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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 72

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 11 juillet 2006
(Séance de 15 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur la tarification à l'activité des établissements de santé (M. Jean-Marie Rolland, rapporteur)



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- Information relative à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur la tarification à l'activité des établissements de santé, présenté par M. Jean-Marie Rolland.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur, a rappelé que, dès le début de la législature, à l'initiative du président Jean-Michel Dubernard, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales s'est intéressée à l'hôpital, ce lieu si cher à nos concitoyens où l'on soigne et apaise -  il ne faut jamais l'oublier - une grande part des souffrances humaines. La mission d'information, alors constituée, sur l'organisation interne de l'hôpital, présidée par M. René Couanau, a dressé en mars 2003 un état général des lieux sévère.

Partageant ce constat et également conscient des problèmes et des défis auxquels était confronté l'hôpital, M. Jean-François Mattei, lorsqu'il était ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a annoncé à la fin de l'année 2002 le lancement du plan « Hôpital 2007 », dont la mise en œuvre du financement à l'activité des hôpitaux constitue un des quatre volets et même, sans doute, la pierre angulaire.

Le cadre général de la « tarification à l'activité », communément dénommée T2A, a été fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Le nouveau mode d'allocations des ressources aux hôpitaux doit être mis en œuvre progressivement en huit ans, de 2004 à 2012, dans les secteurs hospitaliers public et privé.

La commission a souhaité que la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède à une première évaluation de cette réforme majeure, après deux années d'application. En application des dispositions prévoyant l'assistance de la Cour des comptes au Parlement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS a immédiatement demandé à la Cour de mener une enquête, préalable aux propres travaux menés par la mission, sur la mise en œuvre de la tarification à l'activité dans les établissements de santé. La communication de la Cour a été présentée devant la MECSS, le 1er juin 2006. Par ailleurs, la MECSS a procédé, avec la participation de membres de la Cour des comptes, à une trentaine d'auditions publiques des principaux acteurs du monde hospitalier.

Le rapport examine la pertinence des conditions de montée en charge du nouveau mode de financement commun aux secteurs hospitaliers public et privé et suggère d'accélérer la mise en place des outils de contrôle et d'évaluation de nature à maîtriser les effets financier et organisationnel résultant de la T2A, afin d'assurer la réussite de cette réforme.

Actuellement, une vingtaine de pays ont, durant les vingt dernières années, mis en place un système de tarification à l'activité des établissements de santé. On peut citer les Etats-Unis, qui ont mis en place ce système dès 1983, mais de manière limitée pour une catégorie de personnes - les personnes âgées et handicapées couvertes par les programmes fédéraux Medicare et Medicaid - et, récemment, l'Angleterre, l'Allemagne et la France.

Il ne peut pas être tiré de conclusions définitives des expériences étrangères dans la mesure où la tarification à l'activité est appliquée selon des modalités et des dosages variables. Chaque pays adapte l'outil en fonction des spécificités de son système d'hospitalisation et d'assurance maladie. On peut cependant noter qu'aucun pays n'utilise une tarification pure. Dans les pays européens, la part du financement provenant des tarifs par séjour ne dépasse pas 50 % du budget des établissements. En outre, dans de nombreux pays, les tarifs sont différenciés par groupe d'établissements ou par région et, partout, l'application de la réforme a été progressive. La transparence des coûts et des tarifs est généralement assurée et dans certains pays, comme les États-Unis, un organisme indépendant est responsable de la définition des paramètres techniques et en partie chargé de la régulation économique du système.

En France, les expérimentations - utilisant les outils du programme médicalisé des systèmes d'information (PMSI) et la valorisation des points d'indice synthétique d'activité (ISA) - de nouvelles modalités de financement prenant en compte l'activité ou de corrections des inégalités entre régions et entre établissements menées depuis plus de vingt ans ont été peu concluantes, en raison de nombreuses insuffisances : absence d'objectifs clairs et constants, fragilité des structures de pilotage, faiblesse des outils d'information, période transitoire trop longue entraînant la perte de crédibilité de la réforme, pratique assez courante des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) consistant à fausser le jeu en recourant à des dotations complémentaires, absence de contrôle. De plus, et il faut le regretter, tous les enseignements de ces expérimentations ne paraissent pas avoir été tirés avant la mise en place de la tarification à l'activité.

Cependant, dans le cadre de l'ambitieux plan Hôpital 2007 destiné à dynamiser et moderniser les établissements hospitaliers et prévoyant la relance de l'investissement hospitalier ainsi que la mise en place d'une nouvelle gouvernance et de nouvelles règles d'organisation sanitaire, il a été également décidé de mettre en place un nouveau mode de financement : la tarification à l'activité.

Ce système se substitue, d'une part au financement par dotation globale des hôpitaux publics et des établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH) critiqué pour son manque d'équité et de souplesse, d'autre part au financement des cliniques par prix de journée et forfaits jugé inflationniste. Les deux systèmes n'étaient, en outre, ni comparables, ni compatibles et freinaient les coopérations nécessaires entre les deux secteurs et la recomposition du paysage hospitalier.

Quatre objectifs principaux sont assignés à la tarification à l'activité : une plus grande médicalisation du financement ; une responsabilisation des acteurs et une incitation à s'adapter ; une équité de traitement entre les secteurs public et privé ; le développement des outils de pilotage médico-économique dans les établissements. Le changement de système de financement était souhaité par les acteurs hospitaliers. Les auditions conduites par la MECSS ont permis de vérifier que le nouveau mode d'allocation fait, dans son principe, l'objet d'un très large consensus.

Actuellement, la T2A concerne environ 2 000 établissements de santé, publics ou privés, titulaires d'autorisations d'exercice des activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), sur un total de près de 3 000, soit deux établissements sur trois. Les établissements qui ont des activités de soins de suite et de réadaptation et de psychiatrie pourraient entrer dans le champ d'application de la T2A en 2007. Les hôpitaux locaux sont, compte tenu de leurs spécificités, pour le moment maintenus en dehors de la réforme.

Les établissements privés financés par prix de journée ont basculé intégralement dans le nouveau système, au mois de mars 2005. En revanche, s'agissant des établissements sous dotation globale, le choix a été fait d'une montée en charge progressive de manière à laisser le temps aux établissements de s'adapter au nouveau modèle de financement. Dans ces établissements, l'application de la T2A a débuté le 1er janvier 2004. La part de financement reposant sur l'activité doit augmenter progressivement pour atteindre l'objectif de 100 % en 2012. La fraction variable, tarifée en fonction de l'activité, a représenté 10 % la première année, en 2004, puis 25 % en 2005. La part tarifée a été fixée à 35 % pour l'année 2006. Durant la période de montée en charge, les établissements percevront donc, au titre des activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), un reliquat de dotation globale (65 % en 2006) sous la forme d'une dotation annuelle complémentaire (DAC), fixée par le directeur de l'ARH, et des recettes tirées de l'application des tarifs de séjours en fonction de leur activité.

La tarification à l'activité consiste en un financement mixte associant un dispositif de tarification médicalisée pour l'activité de soins et une dotation pour assurer l'ensemble des missions de service public. Plus précisément, la réforme organise un financement composite fait de tarifs, de forfaits, de majorations, de suppléments et de dotations garanties sans lien avec l'activité de soins. Certains dispositifs médicaux implantables et médicaments onéreux (DMI-MO), inscrits sur des listes, sont remboursés intégralement en plus des tarifs de soins.

La tarification à l'activité recouvre 75 % des moyens budgétaires affectés aux activités de MCO. La prise en charge financière de base, directement liée à l'activité, est adaptée à la nature des soins prodigués, au moyen de tarifs de séjours correspondant à des groupes homogènes de séjours (GHS) qui sont la traduction tarifaire de la classification en groupes homogènes de malades (GHM) issue du PMSI.

L'activité MCO est regroupée en 775 GHS. Une nouvelle version (V11) de la classification est en préparation : elle prévoit la révision des groupes de médecine et l'ajout d'un quatrième niveau de sévérité de diagnostic ; elle pourrait aboutir à la création de 100 à 200 nouveaux GHM. Les activités d'hospitalisation à domicile sont financées au moyen de 31 groupes homogènes de tarifs (GHT). Les tarifs de GHS et de GHT tiennent compte de la nature des pathologies prises en charge et des soins prodigués pendant les séjours hospitaliers, mais également de la durée moyenne de séjour et de l'âge des patients. Les tarifs de GHT incluent, comme les GHS, la rémunération du médecin traitant, mais ne comprennent pas les honoraires des médecins spécialistes libéraux qui sont pris en charge au titre des soins de ville.

Les tarifs sont actualisés et révisés chaque année. Des coefficients géographiques destinés à compenser certains facteurs géographiques de surcoûts permanents sont appliqués aux tarifs, suppléments et forfaits dans certaines régions : en Ile-de-France, en Corse, dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane et de La Réunion.

La dotation MIGAC regroupe les financements des missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation (MERRI), des missions d'intérêt général (MIG) et des aides à la contractualisation (AC).

En 2005, près de la moitié de l'objectif total de dépenses des établissements de santé était financée par les tarifs forfaitaires de séjours : 28,4 milliards d'euros sur 60 milliards, soit 47,3 %. Par ailleurs, les tarifs représentaient près des deux tiers de l'objectif de dépenses MCO, c'est-à-dire 28,4 milliards d'euros sur 44 milliards, soit 64,6 %, les MIGAC 4,7 milliards, soit 10,7 %, les forfaits, séances et hospitalisations à domicile 3,8 milliards, soit 9,7 %, les suppléments pour « séjours extrêmes » 1,2 milliard, soit 2,7 %, les autres suppléments 2,1 milliards, soit 4,8 %, et les DMI-MO 2,8 milliards, soit 6,3 %.

Les auditions organisées par la MECSS ont permis de noter - et il faut s'en féliciter - le consensus fort sur les principes de la réforme. Toutefois, la mise en œuvre de la T2A est l'objet de certaines critiques qui portent essentiellement sur le manque de transparence dans la détermination des paramètres de financement, c'est-à-dire le calcul des tarifs et des dotations, et le manque de lisibilité pour les opérateurs en raison de la complexité du dispositif et de retards dans la publication des données de cadrage budgétaire. Ont été également évoquées des insuffisances de préparation, d'anticipation des problèmes, de concertation, d'information et de formation, en particulier de formation au codage. Ces critiques, qui doivent être prises en compte - et le rapport formule à cet effet plusieurs propositions -, mettent également en évidence la nécessité d'apporter une attention très soutenue à l'accompagnement de la réforme.

Le rapport détaille le dispositif et procède à une première analyse, à la lumière des expériences étrangères, des effets qui pourrait résulter du nouveau mode de financement sur l'évolution des dépenses hospitalières, la réorganisation des établissements et la qualité des soins.

Dans le but d'assurer la crédibilité et la réussite de la mise en œuvre de la T2A, le rapport formule 125 propositions correspondant à 10 orientations principales :

- 1. Assurer la crédibilité et la réussite de la T2A ;

- 2. Respecter l'objectif de dépenses hospitalières ;

- 3. Privilégier le financement par les tarifs ;

- 4. Valoriser les éléments de financement conformément aux objectifs fixés ;

- 5. Veiller à la bonne utilisation des aides à la contractualisation ;

- 6. Faire la transparence sur les paramètres de financement ;

- 7. Assurer la lisibilité du dispositif ;

- 8. Veiller à la qualité des soins ;

- 9. Renforcer l'information et le contrôle du Parlement ;

- 10. Améliorer le suivi, le contrôle et l'évaluation.

Le rapport souligne la nécessité de respecter les objectifs de dépenses hospitalières et de lutter contre l'éventuel effet inflationniste de la T2A. Dans la phase de démarrage, la T2A, qui crée un intérêt à coder les actes, peut entraîner une augmentation apparente de l'activité du fait d'un codage des actes plus exhaustif. Le Comité d'alerte a, le 31 mai dernier, appelé à « la plus grande vigilance » dans le suivi des établissements de santé. Le gouvernement devrait organiser prochainement une première conférence tarifaire. Le rapport préconise de faire jouer la régulation tarifaire en cas de risque de dépassement de l'objectif de dépenses.

Afin de donner la portée la plus large possible à la logique de la T2A, le rapport préconise, par ailleurs, de privilégier le financement par les tarifs. Les prestations de soins ou non doivent être, autant que possible, intégrées dans les tarifs. Une série de propositions est formulée dans ce but : il est notamment proposé d'extraire des MIGAC ce qui peut l'être pour l'intégrer dans les tarifs. Dans la même logique, il est souhaitable que les dispositifs médicaux implantables et les médicaments onéreux soient, autant que possible, intégrés dans les tarifs.

Par ailleurs, il est préconisé de mieux identifier et valoriser les missions financées par les dotations MIGAC, qui sont souvent considérées comme un moyen de contourner la réforme, et de contractualiser leur attribution. Les coefficients géographiques devraient être aussi mieux évalués et réactualisés régulièrement.

Une série de propositions visent à mieux assurer la valorisation des éléments de financement conformément aux objectifs fixés et à faire la transparence sur les méthodes et calculs de valorisation.

Il convient, en outre, d'être très vigilant pour que l'attribution des crédits de « l'enveloppe régionale de contractualisation » - qui s'élèvent en 2006 à 176 millions d'euros au titre des activités MCO - soit précisément contrôlée afin que ne se reproduisent pas certaines dérives passées qui pourraient conduire à amoindrir les effets de redistribution, de corrections des inégalités et de rationalisation de l'offre de soins qui sont attendus de la T2A.

Le rapport suggère, par ailleurs, de poursuivre le processus bien engagé de convergence des tarifs à l'intérieur de chacun des secteurs. Il propose cependant que les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) puissent accompagner, par des aides exceptionnelles, les établissements publics antérieurement les plus surdotés qui connaîtraient d'importantes difficultés à s'adapter.

En ce qui concerne la convergence entre les secteurs, le rapport demande que celle-ci reprenne en 2008 voire même, de manière mesurée, en 2007 et que des études soient rapidement menées qui permettent de faire toute la lumière sur les écarts de coûts « justifiés », c'est-à-dire résultant de facteurs exogènes aux établissements ou de disparités dans les prestations, et les autres, c'est-à-dire les écarts de coût résiduels entre les secteurs. Lors de son audition par la MECSS le 28 juin dernier, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a annoncé que des études avaient été engagées sur ce sujet. Le rapport propose de faire converger les tarifs sur la base des écarts de coûts résiduels. Il suggère, en outre, de faire converger vers les tarifs des établissements les plus performants afin d'éviter de créer des effets d'aubaine. Il demande, enfin, que des études soient menées sur les solutions envisageables pour compenser les écarts de coûts « justifiés » : surtarifs, tarifs différenciés ou convergence partielle.

Le rapport formule aussi plusieurs propositions visant à renforcer l'information et le contrôle du Parlement sur la mise en œuvre de la réforme. Afin d'éviter la tentation de transfert de sous-enveloppes à sous-enveloppes, par exemple de la base tarifaire aux dotations MIGAC, le rapport suggère que celles-ci soient fixées par le Parlement. Il propose aussi que le taux de la fraction tarifée dans le secteur public soit fixé par le Parlement et fasse l'objet d'une programmation pluriannuelle annoncée au moment de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il est proposé que la fraction tarifée soit portée à 50 % en 2007.

Le rapport formule, par ailleurs, plusieurs propositions de nature à fiabiliser les méthodes, les outils de financement et les moyens de contrôle concernant notamment l'échelle nationale de coûts, la représentativité des échantillons, l'instauration de la facturation individuelle et de la facturation directe aux caisses de sécurité sociale ou encore la définition d'indicateurs de suivi.

Le rapport appelle aussi au développement de systèmes d'information et de contrôle de gestion médico-économique. Il propose de fixer une obligation de tenue d'une comptabilité analytique médicalisée. Il suggère de clarifier le pilotage de la réforme en supprimant la mission sur la T2A qui, dans cette nouvelle phase de gestion du dispositif, pourrait être intégrée dans la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), laquelle verrait ainsi son rôle de pilote pleinement reconnu. Le rapport souligne en outre la nécessité de la concertation mais préconise de confier la présidence des groupes de travail et des instances de concertation, qui sont nombreuses, à des personnalités indépendantes des organisations professionnelles et d'éviter les interférences excessives sur les travaux de nature technique.

Il est également proposé de renforcer le contrôle du codage des séjours en prévoyant notamment une obligation de contrôle interne, la généralisation des contrôles et le développement des contrôles sur site ainsi que la tenue par les ARH d'un tableau de suivi des contrôles effectués par l'assurance maladie. Il est aussi demandé au comité d'évaluation, qui a été créé en 2004, d'accélérer ses travaux.

Afin de mesurer les effets réels de la T2A sur la qualité des soins, il est proposé que la Haute Autorité de santé définisse des indicateurs de qualité des soins applicables dans les établissements. Il est par ailleurs souhaité que la prévention soit bien prise en compte dans les tarifs.

Le rapport propose, enfin, de veiller à la bonne articulation entre les schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisième génération (SROS 3), qui fixent des objectifs quantifiés avec la T2A, afin que celle-ci produise bien les effets attendus d'amélioration de l'efficience des établissements et de rationalisation de l'offre de soins. Le rapport souligne, dans cette perspective, l'intérêt de développer les expérimentations d'agences régionales de santé.

La T2A est une réforme du financement des établissements de santé de grande ampleur. C'est une réforme structurante qui, en harmonisant les règles de financement entre les deux secteurs, vise à améliorer l'efficience de chaque établissement et l'efficience globale du système de santé. D'aucuns prétendent qu'il s'agit d'une vraie révolution culturelle qui devrait changer bien des habitudes. Cela ne sera possible que grâce à la mobilisation de tous les personnels sur des projets mobilisateurs dans le cadre des nouveaux pôles. Deux ans et demi après le début de sa mise en œuvre, la T2A paraît bien engagée. Il faut maintenant poursuivre l'effort afin de la réussir complètement. Cela serait de nature à conforter la bonne image que les Français ont de l'hôpital. Un sondage récent rappelait ainsi que 82 % des Français ont une bonne opinion des hôpitaux.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le rapporteur pour la qualité de son travail et les membres de la MECSS pour leurs efforts, soulignant que les travaux de la MECSS doivent constituer le pivot des travaux de contrôle de la commission.

En France, on s'intéresse à la tarification à l'activité (T2A) depuis une vingtaine d'années, alors que de nombreux pays étrangers ont retenu ce mécanisme depuis quarante ans, voire cinquante, notamment les Etats-Unis qui connaissaient déjà un système équivalent à la T2A avant la généralisation de ce mode de financement. La France avait néanmoins engagé un programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI).

Il faut s'interroger sur la lenteur des pouvoirs publics français à mettre en œuvre une réforme financière comme celle de la T2A dans le milieu hospitalier. Existe-t-il des facteurs internes ou extérieurs à l'hôpital qui expliqueraient ces difficultés ?

Cette lenteur s'observe sur la question de la convergence entre les établissements publics et privés : le législateur a décidé qu'en 2008 le taux de convergence devrait atteindre 50 %. Or le processus est aujourd'hui interrompu. Cela n'est pas normal. Lors du prochain débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, le gouvernement devra expliquer les raisons de cet arrêt du processus : existe-t-il des empêchements techniques, politiques, ... ? Y a-t-il des prises de position de fédérations hospitalières qui anticiperaient sur ce qui pourrait se passer à la suite des échéances électorales du printemps 2008 ?

De même, concernant les agences régionales de santé, il faudra expliquer pourquoi la réforme est aussi lente à se mettre en place. Si l'on peut convenir qu'il est nécessaire d'aller progressivement, aucune explication n'a été fournie sur les absences de démarrage des expérimentations prévues en Poitou-Charentes et en Alsace.

Le rapport présenté par M. Jean-Marie Rolland mériterait d'être repris par les médias car il permet de s'interroger sur les raisons pour lesquelles le système hospitalier français, public et privé, est aussi lent à s'adapter à l'évolution des besoins des patients. La T2A a en fait été conçue pour améliorer l'efficience du système hospitalier et la qualité des soins pour le plus grand nombre. Il faut être conscient que si le déficit continue à augmenter, la qualité des soins baissera, sauf pour ceux qui peuvent se prévaloir d'un « piston ».

Mme Jacqueline Fraysse a regretté de n'avoir pu participer davantage aux réunions de la MECSS. Le travail qui a été effectué est de qualité. Il est vrai que le mode de financement de l'hôpital par la dotation globale était très critiquable et critiqué. Mais le groupe communiste s'est toujours opposé à la philosophie qui sous-tend la réforme de la T2A.

Le rapport de la MECSS pose donc un problème de fond majeur : il ne présente pas une évaluation rigoureuse des effets de la T2A sur la qualité des soins, ni ne discute de la pertinence du choix de ce mode de financement ; il expose la façon dont on va pouvoir accélérer l'application de cette réforme. Cette démarche explique l'invitation qui est faite de tarifer davantage les activités de soins, en particulier les mesures contenues dans les plans de santé publique. Le rapport ne pointe pas certaines difficultés de financement : l'existence de disparités de coûts ; les écarts de coûts entre les hôpitaux publics et les structures privées. Or il est important de montrer que la T2A est une source de désorganisation et peut mettre en cause l'accès aux soins. Sous certains aspects, le rapport pointe ces dérives. Cependant, le rapport de la MECSS, en raison de son a priori positif sur la T2A, se limite à proposer de simples ajustements.

Il est indiqué que le schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) et les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC) sont là pour limiter les effets pervers de la T2A. Or ces outils sont contraires aux orientations mêmes de gestion de la T2A.

Les informations recueillies lors des auditions du groupe communiste pour préparer l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 sont alarmantes. La Fédération hospitalière de France (FHF) a tenu des propos sévères sur la T2A, qui correspondent à une dure réalité ; selon ses termes, la fédération « se prépare à une vraie poudrière ». Elle estime que les trois quarts des hôpitaux connaissent des difficultés financières majeures et demande plus d'un milliard d'euros de crédits supplémentaires. Selon FO, « le chaudron de l'hôpital public est en train de bouillir ; il va exploser ». La CGT va dans le même sens : « les directeurs des hôpitaux sont très inquiets. ». À titre d'exemple, une dotation exceptionnelle a dû être versée à l'hôpital de Nanterre pour lui permettre de payer les salaires de décembre 2005.

La T2A ne permettra pas de surmonter ces difficultés financières. Il faut trouver des ressources nouvelles pour l'hôpital.

Parmi les 125 propositions du rapporteur, il est difficile d'indiquer celles auxquelles le groupe communiste peut souscrire. La transparence des paramètres financiers et l'amélioration de la lisibilité ne sont pas critiquables mais les propositions sont conçues pour amplifier l'application de la T2A, ce à quoi le groupe communiste est totalement opposé. En particulier, les propositions 12, 13 et 14 sur les MIGAC et la proposition 43 sur la réforme du dispositif de participation de l'assuré soulèvent une forte inquiétude.

Si la convergence entre le secteur public et le secteur privé vise à harmoniser le secteur hospitalier et à établir une meilleure équité entre les établissements, il n'est pas possible de mettre sur le même plan des établissements commerciaux et des établissements publics.

Pour toutes ces raisons, le groupe communiste votera contre ce rapport, sans état d'âme.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que les hôpitaux publics et les hôpitaux privés sont financés par une même source de financement et que la T2A à pour objectif que l'argent des Français soit dépensé de la meilleure façon possible dans tous les hôpitaux.

M. Jean-Luc Préel a indiqué que, globalement, le groupe UDF approuve le rapport et ses orientations.

Toutefois, le rapport aurait dû affirmer, dès le début et la fin, le principe selon lequel l'objectif de la T2A est d'accueillir et de soigner dans de bonnes conditions les malades. Or il se donne comme objectif d'assurer la crédibilité de la réforme. Les propositions de la MECSS devraient avoir comme objectif la meilleure affectation des recettes qui, en France, sont socialisées.

La mise en œuvre de la tarification à l'activité est un progrès important au regard notamment des insuffisances présentées par le dispositif antérieur du budget global, qui conduisait, de façon peu satisfaisante, à conforter les établissements de santé dont l'activité était modeste et à entraver le développement des établissements les plus dynamiques.

S'il est positif que la T2A fasse l'objet d'une montée en charge progressive dans les hôpitaux publics, avec pour objectif d'atteindre l'application des tarifs à 100 % en 2012 aux activités de MCO, la question demeure toutefois de savoir ce que recouvre précisément cet objectif. Le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), M. Claude Evin, estime en effet qu'il est possible que la part du financement par la T2A atteigne 50 % des dépenses hospitalières, si l'on considère que les MIGAC représentent plus de la moitié de l'activité des établissements de santé. Dès lors, on peut se demander quelle sera en définitive la part consacrée à la T2A, compte tenu des dépenses prises en charge au titre des MIGAC ? Le groupe UDF souhaite que la montée en charge de la T2A soit plus rapide et que l'objectif de 100 % soit atteint avant 2012. En outre, il apparaît nécessaire d'étendre la T2A aux services de soins de suite et de réadaptation et aux activités de psychiatrie, même s'il est vrai que dans ce dernier cas l'activité est plus difficile à mesurer.

Par ailleurs, contrairement à ce qui avait été annoncé par l'ancien ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, M. Jean-François Mattei, la mise en œuvre de la T2A ne facilite pas la préparation par les établissements hospitaliers de leur budget, loin s'en faut. La situation actuelle se caractérise à l'inverse par un niveau de complexité budgétaire, qui semble cette année avoir atteint un paroxysme, s'agissant notamment des différents modes de tarification, lesquels ne sont pas toujours fondés sur l'activité réelle des établissements. Alors que le budget prévu pour 2006 a été partiellement utilisé pour financer des reports de charges intervenues 2005, mais aussi que des incertitudes demeurent sur le montant des recettes mises en réserve, qui pourraient être utilisées le cas échéant d'ici la fin de l'année, on ne peut que s'inquiéter des conditions d'élaboration des états prévisionnels de recettes et de dépenses (EPRD) alors que les établissements ignorent la totalité des recettes qui leur seront affectées en 2006 !

Par ailleurs, il faut déplorer le contrôle tatillon exercé par la tutelle et le peu de marge de manœuvre des conseils d'administration des établissements en matière budgétaire. L'autonomie des établissements hospitaliers devrait au contraire être significativement renforcée, afin qu'ils puissent effectivement élaborer leur budget en fonction de leur activité. En effet, le risque est grand aujourd'hui de porter atteinte à la crédibilité de la T2A, si l'on n'arrive pas d'une façon ou d'une autre à la simplifier. Cette question rejoint d'ailleurs celle de la construction de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), qui doit à l'évidence être davantage médicalisé, afin de mieux prendre en compte l'ensemble des besoins de santé de la population.

S'agissant, d'autre part, de la question de la convergence, il apparaît prioritaire de corriger les inégalités actuelles entre les hôpitaux publics, en particulier au niveau régional, et donc de concentrer les efforts sur la convergence « public-public », d'autant qu'il existe aujourd'hui un certain nombre de lourdeurs et de complexités, liées notamment au fait que près de 70  % des charges des hôpitaux sont constituées par les dépenses en personnel. La convergence entre les cliniques privées doit également être recherchée et seulement ensuite, la convergence intersectorielle « public-privé » car, comme le président Jean-Michel Dubernard l'a souligné, il est vrai que les établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés, sont financés, indistinctement, par l'ensemble de la nation. Il s'agit là cependant d'une question complexe, dans la mesure où les honoraires des médecins ne sont pas actuellement pris en compte dans les tarifs applicables au secteur privé. Par ailleurs, ainsi qu'il a été rappelé par le président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), les établissements de santé privés ont tout leur rôle à jouer dans la mise en œuvre des MIGAC. C'est notamment le cas pour la prise en charge des urgences ainsi que la formation des professionnels de santé, en particulier les chirurgiens, dans la mesure où ces derniers exercent dans leur très grande majorité dans le secteur privé, mais sont aujourd'hui uniquement formés dans les hôpitaux publics.

S'agissant des retards regrettables dans la mise en œuvre des agences régionales de santé (ARS), ceux-ci s'expliquent en grande partie, comme ce fut le cas pour les agences régionales de l'hospitalisation (ARH), par les résistances très fortes au sein du ministère de la santé, certains services souhaitant conserver le pouvoir qu'ils détiennent actuellement, bien que celui-ci soit sans doute en grande partie utopique. À cet égard, il n'est pas sans intérêt de rappeler que, lors de son audition dans le cadre de la préparation du rapport pour avis de la commission sur les crédits de la santé pour 2003, le président de l'Association du corps préfectoral, qui a également exercé d'éminentes responsabilités au sein du gouvernement, avait alors estimé que la meilleure des solutions était de confier la direction des ARH aux préfets !

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé qu'en 1996 la question de la présidence des ARH avait également été posée par le Haut conseil pour la réforme hospitalière.

M. Gérard Bapt a rappelé l'opposition du groupe socialiste à l'adoption du rapport, en raison notamment de ses dispositions relatives à la convergence intersectorielle, et non pas intrasectorielle, puisqu'il n'y a pas d'opposition au principe même à la tarification à l'activité. C'est d'ailleurs à très juste titre que le rapporteur a souligné « la nécessité d'assurer la crédibilité de la réforme du financement des hôpitaux qui a été engagée », alors qu'il n'y a sans doute jamais eu autant de complexités et surtout d'inquiétudes, au sein notamment des personnels hospitaliers, dans la mesure où l'emploi tend aujourd'hui à devenir la variable d'ajustement, comme le souligne la FHF.

Le président Jean-Michel Dubernard a fait observer que l'indépendance de la FHF paraît parfois mal assurée, à tel point que l'on pourrait se demander, dans certaines circonstances, qui lui donne des directives ?

M. Gérard Bapt a objecté que si politisation il y a, celle-ci s'effectue néanmoins dans le respect de l'alternance, puisque l'ancien président de la FHF, alors sénateur, exerce aujourd'hui des responsabilités ministérielles au sein du gouvernement et que l'actuel président en exerçait au sein d'un précédent gouvernement. Cela confirme ainsi la continuité et le bien-fondé des positions défendues par la FHF concernant tant les conditions de la sauvegarde de l'hôpital public, que ses prévisions en matière budgétaire, puisqu'en 2005, l'augmentation réelle des dépenses hospitalières a correspondu très exactement à l'estimation de la FHF, contrairement à celle fixée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

En particulier, les orientations actuelles en matière de convergence intersectorielle doivent être combattues, et ce d'autant plus qu'un moratoire a été préconisé par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et que le gouvernement a suivi cette position lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Surtout, lors de son audition par la MECSS, la Cour des comptes a pointé les très nombreuses insuffisances actuelles de la T2A, en allant jusqu'à dénoncer le lancement à l'aveugle et le pilotage hasardeux de la réforme, ainsi que le contrôle hypothétique des ARH et l'absence de prise en compte des expérimentations réalisées, en concluant à la nécessité de lancer des études complémentaires sur l'échelle nationale des coûts, en collaboration avec l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) et sur les MIGAC. En définitive, le gouvernement semble avancer beaucoup trop vite sur cette question, alors qu'il serait au contraire nécessaire d'avancer à pas comptés, afin que la réforme de la T2A entre dans les faits, mais aussi dans les esprits.

Par ailleurs, certaines propositions figurant dans le rapport, s'agissant en particulier de l'exclusion des MIGAC des mesures des plans de santé publique, concernant par exemple les urgences ou le cancer, sont difficilement compréhensibles, voire contradictoires avec les positions adoptées par la majorité parlementaire lors de l'examen de précédents textes législatifs dans le domaine de la santé. Il est en effet essentiel de remettre à plat le fonctionnement des urgences dans le secteur public, et ce d'autant plus que les personnes atteintes de troubles psychiatriques représentent parfois jusqu'à 20  % des personnes accueillies dans ces services.

Certaines propositions de ce rapport sont toutefois intéressantes, concernant notamment l'intégration de la mission sur la T2A à la DHOS et la désignation de celle-ci comme pilote de la réforme. Comme l'a souligné le rapport récent de la mission d'information de la commission des finances sur la mise en œuvre du plan cancer, qui propose notamment la fusion de l'Institut national du cancer (InCa) et de la direction générale de la santé (DGS) en une Agence nationale de santé, qui serait à la tête des agences régionales de santé (ARS), il s'avère nécessaire de regrouper, autant qu'il est possible, les différents acteurs concernés par la mise en œuvre d'une réforme, mais aussi de désigner un responsable clairement identifié. Il est également primordial de renforcer les moyens de l'ATIH, comme le préconise le rapporteur, mais l'on pourrait aller plus loin, en proposant son intégration dans une structure commune avec la DHOS.

En conclusion, alors que plusieurs réformes d'envergure ont été engagées dans le domaine de la santé au cours de ces dernières années - qu'il s'agisse de la loi relative à la politique de santé publique, de la réforme de la gouvernance hospitalière ou encore des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) de troisième génération - la mise en œuvre de la tarification à l'activité, qui a été engagée à l'aveugle et d'une façon que l'on pourrait qualifier de « casse-cou », ne peut aujourd'hui que susciter de profondes inquiétudes, de nature à remettre en cause la crédibilité même de cette réforme.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est interrogé sur les raisons qui rendent toute réforme ou adaptation difficiles dans notre pays.

Mme Cécile Gallez a félicité le rapporteur pour la qualité de son travail. Les hôpitaux sont effectivement conscients que des évaluations sont nécessaires pour limiter les coûts liés au fonctionnement des établissements hospitaliers. Ainsi, dans la région Nord-Pas-de-Calais, 25 hôpitaux se sont regroupés pour organiser leurs achats de médicaments et ont ainsi économisé plus de 300 000 euros.

Malgré tout, les charges fixes sont lourdes dans un hôpital, notamment en raison des grilles indiciaires des personnels et il convient également de tenir compte des spécificités de certaines zones géographiquement ou socialement défavorisées.

On ne peut que se féliciter des propositions visant à exclure les urgences des MIGAC et de celles visant à donner davantage de responsabilités aux ARH et à favoriser le pilotage des SROS par les ARH.

Enfin, certains hôpitaux ont exprimé leur crainte concernant l'objectif de réalisation de la T2A en 2012, même s'ils ont bien conscience qu'à prestation égale, il faut tendre vers un coût identique.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- l'ensemble des personnes auditionnées s'est accordé pour dénoncer les insuffisances de l'ancien système de financement des établissements hospitaliers. Si la dotation globale a permis une certaine maîtrise des dépenses, elle a eu des effets très pervers, notamment pour les établissements les plus actifs, alors que d'autres se constituaient des rentes injustifiées. M. Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), a estimé, lors de son audition par la MECSS le 18 mai dernier, que la T2A est une bonne réforme mais a souligné les difficultés de mise en œuvre.

- La qualité des soins doit être un objectif permanent, car la « non-qualité » est coûteuse (maladies nosocomiales, hospitalisations trop longues, etc.). Un hôpital bien géré est synonyme de qualité. Cela nécessite une prise de conscience et une certaine évolution des habitudes de chacun, mais cela permettra au patient d'être mieux soigné. Le risque de dégradation lié à la mise en place du nouveau modèle de tarification est faible, comme le montrent les expériences étrangères. Il convient cependant d'éviter que, comme on a pu le constater dans certains pays qui ont mis en place la tarification à l'activité, les établissements ne se replient sur le curatif au détriment de la prévention. Ce serait une politique à courte vue qui entraînerait, à terme, des effets pervers pour les établissements. La prévention qui fait partie des missions de l'hôpital doit en réalité permettre de réduire les hospitalisations non programmées et plus coûteuses et d'assurer un meilleur état de santé général de la population.

Dans les pays étrangers, qui ont mis en place la tarification à l'activité, on note une diminution de la durée des séjours, une levée des goulets d'étranglement et une amélioration des processus de production de l'hôpital Les missions d'appui-conseil conduites par la mission d'expertise et d'audit hospitaliers (MEAH) ont permis d'obtenir des résultats tangibles tant en termes d'amélioration de l'efficience que d'amélioration de la qualité des soins. Ainsi, au centre hospitalier du Mans, une meilleure gestion du bloc opératoire a permis d'augmenter de 10 % le nombre des interventions pratiquées, de diminuer largement le taux de débordement des horaires de travail et de passer de 23 % à 3 % d'interventions non programmées à J - 1, tout en améliorant la gestion du personnel. De même, au centre hospitalier de Saint-Avold, les économies générées par une meilleure organisation du temps de travail des médecins sont de l'ordre de 350 000 euros par an. De fait, la T2A permet d'améliorer, tout à la fois, la qualité du service rendu au patient, l'efficience économique et les conditions de travail du personnel et, finalement d'améliorer le respect des obligations de service public et l'accessibilité aux soins.

- S'agissant des propositions n° 12 à 14 concernant les MIGAC, l'objectif est d'éviter une double facturation au titre des urgences lorsque celles-ci sont suivies d'une hospitalisation mais il faut effectivement veiller à ne pas les encombrer.

Le président Jean-Michel Dubernard a cité en exemple l'hôpital Edouard Herriot du CHU de Lyon, qui compte aujourd'hui 59 salles d'opération sous-équipées en matériel et en personnel et qui ne fonctionnent que 2 heures et demi par jour en moyenne ! Pourquoi n'arrive-t-on pas à faire bouger les choses plus vite ? Il conviendrait de déceler les points de blocage qui empêchent les adaptations nécessaires.

Le rapporteur a ensuite poursuivi ses réponses :

- S'agissant de la montée en charge progressive de la réforme, aucune des personnalités auditionnées par la MECSS n'a demandé l'arrêt ou le ralentissement du processus engagé. Le rapport suggère cependant d'accompagner les établissements perdants afin de faciliter leur adaptation.

- Il est nécessaire d'étendre rapidement la T2A aux soins de suite et de réadaptation.

- Il conviendra d'être vigilant afin d'éviter que l'application de la T2A à la chirurgie ambulatoire ne conduise à un départ d'activité.

- La création de l'EPRD va dans le sens d'une responsabilisation des établissements.

- S'agissant des MIGAC, il est important de permettre aux cliniques de participer aux activités d'urgence dans des conditions de financement équitable et d'évaluer la part qu'elles prennent dans l'accueil des urgences et les efforts de formation des personnels médicaux et paramédicaux.

- L'audition de la Cour des Comptes puis celle du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ont permis aux membres de la mission de constater des différences de perception et d'appréciation des problèmes en ce qui concerne la convergence des tarifs.

- Le rapport suggère d'accélérer les études concernant la prise en compte dans les financements de la taille, de la spécialité ainsi que de l'environnement géographique et social des établissements. Il existe déjà des coefficients géographiques appliqués à certaines régions.

- La T2A peut inciter à développer les achats groupés. C'est une évaluation qu'il faut encourager, notamment pour les plus petits hôpitaux. Les ARH qui ont, avec la T2A, des responsabilités nouvelles, doivent développer de nouvelles relations avec les établissements et veiller à la cohérence des SROS avec la T2A

- Il est, somme toute, normal que la T2A qui constitue une vraie révolution culturelle et comptable suscite des inquiétudes et des interrogations. Le rapport formule de nombreuses propositions de nature à y répondre.

Mme Jacqueline Fraysse a souhaité revenir sur les propos du rapporteur affirmant que le passage d'un patient aux urgences ne devait pas être comptabilisé au titre de la T2A lorsqu'il était suivi par une hospitalisation. Dans la mesure où il y a une prise en charge, il est pourtant normal qu'elle donne lieu à une facturation.

Le groupe communiste ne conteste pas l'objectif poursuivi par la réforme de la T2A, à savoir une meilleure utilisation des ressources publiques, mais la philosophie purement financière et comptable qu'elle sous-tend et qui conduit à privilégier la pratique des actes qui rapportent au détriment d'autres, pourtant tout aussi justifiés en matière de santé publique. Au nom de cette logique, l'hôpital Foch de Suresnes, hôpital privé participant au service public hospitalier, a ainsi supprimé les emplois de diététiciennes dans son service de cardiologie. À l'évidence, la T2A porte atteinte à la qualité des soins et comporte des effets pervers puisqu'elle tend à favoriser le curatif sur le préventif alors même que la France est d'ores et déjà très en retard sur ses voisins en matière de prévention.

Le rapporteur a indiqué que la proposition de la MECSS concernant les urgences vise à éviter de payer deux fois un passage aux urgences suivi d'une hospitalisation, par le forfait urgence et par le tarif de séjour d'hospitalisation.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que la mission de la MECSS est d'éclairer les choix du Parlement dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et a invité tous les commissaires à se mobiliser lors de l'examen du PLFSS pour 2007 et à faire référence aux travaux de la mission lors du débat de l'automne prochain.

Mme Jacqueline Fraysse a indiqué que le groupe communiste désapprouvait le contenu du rapport mais que, par respect de la démocratie, il était favorable à sa publication.

En application de l'article 145 du Règlement, la commission a décidé le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

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Information relative à la commission

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a désigné M. Pascal Ménage, rapporteur sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique - n° 2674.


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