent d'heures supplémentaires, dans la limite de cinquante heures par an.

- Le développement des compétences : elles peuvent, par accord formalisé du salarié, se dérouler en dehors du temps de travail dans la limite de quatre-vingts heures par an. Celles-ci donnent lieu au versement d'une allocation qui correspond à 50 % de la rémunération nette. Cette allocation n'est pas soumise à cotisations sociales.

Lors de la consultation du comité d'entreprise sur le projet de plan de formation, le chef d'entreprise devra préciser la nature des actions de formation proposées en distinguant ces trois catégories.

La troisième innovation majeure du projet de loi concerne la création des contrats et des périodes de professionnalisation. Ils se substitueront aux contrats actuels de formation en alternance. L'objectif est de favoriser l'insertion ou la réinsertion professionnelle en permettant d'acquérir un diplôme, un titre ou une qualification. Ils comporteront un travail en entreprise et une période de formation. Ce dispositif modulable relancera la formation en alternance. Il permettra d'aider les jeunes à acquérir une qualification ou de faciliter la reconversion des salariés en deuxième partie de carrière.

Quatrième point important de la réforme, l'investissement dans la formation est renforcé. La part de la masse salariale consacrée à la formation dans les entreprises de moins de dix salariés passera de 0,15 % à 0,55 % en deux ans et sera portée de 1,5 % à 1,6 % pour celles de plus de dix salariés. Même si, en pratique, de nombreuses entreprises sont au-delà de ce minimum légal, il en résultera un progrès significatif, notamment pour les PME, au bénéfice d'une plus grande égalité entre les salariés.

Dernier point concernant la formation professionnelle, le projet de loi s'inscrit dans le cadre de l'allongement des durées d'activité. C'est un défi collectif à relever. La responsabilité des entreprises est engagée sur ce sujet : il faut mettre fin à l'éviction des seniors du marché du travail et accroître le taux d'activité des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans. L'accord interprofessionnel apporte de nombreux outils à cet égard et il constitue un tournant important : bilan de compétences après vingt ans d'activités, passeport formation, entretien professionnel tous les deux ans, mise en place d'observatoires des métiers dans les branches, validation des acquis de l'expérience. La mise en place du DIF et la période de professionnalisation seront aussi déterminants pour faciliter cette formation tout au long de la vie, meilleur gage pour permettre l'adaptation du salarié à l'évolution des emplois et pour accroître ses compétences.

En plus de ces innovations sur la formation, le projet de loi comprend également un toilettage de quelques dispositions relatives à l'apprentissage.

Il faut également mentionner l'effort financier consenti par les pouvoirs publics en faveur de la formation. Les contrats de professionnalisation bénéficieront d'une exonération de cotisations. L'allocation formation ne sera pas soumise, non plus, à cotisations sociales. Par ailleurs, le gouvernement apportera, le moment venu, sa contribution à la formation de deuxième chance, à savoir la formation qualifiante différée pour ceux qui sont sortis sans qualification du système scolaire. Celle-ci devra être définie en lien avec les régions, car il ne s'agit pas d'empiéter sur les nouvelles compétences qui leur ont été reconnues par la loi de décentralisation. Ce sera d'ailleurs un des enjeux forts des années à venir que de développer la coopération entre les branches professionnelles et les régions et de promouvoir la concertation sur ce sujet au niveau territorial.

Le deuxième titre du projet porte sur le dialogue social. Il reprend un texte signé par tous les partenaires sociaux, à l'exception de la CGT, le 16 juillet 2001 : la position commune sur les voies et moyens de la négociation collective. Cette réforme modifie les règles posées par la loi de 1950 sur la négociation collective. Il s'agit d'une réforme difficile car elle heurte des habitudes bien ancrées mais d'une réforme nécessaire pour redynamiser le dialogue social dans notre pays et lui donner, enfin, des règles adaptées à notre siècle.

Chacun doit bien mesurer la portée de ce projet de loi : il s'agit de repenser un système qui date de plus de trente ans. Il est proche de l'essoufflement. Le taux de syndicalisation n'a jamais atteint des seuils aussi bas et la faiblesse de la démocratie sociale a deux conséquences majeures : la culture de la protestation sociale demeure plus prégnante que celle du réformisme social dont dépend pourtant la préservation des principaux acquis sociaux et l'éclatement des liens sociaux qui affecte la société nourrit les extrémismes et les comportements poujadistes. A l'évidence, comme la démocratie politique, la démocratie sociale doit définir de nouveaux modes de régulation et de participation.

Le gouvernement souhaite, par conséquent, un dialogue social fécond, unissant des partenaires sociaux responsables, capables d'assumer, à tous les niveaux de la négociation, des décisions parfois difficiles. Cela passe par un renforcement de la légitimité des accords collectifs négociés. Cela passe aussi par un nouvel équilibre dans les rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux.

Ainsi, avant toute réforme de nature législative touchant les relations du travail, le gouvernement s'engage à donner la priorité à la négociation collective. Il demande en quelque sorte aux partenaires sociaux de prendre leurs responsabilités, s'ils le souhaitent et s'ils le peuvent, avant d'entreprendre une démarche législative.

On reconnaît là l'exemple du droit communautaire qui conduit la Commission européenne à saisir les partenaires sociaux européens avant de proposer une directive au Conseil et au Parlement européen, et à leur laisser l'initiative de l'action. On reconnaît également une pratique nationale qui a souvent bien fonctionné, par exemple avec l'accord interprofessionnel de 1970 suivi par la loi de 1971 sur la formation professionnelle. Mais il y a aussi malheureusement des contre-exemples : la réduction autoritaire de la durée du travail qui a suivi la « journée des dupes » du 10 octobre 1997 ! C'est ce qu'il faut éviter à l'avenir.

L'engagement pris par le gouvernement ne signifie pas que l'Etat, donc le législateur, abdique ses responsabilités car seul le législateur a la légitimité démocratique. Il signifie simplement une répartition des rôles entre les acteurs politiques et les acteurs sociaux. Elle est dans l'intérêt des deux parties pour aboutir à des lois recentrées sur l'essentiel, c'est-à-dire la fixation des principes fondamentaux, et à des lois facilement applicables dans les entreprises.

Voici donc l'équilibre de la réforme qui est proposée afin de renforcer le syndicalisme français et de lui faire prendre toutes ses responsabilités : d'abord inscrire le principe majoritaire comme condition de validité des accords collectifs et ainsi affirmer leur légitimité et ensuite en tirer la conséquence en renforçant l'autonomie des niveaux de négociation et en permettant à un accord d'entreprise majoritaire de déroger aux accords de rang supérieur.

Sur le premier aspect, le principe de l'accord majoritaire, quelle qu'en soit sa forme - majorité d'adhésion ou majorité d'opposition - est posé au niveau de l'entreprise. Au niveau de la branche, le principe d'une élection de représentativité est affirmé. Au niveau interprofessionnel ou de la branche, à défaut d'une élection de représentativité, un accord sera valide si une majorité d'organisations syndicales ne s'y oppose pas.

Sur le deuxième aspect, l'accord d'entreprise devient, en principe, pleinement autonome par rapport à l'accord de branche. Celui-ci reste toutefois impératif dans trois domaines : la fixation des salaires minima, les grilles de classification et les mécanismes de mutualisation des financements, comme par exemple la formation professionnelle. L'accord de branche pourra toutefois conserver son caractère impératif si tel est le souhait des négociateurs de branche. Enfin, ces nouvelles dispositions sur l'articulation des niveaux de négociation n'ont pas de caractère rétroactif. Cela respecte la valeur hiérarchique que les négociateurs avaient entendu conférer à ces accords.

Le projet de loi correspond ainsi à un double équilibre, équilibre entre la validité nouvelle des accords liée à l'accord majoritaire et l'autonomie des niveaux de négociation, et équilibre au niveau des branches et des entreprises, par la négociation, sur le degré d'autonomie à donner aux accords d'entreprise.

Un débat a suivi l'exposé du ministre.

M. René Couanau s'est félicité de la réforme importante du dispositif de formation professionnelle, attendue de longue date, engagée par le ministre selon une bonne méthode, celle de la concertation et de la négociation. Si elle peut faire naître certaines frustrations chez les parlementaires, on ne peut pas à la fois vouloir renouer les fils du dialogue social et regretter dans le même temps que le Parlement ne puisse pas apporter de modifications substantielles à un accord conclu par les partenaires sociaux. Il faut également saluer, à cette occasion, la mise en œuvre de l'un des engagements pris par le ministre devant la commission lors du débat sur les retraites : la recherche de nouveaux outils permettant d'améliorer le taux d'activité des personnes âgées.

Il serait cependant intéressant de disposer d'éléments d'information permettant d'analyser la portée des changements apportés par le projet de loi dans le domaine de la formation professionnelle. Face aux craintes suscitées par la disparition des contrats de qualification, qui ont été un succès jusqu'à présent, le ministre pourrait-il apporter des précisions complémentaires quant aux avantages et inconvénients des contrats de professionnalisation qui les remplacent ?

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur, a tout d'abord regrettté les conditions dans lesquels les parlementaires sont conduits à travailler sur un sujet aussi important, avant de souligner l'importance de l'accord du 21 septembre dernier. Il permet en effet d'espérer l'émergence d'une nouvelle culture du dialogue social, mais également, en matière de formation professionnelle, d'améliorer la promotion sociale ainsi que l'adaptation à l'emploi. Il était risqué, mais courageux, de faire le pari de lier des réformes à la signature d'accords par l'ensemble ou la quasi-totalité des partenaires sociaux. C'est pourquoi il est important que leur transposition au niveau législatif ne remette pas en cause l'équilibre trouvé entre ceux-ci. A cet égard, le Parlement a un rôle essentiel à jouer en tant que relais de l'information auprès des citoyens.

Si l'instauration de contrats uniques de professionnalisation présente un avantage certain en termes de lisibilité, l'inquiétude suscitée par la disparition des contrats de qualification est compréhensible. Après des débuts difficiles parce qu'ils paraissaient concurrencer les contrats d'apprentissage, ils ont donné de bons résultats. Il serait par ailleurs utile de disposer d'un tableau comparatif des dispositions prévues par l'accord sur le dialogue social et de celles du projet de loi.

M. Gaëtan Gorce s'est félicité que, dans le prolongement de l'accord conclu en 2001 qui constitue une avancée certaine pour les rapports entre les partenaires sociaux, un débat soit engagé sur ce sujet. Ce projet soulève toutefois de nombreuses interrogations, voire des menaces, sur la négociation collective et la démocratie sociale.

S'agissant des conditions de signature des accords, les mesures proposées par le projet ne constituent en réalité qu'un « ersatz » d'accord majoritaire, le gouvernement n'ayant pas osé franchir le Rubicon dans ce domaine. En effet, ces accords reposent sur une majorité d'opposition et non d'engagement. Or, cela représente une sorte de leurre dans la mesure où l'accord signé entre les partenaires sociaux reposait sur un équilibre, la place laissée à la négociation d'entreprise étant contrebalancée par l'exigence de majorité d'engagement. La rédaction retenue permettra en réalité aux organisations électoralement minoritaires de bloquer la négociation d'entreprise. Ce projet risque ainsi de cristalliser le droit d'opposition, de favoriser l'émiettement syndical et de bloquer la réflexion sur la représentativité. C'est loin d'être la « révolution juridique » annoncée par le ministre, cette réforme constitue en réalité une « révolution de papier ».

Le projet organise, d'autre part, non pas l'articulation mais l'anarchie des normes, puisqu'il remet en cause les accords de branche, qui constituent pourtant le niveau le mieux adapté pour définir les garanties collectives. En effet, il procède à un renversement de la donne, en posant comme principe la possibilité au niveau de l'entreprise de déroger à ces accords et, d'une certaine façon, comme exception, le respect des dispositions prévues par la branche. L'inquiétude des partenaires sociaux est donc légitime dans la mesure où le texte semble remettre en cause la négociation collective de branche.

L'article 39 du projet soulève plusieurs difficultés juridiques. Il est nécessaire d'y apporter des clarifications. Pourquoi n'interdit-on pas simplement les dérogations antérieures à la présente loi ?

Enfin, il paraît pour le moins fallacieux de mettre sur le même plan l'accord interprofessionnel sur la formation professionnelle, qui semble servir de paravent, et la position commune dont la transposition au niveau législatif semble beaucoup plus contestable.

M. Christian Paul a estimé que l'accord national interprofessionnel (ANI) constitue un nouvel acquis, sur lequel il paraît légitime de prendre appui pour réformer le dispositif de formation professionnelle, dont les fondations ont été posées depuis plus de trente ans. Ce projet soulève cependant deux séries d'interrogations.

En premier lieu, il convient de s'interroger sur la responsabilité réelle de l'Etat en matière de formation professionnelle, qu'il s'agisse de son rôle, tel qu'il doit être défini par la loi, mais également de la façon dont il doit s'incarner au niveau budgétaire. Il serait préjudiciable pour la réussite de cette réforme que l'Etat se désengage au moment même où les partenaires sociaux parviennent à conclure un accord. En effet, si l'on considère réellement la formation professionnelle comme une obligation nationale, ses moyens réels ne doivent pas être diminués. Deux exemples illustrent bien l'attitude d'affichage du gouvernement : le droit à la formation tout au long de la vie, pour être garanti, ne doit pas être financé uniquement par les employeurs et les salariés ; le droit à une formation qualifiante différée n'est ni défini, ni financé et ne constitue donc pas, en l'état, une seconde chance de formation.

Dans le cadre de la décentralisation et du transfert aux régions des compétences et des responsabilités en matière de formation professionnelle, ce texte soulève une série de questions : quel sera le pilotage national ? Quelle sera l'offre publique de formation ? Quel est l'attachement du ministre au service public de formation ? Quel avenir pour l'AFPA dont le démantèlement semble programmé ? Enfin, quelle est l'opinion du ministre concernant l'extension de ces droits aux fonctions publiques ? Le gouvernement aurait pu avoir des ambitions plus fortes afin de permettre à l'ANI de porter tous ses fruits.

En second lieu, la responsabilité du législateur doit être soulignée. Bien plus qu'une base de travail, l'ANI constitue en réalité un socle de droits, qui peut être amélioré au niveau des entreprises, comme l'ont souligné différentes organisations syndicales. A cet égard, il paraît pour le moins cavalier de mener « à la hussarde » l'examen de ce projet de loi et cela illustre un déclin préoccupant du Parlement.

Dans le contexte de revanche sociale qui prévaut, les partenaires sociaux sont allés au bout de ce sur quoi ils pouvaient s'accorder mais n'ont mené à leur terme que leurs exigences minimales. Le législateur ne doit pas bouleverser l'équilibre de cet accord même si deux sujets méritent une attention particulière et feront l'objet d'amendements du groupe socialiste. Il convient tout d'abord d'assurer la transférabilité du droit individuel à la formation (DIF), qui ne doit pas être limitée aux seuls cas de licenciement, mais doit également pouvoir être portée d'une entreprise à l'autre. Il faut faire de ce droit théorique en l'état un droit véritable. Le droit à la formation différée doit, d'autre part, être organisé selon des modalités offrant une réelle seconde chance de formation. Le débat parlementaire permettra peut-être au gouvernement de ne pas laisser passer la seconde chance qui lui est offerte par ces amendements.

Tout en soulignant l'intérêt capital du projet de loi, M. Jean Ueberschlag a protesté contre les conditions de travail faites aux parlementaires. En effet, le texte n'a pu être disponible que ce matin et, de surcroît, le gouvernement a déclaré l'urgence pour son examen. Si, sous la législature précédente, le dialogue social était absent, c'est désormais l'inverse et le Parlement n'a plus qu'à entériner les fruits de ce dialogue. In medio stat virtus : il est regrettable de se voir confronté à de tels extrêmes.

Ce texte ouvre un chantier qui, pour autant, n'est pas clos. La formation professionnelle repose sur quatre piliers : les contributeurs, les organes de collecte, les organes de formation et les bénéficiaires.

Le texte présenté concerne surtout les contributeurs et les bénéficiaires. Il est regrettable que la collecte des fonds de la formation professionnelle soit oubliée. En effet, il s'agit d'un montant de 22 milliards d'euros qui va augmenter du fait de l'accroissement de la contribution des entreprises. On devrait ainsi atteindre un montant de 25 milliards d'euros, soit la moitié du budget de l'enseignement scolaire, cinq fois le budget de l'agriculture, quinze fois le budget de la culture ou de la justice et trente-six fois celui de la jeunesse et des sports.

La question est bien celle de l'utilisation de ces fonds et de la faiblesse du contrôle. De fait, la presse se fait l'écho de corruption, d'ententes suspectes et d'emplois fictifs. L'argent de la formation professionnelle est collecté par des organismes nombreux et qui représentent les contributeurs. Imaginerait-on que la collecte de l'impôt sur le revenu soit confiée à la ligue des contribuables ? Les collecteurs devraient être soumis à une obligation de bilan. La transparence doit être renforcée.

Enfin, on peut s'interroger sur un report de l'entrée en vigueur du texte, la date du 1er juillet 2004 ne garantissant pas aux acteurs concernés un temps suffisant de préparation.

M. Maxime Gremetz a considéré que la position commune du 16 juillet 2001 est historique mais peut néanmoins être améliorée par des amendements. En effet, tout accord de cet ordre demeure un compromis entre les syndicats d'employés et les syndicats d'employeurs.

Pour ce qui concerne le contrôle de l'utilisation des fonds publics, on ne peut que constater que la nouvelle majorité a supprimé la loi qui avait institué une instance dans ce domaine.

L'importance du chantier ouvert par le présent texte ne saurait être sous-estimée puisqu'il s'agit du devenir du code du travail, de la législation sociale et des conditions de la négociation collective. Elle est utilement éclairée par les propos tenus par M. Antoine Lyon-Caen à un quotidien du soir. « Le projet présente un diagnostic pertinent. Mais le texte démontre un réel état d'impréparation, une absence d'anticipation qui le rendent impertinent dans son état. Le ministre n'attache pas assez d'importance aux effets que ces changements de règles peuvent entraîner. La position commune des partenaires sociaux, de juillet 2001, représentait un compromis, un équilibre entre les organisations syndicales, hormis la CGT et le MEDEF. Mais cette position commune ne dispense pas l'Etat d'étudier soigneusement les effets et les conséquences de son projet. On trouve d'abord dans ce texte l'attribution aux branches professionnelles d'une lourde responsabilité. C'est à ce niveau que seront définies les règles de négociation qui relevaient jusqu'alors de la loi. La branche dira si les règles qu'elle pose sont impératives ou non et quelle place est laissée à l'accord d'entreprise. Si on donne une telle responsabilité aux branches, il faut au moins un accord majoritaire à ce niveau et pas seulement un droit d'opposition comme cela est prévu. Par ailleurs, le projet de loi amplifie le mouvement de diversification des agents dans la négociation décentralisée et, avec cette diversification, l'idée majoritaire s'estompe. Un salarié mandaté, hors de toute présence syndicale dans l'entreprise, n'exprime aucune majorité. Le ministre affirme vouloir renforcer la place des syndicats et la nécessité de l'accord majoritaire, mais ici, on lui tourne le dos. En résumé, il est extrêmement regrettable de ne pas rechercher un profond consensus sur les règles de la négociation collective. C'est, d'une certaine manière, un défi au bon sens, car ce sujet nécessite une adhésion, le soutien le plus large. Il faut donner confiance aux protagonistes. Fixer de nouvelles règles du jeu exige que les joueurs les comprennent et les acceptent. »

Le projet de loi constitue une réforme manquée du dialogue social profitable au seul MEDEF. En dépit de la prétendue promotion de l'accord majoritaire, tout est fait contre l'application de celui-ci. On dit favoriser l'accord de la majorité des salariés dans les entreprises mais, dans le texte, on se rattrape aux branches ! La solution retenue est celle du droit d'opposition de la majorité des organisations. Trois syndicats, minoritaires en voix mais majoritaires en nombre, pourront bloquer la négociation interprofessionnelle et de branche.

Par ailleurs, le texte prévoit un nombre important de dérogations aux normes supérieures. A titre d'exemple, il ne sera plus nécessaire d'abroger les trente-cinq heures puisque chaque entreprise pourra par accord collectif déroger au contingent d'heures supplémentaires. C'est une totale remise en cause du principe de faveur.

L'actualisation des règles de la représentativité des organisations syndicales fait partie des demandes du groupe communiste. En effet, certaines organisations ne sont pas reconnues. Des amendements seront déposés tendant à poser le principe de l'accord majoritaire à tous les niveaux de négociation et à organiser au niveau des branches une élection de représentativité tous les cinq ans.

De tous les textes présentés jusqu'à présent par le ministre, celui-ci est le plus nocif car il menace tous les salariés et leurs acquis. Le gouvernement aurait dû, dans un premier temps, faire valider l'accord au lieu de se précipiter pour présenter son projet.

M. Francis Vercamer a protesté, au nom du groupe UDF, contre les conditions d'examen du projet de loi. L'UDF a toujours prôné le dialogue social. Ce dialogue est d'ailleurs trop peu présent dans bien d'autres textes du gouvernement. Mais on peut s'interroger sur la place du Parlement dans ce texte, cela d'autant plus qu'il semble hasardeux de pouvoir amender un accord des partenaires sociaux.

Le principe de l'accord majoritaire pose le problème de la représentativité syndicale. En effet, aujourd'hui, 9 % seulement des salariés sont syndiqués. Dans ces conditions, on ne peut que s'interroger sur la nature de la majorité dégagée. Dans ce contexte, il faut tout faire pour redonner du poids aux syndicats. L'expérience prouve que ceux-ci sont souvent confrontés à une contestation de la base qui ne peut que profiter aux coordinations.

Vu sous l'angle de la formation professionnelle, le projet comporte de nombreuses mesures positives. Cependant, des interrogations demeurent puisque, par exemple, le dispositif du droit individuel à la formation ne garantit pas de formalisation de l'accord passé entre l'employeur et le salarié. Le risque est donc, au premier litige, de voir émerger une jurisprudence qui ne manquera pas d'être complexe. Une hausse des contributions concerne surtout les petites entreprises, ce qui leur posera un réel problème. Des règles de conduite devraient être définies dans le domaine du contrôle des fonds et de la détermination des objectifs de formation.

M. Frédéric Reiss s'est félicité de l'excellence du projet. En effet, en économie, la vérité d'un jour n'est pas nécessairement celle du lendemain et il faut donc pouvoir s'adapter.

L'exemple du texte portant réforme des retraites mériterait d'être retenu. Le ministre chargé du travail a su l'élaborer conjointement avec le ministre chargé de la fonction publique. De même, certaines dispositions du présent projet pourraient être transposées à la fonction publique, en particulier à l'éducation nationale.

Par ailleurs, l'expérience montre que, dans l'ensemble d'une carrière professionnelle, le schéma d'un parcours linéaire n'est plus pertinent. Bien au contraire, ce parcours est très souvent sinueux. Ainsi, la validation des acquis de l'expérience doit être largement mise en avant, faute de quoi, la notion de deuxième chance risquerait d'être vidée de son contenu.

La transposition des accords doit être fidèle mais exigeante. La souplesse n'est pas antinomique de la rigueur.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est interrogé sur les critères retenus pour définir la durée des contrats de professionnalisation, qui semble trop courte pour assurer la mise en place de formations réellement diplômantes, en particulier pour les personnes qui préparent un titre ou un diplôme de l'enseignement technologique ou professionnel à caractère interprofessionnel ou tertiaire.

En réponse aux différents intervenants, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a donné les indications suivantes :

- Un tableau comparatif de l'organisation de la formation professionnelle avant et après la réforme sera fourni aux membres de la commission.

- En ce qui concerne la durée des contrats de professionnalisation, les partenaires sociaux se sont accordés sur un principe de professionnalisation avec une durée minimale de six mois et une durée de formation au moins égale à 15 % de la durée totale du contrat. Cette durée est cependant modulable au niveau des branches en fonction des types de formation suivies. Il faut noter que cette durée, certes plus courte, sera applicable à plus de personnes, et en particulier à ceux qui, jusqu'à présent, n'avaient accès à aucune formation professionnelle. En effet, si le dispositif des contrats d'insertion en alternance fonctionne bien, ces stages n'ont qu'un public restreint. 140 000 contrats étaient en cours en 2003. Au total, environ 200 000 personnes bénéficient aujourd'hui d'un dispositif de formation en alternance, ce qui est insuffisant. L'objectif principal du texte est d'accroître fortement le nombre de personnes concernées par ces dispositifs. Les organismes privés de formation n'ont donc pas de souci à se faire : les durées de formation seront parfois moins longues mais les formations elles-mêmes seront beaucoup plus nombreuses. Il n'est pas question de mettre un terme aux formations diplômantes mais d'élargir le plus possible l'accès aux formations à un public très large de façon à accroître l'égalité des chances des salariés, quelle que soit l'entreprise dans laquelle le salarié est employé.

- Il n'y a pas de différences entre le projet de loi et l'accord collectif en ce qui concerne la formation professionnelle. Par contre, en matière de dialogue social, deux différences notables peuvent être soulignées : l'introduction du principe de l'organisation d'une élection de représentativité au niveau de la branche et la clarification des conditions de dérogation à un accord de branche dans l'entreprise. Celle-ci ne sera en effet possible que par un accord des organisations représentatives d'une majorité de salariés ou par l'absence d'opposition de la majorité des salariés (et non d'une majorité d'organisations syndicales). Sur certains points, la position commune pouvait décliner des options mais la loi doit trancher avec précision. Le projet de loi le fait par exemple s'agissant du choix entre majorité d'engagement et droit d'opposition. Dans le doute est privilégiée la solution minimale du droit d'opposition, seul terrain d'entente pour l'ensemble des partenaires sociaux.

- On peut dès lors dire que le projet de loi ne va pas assez loin mais il convient plutôt de considérer que ce texte marque une étape nécessaire dans le processus de généralisation de l'accord majoritaire. Cette étape est nécessaire car, à l'heure actuelle, il n'est pas certain que toutes les organisations syndicales représentatives soient en mesure de signer des accords majoritaires. Avant d'aller plus loin, il faut donc montrer que ces organisations peuvent prendre leurs responsabilités en la matière et qu'il ne faut pas craindre de tels accords. Le projet de loi constitue donc un point d'équilibre directement issu de l'accord conclu entre les partenaires sociaux et il ne semble pas raisonnable de vouloir aller au-delà pour le moment.

- Loin d'être une menace pour les syndicats, le développement des accords majoritaires est la meilleure façon de développer le rôle des partenaires sociaux dans l'entreprise. Chacun déplore que le taux de syndicalisation dans les entreprises privées plafonne à 5 % des salariés mais il n'évoluera pas tant que la négociation sociale s'arrêtera au niveau des branches. Il convient donc de donner une plus grande liberté aux entreprises, dans les limites fixées par la loi.

- La sécurisation de la valeur hiérarchique des accords antérieurs prévue par l'article 39 vise à ne pas remettre en cause un accord de branche ne comprenant pas de possibilité de dérogation au profit d'accords de niveau inférieur. Les négociations de branche conserveront donc leur rôle de pivot, notamment vis-à-vis des petites et moyennes entreprises. Si la négociation d'entreprise pourra acquérir une certaine autonomie, ce sera à la branche d'en définir au cas par cas l'ampleur.

- Le texte s'inscrit bien dans le mouvement de décentralisation de la formation professionnelle en direction des régions, notamment pour les commandes publiques via l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Le financement du dispositif sera assuré pour les salariés selon les dispositions prévues par l'accord et reprises dans le projet de loi et pour les chômeurs indemnisés par l'UNEDIC, dans le cadre du dispositif du Plan d'aide au retour à l'emploi (PARE). Quant aux chômeurs non indemnisés, les modalités de financement doivent encore être débattues et précisées.

- Tout n'est pas encore prêt pour assurer la mise en place du dispositif de seconde chance, la « formation qualifiante différée » à laquelle le gouvernement est très attaché.

- C'est la première fois qu'un texte met en place un authentique droit individuel à la formation attaché à la personne du salarié, qui en garde le bénéfice même s'il change d'entreprise, sauf dans les cas de licenciement pour faute grave. Certains trouvent manifestement que le texte ne va pas assez loin en la matière. Il faut pourtant noter que cette transférabilité est déjà suspecte aux yeux des employeurs qui craignent de devoir former des salariés susceptibles de partir ensuite dans une entreprise concurrente.

- Toutes les parties à la négociation ont fait des efforts pour parvenir au dispositif repris par le texte : il s'agit là d'un équilibre fragile, que des modifications importantes pourraient réduire à néant, les partenaires sociaux préférant renoncer à négocier si les conditions finalement arrêtées par le législateur sont trop déséquilibrées. De façon plus générale, c'est toute la question du rôle du législateur dans un contexte de renforcement de la démocratie sociale qui est ici posée. Plus la place donnée à la négociation collective sera importante dans l'élaboration de notre droit social, plus il faudra réfléchir, comme l'ont fait d'autres pays de l'Union européenne, à une évolution des modes d'intervention du Parlement dans ce domaine, en particulier en amont de la phase législative.

- L'accord et donc le projet de loi ne vont effectivement pas assez loin en matière de transparence des fonds de financement de la formation professionnelle, mais aucune organisation n'a fait de proposition en la matière ! Le texte comporte cependant quelques avancées notables, comme la fusion de l'AGEFAL (association de gestion des fonds en alternance) et du COPACIF (comité paritaire du congé individuel de formation).

- Il est souhaitable de ne plus tarder dans la mise en œuvre de l'accord national interprofessionnel dont la signature a déjà pris beaucoup de temps. Les partenaires sociaux se sont mis d'accord pour une entrée en application de la réforme au 1er juillet 2004. Il serait regrettable de reporter cette date car le dispositif proposé est essentiel à l'effort d'adaptation de la France face à la contrainte internationale.

- Il n'est pas possible de dire que ce texte n'a pas été préparé puisque des échanges ont eu lieu depuis plus d'un an avec les partenaires sociaux et que ceux-ci ont longuement débattu auparavant de la position commune dont il s'inspire. Il est tout aussi faux de dire qu'il avantage le MEDEF. Celui-ci, comme les autres, a fait un certain nombre de concessions et n'était notamment pas très enthousiaste face à l'entrée de l'accord majoritaire dans le paysage syndical.

- Le texte comprend également des avancées en matière de représentativité puisqu'il incite les branches à organiser des élections de représentativité et que, en l'absence ou dans l'attente de telles élections, la représentativité sera évaluée sur la base des élections professionnelles, ce qui est une garantie forte. Il aurait bien sûr été préférable de pouvoir prévoir une obligation de procéder à ces élections dans un délai de cinq ans, mais les partenaires sociaux n'étaient manifestement pas prêts à accepter une évolution aussi importante.

- Il n'y a pas d'effet rétroactif du nouveau dispositif et il n'est en conséquence pas possible de revenir, par exemple, sur les accords de réduction du temps de travail.

- Ce texte présente certes des insuffisances, puisqu'il s'appuie sur un compromis, mais il a l'incontestable mérite d'initier une réforme jusqu'alors différée.

- En ce qui concerne les modifications susceptibles d'être apportées au texte lors de son examen par le Parlement, il va de soi que celui-ci est souverain. Il convient néanmoins de ne pas bouleverser l'équilibre dégagé par les partenaires sociaux.

- Il est en effet possible de s'interroger sur la représentativité de syndicats qui ne représentent que 5 % des salariés. Dès lors, il importe de multiplier les lieux de négociation et de responsabiliser les syndicats en avançant vers les accords majoritaires.

- Il est souhaitable de ne pas faire preuve d'un formalisme excessif et de laisser de la souplesse à l'application concrète du DIF. Il doit avant tout reposer sur l'accord entre le salarié et l'employeur. A défaut, on versera dans le système du CIF.

- Il est vrai que le prélèvement demandé aux PME est en hausse significative. Mais, d'une part, l'accord a été signé par la CGPME et, d'autre part, cela correspond au souci des PME de proposer à leurs salariés une offre de formation équivalente aux grandes entreprises afin de conserver la main d'œuvre qualifiée.

- La question de l'éventuelle extension du dispositif du droit individuel à la formation à la fonction publique n'est pas de la compétence du ministère chargé des affaires sociales. Des discussions sont menées sous l'égide du ministre de la fonction publique.

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Jean-Paul Anciaux, le projet de loi relatif à la formation tout au long de la vie et au dialogue social - n° 1233.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur, a tout d'abord souligné l'appréciation généralement positive des commissaires envers le titre Ier du projet de loi consacré à la formation professionnelle. Cela laisse penser que cette partie ne subira que des modifications essentiellement formelles lors de l'examen des articles. Le titre II présente quant à lui d'avantages de marges d'amélioration, comme en a convenu le ministre. Les auditions entamées permettront vraisemblablement d'en cerner les contours.

M. René Couanau a souligné l'apport de ce texte au problème de société que constitue la formation. Cette question doit être liée à l'actuel débat sur l'éducation afin de témoigner des grandes ambitions de la nation en matière de formation initiale et professionnelle. En effet, la création d'un droit individuel à la formation tout au long de la vie aura nécessairement des conséquences sur la formation initiale.

Le rapport devrait inclure une comparaison précise et illustrée entre le système actuel de formation professionnelle et le dispositif proposé par le projet de loi. Le système de la formation continue souffre de multiples handicaps, notamment la complexité et l'opacité des circuits financiers. Il n'est pas possible de faire l'impasse sur les points faibles que constituent la répartition des compétences entre l'État et la région et la complexité du parcours que doit emprunter le salarié dans sa démarche. S'il n'est pas possible d'améliorer le texte dans le sens de la simplification du financement et du parcours des salariés, il est indispensable que le rapport fait au nom de la commission mentionne ces deux nécessités. Il est patent que des problèmes de structures sont à l'origine de déperditions en matière de financement, en raison de charges de fonctionnement très lourdes. Il est du devoir des parlementaires d'apporter un éclairage à ce sujet.

Rappelant une remarque de M. Maxime Gremetz selon laquelle le Parlement ne pourrait qu'entériner la réforme proposée, le président Jean-Michel Dubernard a souligné que la discussion de ce texte est en effet particulière puisque le projet de loi repose sur un accord entre les partenaires sociaux. A l'avenir, le Parlement pourrait être associé plus en amont, dès le stade des négociations, à de telles réformes afin d'agir plus efficacement.

Par ailleurs, la question de la durée des contrats de professionnalisation, qui pourrait se révéler trop courte, ne doit pas être éludée.

M. Alain Néri a rappelé que les questions du fonctionnement des organismes de formation, de leur habilitation et de leur contrôle ont déjà été évoquées par le passé. Ce système ne répond plus aux besoins actuels et la prolifération des « stages parking » discrédite ce secteur d'activité ainsi que la formation professionnelle aux yeux de ceux qui en ont le plus besoin. Il est hautement souhaitable que les personnes qui ont reçu les formations initiales les moins étoffées bénéficient des droits les plus importants en matière de formation continue, contrairement à la situation qui prévaut actuellement.

M. Jean Ueberschlag a rappelé qu'à l'origine les contrats de qualification étaient qualifiants, et non diplômants comme cela est aujourd'hui très souvent le cas. Fixer une durée de six ou douze mois pour les contrats de professionnalisation constitue une régression sociale par rapport aux dispositifs en vigueur : on coupe les ailes aux contrats de qualifications ! Il serait intéressant de savoir si le droit à la formation est transférable pour un même salarié au sein d'entreprises successives ou si le droit de tirage est uniquement ouvert à l'entreprise. L'article 9 du projet présente une avancée par rapport à l'accord conventionnel en ouvrant le bénéfice du droit individuel à la formation aux salariés sous contrat à durée déterminée. Ce texte constitue en tout état de cause une première étape, qui peut être complétée par une initiative parlementaire pour faire évoluer l'édifice de la formation professionnelle vers plus de transparence, initiative qui pourrait prendre la forme d'une proposition de loi.

M. Maxime Gremetz, après avoir interrogé le rapporteur sur les sources de blocage d'une démarche vers plus de transparence des circuits de financement lors des négociations, a souligné l'extrême complexité des règles relatives à la négociation collective et a souhaité que le rapport présente sous la forme d'un schéma explicatif l'articulation du système.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants :

- Le rapport mettra clairement en exergue la situation concrète des salariés au regard de la formation professionnelle avant et après cette réforme.

- La question de la collecte des fonds n'est pas nouvelle et sera abordée.

- La durée du contrat de professionnalisation et la place de la formation dans ce contrat sont fixées a minima par l'accord, les branches pouvant y déroger dans un sens plus favorable au titulaire du contrat. Les branches professionnelles n'ont sans doute pas encore clairement perçu cette possibilité.

- Le projet prévoit la possibilité d'adapter la durée et le contenu des formations lorsqu'elles s'adressent à des publics en difficulté.

- Le rapporteur, pas plus que le ministre, n'était présent à la table des négociations entre les partenaires sociaux. Il ne peut donc pas fournir d'informations sur les organisations qui n'auraient pas souhaité aller vers plus de transparence.

- La complexité du texte rend nécessaire la réalisation d'un schéma synoptique pour éclairer les commissaires sur les règles de conclusion des accords.

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