COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 26

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 13 décembre 2005
(Séance de 17 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Georges Colombier, secrétaire.

SOMMAIRE

 

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- Examen, en présence de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, du rapport sur la mise en application de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale (Mme Françoise de Panafieu et M. Dominique Dord, rapporteurs)




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En application de l'article 86, alinéa 8 du Règlement, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, en présence de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, le rapport de Mme Françoise de Panafieu et de M. Dominique Dord sur la mise en application de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

M. Georges Colombier, président, a excusé l'absence du Président Jean-Michel Dubernard, empêché, et souhaité la bienvenue à M. Jean-Louis Borloo.

Mme Françoise de Panafieu, rapporteure, a rappelé que le plan de cohésion sociale présenté le 30 juin 2004 regroupe vingt programmes d'action visant à traiter simultanément les trois problèmes majeurs que sont le chômage, le manque de logements et l'inégalité des chances.

La loi de programmation pour la cohésion sociale avait un double objet : inscrire dans le marbre de la loi les engagements de programmation budgétaire pris par le gouvernement pour la période 2005-2009 au titre du plan de cohésion sociale ; procéder aux modifications de la législation que sa mise en œuvre implique. Les 152 articles de la loi se répartissent, dans la logique du plan de cohésion sociale, en trois grandes parties consacrées respectivement à la mobilisation pour l'emploi, le logement et la promotion de l'égalité des chances.

Le présent rapport, déposé en application de l'article 86, alinéa 8, du Règlement de l'Assemblée nationale, n'a pas pour ambition d'évaluer les effets de la loi de programmation pour la cohésion sociale : pour cela, les membres de la représentation nationale pourront s'appuyer sur le rapport annuel que doit déposer le Gouvernement à compter de la promulgation de la loi aux termes de son article 151. Ce rapport ne traite pas non plus de l'exécution des engagements de programmation budgétaire ou de la manière dont les partenaires sociaux se sont saisis des appels à la négociation collective contenus dans certains articles : conformément au Règlement, il a pour objet l'analyse des textes réglementaires d'application publiés et la mise en lumière de ceux qui restent à paraître.

Un grand nombre de ces textes d'application sont parus, dont certains dans des délais resserrés ; c'est un résultat qu'il convient de saluer, s'agissant d'une loi au champ très large, impliquant un grand nombre d'administrations. La rapidité de la publication des décrets peut en particulier être signalée pour ce qui est de la mise en place des maisons de l'emploi, la réforme de l'accompagnement des jeunes en difficulté, l'instauration d'un crédit d'impôt pour l'embauche d'apprentis et la nouvelle architecture des contrats aidés : l'essentiel des décrets attendus dans ces domaines ont été publiés dès le mois de mars 2005, soit deux mois seulement après la promulgation de la loi.

Cependant, on constate aussi que certaines mesures d'application n'ont pas encore été prises : sur 52 articles demandant des décrets d'application, 34 seulement sont à la date du présent rapport couverts par la totalité des textes nécessaires. L'analyse montre que nombre des décrets encore attendus sont dans le circuit de signature ; d'autres peuvent apparaître inutiles ; dans quelques cas, enfin, les raisons invoquées pour justifier le retard pris sont moins fondées. En tout état de cause, on peut remercier le ministre et ses services pour les nombreux projets de décrets en cours de finalisation qu'ils ont bien voulu transmettre à la commission. Cependant, sur plusieurs points, il paraît particulièrement nécessaire que soient publiés rapidement les textes encore à paraître.

L'article 4 fixe les règles applicables aux prestataires privés désormais autorisés à offrir des services de placement en emploi. Un décret d'application est d'abord nécessaire pour définir les conditions de la déclaration administrative qui leur sera demandée lorsque le placement sera leur activité principale. Dans la mesure où, par ailleurs, la loi dispose que le placement est une activité exclusive de toute autre sauf pour les entreprises de travail temporaire et les cabinets de conseil en recrutement, cette obligation déclarative s'appliquera à tous les opérateurs n'appartenant pas à ces catégories. L'impossibilité d'effectuer la formalité de déclaration pourrait donc introduire une disparité de traitement des opérateurs. Par ailleurs, le décret prévu dans la loi doit aussi traiter de la diffusion d'informations nominatives par les opérateurs de placement. Comme la diffusion de curriculum vitae est inhérente à l'activité de placement, la parution du décret est, pour cette raison également, particulièrement nécessaire.

Le travail qui a été effectué pour mettre en œuvre pratiquement les nouveaux instruments de la politique de l'emploi que sont les contrats d'accompagnement dans l'emploi et les contrats d'avenir est remarquable. Parmi les points restant à régler figure notamment le décret simple, prévu à l'article 49, et relatif à la composition, aux missions et au fonctionnement de la commission de pilotage départementale.

En matière de logement, plusieurs textes ont été publiés ces dernières semaines et d'autres le seront prochainement ; cette accélération doit être saluée. Toutefois, quelques articles restent totalement ou partiellement dépourvus de mesure d'application : l'article 93, qui apporte des précisions utiles pour renforcer la sécurité juridique du dispositif d'aides versées par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ; l'article 95, qui doit permettre à l'Etat de céder des terrains sous leur valeur vénale afin qu'y soient construits des logements sociaux ; l'article 109, qui procède à une modification des dispositifs d'amortissement fiscal en faveur de l'investissement locatif, dits « Besson » et « Robien ». Certains des textes nécessaires sont dans le circuit de signature ; pour d'autres, le débat est renvoyé au projet de loi portant engagement national pour le logement que l'Assemblée examinera en janvier. Il serait toutefois utile que le Gouvernement s'engage à mettre en œuvre à bref délai ces mesures conçues pour permettre la réalisation la plus rapide possible des programmes de logements sociaux et de logements aidés qui nous tiennent tous à cœur. Il convient en particulier que les activités de l'ANRU puissent s'exercer dans les meilleures conditions de sécurité juridique.

Dernier point concernant le volet logement, l'article 122 habilite le Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures nécessaires à la lutte contre l'habitat insalubre et les abus des « marchands de sommeil ». Le ministre peut-il donner à la représentation nationale la primeur de l'ordonnance qui sera soumise au Conseil des ministres de demain ?

S'agissant du volet éducation de la loi, la principale difficulté, selon les services mêmes du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, concerne l'article 129 instituant les « établissements publics locaux de coopération éducative ». Est-elle en voie de résolution ?

Enfin, le contrat d'accueil et d'intégration prévu par les articles 146 et 147 existe déjà dans les faits : il a été proposé dans 12 départements dès juillet 2003, dans 26 départements en 2004, dans 47 départements en juillet 2005, et sera présent début 2006 sur l'ensemble du territoire : bravo ! Le législateur ayant voulu faire de la signature et du respect du contrat d'accueil et d'intégration un élément d'appréciation pour la délivrance de la carte de résident, et de l'acquisition de la langue française une condition de l'immigration durable de travail, la vérification effective de cette vérification du respect des engagements souscrits exige une administration motivée pour l'effectuer, et donc une forte impulsion politique. C'est pourquoi les dispositions réglementaires doivent être publiées, ce qui n'est pas encore le cas. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?

En conclusion, on peut souligner deux points : le gouvernement a produit un effort considérable - 33 décrets déjà publiés, parfois très longs et très complexes... - pour mettre en œuvre la loi de programmation pour la cohésion sociale. Et l'on doit saluer à cet égard la disponibilité et le professionnalisme du cabinet du ministre de l'emploi, du logement et de la cohésion sociale. Cependant, il reste aussi quelques trous dans le dispositif. Et c'est là que s'affirme l'utilité de la démarche de revue à six mois, ou un peu plus. S'agissant d'un texte au champ aussi vaste, concernant autant d'administrations différentes, cette démarche a le mérite de d'aider les ministres et leur cabinet à relancer, voire houspiller les services qui auraient pris quelque retard dans la prise des mesures réglementaires prévues, voire y opposeraient une certaine inertie.

La mobilisation du ministre de l'emploi, du logement et de la cohésion sociale pour la réussite du plan de cohésion sociale doit être saluée : il croit à ce plan, la majorité parlementaire aussi !

M. Dominique Dord, rapporteur, a complété l'exposé en abordant les articles 71 à 79 relatifs à l'accompagnement des mutations économiques, en observant d'abord que ces articles appelaient peu de mesures réglementaires d'application, lesquelles ont effectivement été prises.

Il a rappelé que l'article 74 instituant la convention de reclassement personnalisé (CRP) comme alternative au licenciement économique dans les entreprises de moins de mille salariés ne renvoie formellement à un décret en Conseil d'Etat qu'à défaut d'un accord collectif passé dans les mêmes conditions que les accords UNEDIC. Un tel accord a été passé le 27 avril 2005 et agréé le 24 mai 2005. Un décret d'application à portée très limitée n'a donc dû être pris que pour assurer la coordination formelle entre la CRP et le régime normal d'indemnisation : il dispose que les personnes qui n'auront pas trouvé d'emploi au terme des huit mois de CRP rentreront dans ce régime normal, mais avec une durée d'indemnisation réduite de ces huit mois, de sorte que leur indemnisation cesse finalement à la même date que celle de personnes licenciées en même temps qu'elles entraient en CRP.

Une question se pose toutefois, celle du contrat de transition professionnelle dont la création a été annoncée hier. Quelle sera l'articulation avec la CRP ?

S'appliquant aux entreprises qui procèdent à une restructuration dont l'ampleur affecte l'équilibre d'un bassin d'emploi, l'article 76 est relatif à leur participation à des actions de réindustrialisation. Il est prévu un décret d'application sur les modalités de suivi et d'évaluation de ces actions. Le décret du 31 août 2005 instaure donc des comités de suivi dont il fixe la composition et la périodicité des réunions.

Il serait intéressant, par ailleurs, que le ministre fournisse quelques données sur les négociations désormais prévues sur la gestion prévisionnelle des emplois, ainsi que sur les accords de méthode en matière de licenciements déjà conclus - ils étaient 218 au 31 décembre 2004.

Enfin, l'article 79 dispose qu'un rapport sera présenté par le gouvernement au Parlement deux ans après la promulgation de la loi. Dispose-t-on déjà de données sur l'évolution du nombre de plans de sauvegarde de l'emploi, question qui avait été au cœur des débats ?

Un débat a suivi l'exposé des rapporteurs.

M. Gaëtan Gorce s'est félicité de cet exercice de suivi de l'application des lois, se souvenant que l'usage en avait été établi par M. Jean Le Garrec lorsqu'il était président de la commission.

M. Georges Colombier, président, a précisé que la présente procédure a été instituée par la résolution que l'Assemblée a adoptée en février 2004 à l'initiative du Président Jean-Louis Debré et de M. Jean-Luc Warsmann.

M. Gaëtan Gorce a répondu que la pratique a précédé les textes, et qu'il avait d'ailleurs lui-même été chargé par le président Jean Le Garrec, sous la précédente législature, de dresser pour la commission le bilan de l'application de plusieurs lois importantes.

M. Georges Colombier, président, a souligné que de tels bilans ne sont systématiques que depuis que le Règlement de l'Assemblée les prévoit expressément.

M. Gaëtan Gorce a regretté que le rapport présenté à la commission n'ait trait qu'aux décrets pris ou à prendre, et non à l'effet des dispositifs sur le terrain. Or, la situation de l'emploi n'a rien de réjouissant, à telle enseigne que l'on en est au troisième plan d'urgence en un an et demi. Le chômage a certes baissé légèrement au cours des derniers mois, mais le nombre d'emplois n'a pas progressé pour autant, et diminue même dans l'industrie. Plus grave encore : le nombre des chômeurs de longue durée continue d'augmenter ; celui des allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI) également, de plus de 5 % en un an.

Les raisons en sont la langueur de la conjoncture économique, mais aussi la faiblesse des moyens mobilisés en faveur de l'emploi. Le budget qui y est consacré n'augmente en 2006 que de 0,7 % en euros courants, ce qui équivaut à une diminution en euros constants. Les nouveaux dispositifs sont donc financés par redéploiement, au bénéfice des plus faciles à mettre en œuvre. Les contrats d'avenir, destinés aux publics les plus en difficulté, sont en nombre encore très réduit, les contrats jeunes en entreprise (SEJE) sont inférieurs aux prévisions, et les contrats insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) ne se mettent en place que laborieusement. Pour obtenir une baisse statistique du chômage, on fait porter l'effort sur les contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE), qui font intervenir des employeurs associatifs ou publics. Cette situation regrettable est à considérer avec beaucoup d'humilité, et l'optimisme manifesté cet après-midi dans l'hémicycle par le Premier ministre ne correspond pas à la réalité économique et sociale du pays.

Qui plus est, les dispositifs ne cessent d'être modifiés ou retouchés, qu'il s'agisse des horaires et des conditions d'embauche des contrats d'avenir ou des CAE. Cela peut se comprendre s'il s'agit de répondre à des nécessités clairement identifiées, mais cela contribue à rendre le système plus complexe encore qu'il n'est. Vient en outre d'être annoncé, avant-hier seulement, un nouveau contrat, le contrat de transition professionnelle, sans que le rapporteur du projet de loi qui a prévu la convention de reclassement personnalisé semble en avoir été informé autrement que par la presse ! On peut au reste se demander comment il sera financé - par l'Etat ? par l'UNEDIC ? - et si les employeurs seront exonérés de leurs obligations de reclassement.

Mme Martine Lignières-Cassou a jugé frustrant l'examen d'un rapport consacré à la forme des textes d'application, non au fond des mesures prises. Le fait que le nombre des chômeurs baisse depuis quelques mois sans que celui des emplois augmente est troublant, et mérite assurément quelques explications. Sans doute faut-il y voir l'effet des dispositifs d'insertion, dont il serait intéressant d'avoir un bilan chiffré, tenant compte des modifications successives qui leur ont été apportées, et qui ont donné, au cours des dix-huit derniers mois, l'impression d'une politique de stop and go.

M. Simon Renucci a salué la volonté d'agir, la générosité du ministre, et convenu que l'on ne peut que se réjouir de la baisse du nombre des chômeurs, mais a regretté que les dispositifs d'insertion changent trop souvent pour être vraiment opérationnels. La création de maisons de l'emploi est sans doute une excellente initiative, qui mériterait un coup de pouce supplémentaire, car il s'agit de faire apparaître les besoins de main-d'œuvre en face des demandes d'emploi.

Mme Hélène Mignon s'est demandé s'il n'y a pas un effet de vases communicants entre le chômage, en baisse depuis plusieurs mois, et le nombre des allocataires du RMI, dont la hausse est préoccupante. Elle s'est inquiétée, en outre, de la complexité et de la lourdeur engendrée par l'empilement des textes et des dispositifs : est-il raisonnable de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat, précédé de longues discussions interministérielles, le dispositif encadrant l'accompagnement des élèves en difficulté ?

M. Francis Vercamer s'est réjoui de la baisse du chômage enregistrée depuis six mois, qu'il a attribuée à la progression des emplois aidés, de même que leur suppression par M. François Fillon au début de la législature avait produit l'effet inverse. Selon que l'on est d'un côté ou de l'autre de l'échiquier politique, on jugera le verre à moitié vide ou à moitié plein ; vu du centre, on ne peut que se féliciter de constater l'évolution du Gouvernement. Il est satisfaisant de constater que des mesures d'abord proposées par le groupe UDF, telles que la possibilité de passer des CI-RMA à durée indéterminée, finissent par revenir et être adoptées.

S'agissant du volet relatif à l'égalité des chances, M. Francis Vercamer a rappelé l'amendement qu'il avait déposé pour instituer l'anonymat des curricula vitae ; cet amendement avait été repoussé, mais le Gouvernement avait promis de diligenter un rapport sur les discriminations à l'embauche. Ce rapport étant désormais rendu, il ne reste plus qu'à le traduire dans les faits, notamment sur cette question des CV anonymes, auxquels le Président de la République lui-même vient de se déclarer favorable.

Les chantiers-écoles sont en proie à l'incertitude, du fait d'une législation changeante et d'une jurisprudence elle-même évolutive, alors qu'ils ont surtout besoin de stabilité : ce sont des entreprises, qui ont besoin, pour embaucher, de savoir de quels financements elles pourront disposer. Quel sera le taux de prise en charge ? Combien peut-on attendre de l'Etat ? Des collectivités ? Priorité sera-t-elle donnée aux contrats d'avenir ou aux contrats d'accompagnement dans l'emploi ?

Les maires sont censés être les pilotes des dispositifs de réussite éducative, mais dans les faits l'Education nationale fait fi des procédures de concertation prévues.

Enfin, des précisions sont attendues dans plusieurs domaines qui ont fait l'objet d'annonces récentes du Gouvernement : le contrat de transition professionnelle, l'égalité des chances, la remise à plat des minima sociaux et le retour à l'emploi, l'engagement national pour le logement.

M. Bernard Perrut s'est réjoui de la publication rapide de la plupart des décrets d'application de la loi, ainsi que des effets de celle-ci sur le terrain, dans les domaines de l'emploi, du logement et de l'égalité des chances.

S'agissant de l'insertion professionnelle des jeunes, le nouveau statut de l'apprenti permettra à un plus grand nombre de jeunes de s'orienter vers de vrais métiers, le cas échéant à quinze ou quatorze ans dans des conditions qui méritent quelques précisions de la part du Gouvernement ; constate-t-on déjà une accélération des entrées en apprentissage ? Quant au contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), qui prend en compte le jeune dans sa globalité, et que les missions locales s'attachent à promouvoir, un bilan chiffré en a-t-il été fait ?

Enfin, les dispositifs de réussite éducative bénéficient pour l'heure de crédits dits « de préfiguration », qui financent des études plutôt que des réalisations concrètes. Ce que les maires attendent surtout, c'est une souplesse et une simplicité de fonctionnement accrues, ainsi que leurs représentants ont eu l'occasion de le dire voici trois semaines au Président de la République lorsque celui-ci les a reçus.

M. Maurice Giro a souligné que la loi de cohésion sociale vise notamment à mieux orienter les élèves et à développer l'apprentissage, mais aussi à faire qu'un moins grand nombre de gens soient réduits à vivre des minima sociaux, en rapprochant l'offre et la demande d'emploi grâce aux maisons de l'emploi et à une gamme complète d'emplois aidés répondant aux besoins des associations, de l'artisanat, de la petite industrie, des collectivités et des services, car c'est dans ces domaines que se trouvent les emplois de demain. C'est une politique dont les effets, qui commencent à se faire sentir, ne peuvent être appréciés que dans la durée, le problème du chômage ne pouvant être réglé en deux ou trois mois ; il serait en particulier inapproprié d'attacher trop d'importance au succès immédiat plus ou moins grand de tel ou tel contrat, alors que justement c'est la diversité des formules proposées qui doit assurer le résultat global.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du logement et de la cohésion sociale, a apporté les précisions suivantes :

- 86 % des décrets relatifs au volet emploi ont été pris, la négociation sociale ayant permis de se passer d'un décret en Conseil d'Etat pour ce qui concerne la convention de reclassement personnalisé. Le décret fixant la composition du Comité supérieur de l'emploi a été signé et sa publication est imminente, de même que celle du décret encore nécessaire à l'application de l'article 12 de la loi. Les décrets prévus à l'article 4, relatif aux opérateurs de placement, et à l'article 21, relatif aux stages pratiques des enseignants des centres de formation d'apprentis (CFA), sont finalisés et paraîtront d'ici le 31 décembre. Sont devenues inutiles la mise en application de l'article 8 relatif aux bourses de l'emploi maritime et celle de l'article 63 relatif à la participation des maisons de l'emploi aux actions de reclassement. Enfin, l'application de l'article 9 relatif aux filiales de l'ANPE fait encore l'objet d'un petit débat dans le gouvernement.

- Le taux de parution est également de 86 % pour les décrets relatifs au volet logement et les deux questions encore en suspens sont en réalité réglées, ce qui conduit de fait à un taux de 100 %. La publication du décret de l'article 95 relatif à la décote des terrains en vue de la construction de logements sociaux est imminente, mais la loi relative à l'engagement national pour le logement, examinée par le Sénat et dont l'Assemblée sera saisie à partir du 17 janvier 2006, ira plus loin, puisqu'elle permettra une décote pouvant aller jusqu'à 35 %. D'autre part, la signature du décret fixant la composition du conseil d'administration de l'ANRU a été suspendue afin d'ajouter, au titre des personnalités qualifiées, un représentant du conseil régional d'Ile-de-France, région qui représente plus d'un tiers du volume financier des dossiers, en sus du représentant des régions ; cette modification fait l'objet d'un consensus.

- L'ordonnance prévue à l'article 122 sera effectivement prise en conseil des ministres demain mercredi 14 décembre. Elle vise, ainsi qu'il avait été annoncé, à permettre au préfet, au maire, ou aux deux réunis, de traiter en urgence une situation d'insalubrité grave ou de péril imminent. Son texte a été rédigé dans la plus grande concertation avec les élus des grandes agglomérations concernées.

- S'agissant de la lutte contre les discriminations, la loi instituant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité a été votée et promulguée, et la HALDE installée.

- Le décret prévu à l'article 124 relatif au surendettement des particuliers est devenu inutile, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ayant accepté le principe d'un amendement au projet de loi portant engagement national pour le logement.

- Le décret pour la mise en application de l'article 146 relatif au contrat d'accueil et d'intégration est à la signature. Sur le terrain, 40 plateformes d'accueil fonctionnent déjà, et tout le territoire devrait être couvert dans le courant de l'année prochaine. Il semble cependant que les signataires n'utilisent pas toutes les possibilités de formation qui leur sont offertes, notamment dans le domaine de la connaissance des droits et devoirs et dans celui de l'apprentissage de la langue française, sur lesquels il convient donc de mettre davantage l'accent.

- La loi de programmation pour la cohésion sociale porte, il ne faut pas l'oublier, sur une durée de cinq ans, et ne vise donc pas à apporter une réponse immédiate, émotionnelle, à des problèmes structurels, même si l'on peut en attendre une meilleure visibilité de l'action de l'Etat dans des domaines où celui-ci n'est pas le seul acteur. Le volet emploi vise à supprimer la part du chômage qui est structurellement liée à la désorganisation du marché de l'emploi, afin que le taux de chômage ne soit plus que de 5 % lorsque l'économie va bien et de 8 % quand elle va mal, au lieu de 8 % et 11 % comme au cours des vingt dernières années. Le volet logement consiste à agir sur tous les segments de l'offre, du parc social au parc privé. Le volet égalité des chances vise à lutter contre les discriminations, à concentrer l'effort de soutien éducatif sur les élèves dans le besoin au lieu de disperser les moyens, à aider les villes ruinées qui concentrent toutes les populations en difficulté.

- La politique de l'emploi, en particulier, a pour ambition de mettre fin à un système où les chômeurs doivent s'adresser à un endroit pour l'indemnisation, à un autre pour la recherche d'emploi, à un troisième pour la formation, et n'ont droit à un entretien personnalisé que tous les ans. Le recrutement de 3 500 agents doit permettre de passer à un entretien par mois, car l'économie française en mutation connaît, de son côté, une crise de recrutement : si l'on ne fait rien, on aura à la fois trois millions de chômeurs et trois millions de nouveaux immigrants venus pourvoir les emplois vacants !

- Après dix années de chute, l'apprentissage aura vu ses effectifs augmenter de 8 % en 2005, et la progression sera de 10 % en 2006, grâce aux partenariats engagés avec les régions, les branches, les chambres consulaires et les familles, à la Charte de l'apprentissage signée par plus de cent grandes entreprises dont les deux tiers de celles du CAC 40, ainsi qu'à la nouvelle aide fiscale de 1 600 euros. Le CIVIS est une réussite quantitative, puisque l'objectif de 100 000 devrait être dépassé au 31 décembre. Le nombre des contrats d'avenir, accompagnés d'une formation, est appelé à progresser en 2006, de même que celui des contrats d'accompagnement dans l'emploi. Il s'agit, dans tous les cas, de contrats aidés, mais il ne s'agit plus de dispositifs-« parkings » comme il y en a eu dans le passé, lorsque le nombre des emplois aidés atteignait 650 000.

- La reprise de l'emploi est réelle et concerne de nombreux secteurs : le bâtiment a augmenté ses effectifs de 68 000 personnes cette année, et en recrutera 120 000 l'an prochain, les services aux personnes ont employé 88 000 personnes supplémentaires et ce chiffre sera de plus de 100 000 en 2006 - au bénéfice de la qualité de vie des Français.

- S'agissant des conventions de reclassement personnalisé, le taux d'adhésion a été de 10 % le premier mois, de 20 % le deuxième mois, de 30 % le troisième mois, de 40 % le quatrième mois. On pourrait se contenter de laisser le dispositif se déployer, mais cela ne suffit pas. Le contrat de transition professionnelle n'est pas sorti avant-hier du chapeau du Premier ministre : dès le débat sur la disposition de la présente loi relative aux CRP, la création sur chaque site d'une plateforme de transition professionnelle avait été annoncée, et la mission confiée à M. Yazid Sabeg a tracé des perspectives nouvelles, permettant de lancer sur un certain nombre de sites sinistrés une expérience très novatrice, voire révolutionnaire, qui constitue un véritable changement de philosophie, puisque le salarié victime de licenciement économique pourra bénéficier à la fois d'un contrat de travail à durée indéterminée et d'une formation.

- La baisse du chômage et la montée du RMI ne sont pas liées, et il serait désobligeant vis-à-vis des agents de l'ANPE de laisser entendre qu'ils radient abusivement les demandeurs d'emploi ou que les règles de comptabilisation auraient changé. Le nombre des allocataires du RMI a augmenté de 5,2 % entre septembre 2004 et septembre 2005, mais il ressort d'études des directions statistiques du ministère que son augmentation a été parallèle à celle du chômage jusqu'en mars 2005, qu'elle s'est ensuite poursuivie tandis que le chômage commençait à baisser, et que la tendance a fini par s'inverser avec trois mois de décalage. Il y a bien corrélation, en revanche, entre le nombre des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), celui des bénéficiaires du RMI et celui des chômeurs de longue durée.

- Pour ce qui est du curriculum vitae anonyme, le gouvernement avait demandé le retrait de l'amendement déposé par Mme Françoise de Panafieu et M. Francis Vercamer, dans l'attente du rapport commandé à M. Roger Fauroux sur les discriminations à l'embauche. Les conclusions de ce document sont prudentes, sans être toutefois hostiles à l'idée, que l'ANPE est en train d'expérimenter dans l'agglomération lyonnaise. C'est au vu de cette expérience que sera rédigée, le cas échéant, une disposition législative, dont il conviendra de s'assurer qu'elle est juridiquement précise, applicable, et qu'elle ne comporte pas d'effets pervers. Un dispositif dont l'efficacité est démontrée, en revanche, est celui des plateformes de vocation mises en place par certaines ANPE, et qui font du « recrutement par simulation », évitant ainsi les discriminations en même temps que la « diplomite » qui sévit à l'excès chez certains employeurs : le taux de réussite avoisine les 75 % chez les jeunes demandeurs d'emploi passés par ce dispositif.

- Les dispositifs de réussite éducative sont le seul élément du volet relatif à l'égalité des chances pour lequel le contenu du décret fasse encore problème, ce qui s'explique par le fait que les partenaires sont nombreux. Les modes de fonctionnement pourront être souples, et varier selon les situations locales, mais seront soumis à une obligation incontournable : le respect des règles de la comptabilité publique. Les crédits de préfiguration ont permis de financer 150 expériences sur le terrain, dont le bilan sera dressé en février-mars 2006 ;

- Enfin, la circulaire du 22 novembre 2005 clarifie les conditions de financement des chantiers-écoles, qui étaient demandeurs d'une plus grande stabilité. Le taux global de prise en charge est de 105 %.

M. Georges Colombier, président, a remercié le ministre de ses réponses et l'a félicité du bon avancement des textes d'application d'une loi qui, certes, est de programmation et porte sur une durée de cinq ans, mais dont on mesure progressivement les effets sur le terrain.

La commission a autorisé le dépôt du rapport sur la mise en application de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.


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