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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 62

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 14 juin 2006
(Séance de 11 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition, ouverte à la presse, de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, et de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, préliminaire au débat sur les orientations des finances sociales pour 2007



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- Information relative à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, et M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur les orientations des finances sociales pour 2007.

Après avoir souhaité la bienvenue à M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, et à M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que leur audition par la commission permettra de faire le point sur les orientations des finances sociales. En effet, la commission des comptes de la sécurité sociale ayant rendu son rapport, les chiffres pour 2005 et les prévisions pour 2006 sont maintenant bien connus. L'audition permettra aussi de faire le point sur la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

L'article 6 de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale a en effet introduit une novation intéressante pour l'exercice du contrôle parlementaire, en disposant que le gouvernement présente au Parlement un rapport sur les orientations des finances sociales, rapport qui peut donner lieu à un débat en séance publique. La Conférence des Présidents a décidé que ce débat, joint au débat d'orientation budgétaire, se tiendra le 22 juin. Les ministres pourront donc donner à la commission des informations précieuses sur le cadrage de la préparation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Le président Jean-Michel Dubernard a enfin rappelé que M. Philippe Bas sera à nouveau entendu le 27 juin prochain par la commission afin de faire le point, conformément à l'article 86 du Règlement, sur la mise en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a souligné que le débat d'orientation sur les finances sociales est une grande avancée, introduite par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale grâce à un amendement de M. Yves Bur, député. Il est en effet essentiel pour le Parlement de disposer, au moment où le gouvernement s'engage dans la préparation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'une présentation générale des grands équilibres financiers afin de mieux préparer les choix budgétaires qui seront faits à l'automne. Ce rendez-vous de printemps existait déjà dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances ; cependant, les finances sociales représentent plus de 350 milliards d'euros par an, soit une masse financière supérieure à celle du budget de l'Etat, et il est donc instructif d'avoir sur ces sommes une vision d'ensemble au printemps.

Plus que jamais, un impératif de cohérence d'ensemble s'impose dans le pilotage des finances, et c'est bien dans le prolongement de la conférence nationale sur les finances publiques, présidée par le Premier ministre le 11 janvier dernier que s'inscrit cette audition. Cette conférence, qui réunit ministres, parlementaires, élus locaux, partenaires sociaux et représentants d'organismes de protection sociale, a été une étape décisive dans le pilotage des finances publiques, parce que chacun a pu donner sa vision de leur évolution. Afin de pérenniser cette démarche, le gouvernement a souhaité, par un décret en date du 5 mai dernier, institutionnaliser la conférence nationale et instaurer un Conseil d'orientation des finances publiques, dont la composition est calquée sur celle de la conférence nationale des finances publiques.

Souhaitant placer la France sur la voie de l'équilibre des comptes publics et mettre en œuvre une stratégie de désendettement, le Premier ministre a assigné aux finances sociales deux objectifs : d'une part, le retour à l'équilibre du régime général de la sécurité sociale à l'horizon 2009 et, d'autre part, une évolution des dépenses de l'ensemble des administrations de sécurité sociale limitée à 1 % hors inflation afin de tenir compte de la hausse des dépenses sociales nécessaire pour faire face aux besoins croissants liés aux effets du vieillissement et du progrès médical. C'est à partir de ces perspectives que sera construit le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Quel en sera l'impact pour l'assurance maladie et pour les dépenses de santé ?

Le retour à l'équilibre de la branche maladie du régime général suppose que les dépenses d'assurance maladie évoluent sur la période, en moyenne, de 2,2 % en valeur sur la période, soit 0,4 % en volume sur la base d'une hypothèse d'inflation à 1,8 %. Cela implique la poursuite de l'inflexion des dépenses d'assurance maladie constatée depuis 2004 et davantage encore en 2005 et 2006 grâce à la réforme de 2004. En 2003, en effet, les dépenses relevant du champ de l'ONDAM ont crû de 6,4 %. En 2004, année du vote de la loi portant réforme de l'assurance maladie, la première inflexion à la baisse a été enregistrée, avec une croissance de l'ONDAM de 4,9 %. En 2005, première année de mise en œuvre de l'ensemble des dispositifs prévus par la réforme de l'assurance maladie - car celle-ci porte ses fruits alors même qu'elle n'est complètement mise en œuvre que depuis un an et demi -, la progression a été de 3,9 % avec, pour la première fois depuis dix ans, le respect de l'ONDAM voté par le Parlement. Pour 2006, l'objectif fixé par la loi de financement de la sécurité sociale est une progression de 2,5 %. La maîtrise des dépenses d'assurance maladie est donc résolument engagée, et les rythmes de croissance des dépenses atteints dans le passé sont enrayés.

Il faut poursuivre dans cette voie, car les tendances qui se dégagent pour le début de l'année 2006 confirment la modération des dépenses. En particulier, la progression des soins de ville n'a augmenté que de 1,4 % de janvier à avril 2006 par rapport à la même période de 2005. La conséquence de cette modération des dépenses, c'est la réduction très claire du déficit de l'assurance maladie. Après avoir atteint 11,6 milliards d'euros en 2004, le déficit a été ramené à 8 milliards d'euros en 2005, au lieu des 16 milliards attendus. En 2006, il sera à nouveau significativement réduit, comme l'a confirmé la commission des comptes de la sécurité sociale qui, lors de sa réunion de la semaine dernière, a estimé le déficit prévisionnel pour 2006 à 6,3 milliards d'euros. La trajectoire est donc bien celle du retour à l'équilibre.

Tout cela fait beaucoup de chiffres, mais ces chiffres ne sont pas une fin en soi. Ce que veut le gouvernement en revenant à l'équilibre financier, c'est donner à la population la garantie que le système de sécurité sociale sera préservé, tout en le modernisant et donc en l'améliorant. C'est en cela que la réforme de l'assurance maladie se distingue des plans de sauvetage qui l'ont précédée. C'est une réforme structurelle qui s'appuie sur les travaux du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, dont certains commissaires font partie. Elle vise à soigner mieux en dépensant mieux et, pour ce faire, elle table sur les changements de comportement et place la qualité au premier plan. Ce ne sont pas seulement des mots, c'est la logique qui sous-tend la réforme. Le redressement financier de l'assurance maladie va de pair avec la nouvelle politique de santé que le gouvernement entend mener pour assurer un meilleur accès aux soins et, notamment, un accès rapide aux innovations thérapeutiques. La maîtrise durable de la dépense suppose la maîtrise médicalisée et l'évolution des comportements, mais aussi le développement de la prévention, véritable investissement dans l'avenir, condition à la fois de l'amélioration de l'état de santé de la population et de la maîtrise durable des dépenses.

L'approche du gouvernement est donc une approche qualitative et structurante sur le long terme. L'essor du parcours de soins coordonné autour du médecin traitant constitue à cet égard un acquis incontestable de la loi du 13 août 2004. Les Cassandre disaient que le dispositif ne marcherait jamais. La réalité, c'est que 40 millions d'assurés sociaux ont désormais choisi leur médecin traitant, ce qui démontre que les Français se sont appropriés ce dispositif ; 78 % des consultations s'effectuent dans le cadre du parcours de soins, et moins de 2 % des consultations sont réellement « hors parcours de soins ». Les Cassandre disaient aussi que la maîtrise médicalisée ne fonctionnerait jamais ; or elle est un succès. Le ralentissement du rythme d'évolution des soins de ville est en effet le fruit d'une attention plus grande des professionnels aux prescriptions de médicaments et aux indemnités journalières. L'engagement de maîtrise médicalisée conclu en 2005 a produit des résultats favorables. La dynamique enclenchée grâce à l'avenant n° 12 à la convention médicale fixe de nouveaux objectifs, à hauteur de 800 millions d'euros pour 2006 et de 600 millions d'euros pour 2007.

La séquence engagée permet d'améliorer la qualité des soins tout en maîtrisant les dépenses, l'un des objectifs visés étant de réduire les redondances et les actes et consultations inutiles. La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et la Cour des comptes estiment entre 6 et 8 milliards d'euros les dépenses inutiles chaque année. Il faut les éviter et utiliser à des investissements durables les sommes ainsi économisées. Quant aux indemnités journalières, elles poursuivent leur baisse année après année : la baisse a été de 3,5 % en 2005. Voilà qui montre que, lorsqu'un système est bien géré et mieux organisé, cela se traduit par une économie et par la sauvegarde du principe de solidarité.

Le secteur du médicament contribue aussi de manière significative au redressement durable des comptes. L'augmentation de la pénétration des génériques dans le répertoire a été à l'origine d'une économie de 170 millions d'euros dès 2005, et les différentes mesures mises en œuvre en matière de génériques ont permis au total 234 millions d'euros d'économies supplémentaires. En 2006, une nouvelle impulsion a été donnée à la substitution, grâce à l'accord tripartite signé entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM), les pharmaciens et les médecins, qui prévoit la progression régulière de la substitution, avec un objectif de 70 % de pénétration en décembre 2006. Au 15 mai, la pénétration des génériques dans le répertoire s'établissait à 66,9 %, et cette proportion continue de croître. Le gouvernement a choisi de renoncer à la généralisation du tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) initialement envisagée, car cette mesure aurait certes procuré un gain immédiat mais elle risquait de casser la dynamique du générique. L'approche plus structurante de la substitution, productrice d'économies plus pérennes, a été privilégiée. Les chiffres montrent que le gouvernement a eu raison de faire le pari de la confiance avec les pharmaciens. Tout donne à penser que, de même, on pourrait impliquer davantage les médecins dans cette démarche.

La politique des prix a permis de dégager 365 millions d'euros supplémentaires en 2005. Enfin, plus d'une vingtaine de médicaments sont désormais disponibles en conditionnement de trois mois. La délivrance de ces grands conditionnements produira ses effets à partir du deuxième semestre 2006, mais le gouvernement ne compte pas en rester là : les laboratoires pharmaceutiques seront relancés pour que l'on envisage aussi des conditionnements de petite taille, adaptés aux traitements. Actuellement, les boîtes ouvertes ne sont, pour les trois quarts, jamais terminées... Au total, les différentes mesures prises dans le secteur du médicament commencent à produire leurs effets et l'on assiste déjà à l'infléchissement indéniable des dépenses de médicaments. Les dernières données relatives aux remboursements émanant de la CNAMTS montrent en effet un taux d'évolution de 2,2 % seulement pour avril par rapport à la même période en 2005, alors que ce taux était de 3,9 % en mars, de 4,6 % en février et de 5,7 % en janvier.

Les établissements de santé se sont engagés dans les réformes structurelles lancées dans le cadre du plan « Hôpital 2007 ». La part de tarification à l'activité s'élève à 35 % en 2006 pour les établissements publics et privés participant au service public hospitalier. Le gouvernement a aussi engagé des travaux de mesure des charges spécifiques pesant sur le service public hospitalier afin de réaliser une convergence réussie entre les tarifs des établissements publics et privés. Parallèlement, la rationalisation des achats et l'amélioration du contrôle de gestion et des systèmes d'information doivent permettre au secteur hospitalier de pouvoir proposer les meilleurs services et soins au meilleur coût.

L'offre de soins continuera en 2007 à s'adapter à l'évolution des besoins de la population. Les schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération ont été adoptés en mars 2006 et seront mis en œuvre au cours des cinq années à venir. Les besoins particuliers - santé mentale, périnatalité, cancer ou maladies rares pour ne citer que ces quatre exemples - ont été pris en compte dans le cadre de plans de santé publique spécifiques. Surtout, le gouvernement prépare le système de soins à relever le défi de la dépendance, avec le plan « Solidarité grand âge 2007-2012 », qui comporte, outre d'importantes avancées pour la lutte contre les maladies neuro-dégénératives, un fort volet hospitalier.

Il faut enfin ancrer le système de santé dans la prévention pour garantir, à terme, la maîtrise durable des dépenses d'assurance maladie, et bien sûr pour améliorer l'état de santé de la population. En complément de la dynamique instaurée par la réforme de l'assurance maladie et par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, il faut renforcer la stratégie de prévention, en la focalisant dans un premier temps sur les risques aux différents âges de la vie et sur les populations cibles afin de réduire les inégalités de santé. Ainsi, un examen bucco-dentaire de prévention sera désormais systématique à six ans et à douze ans ; il sera pris en charge à 100 %, de même que les soins consécutifs à cet examen, sans avance de frais. Dans ce cadre, cinq plans stratégiques de santé publique sont définis pour la période 2004-2008 : lutter contre le cancer ; limiter l'impact sur la santé des facteurs d'environnement ; améliorer la prise en charge des maladies rares ; améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques ; limiter l'impact sur la santé de la violence, des comportements à risque et des conduites addictives. Outre ces plans stratégiques, des plans et programmes de santé couvrent la plupart des risques actuellement connus. Leur objectif est de rationaliser et de coordonner les actions visant soit des pathologies - maladie d'Alzheimer, sida, maladies cardio-vasculaires... -, soit des déterminants, soit des risques, soit des groupes de population.

Grâce à l'ensemble de ces actions, fidèles à la logique de maîtrise médicalisée des dépenses, des marges de manœuvre seront dégagées qui permettront de continuer à améliorer la qualité du système de santé et renforcer l'accès aux soins. S'agissant de l'accès aux soins, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 a revalorisé fortement le montant de l'aide à la complémentaire, notamment pour les personnes âgées de plus de 60 ans, qui bénéficient désormais d'une aide de 400 euros par an. Le Président de la République vient de demander que ce dispositif soit étendu par le biais du relèvement du plafond de revenus des bénéficiaires de 15 à 20 % au-dessus du plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC), ce qui permettra de porter le nombre de bénéficiaires potentiels de cette aide de 2 à 2,9 millions de personnes. Telle est la dynamique dans laquelle le gouvernement est engagé et que, fidèle à la feuille de route tracée par le Président de la République s'agissant du retour à l'équilibre des comptes publics, il poursuivra dans la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre, dont l'exposé a montré qu'une réforme de l'ampleur de celle qui a été engagée n'aboutit pas en un claquement de doigt mais que le calendrier prévu sera respecté, pour le plus grand bien de la santé publique, à laquelle chacun, sur tous les bancs, est très attaché.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a souligné à son tour l'intérêt d'un débat global sur les finances publiques, comptes de l'Etat et comptes sociaux, qui ne font qu'un dans l'esprit des Français. Quel que soit le budget en cause, il s'agit toujours de faire fonctionner au mieux des services publics également importants, par exemple, l'école ou l'hôpital, en garantissant à nos compatriotes le bon emploi des fonds publics.

Cela présente un avantage supplémentaire pour les parlementaires et ministres chargés des comptes sociaux. En effet, les relations, étroites, entre comptes sociaux et finances publiques s'établissent plutôt, dans le long terme, en défaveur des comptes sociaux : on sait qu'au 31 décembre 2005, la dette de l'Etat à l'égard de la sécurité sociale était de 5,14 milliards d'euros - dont 3,58 milliards d'euros pour le régime général. Le débat d'orientation budgétaire doit permettre d'instaurer des relations transparentes permettant de mesurer exactement les efforts de réforme fournis, afin que les décisions financières soient dorénavant prises dans la clarté et la transparence et que le solde des uns ne soit pas subordonné aux impératifs et des contraintes des autres.

La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale a clarifié les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, en particulier en prévoyant la fixation dans la loi de financement de la sécurité sociale du montant de la compensation par l'Etat des dispositifs d'exonérations de cotisations sociales et en disposant aussi que, désormais, seule une loi de financement pourra déroger au principe de non-compensation. La loi organique a donc renforcé la portée et la lisibilité des lois de financement de la sécurité sociale. Elle a également prévu une annexe présentant les « programmes de qualité et d'efficience » de la politique de sécurité sociale. Ces dispositions visent à mieux identifier les efforts de chacun, sans interférences, afin que les comptes sociaux ne soient pas la variable d'ajustement des finances publiques.

La branche vieillesse, comme la branche famille, accuse un déficit, dont la commission des comptes de la sécurité sociale a mesuré la légère dégradation. Ces déficits sont moindres que celui de la branche maladie, mais ce dernier s'améliore alors que les premiers se dégradent. S'agissant de la branche vieillesse, cette dégradation est due au succès du dispositif des départs anticipés pour les salariés ayant effectué des carrières longues. Cette réforme, dont personne ne conteste l'utilité, a satisfait par la négociation avec les partenaires sociaux une revendication sociale présentée depuis de longues années et qui avait été refusée par des gouvernements qui n'avaient pu engager la réforme de l'assurance vieillesse. La mesure a eu des effets dépassant les espérances, puisque, fin 2006, on dénombrera 300 000 départs en retraire anticipés. Il faut s'en réjouir. Les travaux du Conseil d'orientation des retraites (COR) ont confirmé que la mise en œuvre de la réforme des retraites permettra d'améliorer les perspectives financières de la branche vieillesse ; dans son rapport, le COR évalue l'impact de la réforme d'août 2003 sur le régime général à horizon 2020 à près de 50 % du besoin de financement. Par ailleurs, le redéploiement des cotisations chômage lié à la baisse engagée du chômage permettra d'équilibrer le régime général à condition que le taux de chômage soit inférieur ou égal à 7 %. La diminution du nombre de chômeurs - 200 000 en un an - montre que la tendance est bonne, ce qui permet, tout en étant lucide, d'être optimiste sur les effets de la réforme. L'insistance mise par le gouvernement sur le plan pour l'emploi des seniors participe aussi de la nécessité de renforcer les régimes de retraite. En effet, aider ces personnes âgées de 55 à 60 ans, qui ont été éloignés de l'emploi par une politique d'exclusion du marché du travail, permet aussi d'améliorer la situation financière de la branche.

En 2008, le gouvernement transmettra au Parlement un premier rapport d'étape, qui sera rendu public et qui permettra d'analyser les effets de la réforme compte tenu des travaux du COR. Il engagera aussi une réflexion sur les problèmes d'équité entre assurés.

La politique de la famille constitue également un volet important des dépenses de protection sociale, représentant près de 50 milliards d'euros, dont 62 % sont gérés par la branche famille du régime général de sécurité sociale. Interviennent également les collectivités locales par le biais de l'action sociale en direction des enfants, la branche maladie qui prend en charge les dépenses de maternité et l'Etat en tant qu'employeur pour le supplément familial de traitement ou par le financement des bourses scolaires et universitaires. Au cours de ces dernières années, la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle a constitué un élément structurant de la réorientation des politiques familiales. La France connaît à la fois le taux de fécondité le plus élevé d'Europe occidentale et l'un des taux d'activité des femmes parmi les plus forts. Le travail des femmes favorise la natalité, à condition qu'une politique ambitieuse permette de concilier vie familiale et vie professionnelle. A cet égard, la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) a elle aussi connu un succès dépassant les espérances, puisque d'ici la fin de l'année, 250 000 familles supplémentaires en bénéficieront au lieu des 200 000 prévues.

Le déficit de la branche famille était de 1,3 milliard d'euros en 2005 et la commission des comptes de la sécurité sociale l'évalue à 1,5 milliard d'euros pour 2006. Mais ce déficit n'est que conjoncturel. En effet, les comptes de la branche tendent spontanément vers l'équilibre puisque les prestations sont indexées sur les prix et les recettes sont indexées sur les salaires qui, du fait de la croissance, progressent plus vite que les prix. Certes, la situation actuelle demande des mesures de bonne gestion, mais la branche famille, toutes choses égales par ailleurs, devrait revenir à l'équilibre dans le même délai que l'assurance maladie.

Au nombre des mesures de bonne gestion, figure celle relative aux crèches. Le gouvernement s'est engagé avec les CAF à permettre le développement de la construction de crèches et un budget en augmentation de 7,5 % par an pendant quatre ans y est consacré. Mais les dépenses d'action sociale relatives à ces équipements ont enregistré une croissance de 15 % en 2005, après avoir augmenté de 17 % en 2004. Avec l'entière coopération des partenaires sociaux, il a fallu mettre bon ordre à cette dérive. Les réformes nécessaires ont été faites, ce qui permet de mieux piloter ces dépenses, et le programme de création de crèches reprend au rythme prévu dans la convention d'objectifs et de gestion. Enfin, le 3 juillet prochain se tiendra, sous la présidence du Premier ministre, la conférence de la famille 2006 autour du thème de la solidarité entre les générations, ce qui permettra de souligner le rôle pivot de la génération des 55-70 ans et de soutenir les aidant familiaux.

En conclusion, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille s'est dit déterminé à poursuivre les efforts engagés, avec l'impératif de maintenir un haut niveau de protection sociale, un haut niveau de couverture des dépenses de santé par l'assurance maladie, une politique familiale ambitieuse et une politique de sécurisation du financement des retraites compatible avec le grand progrès social qu'a constitué la retraite anticipée.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié les ministres et s'est félicité du vent d'optimisme qu'ils ont fait lever sur la commission.

Un débat a suivi les exposés des ministres.

M. Pierre-Louis Fagniez a posé les questions suivantes :

-  En 2004, l'objectif de la réforme de l'assurance maladie était de revenir « à » ou « vers » l'équilibre en 2007. Quel sera l'objectif du gouvernement en matière de déficit de la branche maladie dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 ?

-  Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 sera-t-il l'occasion d'adosser des régimes d'entreprises publique - par exemple celui de La Poste - au régime général ? Si oui, selon quelles modalités ? Un calendrier est-il prévu pour le régime des retraites de la SNCF ?

-  Un rapport conjoint de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) vient d'être rendu sur la gestion des crèches ; le gouvernement a-t-il l'intention d'en suivre les recommandations ?

-  Où en sont les négociations de la COG de l'assurance maladie et dans quelle mesure les recommandations de la MECSS seront-elles mises en pratique ?

-  La réforme de l'avoir fiscal se traduit par un manque à gagner de 550 millions d'euros pour la sécurité sociale en 2006 ; le gouvernement a-t-il l'intention de compenser cette perte ?

-  Où en est l'exploration de l'élargissement de l'assiette des cotisations de sécurité sociale employeurs ? Quelles sont les conséquences pour les comptes sociaux de la mise en place du régime additionnel de retraites dans les fonctions publiques ?

-  Enfin, dans le document que le gouvernement a transmis à la commission, la nécessité d'une politique active de la dette est soulignée ; quelles en seront les conséquences pour la CADES ?

M. Jean-Marie Le Guen a d'abord indiqué percevoir une pointe d'ironie dans le propos du président Jean-Michel Dubernard selon lequel les ministres feraient se lever un vent d'optimisme. À vouloir peindre la situation en rose, on tombe dans une exagération qui masque mal le trouble dans lequel l'état des comptes sociaux plonge tous ceux qui s'y intéressent. Pour la cinquième année consécutive, ces comptes sont déficitaires, et le fait que ce déficit était prévu n'est pas suffisant pour rassurer. Pour la troisième année consécutive, le déficit des comptes de la sécurité sociale est supérieur à 10 milliards d'euros, somme qui n'est pas négligeable, pour employer un euphémisme... Cette dégradation est particulièrement sensible dans les branches famille et retraite ; c'était pour partie prévisible et il aurait donc fallu être plus ferme pour ne pas laisser les comptes dériver. A la dégradation des comptes sociaux de 3 milliards d'euros par rapport aux prévisions, il faut en outre ajouter le défaut de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Si l'on en tient compte, on se trouve face à un déficit qui est en fait plus proche de 14 ou de 15 milliards d'euros que des 7 ou 8 milliards annoncés. La situation est donc dramatique, et elle l'est d'autant plus qu'aucun signe de redressement n'est perceptible.

En particulier, la présentation qui a été faite des comptes de l'assurance maladie est contestable. L'augmentation moindre des dépenses est essentiellement imputable à la baisse du montant des indemnités journalières, baisse vraisemblablement due à un transfert de prestations qui auraient dû être servies à des salariés âgés malades, et qui sont pour partie en préretraite ou au chômage.

M. Xavier Bertrand , ministre de la santé et des solidarités, s'est élevé contre cette interprétation.

M. Jean-Marie Le Guen a souligné que la baisse des indemnités journalières est un phénomène qui trouvera vite ses limites dans le temps et d'un point de vue quantitatif. Quant à la réduction des dépenses relatives aux consultations de spécialistes, elle signale une évolution intéressante, si elle ne traduit pas une pénurie de praticiens.

Sur un plan général, comment peut-on se satisfaire d'une réforme qui organise le transfert de 60 milliards d'euros, soit environ un point de CSG pendant cinq ans, de 2007 à 2012 ? Le ministre de la santé explique en fait que si le ministre précédent, M. Jean-François Mattei, était resté au pouvoir, le déficit aurait été de 16 milliards d'euros ; pourtant, les chiffres de la commission des comptes de la sécurité sociale en matière d'assurance maladie établissent de manière irréfutable que la période 1998-2002 a été marquée par une bonne gestion.

Faut-il rappeler que les comptes de l'assurance maladie ont dû être renfloués par les salariés et les prélèvements sociaux exceptionnels opérés sur les plans d'épargne-logement ? Il en a résulté une recette de 2 milliards d'euros, mais pour une année seulement. En réalité, aucun changement structurel n'a eu lieu ou, s'il y en a, il faut les chercher à la loupe et ils ne sont manifestement pas à la hauteur des enjeux.

Le ministre a eu raison d'écouter le groupe socialiste qui s'était prononcé contre le tarif forfaitaire de responsabilité (TFR), considérant qu'il se traduirait par une charge supplémentaire pour les assurés. La majorité a voté cette disposition à la demande du ministre et il est pour le moins curieux d'entendre aujourd'hui celui-ci se féliciter de ne pas avoir appliqué un article de loi. Il faut néanmoins reconnaître que la menace de l'instauration de TFR a pu jouer un rôle significatif.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a fait valoir que les TFR relèvent d'une disposition d'ordre réglementaire. Si cela avait été du domaine législatif, le gouvernement n'aurait pas pu revenir sur cette mesure.

M. Jean-Marie Le Guen a contesté cette interprétation, soulignant que le débat relatif au TFR a eu lieu lors de la discussion du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale et qu'il avait donné lieu à un vote. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le gouvernement n'applique pas une loi.

Par ailleurs, le ministre n'a pas été très disert sur l'application du plan médicament. Des précisions sur ce point seraient bienvenues, d'autant qu'il ressort des indications données par M. Xavier Bertrand dans une autre enceinte - ce qui est d'ailleurs problématique - que son application souffre d'un certain retard. Sur un plan général, comment espérer accroître le recours aux médicaments génériques si tout tient à la substitution opérée par les pharmaciens et que rien n'est fait en matière de prescription ? Enfin, qu'en sera-t-il des demandes de rallonges budgétaires demandées par les hôpitaux et par une fédération représentative des établissements ? L'ONDAM hospitalier sera-t-il respecté ?

M. Jean-Pierre Door a indiqué qu'il constate des progrès là où M. Jean-Marie Le Guen parle de drame. La lecture du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale montre que le Parlement a eu raison de voter des sous-objectifs, ce qui permet d'évoquer plus clairement qu'auparavant les points satisfaisants et ceux qui le sont moins. À cet égard, la satisfaction est réelle sur l'évolution des dépenses de soins de ville, dont la courbe s'infléchit depuis 1998 grâce à la responsabilisation des professionnels et des assurés. S'agissant des indemnités journalières, la durée que doit avoir un arrêt de travail est subjective ; il s'agit d'une responsabilité partagée entre médecin et patient. C'est cette responsabilité qui joue désormais dans la diminution des dépenses relatives aux indemnités journalières et il ne s'agit pas, contrairement à ce qui a été affirmé, d'un transfert de charges.

On constate toutefois que les dépenses relatives aux médicaments sont toujours très élevées. Les objectifs en matière de médicament générique sont-ils respectés ? La substitution a-t-elle réellement lieu ?

S'agissant des recettes, un amendement avait été adopté par la commission dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Cet amendement proposait la création d'un groupe d'étude chargé de réfléchir à de nouveaux modes de financement de la sécurité sociale, qui ne seraient pas toujours axés sur le travail. L'amendement n'avait pas été adopté mais le ministre s'était déclaré favorable à cette proposition, et prêt à s'engager dans cette voie. Où en est-on ? Il est nécessaire de ne pas laisser cette question exclusivement discutée par les partenaires sociaux. Qu'en est-il enfin des exonérations de charges sociales ? Des progrès ont-ils eu lieu dans les relations entre le ministère de l'économie et des finances et le ministère de la santé, et les transferts se font-ils normalement ?

Après avoir rappelé l'époque pas si lointaine où le Parlement n'avait pas à connaître des comptes sociaux, M. Jean-Luc Préel s'est félicité de la tenue d'un débat tout en déplorant qu'aucune indication n'ait été donnée quant aux orientations pour 2007. Chacun souhaite que les comptes sociaux reviennent à l'équilibre, chacun souhaite une bonne couverture des dépenses de santé, des soins de qualité et une politique de prévention efficace, mais pour assurer cela, il reste beaucoup à faire.

Or, si le volontarisme du ministre est remarquable, son optimisme ne l'est pas moins. Force est de constater que les quatre branches sont toujours déficitaires et que le déficit global à fin 2006 sera très proche de ce qu'il était fin 2004 et fin 2005. La commission des comptes de la sécurité sociale l'estime à 10,3 milliards d'euros, ce qui représente une dérive de 1,4 milliard d'euros par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Le déficit est très marqué pour la branche famille, supérieur de 0,4 milliard d'euros aux prévisions en raison du succès de la PAJE et du renforcement des structures collectives d'accueil, qui sont des mesures intéressantes et souhaitables ayant vocation à être financées par la collectivité nationale.

S'agissant de la branche vieillesse, le déficit supérieur aux prévisions de 0,8 milliard d'euros s'explique par le succès des retraites anticipées des salariés ayant commencé à travailler très jeunes et par les premiers départs en retraite liés au papy boom. Cette branche demeurera longtemps déficitaire, et l'on ne peut que s'étonner d'entendre le Parti socialiste déclarer vouloir revenir sur la loi Fillon. Pour sa part, l'UDF a proposé la mise en œuvre de la retraite par points et l'extinction des régimes spéciaux. La branche accidents du travail - maladies professionnelles est proche de l'équilibre.

L'augmentation du déficit de la branche maladie, à 6,3 milliards d'euros contre 6,1 milliards d'euros prévus, a été contenue par l'augmentation des recettes due à la CSG et en particulier à la CSG portant sur la capital. À cet égard, le ministre devrait insister sur le fait que cette contribution s'applique aussi aux revenus du capital. Le surcroît de recettes s'explique également par l'augmentation de 3,8 % de la masse des cotisations, elle-même liée à l'accroissement de la masse salariale. Le surcroît de recettes est aussi imputé aux prélèvements sociaux opérés sur les plans d'épargne logement PEL, comme l'a rappelé M. Jean-Marie Le Guen à juste titre. La réduction des déficits doit être mise en regard aux recettes supplémentaires. À cela, on ajoutera l'entrée en vigueur du forfait de 18 euros.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a indiqué que la mesure n'est pas encore appliquée.

M. Jean-Luc Préel a observé que, lorsqu'elle entrerait en vigueur, elle rapporterait des recettes supplémentaires. Le ralentissement des dépenses est surtout lié aux versements moindres s'agissant des indemnités journalières. La dépense en soins de ville a connu une augmentation modérée sur les quatre premiers mois de l'année.

Des progrès ont donc été accomplis, mais des incertitudes demeurent, en premier lieu sur les soins de ville, pour lesquels la commission des comptes de la sécurité sociale fait état d'un dépassement de 600 millions d'euros.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a relevé que le comité d'alerte n'a pas déclenché le mécanisme d'alerte.

Rappelant qu'une augmentation des honoraires de l'ordre de un euro interviendra au 1er août, M. Jean-Luc Préel a souhaité interroger le ministre sur les résultats des dernières élections professionnelles montrant que les syndicats de médecins qui s'étaient engagés en faveur de la convention ont été désavoués. Quels seront les effets de cette manifestation d'humeur sur l'application de la convention ? Sur un autre sujet, comment répondre aux dépenses en forte hausse des dépenses des cliniques ? Les tensions sont aigües à l'hôpital, où il manque près d'un milliard d'euros. Les attentes des autres professionnels de santé sont très vives ; comment y répondra-t-on ? Dans un autre domaine, le FSV est déficitaire de 1,5 milliard d'euros et le fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA) de 1,8 milliard d'euros ; comment seront-ils financés ? Enfin, comment le fonds de réserve pour les retraites sera-t-il alimenté cette année ?

M. Simon Renucci a dit partager, pour l'essentiel, les observations de M. Jean-Luc Préel. Si les capacités de présentation et de travail du ministre sont connues, son analyse globale ne correspond peut-être pas à la réalité.

D'abord, il n'est pas certain que l'égalité d'accès aux soins ait été maintenue pour tous. Par ailleurs, compte tenu des résultats aux dernières élections, il n'est pas sûr que le corps médical en son entier ait adhéré aux termes de la convention. Il s'agit là d'une constatation de terrain.

Des progrès ont indéniablement été réalisés, mais la présentation qui a été faite des comptes sociaux montre quelques contradictions. Ainsi, on ne peut à la fois se féliciter d'un fort taux de fécondité et s'inquiéter du déficit de la branche famille. En ce domaine, il faut procéder à des modifications structurelles. Le sujet est difficile et demande de l'humilité. Certes, il faut pointer ce qui va mieux, mais il faut dire aussi que le chemin qui reste à parcourir est encore très long.

Revenant sur le FSV, M. Denis Jacquat a rappelé que la commission des comptes de la sécurité sociale souligne que les dépenses augmentent mécaniquement en fonction des revalorisations du SMIC, qui ont été fortes ces derniers temps. Les recettes actuelles ne suffisant pas, des mesures nouvelles précises sont-elles prévues ?

Mme Valérie Pecresse a demandé quel impact est attendu du plan de rigueur relatif à la gestion des fonds d'action sociale de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), ce plan de rigueur étant parfois mal vécu localement. D'autre part, les objectifs prévus dans le plan crèches seront-ils tenus ?

M. Pierre-Christophe Baguet a rappelé que le déficit cumulé du FSV serait de 5 milliards d'euros en 2006, ce qui ne laisse pas d'inquiéter. La contribution très contestable de la branche famille à ce fonds est-elle appelée à perdurer ? Si tel n'est pas le cas, comment le FSV sera-t-il alimenté ? Qu'en est-il, par ailleurs, du gel des dépenses de financement destinés aux crèches depuis le 1er janvier ? Tous les investissements prévus en 2006 seront-ils réalisés ? Peut-on raisonnablement espérer boucler en six mois des dossiers prévus pour s'étaler sur un an ?

En réponse aux commissaires, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a apporté les précisions suivantes :

- S'agissant de l'assurance maladie, l'objectif du gouvernement est bien le retour « à » l'équilibre, comme le montre la courbe descendante du déficit, passé de 8 milliards d'euros fin 2005 à 6 milliards fin 2006, et qui sera inférieur à 4 milliards fin 2007. Ces prévisions sont données sans tenir compte d'une éventuelle bonne surprise en matière de recettes. En effet, dans le cadrage général, si la croissance de la masse salariale avait été conforme aux prévisions, le déficit de l'assurance maladie aurait atteint 7 milliards d'euros et non 8 milliards d'euros. Le gouvernement suit donc fidèlement la feuille de route fixée par le président de la République qui s'est traduite dans les orientations pluriannuelles annexées à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

- La négociation de la COG de l'assurance maladie est en voie d'achèvement ; elle sera prête cet été et tiendra comptes des vœux de la MECSS. La méthode choisie n'a pas été de commencer par fixer un taux de remplacement mais d'y aboutir. Il a été demandé de définir, au cas par cas, dans quels services la dématérialisation ou la multiplication des plates-formes téléphoniques permettraient de réduire les effectifs tout en maintenant les conditions de travail des personnels et la qualité du service public. L'assurance maladie est un des services publics dont l'indice de satisfaction parmi la population est l'un des plus élevés ; il faut poursuivre dans cette voie. Sachant que dans certains services les besoins en personnel vont croître au cours des années à venir, notamment en ce qui concerne les délégués à l'assurance maladie, il faut déterminer, région par région, les marges de manœuvre qui peuvent être dégagées ; la mutualisation des moyens y contribuera. L'approche retenue est celle de la concertation, l'objectif général étant de définir les emplois qu'il faudra remplacer pour satisfaire les besoins du public et les obligations de service public. Les directions des caisses doivent communiquer avec le personnel pour calmer d'éventuelles inquiétudes. Il n'y aura ni licenciements, ni déplacements, ni fermetures de caisses. L'objectif est de réaliser des économies sans diminuer la qualité du service, pour prendre en charge de nouvelles missions, par exemple la gestion de la carte Vitale avec photo, qui sera bien mise en place avant la fin de l'année, comme prévu.

- Contrairement à ce qu'a dit M. Jean-Marie Le Guen, ce n'est pas à l'augmentation des recettes qu'est due la réduction du déficit. La courbe de baisse continue de la dépense le montre. Passer de 8 milliards d'euros à 6 milliards d'euros de déficit représente en fait un effort considérable de 5 milliards d'euros si l'on tient compte du tendanciel, qui représente 2 à 3 milliards d'euros.

- S'agissant du plan médicament, le « revignettage » et la politique de prix ont demandé plus de temps que prévu et le niveau des stocks était également plus important qu'attendu. Il en est résulté un retard dans l'application des mesures décidées, qui induit un risque de dépense de 480 millions d'euros, intégré dans la prévision de dépenses de la commission des comptes. D'une part, ce risque peut être compensé par l'augmentation du recours aux médicaments génériques. D'autre part, on peut s'attendre aussi à un effet de la réforme sur le montant des prescriptions, ce qui entraînera un ralentissement de la dépense supplémentaire. Ces 480 millions d'euros, dans cette hypothèse, interviendront à la fin de l'année 2006 et au début de l'année 2007.

- Le système de retraite par points, tel qu'il existe en Italie, donne une photographie exacte d'une carrière, alors que le système français actuel gomme les quinze moins bonnes années. Si l'on adoptait le système suggéré par M. Jean-Luc Préel, on pénaliserait ceux qui pendant quelques années ont eu un salaire faible.

- S'agissant de la question de l'assiette des cotisations, le Conseil d'analyse économique et le Conseil d'orientation pour l'emploi se penchent sur la question ; les premiers travaux de synthèse de ces organismes pourront être naturellement évoqués avec les parlementaires intéressés.

En réponse aux intervenants, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille a apporté les éléments d'informations suivants :

- En matière de places de crèche, il n'y a pas eu gel mais bien surchauffe : en l'an 2000, alors que Mme Ségolène Royal était en charge de la famille au sein du gouvernement, 240 places ont été créées, contre 8 550 en 2005. Mais les dépenses des fonds d'action familiale et sociale des caisses d'allocation familiale se sont emballées à un rythme inédit : + 17 % en 2004 et + 15 % en 2006. Le gouvernement a fait le choix d'amplifier le rythme de création de places en crèche : il n'est donc pas question de rigueur, mais au contraire d'expansion. Pour autant, il était impératif de maîtriser la gestion des fonds d'action sociale de la CNAF. Entre 2002 et 2008, grâce aux COG successives, le nombre des places en crèche aura augmenté de 30 % en quelques années, pour atteindre 310 000. Compte tenu des difficultés de gestion financière, et pour rendre soutenable cet effort, il a fallu en début d'année remettre d'aplomb le dispositif et revoir les procédures ; le pilotage de ces opérations devait être recadré. Le 23 mai dernier, la commission des affaires sociales et familiales de la CNAF a adopté un nouveau calibrage pour les nouveaux contrats enfance-jeunesse. L'ensemble des directeurs des caisses d'allocations familiales seront bientôt invités à faire repartir le dispositif très rapidement. Le rapport conjoint de l'IGAS et de l'IGF a formulé d'utiles recommandations, qui ont été suivies, ce qui permet au programme prévu de redémarrer, les engagements financiers étant sécurisés.

- S'agissant de la branche vieillesse, proposer la remise en cause de la réforme des retraites est criminel pour l'équilibre de la branche. C'est aussi remettre en cause les départs à la retraite anticipés. Ceux qui le préconisent iront-ils l'expliquer aux salariés qui ont droit à cet avantage légitime ? De même, ceux qui critiquent aujourd'hui le déficit du FSV sont ceux qui ont diminué ses recettes en 2001, mis à sa charge 400 millions d'euros de dépenses nouvelles relatives aux cotisations des chômeurs aux régimes de retraite complémentaire et l'ont enfin obligé à majorer ses charges de 700 millions d'euros en raison de l'augmentation répétée du SMIC à la suite de l'application des 35 heures. Sans ces dispositions, le FSV serait en fort excédent. Le gouvernement, contraint de tirer les conséquences de cette situation, n'est pas resté inactif. Grâce à la baisse du chômage, le déficit du FSV cette année est de 35 % inférieur à celui de l'année dernière ; la commission des comptes de la sécurité sociale indique qu'il sera ramené à 1,3 milliard d'euros fin 2006 au lieu des 1,5 milliard d'euros prévus. La fin de l'exportation du minimum vieillesse, votée l'année dernière, a permis d'économiser 50 millions d'euros au FSV. A terme, la tendance à la réduction du chômage permettra d'améliorer la situation de ce fonds ;

- S'agissant de la Poste, le principe de la stricte neutralité financière des adossements de régimes au régime général, principe posé par le Parlement, sera respecté. Le gouvernement ne s'engagera pas dans ce dossier délicat sans en avoir étudié longuement la faisabilité, ce qui pourra prendre des mois ;

- En vertu de la loi organique, toute exception au principe de la compensation des exonérations de charges est désormais réservée à la loi de financement de la sécurité sociale. Cela aide les ministres chargés de la sécurité sociale dans le débat interministériel. Cela permettra que l'instrument des exonérations de charge soit utilisé avec tout le discernement nécessaire. La compensation exacte est prévue pour 2006 mais il faudra sans doute une disposition spécifique dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 afin d'assurer une compensation totale en 2007.

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Information relative à la commission

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a désigné Mme Catherine Génisson rapporteure pour avis des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » du projet de loi de finances pour 2007, en remplacement de M. Jean-Marie Le Guen.

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