COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 3

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 5 octobre 2005
(Séance de 16 h 15)

12/03/95

Présidence de M. Frédéric Reiss.

SOMMAIRE

 

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- Examen, en présence de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, du rapport sur la mise en application de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat (M. Yves Censi, rapporteur)

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En application de l'article 86, alinéa 8 du Règlement, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, en présence de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, le rapport de M. Yves Censi sur la mise en application de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat.

M. Frédéric Reiss, président, a précisé que le président Jean-Michel Dubernard était momentanément retenu par une autre réunion et a remercié M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, de s'être rendu à l'invitation de la commission pour examiner la mise en application de la loi du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat.

La commission porte une attention particulière à la mise en application des lois qu'elle a examinées. La loi du 5 janvier 2005 est la sixième pour laquelle un rapport de mise en application est établi et une audition du ministre organisée.

Cette procédure a été inscrite dans le Règlement de l'Assemblée nationale en février 2004. D'ici la fin de l'année, la commission poursuivra son activité de veille législative en examinant la mise en application de la loi du 30 juin 2004 sur l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, qui a mis en place la journée de solidarité, la loi du 11 février 2005 sur les personnes handicapées, la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

La loi du 5 janvier 2005 présente un intérêt particulier : elle résulte de l'adoption d'une proposition de loi déposée par Yves Censi. La loi est succincte, mais elle a apporté, en peu de dispositions, des réponses à des problèmes en suspens depuis les années 1970. Elle est en outre consensuelle, ce qui est rare en matière d'enseignement privé - le ministre en sait quelque chose. En effet, elle a été adoptée à l'unanimité en décembre dernier par 112 voix pour et aucune contre, le Sénat ayant ensuite émis un vote conforme à celui de l'Assemblée nationale.

On peut espérer que ces circonstances ont poussé le gouvernement à mettre en application la loi de manière scrupuleuse. Le président considère le bilan comme très positif.

M. Yves Censi, rapporteur, s'est félicité d'une procédure qui permet aux députés de vérifier qu'une loi est bien appliquée, non seulement parce que les circulaires et les décrets ont été pris, mais aussi parce que les moyens financiers nécessaires ont été engagés. Il s'est déclaré heureux que cette démarche s'applique à ce texte d'initiative parlementaire et a remercié le ministre d'avoir si rapidement répondu à cette demande d'audition.

La loi du 5 janvier 2005 contient cinq ensembles de dispositions.

Tout d'abord, une clarification a été apportée au statut des maîtres du premier et du second degré enseignant dans des établissements privés liés à l'État par un contrat d'association. Elle fait l'objet des articles 1er, 2 et 7 de la loi, qui réaffirme la qualité d'agent public de ces personnels enseignants et interdit toute qualification de ces contrats comme contrats de travail. Aucune mesure réglementaire n'est nécessaire pour la mise en application de ces dispositions, qui sont entrées en vigueur le 1er septembre 2005.

Toutefois, au cours de l'examen de la proposition, le Parlement a décidé d'accorder une priorité d'accès aux services d'enseignement vacants pour les titulaires d'un contrat ou les lauréats des concours. Le 3° de l'article 1er de la loi vise ainsi à sécuriser l'emploi des enseignants des établissements privés sous contrat d'association, quelle que soit leur situation contractuelle.

La mise en application de ces dispositions était très attendue par les enseignants. Le décret n° 2005-700 a apporté les garanties demandées ; il a été publié au Journal officiel du 24 juin 2005 et il est entré en application le 1er septembre 2005. Il s'applique aux enseignants des établissements privés sous contrat d'association.

Mais, le décret en Conseil d'État concernant la garantie d'emploi des lauréats des concours de recrutement pour les maîtres des établissements d'enseignement agricole privés n'est pas encore paru. Quelles informations le ministre peut-il donner sur la publication de ce décret, qui est en cours de rédaction ?

En matière de statut des enseignants, deux précisions seraient utiles. Tout d'abord, la loi a entendu préserver les droits sociaux dont jouissaient les maîtres des établissements privés. La mise en application de la loi, quand bien même le rapport de la commission avait détaillé l'intention du législateur point par point, n'est pas évidente pour tout le monde, notamment lorsqu'il s'agit de l'exercice du droit syndical ou de la participation aux comités d'entreprise. Le ministre peut-il apporter les éclaircissements aux personnels et chefs d'établissements ? Une circulaire d'application serait-elle utile ?

D'autre part, la loi a provoqué des changements dans des habitudes de vingt ou trente ans. Des inquiétudes sont perceptibles, notamment quant à la portée de l'autonomie des établissements et le respect de leur caractère propre, qui a pourtant été explicitement garanti par la loi du 5 janvier 2005. Il semble indispensable que le ministère fasse savoir clairement que la loi ne vient pas - bien au contraire - limiter le pouvoir d'organisation des chefs d'établissement, en particulier pour l'affectation des maîtres, qui doit être soumise à leur avis préalable et ne saurait leur être imposée par le recteur, notamment lorsque les chefs d'établissements la jugent incompatible avec le caractère propre de leur établissement.

Deuxième disposition, prévue par les articles 3 et 4 de la loi : l'institution d'un régime de retraite additionnel pour les maîtres et les documentalistes contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat simple ou d'association avec l'État.

Le décret du 30 septembre 2005 relatif au régime additionnel de retraite des personnels enseignants et de documentation a mis en application cette disposition.

Le fait qu'il ait été publié au Journal officiel le 1er octobre 2005 ne fait néanmoins pas obstacle à l'application des nouvelles prestations aux personnels admis à la retraite le 1er septembre 2005. Les pensions de retraite additionnelles des personnels admis à la retraite entre le 1er septembre et le 1er octobre 2005 seront liquidées dans les conditions du droit commun prévues par la loi du 5 janvier 2005 et le décret du 30 septembre 2005.

Cependant, un texte d'application manque encore : l'arrêté interministériel déterminant le plafond en dessous duquel la pension, servie normalement sous forme de rente, est liquidée en capital. A quel stade en est ce texte ? Quel plafond de pension est prévu pour le service en capital ?

Le décret du 30 septembre 2005 appelle également deux observations. Tout d'abord, la phase transitoire pour passer d'une pension additionnelle égale à 5 % du traitement de base à une pension égale à 10 % est très longue : avec des paliers d'un point supplémentaire de taux de liquidation tous les cinq ans il faudra attendre 2030 ! Certes, cela représente une avancée considérable par rapport à la situation antérieure, mais la difficulté de l'exercice comptable tient à la nécessité, prévue par la loi, d'avoir un régime par répartition provisionné. Une accélération de la montée en puissance au taux de liquidation de 10 % nécessiterait de revoir les données financières du régime pour pouvoir constituer les provisions suffisantes. Cette accélération serait néanmoins fondée, puisque la loi du 21 août 2003 a organisé la réforme des retraites sur une période courant de 2003 à 2020. La parité de traitement avec les autres agents publics de l'Etat exigerait donc d'avoir les mêmes échéances d'entrée en vigueur définitive et complète des nouveaux mécanismes de pensions de retraite.

Autre observation : les conjoints survivants bénéficieront d'une pension de réversion égale à 50 %. Toutefois, l'article 9 du décret fixe une condition d'âge de 55 ans pour l'ouverture du droit à la réversion. Or cette condition va être une exception dans le droit français puisque le code des pensions civiles et militaires de retraite ne prévoit plus de condition d'âge pour la liquidation d'une pension de réversion et que la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a organisé l'abaissement progressif, jusqu'à sa disparition, de la condition d'âge pour le régime général et les régimes alignés.

Troisième réforme, mise en place par l'article 4 de la loi du 5 janvier 2005 : le versement d'une indemnité de départ en retraite (IDR) temporaire et dégressive. Les parlementaires ne peuvent que se réjouir qu'on ait emprunté la voie du dialogue social, comme ils l'avaient souhaité. Ce dispositif transitoire était nécessaire le temps de la montée en puissance du nouveau régime de retraite additionnel pour les maîtres devant partir en retraite dans les prochaines années.

En effet, conformément à l'article 1er de la loi du 5 janvier 2005, les maîtres contractuels ne peuvent être régis par les dispositions du code du travail. Cette situation ne permet pas de maintenir le régime antérieur de l'IDR, qui leur était versée par l'établissement privé dans lequel ils exerçaient leur enseignement avant de prendre leur retraite, puisque ces établissements ne sont plus leur employeur. Elle ne peut pas non plus être servie par l'Etat car elle est incompatible avec les règles du code des pensions civiles et militaires et le statut des enseignants du public.

L'article 4 renvoie donc à la négociation collective le soin de déterminer les conditions du versement dégressif et temporaire de l'IDR. Une convention a été signée le 16 septembre 2005 par dix organismes représentatifs des établissements d'enseignement catholique et des syndicats représentatifs des personnels enseignants et de documentation.

En application de cette convention, l'IDR servie du 1er septembre au 31 décembre 2005 est égale au montant du salaire brut mensuel du dernier bulletin de salaire délivré par l'État. Son montant tombe à 80 % de ce salaire brut pour l'année 2006, 60 % pour 2007, 40 % pour 2008 et 20 % pour la période courant du 1er janvier 2009 au 31 août 2010. Au-delà, aucune IDR ne sera servie.

Les personnels éligibles sont ceux qui ont au moins dix ans d'ancienneté dans les établissements d'enseignement privés relevant du ministère de l'éducation nationale ou du ministère de l'agriculture. L'accord présente une avancée notable dans la mesure où les services dans l'ensemble des établissements sont mutualisés pour le calcul de l'ancienneté.

Pour autant, les calculs ont été effectués à partir de salaires moyens. Cela n'exonère donc pas de porter une attention particulière aux maîtres ayant les plus fortes anciennetés dans un même établissement pour les IDR qui doivent leur être versées en 2005 et 2006. Sans doute conviendrait-il d'organiser ultérieurement un tour de table afin de parvenir à un accord complémentaire qui, sans remettre en cause l'accord du 16 septembre 2005, permettrait d'avancer sur cette question, qui mérite une attention particulière. Quelle à ce sujet la position du ministre ? Et quel est le calendrier prévu pour l'extension de la convention ?

La loi du 5 janvier 2005 rend par ailleurs nécessaire d'instaurer un nouveau régime de prévoyance en cas d'incapacité, d'invalidité et de décès. En effet, l'article 1er de la loi a rappelé l'appartenance au statut des agents publics des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association, rendant ainsi impossible le maintien, selon les mêmes modalités, des prestations d'assurance invalidité-décès de droit privé dont ils bénéficiaient jusqu'alors. En outre, l'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 a affilié les maîtres et documentalistes contractuels ou agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat, au régime d'assurance maladie des fonctionnaires.

Le 16 septembre 2005, une convention a été signée par les dix mêmes organisations représentatives pour instituer un tel régime de prévoyance obligatoire. Elle assure la parfaite continuité des prestations servies antérieurement. Le rapport décrit les modalités du nouveau régime. Quelles appréciations le ministre porte-t-il sur ce nouveau régime ?

La loi du 5 janvier 2005 ne prévoyant aucune l'extension de cet accord, le rapporteur a indiqué avoir déposé un amendement en ce sens au projet de loi d'orientation agricole. Il souhaite obtenir le soutien du gouvernement et donc connaître la position du ministre.

Cinquième mesure : l'article 6 de la loi habilite le gouvernement à prendre par ordonnances, les mesures nécessaires à l'extension et à l'adaptation des dispositions de la loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte et aux Terres australes et antarctiques françaises. Quel est le calendrier de publication de ces ordonnances ? A quelle date entreront-elles en vigueur ?

Enfin, le texte prévoit la remise d'un rapport sur les mesures restant à prendre pour assurer l'application complète des dispositions de l'article L. 914-1 du code de l'éducation, qui imposent à l'Etat d'étendre aux maîtres enseignant dans des établissements privés sous contrat d'association les mesures sociales et professionnelles prises en faveur des maîtres titulaires de l'enseignement public. Ce rapport sera-t-il remis d'ici la fin de l'année comme le prévoit la loi ?

Une mise au point s'impose par ailleurs sur une mesure qui n'a pas été décidée par la loi du 5 janvier 2005 mais qui suscite un certain nombre d'inquiétudes. En effet, l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, introduit au Sénat à l'initiative de M. Michel Charasse, prévoit d'imposer aux communes de verser, comme pour les écoles publiques, des subventions de fonctionnement pour les élèves scolarisés dans des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association situés hors de leur commune de résidence. En l'absence d'accord entre les communes, le préfet est chargé de fixer la répartition des contributions entre communes.

Une certaine confusion ayant été entretenue entre les deux lois, il convient de préciser que ce n'est pas la loi du 5 janvier 2005 qui a créé des charges nouvelles pour certaines communes, mais bien la loi du 13 août 2004.

M. Frédéric Reiss, président, a souligné combien le rapporteur a pris à cœur ce qu'on appelle désormais le « service après vote ».

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, s'est réjoui de cette première occasion qui lui est donnée, dans ses fonctions actuelles, de faire le point de l'application d'un texte issu du travail parlementaire, et qui avait fait l'objet d'un certain consensus. Dans cette tâche, le Parlement est pleinement dans son rôle de contrôle de l'action du Gouvernement.

En ayant fixé comme date d'application du texte le 1er septembre 2005, le Parlement avait exigé de l'Etat un effort considérable mais tout a été mis en œuvre pour respecter le calendrier que l'Assemblée avait prévu.

S'agissant de la priorité d'emploi, le décret est paru le 24 juin 2005. Le dispositif est en place à compter de la présente année scolaire. Le texte, qui a reçu l'accord unanime des acteurs de l'enseignement catholique, respecte le principe de l'accord du directeur de l'établissement pour toute nomination d'enseignant.

La mise en place, en moins de neuf mois, du régime additionnel de retraite prévu à l'article 3 était beaucoup plus complexe eu égard aux enjeux techniques et aux attentes des maîtres. Le rapporteur a d'ailleurs rappelé la demande des parlementaires d'une accélération de la montée en charge du régime, et établi un parallèle justifié avec le calendrier de la loi portant réforme des retraites, qui s'achèvera en 2020.

L'alignement de la montée en charge du nouveau régime sur le calendrier de la réforme des retraites est une perspective intéressante. Le ministre a déclaré qu'il en ferait part à ses collègues du gouvernement, avec lesquels cette proposition sera examinée, et il tiendra la commission informée des suites qui lui seront données.

Dans l'immédiat, il a fallu, en quelques mois, jeter les bases d'un nouveau régime. La qualité du dialogue social a permis, à nouveau, de surmonter les nombreuses difficultés inhérentes à une telle opération : régler le mécanisme de transfert au régime de sécurité sociale des fonctionnaires avec la Caisse nationale d'assurance maladie ; définir précisément les règles et les modes de fonctionnement du nouveau régime additionnel de retraite ; choisir le gestionnaire du système ; garantir à long terme le versement des prestations. Le transfert de l'assurance maladie des maîtres au régime de sécurité sociale des fonctionnaires, qui ne fait pas formellement partie de la loi mais qui est un des éléments clés de sa mise en œuvre, est effectif depuis la circulaire du 1er septembre 2005.

L'observation du rapporteur sur la condition d'âge d'ouverture du droit à la réversion sera prise en compte dans un prochain décret qui en tirera les conséquences.

S'agissant de l'extension de la loi à l'outre-mer, que la loi a prévue dans un délai de douze mois, un projet d'ordonnance fait actuellement l'objet d'une concertation interministérielle en vue d'une publication en janvier 2006.

Le décret relatif à l'invalidité définitive est soumis à l'avis du Conseil d'État après avoir recueilli l'accord du Conseil supérieur de l'éducation par 19 voix, 5 abstentions et aucun vote négatif.

Le décret constitutif du régime additionnel vient d'être publié au Journal officiel du 30 septembre 2005 ; un exemplaire en a été remis à la commission.

Les maîtres toucheront leur supplément de retraite de 5 % avant Noël, avec effet à compter du 1er octobre, le traitement de septembre étant continué. Ce supplément est d'ores et déjà plus avantageux que l'ancienne indemnité de départ en retraite.

Conformément à l'article 4 de la loi, la mise en place du régime additionnel reposait également sur la conclusion d'un accord entre les anciens employeurs et les syndicats de maîtres organisant la sortie progressive de l'indemnité de départ en retraite. Le Secrétariat général de l'enseignement catholique vient de transmettre cet accord au ministre pour qu'il en réalise l'extension, conformément à la loi. Cet accord est le résultat d'une négociation globale qui intègre également le maintien d'un système de prévoyance. Il est équilibré : actuellement les maîtres peuvent bénéficier d'une indemnité de départ en retraite dont le plafond maximum représente les deux derniers mois de salaire. Le taux est calculé en fonction de l'ancienneté dans l'établissement. L'accord prévoit le versement d'une IDR d'un mois au lieu de deux, mais attribuée à tous ceux qui peuvent justifier d'au moins dix années d'ancienneté dans le réseau et non plus seulement dans l'établissement. Il permet ainsi à un plus grand nombre de maîtres qui partent en retraite de bénéficier de cette indemnité.

L'inquiétude dont a fait part la coordination des retraités, pour ceux des maîtres qui ont accumulé la plus forte ancienneté de service dans un seul établissement et qui risqueraient de se trouver pénalisés, a conduit le gouvernement à demander au secrétaire général de l'enseignement catholique de procéder à un ultime tour de table pour dégager, en 2005 et 2006, une solution pour ceux qui ont une grande ancienneté de service dans un seul établissement. Sous réserve de cet ultime tour de table, l'accord pourra être étendu dans sa partie concernant l'IDR.

En ce qui concerne le régime de prévoyance, qui est l'autre aspect de l'accord global négocié avec le secrétaire général de l'enseignement catholique (SGEC), la loi n'avait prévu aucun dispositif. Mais les débats parlementaires ont fait largement l'écho de la nécessité d'en maintenir les acquis. Le Gouvernement a également réaffirmé son attachement aux acquis sociaux. L'accord que vient de conclure le SGEC répond à cette préoccupation. Il pérennise la prise en charge de la contribution des établissements pour assurer le maintien de la prévoyance privée dont bénéficiaient les maîtres. C'est une bonne mesure. L'amendement que le rapporteur a déposé au projet de loi d'orientation agricole et qui vise à donner à cet accord une base légale convient au ministre, qui en a fait part à son collègue M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, lequel s'est lui-même déclaré satisfait de cette réponse.

L'attention du gouvernement a également été appelée par le rapporteur sur le respect des droits sociaux dans le fonctionnement des établissements. Tel est l'objet de l'alinéa 2 de l'article 1er, qui garantit l'exercice du droit syndical et la participation à la commission d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ainsi qu'au comité d'entreprise. Cet article est d'application directe et ne crée pas de charge nouvelle pour les établissements.

Le maintien des comités d'entreprise n'implique pas, d'ailleurs, une augmentation de la contribution des établissements au financement de leurs activités sociales et culturelles. Cette contribution, encadrée par les articles L. 432-9 et R. 432-11 du code du travail, s'applique déjà.

S'agissant de l'exercice du droit syndical, les règles de droit public ont vocation à s'appliquer aux décharges dont bénéficient les délégués élus qui sont des agents publics. Les maîtres ne perçoivent donc pas de rémunération pour leurs heures de délégation puisqu'il existe par ailleurs un système de décharge accordé par l'État et géré globalement par les syndicats. Les établissements privés n'auront donc plus à rémunérer les décharges syndicales dont bénéficient les maîtres.

Concernant l'article 89 de la loi du 13 août 2004, le dispositif a été adopté à l'initiative du sénateur Michel Charasse lors du débat sur le projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales et ne concerne absolument pas les maîtres mais les rapports entre le représentant de l'Etat et les communes.

Le principe de la contribution des communes pour les élèves scolarisés à l'extérieur de leur territoire s'appliquait déjà aux écoles privées comme aux écoles publiques. Ce qui est nouveau, c'est que désormais, en cas de désaccord entre communes, le préfet interviendra pour fixer la répartition des contributions entre elles. Il le fera dans le respect de la loi « Debré » de 1959. Par l'application conjuguée des deux lois, l'article 89 permettra de corriger la rupture de parité constatée depuis des années, sans pour autant fragiliser les finances des communes et le réseau des écoles publiques.

Enfin, le rapport du Gouvernement prévu à l'article 6 sera déposé auprès de la commission avant le 1er janvier 2006.

M. Dominique Richard a rappelé qu'il avait été le porte-parole du groupe UMP lors de l'examen de la proposition de loi et que les membres de ce groupe étaient attachés au respect du caractère propre de l'établissement, donc à la possibilité pour le chef d'établissement de constituer lui-même ses équipes. Il faut remercier le ministre d'avoir fait évoluer en ce sens le projet de circulaire qui avait suscité une certaine émotion dans le milieu.

Par ailleurs, les députés UMP continuent à considérer que le délai de convergence de vingt-cinq ans n'est pas tout à fait correct. Bien évidemment, ce débat a des conséquences budgétaires, mais les membres du groupe soutiendront totalement le ministre pour l'aider à imposer ce qui paraît comme une nécessité au regard de la décence.

M. Yves Durand a souligné que le groupe socialiste, quand il a voté la proposition de loi, entendait d'abord reconnaître la nécessité de l'égalité entre les maîtres du privé et du public. Il avait aussi considéré que ce texte était un moyen d'apaiser ce qu'on a appelé longtemps la guerre scolaire, qu'il convient absolument, sans que cela empêche de débattre au fond, d'éviter de ranimer. Les lois sont ce qu'elles sont, notamment la loi « Debré » de 1959, qui continue à régir les rapports entre public et privé ; mieux vaut, pour l'instant, en rester là.

Sans doute cette audition n'est-elle pas le lieu d'ouvrir la discussion sur l'article 89 de la loi dite « relative aux libertés et aux responsabilités locales », mais le fait est que si cette disposition lui avait été proposée, il l'aurait vigoureusement rejetée car, quelle que soit l'origine d'un amendement, ce qui le préoccupe d'abord est l'intérêt général.

Par la présente audition, le Parlement dispose d'une possibilité supplémentaire d'exercer son pouvoir de contrôle de l'application des lois qu'il a lui-même votées. Comme l'a dit M. Dominique Richard, il faut, conformément à l'esprit de ce texte, en accélérer l'application. Le ministre semble considérer que c'est une bonne idée, mais il faudra qu'il use de toute sa force de conviction auprès de son collègue de l'économie et des finances pour qu'on applique la volonté quasi unanime du législateur. C'est un devoir, si ce n'est de décence, du moins de cohérence.

La revendication des maîtres qui exercent depuis longtemps dans le même établissement doit être prise en compte, et les dispositions transitoires ne sauraient être contraires à l'esprit de la loi.

Même si ceci s'écarte du sujet, il est étonnant que le budget de l'enseignement scolaire soit examiné le 26 octobre prochain, non pas dans l'hémicycle mais en commission élargie. Cela paraît symboliquement regrettable, d'autant que les explications de vote, qui seront finalement le seul acte législatif solennel, n'auront lieu qu'aux environs de minuit, le lundi 14 novembre. Une telle organisation est choquante.

M. Yvan Lachaud a déclaré partager ce sentiment.

Le président Jean-Michel Dubernard, après avoir regretté de n'avoir pu participer au début de cette audition, a souligné que le choix de ce nouveau mode de discussion avait été fait conjointement par la commission des affaires culturelles et par la commission des finances et que cette audition, qui se tiendra salle Lamartine, en présence de la presse, aurait une autre dimension et serait bien plus « punchy » qu'une séance dans l'hémicycle. Cette question a été abordée hier en Conférence des présidents et M. Jean-Marc Ayrault n'a pas utilisé exactement le même ton que M. Yves Durand. En fait, tous les présidents de commissions et de groupes, à l'exception de l'UDF, ont admis l'intérêt de ce type de débats. Il faut donc jouer le jeu.

M. Yvan Lachaud a considéré que le débat pourrait être tout aussi « punchy » dans l'hémicycle puis a félicité le ministre d'avoir fait évoluer le texte afin de garantir le caractère propre des établissements et le libre choix des enseignants par le chef d'établissement.

S'agissant de l'indemnité de départ en retraite, il existe indéniablement un effet de ciseaux. Ainsi, certains maîtres vont attendre trois ans pour retrouver le capital qu'ils auraient pu avoir avec l'ancien système ; la perte atteindra 4000 euros. Sans doute serait-il possible à l'enseignement catholique de trouver une solution interne. Pour sa part, le groupe UDF est déterminé à se battre, budget après budget, pour que soit adoptée une solution moins préjudiciable aux maîtres.

Par ailleurs, si le ministre a instauré, par la concertation, la possibilité d'organiser les remplacements dans les établissements publics, aujourd'hui les établissements privés sous contrat n'ont pas les moyens de faire de même.

Enfin, c'est à juste titre qu'un grand nombre d'emplois de vie scolaire ont été créés, même si on aurait bien sûr souhaité qu'ils soient pérennes. Toutefois, les 3000 emplois dont dispose l'enseignement privé semblent insuffisants.

Mme Martine Billard a rejoint les propos de ses collègues sur la nécessité de réduire la durée de la montée en charge et d'avoir une remise à niveau par rapport au public. Sans doute l'enseignement privé pourrait-il lui-même faire un effort, puisque ses charges vont décroître.

Par ailleurs, il serait souhaitable d'engager une réflexion sur les difficultés auxquelles sont confrontés les enseignants des autres langues que l'anglais. En effet, alors que la désaffection des élèves amène à réduire leur nombre d'heures, il est impossible d'imposer au chef d'un autre établissement privé de leur affecter les heures complémentaires dont ils auraient besoin.

Mme Béatrice Vernaudon a relevé que l'article 6 de la loi prévoit la possibilité pour le Gouvernement d'étendre par ordonnance l'application du texte aux collectivités du Pacifique et de Mayotte. Les autorités éducatives locales ont commencé à travailler afin de faire des propositions en vue de cette ordonnance.

La loi a été accueillie avec satisfaction par ces territoires, l'enseignement privé accueillant 30 % des élèves en Nouvelle-Calédonie, 25 % en Polynésie française et près de 80 % à Wallis-et-Futuna. Elle a levé beaucoup des ambiguïtés entretenues jusque-là par la jurisprudence relative au statut des enseignants.

Désormais, les sommes versées au comité d'entreprise devront tenir compte de la masse salariale des enseignants. L'Etat va-t-il, en métropole, compenser cette dépense nouvelle pour les établissements privés ?

Par ailleurs, l'application aux établissements d'enseignement privés d'un ratio de suppressions de postes calculé par rapport aux suppressions intervenant dans le secteur public fait grincer quelques dents car les effectifs des élèves, eux, ne baissent pas.

M. Pierre Christophe Baguet a trouvé, à la différence de M. Yves Durand, beaucoup de vertus à l'amendement du sénateur Michel Charasse.

Par ailleurs, il est souhaitable de réduire l'effet ciseau entre l'ancienne indemnité de départ en retraite et la nouvelle loi. Concernant la nouvelle pension de retraite additionnelle, il avait déposé, avec M. Yvan Lachaud, un amendement visant à faire passer le relèvement de 1 % tous les cinq ans à 5 % par an. Cette proposition était sans doute excessive, mais son coût - 30 millions par an - ne semblait finalement pas très élevé au regard de la reconnaissance due à ceux qui ont consacré des années à l'éducation des enfants. Parce qu'une loi doit être juste pour être bonne, le groupe UDF déposera, lors de l'examen de la mission « Enseignement scolaire », un amendement destiné à accélérer la montée en charge et compte sur le soutien du ministre et sur sa capacité à convaincre son collègue en charge des finances.

En réponse aux différents orateurs, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- L'unanimité des intervenants sur le régime de retraite additionnel ne peut qu'être une incitation à se montrer plus convaincant encore vis-à-vis de Bercy. Si cette loi a déjà apporté un progrès considérable, il n'en demeure pas moins qu'accélérer la montée en charge du nouveau régime est une bonne idée. Une telle mesure d'intérêt général serait aussi une juste reconnaissance des efforts accomplis.

- Il n'appartient pas à un ministre de se prononcer sur la façon dont le budget est discuté au sein d'une assemblée. Quel que soit le choix de l'Assemblée, il se tient à sa disposition, comme il le sera à chaque fois que la tâche de contrôle de l'action du gouvernement l'exigera.

- Le dispositif relatif aux remplacements de courte durée se déploie dans le public comme dans le privé. Ce dernier aura la possibilité de majorer largement les heures supplémentaires. Même si les enseignants ne font pas des heures supplémentaires pour de l'argent, une tarification de l'heure de remplacement comprise entre 33 et 47 euros peut être une forte incitation. Ces heures majorées sont dès à présent à la disposition du privé comme du public.

- Le premier trimestre de l'année scolaire est destiné à mettre en place des protocoles pour que ces remplacements s'effectuent dans les meilleures conditions possibles, sur une base volontaire. À partir du 1er janvier, si le volontariat ne produit pas tous les effets escomptés, y compris par les représentants syndicaux, il appartiendra au chef d'établissement, après quatre mois de concertation, de désigner le professeur qui remplacera effectivement l'absent. Ainsi la mesure s'appliquera de façon progressive mais effective. Elle est réclamée par les parents, mais aussi par les enseignants, qui jugent normal que les absents de courte durée soient remplacés. Contrairement à ce qui a pu être dit, le remplaçant exercera dans sa propre discipline.

Mme Martine Billard a souligné que cette précision n'avait pas été apportée lors du débat.

Le ministre a répondu qu'on n'était plus désormais dans le débat sur la loi, mais dans celui sur le décret d'application.

M. Frédéric Reiss, président, a fait observer que les établissements privés sous contrat avaient depuis longtemps l'habitude de tels remplacements.

Le ministre a poursuivi ses réponses :

- La concertation est engagée dans les établissements publics. Le Premier ministre a reçu avant-hier neuf chefs d'établissements, huit se sont montrés très optimistes, un seul constatant des difficultés d'application.

- Le secteur privé bénéficie des emplois de vie scolaire dans les mêmes conditions de prise en charge que pour les établissements du secteur public. Il s'agira de conforter la présence d'adultes dans l'établissement, de renforcer l'accompagnement éducatif et d'accomplir un certain nombre de tâches comme celles liées à l'accueil des enfants handicapés, conformément à l'obligation de parité avec l'enseignement public. Il semble que les 3 000 emplois prévus répondent aux besoins, mais un complément pourrait être envisagé si tel n'était pas le cas.

- Une circulaire précisant les déclinaisons spécifiques aux établissements privés a été adressée aux recteurs d'académie le 13 septembre dernier. Les chefs d'établissement peuvent désormais procéder aux recrutements. 6 485 contrats ont été signés, et un nombre équivalent devrait l'être dans les dix jours qui viennent, ce qui permettra d'atteindre 60 % du contingent fin octobre et 80 % fin novembre.

- En l'absence d'élément précis sur les effectifs de professeurs de langue, il semble toutefois qu'ils seraient plutôt en excédent compte tenu de la raréfaction des élèves. Cet excédent devrait se résorber avec l'allégement des effectifs, notamment en terminale. Il faudra faire le point dans quelque temps.

- S'agissant de l'extension de la loi à l'outre-mer, le calendrier, qui prévoit la publication des ordonnances dans les douze mois, sera tenu et une ordonnance sera effectivement publiée d'ici le mois de janvier 2006.

- Pour les sommes versées aux comités d'entreprise, les dépenses sont de 0,2 %. Elles étaient prévues pour les maîtres dans le cadre juridique antérieur. C'est un sujet sur lequel il faudra revenir.

Le rapporteur a observé qu'il serait intéressant d'analyser le solde financier global après application de la loi pour les établissements ; il sera sans doute largement positif.

M. Yvan Lachaud a souligné que, pas plus que l'établissement ne pouvait payer l'indemnité de départ en retraite, puisqu'il n'est plus employeur, il ne pourra à l'avenir s'acquitter des 0,2 %, même s'il n'appartient pas à l'État de compenser cette somme. On peut s'attendre à un certain nombre de contentieux sur ce point.

Le ministre a enfin répondu à M. Pierre-Christophe Baguet qu'il se montrerait attentif et ouvert à son amendement et qu'il tenterait de faire usage de sa capacité de conviction pour lui donner satisfaction, comme à l'ensemble de ceux qui sont intervenus en ce sens.

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La commission a autorisé le dépôt du rapport sur la mise en application de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat en vue de sa publication.


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