COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 29

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 21 décembre 2005
(Séance de 16 heures 15)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Examen, en présence de M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants, du rapport sur la mise en application de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (M. Christian Kert, rapporteur)




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En application de l'article 86, alinéa 8 du Règlement, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, en présence de M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants, le rapport de M. Christian Kert sur la mise en application de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est réjoui d'accueillir le ministre dans un exercice nouveau pour lui, mais pas pour les membres de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales qui ont déjà une certaine expérience, puisque la commission est, de très loin, celle qui a réalisé le plus grand nombre de rapports de mise en application des lois : 11 sur 15 en 2005. Cet exercice, introduit récemment dans le Règlement de l'Assemblée, est tout sauf vain, et chacun a pu en mesurer la pertinence et le bien-fondé. Elle est un véritable « stimulus » pour les ministres et, surtout, pour leurs cabinets. Combien de lois, votées par le Parlement et promulguées par le Président de la République, ont par le passé tardé à produire leurs effets parce que les décrets nécessaires à leur application n'étaient pas parus ? Désormais l'Assemblée nationale, en coopération avec le Gouvernement, est aussi là pour assurer le « service après vote » de la loi, ce qui ne signifie pas refaire le débat sur la loi : la réunion d'aujourd'hui a pour seul et unique but de vérifier la publication des décrets prévus par la loi.

M. Christian Kert, rapporteur, a souligné que, conformément à l'article 86 du Règlement, le temps est venu pour la commission de contrôler les conditions d'application de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

A l'exception d'une seule, toutes les dispositions contenues dans les treize articles qui composent la loi ont désormais trouvé leur traduction réglementaire, de sorte que la loi produit d'ores et déjà tous ses effets.

Force est de constater la célérité du gouvernement qui a entrepris la rédaction des décrets afin que la loi, et au premier chef ses dispositions portant réparation matérielle, produise effet dans les meilleurs délais. Dès le 27 mai 2005, soit trois mois après que la loi a été promulguée, tous les décrets étaient publiés, autorisant, dans la foulée, les premiers versements prévus.

Quatre décrets sont venus préciser la loi et la rendre effective. Sans entrer dans le détail, il n'est pas inutile de rappeler brièvement les différentes avancées et leur traduction réglementaire. Sept des treize articles (1er, 2, 4, 5, 7, 8 et 11) sont constitués de dispositions d'application immédiate qui concernent la mémoire, l'aide au logement en faveur des harkis et la situation sociale de leurs enfants. L'article 7 ne nécessite pas de décret pour son application, mais son adoption a conduit à une nécessaire réactualisation du décret pris antérieurement pour l'application de la disposition modifiée. Quant à l'article 11, le gouvernement dispose de quelques semaines encore puisque la loi prévoit un délai d'un an à compter de sa publication pour qu'il remette au Parlement le rapport sur la situation sociale et les besoins en terme de formation, d'emploi et de logement des enfants de harkis.

En ce qui concerne l'article 6 qui ouvre aux harkis un droit d'option pour le versement de l'allocation de reconnaissance dont ils bénéficient, le décret d'application institue le principe du versement unique du capital et établit un échéancier de versement tenant compte de l'âge du bénéficiaire : de 2005, pour les bénéficiaires de 75 ans et plus, à 2007 au plus tard pour les harkis nés après le 31 décembre 1937.

Selon les chiffres fournis par la Mission interministérielle aux rapatriés (MIR), 79,2 millions d'euros ont d'ores et déjà été versés à tous les harkis de plus de 75 ans, exception faite de quelques rares cas individuels nécessitant un examen approfondi. A la mi-2006, les deux tiers des allocataires auront ainsi reçu les sommes que la loi leur a attribuées. Ces mesures de justice à l'égard de la communauté harkie étaient très attendues.

Les mêmes principes président à la restitution aux rapatriés des sommes qui leur ont été précédemment prélevées à la suite des lois d'indemnisation de 1970, 1978 et 1987. L'échéancier retenu est le suivant : versement en 2005 pour les rapatriés âgés de plus de 80 ans ; en 2006 pour les plus de 70 ans ; en 2007 pour les plus de soixante ans et en 2008 pour tous les autres. Il faut également noter que le décret prévoit que tout rapatrié dont la demande d'indemnisation a été retenue par l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer (ANIFOM) - qui reçoit les demandes et les avalise - se verra attribuer la somme minimale de cent euros, y compris dans le cas où ses droits seraient inférieurs

Là aussi, l'efficacité du gouvernement a été grande puisque les dossiers envoyés par les rapatriés ont d'ores et déjà été traités et qu'une partie des sommes dues a été versée. La moitié des 16 500 demandes reçues par l'ANIFOM, ont été retenues ; 5 473 rapatriés ont ensuite fait parvenir à l'Agence les pièces nécessaires à l'indemnisation et 2 255 ont effectivement reçu notification des montants à recevoir ; au 2 décembre, 1 100 bénéficiaires ont été indemnisés pour un montant de 12 millions d'euros. L'exercice n'est pas clos puisque 29 millions d'euros ont été provisionnés pour répondre aux demandes au titre de 2005.

En ce qui concerne l'extension du bénéfice de l'allocation de reconnaissance et des mesures d'aides aux logements aux harkis n'ayant pas acquis la nationalité française avant le 10 janvier 1973 bien qu'ayant continuellement résidé sur le territoire de la communauté européenne, le décret permet le réexamen de certaines situations ; à l'heure actuelle, 70 dossiers sont en cours d'instruction auprès de la Mission interministérielle aux rapatriés qui estime à environ 300 le nombre de demandes qui pourraient, à terme, être recevables.

Le gouvernement a également fixé les montants et les modalités d'attribution des aides supplémentaires accordées aux enfants de harkis boursiers de l'éducation nationale. Les internes du cycle secondaire général recevront chaque trimestre 152 euros, les demi-pensionnaires la moitié de cette somme et les externes 46 euros ; pour ceux qui poursuivent des études technologiques ou professionnelles, la moitié des frais d'inscription, d'hébergement, de transport, d'achat de livres ou de fournitures seront pris en charge dans la limite de 610 euros par an, ce montant étant doublé pour les étudiants du supérieur. Ce dispositif a déjà fonctionné pour la rentrée scolaire et universitaire 2005 pour un montant de 800 000 euros.

Par ailleurs, répondant à une demande ancienne, le décret du 26 mai 2005 organise la reconstitution des droits à la retraite de ceux que l'on appelle les « exilés politiques », lorsqu'ils sont issus du secteur privé. La procédure retenue est la suivante : les personnes concernées doivent, dans le délai d'un an suivant la publication du décret, adresser à l'ANIFOM une demande dans laquelle doit impérativement figurer le justificatif d'une activité dans le secteur privé ayant été interrompue suite à une condamnation ou à une sanction, le justificatif de la mesure prise à leur encontre ainsi que la preuve du défaut de droit à pension d'assurance vieillesse. Le montant de l'indemnité, établi par trimestre d'inactivité et au prorata temporis des jours non travaillés à l'intérieur d'un trimestre, est égal à 70 % du quart du montant annuel, à la date de publication du décret, du minimum vieillesse pour une personne seule, soit 1259 euros par trimestre.

Au 2 décembre, 213 demandes étaient parvenues à l'ANIFOM ; 182 dossiers ont été constitués mais seuls une vingtaine sont complets et peuvent donc être examinés par la commission compétente.

Dans l'éventail de ces dispositions d'ordre réglementaire, les modalités retenues pour le versement de l'allocation aux orphelins et pupilles de harkis instituée par l'article 6 de la loi constituent un cas particulier puisque le décret prévoit d'attendre 2008, voire 2009 pour le versement de l'allocation aux bénéficiaires dont les parents sont nés après le 1er janvier 1930. En tout état de cause la reconstitution des fratries, parfois disséminées sur tout le territoire, et qui constitue un préalable à l'indemnisation, n'est pas chose aisée.

Un décret toutefois demeure en attente et ce n'est pas le moindre puisqu'il concerne l'article 3, qui crée la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie. Cela n'exprime nullement un manque d'ardeur du gouvernement à traduire la volonté du législateur. Mais, comme les débats autour de l'article 4 ne cessent de le démontrer, les passions restent vives sur ce chapitre de l'histoire de France. Afin que cette fondation ne puisse souffrir d'un quelconque vice congénital qui compromettrait d'emblée sa pérennité, M. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, a, dès le mois de décembre 2004, chargé le préfet de région honoraire, M. Roger Benmebarek, d'une étude de préfiguration. Le gouvernement a ainsi anticipé sur l'adoption définitive de la loi, mais non sur la volonté du législateur de créer une fondation puisque la disposition avait été votée en termes identiques par les deux assemblées dès la première lecture au Sénat, et marqué sa volonté de donner le plus rapidement corps à cette institution. Il attend désormais les conclusions de ces travaux pour établir la fondation, qui paraît particulièrement importante compte tenu du débat qui s'est instauré dans le pays. Celles-ci devraient intervenir dans un délai relativement bref puisque, dans sa déclaration du 9 décembre à propos de la loi du 23 février 2005, le président de la République demandait « au gouvernement que la Fondation [...] soit créée dans les meilleurs délais et qu'elle soit dotée des moyens nécessaires à son bon fonctionnement ».

En la matière, la précipitation avait toutes les chances d'être l'ennemi du bien. Autrement dit, il valait mieux attendre quelques mois, comme l'a fait avec sagesse le gouvernement, que mettre en place une fondation qui, parce qu'elle n'aurait su trouver l'assentiment de toutes les parties prenantes, serait devenue un nouveau ferment de division, alors que la mission que lui a assignée le législateur est précisément de devenir l'instrument par lequel, dans le respect de la vérité des faits, puisse se construire une mémoire commune à tous ceux qui furent les acteurs de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc. De ce point de vue, le temps de la réflexion voulu par le gouvernement et la résolution affichée par le Président de la République constituent les attitudes les plus propices à la constitution, sur des bases solides, d'une fondation conforme en tous points aux attentes du législateur et des parties prenantes.

Le rapporteur a conclu en posant trois questions au ministre :

- Un seul décret demeure en attente, celui destiné à créer la Fondation pour la mémoire prévue à l'article 3. Sans revenir sur la polémique engagée à propos de l'article 4, force est de constater que l'utilité de cette fondation a été mise en exergue par le débat national qui s'est instauré. Sa mission pourrait correspondre à un certain nombre de questions soulevées par la polémique, en particulier à la nécessité de faire travailler des équipes d'historiens sur la présence française, notamment en Afrique du Nord. C'est pourquoi la commission considère que la mise en place de cette fondation ne devrait pas tarder et souhaite que le ministre indique selon quel calendrier il entend y aboutir.

- Il serait intéressant de savoir, par ailleurs, s'il est déjà possible d'établir une typologie des bénéficiaires des allocations et versements en capital, tant harkis que rapatriés. Chez les harkis, dispose-t-on d'une estimation des choix effectués par les bénéficiaires entre les trois options prévues par la loi : capital, rente revalorisée, solution mixte ? Chez les rapatriés européens, peut-on penser que le champ d'application de la loi parviendra à couvrir, grâce aux crédits 2005, la majorité des demandes formulées dans les délais prescrits ?

- Enfin, au cours de la discussion au Sénat, les sénateurs avaient obtenu du gouvernement la levée de l'irrecevabilité financière concernant une initiative visant à ce que les orphelins de harkis puissent bénéficier d'une allocation de 20 000 euros. Votée à son tour par l'Assemblée, cette disposition figure désormais dans l'article 6. Le décret est paru mais il diffère les versements à 2008 et 2009. Quelle est la raison de ce délai ?

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Lionnel Luca a remercié et félicité le ministre chargé des anciens combattants pour son attitude au cours de l'examen de la loi. Les décrets d'application ont été pris très rapidement, après que le texte a été longuement débattu, sur la base du rapport de M. Michel Diefenbacher. On peut donc être fier du travail accompli par le gouvernement, par le Parlement et en particulier par commission des affaires culturelles. Cela doit d'autant plus être souligné que la polémique a malmené cette action en n'en retenant qu'une petite partie.

La création de la Fondation pour la mémoire aiderait sans doute à apaiser bien des tensions ; elle permettrait aux historiens de tous les bords de faire leur travail. Plus vite le décret d'application sera pris, plus vite ce travail pourra être engagé.

M. Gérard Bapt s'est réjoui que les mesures matérielles en faveur d'un certain nombre d'ayants droit, en particulier des familles d'anciens harkis et moghaznis, aient été prises rapidement. Le groupe socialiste a voté contre le texte, parce que certaines de ces mesures lui paraissaient insuffisantes, mais juge positif qu'un certain nombre de réparations soient ainsi intervenues.

Il faut néanmoins insister sur les très graves problèmes sociaux auxquels demeurent confrontées des familles surendettées, installées en particulier dans le Sud-Ouest, et dont les dossiers tardent encore à être traités. Un bilan très précis serait donc souhaitable, qui montrerait le nombre de dossiers traités et le montant de l'effort consenti par l'État pour régler ces situations douloureuses.

S'agissant de la mémoire, à la suite de l'intervention du Président de la République et de l'appel lancé à la réconciliation nationale sur cet épisode douloureux de l'histoire de France, le Président de l'Assemblée nationale conduit une mission d'information et procède à des auditions à propos de l'article 4 de la loi. On peut donc s'étonner que le rapporteur ait affirmé que cet article est « d'application immédiate » et se demander ce qu'a fait à ce jour le gouvernement pour que l'article et sa disposition la plus contestée sur les programmes scolaires soient effectivement appliqués.

Enfin, il est sans doute bon de prendre un peu de temps pour mettre en place la fondation de la mémoire, d'autant que si, comme le rapporteur, on ne veut pas qu'elle soit un « nouveau ferment de division », il convient de purger préalablement la question de l'article 4.

M. Marc Bernier a également félicité le ministre et salué une loi qui était attendue depuis plus de quarante ans - et si M. Gérard Bapt la juge insuffisante, force est de constater que rien n'avait été fait avant - et s'est réjoui d'appartenir à une majorité ayant fait en sorte que la France exprime enfin sa reconnaissance à celles et ceux qui ont servi le pays dans ses anciens départements ou au sein d'unités supplétives.

Mais ce texte témoigne d'un mal dont le pays est atteint et contre lequel le ministre des anciens combattants est le principal rempart, cette véritable amnésie dont les symptômes resurgissent à chaque commémoration. La France semble avoir honte de son histoire ; elle tombe souvent dans un déni de mémoire dont les harkis et rapatriés viennent d'être sauvés.

Sans entrer dans le débat sur le rôle de la période coloniale, il est incontestable que la France a eu des actions positives lors de sa présence outre-mer dans ses anciens départements ou protectorats : le dire n'exclut nullement de reconnaître les erreurs qui ont pu être commises. L'histoire ne se réécrit pas dans la rue ou dans la réunion de tel parti politique succombant, à l'aube d'échéances électorales, à la tentation provocatrice. De ce point de vue, il apparaît que la mission confiée au président Jean-Louis Debré a surtout trait au rôle du Parlement dans cette affaire.

Qu'on le veuille ou non, l'image de la France est celle de Clovis et de la Révolution, celle d'Austerlitz - dont le 200e anniversaire aurait dû être davantage commémoré - et des colonies, celle de Verdun, de l'Indochine et de l'Algérie. Les aveux maladroits du général Paul Aussaresses ne doivent pas faire oublier les actions du grand Lyautey, dont la mémoire et les bienfaits sont toujours présents au Maroc.

Toutes les polémiques autour de la date commémorative du 5 décembre paraissent totalement stériles. Elles discréditent le monde combattant auprès des jeunes générations, pourtant appelées à exercer demain le devoir de mémoire.

Enfin, comme le rapporteur l'a fait, il faut appuyer sur la création de la fondation pour la mémoire et le nécessaire soutien aux orphelins de harkis.

M. Francis Vercamer a rappelé que le groupe UDF a voté ce texte avec enthousiasme, non pas en raison de l'article 4, puisque lui-même avait voté contre l'amendement de M. Christian Vanneste, mais parce que cette loi était attendue par la communauté harkie et rapatriée.

Même si les décrets sont indispensables, il ne suffit pas de regarder combien sont parus pour analyser l'application de la loi : c'est ce que ressentent les hommes et femmes qui vont en bénéficier et qui doit ici être pris en compte. Or, si sur le terrain elle a été accueillie plutôt favorablement par la première génération, la deuxième génération la juge incomplète. Le rapport prévu à l'article 11 est donc particulièrement important, car les jeunes attendent avec impatience les mesures qui les concerneront directement, qu'il s'agisse de la lutte contre les discriminations ou des dispositions en faveur de l'emploi et du logement.

Par ailleurs, si l'annonce de l'allocation a été bien accueillie en dépit de l'étalement de l'application sur trois ans en fonction des tranches d'âge, le décret a suscité un certain émoi en portant cette durée à quatre ans, ce qui semble bien long à des gens qui attendent depuis quarante-trois ans. On peut en outre s'étonner que les bénéficiaires aient reçu deux documents différents, l'un émanant de la préfecture et leur demandant d'opter, l'autre venant de la Mission interministérielle aux rapatriés et leur disant d'écrire à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, ce qui a semé la confusion et risque d'exclure du bénéfice de la disposition ceux qui n'auront écrit qu'à la préfecture.

Un autre problème peut apparaître en cas de décès de l'allocataire entre la promulgation de la loi et la date du 31 octobre fixée par le décret. Il conviendrait de lever le flou juridique actuel et de répondre clairement aux familles, même si elles sont peu nombreuses.

Plusieurs intervenants l'ont souligné, la création de la fondation est urgente, en particulier parce qu'elle permettrait aux historiens de travailler et au Parlement de se saisir de leurs conclusions et peut-être de régler ainsi définitivement le problème de l'article 4.

Enfin, le ministre a t-il, comme il s'y était engagé en première lecture, interrogé son collègue de l'intérieur sur le problème de l'inhumation des Français musulmans ? En effet, le code général des collectivités locales interdit aux maires d'installer un carré musulman dans les cimetières. Or les harkis sont français et il est choquant qu'on soit contraint de les inhumer soit dans les cimetières illégaux que certains maires ont été obligés de créer en raison de la présence d'une forte communauté musulmane, par exemple à Roubaix et à Hem, soit en Algérie, quand bien même ils ont choisi la nationalité française.

M. Patrick Delnatte a salué à son tour le travail accompli par le ministère pour l'application de la loi, insisté sur l'importance du rapport social, qui doit être un instrument de dialogue avec les harkis de la deuxième génération et souhaité connaître la répartition des choix qui ont été faits entre les différentes options.

S'agissant de la mémoire, l'article 4 a été voté dans le contexte particulier de la présente loi et il conviendrait de prendre un peu de recul, ce que favoriserait sans doute le travail de mémoire. Cela vaut pour toutes les guerres : chaque fois que le devoir de mémoire peut s'appuyer sur un travail de mémoire, ce devoir trouve toute sa légitimité. Il importe donc que la future fondation recueille le plus possible de témoignages d'acteurs encore vivants de cette période.

Enfin, même si cela ne figure pas dans le texte, la question de la libre circulation des harkis en Algérie reste posée et il serait souhaitable qu'elle demeure en bonne place dans les préoccupations du gouvernement, en particulier en vue d'un futur traité avec ce pays.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants, après avoir remercié les députés qui ont bien voulu adresser leurs compliments au gouvernement, a souligné que ce dernier a fait son travail du mieux possible et qu'il s'efforcera de continuer à faire ce qu'il a promis. Il s'est réjoui de la présente réunion, car la volonté du Parlement de suivre l'application des textes qu'il a votés est un véritable progrès pour la démocratie. Le président de la République a d'ailleurs rappelé en plusieurs occasions qu'une loi était inefficace si elle n'était pas entourée de garanties quant à la publication des textes d'application. Cette audition présente également le mérite de rappeler le contenu réel de la loi du 23 février 2005, qui est une loi de reconnaissance et de réparation pour les Français rapatriés, notamment harkis, qui ont beaucoup souffert.

Plus de quarante ans après la tragédie qu'ils ont vécue, il était temps que la nation leur porte l'attention qu'ils méritent et qu'elle règle les dossiers en suspens. Pour cela, ce texte comporte des dispositions majeures sur le plan tant symbolique que financier et cette audition permet à chacun de le mesurer concrètement, mais aussi de constater que le gouvernement tient les engagements qu'il a pris au cours des débats.

Puis, en réponse aux intervenants, le ministre délégué a apporté les précisions suivantes :

- Comme le rapporteur l'a rappelé, tous les textes d'application sont parus, à la seule exception de l'article 3. D'ores et déjà, à peine dix mois après la promulgation de la loi, plus de 100 millions d'euros ont été versés. Près de 500 millions le seront encore en 2006 et en 2007. Globalement, le budget total de la loi atteint environ un milliard, c'est un signe tangible de l'attention portée aux rapatriés. Bien évidemment, comme l'a observé M. Gérard Bapt, cela sera toujours insuffisant, mais cet effort considérable dans une période très difficile mérite d'être souligné.

- Le seul décret non publié à ce jour concerne l'article 3 relatif à la création de la fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie. Cette fondation a une importance particulière aux yeux du gouvernement car elle sera l'espace naturel d'études et de recherche pour les historiens de toutes sensibilités et de toutes nationalités. Cela vient contredire les jugements hâtifs et biaisés que certains ont portés sur les intentions du gouvernement. Il faut en outre rappeler que le principe de la création de cette fondation a été décidé par la représentation nationale à l'unanimité. Un consensus doit donc être recherché dans l'application de cette mesure.

- Comme le rapporteur l'a rappelé, le Premier ministre a confié à M. Roger Benmerabek le soin de mener une étude pour la préfiguration de cette fondation. Il remettra son rapport en janvier et le gouvernement prendra ensuite les dispositions nécessaires à la création. Il saisira en particulier le Conseil d'État. C'est alors que le décret sera publié et la fondation installée. C'est dire la promptitude avec laquelle le gouvernement souhaite agir.

- S'agissant du versement de l'allocation de reconnaissance, 11 693 personnes sont concernées. Parmi elles, 6 % ont fait le choix de l'augmentation de l'allocation, 46 % ont opté pour le capital et 47 % en faveur de la troisième voie, à savoir l'allocation et le capital.

- Pour les rapatriés européens, les crédits pour 2005 ont bien été prévus à hauteur de 39 millions et toutes les demandes déposées ont été satisfaites pour les personnes âgées de plus de 80 ans.

- S'agissant enfin de l'importante disposition prise en faveur des orphelins de harkis, l'indemnité leur sera versée en 2008 et en 2009. Il y a à cela deux raisons. La première, c'est que priorité est accordée aux « anciens », les harkis eux-mêmes, ce qui est justice. La seconde, c'est que l'instruction des dossiers demande un lourd travail de centralisation pour retrouver des fratries disséminées sur tout le territoire. La date de dépôt des demandes a été fixée au 17 mai 2007.

- L'article 4 étant déclaratif, aucun décret n'est prévu ni nécessaire. Le débat, parfois passionné, sur cet article a eu lieu non seulement au Parlement, mais aussi dans les associations, les partis politiques et dans la presse. C'est un débat démocratique qui atteste que la France peut se parler, même si c'est sur un ton vif. Le Premier ministre s'est exprimé de la manière la plus claire pour souligner que ce n'est pas au Parlement de faire l'histoire et, qu'il n'y a pas d'histoire officielle en France. Le Président de la République a souligné les enjeux et les principes et créé les conditions de la sérénité et de l'apaisement. Par ailleurs, le Président de l'Assemblée nationale va conduire une mission pluraliste qui permettra à chacun de s'exprimer et qui aboutira dans les trois mois à des propositions concrètes. Enfin, le chef de l'Etat a demandé que la création de la fondation, prévue par l'article 3 de la loi, soit accélérée. Le temps est donc désormais au travail dans une atmosphère sereine et propice à la cohésion nationale.

- Le rapport prévu à l'article 11 de la loi sera remis dans les délais prévus et, pour ce qui est des décès intervenus entre le 23 février et le 1er octobre 2005, le cas des 87 personnes concernées est à l'étude par le Secrétariat général du gouvernement et par le ministère. La représentation nationale sera tenue informée des suites données à ce dossier.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre de ses réponses, qui témoignent d'une grande hauteur de vue.

M. Gérard Bapt a demandé au ministre d'insister auprès de ses services pour accélérer le traitement des dossiers des rapatriés de Côte-d'Ivoire, dont certains vivent actuellement dans le dénuement le plus complet.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est associé à cette demande.

Le ministre délégué a assuré que cette question serait examinée avec diligence.

La commission a autorisé le dépôt du rapport sur la mise en application de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.


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