COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 39

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 6 avril 2005
(Séance de 16 heures 45)

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président

SOMMAIRE

 

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- Examen, en présence de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille, du rapport sur la mise en application de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites (M. Denis Jacquat, rapporteur).


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En application de l'article 86, alinéa 8 du Règlement, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, en présence de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille, le rapport de M. Denis Jacquat sur la mise en application de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé, qu'après avoir entendu hier le ministre de la fonction publique, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales poursuit aujourd'hui avec le ministre des solidarités, de la santé et de la famille son évaluation de la mise en application de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

Les difficultés survenues avec les décrets d'août 2004 relatifs aux pensions de réversion ne doivent pas occulter le travail considérable accompli par la direction de la sécurité sociale. Conduit dans la concertation, il a recueilli des réactions favorables des organismes gestionnaires de l'assurance vieillesse. L'attachement du gouvernement à répondre aux attentes des différents organismes tout en menant à bien les réformes votées par le Parlement a porté ses fruits.

Mais la mise en application de la loi du 21 août 2003 est un travail de longue haleine, puisque la mise en œuvre de la réforme des retraites s'étale sur une période exceptionnellement longue : les premières dispositions sont entrées en vigueur le 1er septembre 2003 et les deux derniers décrets d'application sont attendus pour 2011 et 2015. Il était donc justifié d'attendre dix-huit mois pour mettre en œuvre le contrôle parlementaire de l'exécution de la loi du 21 août 2003.

Le rapporteur, Denis Jacquat, va faire le point de la mise en application de chacun des éléments de la réforme. Mais il faudra également tirer des enseignements de la procédure d'élaboration et de publication des décrets qui ont à plusieurs reprises été publiés soit après la date prévue pour la mise en œuvre des dispositions législatives, soit quelques jours avant. Il conviendrait de veiller à ce que, lorsque le Parlement adopte une réforme sociale de grande ampleur, une date de mise en application trop rapprochée ne soit pas retenue. Or, dans le cas présent, le 1er janvier 2004 avait été choisi pour les éléments les plus importants d'une loi définitivement votée le 24 juillet 2003.

En matière de retraite - comme d'ailleurs d'assurance maladie ou de droit du travail - après la publication d'un décret, s'engage un long processus de diffusion de mesures d'instruction pour les services, de modification des systèmes informatiques, de formation des personnels administratifs et d'accueil, d'élaboration de supports de communication destinés aux assurés. C'est pourquoi un délai d'au moins deux mois devrait être ménagé entre la publication des décrets les plus importants et la mise en application des mesures. Il appartient autant au Gouvernement qu'au Parlement de veiller, lors du vote de la loi, au choix d'une date de mise en application adaptée.

Dans le cas de la réforme des retraites, les organismes de gestion d'assurance vieillesse ont été confrontés à des situations difficiles, contraints d'anticiper des décrets et même de liquider de manière provisoire des dossiers de retraite selon l'ancienne législation en raison de la publication tardive des décrets et de les reprendre a posteriori pour effectuer les corrections devenues nécessaires.

Ces difficultés administratives n'ont toutefois pas nui aux situations individuelles des assurés. Certains retraités ont même pu en profiter, puisque le ministre a tenu à ce que les mesures défavorables éventuelles contenues dans les décrets et non déterminées par la loi ne soient pas appliquées de manière rétroactive.

M. Denis Jacquat, rapporteur, a rappelé que la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 comporte 116 articles dont 59 renvoient à un ou plusieurs décrets simples ou en Conseil d'Etat pour définir leurs modalités d'application. Au total, on peut estimer à 86 le nombre de décrets ou arrêtés nécessaires à la mise en œuvre complète des réformes contenues dans la loi ou les textes réglementaires d'application.

Ce texte comporte des dispositions d'une grande complexité, notamment lorsqu'il s'agit de traduire en normes réglementaires des principes fixés par la loi. Il implique des coordinations entre des régimes d'assurance vieillesse très différents. Enfin, la loi a été adoptée dans des délais courts qui n'ont pas permis aux services d'anticiper l'élaboration des textes réglementaires, le Gouvernement et le Parlement ayant en outre prévu une entrée en vigueur très rapprochée de nombre de ses dispositions.

Dans ces conditions difficiles, s'agissant de sujets extrêmement sensibles, le ministère a accompli un travail de mise en application remarquable, pour lequel le rapporteur félicite le ministre et ses collaborateurs, avec lesquels un dialogue très constructif a été établi, ainsi que la direction de la sécurité sociale, qui a prêté une grande attention à ce travail de contrôle. A la suite des auditions, les points de détail juridiques soulevés ont tous été analysés avec la plus grande attention et ils ont reçu une réponse juridique de grande qualité dans un délai très bref. Cet échange a permis de clarifier ces points et lorsqu'une difficulté de mise en application subsistait ou que la connaissance d'une précision juridique était utile, le rapport en fait état.

Au 4 avril 2005, 65 des 81 décrets ou arrêtés nécessaires à l'application de la loi en 2005 et début 2006 sont publiés ; 16 textes manquants sont nécessaires pour l'application complète de 11 articles de la loi en 2005 ou 2006. La quasi-totalité de ces textes sera publiée avant le 30 juin 2005. Cinq autres le seront ultérieurement pour l'application de la loi au-delà de 2006.

Comme le ministère de la fonction publique, celui des solidarités a fait le choix de ne pas rédiger des circulaires d'application pour la mise en œuvre de la réforme des retraites par les administrations et les organismes de gestion, mais de diffuser, notamment par l'Internet, un guide d'explication de la réforme. On doit se féliciter de cette méthode qui accroît la transparence de l'administration et se rapproche des besoins d'information des assurés.

Cependant, la mise en œuvre de la loi a fait appel à sept « lettres ministérielles » adressées aux organismes de gestion d'assurance vieillesse. Le statut de ces documents est ambigu. Il semble qu'ils visent à expliciter les décrets d'application, à fournir aux organismes de gestion les précisions indispensables pour calculer les droits et liquider les pensions conformément à la loi et aux règlements publiés, mais aussi à préciser le droit applicable en l'absence de décrets. Il serait souhaitable que le ministre précise les circonstances qui l'amènent à préparer ces lettres, ainsi que leur statut dans l'ordonnancement juridique.

Sur la forme, le travail de rédaction des décrets d'application a été accompli par la sous-direction des retraites et des institutions de la protection sociale complémentaire de la direction de la sécurité sociale, c'est-à-dire par moins d'une dizaine de fonctionnaires qui ont dû s'y consacrer en sus de leur travail courant, alors qu'ils traitent à eux seuls autant de questions écrites des parlementaires que tout le ministère de l'intérieur. Il était donc justifié que le Gouvernement détermine des priorités pour l'élaboration des décrets d'application, d'autant que la même direction a dû mettre en application une autre réforme de très grande ampleur, la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, ce qui a ralenti l'élaboration des derniers décrets de la réforme des retraites.

Toujours sur la forme, lorsqu'une réforme est de grande ampleur, il conviendrait de prévoir deux à trois mois de délai entre la publication des décrets et la date d'effet des mesures qu'ils mettent en application. A défaut, les services de pensions sont conduits à liquider de manière provisoire les dossiers sur la base de l'ancienne réglementation et à les réviser ultérieurement. C'est arrivé à de nombreuses reprises, même si aucune disposition défavorable n'a été appliquée de manière rétroactive aux intéressés, à la différence des éléments de la réforme favorables aux assurés, comme les lettres ministérielles l'ont spécifié. En l'espèce, prévoir un tel délai n'était pas possible : l'évolution du contenu de la réforme - entre le discours d'orientation du Premier ministre devant le Conseil économique et social le 3 mars 2003 et le vote définitif de la loi le 24 juillet - a en effet été telle qu'il n'a pas été possible d'anticiper la rédaction des décrets d'application.

Ce délai est néanmoins utile pour que les services gestionnaires des pensions adaptent leurs systèmes informatiques, élaborent les instructions internes d'application, forment les personnels, fournissent les informations aux assurés et diffusent les documents d'information. Il conviendrait donc que le législateur évite de définir des dates d'entrée en vigueur trop rapprochée. En Allemagne ou en Grande-Bretagne, il est fréquent de prévoir un an entre la publication d'une loi de grande réforme sociale et son entrée en vigueur.

Par ailleurs, le nombre élevé des textes d'application imposait un étalement dans le temps de leur publication, qui a quelque peu dilué le sens d'une réforme dont les objectifs étaient pourtant clairs. Il faudrait, comme la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) en a l'intention, prévoir une communication institutionnelle pour les rappeler aux assurés.

La chronologie de la publication des textes d'application a respecté le calendrier de mise en œuvre de la réforme. Six mois après la publication de la loi, les éléments formant le cœur de la réforme des retraites avaient reçu leurs décrets d'application, à savoir :

- la retraite anticipée (décret du 30 octobre 2003) ; cette réforme était très attendue par les Français, l'afflux des demandes en témoigne : la CNAVTS a liquidé, en 2004, 124 000 pensions de retraite anticipée pour longue carrière, l'ARRCO et l'AGIRC 132 000 ;

- la redéfinition du minimum contributif ;

- la majoration de durée d'assurance accordée pour enfants élevés ;

- le rachat des périodes d'études supérieures et des années incomplètes au titre des cotisations d'assurance vieillesse ;

- la mensualisation du paiement des pensions de retraite des exploitants agricoles ;

- l'allongement de la durée de cotisation ;

- les dispositifs de surcote et de décote.

Dans l'année suivant la publication de la loi, les décrets d'application concernant les autres aspects essentiels ont été publiés, à l'exception de ceux sur le cumul entre un emploi rémunéré et une pension de retraite, sur la retraite progressive et sur le droit à l'information sur sa situation individuelle. Ces douze mois s'expliquent par la nécessité de mener de longues concertations avec les partenaires sociaux et par l'existence de procédures d'avis. Ces motifs concernent plus particulièrement les réformes suivantes :

- la contribution patronale au Fonds de solidarité vieillesse au titre des régimes chapeaux pour la constitution des droits à pension des salariés achevant leur carrière dans l'entreprise ;

- la création du plan d'épargne retraite populaire ;

- la création du plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite ;

- la réforme du régime d'assurance vieillesse de base des professions libérales ;

- la modification de l'organisation et du fonctionnement du Conseil d'orientation des retraites (COR) ;

- la réforme de la retraite complémentaire des professions artisanales, industrielles et commerçantes ;

- les règles de rachat des périodes d'aide familial agricole pour la constitution des droits à pension.

Le changement de gouvernement, fin mars 2004, a ensuite entraîné un retard d'un mois et demi, d'autant que les titulaires des ministères des affaires sociales et de la fonction publique ainsi que les membres des cabinets ministériels ont complètement changé. La publication du décret du 29 juillet 2004 sur la possibilité, pour les artisans et commerçants, de cumuler un emploi et une pension de retraite a ainsi été affectée, de même que celle de l'arrêté du 23 août 2004 relatif au droit à l'information des assurés sur leur situation individuelle au regard de leurs droits à retraite et les décrets du 24 août 2004 sur les pensions de réversion.

A compter de la fin août 2004, la priorité donnée à la mise en œuvre la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a également été un facteur de retard. Les dernières grandes mesures d'application publiées ont donc concerné :

- le cumul d'un emploi avec une pension de retraite (décrets du 19 octobre 2004 qui ont exigé une longue concertation et dont la mise au point s'est heurtée à la complexité de la coordination du dispositif entre tous les régimes de base et complémentaires) ;

- la réforme des pensions de retraite des avocats (décrets du 23 décembre 2004) qui a nécessité des échanges très approfondis entre la direction de la sécurité sociale et la Caisse nationale des barreaux français et qui a débouché sur un résultat à la satisfaction de tous ;

- le décret du 30 décembre 2004 sur le régime fiscal de l'épargne pour la retraite a été publié à temps pour que la réforme s'applique au 1er janvier 2005 ;

- le recentrage de l'aide de l'Etat à la cessation d'activité des travailleurs salariés (CATS) sur les salariés âgés ayant eu des activités pénibles (décret du 27 janvier 2005, qui n'exigeait pas d'être publié dans des délais brefs, le dispositif CATS pouvant être utilisé plus largement).

Les textes d'application manquants portent essentiellement sur :

- l'organisation et fonctionnement de la commission de compensation (article 7 de la loi) ;

- l'extinction progressive des versements de compensation entre régimes spéciaux de 2003 à 2011, dite surcompensation (art. 9) ;

- la mise en place du droit d'information sur sa situation individuelle au regard de ses droits à pension de retraite (art. 10) ;

- la réforme des conditions de liquidation de la pension en cas de retraite progressive (art. 30) ;

- les modalités de prise en compte des cotisations de travail à temps partiel (art. 35) ;

- le régime social des contributions des employeurs de prévoyance et de retraite supplémentaire (art. 113) ;

- la réforme des institutions de gestion de retraite supplémentaire (art. 116).

Sur ces points très techniques, le retard ne crée aucun préjudice réel. Le rapporteur souhaiterait toutefois savoir comment seront mises en place les nouvelles modalités de la retraite progressive. Tous les décrets devraient être publiés d'ici fin juin 2005, à l'exception de ceux sur les institutions de gestion de retraite supplémentaire, qui seront pris au premier semestre 2006.

Le gouvernement ayant par ailleurs décidé de procéder à une évaluation du dispositif du répertoire national des retraites et des pensions, la commission aimerait connaître ses intentions en la matière.

Le rapporteur a enfin souhaité aborder quelques points juridiques en suspens.

En cas de retraite anticipée pour carrière longue ou pour une personne handicapée, les textes ne prévoient pas que certains avantages non contributifs (allocation supplémentaire de solidarité, majoration pour tierce personne) soient versés avant 60 ans. Une adaptation du code de la sécurité sociale est-elle envisagée ?

Le ministre confirme-t-il par ailleurs l'impossibilité de cumuler une pension d'invalidité et une pension de retraite anticipée ?

Concernant la surcote, la partie réglementaire du code de la sécurité sociale sera-t-elle précisée afin de ne pas appliquer de proratisation pour le calcul des pensions des assurés poursuivant leur activité au-delà de 60 ans mais prenant leur retraite au cours de cette même année, quelle que soit la durée cotisée pendant cette année ?

Pour le rachat des années travaillées en tant qu'aide familial agricole, un arrêté sera-t-il publié pour fixer une assiette spécifique forfaitaire pour les apprentis du régime agricole, comme le demande la Mutualité sociale agricole (MSA) ?

S'agissant de la majoration de pension pour conjoint à charge, faut-il modifier la règle de proratisation, compte tenu de la modification des durées d'assurance, pour obtenir une pension de retraite à taux plein ?

Par ailleurs, le gouvernement envisage-t-il de rétablir le seuil d'affiliation à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales dont la disparition semble poser des difficultés de gestion à la principale caisse affiliée, la CIPAV, très hétérogène et qui enregistre souvent des droits très minimes ?

En dernier lieu, les seuls textes d'application ayant posé de réelles difficultés ont été les décrets sur les pensions de réversion. Le rapport fait le point précis de ces questions, qui ont été réglées à la satisfaction générale avec le concours du Conseil d'orientation des retraites, auquel il convient de rendre hommage pour le travail accompli. Il était important de maintenir les principes de la réforme votée par le Parlement car la disparition des conditions d'âge et de mariage est une véritable avancée sociale susceptible de bénéficier à 300 000 personnes.

Enfin, le ministre peut-il donner à la commission des indications sur le calendrier de publication des textes d'application de la loi du 11 février 2005 concernant l'attribution d'une retraite anticipée à taux plein avec bonification d'un trimestre pour trois cotisés aux personnes handicapées ?

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Georges Colombier a rappelé que l'article 33 de la loi a accordé une majoration d'assurance pouvant aller jusqu'à huit trimestres pour les parents ayant élevé un enfant handicapé. Cette disposition a été évidemment très bien accueillie par les familles d'enfants handicapés. La mise en œuvre de cet article a fait l'objet d'une instruction ministérielle fin janvier 2005 mais, sur le terrain, certaines caisses régionales d'assurance maladie étaient encore dans l'incertitude il y a quelques semaines. Le ministre peut-il indiquer si cette mesure s'applique aujourd'hui correctement et si des instructions complémentaires ont été données aux services ?

Par ailleurs, la loi a ouvert, pour la première fois, un droit au départ anticipé à la retraite pour les salariés ayant commencé à travailler très jeunes et ayant eu une longue carrière. Cette mesure de justice sociale sans précédent a déjà rencontré un grand succès et permis à des milliers de salariés de partir à la retraite dès 56 ans. Le ministre dispose-t-il de chiffres à ce propos et peut-il confirmer la pérennité de cette mesure ?

Le droit à l'information en matière de retraite a également été inscrit pour la première fois dans cette loi. C'est une avancée très importante, attendue par les Français, qui souhaitent bénéficier le plus tôt possible d'une information détaillée sur leurs droits. Un groupement d'intérêt public (GIP) a été constitué en 2004, mais où en est-on précisément aujourd'hui ?

La réussite de la réforme passe par la capacité à maintenir dans l'emploi les salariés de plus de 50 ans, qui en sont trop souvent écartés. L'emploi des seniors fait aussi l'objet de négociations entre les partenaires sociaux. Comment le Gouvernement aborde-t-il ce sujet ?

Où en est-on par ailleurs des négociations sur la prise en compte de la pénibilité ?

L'article 15 de la loi a prévu un assouplissement des règles de cumul emploi-retraite afin de faciliter la reprise d'un emploi pour les retraités qui le souhaitent. Toutefois le décret d'application paru en 2004 a maintenu un seuil de revenus à ne pas dépasser et a prévu un délai de six mois en cas de reprise d'activité chez son ancien employeur. Pour encourager vraiment le maintien dans l'emploi, un assouplissement supplémentaire ne serait-il pas nécessaire ?

Enfin, l'article 24 a prévu la possibilité pour les salariés lourdement handicapés de partir à la retraite avant 60 ans, dès lors qu'ils ont cotisé un nombre suffisant de trimestres. Cette mesure déjà entrée en vigueur s'inscrit pleinement dans l'action du gouvernement en faveur des handicapés. Combien de personnes en bénéficient-elles ?

Mme Cécile Gallez a évoqué le cas des femmes qui ont élevé, parfois toute leur vie durant, les enfants nés d'une précédente union de leur époux : auront-elles droit aux mêmes bonifications que si elles les avaient elles-mêmes mis au monde ?

Par ailleurs, il est absolument nécessaire de trouver une solution pour le rachat des périodes accomplies en tant qu'aide familial agricole.

M. Marc Bernier a souligné également l'importance de ce sujet, en particulier pour ceux qui ont été formés en alternance dans les maisons familiales rurales, d'autant que l'assiette forfaitaire spécifique du régime général pour les apprentis n'existe pas dans le régime agricole.

En tant que président du groupe d'études sur les professions libérales, il a par ailleurs demandé si des mesures particulières pouvaient être envisagées pour les personnes dont la pension avait été liquidée avant le 1er janvier 2004 et qui avaient pu poursuivre une activité professionnelle sans condition de plafond jusqu'à l'application de la nouvelle loi. Le cumul de ressources les conduit aujourd'hui à un dépassement de plafond.

M. Jean Le Garrec a relevé que l'excellent rapport de Denis Jacquat montre les très importants efforts accomplis par les services du ministère pour publier les décrets d'application. Il a également souligné que le succès du dispositif de retraite anticipée était attendu.

S'agissant du rachat de cotisation des aides familiaux agricoles, même si la situation a été améliorée, on a l'impression que c'est le coût de la mesure qui fait hésiter le gouvernement. Quel est le sentiment du ministre à ce propos ?

De façon plus générale, il serait intéressant de savoir comment le ministre envisage les suites de cette réforme, dans la mesure où, comme on pouvait s'y attendre, l'allongement de la durée de cotisation se heurte à un raccourcissement de la période de vie active, avec un taux de chômage des moins de 25 ans qui est le plus élevé d'Europe et un taux d'activité des plus de 55 ans qui est le plus faible.

Par ailleurs, ne serait-il pas nécessaire de réfléchir à l'unification de certains régimes d'assurance vieillesse, comme par exemple l'ARRCO et l'AGIRC, qui pourraient tous deux fonctionner selon un système à points ?

Ne pourrait-on demander au COR une étude sur ces sujets ?

M. Alain Néri a insisté à son tour sur les conditions d'existence de ceux qui ont travaillé très jeunes dans de petites exploitations familiales, et souhaité qu'une solution soit trouvée pour le rachat des cotisations des aides familiaux.

Il a également demandé où en est la négociation interprofessionnelle sur la pénibilité prévue à l'article 12 ? Le MEDEF ne faisant pas preuve d'un enthousiasme excessif, quelle sera l'attitude du gouvernement si cette négociation échoue ?

Enfin, alors que la loi tend à allonger la durée de cotisation, et donc la période d'activité des salariés, on observe que désormais la carrière professionnelle commence souvent après 25 ans et s'achève quand l'entreprise ne veut plus des salariés, c'est-à-dire à 55 ans. On est donc loin des quarante années de cotisation recherchées et, avec le système de décote, la retraite fait de plus en plus peur. N'est-ce pas paradoxal ?

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que la présente séance n'est pas destinée à refaire le débat sur les retraites, mais à examiner, en présence du ministre, les conditions d'application de la loi, à partir du rapport de Denis Jacquat. Il s'agit de renforcer le rôle d'évaluation et de contrôle du Parlement, domaine dans lequel la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est pionnière puisqu'elle procède aujourd'hui à sa cinquième audition de ce type.

M. Philippe Douste-Blazy s'est réjoui de cette occasion de faire, avec la commission, le bilan de l'application de la loi portant réforme des retraites, après avoir fait celui de la réforme de l'assurance maladie, de la loi de santé publique et de la loi de bioéthique. L'Assemblée nationale a pu, grâce à cette nouvelle procédure, évaluer la rapidité avec laquelle le gouvernement prend les textes qui lui incombent, mais aussi les difficultés pratiques de l'action réglementaire et la complexité de l'environnement dans lequel il travaille.

Présenter aujourd'hui le bilan de l'application de l'une des plus grandes réformes de cette législature est un honneur car il s'agit d'une réforme que les Français attendaient, que nombre de gouvernements ont ajournée mais que celui-ci a menée, en dépit des obstacles. La tâche était ardue. Par le nombre des textes réglementaires d'application à prendre, tout d'abord - près de 85 décrets ou arrêtés -, mais aussi par la complexité des normes à édicter, en raison du nombre de régimes concernés et de la technicité de la matière.

Les retraites sont aussi un sujet particulièrement sensible car toute mesure a un impact direct sur les conditions de vie des citoyens et sur le revenu non seulement des millions de retraités, mais surtout des actifs d'aujourd'hui et de demain. Quand on traite de problèmes aussi délicats, il faut à la fois préserver la justice sociale et chercher à rétablir les équilibres.

C'est dans ce contexte que doivent être appréciées la qualité et la rapidité du travail réglementaire, que le rapporteur a soulignées. Il faut en particulier saluer le dévouement des agents du ministère. Ils ont passé le printemps 2003 à rédiger l'avant-projet de loi, puis l'été à suivre la discussion à l'Assemblée. La loi ayant été publiée le 21 août 2003, ils se sont immédiatement mis à rédiger les décrets pour permettre l'application des principales mesures au 1er janvier 2004, tout en continuant à travailler sur d'autres textes importants : financement de la sécurité sociale, assurance maladie, autonomie des personnes âgées et handicapées, habilitation pour simplifier le droit, etc. Tout cela sans préjudice de leurs compétences ordinaires : tutelle des régimes de retraite, présence aux conseils d'administrations, traitement des dossiers courants.

Les textes d'application de cette loi requièrent en outre la consultation des partenaires sociaux, et nécessitent chacun la saisine d'une ou de plusieurs caisses nationales. La plupart doivent être examinés par la section sociale du Conseil d'Etat, elle même très sollicitée.

Pour tout cela, la sous-direction en charge des retraites à la direction de la sécurité sociale dispose d'une petite dizaine d'agents qui, le rapporteur l'a noté, reçoit à elle seule autant de questions écrites que l'ensemble du ministère de l'intérieur. Ils doivent être remerciés pour leur dévouement.

Puis, en réponse aux questions des commissaires, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- Concernant le statut et le rôle des huit lettres ministérielles évoquées par le rapporteur, d'une manière générale celles-ci répondent à des demandes ou attentes diverses des organismes gestionnaires et visent toutes à assurer l'effectivité et l'efficacité de l'action administrative.

Les lettres qui ont accompagné la mise en œuvre de cette réforme ont permis en premier lieu d'anticiper sur la nouvelle réglementation qui imposait aux caisses de modifier de nombreux processus de gestion automatisés, ce qui prend du temps. Les informaticiens, comme les services juridiques et ceux chargés de la liquidation des droits, ne peuvent correctement travailler que lorsque tous les paramètres ont été stabilisés. La lettre peut ainsi les informer, par exemple avant la publication d'un texte est en cours d'examen par le Conseil d'Etat, des paramètres à appliquer.

Deuxième objectif de ces lettres : effectuer des transitions souples entre l'ancienne et la nouvelle législation, en particulier quand il n'est pas possible de déterminer une période transitoire par voie réglementaire. Si les décrets d'application interviennent le plus souvent dans le délai fixé par la loi, en revanche toute la chaîne de traitement opérationnelle qui permet l'application effective de la loi n'est pas forcément prête à fonctionner. Une circulaire ou une lettre autorise alors, pendant une période transitoire raisonnable, l'application des dispositions précédemment en vigueur. Elle veille toujours, dans ce cas, à ne pas porter atteinte aux droits des assurés, et prévoit donc que les droits liquidés seront revus si la mesure nouvelle est plus favorable. Tel a notamment été le cas pour la mise en œuvre de la majoration du minimum contributif, de la majoration de durée d'assurance des plus de 65 ans ou de la surcote.

Il arrive par ailleurs que les textes ne paraissent clairs qu'aux spécialistes. Les lettres ministérielles servent alors à préciser les choses. C'est particulièrement utile lorsque la loi est assez précise pour ne pas nécessiter, en droit, de décret d'application. Sa mise en œuvre n'en nécessite pas moins des précisions de détail, par exemple pour coordonner l'intervention des multiples régimes de retraite. Ce fut le cas, en particulier, pour la majoration de durée d'assurance des parents d'enfants handicapés.

Lorsque deux dispositifs distincts trouvent à s'appliquer simultanément, la lettre ministérielle précise leur articulation. Par exemple, il a fallu préciser que les rachats d'années d'études supérieures devaient être pris en compte dans l'appréciation de la durée « cotisée » de la carrière pour accéder à la retraite anticipée ou pour bénéficier de la surcote.

Enfin, la lettre ministérielle peut intervenir à la place du pouvoir réglementaire, de façon exceptionnelle et transitoire car elle ne peut, en droit, se substituer au pouvoir réglementaire. C'est ce qui s'est produit lorsque le ministre a décidé de suspendre l'application des premiers décrets sur la réversion, pour permettre leur révision ultérieure sur la base de l'avis du COR.

Les lettres ministérielles n'ont donc pas de statut très clair dans l'ordonnancement juridique. Contrairement à celles qui expriment la doctrine fiscale, elles ne sont pas une source de droit opposable aux assurés. Elles sont néanmoins indispensables pour le fonctionnement interne des organismes. Elles sont l'équivalent d'une « instruction » aux services gestionnaires.

M. Jean Le Garrec a souhaité savoir s'il incombe aux préfets d'être le relais de ces lettres et de faire circuler l'information.

Après avoir précisé que, du fait de la très grande complexité des matières traitées, ces lettres sont indispensables pour qu'une réforme se déroule sans difficulté majeure pour les assurés et que les caisses, dont les préfets ont la tutelle, sont chargées de leur application, le ministre a poursuivi ses réponses.

- En ce qui concerne la retraite progressive, la condition de durée d'assurance pour entrer dans le dispositif sera abaissée de 160 à 132 trimestres à partir du 1er juillet 2005 par un décret, dont le projet, en cours d'examen au Conseil d'Etat, a reçu l'avis favorable des partenaires sociaux, qui examineront ensuite les modalités d'extension aux régimes complémentaires.

La loi a modifié sur deux points le projet de répertoire national des retraites institué par la loi du 23 décembre 2000 : sa finalité a été précisée, afin de d'inclure l'appréciation de la situation des retraités au regard des cotisations et contributions sociales, et sa gestion a été confiée à la CNAVTS. Un décret d'application doit préciser la nature des données, les modalités de leur conservation et de leur actualisation, la gestion des échanges entre les différents régimes. Mais sa préparation a mis en évidence que la priorité du gouvernement devait aller à la mise en œuvre du droit à l'information sur la retraite, et le ministre a donc décidé de ralentir momentanément le projet et de confier une mission d'évaluation à un cabinet d'experts. Au vu des résultats, il décidera s'il convient de poursuivre ou de modifier le projet.

- S'agissant de la retraite anticipée et des avantages non contributifs, le ministre comprend le souci de réexaminer l'âge de bénéfice du minimum vieillesse. Mais l'abaisser en vue de l'adapter aux âges de bénéfice de la retraite anticipée ne va pas de soi. Le minimum vieillesse est en effet un mécanisme de solidarité qui vise à assurer un revenu minimum aux personnes qui, du fait de leur âge, ne sont plus en mesure de travailler. L'âge minimum pour en bénéficier est de 65 ans, 60 ans en cas d'inaptitude au travail.

Avant d'atteindre cet âge, les personnes dont le revenu est trop faible peuvent bénéficier d'autres prestations sociales : RMI, allocation adulte handicapé, allocation de solidarité spécifique pour certains chômeurs, etc. Etendre le bénéfice de l'allocation supplémentaire aux personnes qui bénéficient de la retraite anticipée irait donc à l'encontre de la logique même du minimum vieillesse. Cette extension ne changerait d'ailleurs rien à leur situation, puisque ce sont des assurés qui ont accompli une carrière complète et qui bénéficient d'un niveau de retraite relativement élevé : 765 euros en moyenne pour la seule pension de base, à laquelle s'ajoutent les pensions servies par les régimes complémentaires. Ces revenus sont bien au-dessus des minima sociaux et le code de la sécurité sociale n'a donc pas besoin d'être complété sur ce point.

La pension d'invalidité est un revenu de remplacement qui n'a pas vocation à être cumulé avec une pension de retraite, quel que soit l'âge auquel celle-ci est accordée. Le code de la sécurité sociale prévoit la fin de la pension d'invalidité à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse au régime général, c'est-à-dire à 60 ans. La pension d'invalidité est alors automatiquement remplacée par une pension de vieillesse liquidée au taux plein. Mais, bien entendu, lorsqu'un assuré titulaire d'une pension d'invalidité choisit de liquider ses droits à pension de vieillesse dans le cadre d'un des dispositifs de retraite anticipée, sa pension d'invalidité est remplacée par une pension de retraite liquidée au titre de l'inaptitude, dans les conditions de droit commun. Dans ce cas, c'est l'assuré qui choisit d'opter pour sa pension ou sa retraite. Le cumul des deux prestations est donc tout à fait impossible.

- Sur la surcote, le rapporteur a demandé si une disposition réglementaire viendrait compléter le code de la sécurité sociale pour préciser les modalités de calcul lorsque l'assuré prend sa retraite l'année de ses 60 ans. Il est en effet sans objet, dans ce cas particulier, d'appliquer la proratisation prévue dans le cas général où l'assuré a validé moins de quatre trimestres au cours de l'année. Mais cette question a déjà été réglée par une lettre ministérielle. La solution retenue ne lèse aucun assuré. I1 n'est donc pas indispensable de compléter le code sur ce point.

- La question du rachat des années d'apprentissage agricole se distingue de celle du rachat des années d'aide familial agricole, pour lesquelles un barème spécifique a été pris en application de la loi portant réforme des retraites. Les périodes d'apprentissage antérieures à 1972, date de l'obligation légale de rémunérer les apprentis en espèces, peuvent faire l'objet d'un versement de régularisation lorsqu'aucune cotisation n'a été versée par l'employeur. I1 est exact que le barème applicable dans le régime général depuis 2000 n'a pas fait l'objet d'une extension aux apprentis relevant du régime agricole, alors que ceux-ci disposaient d'un barème pouvant être légèrement moins favorable.

Bien que cette question relève de l'initiative du ministre chargé de l'agriculture, elle concerne également le régime général puisque le régime des salariés agricoles y est financièrement intégré. Le ministre des solidarités a donc demandé à ses services d'étudier avec soin cette question, pour apporter une solution appropriée.

- Le rapporteur a également demandé s'il fallait modifier la règle de proratisation applicable à la majoration pour conjoint à charge, afin de tenir compte du relèvement de la durée d'assurance correspondant à une carrière complète dans le régime général. En effet, en cas de carrière incomplète, cette majoration est toujours proratisée sur la base de 150 trimestres, alors que la durée de la carrière complète dans le régime général est progressivement portée jusqu'à 160 trimestres à partir de 2008. Il faudra donc mettre en cohérence ces dispositions, ce qui nécessitera un décret en Conseil d'Etat.

Avant la loi portant réforme des retraites, certaines sections professionnelles de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales disposaient encore d'un seuil d'affiliation, c'est-à-dire d'une limite empêchant l'affiliation des professionnels libéraux ayant de petits revenus. Ce n'était pas cohérent avec l'objectif de la loi de garantir à tous un haut niveau de retraite. Parce qu'il est normal de permettre à chacun d'acquérir des trimestres d'assurance vieillesse pour toute activité rémunérée, le Gouvernement a décidé de mettre un terme à cette situation.

Cependant, deux mesures ont été prises pour simplifier la tâche aux caisses de professions libérales concernées : les professionnels qui ont à titre principal une autre activité ne sont pas assujettis à la cotisation minimale, et le gouvernement a autorisé la CIPAV à mettre en place un seuil d'affiliation à son régime complémentaire qui, caractérisé par un barème de cotisations forfaitaires, pesait trop lourdement sur certains petits revenus accessoires. De plus, il n'est pas nécessaire d'y affilier systématiquement tous les professionnels, puisqu'il ne conditionne pas l'acquisition de durées d'assurance. Ces aménagements satisfont d'ailleurs pleinement les gestionnaires de ces régimes.

- Pour ce qui est de la date d'application de la mesure de bonification de trimestres au profit des handicapés justifiant des conditions pour accéder à une retraite anticipée, cette mesure a été inscrite dans la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont les décrets d'application, y compris celui nécessaire à la mise en œuvre de l'article 28, qui doit être soumis à l'avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, doivent être publiés au plus tard le 12 août prochain. Ce délai sera respecté.

- Concernant la majoration de la durée d'assurance des parents d'enfants handicapés, l'article 33 de la loi a amélioré les droits à la retraite des parents, hommes ou femmes, ayant élevé un enfant handicapé avec un taux d'incapacité d'au moins 80 % ouvrant droit à l'allocation d'éducation spéciale et à son complément. Ils bénéficient d'une majoration d'un trimestre par période d'éducation de trente mois, dans la limite de huit trimestres. Cette mesure est entrée en vigueur en même temps que la loi, sans qu'il soit besoin d'un décret. Elle concerne donc toutes les pensions prenant effet à partir de septembre 2003. Les précisions nécessaires à son application ont été apportées aux caisses nationales par une lettre ministérielle du 25 janvier 2005, que la CNAVTS a diffusée auprès des caisses régionales par une circulaire du 23 février 2005. Elle prépare des instructions complémentaires ainsi que l'adaptation du système d'information.

Les parents ne seront pas pénalisés par cette mise en œuvre tardive. Ils bénéficieront d'une large information de la part des organismes de retraite, grâce notamment à l'adaptation du formulaire de demande de retraite personnelle. Ceux dont la pension a été liquidée, pourront la refaire liquider, avec rattrapage des sommes non perçues.

- Pour ce qui est du rachat des années d'aide familial agricole, l'article 100 de la loi a ouvert une faculté de rachat à partir de 14 ans, puis de 16 ans. Cela permettra aux agriculteurs de compléter leurs droits dans le contexte du relèvement de la durée de la carrière dans l'ensemble des régimes. Le décret d'application est paru en août 2004, et un millier de dossiers ont déjà été réglés. Certains ont jugé le montant réclamé excessif. Mais le tarif proposé tient pleinement compte de la situation des assurés ayant eu une activité agricole. Le coût pour les régimes de retraite des suppléments de pension est également très élevé. C'est ce qu'on appelle le coût actuariellement neutre pour le régime. Pour la première fois, avec le rachat des années d'études supérieures, le véritable coût est connu de tous et le barème est publié au Journal officiel.

Pour les aides familiaux agricoles, la loi n'impose pas d'utiliser le barème actuariellement neutre. Aussi, le barème a-t-il été très fortement adapté en faveur des assurés ayant eu une véritable carrière agricole. C'est logique, puisque le rachat effectué dans le régime agricole, au titre des années d'aide familial, vaut non seulement pour la pension agricole, mais également pour le taux de la pension du ou des autres régimes dont a pu relever l'assuré au cours de sa carrière. Aussi, lorsque la carrière agricole est proche d'une carrière complète, le coût demandé est-il très fortement réduit. Il croît ensuite, pour rejoindre le droit commun lorsque la carrière agricole est de courte durée. Le coût est donc élevé pour les salariés ayant effectué l'essentiel de leur carrière hors du régime agricole : le rachat des années d'aide familial, versé à la MSA, servira à améliorer leur pension de salarié ou d'indépendant, à la charge de la CNAVTS, de l'ARRCO, de l'AGIRC ou du régime des indépendants. Le gouvernement comprend que les assurés souhaitent voir validée la plus longue durée au moindre coût mais il est difficile de s'aligner systématiquement sur le barème le moins élevé.

- L'article 23 de la loi a ouvert le droit à la retraite anticipée pour longues carrières. Axe majeur de la réforme, cette mesure a fait l'objet du premier décret d'application. Pour le secteur privé, 126 410 retraites anticipées ont été liquidées par la CNAVTS en 2004. Plus de 10 000 s'y ajoutent pour le mois de janvier 2005. C'est dire que les modalités fixées par les textes réglementaires ont été rapidement traduites dans les faits. Cela n'aurait pas été possible sans la mobilisation des personnels des caisses de retraite, auxquels il convient de rendre hommage. Il faut d'ailleurs bien parler « des caisses », au pluriel, car si le régime général est le premier concerné, l'application de la mesure a tout autant impliqué les agents des régimes de retraite des artisans, des commerçants, des professions libérales, des avocats et du régime agricole.

Enfin, ce dispositif doit être revu en 2008, afin de tenir notamment compte de l'évolution d'ensemble du système de retraite, qui doit permettre à ce mécanisme de solidarité entre les générations de partager les gains d'espérance de vie entre la vie active et la retraite.

- Comme l'a souligné M. Georges Colombier, les règles du cumul emploi-retraite ont fait l'objet, depuis la loi du 21 août 2003, de certaines interrogations. Le rapport Camdessus a notamment préconisé un cumul sans aucune limite. Il serait toutefois prématuré d'envisager de modifier des règles de cumul qui viennent d'entrer en vigueur. Un bilan d'étape sera indispensable. Il ne faudrait pas, par ailleurs, que l'évolution des règles conduise à priver de son intérêt le nouveau dispositif de retraite progressive, qui est une forme de cumul rationnelle, permettant d'assurer une meilleure transition entre emploi et retraite.

- Concernant les professions libérales, pour que nul ne soit pris au dépourvu par le changement de législation, il a été demandé aux caisses par instruction ministérielle que les personnes qui ayant déjà commencé à cumuler activité et retraite avant la loi puissent continuer à le faire.

- Concernant la majoration de durée d'assurance dans le régime général, elle vaut pour tous les enfants élevés par l'assurée, même si elle n'est pas leur mère. La loi a justement permis de prendre en compte l'arrivée tardive de l'enfant au foyer.

- S'agissant de l'information des assurés sur leur retraite, il faut rappeler que l'article 10 de la loi a ouvert un véritable droit des assurés et le gouvernement considère l'application de cette mesure comme une priorité de la réforme, ainsi qu'il l'a déjà dit en installant, le 5 juillet 2004, le GIP Info-Retraite en présence des représentants des 38 régimes de retraite concernés.

I1 s'agit d'un projet considérable, impliquant de très nombreux partenaires. Le GIP a commencé ses travaux sans tarder, sur la base des projets de décrets qui lui ont été soumis dès l'été dernier et qui fixent l'objectif ambitieux que chacun ait accès, à partir de mi-2006, à une information précise, claire et complète sur sa carrière. A partir de 2007, chaque génération, en commençant par les plus âgées, devra recevoir une estimation de sa future pension.

Ces décrets doivent également être soumis mi-avril à la CNIL, puis au Conseil d'Etat, afin d'être publiés avant l'été. Ces délais n'ont pas retardé les travaux techniques, lourds et complexes, qui doivent encore se poursuivre. Il n'y a pas lieu de douter que l'ensemble des régimes constituant le GIP trouveront ensemble les bonnes solutions pour un échange rapide et fiable de données dans un respect scrupuleux de leur confidentialité. Ces solutions devront faire l'objet de décisions formelles du GIP et de textes réglementaires d'approbation après un nouvel avis de la CNIL, avant la fin de l'année 2005. Cependant, même s'il ne s'agit pas d'une mesure directe d'application de la loi, le droit à l'information connaîtra quand même une première application concrète avant la fin de cette année, avec un outil de simulation de pension « tous régimes » actuellement développé au sein du GIP par les équipes spécialisées des régimes et qui sera accessible à tous sur l'Internet.

- La question du maintien dans l'emploi des salariés âgés, fait actuellement l'objet de négociations entre les partenaires sociaux, conformément à la volonté du Parlement. S'il n'appartient pas au ministre de présumer de leur résultat, il a souligné que la loi et les décrets ont créé, du côté des régimes, le cadre le plus favorable possible. En outre, le démarrage tardif dans la vie active est pris en compte par le rachat des années d'études, qui est d'autant moins coûteux qu'il est effectué tôt.

- Concernant l'évolution des retraites dans un contexte de chômage persistant, il faut garder à l'esprit que la loi a prévu en 2008 un rendez-vous qui permettra d'actualiser les perspectives démographiques ainsi que l'évolution tendancielle des cotisations, donc des recettes. Cette dernière dépend non seulement de la démographie de la population en âge de travailler mais aussi de la croissance. Il ne faut donc pas dire « on ne tiendra pas », mais plutôt « il faut évaluer les résultats de la réforme et au besoin ajuster les paramètres retenus dans la loi du 21 août 2003 ».

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que cette audition illustre la nécessité de faire le point sur l'application des lois et a remercié tous ceux qui ont participé à cet exercice.

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La commission a autorisé le dépôt du rapport sur la mise en application de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites en vue de sa publication.


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