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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 64

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 14 juin 2006
(Séance de 18 heures)

12/03/95

Coprésidence de M. Jean-Michel Dubernard, président,

et de M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères

SOMMAIRE

 

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- Audition, ouverte à la presse, commune avec la commission des affaires étrangères, de M. Alain de Pouzilhac, président du directoire de la Chaîne française d'information internationale, de M. Ulysse Gosset, directeur général en charge de l'information et des programmes, et de M. Jean-Yves Bonsergent, directeur général en charge des technologies, de la distribution et des directions fonctionnelles





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La commission a procédé à l'audition, commune avec la commission des affaires étrangères, de M. Alain de Pouzilhac, président du directoire de la Chaîne française d'information internationale, M. Ulysse Gosset, directeur général en charge de l'information et des programmes, et M. Jean-Yves Bonsergent, directeur général en charge des technologies, de la distribution et des directions fonctionnelles.

M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères : Dans la continuité de la mission d'information qui nous avait réunis conjointement il y a environ trois ans, le président Dubernard et moi-même avons souhaité réunir à nouveau nos deux commissions pour entendre M. Alain de Pouzilhac, qui dirigera la chaîne française d'information internationale (CFII).

M.  le président Jean-Michel Dubernard : Je vous remercie de nous avoir réunis autour d'un projet dont nos deux commissions attendaient impatiemment la concrétisation.

M. Alain de Pouzilhac, président du directoire de la Chaîne française d'information internationale : Permettez-moi tout d'abord de vous présenter les deux autres membres du directoire, M. Ulysse Gosset, directeur général en charge de l'information et des programmes, et M. Jean-Yves Bonsergent, directeur général en charge des technologies, de la distribution et des directions fonctionnelles.

Le conseil de surveillance, présidé par M. Patrick de Carolis, est composé de trois membres nommés sur proposition de France Télévisions - MM. Patrick de Carolis, Thierry Bert et Patrice Duhamel - et trois sur proposition de TF1 - MM. Patrick Le Lay, Etienne Mougeotte et Jean-Michel Counillon.

La CFII sera diffusée 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Elle devrait être lancée avant la fin de l'année, entre le 25 novembre et le 5 décembre ; nous n'avons pas pris de retard pour l'instant.

Cette chaîne devra rendre compte de l'actualité internationale, mais avec un regard français. Nous devrons véhiculer dans le monde les valeurs, les sensibilités de la France.

Dès son lancement, la CFII couvrira la France, l'Europe de l'Atlantique à l'Oural, le Maghreb et l'Afrique, le Proche et le Moyen-Orient, et deux Etats des Etats-Unis : l'Etat de New York - où se trouve le siège de l'ONU - et l'Etat de Washington DC - siège du FMI. Dans un deuxième temps, elle couvrira l'ensemble de l'Amérique du Nord, l'Asie et l'Amérique du Sud.

La CFII vise en premier lieu à atteindre les « leaders d'opinion » dans le monde : les décideurs politiques, les décideurs économiques, les professionnels des médias, mais aussi le monde universitaire et les étudiants.

La diffusion sera gratuite et s'effectuera en numérique et en clair en utilisant tous les moyens du haut débit - Internet et la téléphonie mobile.

À son lancement, la chaîne sera bilingue, avec deux canaux, l'un intégralement en français, l'autre en anglais - pour 75 % - et en français - pour 25 % - car plus de 85% des leaders d'opinion ne comprennent pas le français.

Nous mettrons en place dès 2007 un décrochage en arabe de quatre heures, sur le canal anglais et, en 2008, un décrochage en espagnol.

La rédaction de la CFII sera bilingue : tous les journalistes devront parler couramment, outre le français, l'anglais, l'arabe ou l'espagnol. Il convient en effet que les deux canaux ne soient pas différents mais diffusent au contraire les mêmes programmes. C'est le même journaliste qui réalisera le reportage sur les deux canaux.

La CFII produira un tiers de ses images. Un autre tiers sera produit par France Télévisions et TF1, et le dernier tiers sera le fruit d'accords avec l'Agence France Presse (AFP), Radio France Internationale (RFI), Radio France Outre-Mer (RFO) et TV5 Monde.

Le capital de la société est détenu à parité par TF1 et France Télévisions. Avec deux canaux, notre budget annuel passe de 70 à 80 millions d'euros. Cela suffira à assurer notre fonctionnement, même si les budgets de nos concurrents sont plus importants.

Nous avons l'ambition de nous positionner dès le départ comme « challenger » face à CNN International, BBC World et Al-Jazeera. La France doit être présente et donner son opinion à l'échelle du monde.

M. Jean-Yves Bonsergent, directeur général en charge des technologies, de la distribution et des directions fonctionnelles : Notre premier objectif est d'étendre au maximum la distribution de la chaîne : la CFII doit donc être gratuite, diffusée en numérique et en clair, sur le câble et le satellite, mais aussi sur tous les réseaux DSL et tous les systèmes de distribution de services audiovisuels qui existent et qui existeront demain.

Nous essaierons également d'être présents dans un certain nombre d'hôtels, d'aéroports, de compagnies aériennes, lieux privilégiés des leaders d'opinion actuels.

La technologie numérique est présente dans 76 millions de foyers, ce qui représente 200 millions d'individus, dont 90 % vivront en dehors du territoire national. Il est donc important que la CFII soit reprise sur un certain nombre de plateformes numériques. Sur 90 % de la zone de diffusion du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient, le satellite numérique est gratuit, ce qui signifie que la chaîne sera reçue gratuitement dans ces zones. En revanche, seuls 30 % de l'Afrique et de l'Europe reçoivent gratuitement le satellite numérique. Nous devrons tenter de nous faire référencer au mieux sur les plateformes existantes.

Quant aux réseaux DSL, ils sont extrêmement importants, et nous nous efforcerons d'y être présents.

Dès le départ, le site Internet de la CFII sera trilingue - français, anglais, arabe. Il sera le prolongement de l'antenne et proposera des contenus complémentaires. Il sera un lieu d'interactivité - chats, blogs...-, mais aussi une nouvelle plateforme de distribution.

M. Alain de Pouzilhac : Nous souhaitons lancer les sites Internet de la chaîne quelques jours avant la chaîne elle-même, afin de souligner la modernité de la CFII.

M. Ulysse Gosset, directeur général en charge de l'information et des programmes : La CFII est d'abord une chaîne d'information, maillon manquant à l'offre française à travers le monde. Il ne s'agit pas de faire concurrence aux chaînes de l'audiovisuel extérieur qui existent déjà.

C'est un formidable projet pour les journalistes et pour notre pays. C'est un projet stratégique à l'heure où il existe déjà 85 chaînes d'information dans le monde, dont plus de quinze chaînes internationales. La CFII ambitionne d'offrir une alternative aux chaînes arabes, anglo-saxonnes et allemandes existantes, et de présenter l'actualité mondiale autrement, depuis Paris, avec une rédaction indépendante.

Notre projet est ambitieux et audacieux. Pour la première fois en France, cette chaîne d'information émettra 24 heures sur 24, sept jours sur sept, afin d'être présente lors de chaque événement.

Parce que la CFII est française, elle doit avoir l'esprit français, un parfum de France, et proposer, outre l'actualité immédiate, l'actualité de la culture, de l'art de vivre à la française. Là sera notre spécificité. La grille de programmes sera dynamique, nerveuse, rythmée, originale.

Nous sommes en train de bâtir une rédaction multimédia, qui s'inscrit dans son siècle, avec les meilleures technologies et les meilleurs journalistes. Nous visons l'excellence journalistique, dans la plus grande indépendance. En effet, si cette chaîne est le reflet des valeurs françaises, elle ne sera pas la voix de la France, car de son indépendance dépendent son respect et sa crédibilité aux yeux du monde.

La rédaction sera composée d'environ 170 journalistes, venus de tous les pays européens et de tous les horizons - France Télévisions, TF1, chaînes parlementaires, BBC, etc. Nos journaux, d'une dizaine de minutes, seront diffusés toutes les heures, et nous accorderons aussi de la place aux débats contradictoires afin de faire passer à l'étranger cette passion du débat qui existe en France, et rapporter sans caricature l'actualité française pour ne plus entendre parler, par exemple, de guerre civile à propos des émeutes en banlieue.

La CFII a la chance de pouvoir s'appuyer sur deux piliers de l'information en France, France Télévisions et TF1, et de pouvoir accéder à leurs vingt bureaux à l'étranger. Par ailleurs, la CFII va conclure des partenariats avec les acteurs français de l'audiovisuel extérieur - TV5 Monde, AFP, RFI - et internationaux. Cela lui permettra d'assurer la plus grande réactivité.

Nous n'avons pas l'ambition de concurrencer CNN, car nous sommes un « petit Poucet » face à ce géant, mais nous voulons développer notre propre identité et être fiers de notre travail quotidien à l'antenne.

Nous lancerons donc la chaîne en décembre 2006 sur deux canaux. À l'été 2007, nous mettrons en place un décrochage de plusieurs heures en arabe et nous nous appuierons sur une plateforme Internet innovante, trilingue. Si nous en avons les moyens, nous envisagerons un décrochage en espagnol à l'horizon 2009 ou 2010.

M. le président Edouard Balladur : TV5, Arte, RFI, Canal France International (CFI), RMC Moyen-Orient et Euronews composent aujourd'hui l'audiovisuel extérieur français. Comment la CFII compte-t-elle s'intégrer dans ce paysage caractérisé par le morcellement et la modestie des moyens budgétaires consentis à chacune de ces entités ?

Ne pourrions-nous réfléchir à la mise en place d'une sorte de « holding », dans laquelle l'Etat regrouperait ses participations, en assignant à chacune de ces entités une mission particulière ? Arte pourrait ainsi consacrer davantage d'émissions aux pays européens.

Je souhaiterais en effet que davantage d'émissions s'attachent à faire connaître les pays d'Europe aux Français, et réciproquement. Ce serait d'ailleurs un moyen de promouvoir la langue française, car un Bulgare serait plus tenté de regarder une émission en français sur son pays que sur un sujet d'actualité générale. Ces émissions doivent-elles entrer dans le cadre des activités d'Arte, ou des vôtres ? C'est à voir, mais sans vouloir être dirigiste, je pense que nous ne pouvons laisser chacun développer sa spécificité sans se préoccuper de ce que font les autres, et sans souci de l'intérêt général.

Je suggère que quelques-uns des membres de nos deux commissions se réunissent pour étudier cette question et faire des propositions.

M. le président Jean-Michel Dubernard : J'adhère à cette excellente suggestion, d'autant plus que nous n'avons pas actuellement une vision synthétique de la manière dont la CFII compte travailler avec l'AFP, RFO, RFI, TV5 Monde ou Arte.

Je tiens par ailleurs, M. de Pouzilhac, à saluer votre enthousiasme. Vous allez de l'avant, et c'est très bien.

Cette chaîne sera-t-elle bien diffusée sur le territoire français ? Jusqu'au dernier moment, en effet, nous avons eu des doutes.

Par ailleurs, alors que M. de Pouzilhac parle d'un décrochage en espagnol en 2008, M. Gosset évoque l'horizon 2009 ou 2010. Qu'en est-il ? Nous souhaiterions un calendrier rapproché, car le monde hispanophone est très important.

S'agissant de la distribution, vous nous avez indiqué par quels « tuyaux » les téléspectateurs du monde entier accéderont à cette chaîne, mais l'ensemble du spectre audiovisuel n'est-il pas déjà très étroitement contrôlé par les Etats ou les opérateurs qui facturent chèrement leurs services ?

Enfin, ce budget vous paraît-il suffisant au regard, par exemple, du budget de CNN - 650 millions d'euros - ou de BBC World - 480 millions d'euros ? Comment pourrez-vous rivaliser, même en vous appuyant sur des structures existantes ?

M. Emmanuel Hamelin : La création d'une télévision française d'information internationale nous a passionnés, car nous avons tous compris sa pertinence dans le paysage audiovisuel français.

Concernant les partenariats, nous avons conscience que l'audiovisuel extérieur français est sans doute trop multiple et opaque. Nous devons profiter de l'occasion pour le réaménager, et je me réjouis de la proposition du président Balladur.

L'ancien président de TV5 Monde avait souhaité que sa chaîne remplisse la fonction de chaîne française d'information internationale. Je faisais alors partie de ceux qui pensaient qu'il fallait plutôt créer la CFII, car TV5 Monde est une chaîne généraliste francophone, alors que la CFII est une chaîne d'information internationale multilingue. Néanmoins, pendant des années, TV5 a pu développer son information, du fait du vide laissé par l'information française au niveau mondial. L'arrivée de la CFII rééquilibrera le traitement international de l'information, et les partenariats devront se préciser. À ce propos, quel type de partenariat envisagez-vous éventuellement avec Euronews ? Je rappelle qu'Euronews fonctionne avec un budget de 25 millions d'euros, soit encore plus modeste que celui de la CFII, même si les objectifs sont différents. Des budgets restreints n'empêchent pas de faire de grandes et belles choses.

En tout cas, vous trouverez beaucoup de députés pour vous soutenir, et nous partageons votre optimisme.

M. François Rochebloine : Il y a trois ans, la mission commune à nos deux commissions remettait son rapport, certes avec des préconisations différentes de celles d'aujourd'hui. Nous devons en prendre acte et aller de l'avant, tout en regrettant que ceux qui voudront regarder cette chaîne semi-publique, semi-privée, mais à financement entièrement public, doivent payer, et partant payer une deuxième fois.

Y aura-t-il de la publicité, et le cas échéant, quelle part représentera-t-elle ?

Par ailleurs, je me réjouis que cette chaîne puisse être vue en France, mais cela suppose un conventionnement avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) : où en est la procédure ? À terme, une diffusion sur la TNT est-elle envisagée ?

Concernant le contenu éditorial, en quoi cette chaîne sera-t-elle différente des chaînes françaises d'information ?

Par ailleurs, il est vrai qu'Internet s'est aujourd'hui imposé comme une source d'information incontournable, en particulier auprès du public ciblé par la CFII : quels seront votre stratégie de développement multimédia et le positionnement de votre site par rapport à ceux de vos principaux concurrents ?

Où en êtes-vous de l'appellation de la chaîne, car il semble que vous n'allez pas garder le nom de CFII ?

Enfin, qu'attendent vos futurs partenaires des accords que vous allez passer avec eux, et quel sera le coût des images que vous allez acheter à TF1 et France Télévisions ?

M. Michel Herbillon : Ne boudons pas notre bonheur, nous qui espérions cette chaîne d'information internationale depuis si longtemps. Je tiens moi aussi à saluer l'enthousiasme qui se dégage des interventions du président et des membres de son directoire.

L'audiovisuel extérieur français est aujourd'hui très éclaté, peu lisible, et la place de la CFII dans ce paysage pose aujourd'hui problème, aussi suis-je favorable à la proposition du président de la commission des affaires étrangères.

Dans la fragrance « parfum de France », quelle est la part de la note olfactive européenne ? N'oublions pas que nous sommes un pays fondateur de l'Europe.

Je salue également le lancement immédiat du site Internet en trois langues.

J'en viens maintenant à mes deux questions. Comme notre mission l'avait proposé, vous avez déclaré que cette chaîne serait celle des valeurs culturelles françaises sous toutes leurs formes : pourriez-vous nous en dire davantage ? Quant au mode de distribution, il est important que cette chaîne soit rapidement référencée dans les hôtels, car les leaders d'opinion voyagent. Avez-vous évalué le ticket d'entrée et le calendrier ?

M. Jacques Myard : Vous avez évoqué la question des réseaux et des correspondants à l'étranger, qui coûtent chers mais qui sont vitaux. Allez-vous systématiquement passer des accords avec les correspondants francophones sur place ?

S'agissant de la diffusion, allez-vous aussi émettre en français en Amérique du Nord, ou uniquement en anglais, ce qui serait problématique dans la mesure où un certain nombre d'Américains s'éveillent au français ?

Enfin, le Web trilingue sera-t-il trilingue en permanence ou par intermittence ?

Par ailleurs, contrairement à M. Herbillon, je vous conseille de ne pas parler de la Commission européenne, si vous ne voulez pas désespérer vos téléspectateurs.

M. Michel Herbillon : J'ai parlé de l'Europe, non de ses institutions.

M. Alain de Pouzilhac : Pour répondre à la première question du Premier ministre, que vous avez tous reprise, je comprends que la complexité du paysage audiovisuel extérieur vous préoccupe, mais ce n'est pas le fait de la CFII.

Par ailleurs, nous allons consacrer des émissions à l'Europe et aux pays européens, et au-delà, nous nous attacherons à montrer la diversité du monde, des cultures, des opinions. À l'inverse des Américains qui veulent un monde monolithique, nous sommes pour un monde divers et pluriel.

Monsieur le président Dubernard, la CFII sera bien diffusée sur le territoire français. Cela étant, M. Rochebloine a eu raison de souligner que 80 % de la diffusion se ferait par câble et satellite, et que seuls 20 % seront « en clair » par le biais de l'ADSL. S'agissant des décrochages en espagnol, M. Gosset a voulu se montrer prudent en évoquant le 1er décembre 2009, et moi optimiste, en parlant du 31 décembre 2008... Je laisse la parole à M. Bonsergent pour répondre sur la distribution.

M. Jean-Yves Bonsergent : En France, les réseaux DSL sont capitaux, surtout si l'on cible les nouveaux leaders d'opinion. Le câble et le satellite sont également intéressants, mais plus limitatifs.

M. Alain de Pouzilhac : Pour ce qui est du budget, même si nous aurions été heureux de recevoir davantage, 80 millions d'euros suffiront à faire de la CFII une chaîne compétitive, car nous comptons dans notre actionnariat les groupes France Télévisions et TF1 dont nous utiliserons les images. Je laisse M. Gosset vous parler des partenariats.

M. Ulysse Gosset : S'agissant des budgets, nous devons comparer ce qui est comparable : le budget annuel de la BBC World, qui est la chaîne internationale de la BBC, est évalué entre 70 et 75 millions d'euros, et cette chaîne doit son efficacité à la BBC dans son ensemble sur laquelle elle s'appuie.

M. le président Jean-Michel Dubernard : Mais de votre côté, vous devrez acheter les images de France Télévisions et de TF1 !

M. Ulysse Gosset : Le budget annuel réservé à l'achat de ces images est divisé en deux catégories, le budget « informations » - 2,2 millions d'euros - et le budget « magazines » - 2,6 millions d'euros. Il permettra à la CFII d'être une vitrine internationale des meilleurs reportages des chaînes françaises. Nous pourrons diffuser des sujets de magazines comme Envoyé Spécial, des sujets de magazines télévisés des deux chaînes, sans parler des partenariats qui nous permettront d'augmenter notre couverture à l'échelle internationale. Nous pourrons ainsi avoir recours aux correspondants de l'AFP, laquelle, grâce à nous, pourra développer en échange son service vidéo. Nous expérimentons d'ailleurs avec l'AFP un dispositif de « news corner », qui consiste à installer dans certains bureaux de l'AFP des petits coins vidéo avec des caméras pour diffuser en direct les reportages de leurs correspondants.

Par ailleurs, nous disposerons également d'un réseau de correspondants propres, dans un certain nombre de capitales, même celles où sont déjà installés des bureaux de TF1, de France Télévisions ou de RFI. Nous voulons en effet nous assurer qu'en cas de grand événement, nous aurons notre propre couverture. Enfin, nous sommes en discussion avec Euronews, qui a une forte vocation européenne, pour éventuellement coproduire certaines émissions.

M. Jean-Yves Bonsergent : La publicité sera présente sur la CFII, mais la diffusion en France nous oblige à redéposer une notification auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

M. Alain de Pouzilhac : Nous devons rester prudents, car j'ai dernièrement remis un grand prix média à la chaîne BFM, dont le représentant m'a conseillé de parler le plus possible en anglais et le moins possible en français, et m'a averti qu'il ne faudrait pas compter sur la publicité si nous recevions de l'argent public.

Cela étant, nous sommes prêts à mener ce combat, et je pense que nous pouvons raisonnablement compter sur trois millions d'euros de recettes publicitaires la première année.

M. Jean-Yves Bonsergent : Pour ce qui est du conventionnement avec le CSA, nous avons déposé le dossier la semaine dernière auprès de la présidence du conseil, et nous espérons obtenir les conventionnements sur les deux canaux d'ici la fin du mois de juin.

M. Ulysse Gosset : Parce que nous aurons vocation à couvrir l'actualité du monde, nous nous différencierons de LCI et des autres chaînes d'information nationales, qui sont essentiellement des chaînes franco-françaises tournées vers la politique intérieure. Nous aurons pour notre part vocation à donner un autre regard sur le monde et la France et à aborder des thèmes ou des pays encore méconnus.

S'agissant du décrochage en arabe, il faut savoir qu'il n'existe pas moins de cinq projets de décrochages en arabe chez nos concurrents.

M. le président Jean-Michel Dubernard : C'est très bien de montrer autant d'enthousiasme, mais il est important d'avoir aussi une vision prospective. Il existe aujourd'hui un marché dont on se dispute le partage, à l'instar des compagnies pharmaceutiques dans le domaine du médicament, ce qui est un peu inquiétant pour les chaînes nationales.

M. Ulysse Gosset : C'est vrai, nous sommes le « petit Poucet » et le défi sera très difficile à relever, d'où l'intérêt d'assurer une bonne distribution grâce à des partenariats.

M. Alain de Pouzilhac : S'agissant de la diffusion de la CFII sur la TNT, cela ne figure pas dans les orientations qui nous ont été données.

M. Emmanuel Hamelin : Certes, mais après 2011 et l'arrêt de l'analogique la question pourra se poser.

M. Jean-Yves Bonsergent : Pour ce qui est de notre stratégie sur Internet, vous aurez remarqué que les sites Internet font aujourd'hui des efforts pour être plus lisibles, plus interactifs. Nous serons d'abord une chaîne de télévision, mais nous devrons trouver notre place de « petit Poucet » parmi ces sites de très bonne qualité et donner envie aux internautes de nous consulter.

M. Alain de Pouzilhac : La CFII fait plus peur qu'on ne le pense. BBC et CNN passent ainsi en ce moment des accords avec les Américains sur les moteurs de recherche et redessinent complètement leurs sites Internet. Il manque à la télévision cette dimension de dialogue et d'interactivité que l'on retrouve sur Internet. Nous sommes nous aussi en discussion avec des partenaires sur des moteurs de recherche. Nous avons l'avantage d'être neufs, mais le combat sera rude.

M. Ulysse Gosset : Nous avons un projet de partenariat avec RFI pour réaliser nos journaux africains. Pourquoi ne pas également imaginer des partenariats avec RFO pour donner plus de résonance à certains programmes ?

Notre première ambition est de lancer la chaîne en décembre prochain, ce qui est modeste et ambitieux à la fois.

Quant à Internet, la CFII a vocation à être la plus interactive possible pour que les internautes puissent s'exprimer grâce à des forums, qui permettront aux spectateurs dans le monde de nous poser des questions et d'organiser des débats.

M. Alain de Pouzilhac : S'agissant des valeurs culturelles françaises, une étude a montré que les leaders d'opinion français sont beaucoup plus attachés à la culture et à l'art de vivre que les leaders d'opinion américains ou britanniques. Pour eux, la culture englobe la culture générale - musique classique, littérature, peinture, etc. -, la « pop culture » - littérature moderne, peinture contemporaine, etc. -, mais aussi la gastronomie et l'art de vivre. Notre ligne éditoriale abordera tous ces thèmes.

M. Ulysse Gosset : La chaîne doit refléter ces valeurs fondamentales de la France que sont la liberté, la tolérance, la diversité. Aujourd'hui, la haute technologie et les grandes industries participent aussi à la richesse de la France. La CFII devra donc aborder l'actualité, l'économie, la météo et le sport, mais aussi la culture et l'art de vivre. La chaîne devra s'appuyer sur les valeurs françaises, sans pour autant être cataloguée comme « la voix de la France ».

M. Alain de Pouzilhac : Concernant le mode de distribution, c'est vrai que les hôtels sont très importants et ils font partie des cibles de la CFII au même titre que les aéroports ou les compagnies aériennes. Nous avons déjà engagé des discussions avec toutes les grandes chaînes d'hôtels des territoires que nous couvrons, et nous aurons besoin d'un an environ pour conclure tous ces accords.

M. le président Jean-Michel Dubernard : Quel est le montant du ticket d'entrée ?

M. Alain de Pouzilhac : Nous n'aurons pas d'estimation avant six ou huit mois. Nous travaillons aujourd'hui chaîne d'hôtels par chaîne d'hôtels, voire, pour quelques réseaux américains, hôtel par hôtel. Nous avons la chance de pouvoir dialoguer avec un grand groupe hôtelier français, sensible à nos arguments.

M. Jacques Myard : Y aura-t-il une diffusion en français aux Etats-Unis ?

M. Alain de Pouzilhac : Etant donné la manière dont les Américains traitent les chaînes internationales, je pense que si nous proposons le canal 100 % français, ils nous rangeront immédiatement dans un bouquet ethnique. Dès lors qu'une chaîne n'est pas diffusée en anglais aux Etats-Unis, elle n'est pas convenablement distribuée. La politique américaine est à ce point protectionniste que la BBC n'a pas pu s'y faire référencer pendant dix ans ! Elle a beau être diffusée en anglais, CNN a trouvé mille façons de l'empêcher d'être référencée sur le territoire américain. En ce sens, l'année de battement dont nous disposons pour faire l'expérience d'une diffusion dans deux Etats des Etats-Unis est intéressante car elle nous permettra d'affiner notre stratégie.

M. Jacques Myard : Et au Québec ?

M. Alain de Pouzilhac : Il ne sera couvert que dans un second temps, avec l'Amérique du Nord. S'agissant de la diffusion en espagnol, nous commencerons par l'Amérique du Sud en 2008/2009. Quant au web, il sera en permanence trilingue - les internautes pourront immédiatement choisir entre le français, l'anglais et l'arabe.

Je crois que nous avons répondu à l'ensemble des questions.

M. le président Jean-Michel Dubernard : Nous vous remercions. Nous allons suivre votre évolution de très près.

M. Alain de Pouzilhac : Nous sommes optimistes car ce projet est passionnant et comble un manque, mais le combat sera difficile.


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