Version PDF

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 35

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 22 février 2006
(Séance de 9 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Christian Kert, vice-président,
puis de M. Georges Colombier, vice-président,
puis de M. Christian Kert, vice-président.

SOMMAIRE

 

ppages

- Examen du projet de loi de programme pour la recherche - n° 2784 rectifié (M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur)


2

- Informations relatives à la commission

 

La commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Michel Dubernard, le projet de loi de programme pour la recherche -  n° 2784 (rectifié).

Le président Jean-Michel Dubernard, rapporteur, a souhaité centrer sa présentation sur les lignes de force du projet de loi et sur les modifications qui lui paraissent opportunes. Ces propositions d'amendements font, notamment, suite aux nombreuses auditions qui ont précédé l'examen du texte, auditions ouvertes à tous les membres de la commission, mais auxquelles, il faut le noter, aucun député de l'opposition n'a participé. Il s'agit d'un problème de fond qui ne concerne certes pas directement le sujet du projet de loi mais qui traduit une forme de mépris du travail en commission lorsque l'on sait que par ailleurs les mêmes députés procèdent, de leur côté, à leurs propres auditions.

À l'issue de son examen en première lecture par le Sénat, le projet de loi comporte trente-cinq articles. En dépit de treize articles nouveaux, l'économie globale du texte n'a pas été bouleversée. Incontestablement, le projet de loi va dans le bon sens, essentiellement parce qu'il permet de rapprocher les organismes de recherche de l'université, dont, pour des raisons historiques, ils se sont éloignés. Étant donné la situation actuelle de la recherche française, le texte va même aussi loin qu'il est possible d'aller.

Pour l'essentiel, le projet de loi se décline selon trois grandes orientations : un volet consacré à la programmation, un autre à l'organisation et un troisième à la simplification.

La France bénéficie en matière de recherche d'un financement relatif moyen qui la place au cinquième rang mondial en volume mais seulement au treizième rang en part relative par rapport au produit intérieur brut. De ce point de vue, il faut saluer la volonté inscrite dans le projet de loi de poursuivre l'effort budgétaire engagé ces deux dernières années pour atteindre, en 2010, un effort public global de 24 milliards d'euros, supérieur de 27 % aux crédits de 2004. Il faut saluer également, en dépit de certaines critiques, la répartition retenue pour la progression des crédits entre financements récurrents, financements sur projets et dépenses fiscales. En effet, le déficit de financement de la recherche française est moins le fait de l'Etat que des entreprises privées qui, contrairement à ce qui se passe chez beaucoup de nos partenaires, notamment européens, participent peu à l'effort national de recherche. L'augmentation des dépenses fiscales est donc, de ce point de vue, une nécessité, de même que l'augmentation des crédits sur projets qui sont la meilleure garantie d'une dépense publique efficace.

S'agissant de cette programmation, deux éléments restent toutefois à préciser.

Premièrement, il importe que la programmation budgétaire soit exprimée en euros constants et un amendement du rapporteur est déposé à cet effet : exprimée en euros courants, la programmation envisagée par le gouvernement conduirait de fait, inflation déduite, à une quasi-stagnation du soutien public à l'effort de recherche.

Il faut également que la programmation offre une certaine visibilité en terme d'emploi scientifique. Il ne s'agit pas d'afficher de façon démagogique une augmentation du nombre de postes dans la recherche publique qui poserait plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait. D'une part, parce qu'il n'est pas possible de prévoir à l'avance les secteurs au sein desquels ces postes devraient s'intégrer. D'autre part, parce qu'une analyse plus fine de la situation montre que si la France, comparativement à ses voisins et concurrents étrangers, manque d'emplois scientifiques, le déficit est exclusivement le fait du secteur privé. À titre d'exemple, la France compte, rapporté à sa population, un nombre de chercheurs publics plus important que l'Allemagne. Il serait en revanche souhaitable de doter l'État, comme n'importe quelle entreprise, d'un outil de gestion prévisionnelle qui, sans préjuger de la nature des postes (statutaires ou non statutaires), offrirait un peu de visibilité aux jeunes désirant s'engager dans la recherche, en anticipant sur les secteurs qui devraient être pourvoyeurs de recherche dans les cinq ou six années à venir.

Deuxième grande orientation du projet de loi : la rénovation du dispositif de recherche français. Elle se traduit par des réformes importantes dans l'organisation de la recherche française. Le projet de loi, tel que modifié par le Sénat, prévoit ainsi la mise en place de plusieurs structures nouvelles :

- En réponse au déficit d'orientation prospective du dispositif de recherche français, le projet de loi prévoit, à l'initiative du Sénat, l'installation d'un Haut conseil de la science et de la technologie. Ce Haut conseil s'inspire du Comité consultatif de la recherche scientifique et technique (CCRST) créé au début de la Ve République et sur lequel le général de Gaulle s'est appuyé pour conférer un formidable élan à de nombreux secteurs de la recherche française. La nouvelle structure gagnerait cependant en légitimité si la publicité de ses travaux était assurée : un amendement du rapporteur a été déposé dans ce sens.

- Le projet de loi met aussi en œuvre de nouvelles formes de coopération entre les opérateurs de recherche, publics ou privés, français ou européens. Le Sénat a introduit ces formes de coopération en réponse aux débats sur la « taille critique ». Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) constituent une forme de regroupement transversal, dans une logique de site, tandis que les réseaux thématiques de recherche avancée privilégient une intégration verticale autour d'une thématique donnée. Pour mettre en œuvre ces nouvelles formes de coopérations, le projet de loi crée deux nouvelles structures juridiques : les établissements publics de coopération scientifique (EPCS), de droit public, et la fondation de coopération scientifique, de droit privé mais reconnue d'utilité publique. Autrement dit, il existera désormais différentes structures juridiques, adaptées aux différents types de regroupements.

Le dispositif mériterait toutefois de mettre plus l'accent sur les coopérations en matière de sciences du vivant et notamment dans le domaine de la recherche clinique, point sur lequel un amendement du rapporteur a été déposé. La coordination des sciences du vivant, actuellement dispersées entre le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), etc., constitue un vieux rêve, évoqué régulièrement depuis au moins 1986, mais qui n'a jusqu'ici jamais été mis en place. Il convient donc de contourner cette absence de coordination.

- Troisième élément fort du projet de loi, la création d'une Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES). Il n'est pas exagéré d'affirmer qu'il s'agit là du cœur de la réforme. L'évaluation constitue un élément déterminant dans une activité où, par nature, seule l'excellence compte véritablement. Pour la première fois dans notre pays, les activités scientifiques seront ainsi dotées d'une évaluation dite « universelle » - aucune activité, y compris l'enseignement supérieur (grâce à un ajout des sénateurs dans le texte), n'y sera soustraite -, incontestable et transparente, avec primauté donnée, dans les instances d'évaluation, aux personnalités qualifiées sur les représentants élus.

Le texte nécessite toutefois d'être précisé sur plusieurs points.

Il convient de mieux identifier les compétences de l'agence à chaque niveau du dispositif de recherche : établissement, laboratoire, personnels. La recherche française rassemble plus de 140 000 personnes, réparties dans plusieurs milliers de laboratoires, eux-mêmes relevant de plusieurs centaines d'établissements, compte tenu des universités. Sauf à mettre en place un mécano complexe, l'agence ne pourra pas réaliser elle-même un tel travail. Dans le but de clarifier les missions de l'agence, un amendement du rapporteur proposera donc d'inscrire dans le projet de loi les principes suivants : l'AERES évalue directement les établissements ; en ce qui concerne l'évaluation des personnels, elle se borne à accréditer les procédures et à donner son avis sur leur mise en œuvre ; elle fait de même pour les laboratoires qui sont d'ores et déjà évalués, l'agence se bornant là aussi, selon un principe de subsidiarité, à évaluer les unités de recherche qui aujourd'hui ne sont pas évaluées ou mal évaluées. Ainsi, sans céder au gigantisme l'agence se garde la possibilité d'intervenir quand elle le juge utile.

Il sera proposé également de renforcer, à tous les niveaux de l'agence, la présence de personnalités étrangères reconnues pour la qualité de leurs travaux scientifiques ainsi que le recours, par l'agence, à des procédures conformes aux meilleures pratiques internationales. Ces deux éléments sont de nature à renforcer la crédibilité de l'agence.

- Enfin, le projet procède à la transformation du groupement d'intérêt public (GIP) Agence nationale de la recherche (ANR) en établissement public. Il s'agit d'inscrire durablement l'ANR dans le paysage de la recherche française et, surtout, le mode de financement concurrentiel sur la base de projets. On ne peut que s'en réjouir, tant une agence de moyens constitue la meilleure garantie que, conformément au principe républicain du mérite, la répartition des crédits se fera sur la base d'un critère de qualité et en toute transparence. Toutefois, plusieurs mesures doivent accompagner la création de l'établissement public ANR.

D'une part, afin d'assurer dans les meilleures conditions l'autonomie de gestion de l'agence, les relations entre l'Etat et l'agence doivent faire l'objet d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens dont l'exécution serait évaluée par des experts internationaux, pour éviter tout conflit d'intérêt.

D'autre part, pour assurer la liberté de la recherche, il serait souhaitable que la loi prévoie qu'une part significative des crédits de l'agence aille au financement de projets dits « blancs », c'est-à-dire non thématiques. On ne peut en effet qu'être convaincu que c'est dans ce cadre-là que naissent les véritables ruptures scientifiques.

Par ailleurs, il convient de mettre en place un « préciput », autrement dit un mécanisme prévoyant qu'une partie des crédits distribués par l'agence dans le cadre de la procédure d'appel d'offres revienne à l'établissement qui héberge l'équipe destinataire des fonds. Un tel mécanisme, en vigueur dans plusieurs pays, permet de bien affirmer la complémentarité qui existe entre agences de moyens et opérateurs de recherche. De surcroît, elle s'inscrit dans une logique « gagnant-gagnant », les établissements ayant intérêt à recruter les meilleurs chercheurs qui seront ensuite les plus susceptibles d'obtenir des financements de l'agence.

Le dernier grand champ dans lequel le projet de loi intervient est celui de la simplification administrative et de l'assouplissement des procédures. Exception faite des mesures relatives à l'application des règles des marchés publics pour les activités de recherche ou de simplification en matière de gouvernance des universités, ces dispositions ont pour point commun de favoriser la valorisation des recherches menées par le secteur académique.

Au nombre de ces dispositions figurent : la sécurisation des structures juridiques de recherche partenariale, la possibilité pour les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) et les réseaux de mettre en place de telles structures, l'exonération d'impôt sur les sociétés pour les activités de valorisation des établissements publics de recherche, ainsi que plusieurs mesures favorisant la mobilité des chercheurs académiques vers l'entreprise, notamment en vue de créer leur propre entreprise.

De telles mesures sont évidemment de nature à encourager la valorisation des résultats de la recherche publique qui, pour des raisons culturelles et règlementaires, a longtemps été très insuffisante dans notre pays. De ce point de vue, il faut reconnaître que la loi sur l'innovation de 1999, proposée par M. Claude Allègre, ministre de la recherche de M. Lionel Jospin, a heureusement amorcé un changement culturel que les initiatives gouvernementales de ces derniers mois ont certes fortement accentué mais sans en contester la logique initiale. Toutes ces mesures vont donc dans le bon sens.

Il conviendrait toutefois d'aller plus loin encore, notamment en envisageant la déclinaison, en droit français et autant que cela est possible, du Bayh-Dole act américain établi au début des années 1980. Cela correspond à un vrai besoin car la culture de valorisation est aujourd'hui encore insuffisamment présente en France. Sans entrer pour le moment dans le détail de cette législation - ce thème sera abordé ultérieurement lors de l'examen d'un amendement du rapporteur -, on peut dire qu'elle encourage la valorisation des recherches réalisées sur fonds publics et que, de l'avis de tous les analystes, elle est à l'origine du formidable dynamisme américain en matière de haute technologie.

En conclusion, le rapporteur, a exprimé un regret. La France est un pays de taille modeste et, même avec la meilleure législation du monde et un engagement financier fort, elle ne sera jamais de taille pour rivaliser avec des pays tels que les Etats-Unis ou demain l'Inde et la Chine. Si le dispositif de recherche française doit à l'évidence être rénové et dynamisé, l'échelon pertinent pour affirmer une ambition mondiale est désormais l'Europe. Pourtant, de ce point de vue, le texte propose peu de choses si ce n'est la possibilité, introduite par les sénateurs, pour les PRES et les réseaux, de s'étendre à des établissements européens. Or le présent texte subsistera vraisemblablement pendant une quinzaine d'années : il convient donc d'anticiper sur ce point également.

Toutefois, on ne peut méconnaître les difficultés auxquelles se heurte une telle ambition. D'une part, il n'est pas possible à la France de s'engager à elle seule au nom de ses partenaires européens. D'autre part, au niveau européen, les relations en matière de recherche sont tellement diverses - bi-latérales, multi-latérales, communautaires, extra-communautaires... - qu'il est parfois difficile de trouver les meilleurs modes d'articulation entre recherche nationale et recherche européenne, ainsi que l'a mis en évidence l'audition de l'ancienne ministre déléguée à la recherche et aux affaires européennes, Mme Claudie Haigneré. En outre, il n'existe encore aucune structure de coordination européenne en cette matière.

Pour l'ensemble de ces raisons, il est nécessaire que le projet de loi soit « eurocompatible ». À l'évidence, la logique de regroupement des opérateurs de recherche et la promotion des agences de moyens - très développées à l'étranger - poursuit cet objectif. Il serait également important que le Haut conseil de la science et de la technologie, qui dominera le dispositif, veille à assurer la cohérence de ses recommandations avec les actions menées dans l'espace européen de la recherche.

Enfin, par-delà le présent projet de loi, il faut souhaiter que la France promeuve de nouvelles initiatives en matière de recherche au niveau européen, notamment la création d'un pool d'évaluateurs - en dépit de la réticence exprimée sur ce sujet par le commissaire européen compétent, M. Janez Potocnik, et l'ancien directeur général de la recherche de la Commission européenne, M. Achilleas Mitsos -, ou la mise en place d'agences de moyens thématiques au plan européen.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Après avoir félicité le rapporteur pour son travail, M. Pierre-Louis Fagniez s'est réjoui que presque toutes les préconisations de la mission d'information sur la recherche publique et privée en France face au défi international présidée par M. Jean-Pierre Door - dont il était membre - aient été reprises par le rapporteur. Les membres de la mission d'information adhèrent à l'exigence de lisibilité de l'engagement de l'Etat en faveur de la recherche et notamment à la demande du rapporteur d'avoir une programmation budgétaire en euros constants. Les chercheurs ont en effet besoin d'être rassurés.

La création du Haut Conseil de la science et de la technologie constitue un élément très positif. Il s'inspire du comité dont s'était entouré le général de Gaulle. Son existence interdira aux candidats à l'élection présidentielle d'oublier les problèmes de la recherche sachant qu'ils auront ensuite auprès d'eux des personnes appelées à faire des propositions pour orienter la politique nationale sur ce sujet.

Quant à l'opportunité de créer une agence de moyens, mise en doute par certains, elle a déjà pu être appréciée en grandeur réelle au travers de la création de l'Agence nationale de la recherche (ANR) qui a été mise en place et vient de clore avec succès son premier exercice budgétaire. Il faut rappeler que l'ANR attribue ses financements sur la base de projets, y compris de projets dits « blancs », c'est-à-dire non thématiques, dans le champ de la recherche fondamentale et de la recherche finalisée ou appliquée.

La création de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES) va également dans le bon sens mais il faut que ses règles de fonctionnement soient mieux définies car il ne lui sera pas possible d'évaluer toutes les équipes de recherche au risque, étant donné la lourdeur de la tâche, de n'évaluer personne.

Il faut également garder à l'esprit l'objectif de simplification. De ce point de vue, le projet de loi facilite les rapprochements entre les différents acteurs de la recherche, parmi lesquels les établissements publics, les universités et les collectivités publiques, et met en place de nouveaux modes de coopération très souples et qu'il convient impérativement de laisser comme tels.

Un autre élément de simplification important est la mise en place d'un contrôle financier a posteriori qui libérera les chercheurs, et notamment les jeunes, des tâches administratives pour leur permettre de se consacrer pleinement à leurs travaux de recherche.

Enfin, il faut rappeler que le projet de loi n'est pas un projet de loi sur l'université. A ce titre, la réforme des universités dans le sens d'une autonomie accrue n'a pas à figurer dans le texte. C'est seulement dans les années à venir, au vu des résultats obtenus par les dispositifs qui vont se mettre en place, qu'une telle réforme pourra être envisagée.

M. Pierre Cohen a indiqué qu'il est depuis peu de temps membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et n'était pas informé des auditions du rapporteur auquel cas il y aurait volontiers participé - ayant suivi avec assiduité les auditions menées par M. Jean-Pierre Door dans le cadre des travaux de la mission d'information sur la recherche publique et privé en France face au défi international. De son côté le groupe socialiste a donc organisé des auditions.

Une première critique peut être portée au projet de loi : il arrive un peu tard. Dès 1999, à l'occasion du rapport remis par M. Jean-Yves Le Déaut au Premier ministre, alors M. Lionel Jospin, une loi d'orientation sur la recherche avait été réclamée. Depuis, des coupes claires ont été portées en 2003 et 2004 aux budgets de la recherche. Il faut donc se réjouir et féliciter les chercheurs d'avoir réussi, par leur mobilisation, à faire prendre conscience à la classe politique de l'importance de la recherche et de la nécessité d'en faire une priorité nationale.

Dans ce contexte, la copie du gouvernement est « adroite ». Adroite, au sens « d'habile » car, à défaut de traduire dans la loi les demandes des chercheurs exprimées lors des Etats généraux de Grenoble de l'automne 2004, le projet de loi en reprend la terminologie : Haut conseil, agence, pôles, évaluation, etc., et fait ainsi écho au débat qui s'est tenu plusieurs mois durant dans tout le pays. Mais le projet de loi est aussi « à droite », car il s'inscrit dans une perspective claire : inféoder la recherche à une volonté politique avec une orientation économique très marquée. Certes, il ne faut pas isoler la recherche dans sa tour d'ivoire. Depuis 1982 et la loi n° 82-610 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France, dite « loi Chevènement », seule la loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, dite « loi Allègre » est intervenue et encore n'a-t-elle fait qu'officialiser les évolutions du secteur sans permettre véritablement la rencontre entre la recherche et l'économie. Aujourd'hui, il est donc nécessaire de soutenir la recherche finalisée, les innovations technologiques, les incubateurs, etc. et de dégager les moyens du développement économique.

Financièrement, le projet de loi ne répond pas à l'urgence de la situation.

Si la progression des crédits est importante, elle ne fait en réalité que rattraper les retards engendrés par les coupes budgétaires de 2003 et 2004 et, en tout état de cause, ne permettra pas d'atteindre, en 2010, un engagement national en faveur de la recherche à hauteur de 3 % du produit intérieur brut, comme la France s'y est pourtant engagée auprès de ses partenaires européens, en 2000, au Conseil de Lisbonne.

Pour répondre à la situation actuelle, le projet de loi devrait déboucher sur une vraie loi de programmation. Il faudrait inscrire dans la loi l'extension jusqu'en 2010 des créations d'emplois proposées pour 2006 et 2007. Cette programmation est d'autant plus importante que des départs en retraite massifs se préparent étant donné la pyramide des âges dans le secteur de la recherche. En outre, un étudiant a besoin de perspectives d'emploi pour se lancer dans la recherche et il lui faut au moins huit années d'études pour devenir chercheur.

Si le Haut Conseil de la science et de la technologie est nécessaire, il faut toutefois préciser qu'il constitue une enceinte de débat entre la science et la société. Dans le même esprit, les députés membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques jugent nécessaire la tenue régulière d'un débat national sur les grandes orientations de la recherche.

En revanche, on ne peut que s'opposer radicalement à la logique qui préside à la création de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et nourrit les plus grandes craintes quant à la mise en place des pôles de recherche et s'enseignement supérieur (PRES).

Concernant l'ANR, sa mise en place dépasse de très loin une réorganisation du fonds de la recherche et de la technologie (FRT) et du fonds national de la science (FNS) auxquels elle succède, avec le danger pour les chercheurs qu'elle se borne à favoriser l'acquisition du savoir là où on considère qu'il en manque dans une logique de fléchage de la recherche, l'agence étant tentée d'affecter les crédits de recherche là où il existe des finalités économiques ou sociales. Or, si la France a réussi depuis plusieurs siècles à être porteuse de connaissances nouvelles, c'est justement parce qu'elle a su, hors de tout objectif ou de finalité prédéfinis, entretenir des recherches dans des domaines où il n'en existait pas. Il faut donc éviter que l'agence ne devienne une source hégémonique de distribution des moyens financiers de la recherche publique. Elle doit donner des orientations et laisser aux chercheurs le soin de produire librement des connaissances.

Par ailleurs et quoi qu'on en dise, le projet de loi concerne les universités par le biais de la création des PRES, lesquels ont une influence directe sur la gouvernance des universités. En réalité, il n'y a pas grand-chose de nouveau en matière de rapprochement des universités et des organismes de recherche. Celui-ci est en marche depuis longtemps puisque, aujourd'hui, 85 % des laboratoires de recherche sont intégrés aux universités et associent les organismes de recherche. Mais l'occasion a été ratée de réaliser une véritable synergie entre les différents acteurs de la recherche que sont l'État - dont la compétence et l'engagement financier doit être maintenu -, les régions - qui n'ont pas à elles seules les moyens de financer la production du savoir - et les universités. Les PRES thématiques, ou réseaux thématiques de recherche avancée, chers à la majorité actuelle, représentent un véritable danger car tous les moyens seront concentrés sur quatre ou cinq pôles d'excellence laissant les autres s'affaiblir et disparaître.

Mme Anne-Marie Comparini a déploré qu'après le formidable essor qu'il lui a été donné à partir de 1958 par le général de Gaulle, la recherche française se soit malheureusement caractérisée par un véritable immobilisme, particulièrement au cours des quinze dernières années. La France a donc besoin d'un nouvel élan pour développer une véritable culture de la recherche et de la valorisation de la connaissance. Il faut avoir à l'esprit que les emplois de demain sont dans les laboratoires d'aujourd'hui. Certes, les différentes auditions réalisées pour la préparation du projet de loi ont montré que, grâce au débat qui s'est instauré depuis 2003, la recherche est devenue une priorité nationale. Si le projet de loi ne répond pas à toutes les attentes exprimées, les pistes nouvelles évoquées par le rapporteur devraient permettre de l'améliorer et de compenser les déceptions qui se sont exprimées.

Il y a notamment deux grands points que les travaux parlementaires doivent améliorer.

Il faut tout d'abord renforcer la liberté et l'indépendance des scientifiques tant il est vrai que c'est souvent la recherche fondamentale, sans objectif précis, qui débouche sur les applications industrielles les plus importantes. La création de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ne doit donc pas signifier la fin de la liberté pour les chercheurs de développer des projets innovants. Elle ne doit pas non plus entraîner la diminution des crédits en direction de certains laboratoires. On peut citer l'exemple de la réduction des crédits pour le financement d'une animalerie qui se traduit par l'arrêt de projets de recherche menés en coopération avec cet établissement. Les nouvelles structures doivent donc veiller à ne pas mettre sous verre la liberté et l'indépendance des chercheurs, qui sont à la base des grandes découvertes.

Il faut également mieux définir le rôle du Haut conseil de la science et de la technologie et notamment son articulation avec l'ANR. Le rapporteur a indiqué qu'il devra avoir un rôle de conseil au plus haut niveau décisionnel, auprès du Président de la République. Mais il ne faut pas tomber dans le travers des États-Unis ou du Canada où, appuyés sur des conseils scientifiques, les agences font et défont les politiques de la recherche. On ne fait pas une loi sur la recherche pour le plaisir : elle doit véritablement devenir le canevas de travail des acteurs de la recherche qui la feront vivre. Si on veut que la communauté des chercheurs se mobilise en ce sens, il faut impérativement clarifier les missions des nouvelles structures mises en place par le projet de loi afin de les rendre plus lisibles ; c'est notamment le cas des PRES et de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), avec concernant cette dernière, une question qui reste pendante : comment va-t-elle articuler son action avec celle des structures d'évaluation existantes ?

On doit enfin regretter l'absence de dispositions dans le projet de loi sur le rôle des collectivités émergentes. L'Europe tout d'abord, est absente du projet de loi, lequel n'indique pas, au demeurant, comment la stratégie française pourra s'intégrer dans une dimension européenne. Les régions ensuite, même si leur budget n'est évidemment pas à la hauteur des moyens de l'État, devraient se voir reconnaître un rôle essentiel, notamment pour le rapprochement entre les laboratoires de recherche et les universités.

Il est d'ailleurs indispensable de revenir sur le mode d'organisation des universités et de mieux les soutenir financièrement. N'oublions pas que le Japon même en période de marasme économique continuait à investir massivement dans la recherche et les universités. Aujourd'hui en France, 80 % des laboratoires sont rattachés à des universités ce qui nécessite à l'évidence de réfléchir aux moyens d'optimiser leur mode de gouvernance et la forme d'autonomie qui doit leur être accordée. Enfin, la recherche ne peut vivre avec des programmes en dents de scie : une programmation financière pluriannuelle donnant de la lisibilité est indispensable.

M. Pierre Lasbordes a souligné que ce projet de loi est l'aboutissement d'une longue réflexion, chaque rapporteur budgétaire des crédits de la recherche ayant pu faire des suggestions de réforme qui ont été reprises dans le cadre de ce texte ; les chercheurs ont également été entendus tout comme les industriels.

Ce texte consacre le principe du contrôle a posteriori des travaux de recherche ce qui permettra de passer d'une culture de la défiance à une culture de la confiance car les chercheurs pourront librement mener leurs travaux sans devoir justifier au préalable de leur bien-fondé. Ce n'est qu'une fois les résultats publiés qu'un travail d'évaluation sera mené par un organisme indépendant.

Ce projet de loi doit être aussi salué pour les moyens financiers et humains accordés à la recherche : dès cette année, 3 000 postes de chercheurs vont être créés et l'effort financier conséquent déjà réalisé va être poursuivi. Il sera néanmoins nécessaire de s'assurer que la programmation budgétaire se fera bien en euros constants et non en euros courants.

Un des objectifs du projet de loi est aussi de favoriser le développement de la recherche privée. En la matière, la situation de la France est dégradée, notamment si on la compare aux autres pays européens, le déficit du nombre de chercheurs étant surtout patent dans les entreprises.

Il faut aussi se réjouir des mesures de simplification des démarches administratives relatives à la recherche, qui permettront aux chercheurs de consacrer plus de temps à leurs travaux scientifiques plutôt qu'à des tâches administratives.

Enfin, l'un des objectifs de ce projet de loi est de revaloriser le statut des jeunes chercheurs. En effet les étudiants répugnent aujourd'hui à s'orienter vers une carrière de chercheur en raison de l'absence de débouchés procurés par ces filières. La revalorisation des allocations de recherche, qui doit favoriser un accroissement du nombre d'étudiants inscrits en thèse, est donc très positive. Du travail reste néanmoins à faire pour faciliter l'intégration des docteurs dans les entreprises. De ce point de vue, il faut saluer l'engagement pris par les pouvoirs publics d'inciter les partenaires sociaux à ouvrir des négociations paritaires pour revaloriser les salaires des thésards commençant leur carrière dans le secteur privé.

Les critiques faites par l'opposition à l'encontre de l'Agence nationale de la recherche (ANR) ne sont pas recevables. Le démarrage des activités de l'agence a été très positif même si, dans l'avenir, il faudra veiller à une parfaite transparence dans l'affectation des crédits et le processus d'évaluation conduisant à retenir ou à rejeter un projet de recherche.

Mme Valérie Pecresse s'est félicitée de ce projet de loi qui donne une véritable perspective d'avenir à la recherche française alors que, jusqu'à présent, il n'existait aucune stratégie nationale dans le domaine. Il est aussi important que ce projet soit « eurocompatible », comme l'a souligné le rapporteur, et il est indispensable que la mobilisation des instances européennes, pour lancer des programmes de recherche communautaires, se renforce dans un proche avenir.

Ce projet de loi permettra une véritable programmation en euros constants des moyens affectés à la recherche, ce qui contribuera à redonner confiance à l'ensemble des chercheurs qui jusqu'à présent avaient beaucoup de mal à obtenir des moyens suffisants pour mener à bien leur travail. Notre pays doit sortir de sa « panne de science » et réussir à inciter des étudiants à choisir une carrière de chercheur. Ce projet de loi doit aussi être l'occasion de faire un pari sur la jeunesse. En ce sens, il est indispensable de revaloriser le statut de jeune chercheur.

Malgré les contraintes financières actuelles, notre pays a également compris qu'il faut se mobiliser en matière de recherche fondamentale et ne pas sacrifier les projets « blancs » au profit de la recherche finalisée. Mais, comme l'a souligné le rapporteur, le droit français doit aussi s'inspirer de la législation américaine, et notamment du Bayh-Dole act, afin de permettre une meilleure valorisation des résultats de la recherche fondamentale.

Enfin, il est nécessaire de rénover les mécanismes d'évaluation des travaux de recherche et de mettre en place des équipes européennes chargées d'évaluer les travaux de recherche de l'ensemble des équipes travaillant dans les états membres de l'Union européenne.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- Concernant la liberté des chercheurs, notamment dans le choix des thèmes de recherche, il est évident qu'elle doit être affirmée et garantie. Le projet de loi n'entend donc pas valoriser la recherche finalisée au détriment de la recherche fondamentale ; bien au contraire la recherche fondamentale doit être encouragée et il est essentiel que l'ANR puisse financer des projets « blancs ». Il faut reconnaître que la situation actuelle n'est pas satisfaisante car aujourd'hui un jeune chercheur porteur d'une idée nouvelle a peu de chances d'arriver à financer sa recherche. Seuls les chercheurs confirmés ayant une grande notoriété dans leur domaine peuvent avoir une chance de convaincre les financeurs d'attribuer des moyens à un projet de recherche qui paraît à première vue quelque peu iconoclaste. C'est pourquoi il convient de sanctuariser une partie des crédits de l'ANR pour engager des travaux de recherche dans des domaines qui a priori sont trop hasardeux pour mériter des moyens financiers.

- Si la recherche fondamentale est primordiale, la recherche technologique ou appliquée, ne doit pas être critiquée en tant que telle car elle est garante de l'emploi de demain dans des secteurs tels que la santé, la nutrition ou les télécommunications. Plus généralement, il faut rompre avec cette idée archaïque consistant à renvoyer dos à dos recherche fondamentale et recherche privée. L'Ecole supérieure de physique et de chimie industrielle de Paris, qui malgré son effectif réduit compte dans ses rangs deux prix Nobel et développe une intense activité de valorisation, est le meilleur exemple démontrant que ces deux types de recherche ne sont pas opposées mais bien complémentaires.

- Le risque, dénoncé par certains, d'un asservissement aux classements internationaux, très souvent restrictifs, ne doit pas masquer les réalités. Ainsi, il n'est pas possible d'ignorer que le classement des universités du monde établi par l'université de Shanghai, dans lequel la France est très mal placée, a notamment une conséquence directe sur le nombre d'étudiants étrangers qui choisissent de venir faire une spécialisation dans les centres de recherche universitaires français.

- S'agissant des sources ayant inspiré le projet de loi, elles sont multiples et s'appuient notamment sur les travaux de réflexion et les préconisations des chercheurs réunis en Etats généraux à Grenoble. Si le mouvement de contestation des chercheurs - qui a débuté en 2003 en raison de la diminution des postes statutaires accordés cette année-là à la recherche - a permis une prise de conscience, les problèmes rencontrés par le secteur sont en réalité beaucoup plus anciens, notre pays n'ayant pas consacré les moyens nécessaires à la modernisation de son dispositif de recherche. Il convient donc de revoir les modalités de financement de la recherche tant publique que privé et de favoriser une coopération entre ces deux secteurs, en bref de définir les moyens d'organiser le plus efficacement la recherche. Sur un sujet d'une telle importance, il est toutefois dommage de constater qu'il est impossible de dépasser les traditionnels clivages politiques et l'on ne peut que déplorer l'absence des commissaires de l'opposition lors des auditions préparatoires à l'examen du projet de loi ainsi que l'absence en commission des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.

- S'agissant du Haut conseil de la science et de la technologie, il faut en revenir à la pratique initiée par le général de Gaulle dans les années soixante qui avait permis une orientation stratégique des efforts de recherche. Placé auprès du Président de la République, ce Haut conseil devra donc proposer les grandes orientations de la recherche en intégrant les dimensions recherche publique et recherche privée.

- Concernant le développement des crédits sur projets, aux termes de la programmation prévue par le projet de loi, ceux-ci ne représenteront, en 2010, que 6 % de l'ensemble des crédits de recherche publique. Il n'y a donc pas lieu de craindre que l'ANR soit le seul décideur en matière de recherche fondamentale.

- Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) doivent être distingués des réseaux thématiques de recherche avancée. Les premiers sont des regroupements géographiques et pluridisciplinaires tandis que les seconds correspondent à une mise en réseau autour d'une thématique de recherche donnée. Il importe également de rappeler que les établissements existants seront libres de participer ou non aux PRES et aux réseaux et se détermineront selon le bénéfice qu'ils peuvent en retirer, en terme de notoriété internationale notamment. Le projet de loi amènera une évolution dans la gestion des universités notamment parce qu'il facilite les coopérations avec des laboratoires de recherche tant publics que privés. Cependant il n'est pas possible de traiter, dans ce projet de loi, de l'ensemble du problème de la gouvernance des universités et notamment de la question de leur autonomie. Il s'agit là d'un problème complexe qui ne peut être réglé par voie d'amendement dans un texte relatif à la recherche.

- Pour l'avenir de la recherche française, il est primordial d'attirer de nouveaux talents dans les carrières scientifiques. Actuellement les jeunes docteurs ont du mal à valoriser leurs recherches lorsqu'ils postulent dans le secteur privé. C'est pourquoi il est très important que les partenaires sociaux se réunissent rapidement et aboutissent à un accord pour que les conventions collectives intègrent les personnes titulaires d'un doctorat, lesquelles sont aujourd'hui défavorisées par rapport aux ingénieurs issus des grandes écoles.

- L' « eurocompatibilité » du texte est une préoccupation majeure du rapporteur traduite dans plusieurs amendements.

La commission est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

TITRE IER

DISPOSITIONS DE PROGRAMMATION

Avant l'article 1er

La commission a examiné un amendement de M. Alain Claeys articulant la gestion prévisionnelle des emplois autour d'un plan pluriannuel de recrutement.

M. Pierre Cohen a mis en regard la durée de formation d'une génération de chercheurs, qui s'étale entre huit et quinze ans, et les besoins d'un organisme comme le CNRS qui verra un grand nombre de ses chercheurs partir à la retraite entre 2008 et 2015. Il est donc nécessaire de disposer d'instruments de prévision pour anticiper ce type de phénomène et de développer l'intérêt des jeunes pour les filières scientifiques et, en particulier, pour les carrières de la recherche. On constate en effet une désaffection à l'égard des études scientifiques et des filières de recherche au bénéfice des études commerciales ou des études d'ingénieur, études plus courtes qui procurent plus d'emplois et avec de meilleurs salaires.

Le rapporteur a indiqué qu'il partage à la fois cette préoccupation et cette analyse. C'est la raison pour laquelle il a déposé après l'article 1er un amendement qui va dans le même sens d'une gestion prévisionnelle des emplois, dont le gouvernement rendrait compte dans le cadre de l'examen de la loi de finances. Au bénéfice de ces observations il a donné un avis défavorable à l'adoption de cet amendement.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Anne-Marie Comparini affirmant solennellement l'importance de la recherche, sous toutes ses formes, pour la France.

Le rapporteur a donné un avis défavorable à l'adoption de cet amendement au motif qu'il est purement déclaratif et donc dépourvu de portée normative.

La commission a rejeté l'amendement.

Article 1er : Programmation des moyens publics de la recherche

La commission a examiné un amendement présenté par Mme Anne-Marie Comparini tendant à faire figurer dans la loi l'engagement pris par la France, dans le cadre de l'espace européen de la recherche et des objectifs fixés par les Etats membres de l'Union lors du Conseil européen de Lisbonne (2000), de porter à 3 % du produit intérieur brut l'effort national de recherche à l'horizon 2010.

Le rapporteur a donné un avis défavorable à l'adoption de cet amendement après avoir indiqué que la France s'est d'ores et déjà engagée à respecter cet objectif auprès de ses partenaires européens. Cette décision s'est accompagnée d'une autre recommandation lors du Conseil européen de Barcelone (2002) qui décline l'objectif de 3 % de la façon suivante : 1 % pour la recherche publique et 2 % pour la recherche privée. Or la France consacre déjà près de 1 % de son produit intérieur brut au financement de la recherche : aussi adopter l'amendement pourrait paradoxalement aboutir à figer l'augmentation des ressources publiques allant à la recherche.

Après s'être interrogé sur l'origine de cette clef de répartition entre la recherche publique et la recherche privée, M.  Pierre Cohen a indiqué que si l'on ne prend en compte que les dépenses de recherche stricto sensu alors l'effort public est plus proche de 0,6 % que de 1 % du produit intérieur brut.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté successivement deux amendements présentés par le rapporteur, le premier, cosigné par Mme Anne-Marie Comparini, précisant que la programmation des moyens consacrés par l'Etat à la recherche doit s'entendre en euros constants, afin que l'augmentation des crédits ne soit pas réduite par l'inflation, le second de précision rédactionnelle.

La commission a examiné un amendement de M.  Frédéric Dutoit défendu par M. Pierre Cohen visant à garantir, pour l'avenir, le financement des organismes de recherche à leur niveau actuel, en valeur constante.

Le rapporteur a émis un avis défavorable à l'encontre de cet amendement au motif qu'il est déjà satisfait par la programmation, y compris pour la prise en compte de l'inflation, puisque la progression des crédits inscrits au titre de la mission « Recherche et enseignement supérieur », dont proviennent les crédits qui financent les organismes de recherche, excède les 2 % par an sur la période 2006-2010 et dépasse donc le taux moyen de l'inflation constaté ces dernières années.

Après que le rapporteur a rappelé que, de surcroît, les organismes sont également destinataires des crédits de l'Agence nationale de la recherche (ANR) - le CNRS en tête qui a recueilli 30 % des crédits de l'ANR en 2005 -, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté un amendement présenté par le rapporteur supprimant, pour le déplacer à la fin du texte, l'alinéa 4 de cet article relatif au dépôt par le gouvernement d'un rapport sur la mise en œuvre de la loi de programmation pour la recherche.

En conséquence un amendement de M.  Yves Durand portant sur cet alinéa est devenu sans objet.

À la demande du rapporteur, M. Pierre Lasbordes a retiré un amendement prévoyant la tenue d'un débat national sur les priorités et les orientations en matière de politique de recherche lors de l'examen par le Parlement des projets de loi portant règlement définitif des budgets 2006, 2007 et 2008.

Le rapporteur a estimé qu'il n'appartient pas à la loi de prévoir la tenue d'un tel débat. Il convient de laisser cette initiative à la communauté scientifique elle-même en liaison avec le Haut conseil de la science et de la technologie, dont le rôle est précisément de proposer des orientations et des priorités pour la politique nationale de recherche.

M.  Pierre Cohen a souligné que le Parlement doit aller au-delà du débat annuel sur les crédits de la recherche et de ceux conduits au sein de son Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M.  Georges Colombier, président, a rappelé que le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de préciser, dans une décision du 20 novembre 2003, qu' « il n'appartient pas au législateur d'imposer l'organisation d'un débat en séance publique » car une telle obligation pourrait faire obstacle aux prérogatives que le Gouvernement tient de la Constitution pour la fixation de l'ordre du jour.

Mme Anne-Marie Comparini a insisté sur l'intérêt d'un tel débat pour associer l'ensemble de la société aux orientations en matière de recherche.

Après que le rapporteur a indiqué que le lien entre science et société est par ailleurs assuré par le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT), M. Pierre Lasbordes a précisé que son amendement vise simplement à l'organisation d'un débat après le dépôt du rapport et que la formalisation d'un tel débat permet qu'il n'ait pas lieu dans la rue comme cela vient d'être le cas.

Puis, la commission a adopté trois amendements du rapporteur portant sur le tableau annexé : le premier visant à donner un titre au tableau ; le deuxième précisant que l'unité de compte du tableau est l'euro constant ; le troisième corrigeant une imprécision juridique.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Yvan Lachaud proposant d'accroître significativement les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » entre 2007 et 2010.

Après s'être félicitée de l'adoption de l'amendement du rapporteur visant à introduire la notion d'euros constants, Mme Anne-Marie Comparini a constaté que l'effort financier de la France en matière de recherche est en dent de scie et a fait remarquer que la France est l'un des rares pays au monde qui dépense plus, par élève, pour son enseignement secondaire que pour son enseignement supérieur. L'amendement tend à corriger cette malheureuse exception. Il permet aussi, et de manière implicite, de préciser que les financements sur projets individuels distribués par l'ANR sont complémentaires aux dotations de base des laboratoires et n'ont pas vocation à s'y substituer.

Le rapporteur a estimé que l'amendement tombe sous le coup de l'application de l'article 40 de la Constitution, et que la programmation budgétaire prévue par le projet de loi, sous la réserve qu'elle soit exprimée en euros constants, est satisfaisante. Il importe également de bien dissocier la réforme de la recherche portée par le présent texte et une éventuelle réforme de l'enseignement supérieur.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Après l'article 1er : État prévisionnel et indicatif, sur cinq ans, des recrutements de personnels dans la recherche publique

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à ce que le gouvernement présente chaque année, dans le cadre de la mission « Recherche et enseignement supérieur » un état prévisionnel et indicatif, sur cinq ans, des recrutements de personnels statutaires et non statutaires dans la recherche publique.

Mme Anne-Marie Comparini a demandé si cet état est « glissant » sur un rythme annuel. M. Pierre Cohen a relevé que la modification annuelle de l'état reviendrait à modifier continuellement la programmation pluriannuelle. M. Pierre Lasbordes a suggéré d'introduire la notion de « mise à jour » de l'état.

En réponse à ces interrogations, le rapporteur a expliqué que l'état est prévisionnel et évolutif, c'est-à-dire modifiable d'une année sur l'autre.

M. Jean Bardet a estimé qu'il est impossible de faire un plan sur cinq ans qui ne soit pas révisable et que la question posée par M. Pierre Cohen reste pertinente.

La commission a adopté l'amendement.

Après l'article 1er

La commission a examiné un amendement de M. Yvan Lachaud précisant que l'État concourt avec les collectivités territoriales au développement de la recherche.

Mme Anne-Marie Comparini a rappelé le rôle que peuvent jouer, localement, les collectivités territoriales dans l'accompagnement et le développement de la recherche, rôle à propos duquel le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT), dans son avis du 10 novembre 2005, déclarait : « le silence relatif aux collectivités territoriales n'est pas satisfaisant ». Il importe donc de reconnaître solennellement ce rôle en le précisant dans le projet de loi.

M. Pierre Cohen a remarqué que l'État et les régions développent des compétences différentes en matière de recherche : les régions souhaitent promouvoir leur développement économique tandis que l'État porte la responsabilité du soutien et de l'accroissement des connaissances. L'amendement proposé n'est pas opportun car, en ne précisant pas les rôles respectifs de chacun, il risque d'introduire une certaine confusion préjudiciable pour la recherche, l'Etat pouvant se décharger de ses responsabilités sur les collectivités territoriales et inversement.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, qui a rappelé que la contribution des collectivités territoriales à la recherche est d'ores et déjà organisée par le projet de loi dans le cadre des pôles de recherche et d'enseignement supérieur et qu'un amendement proposera d'étendre aux réseaux thématiques de recherche avancée, la commission a rejeté l'amendement.

TITRE II

L'ORGANISATION DE LA RECHERCHE

chapitre ier a

Du pilotage de la recherche

Article 2 A (nouveau) : Création d'un Haut conseil de la science et de la technologie

La commission a adopté deux amendements du rapporteur introduisant les dispositions relatives au Haut conseil de la science et de la technologie dans le code de la recherche.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Alain Claeys visant à ce que le Haut conseil de la science et de la technologie (HCST) éclaire non seulement les choix du Gouvernement, mais aussi ceux du Parlement, sur toutes les questions relatives aux grandes orientations de la nation en matière de recherche et de technologie.

M. Pierre Cohen a jugé essentiel que le débat parlementaire ne se limite pas à des données strictement budgétaires mais prenne également en compte les enjeux sociétaux que peut susciter la recherche : en effet, en la matière, les peurs et les craintes peuvent former un nouvel obscurantisme nourrissant un climat préjudiciable pour le développement des connaissances scientifiques. Par ailleurs, il a informé le président qu'il était dans l'obligation de devoir quitter la réunion et lui a demandé de bien vouloir considérer comme défendus les amendements présentés par les commissaires du groupe socialiste, ce que M. Georges Colombier, président, a accepté.

Après avoir rappelé que le Parlement est déjà doté d'un Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques compétent en la matière, le rapporteur a indiqué qu'il a déposé un amendement consacrant la publicité des travaux du Haut conseil, afin que le Parlement soit tenu informé de ces travaux sur lesquels il pourra ensuite s'appuyer pour légiférer.

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Yvan Lachaud relatif à la composition du Haut conseil de la science et de la technologie.

Mme Anne-Marie Comparini a considéré qu'il revient bien au Parlement de fixer la composition de ce Haut conseil. Les auditions conduites sur le texte ont démontré que les membres de cet organe doivent être compétents en matière de recherche et impliqués dans la vie scientifique et technique et doivent pouvoir se rendre disponibles pour conduire véritablement leur mission. La composition du Haut conseil devra également comporter une dimension européenne. Enfin, il serait bienvenu que le président du Haut conseil soit élu par ses pairs et non désigné.

Le rapporteur a d'abord indiqué qu'il a déposé un amendement visant à ce que le Haut conseil s'inscrive dans une dimension européenne. Pour le reste, les précisions apportées par l'amendement de Mme Anne-Marie Comparini relève du décret. Quant à la présidence du Haut conseil, elle sera exercée par le Président de la République : le président du Haut conseil ne peut donc pas être élu au sein de ses membres !

Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite adopté deux amendements du rapporteur : le premier visant à introduire la mention de « transfert de technologie » parmi les questions sur lesquelles le Haut conseil devra éclairer le pouvoir exécutif ; le second visant à ce que les recommandations du Haut conseil soient en cohérence avec les actions menées dans l'espace européen de la recherche.

Puis le rapporteur a retiré un amendement visant à ce que le Haut conseil dispose d'un droit d'autosaisine. Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté un amendement de M. Yvan Lachaud ayant le même objet.

La commission a ensuite examiné en discussion commune quatre amendements :

- le premier, présenté par le rapporteur, visant à ce que le Haut conseil publie chaque année un rapport faisant état de ses travaux et de ses recommandations ;

- le deuxième, présenté par M. Yvan Lachaud, visant à ce que les avis et le rapport d'activité annuel du Haut conseil soient rendus publics ;

- le troisième, présenté par M. Alain Claeys, visant à ce que le Haut conseil dispose d'un droit d'autosaisine, qu'il établisse un rapport annuel d'activité remis au Président de la République et au Parlement ainsi que des avis rendus publics et qu'il puisse saisir le Comité consultatif national d'éthique ;

- le quatrième, présenté par M. Pierre Lasbordes, visant à ce que le Haut conseil dispose d'un droit d'autosaisine et que ses rapports soient publics.

M. Alain Claeys a jugé indispensable que le Haut conseil puisse saisir le Comité consultatif national d'éthique.

Le rapporteur a considéré que la multiplication des structures visant à préserver le principe de précaution ne doit pas conduire à négliger le « principe de progrès » selon une formule très juste employée par le président de l'Académie des sciences, M. Edouard Brézin, dans un article paru dans La Tribune du 20 février.

Tout en convenant de la pertinence de cette remarque, M. Alain Claeys a toutefois souligné que l'empressement actuel à faire respecter le principe de précaution s'explique par le fait que les politiques ont parfois manqué au principe de prévention.

Mme Anne-Marie Comparini a jugé indispensable que le rapport annuel d'activité du Haut conseil soit rendu public.

M. Georges Colombier, président, a souligné que l'amendement du rapporteur satisfaisait cette demande.

M. Jean Bardet s'est ensuite interrogé sur la nécessité de préciser dans la loi la possibilité de saisir le Comité consultatif national d'éthique, estimant que ce droit est reconnu à tous. M. Alain Claeys a indiqué ne pas partager cette interprétation.

Le rapporteur a accepté de rectifier son amendement afin d'autoriser le Haut conseil à consulter le Comité national consultatif d'éthique. En conséquence, M. Alain Claeys a retiré son amendement.

Puis la commission a adopté l'amendement du rapporteur ainsi rectifié.

En conséquence, les amendements de M. Lachaud et M. Lasbordes sont devenus sans objet.

Tout en regrettant toutefois la position de principe prise par le rapporteur quant aux amendements relatifs à la composition du Haut conseil de la science et de la technologie, M. Pierre Lasbordes a retiré un amendement précisant que la composition de cette instance est représentative de la diversité de la recherche et du monde socio-économique, le rapporteur ayant précisé qu'une telle composition, très large, convient mieux aux mission exercées par le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT).

Mme Anne-Marie Comparini a également regretté que le législateur ne puisse intervenir dans la définition de la composition du Haut conseil. Puis, elle a présenté un amendement définissant les missions du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT), lui donnant pour rôle d'assurer le dialogue, le partage de l'information et l'analyse des attentes sociales et économiques au regard de la science. La perception de la science dans l'opinion se dégrade et qu'une politique de communication doit donc être développée.

Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission a adopté l'amendement à l'unanimité.

La commission a adopté l'article 2 A (nouveau) ainsi modifié.

Article 2 B (nouveau): Politique de la recherche en direction des pays en voie de développement

La commission a adopté un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur, puis l'article 2 B (nouveau) ainsi modifié.

Après l'article 2 B (nouveau)

M. Bernard Perrut a présenté un amendement habilitant les collectivités territoriales, d'une part, à entreprendre et financer librement des programmes de recherche en lien avec leurs compétences et, d'autre part, à soutenir de tels programmes en se constituant membres de groupements de recherche. Associant M. Christian Philip à cet amendement, il a souligné l'implication des collectivités territoriales, et en particulier des régions, dans les activités de recherche et rappelé les problèmes d'interprétation que pose la législation actuelle lorsque ces collectivités veulent intervenir en la matière. Le présent amendement permettrait donc de clarifier la situation.

M. Alain Claeys a considéré que l'amendement soulève un problème de fond et doit donc être envisagé avec réserve. Il convient d'éviter aussi bien l'écueil de l'étatisation de la recherche que celui de sa régionalisation, laquelle serait une catastrophe ; la bonne organisation consiste à donner à l'État la mission de définir les grandes orientations et d'assurer un rôle prépondérant dans le financement de la recherche, tandis que la mise en œuvre des orientations est effectuée au niveau des établissements et des territoires. A cet égard, l'amendement proposé présente également l'inconvénient de ne pas traiter de la question de l'organisation territoriale de la recherche, qui est pourtant essentielle. Au point qu'il pourrait conduire à une fragmentation de la recherche française qui ne permettrait plus à nos chercheurs d'être retenus dans le cadre des appels d'offres européens et consacrerait leur disqualification sur la scène internationale. En conclusion, la mesure proposée est une fausse bonne idée : les conseils régionaux peuvent naturellement participer au financement de la recherche, mais pas en déterminer les programmes.

Mme Anne-Marie Comparini a soutenu l'amendement, tout en estimant qu'il va un peu trop loin car il n'appartient pas aux régions de définir les programmes de recherche. Il ne faut pas perdre de vue que le rôle des régions, mais aussi des communautés d'agglomération, dans le financement des pôles de compétitivité est réel. Il convient donc de le reconnaître. L'acte II de la décentralisation a été à cet égard bien décevant, notamment son examen devant le Sénat, où certains ont rejoué l'échec de la régionalisation de 1969.

Afin d'illustrer ses craintes, M. Alain Claeys a pris l'exemple de la ville de Poitiers. L'université locale a développé une compétence dans l'aéronautique, mais ses moyens restent évidemment très en deçà de ceux de Toulouse par exemple. Si le conseil régional de Poitou-Charentes développait une politique de l'aéronautique sans coordination avec ce qui se fait à Toulouse, ce serait absurde et aboutirait à une gabegie. Dans le souci d'optimiser l'utilisation des fonds publics, la coordination et la mise en réseaux doivent donc être privilégiées ; c'est l'objet des PRES, qui sont une bonne idée. Toutefois, avec la multiplication des pôles - notamment les pôles de compétitivité, au demeurant trop nombreux - il faut prendre garde au risque de parcellisation de la recherche.

M. Pierre-Louis Fagniez a déclaré comprendre l'esprit de l'amendement, mais ne pouvoir le soutenir : les collectivités territoriales peuvent bien entendu participer au financement de la recherche mais n'ont pas à en déterminer les orientations.

Mme Anne-Marie Comparini a rappelé que lorsqu'elle avait décidé, en tant que présidente du conseil régional de Rhône-Alpes, de développer un pôle de nanotechnologies à Grenoble, elle n'avait évidemment pas pris seule cette décision mais en concertation avec les autorités scientifiques et les dirigeants des grands établissements publics. Les craintes quant à ce que pourraient être les choix non concertés de tel ou tel président de conseil régional paraissent donc infondées.

M. Pierre Cohen a observé qu'il faudrait mieux distinguer les compétences en matière de recherche et en matière de technologie. Il est regrettable que le débat sur la décentralisation n'ait pas permis de clarifier cette question et d'affirmer une compétence des régions en matière de technologie, ce qui aurait été plus clair.

M. Jean Bardet a relevé que l'amendement utilise le verbe « pouvoir », et institue donc seulement des compétences facultatives pour les collectivités territoriales. Il n'y a donc aucune raison de s'y opposer.

Le rapporteur a souhaité rappeler l'architecture institutionnelle proposée par le projet de loi, qui est claire : d'une part, le Haut conseil de la science et de la technologie, l'Agence nationale de la recherche (ANR) et les établissements publics nationaux assurent la cohérence de l'ensemble tandis que, d'autre part, les PRES et les réseaux thématiques de recherche avancée permettent la coordination des opérateurs au niveau du terrain. Au demeurant, et comme cela a déjà été dit, les collectivités territoriales peuvent être associées aux PRES et un amendement ultérieur permettra également de les associer, lorsqu'elles le souhaitent, aux réseaux thématiques de recherche avancée. En conséquence, l'amendement de M. Bernard Perrut n'apporte pas de réelle clarification juridique.

M. Alain Claeys a toutefois estimé que le projet de loi n'est pas si clair et ajoute, en créant de nouvelles structures juridiques et de nouvelles formes de coopération, de la complexité à un système déjà complexe. Par exemple, on peut se demander quelle est l'incidence de la mise en place des PRES sur la gouvernance des universités et, en poursuivant le raisonnement, on peut craindre que cette complexité ne conduise à une déresponsabilisation des acteurs.

La commission a rejeté l'amendement.

chapitre ier

La coopération entre les acteurs de la recherche

Article 2 : Les structures de coopération entre les acteurs de la recherche

Mme Anne-Marie Comparini a présenté un amendement habilitant les universités à procéder à une expérimentation en matière de gouvernance afin de devenir des universités de plein exercice. Si les PRES constituent un pas intéressant en matière de gouvernance, il serait également utile de mettre en œuvre, s'agissant des universités, le principe d'expérimentation qui est l'un des acquis de l'acte II de la décentralisation. Dans son rapport de 2005, la Cour des comptes a d'ailleurs appelé à franchir rapidement les étapes préalables à cette pleine autonomie des universités. Cette formule est particulièrement pertinente car il convient effectivement d'expérimenter et d'évaluer avant de passer à une réforme de fond.

M. Alain Claeys a estimé qu'il est impossible, dans un projet de loi qui a fait le choix de ne pas traiter des universités, d'aborder la question au détour d'un amendement. Par ailleurs, il a indiqué que la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances (MEC) lui a confié, ainsi qu'à M. Michel Bouvard, un travail consécutif au rapport de la Cour des comptes et il convient d'en attendre les enseignements.

Au demeurant, la portée de l'amendement paraît incertaine car l'autonomie des universités est déjà affirmée dans le code de l'éducation ; les universités françaises jouissent de l'autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière. Par ailleurs, l'appel à l'expérimentation devrait être précisé : dans quelles matières s'agit-il d'expérimenter, budgétaire, institutionnelle, programmatique ? S'agit-il par exemple d'inviter les universités à rechercher plus de financements propres contractuels ? Mais alors, se pose la question de l'évaluation, encore très insuffisante. S'agit-il de leur transférer le patrimoine détenu par l'Etat ? Une telle mesure nécessiterait évidemment une mise à plat préalable. Et que veut-on faire en matière de ressources humaines ou de relations avec les unités de formation et de recherche (UFR) ? Bref, il n'est pas raisonnable d'appeler à l'expérimentation sans plus de précision.

Le rapporteur a déclaré attendre avec intérêt les conclusions de la MEC et adhérer à 99 % aux propos de M. Alain Claeys, mais ne pas partager son opinion sur l'autonomie des universités. Cela dit, en l'état, l'amendement n'est pas satisfaisant.

La commission a rejeté l'amendement.

La commission a ensuite examiné deux amendements identiques de Mme Anne-Marie Comparini et de M. Yves Durand de suppression de l'alinéa 9 créant les réseaux thématiques de recherche avancée.

Tout en jugeant nécessaire de développer des coopérations en réseau dans le contexte actuel de la recherche, M. Pierre Cohen a fait part de ses vives inquiétudes concernant la création de pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) thématiques.

Le rapporteur a rappelé que l'article prévoit de créer des réseaux thématiques de recherche avancée et non pas des « PRES thématiques ».

M. Pierre Cohen a néanmoins jugé ambiguës les dispositions prévues par cet article. De deux choses l'une : soit il s'agit de créer des réseaux disposant d'une compétence thématique et, de fait, ils existent déjà ; soit il s'agit de donner davantage de moyens à des réseaux, conçus sur le mode des pôles de compétitivité, c'est-à-dire disposant de personnels propres, de crédits fléchés et dont les travaux s'inscriraient dans le cadre des projets initiés par l'Agence nationale de la recherche (ANR), et le risque est grand de stériliser des pans entiers de la recherche en n'encourageant la recherche que dans les domaines où elle est aisément valorisable. C'est d'ailleurs pourquoi la communauté scientifique est extrêmement réservée sur les formes de coopération introduites par la loi et plus particulièrement sur la notion de réseaux thématiques.

Mme Anne-Marie Comparini a expliqué que la suppression des réseaux thématiques de recherche avancée s'inscrit dans le prolongement des observations formulées notamment par le président de l'Académie nationale des sciences, M. Edouard Brézin, et répond à un double objectif de lisibilité et de simplicité. En effet, pourquoi multiplier les différentes formes de structures juridiques visant à favoriser le travail en réseau, alors que le PRES permet précisément de répondre à cet objectif ?

S'agissant de l'acquisition des connaissances et de leur application, ou de la distinction entre recherche fondamentale et application de la recherche, le rapporteur a indiqué qu'il avait répondu de manière approfondie à cette question au cours de la discussion générale, et a rappelé l'exemple éclairant de l'Ecole supérieure de physique et de chimie industrielle de Paris, qui parvient à fertiliser mutuellement ces deux types de recherche, et dont il conviendrait de s'inspirer.

Pour le reste, le dispositif prévu par le projet de loi traduit une vision simple qui semble de nature à répondre aux préoccupations exprimées par les auteurs des amendements. Les PRES sont une forme de regroupement intégrant une dimension territoriale ; ils visent à mettre en commun tous les moyens nécessaires au renforcement des activités de recherche dans une logique d'acquisition des connaissances. A la suite des observations du Conseil d'Etat, la notion de « campus », figurant dans l'avant-projet de loi, a été supprimée du texte déposé au Parlement. Il n'en reste pas moins que le besoin auquel ils répondaient - le regroupement des acteurs de la recherche autour d'une thématique donnée dans une logique d'excellence - demeure. Désireux de ne pas abandonner un outil qu'ils ont jugé utile, mais ne souhaitant pas réutiliser un terme dont la signification géographique était de nature à créer un risque de confusion, les sénateurs ont donc introduit la notion de réseaux thématiques de recherche avancée.

M. Pierre Cohen a souhaité savoir si ces réseaux allaient comporter une structuration formelle.

Après avoir répondu par l'affirmative, précisant que cette structuration prendrait la forme d'une fondation de coopération scientifique, le rapporteur a émis un avis défavorable aux amendements.

M. Alain Claeys a déclaré s'opposer à ces dispositions qui ouvrent la possibilité de créer des fondations et soulèvent un réel problème de fond, dans la mesure où il concerne l'ensemble des universités. En effet, les activités confiées aux fondations ne seraient plus gérées par celles-ci, ce qui semble très dangereux au niveau local. C'est pourquoi une grande partie de la communauté scientifique s'oppose à cette mesure, et non pour des raisons idéologiques. Les pôles d'excellence risquent en effet de se séparer des universités moyennes, ce qui semble en totale contradiction avec les orientations annoncées par ailleurs par le gouvernement concernant le fonctionnement du système universitaire français.

Le rapporteur a répondu que l'objectif du réseau thématique est de permettre aux universités et aux organismes de recherche de conduire ensemble des projets sur des domaines de recherche précis. Le réseau vient ainsi en complément des PRES, qui s'inscrivent dans une logique généraliste et de site. Surtout, il convient de souligner le souhait exprimé à de nombreuses reprises par les chercheurs, notamment au cours des auditions préparatoires à l'examen du projet de loi, de voir leur liberté reconnue et les entraves mis actuellement à la mise en commun de leurs compétences supprimées. C'est d'ailleurs tout l'intérêt des réseaux thématiques qui, comme les PRES, peuvent s'ouvrir à d'autres organismes de recherche, notamment européens. Un exemple illustre bien les contours que pourront prendre les futurs réseaux thématiques : il s'agit d'un réseau consacré à l'épilepsie de l'enfant qui réunit actuellement des neurologues et physiologistes du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et des universités qui ensemble, et librement, ont décidé de mettre en commun leurs travaux.

M. Pierre Cohen a jugé important d'avoir toutes les précisions nécessaires sur cet article dans la mesure où il soulève un nombre important d'interrogations et d'inquiétudes. Il a notamment souhaité avoir une réponse à la question suivante : dans le cas où un réseau thématique est constitué, les chercheurs, désireux, comme cela a été évoqué par le rapporteur, de voir leur liberté accrue, pourront-ils directement recevoir un soutien financier pour leurs travaux au niveau du réseau, ce qui risque, en conséquence, de dessaisir les universités de ces compétences et de ces moyens ?

Le rapporteur a expliqué que les universités conservent leurs compétences actuelles. Concernant les structures de coopération, elles déterminent elles-mêmes si oui ou non elles souhaitent y participer et fixent elles-mêmes les modalités de leur participation.

M. Pierre Cohen s'est interrogé sur la structure qui bénéficierait des soutiens apportés à la recherche en termes d'emplois et de crédits budgétaires.

Le rapporteur a indiqué qu'il appartiendra aux établissements de décider mais que les réseaux thématiques pourront s'ils le souhaitent demander un soutien financier auprès de l'ANR.

M. Alain Claeys a estimé que cet article dissimule en réalité une réforme de la gouvernance des universités qui ne dit pas son nom. On peut d'ailleurs s'interroger sur la réalité de la liberté dont bénéficieront effectivement les chercheurs et à laquelle ils aspirent aujourd'hui, dans la mesure où, pour obtenir des financements, ils auront à répondre aux appels d'offre de nombreux organismes. Surtout, cet article institue « par la bande » des fondations comme mode de gouvernance, ce qui présente un risque important de démantèlement des universités. Les crédits budgétaires risquent en effet d'être attribués prioritairement à ces fondations. Il serait enfin souhaitable que le rapporteur s'assure que les PRES disposent bien de toutes les compétences qui ont été évoquées.

Le rapporteur a répondu qu'il s'agit de favoriser le travail en commun des chercheurs au niveau local, en rappelant que les universités pourront participer aux PRES, selon des modalités qu'elles détermineront elles-mêmes.

M. Alain Claeys a fait part de ses réserves concernant ce dernier point.

La commission a ensuite rejeté les amendements.

Puis, la commission a examiné un amendement du rapporteur prévoyant que d'autres partenaires, en particulier des entreprises, des collectivités territoriales et des associations puissent être associés au réseau thématique de recherche avancée, sur le modèle de ce que le projet de loi met en place pour les PRES.

M. Alain Claeys a considéré cette mesure comme susceptible de « mettre le feu » dans les universités. M. Pierre Cohen a abondé dans le même sens soulignant le risque qu'il y a, en adoptant une telle disposition, de se couper des universités en allant à l'encontre de leurs préoccupations.

Le rapporteur s'est dit au contraire sensible à ces préoccupations, auxquelles d'ailleurs l'amendement répond précisément. L'exemple du réseau sur l'épilepsie de l'enfant déjà évoqué, ou plus généralement l'exemple de la recherche clinique, montre combien dans ce cas des entreprises peuvent contribuer au financement de la recherche pour leur profit et celui des établissements publics avec lesquels elles collaborent.

M. Pierre Cohen a précisé que le débat ne porte pas sur la question des financements mais bien sur celle de la structuration des partenariats. Or la structuration proposée par l'amendement est dangereuse.

Le rapporteur a considéré qu'il ne faut pas raisonner en terme de structure mais de réseau.

M. Pierre Cohen s'est interrogé sur la situation dans laquelle une entreprise serait majoritaire au sein d'un réseau thématique de recherche avancée.

M. Alain Claeys a rappelé que l'audition du premier vice-président de la conférence des présidents d'université (CPU), M. Yannick Vallée, a montré qu'il n'est pas hostile au projet de loi dans son ensemble mais est opposé à cette mesure en particulier. Que des entreprises ou des collectivités territoriales puissent financer des recherches menées par des laboratoires publics, cela relève de l'évidence et ce n'est pas ce qui est en cause dans le présent débat. Mais évoquer la participation des entreprises, des associations ou des collectivités territoriales à ces réseaux, sans dire ce qu'il en est de la représentation universitaire, cela semble pour le moins problématique.

Le rapporteur a estimé qu'il s'agit d'une présentation biaisée du débat. Il convient en effet de garder à l'esprit que le réseau peut être créé sous la forme d'une fondation de coopération scientifique ; cela ne constitue pas une obligation pour l'université.

M. Alain Claeys s'est interrogé sur les conditions dans lesquelles une structure universitaire serait dirigée, s'agissant tant de sa stratégie que de son budget, si elle prenait la forme d'une fondation.

Le rapporteur a précisé qu'il s'agit de s'inscrire dans le cadre d'un travail portant sur un thème précis, travail pour lequel s'associeraient l'université et des organismes de recherche tels l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) ou le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et, pourquoi pas, certaines entreprises. Il faut reconnaître la réalité. Certaines expériences de ce type ont d'ores et déjà été menées avec succès, comme le montre l'exemple de réalisations scientifiques et médicales pour lutter contre le cancer de la prostate, qui ont uni, à cette occasion déterminée, l'université de Lyon, l'INSERM et la société Technomed : à aucun moment, le conseil d'administration de l'université de Lyon I n'a émis le moindre avis défavorable au développement d'une telle expérience. Celle-ci a permis un financement important au profit de l'INSERM.

M. Alain Claeys a insisté sur le fait qu'il est évidemment heureux qu'un laboratoire puisse recevoir des crédits émanant de sociétés privées pour mener à bien des programmes de recherche. Mais le problème de la gouvernance universitaire, en jeu dans le présent débat, est autrement explosif.

La commission a adopté l'amendement.

*

Informations relatives à la commission

La commission a désigné les membres d'une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi pour l'égalité des chances :

Titulaires

Suppléants

M. Jean-Michel Dubernard (UMP)

M. Michel Heinrich (UMP)

M. Laurent Hénart (UMP)

M. Denis Jacquat (UMP)

M. Alain Joyandet (UMP)

M. Bernard Perrut (UMP)

Mme Valérie Pécresse (UMP)

Mme Irène Tharin (UMP)

M. Dominique Tian (UMP)

M. Francis Vercamer (UDF)

M. Yves Durand (Soc.)

M. Christian Paul (Soc.)

M. Gaëtan Gorce (Soc.)

Pas de candidat désigné (CR)

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a désigné M. Jean-Michel Dubernard rapporteur sur la proposition de résolution sur le 7e programme-cadre de recherche et de développement des Communautés européennes.


© Assemblée nationale