COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 25 octobre 2005
(Séance de 9 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Georges Colombier, secrétaire.

SOMMAIRE

 

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Projet de loi de finances pour 2006

- Avis sur les crédits de la mission « solidarité et intégration » :

Avis  Solidarité et intégration (M. Dominique Tian, rapporteur pour avis)

Avis handicap et dépendance (Mme Maryvonne Briot, rapporteure pour avis)



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La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Dominique Tian, les crédits de la mission Solidarité et intégration pour 2006, à l'exception des crédits du programme « Handicap et dépendance ».

M. Dominique Tian a signalé que son rapport ne couvre pas les crédits du programme « Handicap et dépendance », qui donnent lieu au rapport pour avis de Mme Maryvonne Briot, puis a indiqué que les crédits qu'il a examinés correspondent à un ensemble quelque peu disparate de politiques de l'Etat, présentant en outre, dans certains des domaines concernés, telle la lutte contre l'exclusion, un caractère partiellement résiduel suite à la décentralisation, le plus souvent aux départements en l'espèce, des compétences de l'Etat. Il s'est également proposé de dresser, dans la seconde partie de son exposé, un premier bilan, dix-huit mois après, de la départementalisation du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'instauration du contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA), auquel s'est ajouté depuis lors le contrat d'avenir, autre outil de retour à l'emploi des bénéficiaires des minima sociaux.

Parmi les trente-quatre missions du budget général de l'Etat, la mission « Solidarité et intégration » est l'une des huit à présenter un caractère interministériel : deux ministres sont responsables de sa gestion, celui de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et celui de la santé et des solidarités. Au sein de cette mission, le programme « Handicap et dépendance » représente environ 64 % des crédits, les programmes « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » et « Actions en faveur des familles vulnérables » 9 % chacun, le programme « Politiques en faveur de l'inclusion sociale » 8 %, les programme « Protection maladie » et « Accueil des étrangers et intégration » 5 % chacun et le programme « Egalité entre les hommes et les femmes » 0,2 %.

Le programme « Politiques en faveur de l'inclusion sociale » traduit la mise en œuvre du plan de cohésion sociale et de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des rapatriés. Pour ce qui concerne les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale prévoit une montée en charge du dispositif sur les années 2005, 2006 et 2007 pour atteindre à terme 1 800 nouvelles places, dont 800 dès 2005. Les 500 créations nouvelles budgétées en 2006, conformément au plan de cohésion sociale, devraient porter à 31 507 le nombre total de places disponibles en CHRS. Le programme des maisons relais continue également à monter en puissance : au 31 décembre 2004, 111 maisons relais étaient ouvertes, offrant 1 800 places. Sur les 1 000 places financées au titre de l'exercice 2005, 996 sont en cours d'ouverture, ce qui représente un taux de réalisation remarquable. On prévoit plus de 1 700 demandes d'ouverture pour 2006.

La très forte augmentation des moyens de la politique des rapatriés, qui atteindront 177,8 millions d'euros en 2006, correspond pour l'essentiel à la traduction des mesures de la loi du 23 février 2005. En particulier, 100 millions d'euros devraient être consacrés au financement de l'allocation de reconnaissance pour les anciens harkis, qui a été fortement améliorée par cette loi.

Au sein du programme « Accueil des étrangers et intégration », la stabilisation des crédits destinés à financer l'accueil des demandeurs d'asile est la conséquence de la réforme engagée depuis 2003, qui visait notamment à faire de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le « guichet unique » d'examen des demandes en remplaçant l'« asile territorial » par la « protection subsidiaire » et à introduire la notion de « pays d'origine sûr » pour rejeter en amont les demandes abusives. Le délai moyen de traitement des dossiers aura ainsi été ramené, entre 2003 et 2005, de 258 à 101 jours à l'OFPRA, ce progrès ne concernant pas encore, en revanche, la Commission des recours des réfugiés. Il est proposé par ailleurs, dans le projet de loi de finances, de rebaptiser l'allocation d'insertion en « allocation temporaire d'attente », ce qui complétera la réforme engagée.

S'agissant de l'intégration des étrangers autorisés à séjourner durablement, l'année 2006 sera notamment celle de la généralisation du contrat d'accueil et d'intégration. Son premier bilan chiffré montre la réussite du dispositif, progressivement étendu conformément aux prévisions de déploiement : 12 départements à partir de juillet 2003, 26 en 2004, 47 en juillet 2005. Ce contrat permet d'assurer une prestation d'accueil à un nombre croissant d'immigrants réguliers et rencontre neuf fois sur dix leur assentiment.

La plus grande part des crédits du programme « Actions en faveur des familles vulnérables » est consacrée au financement de l'allocation de parent isolé. Les crédits affichés pour 2006 sont construits sur l'hypothèse volontariste d'une maîtrise des effectifs d'allocataires - 195 000 attendus en 2005, mais 181 000 espérés en 2006 - grâce aux instruments d'insertion dans l'emploi mis en place pour les bénéficiaires de minima sociaux.

Le programme « Protection maladie » regroupe les contributions de l'Etat aux deux dispositifs permettant aux plus démunis d'accéder à une protection maladie : la couverture maladie universelle et l'aide médicale d'Etat. La forte diminution de la subvention d'Etat au fonds de financement de la CMU complémentaire prévue en 2006 est permise par l'existence d'excédents reportés sur le fonds, par le dynamisme de ses autres ressources et par une modification de la répartition des droits sur les tabacs.

Il est enfin proposé de reconduire en 2006 les moyens regroupés dans le programme « Egalité des hommes et des femmes » à hauteur de 27 millions d'euros, ces moyens correspondant en grande au financement du service des droits des femmes et de l'égalité.

Quant au bilan que l'on peut tirer, dix-huit mois après, de la décentralisation du RMI, il apparaît clairement que celle-ci a au moins eu le mérite de faire bouger les choses : confrontés à une grande diversité de situations, les conseils généraux ont apporté des réponses diverses, conduit des expérimentations et cherché parfois à leur donner un écho médiatique. Ils se sont organisés pour gérer le dispositif après avoir négocié avec les autres administrations concernées. En revanche, si la gestion du RMI a ainsi souvent pu être clarifiée, il reste à mieux préciser les obligations financières, voire les compétences des uns et des autres.

Sur le terrain de l'insertion, on relève aussi un nouveau dynamisme des politiques départementales, même si l'on ne peut guère en mesurer encore les effets. Alors qu'un nombre croissant de secteurs économiques sont en pénurie de main-d'œuvre, l'accompagnement au retour à l'emploi marchand doit être une priorité et l'est dans de nombreux départements.

On constate désormais un souci de contrôle des abus, et ce dans des départements de tous bords politiques. Des évolutions de la réglementation permettraient certainement d'assurer ces contrôles dans de meilleures conditions. Ces constats rejoignent au demeurant ceux du Premier ministre lors de sa conférence de presse du 1er septembre dernier.

Parallèlement, la mise en place des nouveaux contrats d'« activation » issus du plan de cohésion sociale, le contrat d'avenir et le CI-RMA rénové, se fait assez lentement, ce qui pose question. Dans les départements, on juge parfois ces dispositifs nationaux rigides, mal adaptés à la diversité des situations. La grande variété des bénéficiaires du RMI, parfois proches de l'emploi, parfois au contraire tellement éloignés qu'un retour à l'activité est très improbable, conduit à s'interroger sur l'unité du RMI : ne devrait-on pas envisager une distinction entre un « revenu d'existence » et, pour ceux qui sont aptes à une activité, un « revenu d'activité » assorti d'une véritable exigence de contrepartie ? Un récent sondage a montré que 84 % des Français estiment qu'il ne doit pas y avoir assistance sans contrepartie : il convient d'adapter les dispositifs pour mettre en œuvre effectivement cette obligation.

Ces différentes réflexions conduisent à des pistes de réformes concrètes. Il conviendrait ainsi, afin d'assurer la réussite rapide des contrats d'activation du RMI, de supprimer le délai de latence de six mois dans un minimum social avant d'accéder au contrat d'avenir ou au CI-RMA - la mobilisation des personnes en vue d'un retour à l'emploi devant pouvoir être la plus rapide possible - et d'assouplir la règle de l'horaire hebdomadaire de 26 heures pour le contrat d'avenir.

Afin de mettre fin aux dérives du dispositif, il serait justifié :

- d'assurer la transparence des prestations et aides extralégales dont bénéficient les allocataires de minima sociaux ;

- de mettre en place un fichier national de l'ensemble des prestations gérées par les caisses d'allocations familiales et de généraliser l'usage du numéro national d'identification (NIR) ;

- de prévoir un signalement systématique aux présidents de conseil général des cas de travail illégal avérés lors des contrôles des autres administrations, notamment de l'Inspection du travail ;

- de préciser les règles d'accès des ressortissants communautaires au RMI, en prenant pour référence les restrictions autorisées par la directive européenne du 29 avril 2004 ;

- de conditionner l'accès au RMI au statut de résident fiscal et de permettre aux conseils généraux de s'assurer de la situation financière des ressortissants étrangers, en prévoyant dans les accords fiscaux internationaux les dispositions nécessaires ;

- de préciser que l'accès d'étudiants au RMI n'est possible que si leur formation permet une insertion effective dans l'emploi ;

- de généraliser, s'agissant des non-salariés - dont il est souvent très difficile, même par recoupement avec leurs déclarations fiscales, d'appréhender le revenu véritable -, les diagnostics de viabilité de l'activité et envisager en conséquence des réorientations professionnelles ;

- d'engager, dans la perspective de la réforme envisagée des minima sociaux, une réflexion sur la distinction entre un « revenu minimum d'existence », qui s'adresserait à des personnes très éloignées de l'emploi, et un « revenu minimum d'activité » qui pourrait impliquer l'inscription obligatoire à l'ANPE, ce qui est actuellement le cas de 35 % seulement des bénéficiaires du RMI.

Pour permettre, enfin, aux départements de réagir plus rapidement et efficacement, il serait bon de leur donner la compétence de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi et allocataires de minima sociaux, le « I » du RMI passant souvent par la formation, et de clarifier la réglementation de l'élection de domicile, de façon à éviter les fraudes et à garantir la sécurité juridique des organismes domiciliateurs. Mais, quoi qu'il en soit, le RMI est sans conteste mieux géré par les départements qu'il ne l'a été par l'Etat.

En conclusion, le rapporteur pour avis a souhaité que la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Georges Colombier, président, a remercié le rapporteur pour avis pour son excellent travail sur le RMI et pour les pistes de réflexion qu'il a tracées. Il a également jugé bienvenues les 4 000 nouvelles places qui doivent être créées, en 2005 et 2006, dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile.

Mme Hélène Mignon s'est interrogée sur l'évolution des moyens du service des droits des femmes et de l'égalité. On peut en revanche se réjouir des créations de places annoncées dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, mais il est regrettable que de nombreux CHRS n'aient pas reçu la part de la dotation de fonctionnement qui devait leur être versée en fin d'année 2005 ; ils ne la recevront qu'au début de l'année prochaine, sur le budget 2006.

S'agissant du RMI, il faut rappeler que le dispositif ne concernait pas les étudiants lors de sa création. Les contrôles préconisés par le rapporteur pour avis, tout en revêtant un caractère quelque peu vexatoire et tatillon, auront au moins l'intérêt de permettre un examen plus individualisé des situations, en distinguant mieux entre les allocataires auxquels on peut proposer, fût-ce par le biais de structures d'insertion, un retour à l'emploi, et ceux pour qui une telle perspective est très éloignée et qui relèvent davantage d'un accompagnement social, familial, voire sanitaire - en veillant toutefois à ne pas en faire des citoyens de seconde zone.

Il faut enfin regretter l'absence de traduction budgétaire de l'engagement, pris par M. Jean-Pierre Raffarin lorsqu'il était Premier ministre, de faire bénéficier 300 000 enfants de plus de la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire. Bien au contraire, la modification du mode de calcul du forfait logement inscrite dans le projet de loi de finances pénalisera 60 000 à 70 000 familles.

M. Yves Boisseau a observé que le plafond de 26 heures hebdomadaires applicable au contrat d'avenir a sans doute été fixé afin de prévenir certains effets pervers, que sa suppression risquerait donc de réintroduire. Il a également relayé le mécontentement de nombreux conseils généraux, désormais contraints de financer les chantiers d'insertion auparavant pris en charge en quasi-totalité par l'Etat.

M. Francis Vercamer, après avoir félicité le rapporteur pour avis pour son bilan de la décentralisation du RMI, a souligné que 6 % de la population vit avec moins de 600 euros par mois et 12 % avec moins de 720 euros. Les éléments du plan de cohésion sociale étant désormais en place, on peut constater que ni les préconisations du rapport de M. Martin Hirsch au nom de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté » - dont la qualité a pourtant été saluée publiquement par le Premier ministre -, ni celles du rapport commandé par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement à M. Roger Fauroux sur la lutte contre les discriminations n'ont de traduction dans le projet de loi de finances pour 2006. Quelles suites le gouvernement entend-t-il donner à ces travaux ?

La revalorisation de l'allocation de reconnaissance servie aux anciens harkis doit être saluée, mais il est regrettable qu'il ait fallu attendre quarante-trois ans pour leur rendre justice et que le coût de la mesure soit étalé sur plusieurs exercices.

Faisant sien le propos de M. Yves Boisseau sur les chantiers d'insertion, M. Francis Vercamer a enfin redouté que ces derniers ne puissent fonctionner si les départements n'ont pas les moyens de financer l'encadrement indispensable.

M. Georges Colombier, président, a dit partager les regrets de M. Francis Vercamer à propos des anciens harkis.

Mme Martine Carrillon-Couvreur a rappelé que la création du revenu minimum d'activité (RMA) a donné lieu, en son temps, à un débat très intéressant, qui n'était pas que sémantique. S'il est vrai que certaines personnes sont très éloignées de toute perspective d'emploi, la création d'un revenu minimum d'existence (RME) ne serait pas sans danger, car elle pourrait être comprise comme un acte de résignation à la marginalisation définitive d'une partie de la population. La seule question qui vaille est celle des moyens à mettre en œuvre pour leur faire rejoindre un projet d'insertion.

Par ailleurs, on peut s'étonner que les conclusions du rapport de M. Martin Hirsch, aboutissement d'un travail très approfondi, mené en liaison étroite avec les associations, n'aient en rien été reprises dans le projet de loi de finances.

Pour ce qui est enfin de l'horaire hebdomadaire de 26 heures pour les contrats d'avenir, il vise à ménager un temps de formation complémentaire et il n'est donc pas souhaitable de le remettre en cause.

M. Maurice Giro a attribué la faiblesse de la partie « insertion » du dispositif du RMI au fait que les assistantes sociales, interlocutrices naturelles et souvent uniques des allocataires, sont davantage formées à aider les personnes en difficulté à se retrouver dans le maquis des aides et des prestations qu'à les guider dans un parcours de réinsertion. Quant à ceux des allocataires qui, en fait, ont surtout besoin de soins - médicaux, psychologiques, voire psychiatriques -, les services des conseils généraux ne sont guère armés pour le diagnostiquer, ni pour en convaincre les intéressés eux-mêmes lorsqu'ils en sont inconscients. En outre, le département n'a pas de compétence en matière de formation, clef de la lutte contre l'illettrisme qui écarte un grand nombre de personnes du marché de l'emploi.

La question de la fraude est également importante. Certains individus indélicats, tirant parti de l'absence de connexion entre les différents fichiers départementaux, s'inscrivent dans plusieurs départements voisins afin de percevoir plusieurs fois le RMI. Une parade doit être trouvée.

Mme Hélène Mignon s'est demandée si les fraudes au RMI ont une incidence aussi lourde que certains le laissent parfois entendre.

En ce qui concerne l'aide médicale d'Etat, on peut se demander si les mesures récentes de restriction conduisent réellement à des économies. Le souci d'humanité peut rejoindre l'intérêt bien compris des finances publiques, si des mesures excessives obligent à attendre, pour soigner et hospitaliser les gens, qu'ils soient gravement malades.

Quant au dispositif du RMA, s'il a été un échec initialement, c'est parce qu'il avait des conséquences inacceptables en matière de droits à la retraite. Cette erreur a été rectifiée et le RMA va pouvoir mieux fonctionner.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

- La fraude au RMI n'est mesurée par aucune statistique vérifiable, mais on peut signaler, à titre d'exemple, que l'opération de contrôle « perdus de vue » menée dans le département du Rhône a abouti, pour 6 000 personnes convoquées, à 800 radiations et à 90 plaintes auprès du procureur de la République, qui correspondent aux cas de fraude avérée. On estime que les fraudeurs représentent entre 2 et 3 % de l'ensemble des allocataires et qu'il s'agit en général de gens bien organisés. La convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'Etat et la Caisse nationale des allocations familiales envisage la mise en place d'un fichier national des prestations de la caisse. Le recours au numéro national d'identification, qui implique un accord de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), devrait aussi être développé.

- Pour ce qui est du débat revenu minimum d'existence/revenu minimum d'activité, il est malheureusement probable que les 3 à 4 % des bénéficiaires du RMI qui le sont depuis plus de dix ans ne retrouveront plus jamais d'emploi, et sont en proie à des problèmes familiaux, médicaux, psychologiques de nature à les faire relever des nouvelles commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, appelées à succéder aux COTOREP dans le cadre de la loi du 11 février 2005 : une meilleure reconnaissance du handicap psychologique, au moins à titre transitoire, est nécessaire. Il n'y aurait guère de sens, de la part des conseils généraux, à vouloir faire signer à ces personnes des contrats d'insertion exigeant d'eux de vraies contreparties, mais il ne s'agit pas non plus de les ficher : il s'agit de leur proposer le traitement le plus personnalisé possible de leur situation. A contrario, il faut être conscient qu'à refuser de prendre en compte la réalité de la diversité des personnes au RMI et à laisser les conseils généraux s'en débrouiller en étant plus ou moins exigeants vis-à-vis de ces personnes, on risque d'avoir à terme un problème d'égalité de droits.

- Force est de reconnaître que l'enveloppe destinée aux CHRS est gérée par à-coups, du fait de la survenue fréquente de situations d'urgence qui conduisent à la ponctionner, et que cela pose des problèmes considérables aux établissements.

- L'horaire réglementaire de 26 heures pour les contrats d'avenir vise bien à ménager un temps de formation pour les bénéficiaires, mais cette formation risque de ne pas être toujours assurée ni financée, faute de savoir à qui il revient de le faire. Dans ces conditions, ne vaut-il pas mieux renoncer à un garde-fou qui ne fait que rendre le dispositif plus rigide ?

- Pour ce qui est des chantiers d'insertion, il convient de rappeler que l'Etat a décidé, dans le cadre du plan d'urgence pour l'emploi, de porter à 90 % son taux de financement des contrats d'avenir qui y seront signés.

- L'augmentation de la prime pour l'emploi et les diverses mesures d'incitation à la reprise d'emploi, notamment loin du domicile, contenues dans le projet de loi de finances pour 2006, à défaut de reprendre des préconisations explicites du rapport de M. Martin Hirsch, s'inscrivent dans une philosophie proche de celle qu'il défend en tant que président d'Emmaüs France, à savoir l'intégration à l'économie marchande et l'apport d'un complément de revenus à ceux qui gagnent peu plutôt que le recours à des dispositifs spécifiques et des contrats aidés.

Mme Hélène Mignon a observé qu'un obstacle fréquent à la reprise d'emploi est la difficulté, pour ne pas dire l'impossibilité de trouver un logement à un prix abordable et à une distance raisonnable du lieu de travail.

Le rapporteur pour avis en a convenu, soulignant toutefois que cette difficulté est très variable d'un endroit du territoire à l'autre : s'il est en effet fréquent que des chômeurs refusent une offre d'emploi faute de trouver à se loger - c'est le problème principal dans l'Essonne, par exemple -, dans d'autres régions certains bassins d'emploi - on peut citer la région de Millau, dynamisée par l'achèvement de son viaduc - peinent à recruter, alors qu'un tel problème y est inexistant. Il faudrait aussi que l'information circule davantage.

S'agissant du rapport de M. Roger Fauroux sur la lutte contre les discriminations à l'embauche, il est vrai qu'il n'a pas reçu de traduction législative pour le moment, mais, en tout état de cause, des mesures concernant les entreprises du type « curriculum vitae anonyme » ne coûteraient rien au Trésor public et ne relèvent donc pas de la loi de finances.

Enfin, il est vrai que la mesure de réparation en faveur des anciens harkis est tardive et leur impatience est compréhensible, mais il faut garder à l'esprit l'importance de l'effort financier consenti. Même étalé sur quatre ans, il représente un triplement des crédits destinés aux rapatriés et anciens harkis dès 2006 par rapport à 2005.

Puis la commission est passée à l'examen des amendements.

Article 89 (article L. 861-2 du code de la sécurité sociale) : Financement de la couverture maladie universelle complémentaire

Mme Hélène Mignon a présenté un amendement tendant à supprimer l'article 89 du projet de loi de finances, expliquant que cette mesure présentée comme « technique » entraînera une baisse automatique du nombre de bénéficiaires de la CMU complémentaire, pénalisant 60 000 familles alors que 40 % des personnes protégées par la CMU ont moins de 20 ans.

Le rapporteur pour avis a relevé qu'il est assez logique d'avoir les mêmes règles, en l'espèce pour le calcul du « forfait logement », quand deux dispositifs, le RMI et la CMU, s'adressent à des populations qui se recoupent largement. C'est donc une mesure de simplification qui anticipe également sur le grand chantier des « droits connexes » que le récent rapport de Mme Valérie Létard, sénatrice, appelle à ouvrir.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a approuvé les conclusions du rapporteur pour avis sur les crédits des programmes « Politiques en faveur de l'inclusion sociale », « Accueil des étrangers et intégration », « Actions en faveur des familles vulnérables », « Protection maladie », « Egalité entre les hommes et les femmes », « Conception et conduite des politiques sanitaires et sociales » et a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité et intégration ».

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La commission a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Maryvonne Briot, les crédits pour 2006 du programme « Handicap et dépendance » de la mission « Solidarité et intégration ».

Mme Maryvonne Briot, rapporteure pour avis des crédits du programme « Handicap et dépendance » de la mission « Solidarité et intégration », a indiqué, en guise d'introduction, que le projet de loi de finances pour 2006 applique pour la première fois les nouvelles règles et la nouvelle présentation budgétaire arrêtées par la loi organique du 1er août 2001. Les crédits destinés aux personnes handicapés ne sont pas individualisés, mais intégrés dans le programme 157 « Handicap et dépendance » de la mission « Solidarité et intégration », qui couvre également les crédits consacrés par l'Etat à l'accompagnement des personnes âgées en situation de dépendance.

L'objectif global du programme est de permettre aux personnes handicapées et aux personnes âgées de choisir elles-mêmes leur projet de vie, en leur offrant des dispositifs adaptés à leurs besoins, évalués de façon individualisée. Le programme se décompose en six actions, dont quatre consacrées aux personnes handicapées, une aux personnes âgées et une au pilotage et à la conduite du programme.

Les dépenses publiques en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes servent essentiellement à financer deux types d'actions : les ressources d'existence des personnes ; le financement des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ainsi que la garantie de ressource des travailleurs handicapés.

Les ressources d'existence des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes reposent sur deux minima sociaux : l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

S'agissant de l'AAH, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées garantit un niveau de ressources de 766 euros par mois et 100 euros de majoration pour la vie autonomie. Cette loi a permis de corriger quelques inégalités concernant le « reste-à-vivre » des adultes handicapés vivant en établissement, qui est passé de 12 % de l'AAH à 30 % pour ceux qui ne travaillent pas et de 30 à 50 % pour ceux qui travaillent. Reste le problème des personnes handicapées hospitalisées ou accueillies en maison d'accueil spécialisée (MAS) qui payent le forfait journalier, dont l'augmentation risque d'amputer fortement ce « reste-à-vivre ». Le coût de la mise en place de la réforme des ressources est évalué à 90 millions d'euros pour 2006, soit 1,7 % du volume global des crédits.

Quant à l'APA, elle varie en fonction de la perte d'autonomie de la personne âgée, évaluée selon la grille AGGIR (autonomie gérontologique groupe iso-ressources). Pour 2006, une enveloppe de 1,4 million d'euros est budgétée, et sera reversée aux départements par l'intermédiaire de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Les ESAT, anciens CAT, sont des établissements médico-sociaux qui offrent à la fois une activité productive et un soutien médical aux personnes handicapées. Cette double fonction entraîne un statut particulier pour les travailleurs handicapés qui n'ont pas le statut de salarié, n'ont pas de contrat de travail et ne peuvent être licenciés. La loi du 11 février 2005 leur garantit des droits sociaux - congé, y compris parental, formation, validation des acquis de l'expérience - et une rémunération minimale malgré leur productivité réduite. En contrepartie, le budget de l'Etat verse aux ESAT une subvention dite de garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH), qui est désormais gérée comme une aide au poste : en d'autres termes, l'établissement reçoit une aide globale correspondant au niveau moyen des rémunérations versées. Pour 2006, le projet de loi de finances prévoit un complément moyen de 8 986 euros par place d'ESAT.

Cette réforme de la rémunération garantie permet d'aligner les salaires des travailleurs ayant un taux d'incapacité inférieur à 80 % sur ceux ayant un taux supérieur ou égal à 80 %. La conséquence directe en est le relèvement de la rémunération des travailleurs handicapés ayant un taux d'incapacité compris entre 50 et 80 %. La Fédération nationale des associations de parents employeurs et gestionnaires d'établissements pour personnes handicapées mentales (FEGAPEI), entendue par la rapporteure pour avis, a évalué à 1 646 euros le différentiel de rémunération qui doit être financé par les ESAT. Le nombre de travailleurs concernés serait de 25 000, le coût financier pour 2006 de 41,15 millions d'euros. Or le projet de loi de finances pour 2006 ne comporte que 20 millions d'euros de crédits supplémentaires pour les ESAT. Certains établissements pourront assurer le rattrapage salarial du fait de leur activité à forte valeur ajoutée ou de leur activité de sous-traitance avec de grands établissements industriels ; d'autres, notamment ceux qui accueillent des personnes handicapées mentales, ne le pourront pas. Pour parvenir à une plus grande égalité entre les différents ESAT, il faudrait que les financements de l'Etat soient répartis entre eux selon un critère reposant sur la valeur ajoutée de chaque établissement.

La réforme de la rémunération garantie pour les travailleurs handicapés en ESAT présente d'autres effets pervers. Celle-ci est désormais prise en compte dans sa totalité pour le calcul du plafond de ressources auquel est soumise l'attribution de l'allocation logement, ainsi que l'exonération de la taxe foncière et de la taxe d'habitation, alors que l'AAH ne l'est pas. La solution la plus équitable serait d'exclure de ce calcul la part du revenu financée par l'aide au poste.

S'agissant des actions de maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie, thème d'étude choisi par la rapporteure pour avis, parallèlement à l'augmentation du nombre de places médicalisées en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), a aussi augmenté considérablement celui des places en services de soins infirmier à domicile (SSIAD), en accueil de jour et en hébergement temporaire. Ces alternatives au placement en établissement, qui permettent à la personne âgée de conserver une vie sociale tout en bénéficiant de soins appropriés, présente un grand intérêt.

Toutefois, depuis le décret du 17 mars 2004 qui définit l'organisation de l'accueil temporaire ou de jour, moins de 200 établissements ont été créés, malgré l'importance de la demande ; l'explication réside sans doute dans le fait que les associations de familles de personnes âgées sont moins organisées et ont de moindres ressources financières que les associations de familles de personnes handicapées, que l'Etat ne finance que les dépenses médicales, que les conditions tarifaires ne sont toujours pas définies et que le coût du transport n'est pas pris en charge. Il conviendrait d'assouplir les conditions de création de ces établissements indispensables, dont la création et le fonctionnement, qui plus est, sont bien moins coûteux que ceux d'un EHPAD.

En conclusion, la rapporteure pour avis a souhaité que la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits.

Un débat a suivi l'exposé de la rapporteure pour avis.

M. Georges Colombier, président, a remercié la rapporteure pour avis pour son exposé et a convenu avec elle que les difficultés de financement des ESAT constituent un sujet de préoccupation, dont il faudra saisir le ministre de la santé et des solidarités. Il a également approuvé son propos sur la nécessité de développer l'accueil de jour et l'hébergement temporaire, tout en soulignant que la difficulté de prévoir l'évolution du taux d'occupation au fil de la semaine, voire de la journée, rend difficile leur gestion et les décisions d'investissement.

Mme Martine Carrillon-Couvreur a observé que les départements éprouvent des difficultés financières à appliquer la loi du 11 février 2005 : la charge supplémentaire qui incombe à son département, la Nièvre, est évaluée entre 11 et 14 millions d'euros par an. En outre, seuls quatre des douze décrets d'application de la loi sont parus à ce jour, malgré l'engagement, pris devant le Parlement, de les publier tous dans les six mois suivant la promulgation de la loi.

Les crédits de l'action 4 « Compensation des conséquences du handicap » baissent de 4 % par rapport à 2005 et cette compensation, qui revêt à la fois un aspect individuel et un aspect collectif, repose sur un financement non solidaire, qui met à contribution les seuls salariés.

L'absence, dans la présentation du rapport, de toute mention des services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) est regrettable et il serait intéressant de connaître le nombre de places qui seront créées en 2006.

Le développement de l'accueil temporaire et de jour, souhaité à juste titre par la rapporteure pour avis, doit faire l'objet d'une programmation pluriannuelle.

Mme Hélène Mignon a indiqué que les associations et leurs fédérations ne sont pas seules à être inquiètes : les départements aussi se demandent avec quel argent ils financeront la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées. Il semble d'ailleurs que le projet ne sera pas mené à bien avant l'été 2006, ainsi que l'a reconnu le délégué interministériel lui-même.

S'agissant de l'accueil temporaire et de jour, cette formule présente l'avantage supplémentaire de préparer l'inéluctable séparation du jeune adulte handicapé d'avec ses parents, ainsi que celle de la personne âgée d'avec ses enfants.

Il est regrettable, même si cela sort du cadre de la discussion budgétaire à proprement parler, elle a déploré que certains accidentés de la vie reconnus invalides à plus de 80 % se voient interdire par la médecine du travail de reprendre quelque activité que ce soit, alors même qu'ils en sont capables et le souhaitent - non pour en vivre, mais pour leur équilibre personnel.

M. Georges Colombier, président, a approuvé ce propos.

M. Yves Boisseau et M. Pierre-Louis Fagniez se sont interrogés sur les raisons du changement d'appellation des centres d'aide par le travail (CAT), qui deviennent, on ne sait pourquoi, des établissements et services d'aide par le travail (ESAT).

En réponse aux questions, la rapporteure pour avis a apporté les précisions suivantes :

- Il est vrai que les décrets d'application de la loi du 11 février 2005 ont pris du retard ; la présentation par M. Jean-François Chossy, le 14 décembre, d'un rapport sur la mise en application de la loi, donnera aux députés l'occasion d'interpeller le ministre de la santé et des solidarités qui sera auditionné sur ce sujet.

- S'agissant du financement de la compensation du handicap, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) est également alimentée par une cotisation de 0,3 % sur les revenus des placements financiers et du capital.

- Un nouveau programme triennal 2005-2007 prévoit la création de 5 400 places en établissements et services pour enfants et adolescents handicapés, dont 3 750 en SESSAD. Sur la première tranche 2005 du programme, une enveloppe de 18,93 millions d'euros de crédits d'assurance maladie est consacrée à la création de places en SESSAD. Les premières perspectives montrent que 1 524 places sont programmées par les services déconcentrés.

- L'inquiétude causée par les charges nouvelles incombant aux départements et par le calendrier d'installation des maisons départementales des personnes handicapées, les groupements d'intérêt public n'ayant pas encore été constitués, est légitime et largement partagée. C'est un sujet sur lequel il faudra également interroger le ministre de la santé et des solidarités le 14 décembre.

- Enfin, le changement de nom des CAT en ESAT est notamment lié à l'évolution du statut du travailleur handicapé.

Mme Hélène Mignon a rappelé qu'un débat avait eu lieu sur ce point lors de l'examen de la loi du 11 février 2005, dont il serait intéressant de relire les comptes rendus.

M. Louis Cosyns a demandé si le montant du forfait journalier de soins à domicile, de 34,84 euros indiqué dans le rapport, correspond à une référence nationale, ou simplement à une moyenne constatée. Son département, l'Indre, pratique en effet, un tarif nettement inférieur, alors même que l'on voit apparaître de plus en plus de cas lourds, qui grèvent le budget des services de soins infirmiers à domicile.

La rapporteure pour avis et M. Georges Colombier, président, ont confirmé qu'il s'agit d'une simple moyenne nationale.

La commission a approuvé les conclusions de la rapporteure pour avis sur les crédits du programme « Handicap et dépendance » et a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité et intégration ».


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