COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 novembre 2005
(Séance de 16 heures 15)

12/03/95

Présidence de M. Christian Kert, vice-président.

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme  Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, sur le projet de loi de relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi - n°  2668


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- Examen du projet de loi de relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi (discussion générale) - n° 2668 (M.  Laurent Wauquiez, rapporteur)


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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, sur le projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi (n° 2668).

M. Christian Kert, président, après avoir accueilli la ministre déléguée, a transmis à ses collègues les excuses de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, retenu à son ministère par l'actualité politique.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a présenté à son tour les excuses du ministre de l'emploi et indiqué que le projet qu'elle présentera en leurs deux noms tend à encourager la reprise d'activité par les allocataires des minima sociaux, en rendant le revenu du travail plus attractif que celui des allocations.

Cette réforme s'impose. Alors que le nombre d'allocataires des minima sociaux - allocation de parent isolé (API), revenu minimum d'insertion (RMI) et allocation de solidarité spécifique (ASS) - est très élevé, puisque 3,3 millions de personnes vivent des minima sociaux et que l'on dénombre 1,2 million d'allocataires du RMI, dont un tiers le sont depuis plus de cinq ans, le dispositif actuel dit « d'intéressement » à la reprise d'emploi est si complexe que 12,5 % seulement des allocataires du RMI en ont bénéficié en 2004. Le gouvernement a souhaité ouvrir ce chantier en confiant aux sénateurs Henri de Raincourt et Michel Mercier la mission d'étudier l'ensemble des questions relatives aux minima sociaux, la sénatrice Valérie Létard étant par ailleurs chargée de travaux à ce sujet par le Sénat lui-même. Mais le Premier ministre, qui a annoncé le 1er septembre dernier la réforme du dispositif actuel, a tenu à ce qu'elle s'engage sans attendre ; le présent projet de loi, qui tend à renforcer l'attrait du retour à l'activité, en constitue donc la première étape. Ce texte, bref, a pour fils conducteurs le désir de simplification et d'équité et le souci de donner au revenu du travail un avantage réel et perceptible. Aussi, le nouveau dispositif d'intéressement est-il identique pour les trois minima sociaux. La période de cumul entre salaire et perception du minimum social a pour tous la même durée, une différenciation s'opérant ensuite selon la durée des emplois et celle du temps de travail, selon que celle-ci excédera ou non 78 heures mensuelles.

Tous les allocataires de minima sociaux qui travailleront plus de 78 heures par mois cumuleront pendant les trois premiers mois leur salaire et leur allocation. Ils recevront pendant les neuf mois suivants une prime forfaitaire de 150 euros s'ils sont célibataires, de 225 euros s'il s'agit d'une famille. Au quatrième mois suivant l'embauche, ils recevront une prime de 1 000 euros. Ils percevront également la prime pour l'emploi, désormais mensualisée, et conserveront le bénéfice des aides complémentaires.

Ceux qui travaillent moins de 78 heures par mois cumuleront leur salaire et leur allocation pendant trois mois ; ils cumuleront leur salaire et une partie de l'allocation pendant les neuf mois suivants ; ils percevront la prime pour l'emploi et conserveront le bénéfice des aides complémentaires.

Le dispositif proposé permettra donc, dès le premier mois du passage à l'emploi, la perception d'un revenu plus incitatif, revenu que le bénéficiaire pourra calculer lui-même aisément, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Par ailleurs, des mesures d'accompagnement sont prévues pour faciliter la reprise d'activité des allocataires parents d'enfants en bas âge car la difficulté de trouver une place en crèche, ou une assistante maternelle, limite le retour à l'emploi. Aussi, l'article 6 du projet prévoit-il un accès privilégié aux crèches et aux services d'accueil des jeunes enfants en faveur des allocataires de minima sociaux qui reprennent une activité ou qui suivent une formation rémunérée.

Enfin, l'article 7 revient sur un sujet très souvent évoqué par les conseils généraux, notamment frontaliers, en disposant que, pour bénéficier du RMI, les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et des autres Etats parties à l'accord sur l'espace économique européen devront bénéficier d'un droit au séjour et résider en France depuis plus de trois mois. Il s'agit d'éviter un effet d'aubaine car ce dispositif, nécessaire, doit être maîtrisé.

Telle est la philosophie qui a inspiré cette première étape de la réforme annoncée par le gouvernement.

Un débat a suivi l'exposé de la ministre.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur, a jugé l'importance du projet inversement proportionnelle à sa brièveté et rappelé que, ayant fait partie de la commission « Famille et pauvreté » présidée par M. Martin Hirsch, il est convaincu de la nécessité d'en finir avec l'opposition entre allocations et retour à l'activité. Le dispositif proposé permet des progrès, dont le premier est une plus grande simplicité. La complexité du dispositif actuel d'incitation financière au retour à l'emploi est telle que de trop nombreux allocataires, faute de pouvoir calculer quelles seraient leurs ressources s'ils retrouvaient un emploi, renoncent. Le système proposé rompt de manière bienvenue avec une opacité qui nuit à l'efficacité. Un autre progrès tient à l'accompagnement du retour à l'emploi par la prise en charge des frais induits par la reprise de l'activité : coût des déplacements, prix des repas, achats de vêtements, dispositions relatives à l'organisation de la famille. C'est le sens qu'il faut donner à la prime de 1 000 euros, qui aura un effet décisif et est donc parfaitement légitime. Enfin, c'est faire montre d'un véritable souci d'équité que de traiter dans un même projet des trois minima sociaux.

Le gouvernement peut être félicité pour le travail efficace accompli, qui trouve sa traduction dans un texte particulièrement concis. S'ouvre maintenant la période du travail parlementaire, qui donnera la possibilité de « booster » le premier étage de cette fusée...

S'agissant ainsi de l'article 6, relatif à l'accompagnement de la garde des enfants, il faudra sans doute ne pas se cantonner aux seules places en crèches. Une approche plus globale des modes de garde - il y a aussi les assistantes maternelles - est nécessaire. Il conviendrait également d'assouplir le dispositif prévu, qui repose sur la reconnaissance d'une priorité d'accès à certaines catégories de population. Par ailleurs, un véritable parcours d'accompagnement vers le retour à l'emploi suppose un suivi régulier et des entretiens individuels, qui ne sont pas prévus dans la loi pour les allocataires de l'API, à la différence des textes relatifs à l'ASS, d'une manière un peu coercitive, et, plus clairement, de ceux relatifs au RMI.

La question du contrôle ressortit elle aussi de l'équité, car si l'Etat se montre généreux dans ce projet de loi, il doit dans le même temps ne pas tolérer les abus. Il ne s'agit pas d'exagérer le phénomène mais de reconnaître qu'il existe et qu'il n'est pas normal qu'il perdure. Mais une approche plus juste des sanctions est nécessaire car il est également anormal qu'elles diffèrent selon le dispositif considéré. Une harmonisation vers le régime de sanctions le moins sévère serait à la fois plus équitable et plus efficace.

Ainsi complété, le dispositif proposé par le gouvernement serait incontestablement plus juste et, surtout, plus efficace pour promouvoir le retour à l'activité.

La ministre a répondu que la question de la garde des enfants est un sujet d'une extrême importance, notamment pour les parents isolés. En sa qualité de ministre de la parité, elle s'est dite parfaitement convaincue de la nécessité de tout faire pour éviter les « trappes » de l'exclusion professionnelle, et prête à examiner, avec son collègue en charge de la sécurité sociale, M. Philippe Bas, les moyens d'assouplir le dispositif prévu en faveur des parents d'enfants en bas âge. Les conclusions de la mission confiée aux sénateurs Henri de Raincourt et Michel Mercier permettront sans nul doute d'avancer en définissant des incitations dans le cadre de la convention d'objectifs et de moyens avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). La mission traite également du contrôle du dispositif, objectif complémentaire à celui de la réforme proposée et auquel le gouvernement veillera naturellement.

M. Michel Liebgott a souligné que le projet présenté s'inscrit dans la continuité de la loi de lutte contre l'exclusion, observant que l'on verrait à l'usage si les choses s'améliorent. Mais il n'aura de sens que si l'emploi redémarre. Or, malheureusement, le nombre de salariés stagne, puisqu'il était de 22,7 millions en 2002 et qu'il est de 22,685 millions aujourd'hui. Pour que la situation s'améliore véritablement, ce nombre devrait augmenter comme il avait augmenté entre 1990 et 2002, passant de 20 millions à 22,7 millions.

Par ailleurs, il faut absolument éviter de laisser entendre, d'une manière ou d'une autre, que si des gens touchent les minima sociaux, c'est qu'ils le souhaitent. Ceux qui sont concernés sont malheureusement très nombreux, puisqu'ils sont 7 millions en comptant les familles, nombre qui doit être doublé si l'on tient compte des travailleurs pauvres, c'est-à-dire de tous ceux qui gagnent moins de 650 euros par mois et sont donc en grande difficulté. Un revenu aussi faible est désastreux lorsque l'on considère la flambée du coût des logements et celle du pétrole, qui entraînent de fait une perte de pouvoir d'achat pour les moins favorisés. Des solutions durables d'intégration dans le milieu professionnel doivent être trouvées pour ceux dont la situation est précaire.

Il faut donc bien parler des sommes que le gouvernement entend consacrer au dispositif proposé. Alors que la réforme fiscale qui vient en discussion aujourd'hui même devant l'Assemblée conduira à distribuer 3,5 milliards d'euros aux contribuables les plus aisés, l'effort annoncé aujourd'hui porte sur 240 millions. Comme l'a souligné, dans la presse, un membre du groupe UDF, 240 millions d'euros, c'est aussi la somme accordée aux 14 000 ménages imposables à l'ISF qui vont bénéficier des réductions d'impôt envisagées par le gouvernement. On a bien là une politique du « deux poids, deux mesures ».

S'agissant de la sanction des abus, la somme de 4 500 euros envisagée apparaît démesurée. Des sanctions sont nécessaires lorsque les abus sont avérés, mais chacun comprendra qu'une telle somme est disproportionnée pour des personnes dont les ressources mensuelles s'élèvent, au maximum, à 650 euros. Comment pourraient-ils la payer ? Si une sanction est prévue, elle doit être applicable.

D'autre part, le projet ne dit rien des allocataires du RMI inaptes au travail. Pourtant, en mai 2003, M. François Fillon, alors ministre des affaires sociales, avait indiqué que la moitié d'entre eux seulement s'était engagée dans une démarche d'insertion. Un très grand nombre sont au RMI depuis plusieurs années, le RMA n'a pas vraiment fonctionné et de 4 000  à 4 500 contrats d'avenir seulement ont été signés, alors que le gouvernement comptait que 185 000 seraient conclus cette année. Il faudra bien se pencher, aussi, sur ces catégories de population particulièrement vulnérables.

Sur un autre plan, le texte relatif aux droits connexes doit être présenté au Parlement dans les meilleurs délais, sans quoi celui-ci devra se prononcer sur le présent projet sans rien savoir des dispositions ultérieures.

Il faut enfin prendre garde que le dispositif ne conduise à la réduction et des minima sociaux et des salaires. Le danger existe en effet que les chefs d'entreprises ne se sentent pas enclins à payer très cher leurs salariés, au motif que ceux-ci pourront cumuler leur salaire avec une partie de leurs allocations. On peut s'interroger au passage sur la validité du seuil de 78 heures retenu par le gouvernement lorsque l'on sait qu'un contrat d'intérim est conclu, en moyenne, pour moins de deux semaines. Le risque de décalage avec la réalité est patent.

M. Maurice Giro a félicité le gouvernement pour un texte que les élus locaux, et singulièrement les maires, attendaient avec impatience. Revenant sur les observations de M. Michel Liebgott, il a objecté que d'autres dispositions ont été prises en faveur des allocataires du RMI inaptes au travail et que le projet de loi cible les gens aptes à reprendre un emploi. C'est une bonne chose, car l'important est de trouver un avantage à reprendre une activité. Voilà pourquoi la prime de 1 000 euros destinée à compenser les frais liés au retour à l'emploi, de même que la possibilité de cumuler salaire et allocation entre le quatrième et le douzième mois suivant l'embauche, sont autant d'excellentes mesures. Désormais, les allocataires de minima sociaux pourront assumer les dépenses liées à la reprise d'activité ; voilà pourquoi ce projet est un bon projet.

Mais des garde-fous seront nécessaires. Comment éviter que des personnes empochent la prime de 1 000 euros le quatrième mois et abandonnent leur travail le mois suivant ? On pourrait imaginer, par exemple, un amendement qui obligerait au remboursement de cette prime si l'on abandonne son emploi au cours de la première année. On ne peut instaurer une politique sociale dynamique sans instaurer, en même temps, un contrôle efficace car sans contrôle il n'y aura plus, demain, de politique sociale possible.

S'agissant des ressortissants de l'Union européenne, le droit au bénéfice du RMI après trois mois seulement de résidence semble un peu court ; prévoir un semestre serait préférable. Pour ce qui est des mesures relatives à la garde des enfants en bas âge, sans doute conviendrait-il d'élargir le choix, notamment aux crèches parentales - ce qui intéresserait les parents qui ne travaillent pas à temps plein - mais aussi aux crèches d'entreprises, en faveur desquelles le gouvernement a fait un effort réel. De plus, les maires ont un rôle important à jouer en cette matière : pourquoi ne pas envisager une convention avec l'Association des maires de France tendant à développer les relais d'assistants maternels ?

Il faudrait, a-t-on dit, que le chômage baisse pour que le texte vaille. Mais, comment ignorer que 500 000 emplois proposés ne sont pas pourvus ? Un gisement d'emplois existe, et grâce à des formations complémentaires, les maisons de l'emploi devraient contribuer à orienter les allocataires de minima sociaux vers les métiers où une pénurie se manifeste.

Mme Hélène Mignon a souligné que, le texte du projet n'ayant été mis en distribution qu'hier, il lui est difficile d'en faire une analyse et qu'elle se contenterait donc de formuler les questions et observations suivantes :

- Si l'on dit que la nouvelle loi est destinée à dépoussiérer le système actuel, est-on sûr pour autant que la lisibilité d'une prime gérée tantôt par l'État, tantôt par les caisses d'allocations familiales, tantôt par les ASSEDIC, sera meilleure pour les destinataires comme pour les travailleurs sociaux ? L'expérience le dira.

- Pourquoi l'allocation aux adultes handicapés (AAH), qui est aussi un minimum sociale, n'est-elle pas prise en compte dans le projet ?

- Sera-t-il possible de cumuler la prime forfaitaire à l'intéressement et la prime pour l'emploi ?

- C'est bien souvent le problème de l'accueil des jeunes enfants qui empêche d'accepter un emploi ou un stage. Il faudrait permettre aux crèches de geler des places pour les personnes en situation de retour vers l'emploi.

- Les conseils généraux seront impliqués dans le nouveau dispositif. Ont-ils été consultés ? Comment supporteront-ils la charge financière supplémentaire ?

- Si on veut que la prime soit véritablement incessible et insaisissable, il faudra inciter fortement les banques à jouer le jeu.

- Les fraudes importantes devront naturellement être signalées, mais il ne semble pas opportun de traiter de la même façon le cas de ces pères et de ces mères de famille auxquels on propose un travail de quelques heures.

- La prime de 1 000 euros n'est pas négligeable, mais n'est-il pas dommage qu'elle ne soit versée qu'au bout de quatre mois alors que c'est au moment où on reprend un emploi qu'on a le plus besoin d'être aidé ? Et n'est-ce pas au terme de ces quatre mois qu'il faut inciter à passer au travail à temps plein si l'on ne veut pas accroître la précarité et y installer les personnes concernées de façon durable ?

- Enfin, alors qu'on manque de main-d'œuvre pour la cueillette des fruits, ne devrait-il pas être possible d'accepter un emploi saisonnier sans perdre le bénéfice du RMI ?

La ministre a apporté aux intervenants les éléments de réponse suivants :

- S'agissant de la lisibilité du dispositif, il est apparu que les mécanismes actuels étaient peu utilisés parce que les intéressés avaient du mal à en calculer les effets et craignaient de toucher moins en travaillant qu'en percevant les allocations. Le principe de la loi est donc de procéder à une simplification et une harmonisation afin que toute personne qui reprend une activité puisse faire le calcul elle-même. Désormais, les choses seront claires : du premier au troisième mois on pourra cumuler allocations et salaires, la prime de 1 000 euros sera versée au cours du quatrième mois, pendant les neuf mois suivants la personne touchera, en plus de son salaire, 150 ou 225 euros, selon qu'elle est seule ou en famille.

- Le gouvernement est conscient que la reprise d'un emploi entraîne des dépenses, mais il a choisi de verser la prime au cours du quatrième mois afin qu'elle arrive suffisamment tôt, tout en évitant l'effet d'aubaine pour ceux qui arrêteraient immédiatement de travailler.

- Si un dispositif plus attractif permet de ramener de façon pérenne un certain nombre de Français vers l'emploi, et en particulier vers l'un des 500 000 emplois qui sont actuellement non pourvus, cela en vaut la peine.

- Il conviendra bien sûr d'aller rapidement plus loin pour les droits connexes mais il est intéressant de commencer tout de suite avec cette approche incitative, qui pourra être complétée par la suite.

- Si la durée de travail mensuel retenue pour bénéficier du nouveau dispositif est de 78 heures, c'est parce que ce seuil est celui qui est utilisé pour la définition des demandeurs d'emploi de catégorie 1 et concerne un nombre important de Français : ainsi, 76 % des allocataires du RMI et 83 % des bénéficiaires de l'API pourraient commencer à vivre de leur salaire.

- S'agissant de la fraude et du contrôle, la mission confiée par le Premier ministre aux sénateurs Henri de Raincourt et Michel Mercier vise à éviter les abus tout en instaurant des incitations suffisantes.

- En ce qui concerne la garde des enfants, la CNAF expérimente un dispositif de réservation de places dans les crèches au bénéfice des personnes qui touchent l'API. Dans une crèche d'entreprise visitée la semaine dernière, sept places sur quarante étaient concernées. Il faut réfléchir à ce dispositif.

- Pour les conditions exigées des résidents communautaires, il convient, dans le cadre de l'application de la directive européenne votée en 2004, de regarder ce qui peut être fait en matière de durée de séjour et de démarches de retour vers l'emploi.

- Si l'AAH n'est pas visée par le texte, c'est parce que ceux qui en bénéficient et qui reprennent une activité ont déjà la possibilité de cumuler le revenu de cette activité avec l'allocation en vertu de dispositions récentes.

- Une mesure en faveur des emplois saisonniers serait opportune car tout ce qui peut constituer ne serait-ce qu'une première étape du retour vers l'emploi mérite d'être examiné de près.

M. Christian Kert, président, a remercié la ministre déléguée.

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Puis la commission a examiné, sur le rapport de M. Laurent Wauquiez, le projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi - n° 2668.

M. Christian Kert, président, a rappelé que la commission examinera les articles du projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi les mardi 22 et mercredi 23 novembre prochains, la séance publique étant prévue les mardi 29 et mercredi 30 novembre.

Mme Hélène Mignon s'est interrogée sur l'application du présent dispositif aux personnes sortant des chantiers d'insertion et chantiers écoles. Il est en effet important de favoriser le retour à l'emploi de ces personnes qui ont accompli une première démarche d'insertion sociale et d'éviter de différer une insertion plus définitive.

Le rapporteur a reconnu la nécessité de considérer ce point de façon attentive, de même d'ailleurs que celui relatif au cumul des revenus provenant d'emplois saisonniers avec les minima sociaux. En tout état de cause, le seul critère d'accès aux primes de retour à l'emploi qui doit prévaloir est celui de l'existence ou non d'un minimum social. A priori, les personnes issues des chantiers d'insertion et bénéficiant d'un minimum social ne devraient donc pas être exclues du dispositif.

M. Laurent Hénart a estimé qu'il pourrait être souhaitable, à l'occasion de la discussion de ce projet de loi, de traiter le thème de la mise en œuvre des emplois aidés dans les entreprises d'insertion. Les associations éprouvent en effet de grandes difficultés à appliquer certaines règles relatives au contrat d'avenir ou au contrat d'accompagnement dans l'emploi. Sans doute, le financement de l'Etat est-il en la matière considérable. Mais il existe des difficultés relatives à l'application de certains accords interprofessionnels ou accords de branche. Cette application peut engendrer pour ces organismes des augmentations de l'ordre de 10 à 15 % de leur masse salariale, ce qui correspond, compte tenu d'un financement public de celle-ci à concurrence d'environ 95 % du SMIC, à un doublement, voire à un triplement, des coûts salariaux effectivement à leur charge. Les représentants de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS) ont, ces derniers temps, souligné ces difficultés réelles. Indéniablement, on se trouve ici dans le périmètre de la discussion du projet de loi. La question d'une action par voie d'amendement doit être étudiée sans a priori.

Tout le monde s'accorde pour reconnaître au plan de cohésion sociale des mérites considérables, en particulier s'agissant de la mise en place de structures, du doublement des crédits des fonds départementaux pour l'insertion, etc. Le problème concerne plutôt ces incertitudes sur l'applicabilité des règles ainsi que les répercussions sur la feuille de paie à la charge des entreprises. Il convient de répondre à ces difficultés sans esprit de polémique pour contribuer à l'établissement d'un cadre juridique pérenne, stable et sans équivoque.

Mme Hélène Mignon a objecté que la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité a indiqué que, face aux difficultés en termes de retards des financements, un certain nombre de sommes ont déjà été dégagées pour que puisse être effectué un rattrapage.

M. Laurent Hénart a précisé qu'il convient de distinguer entre les différents sujets : la question des besoins de trésorerie ; l'existence des crédits en matière de formation (conformément à la loi de finances pour 2005, des sommes importantes ont été dégagées au profit de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes - AFPA - ou de la formation professionnelle des jeunes) ; la situation spécifique des structures d'insertion, qui embauchent des personnes assumant simultanément des métiers différents et ne savent pas si elles doivent payer les intéressés sur la base du SMIC ou sur la base d'autres accords collectifs. Cette dernière question vise la sécurisation des nouveaux contrats de travail aidés.

Le rapporteur a indiqué que, s'agissant des structures d'insertion par l'activité économique, les intérêts des différents acteurs sont parfois difficiles à concilier dans ce secteur complexe. L'existence des fonds départementaux pour l'insertion a permis des avancées considérables et l'augmentation de moitié des crédits par l'Etat se rapportant au secteur de l'insertion par l'activité économique aux termes du plan de cohésion sociale doit être saluée.

On peut toutefois s'interroger sur deux points. D'une part, le présent projet de loi est très centré sur la question des allocations et du retour à l'emploi. Il ne faudrait pas que la discussion conduise à perdre en lisibilité et en cohérence - donc en efficacité. D'autre part, cette question est largement budgétaire. Les engagements pris à cet égard dans le cadre du plan de cohésion sociale étaient issus d'une négociation globale avec les acteurs du secteur. Ne faudrait-il pas songer plutôt à renouveler, le cas échéant, cet accord plutôt que de figer la solution dans une loi ? En tout état de cause, ce débat pourrait être l'occasion d'examiner cette question importante.

M. Laurent Hénart a souligné que le travail de clarification qui s'impose n'implique aucun surcoût financier pour l'Etat. La législation relative aux contrats d'avenir et aux contrats d'accompagnement dans l'emploi a résulté des navettes parlementaires et de l'adoption d'amendements successifs. Aujourd'hui, les associations ne savent pas toujours si les conventions collectives dont elles relèvent s'appliquent à elles, ni comment appliquer ces conventions, le cas échéant. En Meurthe-et-Moselle, par exemple, l'application de telles conventions engendrerait une multiplication par trois ou par quatre de la masse salariale effectivement à la charge des organismes concernés. Ces difficultés sont de nature à freiner les processus d'insertion : si rien n'est fait, il y aura évidemment beaucoup moins de personnes embauchées en contrats aidés dans ces associations d'insertion.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le contrat emploi-solidarité excluait expressément l'application des conventions collectives. Il est donc essentiel de se pencher maintenant sur cette question. La loi pose problème et non pas les accords ou les règlements. Il faut donc profiter de l'occasion que constitue le présent texte.

Mme Cécile Gallez, rappelant l'existence d'un double régime dans le projet de loi selon que les intéressés travaillent plus ou moins de 78 heures par mois, a pointé le risque d'une démobilisation de certains d'entre eux. De même, elle s'est interrogée sur le risque, face à cette clarification de l'intéressement pour le retour à l'emploi, de la création d'un désavantage comparatif au détriment des travailleurs payés au SMIC - différences qui pourraient devenir souffrances, comme l'illustre le cas d'un certain nombre de jeunes de Valenciennes qui, quittant la cellule familiale à l'occasion d'une embauche dans l'industrie automobile, se retrouvent paradoxalement dans une situation plus que fragile car ils n'ont pas accès aux dispositifs sociaux prévus pour les chômeurs.

M. Dominique Tian a posé la question de la faisabilité de l'application des nouvelles peines financières en cas de fraudes au dispositif, étant donné que les personnes auxquelles ces peines sont susceptibles de s'appliquer ont de faibles revenus. Ne risque-t-on pas par ailleurs d'empêcher la mise en œuvre des procédures de radiation, pourtant utilisées par un certain nombre de présidents de conseils généraux ? Il est en tout état de cause important que les présidents de conseils généraux soient informés des situations de travail illégal et puissent dans ces cas procéder à la radiation des bénéficiaires du RMI.

Il conviendra également de clarifier un certain nombre de notions, au rang desquelles les « zones grises » que constituent les cas particuliers des étudiants touchant le RMI ou encore des personnes revendiquant une activité non-salariée.

Pour ce qui est de la condition de résidence sur le territoire visée à l'article 7 du projet, la lecture de la directive communautaire du 29 avril 2004 n'autorise-t-elle pas l'inclusion dans le projet d'une condition de résidence d'une durée plus importante ? Il s'agit là encore d'une préoccupation de certains conseils généraux. La formule relative aux droits des membres des familles des travailleurs, qui figure dans ce même article 7, n'est par ailleurs pas très explicite et il ne faudrait pas l'interpréter comme ouvrant une nouvelle voie au regroupement familial.

Enfin, s'agissant de la situation fiscale de certains bénéficiaires du RMI ayant résidé à l'étranger, il conviendra d'insister sur la recherche des éléments concernant leur situation fiscale à cette époque. Avant d'appliquer les règles du droit social, il importe de détenir ce type d'informations.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

- Le seuil des 78 heures est justifié dans une logique de retour à l'emploi, étant précisé qu'en deçà des 78 heures un système proche de celui en vigueur aujourd'hui continuera à prévaloir. Il est important d'éviter l'enfermement dans la précarisation. Ce seuil correspond à la limite de la stabilité, à savoir un gros mi-temps. Les travaux de la commission présidée par M. Martin Hirsch avaient déjà permis d'insister sur la nécessité de ne pas encourager les comportements tendant à « l'ultraprécarité ».

- Il est effectivement important de ne pas défavoriser les personnes payées au SMIC. Mais dans le même temps, il faut être attentif à la question du coût du retour à l'emploi. Le projet favorise l'accompagnement de publics très fragilisés, pour lesquels le surcoût du retour à l'emploi est considérable (achat d'un véhicule, passage du permis de conduire, etc.). Plus généralement, la question des droits connexes devra évidemment être traitée, mais le sera aussi à l'aune du rapport de la mission sénatoriale actuellement en cours sur ce thème. D'une certaine façon, le présent projet n'est que le premier étage de la fusée.

- Il faut garder à l'esprit que la peine de 4 500 euros qui apparaît aux articles 2 et 3 du présent projet ne fait qu'étendre au cas des nouvelles primes de retour à l'emploi des dispositions déjà existantes pour les différents minima sociaux et concerne les fraudes organisées, qu'il est important de pouvoir sanctionner. Cette amende n'est pas exclusive de l'utilisation des procédures de radiation ou de suspension provisoire, dans le respect des personnes et dans le souci de la justice et de l'équité. L'objectif est aussi d'améliorer les procédures de transfert d'informations.

- Il est vrai qu'il conviendra d'examiner si l'extension de la condition de résidence de trois mois pour les ressortissants communautaires est ou non possible. Toutefois, il n'est pas certain que la directive européenne le permette, car les six mois qu'elle vise concernent la durée des versements et non la durée du séjour. C'est peut-être plus sur la notion de personne qui travaille ou recherche activement un emploi que l'on peut jouer. En tout état de cause, cette disposition du projet pose des problèmes rédactionnels qu'il faudra régler. Par ailleurs, le débat pourrait aussi être l'occasion d'examiner le problème de la situation fiscale des ressortissants européens. En cette matière, le laxisme ne doit naturellement pas primer.


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