COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 61

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 7 juin 2006
(Séance de 16 heures 15)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition, ouverte à la presse, de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le socle commun de connaissances et de compétences



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- Informations relatives à la commission

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La commission a procédé à l'audition de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le socle commun de connaissances et de compétences.

Après avoir souhaité la bienvenue à M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et l'avoir remercié d'être venu devant la commission, le président Jean-Michel Dubernard a déclaré que l'école est à un tournant de son histoire. Face à la massification scolaire et à la diversification de la société, le pays a un urgent besoin de relancer la réussite scolaire de tous et de donner un réel contenu à l'égalité des chances. C'est pourquoi il est juste de dire que la définition du socle commun des connaissances et des compétences constitue un acte refondateur de l'enseignement obligatoire.

Les engagements et le calendrier ont été respectés et il faut, s'agissant d'une question si sensible, s'en féliciter. Après un large débat national sur l'éducation, dont les conclusions préconisaient l'instauration d'un socle commun, la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme a fixé les grandes orientations de ce socle, puis le Haut Conseil de l'éducation a rendu son avis, et l'actuel projet de décret prolonge ce fructueux travail en déclinant concrètement les grands principes dégagés.

L'Assemblée nationale n'est pas restée passive tout au long de ce processus puisque, outre les longs débats qui ont précédé le vote de la loi, deux missions d'information, l'une sur la définition des savoirs enseignés à l'école, présidée par M. Pierre-André Périssol, et l'autre, achevée tout récemment, sur l'enseignement des disciplines scientifiques dans le primaire et le secondaire, présidée par M. Jean-Marie Rolland, ont permis de mieux cerner les problèmes liés à l'enseignement scolaire et de rappeler que la réussite de toute réforme passe par les méthodes d'enseignement, la formation et la motivation des enseignants.

Ce long cheminement a permis de dégager un véritable consensus autour du principe d'un socle commun de connaissances, auquel la plupart des acteurs de l'école se sont ralliés et qui existe déjà dans plusieurs autres pays européens. Faire réussir tous les élèves ne signifie pas que tous doivent entrer à l'Ecole polytechnique ou à HEC, mais que chacun doit acquérir les savoirs et les repères indispensables pour construire sa vie professionnelle et sa vie de citoyen.

L'acquisition du socle ne repose plus seulement sur la réussite des élèves à l'école élémentaire, mais devient l'objectif du collège. Dès lors, le ministre peut-il assurer à la représentation nationale que les élèves qui opteront pour l'apprentissage junior dès quatorze ans et pour un contrat d'apprentissage à quinze ans auront les mêmes possibilités que les autres d'acquérir ce socle, et préciser quels sont les moyens mis en œuvre dans ce but ?

À la lecture de l'avis du Haut Conseil, on comprend, puisque chaque compétence requiert la contribution de plusieurs disciplines, que la réussite de l'opération passe par un réel travail en équipe des enseignants et le développement de la pluridisciplinarité, ce qui exige de revoir au minimum leur formation initiale et continue. La redéfinition des missions de l'école obligatoire ira-t-elle de pair avec l'atténuation du clivage disciplinaire ?

Il est important de savoir quels enseignants seront chargés d'enseigner au collège les techniques de l'information et de la communication, qui sont un des piliers du socle, et quels enseignants seront chargés d'enseigner les langues étrangères à l'école primaire ?

Quand et comment, par ailleurs, la maîtrise par chaque élève des connaissances et des compétences définies dans le socle sera-t-elle évaluée, et quelles solutions seront proposées à ceux qui ne satisferont pas à l'évaluation ?

S'agissant du contenu même des connaissances et des compétences, l'acquisition des compétences sociales et civiques et le développement de l'autonomie et de l'esprit d'initiative des élèves sont érigés en missions essentielles de l'enseignement obligatoire, ce qui suppose la capacité des établissements à susciter chez les élèves un fort sentiment d'appartenance à leur école. Est-ce le sens que le gouvernement entend donner à cette nouvelle ambition éducative et, si oui, à travers quels types d'activités et d'exercices ?

Une recommandation du Haut Conseil indique que l'éducation physique et sportive, ainsi que l'éducation artistique et culturelle, doivent contribuer à l'acquisition des diverses compétences définies dans le socle. Comment ces enseignements s'articuleront-ils ?

Comment, d'autre part, s'opérera le lien entre le socle commun de connaissances et de compétences et les programmes des différentes matières enseignées, notamment au collège ? N'y a-t-il pas un risque d'alourdir des programmes déjà très chargés ? Le risque inverse consisterait à réduire la scolarité obligatoire, pour les élèves en difficulté, à l'acquisition des fondamentaux - « lire, écrire, compter ». Comment éviter cet écueil ?

Enfin, le socle pourra-t-il entrer en application, dans toutes ses composantes et à la fois dans le primaire et au collège dès la prochaine rentrée scolaire ? Dans le cas contraire, quel est le calendrier envisagé ?

M. Frédéric Reiss s'est réjoui de cette occasion de faire le point du processus après l'avis du Haut Conseil de l'éducation et de l'ajout dans le projet de décret, sur la recommandation du Haut Conseil, des points 6 (« acquisition de compétences sociales et civiques ») et 7 (« accession à l'autonomie et l'acquisition de l'esprit d'initiative »).

La lecture du projet de décret permet de constater que la crainte, exprimée par les enseignants de certaines disciplines - comme l'éducation physique et sportive, les enseignements artistiques ou les langues régionales - que celles-ci soient dévalorisées parce que non mentionnées en tant que telles dans le socle, n'avait pas lieu d'être : il est bien spécifié, en effet, que l'acquisition des compétences du socle se fait dans toutes les matières, aussi bien à l'école élémentaire qu'au collège. Il est bon, cela dit, que l'accent soit davantage mis que par le passé, sur la maîtrise de la langue française avec des évaluations en orthographe et en grammaire, et ce dès les petites classes.

Mme Muriel Marland-Militello, après avoir observé qu'il avait beaucoup été question du contenu du socle, a posé la question des méthodes : si celles-ci devaient être rébarbatives, réactionnaires, inadaptées ou si la nécessaire transversalité des disciplines était ignorée, l'acquisition des connaissances et des compétences ne se ferait pas correctement. L'enseignement des matières artistiques doit être un moment privilégié pour appliquer cette transversalité.

M. Pierre-André Périssol a dit sa satisfaction que les recommandations du Haut Conseil de l'éducation, qui recoupent pour l'essentiel les préconisations de la mission d'information sur la définition des savoirs enseignés à l'école, aient été reprises et que le ministre ait ajouté les compétences sociales et civiques, ainsi que l'autonomie et l'esprit d'initiative.

On aurait cependant pu espérer une affirmation plus claire de l'importance des capacités d'observation et d'écoute, comme c'est le cas dans d'autres pays. Un bon moyen, d'autre part, de revaloriser la voie professionnelle aurait été - et un consensus s'était d'ailleurs dégagé sur cette idée au sein de la mission - de faire mention expresse d'un enseignement du « travail manuel » ; ce signal fort aurait permis de lui redonner ses lettres de noblesse aux yeux des enseignants, des élèves et des parents. On peut observer également que le Haut Conseil avait recommandé que le socle soit décrit et rédigé de façon compréhensible par tous, et que cet objectif, malgré de louables efforts, n'est pas entièrement atteint...

S'agissant de la mise en œuvre du socle, une question essentielle est de savoir si l'évaluation sera modifiée de façon à faire davantage place à des formes d'intelligence plus pratiques, plus techniques, plus manuelles ; si tel n'était pas le cas, les beaux principes affichés resteraient lettre morte. Il en serait de même si le statut des enseignements non inclus dans le socle n'était pas défini, puisque l'enseignement obligatoire, aux termes mêmes du projet de décret, ne se réduit pas au socle.

Pour que le socle soit maîtrisé par 100 % des élèves, quels que soient leurs talents, leurs capacités et leurs rythmes d'acquisition, il importe que l'organisation du temps scolaire et celle de la classe soient revues de façon à permettre la personnalisation et l'individualisation des apprentissages, présentées par ailleurs comme étant une condition de l'acquisition du socle. Quelles dispositions seront prises à cet effet ?

Pour s'assurer que le socle sera bien partagé par tous, il aurait fallu associer davantage à son élaboration ceux qui auront à le mettre en œuvre. Or, sans mettre en cause la compétence des rédacteurs du projet de décret, on peut regretter que les représentants des enseignants et des parents d'élèves n'aient pas été davantage consultés, au-delà du vote qui aura lieu au sein du Conseil supérieur de l'éducation.

En conclusion, M. Pierre-André Périssol a rappelé qu'il avait demandé, à l'occasion de la présentation par le ministre de son projet de budget à l'automne 2005, que la représentation nationale soit associée à la définition du socle plus solennellement que par une simple audition par la commission compétente. Il est certes traditionnel que les ministres de l'éducation nationale se méfient du Parlement, mais en l'occurrence, l'unanimité qui s'était dégagée au sein de la mission d'information sur la définition des savoirs enseignés à l'école permettait d'espérer que serait donnée à ce texte fondateur une légitimité démocratique plus forte. Cela dit, l'appréciation qu'il convient de porter sur le projet de décret est très positive.

M. Jean-Marie Rolland a rappelé que, selon le rapport de la mission d'information sur les enseignements scientifiques, il faut se fixer des objectifs quantitatifs et qualitatifs si l'on veut que la France reste capable de former les scientifiques, ingénieurs et techniciens dont elle a besoin. Le socle commun de connaissances et de compétences est donc une idée précieuse, mais il faut surtout se pencher sur les méthodes d'enseignement et sur la formation, initiale et continue, des enseignants, car le contenu du socle commun dans les matières scientifiques pose moins problème - il y a consensus sur la nécessité d'un bagage scientifique dès le primaire - que l'évaluation des différentes méthodes et des résultats obtenus par rapport aux autres pays développés.

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a remercié le président Jean-Michel Dubernard de lui donner l'occasion d'exposer un sujet essentiel pour l'avenir de l'éducation nationale. Il s'agit bien, le mot n'est pas trop fort, d'un moment historique : c'est en effet la première fois depuis l'institution de l'enseignement obligatoire par Jules Ferry, que la Nation énonce clairement ce que les enfants de France devront obligatoirement avoir appris à l'école et au collège.

À vrai dire, l'idée d'un socle commun était récurrente depuis des décennies, mais aucun gouvernement n'était parvenu à la faire aboutir, jusqu'à ce que soit adoptée la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, nourrie du grand débat sur l'école et du rapport de la commission Thélot, qui avait inscrit le socle parmi ses propositions.

L'apport de la représentation nationale a été essentiel, et certains de ses plus éminents contributeurs sont d'ailleurs présents, tel M. Frédéric Reiss, rapporteur de la loi d'orientation, qui a défendu avec une profonde conviction le principe même de l'instauration de ce socle commun. Certaines phrases de son rapport ont même guidé le travail mené par le ministre : « Il ne s'agit pas de resserrer les exigences de l'école sur un bagage commun minimal, mais (...) de permettre à chacun de développer ses talents et d'atteindre ses objectifs personnels et professionnels ». On ne saurait mieux dire que le socle est bien un tremplin pour aller plus loin, et non pas un « smic culturel » ou un programme au rabais !

Le rapport de M. Pierre-André Périssol, qui a présidé la mission d'information sur la « définition des savoirs enseignés à l'école », a grandement contribué à une meilleure définition de l'articulation entre les connaissances et les compétences, articulation qui constitue désormais l'armature même du socle commun. Parmi les nombreux passages de ce document qui ont également inspiré le travail du ministre et de ses collaborateurs, on peut notamment citer celui-ci : « La cohésion de notre société (...) doit se construire autour d'un noyau culturel fondateur d'une identité commune. C'est l'école qui est la première marche vers l'appropriation d'une identité et d'une culture nationale et européenne commune ».

Quant au rapport de Mme Muriel Marland-Militello, présidente de la mission d'information sur les enseignements artistiques, il a rappelé l'importance de l'ouverture à l'art et aux pratiques artistiques. Le cinquième pilier du socle, qui détaille les éléments de la culture humaniste, en tient compte : il précise que les élèves doivent avoir une « connaissance d'œuvres littéraires, picturales, théâtrales, musicales, architecturales ou cinématographiques majeures du patrimoine français, européen et mondial (ancien, moderne ou contemporain) », et que la culture humaniste est aussi l'occasion d'« émotions esthétiques » auxquelles il faut naturellement ouvrir les élèves.

Enfin, M. Jean-Marie Rolland vient de présenter, au nom de la mission d'information sur l'enseignement des disciplines scientifiques qu'il présidait et avec laquelle le ministre a eu un échange très constructif, un important rapport qui souligne notamment l'intérêt de remarquables programmes tels que La Main à la pâte, soutenu par l'Académie des sciences, et connu jusqu'en Amérique latine, ainsi que le ministre a pu récemment s'en rendre compte en accompagnant le Président de la République lors d'un voyage officiel. Le socle en tient compte, soulignant en ces termes l'intérêt de la diffusion des pratiques d'expérimentation et de manipulation : « L'observation, le questionnement, la manipulation et l'expérimentation sont essentiels, et cela dès l'école primaire, dans l'esprit de l'opération La main à la pâte qui donne le goût des sciences et des techniques dès le plus jeune âge ».

C'est donc à de nombreuses reprises que le texte du socle s'est inspiré des recommandations de la représentation nationale.

S'agissant des étapes de la procédure de validation du décret, le ministre a rappelé que, dès sa nomination en juin 2005, il s'est attelé au grand chantier que représentait la définition du socle et a chargé un groupe de travail, formé sous la responsabilité du directeur de l'enseignement scolaire, de rédiger un document préparatoire. Ce document a été présenté au Haut Conseil de l'éducation (HCE), qui a formulé un certain nombre de recommandations, et notamment l'inscription de sept compétences dans le socle, chacune d'entre elles étant conçue comme une « combinaison de connaissances, de capacités et d'attitudes à mettre en œuvre dans des situations concrètes ».

Suite à ce premier avis du HCE, un projet de décret a été élaboré. Durant la phase d'écriture, les organisations représentatives des parents d'élèves et des personnels ont été consultées. Le 10 mai dernier, avant même la transmission du projet de décret au HCE, le ministre a réuni les organisations syndicales afin de leur présenter le texte et de les inviter à l'amender. Le 22 mai, ce projet de décret a obtenu un avis favorable unanime du HCE, malgré les réserves et les oppositions précédemment manifestées par certaines organisations sur le principe même du socle. Le 8 juin, enfin, le projet de décret sera présenté pour avis consultatif au Conseil supérieur de l'éducation.

L'esprit de concertation qui a présidé à l'élaboration du texte ne l'a nullement affadi, ni compliqué : c'est un texte aux objectifs clairs, rédigé dans une langue accessible, et conçu pour s'inscrire dans la durée, car l'occasion de graver dans le marbre la définition du socle commun de connaissances et de compétences ne se représentera sans doute pas de sitôt.

Ce socle est un socle pour tous, qui n'a pas vocation à rester au fond des armoires du ministère mais à être lu et connu par tous, qu'il s'agisse des services du ministère, qui vont devoir en tenir compte pour la rédaction des programmes, des éditeurs de manuels scolaires, qui devront s'y adapter, des enseignants, pour qui il constituera l'horizon de leur pratique pédagogique - et ce sera l'un des objectifs de la rénovation des IUFM que de traiter cette question - ou des parents d'élèves, car il est essentiel qu'ils sachent ce que leurs enfants vont apprendre afin de comprendre les finalités de l'éducation et de mieux suivre les étapes de l'acquisition des connaissances.

Le socle est aussi une façon pour le ministère de déterminer des objectifs et de s'engager sur ces objectifs. La loi d'orientation pour l'avenir de l'Ecole prévoit d'ailleurs que le gouvernement présentera tous les trois ans au Parlement un rapport sur la manière dont les programmes prennent en compte le socle commun et sur la maîtrise de ce socle par les élèves. Par ailleurs, dans son avis du 22 mai dernier, le HCE a marqué sa volonté de veiller à la mise en place effective des principes du socle.

La définition du socle s'accompagne de dispositifs permettant l'évaluation de sa mise en œuvre, ainsi que l'évaluation des connaissances acquises par les élèves eux-mêmes, ainsi que le prévoit la loi d'orientation : « L'acquisition du socle commun par les élèves fait l'objet d'une évaluation, qui est prise en compte dans la poursuite de la scolarité. »

Les objectifs de fin de cycle seront évalués à l'école élémentaire : un premier palier, à la fin du cycle des apprentissages fondamentaux (au CE1), correspondra notamment à l'acquisition de la lecture courante et de l'écriture ; un deuxième palier, à la fin de l'école primaire, validera en particulier l'acquisition des règles fondamentales de la grammaire, de la conjugaison, du calcul élémentaire et des quatre opérations. Le brevet national des collèges permettra d'évaluer la maîtrise du socle à la fin du collège.

Enfin, il faut souligner que chaque discipline contribuera à l'acquisition du socle, y compris l'éducation culturelle et artistique et l'éducation physique et sportive. Aucune discipline n'est indépendante des autres et la transversalité évoquée par Mme Muriel Marland-Miltello est une idée essentielle, notamment pour l'acquisition des compétences sociales et civiques, de l'autonomie et de l'esprit d'initiative.

Le contenu du socle lui-même est détaillé dans l'annexe au projet de décret, qui s'articule en sept grandes parties, qui sont autant de « piliers ». La loi en avait défini cinq : la maîtrise de la langue française ; la pratique d'une langue vivante étrangère ; la connaissance des principaux éléments des mathématiques et la maîtrise de la culture scientifique et technologique ; la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication ; l'acquisition d'une culture humaniste. Ont été ajoutés, sur la recommandation du HCE, deux piliers complémentaires : l'acquisition de compétences sociales et civiques ; l'accession à l'autonomie et l'acquisition de l'esprit d'initiative.

Chaque pilier décline des connaissances, des capacités et des attitudes. Le lien entre les trois est tout à fait logique : les connaissances rendent possibles les capacités et, ensemble, elles développent un certain nombre d'attitudes intellectuelles et pratiques, indispensables tout au long de la vie, comme l'ouverture aux autres, le goût pour la recherche de la vérité, le respect des règles que l'on s'est donné. Pour prendre un exemple, la connaissance du calcul détermine la capacité à résoudre des problèmes, ce qui développe chez l'enfant l'esprit de méthode et de rigueur, ainsi que la capacité d'abstraction.

Les paragraphes qui énoncent les « attitudes » développent notamment une idée qui était présente dans le texte de la loi. En effet, dans le projet de décret, le titre du cinquième pilier est plus ramassé que son intitulé dans la loi, qui parlait d'une « culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ». L'idée est cependant bien reprise dans le texte du socle, sous les rubriques des attitudes que la culture scientifique développe. L'énoncé des attitudes scientifiques précise en effet que « l'esprit des mathématiques développe le respect de la vérité rationnellement établie », que « l'appréhension rationnelle des choses » développe « la conscience des implications éthiques » des progrès techniques, ainsi que « la responsabilité face à l'environnement, au monde vivant, à la santé ».

Le texte du décret remplit donc bien la mission que lui a confiée la loi, à savoir de « préciser les connaissances et compétences » qu'elle désignait de façon générale.

Concluant sa présentation du socle, le ministre a souligné que celui-ci est d'abord une innovation. L'articulation entre les connaissances et les compétences reprend une idée d'un rapport du Conseil européen de 2001, mais la France est le premier pays en Europe à avoir réalisé quelque chose d'aussi ambitieux et exhaustif. Le socle est un cadre moderne, notamment par l'importance qu'il accorde aux technologies de l'information et de la communication et à l'apprentissage des langues étrangères. Il est européen, car la culture humaniste qu'il définit participe à la construction d'une véritable identité européenne, notamment par la connaissance de ses œuvres fondatrices, comme l'Iliade et l'Odyssée, la Bible ou les récits de la fondation de Rome. Il est européen aussi parce qu'il intègre le « cadre européen de référence pour les langues ».

Le socle, enfin, est un socle vraiment républicain, qui comprend les compétences sociales et civiques nécessaires à la construction de l'identité civique de tout individu. Il fournit aussi les éléments nécessaires à la constitution d'une citoyenneté éclairée, c'est-à-dire autonome. Il s'agit bien de « mettre en place un véritable parcours civique de l'élève, constitué de valeurs, de savoirs, de pratiques et de comportements dont le but est de favoriser une participation efficace et constructive à la vie sociale et professionnelle et d'exercer sa liberté en pleine conscience des droits d'autrui ».

Il est même affirmé, dans le texte de l'annexe du projet de décret, que le socle est le « ciment de la Nation ». Aujourd'hui, en effet, le lien national est mis à mal, le sentiment d'appartenance à une République une et indivisible s'affaiblit, les communautarismes ressurgissent, les actes racistes se multiplient. Nombreux sont ceux qui disent ou écrivent que le lien national est à réinventer ; le socle peut y contribuer, car qu'est-il, sinon le fondement même d'une communauté nationale de savoirs, de pratiques, d'attitudes, la définition de repères intellectuels, culturels et civiques communs ? Pour dialoguer, pour se comprendre, encore faut-il vivre dans le même univers, partager des repères communs. Or, précisément, le socle fera que tous les enfants de France partageront de tels repères. C'est pourquoi le socle est bien le ciment de la Nation.

En réponse aux intervenants, le ministre a souligné, en ce qui concerne l'apprentissage junior, que celui-ci est parfaitement compatible avec le socle commun : il a bien été précisé, au cours de la discussion de la loi sur l'égalité des chances, que le CAP et le BEP attesteront de l'acquisition du socle. L'article L. 337-3 du code de l'éducation dispose que l'ensemble des activités dans le cadre du parcours d'initiation aux métiers concourt à cette acquisition. Le projet de décret d'application du texte prévoit notamment qu'un bilan sera effectué à l'entrée et que la validation des connaissances et des compétences sera inscrite sur le livret de l'apprenti junior.

Tous les enseignants devraient avoir connaissance du socle, et la réforme des IUFM, dont le cahier des charges sera prochainement soumis au Haut Conseil de l'éducation, y aidera. Il faudra notamment harmoniser les concepts et le vocabulaire pédagogique : ainsi actuellement l'« argumentation » que l'on demande aux élèves des collèges n'a pas le même sens en français et en histoire ! Il faudra aussi que les professeurs des différentes disciplines travaillent en commun, notamment sur l'acquisition de compétences transversales comme l'autonomie et l'esprit d'initiative.

S'agissant enfin des arts plastiques et des enseignements artistiques, l'annexe au projet de décret relatif au socle indique que « toutes les disciplines enseignées à l'école et au collège, y compris l'éducation physique et sportive, les arts plastiques et l'éducation musicale, ont (...) un rôle à jouer dans l'acquisition du socle, sans oublier l'éducation artistique et culturelle », que la culture humaniste que dispense l'école « a pour but de cultiver une attitude de curiosité pour les productions artistiques, patrimoniales et contemporaines, françaises et étrangères », et que l'élève devra se montrer « capable de concevoir, de mettre en œuvre et de réaliser des projets individuels ou collectifs dans les domaines artistiques, sportifs, patrimoniaux ou socio-économiques ».

Mme Muriel Marland-Militello a demandé si la réforme ferait l'objet d'un document illustré à destination des personnes concernées.

Le ministre a répondu qu'une plaquette sera éditée, qui constituera un document de référence à la fois lisible, accessible et, si possible, attrayant.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre d'avoir fait le point devant la commission sur cette question qui intéresse grandement tous ses membres.

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Informations relatives à la commission

La commission a désigné les membres de la mission d'information sur la conservation et l'entretien du patrimoine monumental :

- M. Christian Kert (UMP), président-rapporteur

- M. Patrick Bloche (Soc.)

- M. Yves Boisseau (UMP)

- Mme Chantal Bourragué (UMP)

- Mme Martine Carillon-Couvreur (Soc.)

- M. Frédéric Dutoit (CR)

- M. Gaëtan Gorce (Soc.)

- M. Michel Herbillon (UMP)

- M. Claude Leteurtre (UDF)

- M. Dominique Richard (UMP)

- M. Dominique Tian (UMP)

La commission a désigné sur le projet de loi de finances pour 2007 :

M. Gilles Artigues, rapporteur pour avis des crédits du programme « Sport, jeunesse et vie associative ».


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