Version PDF

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 66

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 27 juin 2006
(Séance de  18 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

ppages

-- Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur la mise en application de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale (M. Jean-Pierre Door, M. Jacques Domergue, Mme Cécile Gallez, et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs)




2

- Information relative à la commission

9

En application de l'article 86, alinéa 8 du Règlement, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur la mise en application de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006.

Le président Jean-Michel Dubernard a souhaité la bienvenue à M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, invité par la commission à faire le point sur la mise en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, et souligné qu'il s'agissait d'une « première » dans l'histoire des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'équilibre général et les recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, a indiqué que la loi de financement pour 2006 présente quelques particularités. C'est en effet la première loi de financement examinée, discutée et votée conformément à la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Cela a abouti à une loi de financement de 95 articles, ce qui est un record historique ; 7 de ces articles ont été jugés non conformes à la Constitution. L'autre point notable est que beaucoup de ces articles ne demandent pas de textes d'application, car il s'agit de dispositions purement financières. Cette proportion élevée d'articles directement applicables conduit à augmenter « optiquement » l'applicabilité de la loi de financement. La mise en application de la loi de financement pour 2006 fera l'objet d'autres examens. En effet, conformément à la loi organique, le projet de loi de financement pour 2007 comprendra en annexe une étude sur l'application de la loi de financement pour 2006. En outre, le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale portant sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale sera déposé en septembre 2006.

L'examen et la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale sont enserrés dans des délais stricts, fixés par l'article 47 de la Constitution. Compte tenu de ce qui pourrait être qualifié d'« urgence de droit », la publication des textes réglementaires d'application devrait être rapide, ce qui n'est malheureusement pas le cas. En effet, sur les 88 articles de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, 27 articles exigent la publication d'au moins un texte réglementaire d'application en 2006, qu'il s'agisse d'un décret en Conseil d'Etat, d'un décret ou d'un arrêté. Sur ces 27 articles exigeant 50 décisions réglementaires, 12 articles n'ont fait l'objet d'aucun texte d'application ; 3 ont fait l'objet d'une application partielle ; 12 ont fait l'objet d'une application complète. Au 27 juin, il restait donc 27 décisions réglementaires à publier sur les 50 nécessaires, soit un taux de publication inférieur à 50 %.

Les dispositions de nature financière, qu'il s'agisse du dernier exercice clos (articles 1er et 2), de la rectification des chiffres pour 2005 (articles 3 à 8) et des objectifs et prévisions pour 2006 (articles 9, 24, 26 à 30, 33 et 95) sont d'application directe.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 marque un effort sans précédent de lutte contre les fraudes. L'article 25 comporte des dispositions très importantes de lutte contre le travail dissimulé. En particulier, il modifie le code du travail afin que le bénéfice de toute mesure de réduction et d'exonération des cotisations de sécurité sociale ou des contributions acquittées auprès des organismes de sécurité sociale soit subordonné au respect des dispositions du code du travail interdisant le travail dissimulé. Lorsque l'infraction est constatée par procès-verbal, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions. Cette annulation, plafonnée à un montant fixé par décret, est égale au montant des réductions ou exonérations pratiquées dans l'établissement sur la période où a été constatée l'infraction.

Selon les informations transmises, la publication du décret relatif au plafonnement du montant de l'annulation des réductions et exonérations serait imminente. Ce plafonnement devrait être fixé à 45 000 euros, ce qui permettrait à la fois de préserver le caractère dissuasif du dispositif d'annulation et de le conformer à la nature du délit. En effet, ce montant correspond à l'amende pénale maximum prévue en cas de condamnation de l'employeur qui a commis le délit de travail dissimulé.

De même, le décret en Conseil d'Etat relatif à l'application du dispositif d'annulation serait également très rapidement publié. Il aurait pour objet de préciser, d'une part, la méthode de calcul du montant des réductions ou exonérations annulées et, d'autre part, les conditions de mise en œuvre du redressement consécutif à cette annulation.

L'article 92 de la loi introduit des dispositions très importantes en matière de lutte contre la fraude et de renforcement des contrôles. La rédaction des mesures d'application, complexe, exige une concertation étroite avec les caisses de sécurité sociale et le ministère de la justice. On ne peut cependant que regretter le retard pris dans la rédaction des neuf mesures réglementaires d'application, dont une seulement (l'arrêté relatif au rapport annuel sur les fraudes rédigé par les caisses nationales) serait en cours de publication. Sept autres mesures réglementaires font l'objet d'une concertation ou sont en cours d'élaboration.

L'application d'une mesure législative a été abandonnée. Il s'agit du décret appliquant les dispositions de l'article 92 relatives à la coopération entre organismes. Une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 reviendrait sur cette disposition afin d'élargir le périmètre de la coopération entre les organismes. Le ministre précisera sans doute les causes de ce changement.

Le régime comptable des organismes de sécurité sociale est modernisé. L'article 31 de la loi de financement prévoit que les comptes des organismes nationaux de sécurité sociale autres que ceux du régime général sont certifiés par un commissaire aux comptes. Ces dispositions s'appliqueront au plus tard aux comptes de l'exercice 2008 selon des modalités définies par décret. Une norme d'exercice professionnel, homologuée par voie réglementaire, précisera les diligences devant être accomplies par les commissaires aux comptes. Cette dernière disposition s'appliquera au 1er janvier 2008. La première certification des comptes interviendra au plus tard en 2009 et portera sur les comptes de 2008. Le décret fixant les conditions de mise en œuvre de l'article 31 de la loi de financement homologuera aussi la norme professionnelle, dont le contenu fait actuellement l'objet de discussions entre les organisations représentatives des commissaires aux comptes et la mission comptable permanente (MCP) de la direction de la sécurité sociale.

L'article 32 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 prévoit de fixer les conditions générales de la mise en œuvre de la responsabilité des agents comptables. Il s'agit d'une disposition essentiellement technique.

M. Maurice Giro, suppléant M. Jacques Domergue, rapporteur pour l'assurance maladie et les accidents du travail, a jugé le bilan, pour ce qui concerne spécifiquement l'assurance maladie et les accidents du travail, plutôt satisfaisant dans l'ensemble. En effet, sur les 44 articles de loi concernés, 26 articles, soit près de 60 %, étaient d'application directe et sont donc entrés en vigueur dès la publication de la loi ; 13 textes réglementaires ont été publiés (5 décrets et 8 arrêtés) ; l'entrée en vigueur de deux articles a par ailleurs été différée par la loi elle-même et il n'est donc pas anormal que leurs textes d'application n'aient pas encore été publiés. Sur les 15 articles qui nécessitaient la parution d'un texte réglementaire pour entrer pleinement en vigueur, seuls 8 sont aujourd'hui inapplicables, du moins pour partie. S'agissant des deux articles dont l'application a été différée par la loi, l'article 44 prévoyait qu'un arrêté puisse faire contribuer les régimes obligatoires d'assurance maladie, si cela s'avérait nécessaire, au financement du groupement pour la modernisation du système d'information (GMSI) des établissements de santé. Il n'a pas été nécessaire de le publier en 2006 et il ne sera donc publié, le cas échéant, qu'en 2007. De même, l'article 65 de la loi visant à lutter contre la fraude à la carte Vitale n'entrera en vigueur qu'à partir du 1er juillet 2007. Un arrêté, actuellement en cours d'élaboration, permettra de préciser les modalités de mise en œuvre des vérifications qui devront être effectuées par les pharmaciens d'officine : ce texte pourrait être publié d'ici décembre 2006.

La publication de certains textes d'application de la loi doit être particulièrement soulignée. S'agissant tout d'abord des médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant, l'arrêté du 17 janvier 2006 a procédé au déremboursement partiel de 62 médicaments (veinotoniques), qui sont désormais pris en charge à hauteur de 15 % par l'assurance maladie, en application de l'article 41 de la loi. La convention nationale des chirurgiens-dentistes, publiée le 14 juin dernier, a permis de préciser les modalités de mise en œuvre de l'examen bucco-dentaire de prévention pour les enfants âgés de 6 et 12 ans, en application de l'article 38 de la loi. S'agissant de la tarification à l'activité, et même si plusieurs rapports ont récemment mis en lumière les incertitudes qui pèsent sur ce nouveau mode d'allocations des ressources des établissements de santé, on ne peut que se féliciter de la publication de deux mesures d'application de l'article 43 :

- le décret en Conseil d'Etat du 20 février 2006, qui assouplit le mécanisme de convergence intrasectorielle des cliniques à but lucratif et donne ainsi une plus grande liberté dans la montée en charge de la réforme aux régions pouvant converger plus vite vers le tarif unique ;

- l'arrêté du 6 janvier 2006, qui étend aux prestations afférentes à certains modes de prise en charge alternatifs à l'hospitalisation complète les possibilités de dérogation à la règle de la montée en charge progressive de la tarification à l'activité dans le secteur des établissements antérieurement financés par dotation globale.

En application de l'article 50 de la loi, les modalités de fonctionnement des « lits halte soins santé » (LHSS), destinées aux personnes sans domicile fixe, ont été définies, au terme d'une large concertation, par un décret en Conseil d'Etat en date du 17 mai 2006. Les conditions de financement des LHSS, des appartements de coordination thérapeutique et des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD) ont été précisées par le décret du 31 mai 2006.

S'agissant du parcours de soins, il faut souligner la publication du décret du 2 janvier 2006, qui a fixé à cinq ans la durée pendant laquelle les dispositions relatives au parcours de soins ne s'appliqueront pas aux consultations assurées par un médecin généraliste installé pour la première fois en exercice libéral ou qui s'installe dans une zone déficitaire définie par une mission régionale de santé. Ce décret devrait notamment participer à l'amélioration nécessaire de la démographie médicale.

Avec un peu de retard, s'expliquant notamment par la nécessité de modifier les systèmes d'informations des établissements de santé et des organismes d'assurance maladie complémentaires, a été publié très récemment, le 19 juin dernier, le décret instituant une participation forfaitaire de 18 euros pour les actes dont le tarif est égal ou supérieur à 91 euros, correspondant au « K 50 » dans l'ancienne nomenclature des actes médicaux (article 56 de la loi). Le texte prévoit un certain nombre d'exonérations : c'est en particulier le cas pour les actes de radiographie, d'imagerie par résonance magnétique (IRM) et de scanographie. Il en va de même pour les frais afférents au transport d'urgence et à l'acquisition des véhicules pour handicapés physiques ou d'orthoprothèses.

Cependant, l'absence de certaines mesures d'application prive encore de leur effectivité certains articles pourtant importants. Il est en premier lieu nécessaire que l'arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale mentionné à l'article 37 et autorisant les sages-femmes à prescrire certains dispositifs médicaux soit rapidement publié, afin de permettre aux patientes d'éviter de consulter leurs médecins traitants. Cela représentera à terme une source d'économies certaine pour l'assurance maladie. Par ailleurs, on ne peut que déplorer que n'aient pas encore été publiés les deux décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article 34 et qui devraient permettre à certaines catégories d'assurés sociaux, détenus libérés et chômeurs reprenant une activité, de conserver des droits à prestations en espèces dans certaines circonstances qui les en privaient jusque-là de façon inéquitable, avec pour conséquence d'handicaper leur retour sur le marché du travail.

L'article 48 a réformé, sur la demande pressante de Mme Cécile Gallez, rapporteure pour l'assurance vieillesse, le régime conventionnel, les conditions de fonctionnement des logements-foyers, ainsi que le financement des soins par l'assurance maladie. Un décret et deux arrêtés doivent être publiés pour mettre en œuvre ces mesures très attendues car le régime tarifaire et les normes de sécurité n'étaient plus adaptés au fonctionnement de ces établissements. Le gouvernement attend certes les conclusions d'un groupe de travail de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur une nouvelle norme de la classe J pour préparer la rédaction de ces textes ; le ministre pourra sans doute donner une indication sur la date de mise en application de ces nouvelles dispositions. Par ailleurs, il faut signaler que les conditions d'emploi des 500 millions d'euros de réserve de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour la réalisation d'investissements de modernisation et de sécurité des établissements d'hébergement des personnes âgées en 2006 ont été fixées par un arrêté du 5 avril 2006.

S'agissant des modalités de mise en œuvre du parcours de soins pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, le ministre peut-il fournir à la commission des précisions sur le décret d'application de l'article 54 de la loi et lui confirmer que celui-ci devrait être publié très prochainement ?

Enfin, même si l'on peut être sensible aux difficultés tenant notamment au périmètre extrêmement large de la population concernée, il ne faut pas que le gouvernement néglige de rendre applicable l'article 81 de la loi, aux termes duquel les caisses primaires d'assurance maladie informent les personnes susceptibles d'avoir été exposées à l'amiante de leur droit à bénéficier d'une surveillance médicale postprofessionnelle. À cette fin, il pourrait être utile de s'inspirer du bilan du dispositif expérimental de suivi postprofessionnel (SPP) des salariés de l'amiante mis en place en Aquitaine, Normandie et Rhône-Alpes.

Mme Cécile Gallez, rapporteure pour l'assurance vieillesse, a souligné que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 contient quatre dispositions essentielles en matière d'assurance vieillesse.

La première est l'intégration juridique du régime des ministres des cultes dans le régime général des travailleurs salariés. Cette réforme nécessite une restructuration formelle des dispositions réglementaires du code de la sécurité sociale. Sur le fond, une seule règle importante de l'assurance vieillesse applicable aux ministres des cultes et aux membres des congrégations changera : leur âge légal de départ en retraite passera de 65 à 60 ans. Les projets de décret en Conseil d'Etat et de décret simple sont actuellement soumis à l'avis de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), de la Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (CAVIMAC) et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Ils ont été transmis au Conseil d'Etat qui attend de disposer de ces avis avant de statuer. La publication de ces textes est prévue pour le mois d'août 2006.

La deuxième est la réforme des cinq régimes d'avantage social vieillesse des professions de santé. L'article 77 de la loi a réformé la gouvernance des cinq régimes supplémentaires obligatoires d'assurance vieillesse et a posé les bases d'une réforme financière de ces régimes afin d'assurer leur pérennité menacée par leur situation financière très dégradée. En matière de gouvernance, la loi a confié au gouvernement un pouvoir de décision plus étendu pour la détermination des cotisations, des conditions d'acquisition des points de retraite et des conditions de service des prestations ainsi que pour la fixation de la valeur de service des points de retraite. Cependant, comme annoncé lors de la discussion du projet de loi de financement, le gouvernement ne procédera à la révision des paramètres financiers des cinq régimes qu'après une concertation approfondie avec les professions et les caisses. Le décret du 30 décembre 2005 a donc reconduit pour 2005 les paramètres financiers des prestations supplémentaires de vieillesse des médecins conventionnés. Les quatre autres régimes ne nécessitent pas la publication d'un tel décret annuel. La négociation pour la fixation des futurs paramètres financiers a été engagée au début de l'année 2006. Elle a été interrompue pendant les élections aux unions régionales des médecins libéraux du 29 mai 2006 mais va reprendre sous peu. Si la réforme financière doit entrer en application au début de l'année 2007, les délais paraissent très brefs pour trouver un accord avec les partenaires professionnels sur les nouveaux paramètres financiers des cinq régimes : montant des cotisations, conditions d'acquisition des points de retraite, valeur de service des points, perception éventuelle d'une cotisation d'ajustement, réajustement de la valeur des points de service acquis et des points des pensions liquidées. Quelles échéances le ministre se donne-t-il pour parvenir à un accord ? Quelles sont les orientations des discussions ? Celles conduites avec certaines des cinq professions concernées sont-elles plus avancées ? Compte tenu des premiers contacts, une cotisation d'ajustement non créatrice de droits à pension de retraite apparaît-elle indispensable ?

La troisième réforme importante est la soumission du service du minimum vieillesse à la condition de résidence sur le territoire français conformément à la réglementation des minima sociaux. Depuis le 1er janvier 2006, le minimum vieillesse - et plus précisément le complément de retraite non contributif financé par le Fonds de solidarité vieillesse - ne doit donc plus être accordé aux personnes résidant hors du territoire national. Aucun texte réglementaire n'est nécessaire pour mettre en application cette réforme. Cependant, son application soulève une question. Actuellement, la CNAVTS continue de verser dans de nombreux cas le complément de retraite aux personnes qui étaient résidentes sur le territoire national au moment de la liquidation de leurs droits à retraite, même si celle-ci est intervenue depuis le 1er janvier 2006. En vertu d'une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, les compléments de retraite doivent être versés à tous les ressortissants de la Communauté quel que soit leur lieu de résidence. Le principe de nationalité ne peut donc pas leur être opposé. Pour les ressortissants étrangers à la Communauté européenne, des conventions bilatérales de sécurité sociale imposent le plus souvent, surtout pour les conventions anciennes, l'exportation des avantages de retraite, sans distinguer ceux ayant un caractère contributif et ceux ayant un caractère non contributif. Pour les Français résidents hors de la Communauté européenne ou des départements d'outre-mer, un contrôle identique des versements doit également s'appliquer. Or, aujourd'hui, les services de la CNAVTS n'effectuent pas de contrôle du lieu de résidence des titulaires de minimum vieillesse. Il suffit donc que l'on liquide ses avantages retraite en étant résident sur le territoire national pour continuer à bénéficier du versement du minimum vieillesse par la suite, même si l'on s'installe hors d'Europe. Les agents comptables des caisses pourront-ils suspendre le versement à l'étranger des compléments de retraite non contributifs accordés depuis le 1er janvier 2006, y compris en cas d'existence d'une convention bilatérale de sécurité sociale ? La loi paraît suffisamment claire, mais des instructions ministérielles seront-elles nécessaires pour procéder à ces suspensions ?

Enfin, la quatrième réforme porte sur la définition du principe de la neutralité financière de l'adossement des régimes spéciaux au régime général et de l'information préalable du Parlement en cas d'adossement d'un régime spécial à la CNAVTS Ces deux mesures ne nécessitent pas la publication de texte réglementaire pour être mises en application.

Après avoir félicité les rapporteurs pour leurs exposés très complets et leurs questions pertinentes, le président Jean-Michel Dubernard a excusé Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille, que des raisons personnelles empêchent d'être présente. Seuls 7 articles de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 concernent la branche famille. 3 sont d'application directe et 4 nécessitent des décrets ou arrêtés déjà publiés ou en cours de publication : l'article 85 supprimant le plafonnement à trois enfants des prestations familiales servies à Mayotte, l'article 86 aménageant le complément de libre choix d'activité (CLCA) de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE), l'article 87 créant l'allocation journalière de présence parentale (AJPP) et l'article 89 relatif aux conditions d'attribution des prestations familiales aux étrangers.

Un débat a suivi les exposés des rapporteurs.

M. Jean-Marie Le Guen s'est étonné que la participation forfaitaire de 18 euros pour les actes dont le tarif est égal ou supérieur à 91 euros, votée par le Parlement en novembre et justifiée par le gouvernement au nom de la nécessité financière, ne soit toujours pas entrée en vigueur, le décret d'application n'ayant été pris que la semaine dernière. Même si la mesure est sur le fond inopportune, il y a lieu de s'interroger sur les raisons et les conséquences financières d'une si faible diligence.

M. Denis Jacquat a rappelé que si la branche vieillesse est en déficit et non plus en excédent, c'est parce qu'un plus grand nombre de personnes que prévu ont demandé à bénéficier de la mesure permettant aux travailleurs ayant commencé leur vie active très jeunes de partir à la retraite avant soixante ans. Il faut d'ailleurs souligner que cette mesure avait été votée à l'unanimité par l'Assemblée, non sans une certaine surenchère de la part de l'opposition, et que ses bénéficiaires en sont extrêmement satisfaits.

Après avoir félicité le gouvernement d'avoir décidé la prise en charge d'un examen de prévention bucco-dentaire de chaque enfant à l'âge de six et de douze ans, M. Daniel Prévost a demandé quand cette mesure entrerait en vigueur et si elle ferait l'objet d'une campagne d'information en direction des familles et des chirurgiens-dentistes. Par ailleurs, il serait bon qu'un point soit fait sur la lutte contre les fraudes à la carte SESAM - Vitale, ainsi que sur l'adossement du régime d'assurance vieillesse des ministres des cultes (CAVIMAC) au régime général.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a remercié les rapporteurs et les intervenants et leur a apporté les éléments de réponse suivants :

- Sur 88 articles de la loi, 60 sont d'application directe, les 28 autres nécessitant au total 47 décrets et arrêtés. Sur ces 47 mesures, 23 sont publiés ou en cours de publication, deux se sont révélés inutiles et 22 sont en phase de rédaction ou de publication.

- Au-delà de l'aspect strictement réglementaire de l'application de la loi, les mesures relatives aux produits de santé ont permis d'économiser 234 millions d'euros, notamment grâce à la substitution plus fréquente de médicaments génériques, favorisée par les accords conclus entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM), les pharmaciens et les médecins. Les remboursements de médicaments par la CNAMTS enregistrent une nette décélération : l'évolution en rythme annuel n'était plus que de 1,8 % en mai 2006, contre 2,2 % en avril, 3,9 % en mars, 4,6 % en février et 5,7 % en janvier.

- S'agissant des établissements de santé, la part de tarification à l'activité a été portée à 35 % en 2006, et le gouvernement a également engagé des travaux visant à mesurer les charges spécifiques pesant sur le service public hospitalier, afin de réussir la convergence entre les tarifs des établissements publics et privés. Parallèlement, la rationalisation des achats, l'amélioration du contrôle de gestion et des systèmes d'information, permettront au secteur hospitalier de mieux servir la collectivité en proposant les meilleurs services et soins aux meilleurs coûts. L'offre de soins continuera en 2007 à s'adapter aux évolutions des besoins de la population, grâce aux schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération (SROS 3) adoptés en mars 2006 pour les cinq années à venir, et qui permettront des regroupements ou de meilleures articulations entre établissements. Les besoins particuliers de certaines populations ont été pris en compte - santé mentale, périnatalité, cancer, maladies rares - dans le cadre de plans de santé spécifiques.

- Dans le domaine de la maîtrise médicalisée, le rythme d'évolution des dépenses de médecine de ville est très favorable. La dynamique est bien engagée et l'avenant n° 12 à la convention de 2005 inscrit ce mouvement dans la durée. L'objectif est de 800 millions d'euros en 2006 et de 600 millions d'euros supplémentaires en 2007. Parcours de soins et maîtrise médicalisée permettront d'améliorer la qualité des soins tout en maîtrisant les dépenses, en évitant les redondances et les actes inutiles, évalués entre 6 et 8 milliards d'euros par la Cour des comptes.

- Les indemnités journalières de maladie poursuivent leur baisse : - 3,5 % cette année. Le nombre des contrôles effectués par la CNAMTS est passé de 450 000 en 2003 à 600 000 en 2004 et 750 000 en 2005 ; ce renforcement sera poursuivi cette année et l'année prochaine, grâce à l'effort de productivité réalisé par des effectifs à peine augmentés.

- Le dispositif du forfait de 18 euros sur les actes dont le tarif est supérieur ou égal à 91 euros a été revu - et c'est ce qui explique le retard pris par le décret, publié au Journal officiel du 20 juin - de manière à éliminer les effets de seuil. La formule retenue est celle d'un ticket modérateur de 20 %, plafonné à 18 euros, c'est-à-dire que la participation des assurés ne dépassera pas ce montant, même dans le cas d'une opération coûtant 5 000 euros. Des exonérations sont prévues, en outre, en faveur des patients atteints d'affections de longue durée, des femmes enceintes, des nouveaux-nés et des titulaires de rentes d'accident du travail. Le dispositif s'appliquera à partir de la rentrée de septembre ; il ne rapportera donc guère d'argent à l'assurance maladie au cours de l'année 2006, mais davantage en 2007, et constituera pour les assurés un effort minime et équitable.

- Il est vrai que le déficit de la branche vieillesse est exclusivement dû à la mesure prise en faveur des travailleurs ayant commencé leur vie active très jeunes. Les quelque 300 000 bénéficiaires de cette mesure ont tout lieu de se féliciter de son adoption, repoussée chaque année sous la législature précédente, et que seule la réforme des retraites opérée en 2002 a permis de financer. Le Conseil d'orientation des retraites a d'ailleurs rappelé que cette réforme permettrait de couvrir la moitié des besoins de financement de l'assurance vieillesse à l'horizon 2020, l'autre moitié devant être couverte par les recettes supplémentaires liées à la diminution du taux de chômage - il suffirait que celui-ci soit ramené à 7 % pour que le système de retraite par répartition s'équilibre. Des rendez-vous réguliers permettront d'ailleurs des ajustements du financement au vu de l'évolution du chômage.

- Le décret d'application de l'article 54, relatif aux parcours de soins des bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU), vient d'être signé et sera publié très prochainement.

- La réforme du régime des cultes était demandée par ses gestionnaires eux-mêmes. La concertation est en cours, et devrait être finalisée prochainement. Il s'agit d'une réforme consensuelle et le gouvernement s'attachera à ce qu'elle le demeure.

- L'article 77 relatif à l'avantage social vieillesse des professions médicales et dentaires ne constitue pas à proprement parler une réforme des régimes de ces professions, mais rend cette réforme possible en levant les obstacles juridiques qui pesaient sur les négociations. Celles-ci devraient donc progresser dès les prochaines semaines, notamment avec les chirurgiens-dentistes.

- L'exportation du minimum vieillesse a donné lieu à de réels abus, permis par des failles de la réglementation. Ce revenu de substitution, non contributif, est réservé aux personnes résidant sur le territoire français, et calculé en fonction du seuil de pauvreté propre à la France. Il est injustifiable qu'il soit versé à des personnes résidant hors de France, dans des pays déshérités où le coût de la vie est bien moindre, et ce à plus forte raison lorsque ces personnes n'ont effectué en France que de brèves périodes de travail, leur ouvrant droit à un complément de retraite non contributif d'autant plus élevé que leur rente contributive est plus faible. Mettre fin à cet abus ne crée aucune discrimination entre ressortissants de l'Union européenne, puisque le minimum vieillesse n'est pas servi selon un critère de nationalité, mais de résidence, qui vaut pour les Français comme pour les citoyens des autres pays. Cette réforme est d'ailleurs très bien comprise.

- D'une façon générale, le retard pris par certains textes d'application n'est pas dû à une quelconque inertie des bureaux, mais au fait que la concertation se poursuit. C'est le cas, pour prendre ce seul exemple, de l'arrêté d'application de l'article 37, signé ce jour, et qui fixe la liste des dispositifs médicaux susceptibles d'être prescrits par les sages-femmes - permettant au passage à l'assurance maladie d'économiser le remboursement de la consultation, inutile, d'un médecin.

- Enfin, le dispositif opérationnel de la prise en charge de l'examen bucco-dentaire des enfants à l'âge de six et de douze ans est en cours de discussion entre la CNAMTS et les chirurgiens-dentistes. Il se déploiera dans l'ensemble des départements à partir des mois d'octobre et novembre 2006. Une lettre d'information sera adressée aux parents d'élèves et une campagne de communication sera lancée par l'assurance maladie.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est réjoui de cette dernière mesure et a remercié le ministre pour ses réponses.

*

Information relative à la commission

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a désigné Mme Valérie Pecresse, rapporteure sur le projet de loi, adopté par le Sénat, réformant la protection de l'enfance - n° 3184.


© Assemblée nationale