COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 25

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 25 janvier 2005
(Séance de 16 heures 15)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de loi de MM. Patrick Ollier, Hervé Novelli, Pierre Morange et Jean-Michel Dubernard portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise - n° 2030 (M. Pierre Morange, rapporteur)




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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Pierre Morange, la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise - n° 2030.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est tout d'abord félicité de la discussion de ce texte, dans la continuité de la première réforme d'assouplissement des 35 heures et de la refonte du dialogue social, dont la philosophie est de repenser l'articulation entre la convention collective et la loi, pour une meilleure démocratie sociale. Cette proposition de loi permettra aux salariés de mieux choisir leur temps de travail, notamment par le biais du compte épargne-temps. Cette disposition reprend une attente forte de nos concitoyens. Par ailleurs, des mesures très positives sont prévues pour les petites entreprises, qui devraient leur permettre de mieux affronter la concurrence.

M. Pierre Morange, rapporteur, a souhaité revenir sur le contexte dans lequel s'inscrit ce débat avant de présenter la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, déposée par MM. Patrick Ollier, Hervé Novelli, Jean-Michel Dubernard et lui-même.

Le bilan de la réduction du temps de travail telle que mise en place par les deux lois Aubry I et Aubry II de 1998 et 2000, effectué notamment par la mission d'information commune de l'Assemblée nationale, présidée par M. Patrick Ollier et dont M. Hervé Novelli était rapporteur, a laissé plus que songeur et interrogatif.

Les principales conclusions sont : la complexité juridique née de dispositions multiples, dénoncée il y a peu encore par le rapport de la commission présidée par M. Michel de Virville, intitulé « Pour un code du travail plus efficace » et remis au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité en janvier 2004, mais surtout l'incertitude économique. Les 35 heures devaient apporter une réponse au problème du chômage, il n'en a rien été, comme le montre la modestie des résultats atteints : 350 000 emplois créés au mieux semble-t-il, à un coût exorbitant sans atteindre les objectifs annoncés et espérés du fait de la croissance économique de l'époque.

Il y a plus grave : les menaces, mises aujourd'hui en évidence par de multiples contributions, sur la croissance à long terme. Pour ne reprendre que la dernière, issue des travaux du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus à l'automne 2004, il semble avéré que la logique du partage du travail, qui sous-tendait le processus de réduction du temps de travail, est une perspective statique et pour le moins fragile. Ce rapport pointe le fait que « les pays dans lesquels la durée du travail et les taux d'activité sont élevés sont aussi ceux dans lesquels le chômage est le plus faible ».

Le bilan social est quant à lui au mieux mitigé. S'il est vrai qu'une partie des attentes des salariés a été satisfaite par la réduction du temps de travail, à l'inverse, comment ne pas reconnaître les difficultés importantes qui ont été engendrées par la réduction systématique du temps de travail ? La plupart des analyses, alors même qu'elles relèvent par ailleurs les aspects positifs du bilan, sont critiques au sujet des conditions de travail des salariés, de l'articulation qui prévaut aujourd'hui entre travail et loisirs ou encore du creusement des inégalités. Sans parler de la modération salariale ou de la multiplicité des salaires minima interprofessionnels de croissance (SMIC) qui ont accompagné la mise en place des 35 heures.

Lorsque cela est possible, « travailler plus pour gagner plus » est l'une des libertés fondamentales auxquelles sont aujourd'hui attachés les salariés. Cette liberté a été mise en péril par l'application des deux lois Aubry. Elle correspond à une préoccupation réelle : toutes catégories confondues, environ la moitié des salariés préféreraient avoir plus d'argent et moins de temps libre, et cela est plus vrai encore s'agissant des employés et des ouvriers.

Pour autant, la présente proposition de loi n'entend pas revenir sur le cadre légal des 35 heures tel qu'il résulte aujourd'hui de l'article L. 212-1 du code du travail. Il s'agit d'un droit acquis, comme l'a rappelé le Président de la République lors de son allocution du 14 juillet 2004. L'enjeu est plus global : il convient aujourd'hui de réserver une place plus importante à la négociation collective, de façon à prendre en compte la très grande diversité des souhaits des salariés.

La loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, dite « loi Fillon », a déjà entrepris d'assouplir la législation sur le temps de travail. Ces premières mesures étaient nécessaires. Il est proposé aujourd'hui d'aller plus loin, compte tenu des possibilités nouvelles offertes par la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Cette proposition prend, par ailleurs, place dans le cadre annoncé par le Premier ministre dès le mois de décembre dernier lors de sa présentation du « contrat France 2005 ». De ce point de vue, elle constitue aussi une illustration de l'articulation entre les pouvoirs exécutif et législatif, symbole de la démocratie au quotidien.

Elle comporte quatre articles, traitant de trois sujets principaux.

Le premier concerne l'assouplissement du dispositif du compte épargne-temps. Aujourd'hui, le compte épargne-temps est un instrument encore trop peu utilisé. Dans 15 % environ des entreprises seulement, une majorité de salariés l'alimentent effectivement. Dans les plus petites entreprises, cette proportion est encore moindre. Le compte épargne-temps doit pouvoir devenir l'outil du développement d'une nouvelle conception de la gestion de son temps tout au long de la vie.

L'article 1er de la présente proposition de loi s'inscrit dans cette même philosophie, que l'on peut résumer en trois mots : simplicité, souplesse, diversité. Simplicité tout d'abord, puisque cet article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 227-1 du code du travail, allégée par rapport à celle aujourd'hui en vigueur - mais dans un même esprit puisque reposant sur l'existence d'une convention ou d'un accord collectif de travail.

Cette rédaction est avant tout au service de la souplesse, puisque l'utilisation du compte épargne-temps n'est plus encadrée par des seuils rigides, qu'il s'agisse de la condition d'ancienneté, de la période maximale de dix jours relative à la possibilité de report de congés ou des maxima de cinq jours dans l'année et de quinze jours au total pour l'affectation de jours effectués au-delà de la durée collective du temps de travail. Seules subsistent deux limites : le respect des dispositions légales relatives à la durée maximale hebdomadaire du travail et des dispositions communautaires relatives aux congés annuels.

Par ailleurs, la nature des éléments susceptibles d'alimenter le compte épargne-temps est diversifiée : désormais, ce qui n'était pas le cas auparavant, le repos compensateur obligatoire ainsi que tout type de jours de repos et de congés accordés au titre de la réduction du temps de travail pourront constituer des sources d'alimentation du compte épargne-temps. De plus, toute somme pourra maintenant être affectée au compte épargne-temps par le salarié.

La limite selon laquelle l'ensemble des droits acquis sur une année affectés au compte épargne-temps ne pouvait excéder vingt-deux jours disparaît, créant un élément de souplesse considérable.

Les conditions d'utilisation, s'agissant de l'utilisation en temps, sont pour l'essentiel maintenues. Pour l'utilisation en argent, en revanche, les possibilités nouvelles sont considérables. Le salarié peut, aux termes de la proposition de loi, voir sa rémunération complétée par une monétisation immédiate de ses droits acquis. Quant aux possibilités de monétisation différée, qui étaient certes ouvertes dans le régime aujourd'hui en vigueur, elles sont expressément développées par la référence à la fois à l'alimentation d'un plan d'épargne collectif et à des versements au profit d'un régime de retraite supplémentaire. L'employeur, quant à lui, conserve l'usage de la possibilité préexistante d'utilisation de jours qu'il a affectés collectivement au compte épargne-temps si les caractéristiques des variations de l'activité le justifient.

La limite générale selon laquelle le congé indemnisé devait être pris dans un délai de cinq ans est supprimée par la nouvelle rédaction, rendant possible une véritable gestion du temps - comme de l'argent - tout au long de la vie.

Quant aux éléments complémentaires relatifs aux modalités de gestion du compte, leur définition est plus générale encore que dans la version actuelle compte tenu du fait que l'accord doit préciser les conditions dans lesquelles les droits acquis doivent être transférés ou liquidés lorsque leur montant excède un seuil défini par décret.

Il est important que le compte épargne-temps soit favorisé par un régime social et fiscal attractif, la discussion qui s'ouvre devant venir enrichir de ce point de vue le présent dispositif : d'une part, en en garantissant un bon fonctionnement, d'autre part en en renforçant l'attractivité, notamment au regard des possibilités nouvelles parallèlement ouvertes aux articles 2 et 3 de la présente proposition.

Le deuxième sujet abordé par la proposition de loi est celui du développement du temps choisi. Cette proposition vient s'ajouter à l'assouplissement déjà opéré par le décret n° 2004-1381 du 21 décembre 2004 relatif à la fixation du contingent annuel d'heures supplémentaires prévu aux articles L. 212-6 du code du travail et L. 713-11 du code rural qui a procédé à une augmentation du contingent légal d'heures supplémentaires pour le porter de 180 à 220 heures, premier pas vers le temps choisi.

Ainsi l'article 2 ouvre au salarié qui le souhaite, dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif de travail, la faculté, en accord avec le chef d'entreprise, d'effectuer des « heures choisies » au-delà du contingent d'heures supplémentaires. L'accord collectif de travail définit notamment le taux de la majoration de ces heures, taux qui ne peut être inférieur au taux applicable dans l'entreprise ou dans l'établissement pour les heures supplémentaires, ainsi que, le cas échéant, les contreparties, notamment en termes de repos. Les limites maximales hebdomadaires de la durée du travail sont applicables.

Les cadres bénéficiant d'un régime particulier d'organisation du temps de travail, il convenait de leur ouvrir une possibilité spécifique de « temps choisi ». Aussi l'article 2 leur donne la possibilité de décider, en accord avec le chef d'entreprise, de renoncer à une partie des jours de repos en contrepartie d'une majoration de salaire. Là encore, il est nécessaire qu'un accord collectif soit signé, pour prévoir non seulement le principe d'une telle renonciation mais aussi le montant de la majoration ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés font connaître leur choix. Ces jours ne sont alors pas pris en compte pour le décompte des jours travaillés tels qu'ils sont plafonnés au niveau de 218 jours par an, en application du paragraphe III de l'article L. 212-15-3 du code du travail.

Le troisième volet de la proposition de loi concerne les petites entreprises de vingt salariés au plus. Le régime prévu par l'article 3 est transitoire. Il vise à prendre en compte les spécificités des petites entreprises de vingt salariés au plus. Dans la logique initiée dès l'année 2000 avec l'adoption de la loi Aubry II, il est important de prévoir, pour celles qui ont été fragilisées par le choc des 35 heures et dont, en tout état de cause, les spécificités inhérentes à leur mode de fonctionnement le justifient, des mesures propres, à même de leur réserver une souplesse dans l'application des règles nouvelles.

L'article 3 prévoit donc que les deux mesures spécifiques relatives au régime des heures supplémentaires dans les petites entreprises de vingt salariés au plus sont prorogées jusqu'au 31 décembre 2008 : il s'agit d'une part de la majoration à un taux minoré établi à 10 % des quatre premières heures supplémentaires et d'autre part, de la possibilité de n'imputer les heures supplémentaires sur le contingent qu'à compter de la trente-septième heure, et non de la trente-sixième, comme le voudrait l'application stricte de la durée légale à 35 heures.

Par ailleurs, à titre transitoire jusqu'au 31 décembre 2008, afin de tenir compte des difficultés plus importantes des petites entreprises s'agissant du compte épargne-temps, l'article 3 prévoit pour les salariés un mécanisme de renonciation à une partie de leurs jours ou demi-jours de repos accordés au titre de la réduction du temps de travail, en accord avec le chef d'entreprise. Ce mécanisme de renonciation, compte tenu de l'absence d'accord collectif, est encadré par un certain nombre de garanties : cette possibilité est limitée à dix jours par an et le taux de la majoration salariale doit être au moins égal à 10 %. Tels sont donc les principales dispositions soumises à la commission, que la discussion ne doit pas manquer de venir enrichir.

Plusieurs commissaires sont intervenus après l'exposé du rapporteur.

M. Michel Liebgott s'est réjoui de retrouver l'ensemble des membres de la commission pour une nouvelle année de travail, tout en déplorant que la reprise des travaux parlementaires soit entachée par l'examen d'un texte aussi malheureux. Les Français commencent certes à être coutumiers de ces textes de régression sociale mais, en novembre 2003, avant l'examen du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, le gouvernement avait pris l'engagement de privilégier la négociation collective avant toute réforme de nature législative du droit du travail. Il semblerait donc que les promesses n'engagent que ceux qui les tiennent et que le gouvernement ne soit pas capable de respecter ses engagements. Lorsque la population aura connaissance des manœuvres de la majorité, il n'est pas impossible qu'une « jacquerie » ou une nouvelle « prise de la Bastille » ait lieu, car le sujet n'est pas anodin, loin de là. Il s'agit tout de même de modifier le temps et les conditions de travail de nos concitoyens, bases de notre pacte social.

Par ailleurs, cette proposition de loi n'est pas inscrite dans une niche parlementaire, mais à l'ordre du jour prioritaire, ce qui prouve que le gouvernement cautionne la démarche, même s'il ne s'est pas manifesté et joue profil bas.

L'opposition sera attentive à toute régression. Elle a rencontré, dans le temps très court dont elle disposait, les organisations syndicales. Celles-ci dressent un constat commun : cette façon de procéder est dérogatoire et dangereuse. Le Conseil d'Etat n'a pas été consulté, le texte n'a pas été présenté en Conseil des ministres, il n'a bénéficié d'aucune étude d'impact et les organisations syndicales ont été laissées de côté.

L'exposé des motifs est en outre inexact. Il évoque une réduction du temps de travail qui aurait été obligatoire. Mais c'est nier les centaines d'accords collectifs signés, notamment sous l'empire de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail, dite « loi Robien ».

A l'inverse, ce texte met en place une hausse obligatoire du temps de travail, pour satisfaire des groupes de pression puissants.

Le démantèlement des acquis sociaux, confirmé par ce texte, est en cours depuis l'examen du projet de loi de cohésion sociale, où le gouvernement a introduit la possibilité, pour l'employeur, de licencier individuellement un salarié au simple motif que celui-ci refuse la modification d'une des clauses de son contrat de travail. Pourquoi aller aussi loin dans l'idéologie et le dogmatisme ? Dans les faits, ce texte désastreux aboutit à rétablir la semaine de quarante heures soit un retour à l'époque du Front populaire. C'est dire l'ampleur de la régression sociale imposée par le gouvernement. Au demeurant, les orientations proposées seront de peu d'effets puisque la réduction du temps de travail n'a pas touché la plupart des PME. Quant aux grandes entreprises, l'attitude du deuxième producteur mondial d'acier, Arcelor, qui annonce qu'à l'avenir et face à la forte hausse de la demande mondiale, il préférera recourir aux heures supplémentaires plutôt que d'embaucher de nouveaux salariés, est significative. Cette situation est d'autant plus grave qu'elle annonce le passage d'une société à une autre : désormais, la loi de l'économie prend le pas sur les droits sociaux. Et encore, les Français ne savent pas tout ! Ils n'ont pas clairement conscience que l'entreprise de déconstruction du droit du travail n'en est encore qu'à ses débuts. Ainsi que l'a dit Nicolas ou Guillaume Sarkozy - l'un ou l'autre, cela importe peu car sur ce point ils partagent les mêmes idées -, « la durée légale du travail n'a pas de sens ». Si, sur le papier, le texte proposé est modeste - il est composé de trois articles - ses effets sont considérables puisqu'il consacre le traitement du salarié comme variable d'ajustement. Les statistiques montrent en effet que les heures supplémentaires travaillées sont, en moyenne, de 59 heures par an et par salarié qui en fait. Or, un décret scélérat du gouvernement a porté le contingent d'heures supplémentaires autorisées à 220 heures par an et par salarié. Qu'est-ce à dire ? Aujourd'hui, rien, puisque la demande est trop atone pour que les entreprises aient un surcroît d'activités. Mais si la croissance molle cède un jour la place à une croissance forte, les entreprises préféreront augmenter les heures supplémentaires plutôt que d'embaucher. Il est vrai qu'avec la politique de ce gouvernement, le risque d'un retour à la croissance est faible. Au final, la réforme proposée par le gouvernement n'aboutit ni à créer des emplois ni à inciter les partenaires sociaux à un retour à la négociation. La mobilisation des fonctionnaires n'a pas été entendue par le gouvernement ; il est à craindre que les manifestations prévues pour le 5 février ne le soient pas non plus. « Travailler plus pour gagner plus », tel est le slogan du gouvernement ; en réalité il s'agit bien plus d'accroître la productivité sans réellement augmenter les salaires. Il ne s'agit pas là de céder au fameux leitmotiv de la « France qui tombe ». Les cinq années du gouvernement socialiste (1997-2002), période au cours de laquelle a été enregistré le plus grand nombre d'heures travaillées en France, sont là pour démontrer qu'il ne faut pas céder au pessimisme : au cours de la même période, deux millions d'emplois ont été créés et le nombre des chômeurs a été réduit d'un million. Cela a également été rendu possible par la création des emplois jeunes. Au prix de 13 000 euros par an et par emploi ceux-ci ont permis à de nombreux jeunes de s'insérer dans le monde du travail tandis que le dispositif des contrats initiative emploi, mis en place par l'actuel gouvernement, d'un coût bien plus élevé - 45 000 euros - peine encore à démontrer son efficacité.

Puis, évoquant la formule de l'écrivain Jack London, « il faut plier ou partir », M. Michel Liebgott a déclaré que le groupe socialiste n'a pas l'intention de plier devant le gouvernement et la majorité car cela reviendrait à condamner les salariés les plus modestes et les personnes - de plus en plus nombreuses - les plus démunies. Toutefois, ne souhaitant pas que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales soit la « commission du démantèlement social », il a indiqué que le groupe socialiste a décidé de ne pas assister à l'examen en catimini des amendements et n'interviendra dans le débat qu'au cours de la séance publique

(Tous les commissaires socialistes se retirent).

Après avoir pris acte de la stratégie du groupe socialiste, le président Jean-Michel Dubernard a aussitôt regretté cette attitude considérant qu'elle ternit l'image du Parlement, le travail en commission faisant partie intégrante du travail parlementaire.

Mme Martine Billard a déclaré être en accord sinon avec l'attitude du moins avec les remarques formulées par le porte-parole du groupe socialiste. Le texte est une somme d'hypocrisies à la fois sur la forme mais aussi, ce qui est plus regrettable encore, sur le fond. Faire croire aux Français qu'ils peuvent choisir leur temps de travail relève à l'évidence de la supercherie. Qui peut faire croire que les femmes, les plus nombreuses à travailler à temps partiel, choisissent leur nombre d'heures de travail ? Plutôt que de réclamer, dans un effet d'annonce, l'égalité de salaires entre les hommes et les femmes, égalité factice, le Chef de l'Etat serait plus avisé de s'attaquer aux véritables causes de l'inégalité entre les sexes en milieu professionnel en transformant le temps partiel en temps choisi. Car, derrière cette proposition de loi, se cache en réalité la volonté du gouvernement de faire disparaître purement et simplement la notion de durée légale du travail dans le code du travail. Dans les faits et hormis quelques cas exceptionnels, c'est toujours l'employeur qui définit et impose la durée du travail à l'employé : les heures supplémentaires ne sont pas un choix mais une obligation. De plus, recourir aux heures supplémentaires, cela implique de produire plus, donc de répondre à une demande plus forte. Or, là aussi, pointe une contradiction : comment relancer la consommation lorsque les prélèvements de toutes sortes augmentent et que les revenus - non pas pris individuellement mais dans leur globalité - baissent. Cette proposition de loi mériterait de plus amples développements, qui ne manqueront pas de donner lieu à débats lors de l'examen du texte en séance publique. La réforme envisagée est d'autant plus injuste qu'elle pénalise en priorité les femmes et les salariés âgés, lesquels en raison de leur situation de famille ou de leur santé, sont les moins susceptibles de faire des heures supplémentaires.

M. Maxime Gremetz a déclaré que, contrairement aux commissaires du groupe socialiste, il entendait participer au débat sur la proposition de loi en commission et défendre ses amendements. Rarement ces dernières années le gouvernement a déposé des textes de progrès social ; il n'y a donc pas plus de raison aujourd'hui qu'hier de boycotter l'examen du texte en commission. Sur le fond, trois éléments sont à prendre en compte.

Premièrement, il importe d'avoir à l'esprit que la dénonciation des 35 heures relève du discours idéologique. Faute d'autres arguments, les 35 heures sont accusées de tous les maux de la terre, notamment par le MEDEF : si la charcuterie se porte mal, c'est la faute aux 35 heures, etc. Le contexte ensuite doit être rappelé. Il faut se souvenir que l'annonce de cette proposition de loi est intervenue lors de l'examen par le Parlement du projet de loi de cohésion sociale, ce qui n'a pas manqué d'engendrer le trouble à la fois dans les orientations du gouvernement et jusque chez le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, M. Jean-Louis Borloo, tant les dispositions annoncées allaient à rebours de l'esprit du texte qu'il défendait. Enfin, il importe de souligner que certains patrons sont très satisfaits des accords passés avec les syndicats lors de la négociation sur la réduction du temps de travail et ne souhaitent pas les remettre en cause. Il faut en effet rappeler que deux lois successives ont organisé le passage de la durée légale du temps de travail à 35 heures. La première, limpide - baisse de la durée légale du temps de travail de 10 % en contrepartie d'un engagement des entreprises de créer 6 % d'emplois supplémentaires avec des aides de l'Etat -, a abouti à de nombreux accords et à la création de 450 000 emplois. Cette première loi a réellement permis de libérer du temps libre ; la seconde, en revanche, fruit d'un compromis boiteux entre le Premier ministre d'alors et le président du MEDEF, a entraîné de nombreux blocages en prévoyant la réduction de la rémunération des quatre premières heures supplémentaires - majorées de 10 % en lieu et place de 25 % à l'origine. De sorte que, dans ces conditions, le gouvernement actuel n'a plus aucun mérite à maintenir la durée légale du travail à 35 heures, celle-ci devenant une contrainte d'autant plus factice que l'élargissement du contingent d'heures supplémentaires jadis fixé à 130, puis à 180, et maintenant à 220 heures par salarié et par an, conduit en réalité à ce que la durée véritable du travail s'accroisse de 35 à 39 et bientôt à 40 heures.

L'argument selon lequel cette réforme permettrait de travailler plus pour gagner plus doit être rejeté car il relève de la propagande et révèle un discours populiste qui cherche à séduire les travailleurs modestes en passant sous silence la baisse du pouvoir d'achat.

Hier encore, le journal Le Monde se faisait l'écho de cette baisse du pouvoir d'achat qui se traduit par une augmentation de la part des profits dans le revenu national et par une baisse des revenus salariaux dans le partage de la valeur ajoutée. La réalité de la baisse du pouvoir d'achat est tellement évidente qu'elle explique aisément pourquoi 84 % des Français ont pour première préoccupation la stagnation ou la baisse de leurs revenus.

Face à cette réalité incontestable de la baisse du pouvoir d'achat, il faut souligner l'importance des exonérations de charges sociales qui sont accordées le plus souvent sans aucune contrepartie en termes d'emploi.

Il convient de s'élever contre certaines idées fausses comme par exemple celle selon laquelle le travail coûte trop cher dans notre pays ou que les Français ont perdu le goût de travailler. Une récente étude publiée par l'INSEE en juin 2004 permet en effet de démontrer le contraire puisqu'elle établit que le coût annuel moyen d'un salarié est de 37 941 euros en France contre 45 664 euros en Allemagne, nouveaux Länder inclus. De même, il convient de souligner que la productivité du travail en France est supérieure à celle des Etats-Unis.

Les lois sur les 35 heures ont eu des effets positifs en termes d'emploi contrairement à ce que prétendent les partisans d'une économie totalement libéralisée. Le rapport de la mission d'information parlementaire sur les 35 heures, qui ne peut être accusé d'être favorable à la réduction du temps de travail, notait que 350 000 emplois avaient été créés et 50 000 sauvegardés grâce aux deux lois dites « Aubry ».

Des critiques acerbes ont été adressées à ces deux lois en raison d'un coût prétendument exorbitant pour les finances publiques, mais est-ce que ce sont les 35 heures qui coûtent ou plutôt les exonérations des charges patronales, qui atteignent 21,5 milliards d'euros, chiffre d'autant plus considérable qu'il n'existe aucune contrepartie en termes d'emploi ?

Ces propos ne visent pas à embellir la réalité car si la première loi Aubry a incontestablement représenté un progrès, la deuxième résulte d'un compromis douteux entre le gouvernement de Lionel Jospin et le MEDEF. De nombreux aspects de cette législation sur la réduction du temps de travail doivent être améliorés et tel est l'objectif des différents amendements qui vont être présentés au nom du groupe communiste.

M. Paul-Henri Cugnenc a souligné qu'il a écouté attentivement les arguments de l'opposition qui doivent être réfutés à plusieurs titres. Pour répondre à Mme Martine Billard, il paraît exagéré de dire que le temps partiel est toujours un temps partiel subi par le salarié. Dans de nombreux secteurs, les employeurs n'ont aucun intérêt à favoriser le temps partiel qui pose des problèmes complexes d'organisation comme par exemple à l'hôpital où son développement génère de graves difficultés pour assurer un service public de qualité.

On ne peut accepter les propos de M. Maxime Gremetz selon lesquels travailler plus pour gagner plus relèverait de propos populistes et démagogiques. De nombreux salariés modestes aspirent à améliorer leur niveau de vie en travaillant plus. Les chiffres cités par M. Maxime Gremetz doivent être interprétés avec précaution car s'il est exact qu'un travailleur allemand coûte plus cher qu'un salarié français, il convient de préciser que la durée du travail en Allemagne étant supérieure à la durée française, le travailleur allemand a une « production » supérieure à un salarié français au cours d'une année donnée.

Mme Chantal Bourragué a souligné que cette loi est vivement attendue par toutes les entreprises sujettes à de fortes variations d'activité et qui sont contraintes, notamment en fin d'année, d'augmenter massivement leurs heures de travail pour faire face à un surcroît de commandes et se heurtent alors à tous les plafonds et contingents en place. Cette proposition de loi permettra d'indemniser de manière équitable les salariés de leurs efforts en termes de temps de travail sans pénaliser trop fortement les finances de l'entreprise.

En réponse aux différents intervenants, M. Pierre Morange a apporté les précisions suivantes :

- Cette proposition de loi résulte d'un long travail de réflexion des parlementaires qui a utilement complété les réformes initiées par le pouvoir exécutif. Au cours de l'année 2004, le dépôt de plusieurs propositions de loi a ainsi approfondi le travail réalisé par la mission parlementaire sur l'évaluation des lois relatives aux 35 heures. Cette coopération est un modèle en la matière et démontre que l'initiative parlementaire existe réellement.

Il convient de s'inscrire en faux contre l'idée selon laquelle cette proposition de loi consacrerait un certain autoritarisme de l'employeur dans les relations professionnelles, alors qu'elle affirme à plusieurs reprises la primauté de l'accord collectif et exige en outre l'accord individuel du salarié pour modifier la durée du travail qui lui est applicable. De même, ce texte n'a pas pour objectif de supprimer la référence à la durée légale du travail qui demeurera de 35 heures hebdomadaires par semaine.

De nombreuses critiques ont aussi été formulées à l'encontre du contingent des heures supplémentaires qui a été porté à 220 heures annuelles. Cette augmentation est utile pour certaines entreprises soumises à de fortes variations d'activités. La moyenne de 59 heures supplémentaires par an et par salarié recouvre de nombreuses situations particulières.

On ne peut non plus laisser dire que cette proposition de loi constituerait une véritable régression du dialogue social alors que le texte renvoie constamment aux accords collectifs. Il faut se féliciter que plusieurs lois récentes en matière sociale soient la traduction de négociations sociales antérieures comme par exemple la loi sur la formation professionnelle et le dialogue social. De même, si les négociations interprofessionnelles sur les plans sociaux et les licenciements économiques se sont soldées par un échec, la loi de cohésion sociale a permis de reprendre des éléments dégagés par ces négociations. Cette méthode paraît bien préférable à celle utilisée lors des lois Aubry qui a cherché à faire passer en force des présupposés idéologiques.

En réponse à M. Maxime Gremetz, il convient de préciser que si la productivité française est satisfaisante, la productivité horaire a augmenté en moyenne de 2,32 % entre 1996 et 2002 alors que la productivité par salarié n'a progressé que de 1,06 %, la différence entre ces deux chiffres s'expliquant par la réduction massive de la durée du travail.

Pour ce qui est enfin du lien entre emploi et temps de travail, il faut rappeler que c'est travailler plus qui permet de gagner plus, donc de consommer plus, donc d'avoir plus d'emplois.

Puis la commission est passée à l'examen des articles.

Avant l'article 1er

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz précisant que le refus d'effectuer des heures complémentaires proposées par l'employeur ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

Le rapporteur a émis un avis défavorable car il a estimé que le statut juridique des heures complémentaires est déjà suffisamment protecteur du salarié.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant que les heures complémentaires donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des quatre premières heures et de 50 % pour chacune des heures suivantes, le rapporteur ayant émis un avis défavorable après avoir rappelé la spécificité du régime des heures complémentaires et précisé qu'au-delà du dixième de l'horaire contractuel, un accord collectif peut porter cette limite au tiers de l'horaire et que les heures effectuées au-delà du dixième sont alors majorées de 25 %.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz abrogeant le premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail relatif notamment à la réduction du délai de prévenance pour modification des horaires de travail dans le cadre d'un contrat à temps partiel.

Puis, la commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz précisant que les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire minimale de 25 % pour chacune des quatre premières heures et de 50 % pour chacune des heures suivantes, le rapporteur ayant considéré que cela causerait un renchérissement des heures supplémentaires à même de renforcer la diminution du temps de travail, ce qui ne correspond pas à l'objet du texte, et émis un avis défavorable.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant que les heures supplémentaires doivent s'effectuer après accord exprès du salarié concerné et qu'elles ne doivent être utilisées que pour faire face à un surcroît d'activité alors qu'il y a impossibilité de recruter du personnel qualifié, le rapporteur ayant donné un avis défavorable au motif que les heures supplémentaires relèvent du pouvoir de direction de l'employeur en vertu d'une jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation et qu'en tout état de cause le salarié peut refuser de faire des heures supplémentaires dans certains cas.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz précisant que le refus par le salarié d'effectuer des heures supplémentaires conjoncturelles ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.

La commission a examiné deux amendements de M. Maxime Gremetz : l'un prévoyant de porter à 15 jours au lieu de 7 actuellement le délai de prévenance en cas de modulation du temps de travail, tel que défini à l'article L. 212-8 du code du travail, le second abrogeant partiellement le septième alinéa de l'article précité afin de modifier le régime relatif à la réduction du délai de prévenance de façon à permettre aux salariés de mieux s'organiser dans leur vie familiale.

Le rapporteur a précisé que le délai de prévenance de sept jours ouvrés résulte des lois Aubry et que, par ailleurs, il convient de noter qu'un accord peut augmenter ce délai. De plus, il a rappelé qu'aux termes de l'article L. 212-8 du code du travail, la possibilité de réduire les délais de prévenance est encadrée de manière assez importante, qu'il s'agisse de l'existence de conditions fixées par convention ou accord collectif, de la nécessaire justification de ce recours par les caractéristiques particulières de l'activité ou encore des contreparties prévues au bénéfice du salarié aux termes de l'accord.

La commission a rejeté les deux amendements.

La commission a examiné un amendement présenté par M. Maxime Gremetz qui renforce les prérogatives du comité d'entreprise notamment dans certains choix économiques comme par exemple les décisions d'investissement, d'externalisation ou de délocalisation des activités et qui prévoit la possibilité d'organiser des référendums relatifs à des choix de gestion économique.

Le rapporteur a considéré que cet amendement, qui ne correspond pas à l'objet du texte étudié, institue une véritable cogestion dans l'entreprise et remet en cause l'équilibre des pouvoirs et attributions du comité d'entreprise tels qu'ils figurent à l'article L. 432-1 du code du travail et a émis un avis défavorable.

La commission a rejeté l'amendement.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz abrogeant l'article 17 de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes qui autorise le travail de nuit des femmes notamment dans le secteur industriel, son auteur ayant fait remarquer que cette disposition, rendue obligatoire par une directive européenne, constitue une véritable régression sociale.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz rétablissant la commission de contrôle de l'utilisation des fonds publics telle qu'elle avait été créée par la loi du 4 janvier 2001 relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises.

Le rapporteur, émettant un avis défavorable, a fait observer que cette disposition n'a pas de lien avec la présente discussion. Par ailleurs, la loi du 4 janvier 2001 a précisément été abrogée car elle se contentait de créer, en pur affichage, une nouvelle commission administrative sans véritables moyens. Enfin, il existe déjà aujourd'hui des procédures de contrôle de fonds publics, à commencer par la Cour des comptes qui peut contrôler les bénéficiaires de fonds publics.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz abrogeant l'article 3 de la loi 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi portant définition de l'astreinte, le rapporteur ayant donné un avis défavorable après avoir rappelé l'exigence communautaire au fondement de cette définition ainsi que l'existence de contreparties sous forme financière ou de repos.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à abroger l'article 15 de la loi du 17 janvier 2003 précitée et à réécrire l'article 19 de la loi du 19 janvier 2000 dite loi Aubry II.

M. Maxime Gremetz a expliqué qu'il s'agit, en premier lieu, de subordonner l'octroi des aides publiques aux entreprises à leur implication dans la réduction du temps de travail et à leurs efforts en faveur de la création ou la sauvegarde de l'emploi. Ainsi, les entreprises qui préféreraient augmenter la durée du temps de travail, en application des dispositions prévues par la proposition de loi, ne seraient plus éligibles à ces aides. L'amendement vise, en second lieu, à promouvoir le développement des comités de suivi au sein des entreprises afin de veiller à la bonne application de la réduction du temps de travail.

La commission a rejeté l'amendement, après que le rapporteur s'y est déclaré défavorable en faisant valoir que le dispositif institué par la ministre de l'emploi et de la solidarité, Mme Martine Aubry, et auquel s'apparente cette proposition n'a pas eu les effets escomptés sur l'emploi.

Elle a également rejeté un amendement de M. Maxime Gremetz ayant un objet similaire.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant la signature des conventions ou accords collectifs relatifs à la réduction du temps de travail par des organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections des comités d'entreprise.

M. Maxime Gremetz a jugé nécessaire de renforcer le champ et la portée des accords majoritaires, dont le principe a été introduit lors du débat relatif à la réduction légale du temps de travail. La validité des accords concernant la réduction du temps de travail doit en effet être subordonnée au respect du principe de l'accord majoritaire.

Le rapporteur s'est opposé à l'amendement, en soulignant le caractère dérogatoire du régime qu'il est proposé d'instituer et en rappelant que la loi du 4 mai 2004 relative au dialogue social repose sur un équilibre différent et qui semble meilleur à bien des égards.

M. Maxime Gremetz s'est étonné que le rapporteur semble ainsi contredire les propos tenus par l'ancien ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, M. François Fillon, lors de la discussion du projet de loi relatif au dialogue social notamment, en remettant en cause le principe même des accords majoritaires.

Après que le rapporteur a répondu que tel n'avait pas été le sens de ses propos, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz proposant de fixer à trente-deux heures la durée légale du temps de travail pour les salariés affectés à des travaux reconnus pénibles ainsi que pour les travailleurs postés et de nuit.

M. Maxime Gremetz a souligné l'importance de cet amendement dans la mesure où l'on ne peut pas traiter de la même façon que les autres salariés ceux dont le travail présente un caractère pénible ou dangereux, lié par exemple à une exposition à l'amiante. Dès lors, ceux-ci doivent pouvoir bénéficier d'une retraite anticipée et d'une durée de travail inférieure.

Tout en reconnaissant l'importance de cette question, le rapporteur a rappelé, d'une part, que la durée légale du temps de travail doit être conforme aux seuils définis par la réglementation communautaire qui vise à protéger la santé des salariés et, d'autre part, que l'article 12 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites prévoit que, dans un délai de trois ans, les partenaires sociaux sont invités à engager une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité.

La commission a ensuite rejeté l'amendement.

Article 1er : Rénovation et simplification du compte épargne-temps

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz de suppression de l'article.

M. Maxime Gremetz a jugé nécessaire de supprimer les modifications apportées par la proposition de loi au compte épargne-temps dans la mesure où celles-ci ont pour objectif de contourner la mise en œuvre de la réduction du temps de travail, en introduisant, de façon assez imprécise, le principe et les conditions de la monétisation du compte épargne-temps. Qu'il soit ainsi permis, pour la première fois, de revendre son temps de travail est par ailleurs caractéristique d'un système capitaliste dans lequel toute activité humaine semble décidément pouvoir se monnayer.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, au motif que l'amendement s'inscrit dans une réflexion très différente de celle des auteurs de la proposition de loi puisque les modifications apportées au compte épargne-temps ont pour objectif de permettre d'accroître la souplesse au service des salariés et de faciliter l'adaptation des entreprises à leur environnement économique, la commission a rejeté l'amendement.

Article L. 227-1 du code du travail

La commission a adopté un amendement de précision du rapporteur visant à prendre en considération l'intégralité des conventions et accords résultant de la négociation collective.

La commission a examiné un amendement de M. Hervé Morin visant à préciser que le compte épargne-temps permet aux salariés « en fin d'année » d'accumuler des droits à congés rémunérés ou à rémunération.

M. Hervé Morin a expliqué que cet amendement vise en réalité à obtenir des précisions sur les modalités de provisionnement par les entreprises de la rémunération liée au compte épargne-temps, puisque celle-ci peut être immédiate ou différée selon le choix du salarié. Quelles seront par ailleurs les dispositions fiscales applicables à ces provisionnements ?

Le rapporteur a rappelé que la proposition de loi apporte deux éléments de réponse à ce sujet. Le septième alinéa de l'article 1er prévoit tout d'abord que la convention ou l'accord collectif définit les conditions dans lesquelles les droits affectés au compte épargne-temps peuvent être utilisés à l'initiative du salarié pour compléter la rémunération de celui-ci « dans la limite des droits acquis dans l'année ». En outre, l'antépénultième alinéa de cet article prévoit que les modalités de gestion du compte seront définies par l'accord collectif de travail, qui précisera notamment les conditions dans lesquelles les droits acquis sont transférés ou liquidés lorsque le montant de ceux-ci dépasse un montant défini par décret ou en cas de modification, de rupture du contrat de travail ou de fermeture du compte par le salarié. Un amendement sera enfin présenté ultérieurement afin de garantir la sécurisation financière de ce dispositif.

M. Hervé Morin a souhaité savoir concrètement quelles seront les modalités de provisionnement comptable d'une rémunération liée, par exemple, à l'affectation en 2005 par un salarié sur le compte épargne-temps de droits à congé d'une durée de quinze jours, et dont on ignore par définition dans quel délai ceux-ci seront utilisés.

Le rapporteur a tout d'abord rappelé que la proposition de loi vise précisément à assouplir les modalités de gestion du compte épargne-temps et que s'agissant du problème de la liquidation des droits acquis dans l'année, l'entreprise aura l'obligation de s'appuyer sur un organisme extérieur dès lors que le cautionnement sera supérieur à un seuil fixé par décret et sans doute de l'ordre de 60 000 euros par salarié - organisme venant en quelque sorte relayer la garantie déjà existante dans le cadre de l'association pour la garantie des salaires (AGS).

M. Hervé Morin a ensuite retiré l'amendement.

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à permettre aux salariés cadres relevant d'une convention individuelle de forfait exprimée en heures de bénéficier de la possibilité d'affecter au compte épargne-temps les heures effectuées au-delà du forfait, le rapporteur ayant souligné que cette proposition répond à un souci d'égalité entre les salariés.

M. Hervé Morin a retiré un amendement rédactionnel.

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à préciser que la référence à l'année concernant la limite pour la monétisation immédiate des droits acquis n'est obligatoire qu'en l'absence de disposition contraire prévue par la convention ou l'accord collectif.

Le rapporteur a expliqué qu'il s'agit ainsi de ne pas limiter la possibilité nouvelle pour le salarié d'obtenir le versement immédiat sous forme monétaire de ses droits acquis et de préserver la possibilité ouverte aux entreprises qui le souhaitent de garantir à leurs salariés - dans les limites posées par la convention ou l'accord collectif - la liquidation des droits accumulés sur un compte épargne-temps au-delà de cette limite annuelle.

M. Maxime Gremetz a estimé que si la loi dite Aubry II pouvait être considérée comme une « usine à gaz », cette proposition de loi semble être une véritable « usine atomique » !

La commission a ensuite adopté l'amendement.

Elle a également adopté trois amendements du rapporteur, les deux premiers rédactionnels et le dernier visant à prévoir expressément la possibilité pour un salarié d'utiliser les droits acquis sur le compte épargne-temps dans le cadre du congé de solidarité internationale, le rapporteur ayant souligné que cette précision, par-delà son intérêt lié à l'actualité, est de nature à accroître la souplesse de la gestion du temps de travail et met ainsi en exergue l'un des cas d'application du compte épargne-temps.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur tendant à ce que la convention ou l'accord collectif prévoit l'utilisation de tout ou partie des droits affectés sur le compte épargne-temps pour effectuer des versements des plans d'épargne pour la retraite collectifs et que ceux de ces droits qui correspondent à un abondement en temps ou en argent de l'employeur bénéficient du régime prévu aux articles L. 443-7 et L. 443-8 du code du travail.

Le rapporteur a expliqué que l'objectif poursuivi par cet amendement est d'inciter les employeurs à compléter les apports des salariés au compte épargne-temps tout en favorisant l'épargne-retraite. Il est ainsi proposé d'établir un régime attractif d'exonération de cotisations sociales et d'impôts à la condition notamment que ces abondements soient affectés à un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO), cette traçabilité étant conforme à la volonté du gouvernement de privilégier l'épargne longue et de conforter les régimes de retraite en développant les mécanismes complémentaires.

Puis la commission a adopté l'amendement ainsi qu'un amendement de coordination du rapporteur.

Article L. 227-1 du code du travail

La commission a adopté un amendement du rapporteur visant à sécuriser les créances acquises par les salariés dans le cadre du compte épargne-temps. L'amendement mentionne explicitement le principe de la liquidation monétaire intégrale du compte du salarié qui quitte l'entreprise, excepté si des conditions de transfert des droits ont pu être définies. Il plafonne le montant des droits acquis individuellement, sauf dans le cas où un mécanisme spécifique d'assurance a été prévu et mis en place par l'entreprise.

M. Maxime Gremetz a souligné que la proposition de loi introduit un mécanisme illisible.

La commission a ensuite adopté un amendement de coordination du rapporteur relatif au régime fiscal et social des abondements de l'employeur affectés à un PERCO.

La commission a ensuite adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2 : Institution d'un régime de temps choisi

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de suppression de l'article de M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz a expliqué que l'article démantèle le dispositif des 35 heures en facilitant le recours aux heures supplémentaires. D'autres moyens existent pour répondre aux attentes des salariés, comme l'augmentation des salaires.

Article L. 212-6-1 du code du travail

La commission a adopté un amendement de précision du rapporteur.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Hervé Morin visant à ce que le dispositif des « heures choisies » puisse être adopté dans le cadre référendaire.

M. Hervé Morin a souligné que parfois toutes les conditions ne sont pas réunies pour qu'un accord collectif soit conclu.

Le rapporteur a répondu que le recours au référendum est strictement encadré par la loi. Il a proposé à l'auteur de l'amendement de le retirer, ce que M. Hervé Morin a accepté.

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à ce que le compte épargne-temps puisse être utilisé par les salariés âgés de plus de cinquante ans désirant cesser leur activité. Il s'agit de permettre le départ anticipé à la retraite et de faciliter l'embauche des jeunes. Suivant l'avis défavorable du rapporteur qui a précisé que cette possibilité est déjà ouverte pour le dispositif, sans pour autant permettre un abaissement de l'âge requis pour l'obtention des droits à retraite, ce qui ne correspond pas à l'objet du texte, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement de coordination et deux amendements rédactionnels du rapporteur.

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à étendre le dispositif du temps choisi aux salariés cadres soumis à une convention individuelle de forfait sur une base annuelle exprimée en heures. Cette catégorie de salariés échappe en effet au régime des « heures choisies » ainsi qu'au régime de renonciation aux jours de repos.

M. Maxime Gremetz a relevé le discours contradictoire de la majorité qui, d'une part, déplore le manque d'autorité des syndicats et, d'autre part, est prête à autoriser des salariés à négocier ce type d'accord. L'amendement revient en fait à créer des « jaunes ».

La commission a adopté l'amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement de précision et un amendement de coordination du rapporteur.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 : Mesures ciblées concernant les petites entreprises de vingt salariés au plus

M. Hervé Morin a déclaré comprendre les raisons économiques qui conduisent à distinguer les entreprises comptant moins de 20 salariés et celles en comptant plus de 20. Cependant, cette distinction est excessivement complexe et cette prolongation engendre une certaine perplexité. Elle constitue une lourde discrimination supplémentaire à l'encontre de salariés dont les conditions de travail sont peu favorables et les avantages sociaux moindres. Le groupe UDF proposera lors de la discussion un amendement prévoyant une bonification de 25 % de la rémunération des heures supplémentaires dans ces petites entreprises ainsi qu'une réduction à due proportion des cotisations sociales. Il faut inciter les salariés à travailler plus sans que cela soit coûteux pour l'entreprise.

La commission a examiné un amendement de suppression de l'article de M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz a expliqué que l'amendement vise à supprimer les dérogations accordées aux entreprises de 20 salariés au plus dans le paiement des heures supplémentaires. Cette dérogation était accordée pour permettre l'adaptation de ces entreprises à la réduction du temps de travail. Cette réduction n'étant plus actuelle, il convient de faire cesser cette dérogation. En outre, la différence crée une inégalité flagrante entre les salariés.

Invoquant les contraintes économiques qui ont conduit à proposer de proroger la différenciation de régime, le rapporteur a émis un avis défavorable.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, visant à préciser expressément, dans un souci d'égalité de traitement, que les entreprises comportant actuellement 20 salariés au plus ont droit aux mêmes dérogations que celles définies comme telles par la loi Aubry II.

La commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur.

La commission a adopté un amendement du rapporteur étendant, dans un souci d'égalité de traitement, l'application de l'article 3 aux salariés bénéficiant de jours ou demi-jours de repos sur une période de quatre semaines ainsi qu'aux cadres bénéficiant de conventions de forfait en heures sur une base hebdomadaire ou mensuelle.

La commission a adopté un amendement de coordination du rapporteur.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 : Gage

La commission a adopté l'article 4 sans modification.

La commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi rédigée.

Le président Jean-Michel Dubernard a regretté la posture des commissaires socialistes s'agissant de l'examen d'un texte trouvant sa source dans une initiative parlementaire.

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