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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

Mercredi 4 octobre 2006

Séance de 10h

Compte rendu n° 1

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard,
Président,
puis de Mme Cécile Gallez

 

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– Examen de la proposition de loi relative à la pérennisation du régime d’assurance chômage des professions du spectacle, de l’audiovisuel et du cinéma dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle – n° 2141 (M. Patrick Bloche, rapporteur)



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– Examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant diverses dispositions relatives aux arbitres – n° 3190 (M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur)

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Michel Françaix, suppléant M. Patrick Bloche, la proposition de loi relative à la pérennisation du régime d’assurance chômage des professions du spectacle, de l’audiovisuel et du cinéma dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle – n° 2141.

M. Michel Françaix, suppléant M. Patrick Bloche, rapporteur, a souligné que la culture est le propre de l’homme, mais également du citoyen. Comme aimait à le rappeler Gambetta : « Il ne suffit pas de décréter des citoyens, il faut en faire ». Or, pas de citoyen sans émancipation des servitudes de l'ignorance, sans commerce avec les œuvres de l'esprit, pas de citoyen sans culture.

L’intermittence est au cœur de ce débat. Les institutions, les élus, les employeurs de festivals et de salles de spectacle, qui ont à cœur de développer une politique culturelle de qualité et participent ainsi à l'exception culturelle française, ne peuvent réaliser leurs ambitions sans recourir aux intermittents.

Pourtant, trois ans après le mouvement qui a secoué les festivals et le monde de la culture en général, il n’a été tenu quasiment aucun compte des préconisations des nombreux rapports publiés sur ce thème et notamment de l’excellent rapport de la mission d’information sur les métiers artistiques créée par la commission, dont M. Christian Kert était l’auteur et qui a été adopté à l’unanimité.

Depuis trois ans, tout le monde s’accorde à dire que le protocole d'accord du 26 juin 2003 sur l'assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant et enregistré, voulu par le MEDEF, ne dégage aucune économie, alors même que 80 % des intermittents gagnent plus ou moins le SMIC ! La mission d’information sur les métiers artistiques l’avait dénoncé dès mars 2004 : « L’accord n’a pour l’instant permis de réduire ni le déficit du régime, ni les abus et fraudes au dispositif, et la mission doute qu’il n’atteigne cet objectif dans la durée. Par ailleurs, la suppression de la franchise a conduit à l’augmentation des allocations versées à un certain nombre d’indemnisés pour lesquels il s’agit souvent d’un revenu de complément et non de remplacement ».

Aujourd’hui, les difficultés rencontrées s'accumulent. Les revenus diminuent et la précarité s'étend, notamment chez les jeunes. Les différents rapports publiés, dont celui de la mission sur les métiers artistiques, s’accordent à reconnaître que le seuil de 507 heures sur douze mois correspond au volume d'heures professionnelles effectives.

L'accord du 26 juin 2003 n'a pas su ou n’a pas voulu enrayer les abus ni protéger les plus vulnérables. L'État a dû mettre en place un fonds provisoire, prolongé en fonds transitoire jusqu'au 31 décembre 2005, et obtenir de l'UNEDIC un retour à la situation antérieure concernant les congés de maternité.

Par ailleurs, malgré les engagements pris par le ministre de la culture et de la communication au nom du gouvernement sur la mise en place d'un système pérenne et équitable à compter du 1er janvier 2006, les annexes 8 et 10 modifiées par ce protocole de 2003 sur l'assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant et enregistré sont aujourd’hui toujours en vigueur ! Depuis le mois de janvier, le climat de confiance que le ministre de la culture a tenté en vain d'établir est définitivement rompu et le système glisse progressivement de la solidarité interprofessionnelle vers la solidarité nationale.

Entre janvier et avril 2006, les partenaires sociaux ont péniblement tenté de trouver un accord sur une nouvelle rédaction des annexes 8 et 10. Le projet de protocole du 18 avril, concocté par le MEDEF, n'a toujours pas, à ce jour, reçu la signature d'une seule centrale syndicale ! La principale recommandation de l’ensemble des experts, le seuil de 507 heures sur douze mois, en est définitivement absente. S’y substitue un mode de calcul particulièrement complexe et opaque.

Dès le 31 mai, le comité de suivi avait tiré la sonnette d’alarme et indiqué sa volonté de voir examiner la présente proposition de loi, signée par plus de 300 députés de toutes tendances. Le groupe socialiste estime que cette situation ubuesque a assez duré. C'est dans ce contexte qu’il a décidé d’inscrire la proposition de loi relative à la « pérennisation du régime d'assurance chômage des professions du spectacle, de l'audiovisuel et du cinéma dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle ».

Déjà, en 2002, à l'initiative de M. Jean Le Garrec, une proposition de loi avait été déposée afin de combler le vide juridique que créait la non-reconduction de la précédente convention par les partenaires sociaux.

Aujourd’hui, il appartient à nouveau au législateur de préciser les bases de ce régime spécifique d'assurance chômage, dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle.

La présente proposition de loi comporte deux articles et fixe le cadre à l'intérieur duquel les négociations futures entre partenaires sociaux devront avoir lieu. Elle ne se substitue en aucun cas au dialogue social mais vise simplement à garantir l'égalité de traitement de chaque intermittent.

L’article 1er de la proposition de loi dispose que le futur protocole sur l'assurance chômage des intermittents devra définir précisément les modalités de l'ouverture des droits à indemnisation, sur une période de référence de douze mois, avec une date d'anniversaire fixe et le versement d'une indemnité sur l'ensemble de cette même période de référence.

Le dispositif ainsi retenu devra inciter à la déclaration de toutes les heures travaillées, étant entendu que le montant global de la charge d'indemnisation des intermittents au titre de l'assurance chômage reste inchangé pour les institutions gestionnaires, puisque l’article 2 de la proposition de loi prévoit que les charges éventuelles seront compensées par la création d'une taxe additionnelle sur les contrats d'assurances.

La crise de l'été 2003 a montré la solidité du lien entre la nation et ses artistes. Dans l'attente d'une loi d'orientation qui jettera les bases de l'emploi culturel, il importe aujourd’hui que la représentation nationale affirme sa volonté de pérenniser les principes sur lesquels repose l'assurance chômage des artistes et des techniciens qui font vivre ce lien.

Il faut absolument pérenniser le principe de la solidarité interprofessionnelle, recréer les conditions d’une nouvelle négociation et casser la logique actuelle de la « permittence ».

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Michel Herbillon a fait part de son profond étonnement quant au choix du groupe socialiste de débattre de cette proposition de loi. En effet, les députés membres de la commission, quelle que soit leur appartenance politique, se sont toujours mobilisés sur les sujets culturels dans un esprit de coopération. Le meilleur signe en est l’adoption à l’unanimité des conclusions des différentes missions d’information. Or, aujourd’hui, la discussion de la proposition de loi montre une absence totale de concertation préalable, ce qui tranche avec l’attitude généralement adoptée.

Le groupe UMP ne tient pas à ce que l’examen de la proposition de loi conduise à construire un clivage idéologique artificiel et à caricaturer les positions des uns et des autres : il n’y a pas ceux qui sont pour les artistes et techniciens et voteraient la proposition, et ceux qui sont contre et ne la voteraient pas. Dans ces conditions, on ne peut qu’avoir des doutes quant à la véritable volonté du groupe socialiste d’aboutir à l’adoption de la proposition.

Le rapporteur indique que la négociation a échoué et qu’il faut donc légiférer : mais y a-t-il eu une déclaration publique de la CFDT indiquant qu’elle ne signera pas le projet de protocole du 18 avril ? Il s’agit d’un véritable procès d’intention qu’accompagne un pur affichage politique. Légiférer sans attendre l’aboutissement de la négociation entre partenaires sociaux s’inscrit dans les méthodes socialistes que le pays connaît malheureusement bien. La loi seule ne peut résoudre tous les problèmes : il faut ainsi rappeler les 35 heures non négociées et la loi dite « de modernisation sociale », qui n’était ni moderne ni sociale et dont l’objectif – la suppression des licenciements – a eu les suites que l’on sait.

Les membres de la commission s’intéressant aux sujets culturels n’ont même pas été conviés à une seule réunion de concertation ou de travail avec le rapporteur M. Patrick Bloche. Alors même que des parlementaires de la majorité ont déposé la même proposition, le rapporteur n’a pas daigné les informer que le groupe socialiste avait décidé de son examen. Si l’intention n’avait pas été purement politicienne, ce texte aurait d’ailleurs pu être examiné dans le cadre d’une niche commune aux groupes, permise par le Règlement de notre assemblée. De même, aucune concertation avec les partenaires sociaux n’est intervenue. En conséquence, soit le rapporteur demande de signer un chèque en blanc, soit il ne croit pas à sa propre démarche.

L’intervention de l’État via une loi signifierait que les négociations ont échoué. Or un accord est toujours possible. De plus, l’UNEDIC est le dernier véritable lieu de gestion paritaire en France et il serait dommage de faire intervenir l’État alors même que des réflexions sont actuellement menées pour améliorer les conditions du dialogue social.

À quelques mois d’échéances politiques majeures, la ficelle est décidément trop grosse. La démarche précipitée du groupe socialiste relève de l’affichage politique. Les parlementaires de la majorité se sont beaucoup investis afin d’améliorer la situation des artistes et techniciens du spectacle. Ce thème n’est pas le monopole du groupe socialiste.

M. Frédéric Dutoit a tout d’abord déclaré que le groupe communiste et le groupe socialiste sont en parfait accord sur cette proposition de loi et a estimé que les propos de M. Michel Herbillon démontrent une totale méconnaissance du dossier. En effet, voilà plus de trois ans que la question de la protection chômage des intermittents du spectacle pose problème : les artistes ont été contraints d’organiser des actions spectaculaires et de perturber le fonctionnement des festivals, le ministre de la culture a dû désigner un médiateur indépendant, M. Jean-Paul Guillot, pour tenter de surmonter les divergences entre le patronat et les organisations syndicales de salariés sur cette question.

Les accords précédents ont été signés par des organisations syndicales peu représentatives et les solutions trouvées se sont avérées inefficaces. Devant l’impuissance des partenaires sociaux à dégager des solutions viables, un comité de suivi a été mis en place qui réunit des parlementaires de toutes les sensibilités politiques. Le texte de la proposition de loi qui a été mis au point fait consensus, puisque l’ensemble des groupes politiques a déposé cette proposition sur le bureau de chaque assemblée. Il est donc urgent d’en passer par la loi pour débloquer la situation.

Le texte de la proposition de loi débattue ce matin a été signé par plus de 300 parlementaires et le groupe communiste a déposé une proposition de loi similaire. Ce texte représente une véritable avancée, notamment en faisant une mention explicite à la période de référence de douze mois pour le calcul de l’ouverture des droits à indemnisation. Ce texte doit donc être voté compte tenu du nombre élevé de parlementaires qui s’y sont associés.

M. Alain Bocquet, président du groupe communiste, avait proposé à M. Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée nationale, d’inscrire cette proposition de loi en dehors des séances réservées aux niches parlementaires. La représentation nationale aurait pu ainsi prendre le temps d’examiner tous les aspects de ce dossier complexe et dégager des solutions durables pour l’assurance chômage des intermittents du spectacle. Devant le refus du président de l’Assemblée, il ne restait plus à l’opposition que la solution de recourir à une niche parlementaire pour traiter ce problème.

M. Dominique Paillé a tout d’abord constaté que le protocole entré en vigueur en juin 2003 présente de nombreuses lacunes, que tout le monde reconnaît. La situation actuelle est pire que celle qui prévalait avant l’accord de 2003 : la situation financière des annexes 8 et 10 s’est en effet détériorée, les déficits générés sont en constante augmentation et l’Etat finance une partie des dépenses. Il faut donc sortir de la situation actuelle qui mène à une impasse financière.

M. Etienne Pinte, député UMP, a été l’initiateur du comité de suivi. Il convient de saluer son action, qui a permis de s’accorder sur des solutions pour améliorer la couverture chômage des intermittents. Ce travail s’est traduit par la rédaction d’une proposition de loi similaire à celle proposée aujourd’hui par le groupe socialiste. Il est étonnant de constater que l’exposé des motifs du texte socialiste ne fasse aucune mention de l’implication de M. Etienne Pinte dans ce dossier et reprenne sans le dire les solutions qu’il avait élaborées. Cette méthode du groupe socialiste est condamnable alors que, sur le fond, aucune divergence n’existe entre l’opposition et la majorité. Il aurait été possible d’aboutir à un texte voté par l’ensemble de l’Assemblée nationale.

Si l’on ne peut qu’approuver le contenu de cette proposition de loi, les députés UMP ne pourraient la voter qu’à la condition que le groupe socialiste explique que ce texte a été élaboré dans le cadre du comité de suivi par des parlementaires de toutes sensibilités politiques et y associe donc les députés de la majorité. Pour autant, il semblerait opportun de laisser encore quelques délais aux partenaires sociaux, notamment à la CFDT, afin qu’elle puisse exposer clairement sa position et qu’ainsi le Parlement puisse se déterminer en conscience avant de procéder au vote de cette proposition de loi.

M. Simon Renucci a fait part de son indignation suite aux propos de la majorité et aux prétendues manœuvres du groupe socialiste. Ces déclarations et ce procès d’intention, émanant de la majorité, sont inacceptables. En agissant ainsi, on ne donne pas l’exemple d’une démocratie apaisée. Il risque d’y avoir des réactions violentes de la part des principaux intéressés qui ne comprendront pas les obstacles mis par la majorité à régler le problème de l’assurance chômage des intermittents.

M. Dominique Richard a rappelé la mobilisation du comité de suivi, dont il fait partie, qui rassemble des parlementaires de toutes sensibilités politiques et tente de dégager des solutions pérennes pour l’assurance chômage des intermittents. M. Etienne Pinte, à l’origine du comité de suivi, a fait un travail considérable qui a abouti à la rédaction d’une proposition de loi. Les quatre groupes parlementaires et les députés Verts ont déposé séparément la même proposition de loi dans le but de faire pression sur les partenaires sociaux qui négociaient alors le projet de protocole.

Il faut rappeler que des résultats significatifs ont été obtenus par le comité de suivi, à savoir la création d’un fonds de transition, la mise au point de certaines solutions techniques pour remédier à des anomalies du protocole de 2003, et maintenant la création du fonds de professionnalisation et de solidarité. La situation des artistes et des techniciens du spectacle s’est aujourd’hui réellement améliorée d’autant plus que l’UNEDIC fait une interprétation souple des dispositions, ce qui permet à certains professionnels de bénéficier du statut d’intermittent du spectacle alors qu’ils n’en bénéficieraient pas si les règles d’ouverture de droits étaient plus strictement interprétées.

Le ministre de la culture et de la communication a beaucoup œuvré en faveur des intermittents : les manœuvres et les attaques violentes de la CGT lors du festival d’Avignon sont proprement scandaleuses.

Les membres du comité de suivi s’étaient entendus, en présence du président Debré, pour n’examiner cette proposition de loi qu’après avoir constaté l’échec des négociations paritaires. Or, actuellement, les négociations sont toujours en cours et trois confédérations nationales n’ont pas donné de réponse quant à leur intention de signer ou non l’accord en cours de finalisation. Il convient de rester fidèle à cet engagement initial. On ne peut que s’étonner des propos de M. Frédéric Dutoit qui semblent contester la représentativité de certains syndicats. Il faut laisser toutes ses chances au paritarisme et reporter le vote de cette proposition de loi.

En conclusion, il n’y a pas lieu de délibérer aujourd’hui, d’autant plus que cette proposition de loi risque d’engendrer une nouvelle instabilité juridique car elle n’apporte que des solutions temporaires. En outre, elle comporte en germe le risque de détacher le régime d’assurance chômage des intermittents de la solidarité interprofessionnelle.

M. Christian Kert a dressé un bref historique du dossier des intermittents du spectacle en rappelant qu’il s’agit d’un vieux débat qui posait déjà problème à l’époque où M. Jacques Ralite était ministre ! Il convient donc de tenter de résoudre ce problème avec courage, et non de se cantonner à regretter, comme le fait M. Frédéric Dutoit, que les discussions s’éternisent depuis trois ans.

Les parlementaires s’étaient mis d’accord avec le président de l’Assemblée nationale pour examiner cette proposition de loi, en dehors des niches parlementaires, comme un ultime recours au cas où les négociations sociales auraient échoué. Ce n’est pas le cas actuellement et le ministre de la culture a fait savoir que les chances d’aboutir étaient réelles. De plus, il avait été convenu que si une proposition de loi devait être examinée, le comité de suivi ferait le point au préalable avec les partenaires sociaux sur les questions non résolues, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.

Il est regrettable que le groupe socialiste ait demandé l’examen de cette proposition de loi en mettant le comité de suivi devant le fait accompli, compromettant ainsi les chances d’aboutir à des solutions efficaces. Le groupe UMP a appris que le comité de suivi devait se réunir cet après-midi, ce qui est bien tardif pour régler sereinement les difficultés. On en peut que regretter cette manœuvre politicienne du groupe socialiste.

M. Christian Dutoit a souhaité revenir sur l’argument selon lequel on assisterait au travers de l’inscription de la présente proposition de loi à l’ordre du jour réservé de l’Assemblée nationale à une « manœuvre socialiste ». On peut, en fait, se demander si la majorité parlementaire ne cherche pas plutôt à reporter sur un autre gouvernement et une nouvelle majorité les décisions à prendre concernant les intermittents du spectacle. Pour respecter les promesses du ministre, un accord aurait dû être conclu depuis cinq mois. Aucun syndicat n’a signé le protocole d’accord et la CGT a clairement fait savoir qu’elle n’entendait pas le signer.

M. Michel Herbillon a fait valoir que l’argument inverse pouvait être présenté : le groupe socialiste s’est en fait précipité pour déposer sa propre proposition de loi et la faire inscrire le plus tôt possible à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, sans rechercher une solution consensuelle avec les députés des autres groupes qui avaient déposé la même proposition de loi. Cette précipitation vient sans doute du fait que les députés socialistes se sont aperçus que les partenaires sociaux étaient proches d’un accord.

Le rapporteur a admis qu’il convenait d’associer aux compliments formulés à l’égard du rapport présenté par M. Christian Kert, les noms de MM. Etienne Pinte, Dominique Paillé, Dominique Richard et Pierre-Christophe Baguet. M. Michel Herbillon n’a pas été cité car, dès l’origine, il n’a pas souhaité signer la proposition de loi déposée par des députés de son groupe.

M. Michel Herbillon a indiqué ne pas avoir signé le texte déposé par son groupe car il pressentait que l’on déboucherait sur la situation actuelle.

Le rapporteur a observé qu’il n’y a pas de désaccord global des députés sur le contenu de la proposition de loi. Les députés socialistes ont fait exactement ce que plus de 90 % des parlementaires demandaient. Intervenir au bout de trois ans de conflit, est-ce de la précipitation comme le pense M. Michel Herbillon ? Faut-il encore attendre trois mois pour voir si les blocages se lèvent, au risque de se retrouver en début de campagne pour l’élection présidentielle ? Le groupe socialiste a fait le choix d’agir car il faut rapidement débloquer cette situation intenable. L’enjeu est d’intérêt national et les intermittents du spectacle sont les acteurs du dynamisme culturel en France. Par ailleurs, la proposition de loi peut aider le ministre à sortir de l’impasse dans laquelle il se trouve. Les parlementaires ne peuvent pas rester dans l’expectative actuelle ; tous les syndicats font la même analyse.

Compte tenu des positions exprimées par les uns et les autres, le président Jean-Michel Dubernard a proposé à la commission de ne pas engager la discussion des articles, de suspendre ses travaux et ne pas présenter de conclusions sur le texte de la proposition de loi, cette position n’empêchant ni la discussion en séance publique, ni la publication d’un rapport écrit incluant le compte rendu des travaux de la commission au cours desquels chacun a eu tout loisir de s’exprimer.

Suivant la proposition de son président, la commission a décidé de suspendre l’examen de la proposition de loi et de ne pas présenter de conclusions.

*

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Jean-Marie Geveaux, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant diverses dispositions relatives aux arbitres – n° 3190.

M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur, a indiqué que la proposition de loi constitue une réponse adaptée aux nombreuses préoccupations du monde sportif et arbitral. On observe, en effet, une tendance inquiétante à la diminution des effectifs du corps arbitral : en cinq ans, le nombre d’arbitres a diminué de 20 000, pour atteindre aujourd’hui un effectif total de 153 200, toutes disciplines confondues.

Cette chute est due, pour partie, aux violences et aux incivilités commises dans les stades et hors des enceintes sportives. Elle tient également aux incertitudes entourant le statut social et fiscal des arbitres, qui les placent dans une situation de forte insécurité juridique. La circulaire interministérielle du 28 juillet 1994, relative à la situation des sportifs au regard de la sécurité sociale et du droit du travail, génère en effet des conflits avec l’URSSAF et de nombreux litiges sont soumis aux conseils de prud’hommes.

En qualifiant leur activité de mission de service public, la proposition de loi fait bénéficier les arbitres d’une protection pénale renforcée liée au caractère aggravant des violences et menaces commises à l’encontre d’une personne chargée d’une mission de service publique.

Sur le plan du droit du travail, le texte clarifie également la situation en écartant la notion de lien de subordination pour qualifier la relation entre l’arbitre et la fédération, ce qui fait de celui-ci un travailleur indépendant et non pas un salarié. Néanmoins, au regard de la sécurité sociale, l’arbitre est automatiquement rattaché au régime général, ce qui lui garantit une couverture adaptée, notamment en matière d’accidents du travail. Ce n’est d’ailleurs pas une spécificité liée au monde arbitral puisque, par exemple, les journalistes pigistes se trouvent dans une situation identique.

La confusion régnait également sur le plan fiscal en raison des incertitudes entourant le statut des arbitres. Le texte proposé constitue un geste important puisque les sommes touchées sont assimilées à des bénéfices non commerciaux et bénéficient d’une franchise à concurrence de 14,5 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

En conclusion, le rapporteur a proposé d’adopter la proposition de loi sans modification.

M. Henri Nayrou a qualifié de louable l’initiative du Sénat qui met en place la base d’un véritable statut des arbitres, mais a jugé trop limitées les ambitions de la proposition de loi.

Le texte de la proposition est une nouvelle fois inspiré par le monde du football, comme si ce sport avait vocation à servir d’exemple universel dans le monde sportif. La crise des vocations chez les arbitres est inexorable, en raison des excès en tous genres qui entourent les rencontres sportives et de la pression croissante liée à l’impact économique des résultats sportifs. À la difficulté traditionnelle de la mission arbitrale s’ajoute désormais le risque d’être la cible des mécontentements les plus divers. Par ailleurs, les arbitres sont en passe d’atteindre les limites du bénévolat : s’ils ne doivent pas être rémunérés, encore faut-il qu’ils ne perdent pas d’argent en exerçant leurs fonctions. Enfin, il convient de relever le caractère ambigu de la situation des arbitres sur le plan social et fiscal ainsi que le caractère parfois ténébreux des relations entre les arbitres et les fédérations sportives.

Face à toutes ces questions, la proposition de loi propose certes quelques avancées : un véritable régime social pour sortir des insuffisances du régime de la franchise mise en place par la circulaire interministérielle de 1994, un alignement du régime fiscal sur le régime social, la garantie d’une protection pénale. Ces mesures ne constituent pas pour autant un véritable statut juridique de l’arbitre, ce qui est regrettable. Un sujet d’une telle importance, puisqu’il se situe au cœur de l’activité sportive, aurait mérité que le gouvernement s’y attache.

Le travail de réflexion mené sous l’égide du gouvernement depuis 2005 ne trouve qu’imparfaitement sa traduction dans ce texte, faute peut-être d’une véritable volonté politique. Quoi qu’il en soit, même avec le meilleur des statuts, nul n’est à l’abri des excès et des dérives imbéciles et, à cet égard, force est de constater que c’est la société que l’on devrait réformer.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que c’est l’honneur du Parlement de porter une proposition de loi qui permet d’avancer, même modestement, sur ces questions.

M. Bernard Depierre a fait observer qu’il est intéressant que ce texte soit d’origine parlementaire car il émane d’un sénateur qui connaît très bien ce sujet. Il faut soutenir cette proposition de loi qui va enfin accorder aux 153 000 arbitres un véritable statut social, une protection pénale renforcée en raison de l’exercice d’une mission de service public, une réelle indépendance par rapport aux fédérations et une exonération fiscale plafonnée à 4 500 euros par an. Cette évolution est urgente pour le sport en général et pour éviter les problèmes rencontrés récemment dans d’autres pays.

Le rapporteur a constaté que les intervenants sont d’accord sur le fond et précisé que les discussions ont été menées non seulement avec le ministère en charge du sport, mais aussi avec les ministères des finances et des affaires sociales, afin que les avancées du texte puissent être acceptées par le gouvernement. Ce travail de concertation a bien entendu été long, ce qui explique le choix d’un texte d’origine parlementaire pour accélérer le processus. Aucune opposition globale au texte ne s’est exprimée, tous les arbitres et les associations concernées ont manifesté leur intérêt et surtout leur impatience de voir enfin aboutir les dispositions de cette proposition de loi.

Tout en reconnaissant l’intérêt que revêt une telle initiative parlementaire, M. Henri Nayrou a regretté, compte tenu de l’importance du sujet, l’absence d’un texte plus global et plus ambitieux. Sous la précédente législature déjà, la réforme de la loi de 1984 relative aux activités physiques et sportives conduite par Mme Buffet s’était contentée de faire du replâtrage. Il apparaît pourtant clairement que plus de vingt ans après ce texte fondateur, il est nécessaire de tirer la leçon des évolutions considérables du sport professionnel et du sport amateur dans un véritable et ambitieux projet de loi. En conséquence, le groupe socialiste s’abstiendra sur cette proposition de loi en raison du manque d’ambition de celle-ci.

La commission est ensuite passée à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Définition de la pratique arbitrale

La commission a examiné un amendement de M. Henri Nayrou tendant à supprimer l’alinéa 6 qui écarte tout lien de subordination entre l’arbitre et sa fédération.

M. Henri Nayrou a précisé que cet alinéa est en contradiction avec la dernière phrase de l’article L.223-1 du code du sport précisant que la fédération assure le contrôle de l’activité des arbitres selon les règles et procédures préalablement définies. Il y a manifestement une contradiction entre le statut de travailleur indépendant des arbitres et le contrôle exercé par la fédération.

Le rapporteur s’est déclaré défavorable à cet amendement car la contradiction n’est qu’apparente. En effet, si les arbitres doivent faire appliquer les règles fixées par les fédérations, leur action sur le terrain est parfaitement indépendante. Au surplus, cette clarification est rendue nécessaire pour éviter la multiplication des contentieux.

M. Henri Nayrou a reconnu que la différence est ténue entre la qualité de salarié et l’assimilation à un travailleur indépendant placé dans un cadre fédéral et bénéficiant de la franchise sociale, mais cela n’a pas empêché le tribunal administratif de Dijon de remettre cette assimilation en cause et il est certain que cette contradiction continuera à générer des contentieux.

M. Jean-Marie Geveaux a indiqué qu’il existe d’autres décisions de justice en sens inverse et que le texte contribue à clarifier la mission des arbitres et à éviter les conflits pour l’avenir.

La commission a rejeté l’amendement.

Elle a adopté l’article 1er sans modification.

Article 2 : Nature et régime fiscal des indemnités perçues par les arbitres

La commission a adopté l’article sans modification.

Article 3 : Affiliation obligatoire des arbitres au régime général de la sécurité sociale et assujettissement de leur rémunération aux cotisations et contributions sociales

La commission a adopté l’article sans modification.

Article 4 : Gage

La commission a maintenu la suppression de cet article.

Puis elle a adopté l’ensemble de la proposition de loi sans modification.