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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

Mercredi 29 novembre 2006

Séance de 9h

Compte rendu n° 14

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard,
Président

 

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– Audition, ouverte à la presse, de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, sur le projet de loi de modernisation du dialogue social –n° 3456

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– Audition, ouverte à la presse, de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur le projet de loi relatif à l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé –n° 3457



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– Suite de l’examen du projet de loi de modernisation du dialogue social – n° 3456 (M. Bernard Perrut, rapporteur)


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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, sur le projet de loi de modernisation du dialogue social – n° 3456.

Le président Jean-Michel Dubernard a souhaité la bienvenue à M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, venu présenter le projet de loi de modernisation du dialogue social, texte important et nécessaire, qui sera examiné par l’Assemblée nationale à partir du lundi 4 décembre.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, a d’abord rappelé les principes exposés par le Président de la République le 10 octobre dernier devant le Conseil économique et social : « Il faut franchir une étape décisive : placer les partenaires sociaux au cœur de l'élaboration des normes et des réformes sociales... Il ne sera plus possible de modifier le code du travail sans que les partenaires sociaux aient été mis en mesure de négocier sur le contenu de la réforme engagée. Et aucun projet de loi ne sera présenté au Parlement sans que les partenaires sociaux soient consultés sur leur contenu ».

Mettant précisément en œuvre ces principes, le projet de loi de modernisation du dialogue social constitue une date importante dans l'histoire des relations sociales en France. Il s'inscrit dans la continuité des actions menées par le gouvernement depuis 2002, qui visent à développer la place du dialogue social et de la négociation collective.

Le 16 décembre 2005, intervenant devant la Commission nationale de la négociation collective (CNNC), le Premier ministre a confié à M. Dominique-Jean Chertier la rédaction d’un rapport sur l’état du dialogue social en France et les moyens de l’améliorer. Parallèlement, il a commandé à M. Raphaël Hadas-Lebel, président de la chambre sociale du Conseil d’Etat, un autre rapport – qu’achève d’examiner actuellement le Conseil économique et social – sur les conditions de représentativité des organisations syndicales et professionnelles, la validité des accords et les moyens de faciliter la vie matérielle des organisations syndicales. Le rapport Chertier a été rendu public en avril dernier, et le ministre délégué a engagé, aux côtés du ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, des discussions bilatérales, dont est issu le présent projet de loi, modifié ensuite pour tenir compte des observations de la CNNC et du Conseil d’État. Au total, ce projet de loi a donc été préparé pendant près d’un an.

L’évolution dont témoigne le projet s'est, en premier lieu, concrétisée par une extension du champ de la négociation collective par la plupart des textes concernant le champ des relations du travail, telles les lois récentes sur le temps de travail ou les dispositions de la loi de cohésion sociale sur les mutations économiques et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. La loi du 4 mai 2004, dite « loi Fillon », a constitué la deuxième étape de cette évolution : c’est un texte essentiel pour le développement de la négociation collective, qui a été élaboré après une concertation très approfondie avec les partenaires sociaux.

Le projet de loi vise à enrichir le dialogue social, en modifiant de façon pragmatique la pratique qui s'est instaurée dans les rapports entre le gouvernement et les partenaires sociaux, de façon à ce que ceux-ci aient la possibilité de faire valoir leurs demandes de négociation, mais aussi de donner leur sentiment sur les projets du gouvernement. En accordant une place plus importante aux organisations syndicales dans la production des normes du droit du travail, ce projet s’inscrit également dans la perspective ouverte avec la position commune établie par les partenaires sociaux en juillet 2001.

Le contenu du projet s’articule autour de trois procédures : concertation, consultation et information.

Pour ce qui concerne la procédure de concertation, désormais, lorsque le gouvernement envisagera une réforme concernant les règles générales du droit du travail, à savoir les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle, il devra tout d’abord se concerter avec les organisations syndicales et professionnelles représentatives au niveau national et interprofessionnel. Cette concertation se fait sur la base d’un document d’orientation adressé par le gouvernement à ces organisations, à charge pour ces dernières de dire si elles envisagent ou non de négocier un accord interprofessionnel, dans un délai qu'elles indiquent. La préparation du présent projet de loi s’est faite précisément sur le fondement de documents d’orientation qui préfiguraient les modalités de mise en œuvre de cette nouvelle procédure.

S’agissant de la consultation, les textes législatifs et réglementaires élaborés par le gouvernement au vu des résultats de la concertation et de la négociation devront être présentés devant les instances habituelles du dialogue social que constituent la CNNC, le Comité supérieur de l’emploi (CSE) et le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV), selon le domaine concerné, à savoir respectivement les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle. Ainsi se trouve comblé un vide juridique, car le droit du travail français ne prévoyait aucune consultation préalable obligatoire en cas de réforme portant sur le contrat de travail. La compétence de la CNNC n’est donc ainsi plus cantonnée aux règles de la négociation, mais est étendue aux relations individuelles du travail. Par ailleurs, la compétence consultative du CSE, qui était jusqu'alors facultative, devient obligatoire.

Concernant enfin l’information, il est prévu un rendez-vous régulier et au moins annuel entre le gouvernement et les partenaires sociaux devant la CNNC, à l’occasion duquel les pouvoirs publics et les organisations représentatives feront respectivement part de leurs projets et de leur calendrier de réformes et de négociations.

La question de la place respective de la démocratie sociale et de la démocratie représentative est importante. À cet égard, il y avait eu débat sur le point de savoir s’il fallait modifier la Constitution, si le Parlement devait se borner à dire « oui » ou « non », comme le proposaient la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Naturellement, le Parlement conserve l’intégralité de ses prérogatives, droit d’initiative et droit d’amendement, et donc droit d’adopter ou non les dispositions proposées, y compris lorsqu’elles résultent d’un accord interprofessionnel.

Le souci d’étudier des exemples étrangers a conduit le ministre délégué à se rendre, en compagnie de représentants des partenaires sociaux, aux Pays-Bas et en Espagne. Il s’agissait en premier lieu de faire le bilan de l’expérience néerlandaise, près d’un quart de siècle après les accords dits de Wassenaar, signés en 1982, et qui ont établi, en une vingtaine de lignes seulement, les règles du dialogue social dans ce pays, concernant notamment le rôle essentiel de la Fondation du travail. Deux fois par an, le gouvernement dépose un projet d’agenda et les partenaires sociaux font part de leurs attentes et de leurs demandes de négociation. Le Gouvernement et le Parlement conservent chacun l’intégralité de leur droit d’amendement, mais sont en relation constante avec les organisations représentatives d’employeurs et de salariés, de sorte que les normes sociales sont le fruit d’un travail commun permanent, marqué au coin du pragmatisme.

S’agissant de l’exemple espagnol, le Gouvernement fait, au début de chaque législature, une déclaration sur ses projets, après avoir consulté les partenaires sociaux, et ne ,soumet aucun texte au Parlement sans qu’il ait fait l’objet d’une négociation avec eux, parfois pendant plus d’un an. Telle a été, sans qu’aucun texte, ni constitutionnel ni législatif le prévoit formellement, la pratique du gouvernement de M. José Luís Rodríguez Zapatero, ainsi que celle du premier gouvernement de M. José Maria Áznar mais non de son second gouvernement, ce qui explique, aussi bien selon les syndicats que selon le patronat, que soient survenues des crises sociales au cours de la législature 2000-2004.

Revenant au projet de loi de modernisation du dialogue social, le ministre a souligné qu’aucun des partenaires sociaux n’a réagi négativement, même si certains le trouvent insuffisant, et a souligné qu’il serait compatible, sans qu’il soit besoin de le modifier aucunement, avec les différentes évolutions susceptibles de résulter des travaux du Conseil économique et social en matière de représentativité des syndicats et de règles relatives à la validité des accords collectifs. Concernant ces dernières règles, le CES songe à remplacer le droit d’opposition, instauré par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, par la règle de la majorité, qu’elle soit relative ou absolue. Le texte proposé est volontairement court et simple. Il s’agit d’une première étape, importante, sur la voie de la rénovation du dialogue social.

Un débat a suivi l’exposé du ministre.

Le président Jean-Michel Dubernard a observé que, parmi les exemples étrangers cités par le ministre, ne figurent pas les pays scandinaves et que n’a pas davantage été évoquée la question du pourcentage de salariés syndiqués.

M.  Bernard Perrut, rapporteur, a indiqué que son rapport contiendra des éléments de comparaison internationale, mentionnant notamment les pays nordiques, avant de souligner que le projet de loi n’est pas tout à fait un projet comme un autre car il constitue une étape décisive dans l’histoire des relations sociales en France, destinée à changer les pratiques et la manière de décider, comme l’a rappelé hier le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion lors de la séance de questions au Gouvernement. Il s’agit de passer d’une logique de conflit à une culture de la négociation, du compromis et de la responsabilité.

La réaction des partenaires sociaux rencontrés par le rapporteur est nettement favorable, et le consensus dont le texte fait l’objet – même si l’on peut regretter qu’il n’y ait pas unanimité – n’est pas le fruit du hasard mais d’un travail de longue haleine, mené des mois durant par le ministre pour développer et rénover le dialogue social. Ce travail prolonge des efforts antérieurs qu’atteste notamment le bilan de la négociation collective pour 2005. À l’heure où est fêté le centenaire du ministère du travail, on doit aussi rappeler que le projet constitue une étape déterminante au sein de l’ensemble de l’histoire des relations sociales. Les difficultés rencontrées, il est vrai, il y a quelques mois, n’y changent rien.

Les exemples étrangers peuvent à bon droit nourrir la réflexion des responsables français. Ainsi, la Grande-Bretagne s’est dotée d’instances spécifiques pour la concertation, ainsi que d’un code de bonne conduite subordonnant toute initiative gouvernementale à la concertation. L’Allemagne a dessiné un partage assez clair des compétences entre la loi et les partenaires sociaux. Aux Pays-Bas, le Conseil économique et social est une instance clef, dont les avis sont déterminants pour la mise en œuvre des initiatives gouvernementales. En Espagne, depuis 2004, un accord-cadre conclu avec les partenaires sociaux rend possible la signature de nombreux accords collectifs dans des matières diverses.

Le texte proposé aujourd’hui par le gouvernement vise à changer en profondeur les règles du jeu, en créant trois procédures nouvelles du dialogue social entre le gouvernement et les partenaires sociaux : les procédures de concertation, de consultation et d’échange d’informations. Il serait d’ailleurs bon que ces trois termes figurent explicitement dans le code du travail lui-même, en tête du chapitre nouveau créé par le présent projet de loi.

Trois points du texte méritent une attention particulière.

Le premier est la question de l’urgence, qui préoccupe beaucoup les partenaires sociaux. Ils comprennent naturellement la préoccupation juridique : nombreux sont en effet les dispositifs qui prévoient des cas d’urgence, afin de garantir leur applicabilité jusque dans les situations les plus extrêmes. En l’espèce, cette « soupape », qui contribue d’une certaine manière à la fiabilité de l’équilibre d’ensemble du dispositif, respecte en même temps les prérogatives constitutionnelles du Gouvernement. Mais ne peut-on craindre une utilisation extensive, voire abusive, de cette disposition ? C’est pourquoi il serait opportun de prévoir, par voie d’amendement, d’encadrer davantage le recours à l’urgence, sans pour autant le contraindre, en prévoyant une procédure solennelle de motivation.

Le deuxième point a trait à la place du Parlement dans la procédure. Les débats ont conduit à l’abandon du mécanisme, jugé excessivement rigide, de la commission mixte rassemblant des membres du Parlement et les partenaires sociaux. Mieux vaut en effet faire preuve de souplesse, afin de concilier deux impératifs : le respect des prérogatives, notamment constitutionnelles, de la représentation nationale et le respect des spécificités du dialogue social. Il s’agit d’une question essentielle qui a trait à la coexistence de la démocratie sociale et de la démocratie représentative. Afin que le Parlement soit pleinement conscient des enjeux qui ont sous-tendu la négociation et, de manière générale, de l’intégralité des procédures de concertation ou de consultation, ne pourrait-on imaginer la remise, chaque année, par le Gouvernement au Parlement – par exemple juste avant le rendez-vous annuel d’information prévu par le projet de loi – d’un état des lieux de la mise en œuvre de l’ensemble de ces procédures ? Autant il ne paraît pas souhaitable de rigidifier la procédure de concertation en codifiant dans la loi l’intervention du Parlement, autant la remise d’un tel document semble correspondre à une réelle préoccupation tant des parlementaires que des partenaires sociaux. Ces derniers ont en effet fort légitimement le souci de ne pas voir déformés les axes principaux des négociations et de pouvoir s’en expliquer. À cet égard, le rôle du rapporteur de la commission saisie au fond devra être central et consacré comme tel : des explications doivent pouvoir être apportées au cours des échanges qu’il aura avec les partenaires sociaux, comme c’est déjà en partie le cas aujourd’hui, mais d’une manière encore plus systématique.

Le dernier point est relatif à la définition même du dialogue social, question évidemment délicate, mais qu’il ne faut pas pour autant escamoter. La notion de « dialogue social » ne figure plus dans le champ des matières soumises à concertation, pour une raison strictement juridique : cette notion floue est en effet couramment utilisée, mais jamais définie avec précision. En revanche, chacun s’accorde à reconnaître que le dialogue social correspond à une méthode, et les termes de « dialogue social » continue donc de figurer dans le présent projet, dans l’intitulé du titre préliminaire qui comprend les trois nouvelles procédures. Pourquoi dès lors ne pas aller un peu plus loin dans l’appréhension de la notion de « dialogue social », en insérant dans le chapitre unique un intitulé qui la définisse à partir des trois procédures de concertation, de consultation et d’information ?

En conclusion, le rapporteur a salué l’économie générale du projet proposé, véritablement porteur d’avenir, et souligné la qualité des relations qui se sont établies entre les collaborateurs du ministre et la commission.

M. Francis Vercamer a rappelé que le groupe UDF a demandé dès 2004 que soit réaffirmée et renforcée la place du dialogue social, par la mention d’engagements en ce sens dans la loi et pas seulement dans un exposé des motifs qui en outre n’a pas été traduit dans les faits. On ne peut donc se plaindre que tel soit enfin le cas, même s’il faut regretter que ce projet soit présenté si tard, en fin de législature. Les pays qui ont su développer des procédures de dialogue social, substituer la logique de coopération à celle de confrontation, jouissent d’une meilleure santé économique que la France, ont un chômage moins élevé et s’adaptent plus aisément aux évolutions de l’économie mondiale.

On peut avoir un autre regret : c’est que ce projet ne soit qu’une étape, certains sujets importants étant laissés en dehors de son champ. C’est ainsi que ne sont pas abordées les questions de la représentativité des organisations syndicales et de leur légitimité à signer des accords : peut-être aurait-on pu attendre quelques semaines de plus, le temps que le Conseil économique et social se prononce, afin de présenter un texte plus complet. N’est pas davantage évoquée la question de la place respective de la loi et du contrat, alors même que le Parlement modifie le code du travail au moins chaque semestre, à telle enseigne que le Président de la République lui-même a déclaré qu’on légifère trop. Les détails devraient davantage ressortir à la compétence de la convention collective, le Parlement n’ayant à connaître que des grands principes.

Par ailleurs, un certain nombre d’incertitudes affectent ce texte. Il convient ainsi d’observer que l’urgence, qui dans la première version du projet devait être « avérée », ne doit désormais plus qu’être « déclarée ». Or le souvenir subsiste du CPE, dont le contenu avait été annoncé le matin même du jour où le projet dans lequel il allait être inséré devait être examiné en commission, sans que les partenaires sociaux aient eu à en connaître. On peut craindre que l’urgence déclarée soit un moyen d’obvier à la longueur du processus de négociation, quand on sait combien le gouvernement légifère sous la pression médiatique. Une autre question reste ouverte, à savoir la marge de manœuvre du Parlement. Celui-ci conserve le droit d’amendement, certes, mais aussi celui d’examiner des propositions de loi. Qu’en sera-t-il de l’application à celles-ci des nouvelles procédures aujourd’hui proposées ? C’est d’ailleurs par le biais d’une proposition de loi du groupe UMP qu’un dispositif a été substitué à celui du CPE qui venait pourtant d’être adopté « définitivement »… Enfin, rien n’est dit, à l’alinéa 7 de l’article 1er, du délai dans lequel les organisations syndicales devront faire connaître leur intention de négocier.

M. Maxime Gremetz a déclaré voir un symbole dans le fait que le gouvernement présente ce projet de loi en fin de législature, à quelques mois de l’achèvement des travaux de l’Assemblée nationale, mois durant lesquels les réformes ne seront pas légions. Un symbole, car le gouvernement s’est précisément illustré dans l'art de l'évitement du dialogue social, qu’il s’agisse du CPE, du temps de travail dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, ou encore de la redéfinition du temps de travail effectif des salariés agricoles. Un symbole, car le gouvernement a même tout fait pour qu'il n'y ait pas de dialogue social : la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a consacré le droit d’opposition comme principe de validation des accords collectifs, bouleversé la hiérarchie des normes et remis en cause le principe de faveur. En outre, nombre de mesures sont venues exclure du décompte des effectifs des entreprises telle ou telle catégorie de salariés, de façon à empêcher la mise en place des institutions représentatives du personnel.

Ce projet de loi doit toutefois être regardé comme une étape vers la réforme qu'il convient de mener en matière de dialogue social : une étape importante, mais une réforme inaboutie. En effet, malgré les appels des organisations syndicales, malgré le rapport du Conseil économique et social en cours d'examen, quatre piliers importants d'une véritable réforme du dialogue social continuent de faire défaut.

Le premier est la réforme de la représentativité, attendue par la quasi-unanimité des organisations syndicales représentant les salariés, à l’exception de Force Ouvrière (FO) et de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – cette dernière étant toutefois prête à évoluer – , et recommandée par le rapport précité du Conseil économique et social. On ne peut plus se satisfaire des règles actuelles. Il convient donc d'organiser une élection de représentativité au plan national, mais sur quelle base ? Au niveau des branches ? Des conseils de prud’hommes ? D’une instance ad hoc ? Chaque solution a ses avantages et ses inconvénients. Les députés du groupe communistes et républicains préconisent, pour leur part, une élection de représentativité, organisée le même jour dans toutes les entreprises pour tous les salariés, quelle que soit la nature de leur contrat de travail.

Le deuxième pilier est relatif à la validation des accords selon le principe de la majorité en voix, principe que réclament les députés communistes depuis 1982 et dont ils ont obtenu l’inscription dans les « lois Aubry » sur la réduction du temps de travail, comme condition du financement de celle-ci par l’État. Mais, depuis la loi du 4 mai 2004 précitée, un accord est considéré comme majoritaire s’il est signé par la majorité des syndicats en nombre, soit trois sur cinq, qu’ils représentent ou non la majorité des salariés. Il est impératif que la validité soit conditionnée par l’existence d’une majorité en voix. C’est une démarche plus constructive que celle qui consiste à constater l’absence d’opposition.

Le troisième pilier concerne le respect du principe de faveur. Depuis la loi du 4 mai 2004 également, un accord peut déroger de façon défavorable à un autre accord, lui-même dérogeant de façon défavorable à la loi. Il faut mettre un terme à ces accords dérogatoires et rétablir « le principe de faveur », ainsi que l'interdiction de l'inversion de la hiérarchie des normes dans un sens défavorable aux salariés.

Enfin, le quatrième pilier est relatif au rôle du Parlement. Une solution équilibrée consisterait à garder le système actuel, en y ajoutant la concertation et la négociation, à l'issue desquelles une délégation de représentants des organisations syndicales représentatives viendrait présenter l'accord devant la commission permanente saisie au fond, chaque organisation s’exprimant sur le contenu de l'accord. Il y aurait ensuite un débat en séance publique, le rapporteur présentant la teneur de la discussion avec la délégation, et chaque groupe exprimant sa position. Les observations seraient transmises aux partenaires sociaux, pour leur intégration éventuelle dans l’accord sur la base des remarques effectuées. Un projet de loi serait ensuite déposé au Parlement et voté par lui. Un tel système serait de nature à valoriser à la fois le travail du Parlement et celui des partenaires sociaux.

Des amendements seront déposés sur l’ensemble de ces questions.

Le groupe communiste et républicain aborde le débat dans un esprit constructif, mais il reste à savoir jusqu’où le gouvernement est prêt à aller, notamment sur la question de la mise en œuvre du recours à l’urgence qui préoccupe les partenaires sociaux, sur les modalités d’engagement de la négociation et sur le délai imparti à celle-ci.

M. Alain Vidalies s’est étonné que la commission ait à examiner un texte ayant trait aux seules procédures ainsi définies, alors que le Conseil économique et social doit rendre cet après-midi son avis sur la représentativité syndicale et sur la validité des accords, points qui ne devraient pas être disjoints du présent projet. Le ministre a précisé que le texte était adaptable, mais toute la question est de savoir quand. Si le projet de loi est examiné en séance publique la semaine prochaine, la position du Conseil économique et social sera connue, car l’avis devrait être adopté cet après-midi à une importante majorité, et un consensus se sera sans doute manifesté, tant du côté syndical que patronal, sur la question de la représentativité. Le gouvernement amendera-t-il alors le projet de loi en conséquence ? Selon la réponse qui sera apportée à cette question majeure, les interrogations ou inquiétudes suscitées par ce texte seront plus ou moins fortes.

Par ailleurs, de nombreuses autres questions restent ouvertes : comment se formera l’« intention » de négocier manifestée par les partenaires sociaux ? Selon quelles règles de majorité sera-t-elle constatée ? Des règles nouvelles ou celles de la loi du 4 mai 2004 ? Il serait pour le moins paradoxal que le vote probable du Conseil économique et social débouche sur une réforme qui lui soit contraire et que des accords continuent à pouvoir être conclus avec l’approbation d’une minorité de salariés.

Une autre question importante se pose, à savoir celle de l’urgence et de sa définition. Il devait s’agir, dans un avant-projet de loi soumis à la concertation, de l’urgence « avérée », par exemple pour des motifs de santé publique. Or il en va tout autrement aujourd’hui : la notion d’urgence « déclarée » laisse à penser que dès lors qu’un texte sera discuté selon une telle procédure, cela se fera en l’absence de concertation, ce qui suscite des interrogations si l’on se rappelle que l’urgence « parlementaire » a été déclarée, au cours de la présente législature, sur tous les projets de loi ayant trait au domaine social, à l’exception du texte relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Rétrospectivement, on est donc en droit de penser que le présent dispositif, à supposer qu’il ait été en vigueur, aurait été largement vidé de sa substance. Le rapporteur a certes annoncé son intention de proposer une obligation de motivation, mais est-elle véritablement exempte de tout risque d’inconstitutionnalité ?

Mme Martine Billard a dit partager les inquiétudes de l’orateur précédent. Le projet de loi vise à tirer les conséquences de la crise du CPE, mais il est rendu bancal par l’absence de dispositions sur la question de la représentativité syndicale et patronale. Il serait préférable d’en différer l’examen jusqu’à ce que cette question ait fait l’objet d’une position officielle des partenaires sociaux. L’alinéa 7 de l’article 1er, relatif à la communication par les partenaires sociaux de leur intention d’engager une négociation, est flou : que se passera-t-il en cas de blocage, et notamment si celui-ci provient d’une seule organisation, par exemple du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) ? Le gouvernement pourra-t-il passer outre ? Enfin, le gouvernement s’engage-t-il à ne plus accepter les « cavaliers » législatifs dans le domaine du droit du travail ? On a vu en effet, à de trop nombreuses reprises, des amendements émanant de députés du groupe UMP, qui avaient pour effet de modifier le code du travail sur des points qui n’avaient rien de mineur. Qu’en sera-t-il de l’application à ces initiatives des nouvelles procédures citées ?

En réponse aux intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

– Il faut distinguer entre urgence et déclaration d’urgence, et le gouvernement a pris en compte, s’agissant de la procédure prévue par le présent texte, les impératifs constitutionnels, évoqués notamment à l’occasion de l’examen du projet par le Conseil d’État. La proposition du rapporteur de motiver l’urgence est judicieuse, mais un dispositif qui prétendrait limiter à une fois par législature, ou même par session, le droit du gouvernement à légiférer, ne fonctionnerait pas. Les exemples étrangers, néerlandais notamment, montrent que les pratiques évoluent progressivement dès lors que les principes sont posés, que ce soit par la loi ou non. Il faut faire preuve de prudence et ne pas trop porter atteinte aux prérogatives du Gouvernement et du Parlement, parmi lesquelles le droit d’amendement reconnu à ce dernier. Personne au demeurant, parmi les partenaires sociaux, ne considère que la démocratie sociale serait supérieure à la démocratie représentative. Il impose naturellement de concilier les deux.

– Comment informer le Parlement de l’état d’avancement des procédures de négociation ? Le projet de loi a été préparé compte tenu d’échanges qui ont eu lieu avec les présidents des deux assemblées parlementaires. Certaines pratiques relèvent des Règlements des deux assemblées, et le ministre délégué, pour avoir présidé la commission des affaires sociales du Sénat, considère qu’il vaut mieux ne pas trop figer les choses, et laisser aux présidents et aux bureaux des commissions le soin d’apprécier la manière de recevoir tel ou tel partenaire social, signataire ou non, ce qui est évidemment une démarche essentielle. L’idée d’un rapport du gouvernement au Parlement sur l’ensemble des nouvelles procédures va de ce point de vue dans le bon sens.

– La notion même de dialogue social relève plutôt de la pratique que d’une définition juridique à proprement parler. On peut néanmoins contribuer à la définir en se référant aux trois notions de concertation, de consultation et d’information.

– La pratique française du dialogue social est quelque peu différente de la pratique scandinave où, la plupart du temps, l’État n’intervient pas, ce qu’illustre par exemple le cas suédois.

Cela dit, la France ne part pas de rien : l’an dernier, 44 accords interprofessionnels ont été signés, ainsi que 1 148 accords de branche et quelque 20 000 accords d’entreprise, accords d’entreprise dont le ministère n’a pas forcément connaissance dans leur totalité. Les exemples des accords nationaux interprofessionnels sur l’emploi des seniors ou la diversité attestent bien que le dialogue social peut porter ses fruits.

– La question du partage entre la loi et le règlement est à examiner à la lumière de l’article 34 de la Constitution, qui dispose que la loi fixe « les principes fondamentaux du droit du travail ». En faisant en sorte que la négociation prenne plus de place et que le législateur retrouve sa fonction de garant de l’ordre public social, le projet de loi constitue une sorte de retour aux sources.

Il reste que la pratique sera tributaire des attitudes des uns et des autres : aux Pays-Bas, la négociation est permanente entre parlementaires et partenaires sociaux, et il est vrai qu’il est essentiel que les représentants des salariés comme des entreprises négocient effectivement.

– S’agissant de la validité des accords, il ne faut pas oublier que la loi du 4 mai 2004, dont il est d’ailleurs prévu de faire le bilan en 2008, dispose déjà que les partenaires sociaux ont la possibilité d’établir un principe « majoritaire » par accord de branche.

M. Maxime Gremetz a objecté que cette notion s’entend de la majorité du nombre de syndicats, non du nombre de voix obtenues par eux aux élections professionnelles.

Le ministre a souligné que les discussions au sein du CES ne sont pas achevées et que le président Jacques Dermagne ne remettra son rapport au Premier ministre que la semaine prochaine. C’est ainsi que l’on ignore encore si le consensus se fera pour faire de l’élection le principal, voire le seul, critère de la représentativité et, dans l’affirmative, comment seront organisées les élections. De même, la question de la validité des accords est toujours pendante : faut-il, par exemple, opter pour une majorité absolue ou relative ?

Le CES n’a pas terminé ses discussions non plus sur les modalités de la négociation dans les très petites entreprises – qui sont justement celles où se crée le plus grand nombre d’emplois –, ni sur les questions du financement des organisations représentatives et de la sécurisation des parcours professionnels de ceux qui s’engagent en leur sein. Bref, il faut laisser l’assemblée consultative qu’est le CES achever son travail, en lui appliquant à elle aussi les principes d’un dialogue social modernisé… Le présent texte n’est qu’une première étape, et la seconde, qu’a appelée de ses vœux M. Maxime Gremetz, viendra plus tard, quasi indépendamment du résultat des élections du printemps 2007.

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur le projet de loi relatif à l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé – n° 3457.

Le président Jean-Michel Dubernard a souhaité la bienvenue à M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, venu présenter le projet de loi relatif à l’accès au crédit des personnes présentant un risque de santé, et a estimé qu’il était à l’honneur des hommes politiques de s’intéresser à un tel sujet, très important sur le plan humain.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a souligné que le projet de loi relatif à l'accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé est un texte fondamental, qui vise, à la demande du Président de la République, à donner irréversiblement force de loi à un dispositif conventionnel tendant à lutter contre une discrimination intolérable, dont on parle trop peu : celle qui empêche des malades ou anciens malades d’acquérir par le crédit, un bien immobilier, un bien professionnel, ou un bien de consommation. Il est intolérable que des millions de personnes – il y a aujourd’hui 10 à 11 millions de personnes concernées, dont 7 millions de personnes en affection de longue durée (ALD) – soient frappées par cette « double peine ».

La convention « S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé (AERAS) » a été conclue le 6 juillet 2006 entre l'Etat, les organisations professionnelles représentants les établissements de crédit, les mutuelles et les entreprises d'assurance, et les associations de malades. Elle doit entrer en vigueur le 6 janvier 2007. Il faudra néanmoins veiller à ce que, dans les agences bancaires et les cabinets d’assureurs, les pratiques changent, et que les personnes concernées ne soient plus soumises à un parcours du combattant.

Cette convention prend la suite de la convention dite Belorgey conclue le 19 septembre 2001. Quatre ans après son entrée en vigueur, il apparaissait, en effet, que l'application de cette convention laissait subsister un certain nombre d'entraves à l'accès de ces personnes à l’assurance et à l’emprunt dans des conditions satisfaisantes. Dans la mesure où il s’agissait d’une question concernant au premier chef les acteurs économiques et sociaux, le gouvernement a choisi de procéder d’abord par la négociation, puis, conformément au souhait des associations, de consacrer les résultats de celle-ci par la loi, ainsi que l’a annoncé, dans son discours du 27 avril 2006 sur la politique de lutte contre le cancer, le Président de la République. Ce projet de loi sera examiné par le Sénat en janvier 2007 et adopté avant la fin de législature.

La convention Belorgey avait permis des avancées significatives, puisqu’elle a ouvert un droit à l’examen à plusieurs niveaux des dossiers présentant des difficultés ainsi que la possibilité de saisir une instance de médiation et certaines garanties de confidentialité du traitement des données.

Néanmoins, elle est restée trop peu connue pour être réellement invoquée par les millions de personnes susceptibles d'en bénéficier. Par ailleurs, elle ne couvrait que l'assurance décès et non l'assurance invalidité ; les garanties de confidentialité étaient insuffisantes ; les délais d'instruction des dossiers restaient souvent incompatibles avec les exigences des vendeurs de biens immobiliers ; enfin, l'importance des surprimes empêchait bon nombre de personnes, même quand leur dossier était retenu, de mener jusqu'à son terme l'opération envisagée.

Les avancées de la nouvelle convention AERAS permettent de combler ces lacunes.

En premier lieu, le public sera pleinement informé de l'existence du dispositif. Tous les partenaires à la convention, au premier chef desquels les banques, devront y contribuer. Les banques mentionneront systématiquement, sur les simulations de prêts, l’existence du dispositif et nommeront des référents dans les agences. L’Etat participera à l’information par l'ouverture d’un site Internet.

De plus, l'assurance invalidité est désormais pleinement intégrée au dispositif de la convention : examen des dossiers à trois niveaux ; éligibilité au mécanisme de médiation ; programmes de recherche que pilotera la commission des études et des recherches de la convention ; éligibilité au mécanisme de mutualisation au même titre que l’assurance décès ; couverture assurancielle étendue au-delà de la perte totale et irréversible d’autonomie (PITA), de façon à couvrir les personnes dans l’impossibilité d’effectuer les actes de la vie quotidienne sans assistance d’une tierce personne (troisième catégorie, au sens de l’article L 341-4 du code de la sécurité sociale) et celles dans l’impossibilité d’exercer une profession (deuxième catégorie, au sens de l’article précité). Si cet objectif ne s'avère pas rempli au vu du bilan qui sera dressé dans dix-huit mois, le dispositif sera revu.

En outre, le dispositif favorisera une plus grande transparence pour l’octroi des polices d’assurance : les refus d’emprunt liés à des raisons de santé, ou les restrictions de couverture, devront être motivés ; le programme de recherche de la commission des études et des recherches couvrira les pathologies les plus problématiques pour l’accès à l’emprunt et à l’assurance. Par ailleurs, une véritable instance de médiation en cas de litige sera mise en place, et la possibilité de saisir cette commission sera systématiquement indiquée aux personnes recevant un refus ou une restriction d’assurance.

Quant aux surprimes liées à l’état de santé, leur montant sera rendu plus supportable. La prime d'assurance sera plafonnée à 1,5 point de taux effectif global pour les emprunteurs dont les revenus ne dépassent pas le plafond annuel de la sécurité sociale, soit un peu plus de 30 000 euros par an.

De surcroît, les critères d'éligibilité seront élargis, qu’il s’agisse de l'âge des emprunteurs ou de la durée et du montant des emprunts. Pour les emprunts immobiliers et professionnels, la durée sera déplafonnée dès lors que l'âge de l’emprunteur ne dépassera pas 70 ans au terme du prêt et le montant maximum du prêt passera de 250 000 à 300 000 euros. Pour les crédits à la consommation exonérés de questionnaires de santé, l'âge sera porté de 45 à 50 ans et l’encours de 10 000 à 15 000 euros. Enfin, les banques s'engagent à accepter les garanties alternatives, telles que cautions ou assurances individuelles, dès lors qu'elles offrent la même sécurité.

Le projet de loi, quant à lui, institutionnalise, en son article 1er, l’obligation pour les banques et les assureurs de négocier avec l’État et les associations de malades et d’usagers du système de santé – dont la place se trouve, au passage, consacrée –, une convention triennale.

L’article 2 énumère les sujets que doit impérativement traiter la convention, et qui reprennent les thèmes traités par la convention signée le 6 juillet 2006.

L’article 3 permet l’intervention du pouvoir réglementaire en cas de carence des parties conventionnées et notamment la possibilité d’extension, par décret, à un secteur si l’une des trois familles d’assurance (assurances, mutuelles ou institutions de prévoyance), ou l’une des deux familles bancaires (banques et établissements financiers), ne conclut pas la convention. Il comporte également, en cas de rupture ou d’absence de renouvellement de la convention, la possibilité, pour le Gouvernement, de se substituer aux parties conventionnelles pour édicter par décret en Conseil d’État les garanties offertes aux personnes malades.

L’article 4 confie à l’instance de suivi prévue par la convention le soin d’effectuer une évaluation du dispositif qu’elle transmet au Parlement et au Gouvernement dans les six mois précédant l’échéance de la convention.

L’article 5 prévoit la transmission de ce rapport, à titre dérogatoire, dans les dix-huit mois suivant l’entrée en vigueur de la convention du 6 juillet 2006, soit à la mi-2008 : en effet, le Gouvernement a souhaité que, compte tenu de son importance et de l’urgence de sa mise en place, l’entrée dans le champ du dispositif de l’assurance invalidité soit évaluée dès cette date. Par ces deux articles, le Parlement est placé, aux côtés du Gouvernement, en situation de garant de la bonne application des nouvelles mesures.

Ce projet de loi est donc un texte d’équilibre et d’ambition, qui permet de consacrer un principe au cœur du pacte républicain : celui de la non-discrimination.

Un débat a suivi l’exposé du ministre.

M. Bernard Pousset, rapporteur, a salué l’amélioration sensible apportée par le projet de loi, puis a posé les questions suivantes :

– Dans une optique de droit comparé, comment se situe la France dans le domaine de l’accès au crédit pour les personnes présentant un risque aggravé de santé ?

– Pourquoi les rapports adressés par M. Jean-Michel Belorgey au gouvernement en mai 2000 et en décembre 2005 n’ont-ils pas été rendus publics ? Et comment expliquer que le Parlement n’ait pas été destinataire du rapport sur l’accès à l’assurance des personnes présentant des risques de santé aggravés pourtant prévu par l’article 144 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique ?

– A-t-on une bonne visibilité de l’importance statistique des problèmes posés ? Combien de personnes sont potentiellement concernées ? La Fédération bancaire française (FBF), s’appuyant sur les chiffres de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), fait état dans ses documents de 99,7 % de dossiers qui reçoivent une proposition d’assurance grâce à la convention Belorgey. Ces chiffres sont-ils fiables ? Comment améliorer la transparence de ces chiffres ? Où en est la réflexion sur le cadre statistique nécessaire au suivi de l’efficacité du dispositif conventionnel ?

– La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé fait déjà de l’existence d’une convention relative à l’assurance des personnes exposées à un risque aggravé du fait de leur état de santé ou d’un handicap une obligation légale. Quels sont les principaux apports du projet de loi ?

– L’adossement d’une loi à une convention à laquelle l’État lui-même est partie est un schéma assez original. Qu’est-ce qui a motivé le recours à une telle procédure ? Y a-t-il des précédents similaires ?

– Le projet de loi modifie uniquement le code de la santé publique. Pourquoi n’a-t-il pas été décidé de modifier d’autres codes comme, par exemple, le code de la consommation, le code des assurances ou le code pénal ?

– À partir du moment où l’objet de la loi est d’inscrire dans celle-ci les « acquis » obtenus par voie conventionnelle, n’était-il pas envisageable d’instaurer dans le dispositif une sorte de disposition « effet cliquet » ?

– Le projet de loi reprend les grands principes d’une convention qui, d’après certaines associations déjà auditionnées, fait peser une obligation particulière sur des organismes français mais ne couvre pas les banques et assurances étrangères, ni même l’ensemble des organismes français de ces secteurs. N’y a-t-il pas là un risque juridique au regard du droit européen de la concurrence ?

– Qu’apportent les garanties conventionnelles de confidentialité des données à caractère personnel et de nature médicale par rapport aux différents secrets professionnels existants ?

– L’information des personnes susceptibles d’être concernées par un risque de santé aggravé semble indéniablement être une condition de succès de l’entreprise. À cet égard, la convention AERAS comporte des avancées significatives et implique notamment, pour la première fois, une obligation d’information par l’Etat. En dehors de la création d’un site Internet, quelles sont les mesures concrètes qui ont déjà été envisagées pour répondre à cet objectif ? Le ministère de la santé est-il prêt à s'impliquer dans une campagne nationale de promotion de la convention, afin de permettre aux personnes classées « risques aggravés » de quitter ce statut de malades perpétuels et redevenir des citoyens à part entière, ayant le droit de faire des projets à moyen et long terme ?

– Quelles conséquences entraînerait le non-respect des dispositions de la loi ? En l’absence de sanctions, n’y a-t-il pas un risque d’affaiblissement de la loi ? Que penser de la proposition du Collectif interassociatif sur la santé (CISS) d’intégrer la non-observation du dispositif prévu par le code de la santé publique parmi les discriminations punissables par l’article 225-3 du code pénal ?

– Quels que soient le renforcement et l’amélioration du dispositif de la convention Belorgey, des refus d’assurance pour raisons de santé subsisteront et certains malades ne pourront donc toujours pas être assurés. Y a-t-il une réflexion spécifique sur ce sujet ?

En réponse au rapporteur, le ministre a apporté, les précisions suivantes :

– Selon les postes diplomatiques français à l’étranger, il n’y a pas à l’étranger de dispositifs semblables à la convention Belorgey. La spécificité française semble résider dans le fait que les banques exigent plus systématiquement une assurance décès et une assurance invalidité et relativement peu des garanties alternatives, telles les cautions. La Belgique, toutefois, s’est dotée en juin 2006 d’une loi ad hoc. La convention AERAS et la loi mettront la France, qui avait déjà innové avec la convention Belorgey, à l’avant-garde de la lutte contre les discriminations, longtemps occultées, fondées sur l’état de santé des personnes.

– Si les rapports Belorgey n’ont pas été rendus publics, c’est parce qu’il n’y avait pas d’accord entre les professionnels et les associations. Attendre qu’il se manifeste aurait fait perdre beaucoup de temps, alors qu’une nouvelle convention était en négociation. Mais le rapport d’information sera communiqué dans les jours qui viennent, en tout état de cause avant le vote du projet de loi.

– Il est exagéré de dire que les données chiffrées ne sont pas fiables. Le nombre de refus enregistrés est bien de 9 000, mais il ne suffit pas à rendre compte de l’exclusion de l’accès au crédit, dont 10 à 12 millions de personnes sont susceptibles d’être victimes : beaucoup, en effet, ignorent l’existence de la convention Belorgey ou estiment le dispositif trop compliqué pour qu’elles aient une chance d’obtenir gain de cause ; d’autres, enfin, ont pu se résoudre à mentir sur leur état de santé, avec tous les risques que cela comporte en cas de dévoilement de leur situation réelle.

– L’un des apports principaux du projet de loi, par rapport à l’ancien dispositif est que le Gouvernement pourra agir par voie réglementaire si d’aventure la convention vient à être dénoncée ou à ne pas être appliquée.

– Qu’une loi soit adossée à une convention n’est pas exceptionnel : le cas se produit notamment pour les conventions entre les professions de santé et la sécurité sociale ou dans le champ de l’assurance-chômage ou encore pour les règlements conventionnels minimum. Il faut laisser les partenaires négocier mais, s’il n’y a pas de résultat, il appartient aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités. Ce qu’il faut néanmoins souhaiter, c’est que chacun s’engage avec enthousiasme, volontarisme et dynamisme dans l’application de la nouvelle convention.

– Si le contenu de la convention est transcrit dans le code de la santé publique plutôt que dans un autre code comme celui de la consommation, c’est par souci du parallélisme des formes avec la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Quant au code pénal, son article 225-1 réprime déjà les discriminations fondées sur l’état de santé. Mais il ne faut pas non plus négliger, outre la sanction pénale, la sanction médiatique, ni le fait qu’un nombre croissant d’investisseurs internationaux sont de plus en plus vigilants quant à l’application de certaines règles éthiques. Cela dit, l’on n’imagine guère que des gens qui ont signé une convention n’aient pas la volonté de la respecter…

– Si l’on a peu parlé de la convention AERAS au moment de sa conclusion en juillet 2006, c’est parce qu’il n’y avait pas lieu d’annoncer trop tôt un dispositif dont l’entrée en vigueur n’était prévue que six mois plus tard. Mais les choses vont changer et le mois et demi qui va s’écouler avant cette échéance sera mis à profit par le ministre pour rencontrer banquiers et assureurs, les inviter à veiller à l’information du public, et s’assurer des modalités d’application de la convention. Le ministère de la santé, outre la création d’un site Internet, réfléchit également à la possibilité d’une communication grand public qui, parce que le sujet ne relève pas de l’éducation à la santé, n’est pas du ressort de l’INPES. Quoi qu’il en soit, le sujet de l’accès au crédit des personnes présentant un risque de santé est devenu public et il ne sera plus possible de revenir en arrière.

Le président Jean-Michel Dubernard a demandé s’il était possible d’aller plus loin dans les modalités d’application de la nouvelle convention, qui marque un progrès par rapport à la précédente, laquelle représentait déjà un progrès considérable. Comment être certain que les dispositions en seront bien appliquées, compte tenu des obstacles constatés au cours des cinq dernières années ? L’un des problèmes majeurs que l’on rencontre en effet, quels que soient les gouvernements et les majorités, est le passage de la volonté politique à l’application pratique. La loi sur le handicap, par exemple, qui est pourtant l’une des plus fortes adoptées au cours de la présente législature se heurte à des difficultés d’application sur le terrain.

M. Pierre-Louis Fagniez a estimé que les difficultés étaient à venir et non passées, et que la présence effective d’un référent dans chaque agence bancaire serait un élément clé de la réussite du dispositif, notamment en direction des publics les plus fragilisés.

M. Frédéric Reiss, après s’être étonné du très grand nombre de personnes atteintes d’une affection de longue durée, s’est demandé comment fonctionnerait le dispositif de médiation prévu au 9° de l’article 2, et en particulier comment les personnes concernées se fédéreraient pour défendre leurs intérêts ?

Le ministre a apporté les réponses suivantes :

– L’information est un enjeu essentiel et c’est au référent présent dans chaque agence bancaire qu’il appartiendra de la délivrer, non pas seulement aux personnes qui en feront la demande, mais au grand public dans son ensemble. Il importe, pour cela, de former des professionnels, car il a lui-même pu constater, dans une agence d’un réseau important, située dans une ville de 6 000 habitants, que le personnel ne connaissait pas le contenu de la convention Belorgey et que la brochure d’information mentionnée dans les documents de demande de prêt était indisponible.

– Un comité de suivi sera mis en place au niveau national, au sein duquel les représentants des associations feront remonter les difficultés. Le comité se réunira avant 18 mois. Il faudra veiller à ce que tous les établissements se mobilisent, et non pas seulement ceux qui le sont déjà le plus.

– Les bonnes intentions ne suffisent pas à réconcilier les Français et la politique : tant qu’une réforme n’est pas en vigueur sur le terrain, elle n’existe pas à leurs yeux. Or c’est à partir du 6 janvier 2007 qu’elle existera. Il s’agit de faire en sorte, grâce au comité de suivi, qu’elle soit appliquée avec célérité et efficacité.

– Des difficultés subsisteront certainement, car il y a des cas humains auxquels l’application des techniques assurantielles n’est pas aisée. C’est pourquoi sera créée une commission paritaire de médiation, composée de quatre membres titulaires et quatre suppléants, et présidée par une personnalité qualifiée. Elle pourra s’adjoindre des personnalités extérieures sans voix délibérative. Elle pourra être saisie de cas individuels, le cas échéant hors du canal associatif. Elle remettra au Gouvernement un rapport annuel, dont le Parlement pourra avoir connaissance. Son secrétariat, permanent, bénéficiera de moyens fournis par l’Etat.

M. Céleste Lett a demandé si le dispositif aurait des incidences financières sur les établissements bancaires et assurantiels et comment l’Etat comptait leur imposer ce surcoût.

Le ministre a dit avoir le sentiment que ces organismes peuvent assumer eux-mêmes cette charge, indubitable car liée notamment au plafonnement des surprimes. Il faut souligner d’ailleurs que ce n’est pas l’Etat qui la leur impose, mais qu’ils l’ont eux-mêmes acceptée en signant la convention. Le rôle de l’État consiste à empêcher, en légiférant, qu’il y ait un jour un retour en arrière.

M. Michel Heinrich a dit craindre que les surprimes ne restent dissuasives pour les personnes dont les revenus sont au-dessus du plafond ouvrant droit à leur limitation à une fois et demie le taux effectif global (TEG) du crédit.

Le ministre a précisé qu’obtenir la mutualisation des surprimes d’assurance était un pas important. Une personne de quarante ans, présentant un risque de surmortalité de 400 % et souscrivant un emprunt immobilier à quinze ans au taux de 3,5 % verrait le coût de sa prime d’assurance réduit, grâce à la mutualisation, de 370 euros par an, soit 5 500 euros sur la durée totale du prêt. L’effort consenti par les établissements n’est donc pas négligeable. Il est vrai que le dispositif, en principe, ne joue pas au-delà d’un revenu annuel de 30 000 euros, mais le Gouvernement n’hésiterait pas à réexaminer la question s’il s’avérait que rien n’était fait pour les personnes situées un peu au-dessus du seuil. Cela dit, le plafond retenu permet de couvrir un très grand nombre de personnes, et en particulier celles qui ont les difficultés les plus grandes à accéder au crédit.

Le rapporteur a signalé que les codifications de maladies n’avaient presque pas évolué depuis vingt ans et que les conséquences étaient considérables.

Le ministre a souligné que la création d’une commission chargée des études et de la recherche, animée par le ministère de la santé et composée de représentants de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), de l’Institut de veille sanitaire et d’autres organismes de recherche, ainsi que de représentants du monde de la banque et de l’assurance, visait précisément à tenir compte des progrès de la science et de la médecine. On peut guérir du cancer, on peut vivre avec le sida, l’espérance de vie n’est pas la même qu’avant ; il faut que banquiers et assureurs en tirent les conséquences et actualisent en permanence leurs tables.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre.

*

La commission est ensuite passée à la suite de l’examen des articles du projet de loi de modernisation du dialogue social – n° 3456.

Avant l’article 1er

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à organiser une consultation des salariés, dénommée « élection professionnelle de représentativité », destinée à apprécier la représentativité des organisations syndicales.

M. Maxime Gremetz a souligné que seule une élection peut fonder la représentativité. Cette exigence démocratique – l’accord du plus grand nombre est nécessaire – explique cette proposition de la tenue d’une élection le même jour dans toutes les entreprises. À l’exception de quelques organisations syndicales, tout le monde semble du reste d’accord pour réformer les règles relatives à la représentativité. Alors même que l’on déplore souvent l’insuffisant pouvoir des syndicats, particulièrement dans les petites et moyennes entreprises, l’organisation d’une telle journée nationale de consultation permettrait de mobiliser tous les salariés et de susciter des débats dans les entreprises sur cette question importante. En tout état de cause, la solution proposée constitue un idéal vers lequel il faut tendre, même s’il est vrai que le Conseil économique et social est sur le point de rendre un avis sur ces sujets.

M. Bernard Perrut, rapporteur, a jugé que les amendements déposés par M. Maxime Gremetz constituent une contribution à des débats importants et sont autant de propositions pour alimenter les échanges sur des questions diverses, qu’il s’agisse de la mise en œuvre d’élections professionnelles de représentativité spécifiques, de la détermination des règles de validité des accords collectifs de travail fondée sur le principe majoritaire à tous les niveaux de la négociation, de l’établissement de règles particulières de conclusion des accords dans les plus petites entreprises ou encore de la remise en cause des principes établis par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Il s’agit là de propositions, de réponses possibles, mais naturellement ce ne sont pas les seules sur des sujets aussi discutés. En de telles matières, tout ne peut être d’emblée rejeté, tout ne peut être d’emblée accepté.

Le présent projet de loi n’a pas la prétention d’être un texte exhaustif qui aurait vocation à traiter toutes les questions se rattachant au dialogue social. Ce n’est pas un hasard si deux rapports distincts ont été demandés par le Premier ministre, il y a une dizaine de mois, respectivement à M. Dominique-Jean Chertier, sur la question de la modernisation du dialogue social, et à M. Raphaël Hadas-Lebel, sur la question de la représentativité et du financement des organisations professionnelles et syndicales. Le rapport de M. Chertier a donné lieu à un processus de concertation évoqué par le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes ; le rapport de M. Hadas-Lebel a abordé des thèmes qui ont ensuite donné lieu à la préparation d’un avis par le Conseil économique et social, sur le point d’être adopté et rendu public, puisque ce vote interviendra en séance plénière du Conseil dans l’après-midi ; actuellement, les amendements sont étudiés en section.

Une fois cette étape passée, étant donné l’importance des enjeux, en tout état de cause il ne sera pas envisageable que ces réformes interviennent sans une concertation avec les partenaires sociaux. En effet, il n’est en particulier pas possible d’ignorer les tensions vives auxquelles ont donné lieu les débats au Conseil économique et social. Légiférer aujourd’hui sur de tels sujets serait précisément contraire à la démarche proposée avec le présent projet de loi. Une telle discussion nécessite du temps. Il reste que, indéniablement, il existe des liens entre les sujets abordés dans le rapport de M. Hadas-Lebel et le présent texte. Mais, pour reprendre les mots du ministre délégué en charge du travail, M. Gérard Larcher, devant la Commission nationale de la négociation collective le 6 novembre dernier, « il nous semble non seulement possible mais opportun d’avancer de façon différenciée sur ces différents sujets. D’une certaine façon, nous serons d’autant plus armés pour aborder les questions délicates du rapport Hadas-Lebel que le socle des rapports entre pouvoirs publics et partenaires sociaux aura été posé par le texte qui vous est aujourd’hui soumis ».

M. Maxime Gremetz a répondu que son amendement vise principalement à réaffirmer une proposition qui est fondamentale. Il est vrai qu’il faut parfois dix à quinze ans avant de voir une proposition mise en œuvre !

Mme Martine Billard a regretté l’absurdité du calendrier parlementaire retenu : il aurait en effet été préférable d’attendre le début du mois de janvier pour examiner un texte complet portant sur l’ensemble des questions de démocratie sociale, traitant à la fois la question de la représentativité et celle du dialogue social. Aujourd’hui, tous les amendements qui touchent à la représentativité seront en effet repoussés par la majorité pour des motifs liés au calendrier. Examiner un projet de texte début janvier permettrait en outre notamment de prendre en compte les conclusions contenues dans l’avis que s’apprête à rendre le Conseil économique et social.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que la procédure retenue a au moins le mérite de garantir le franchissement d’une première étape.

M. Alain Vidalies a noté que l’audition de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, aura au moins éclairé les débats parlementaires sur un point : le présent texte est susceptible de s’adapter à toute modification législative ultérieure relative, notamment, à la question de la représentativité. Autrement dit, le ministre n’entend pas intégrer au projet de loi les conclusions de l’avis du Conseil économique et social. Dès lors, le rapporteur a beau jeu de répondre aux amendements de l’opposition en invoquant une prétendue absence de concertation : c’est au contraire le fait de proposer le présent projet de loi sans disposer de l’avis du Conseil économique et social qui dénote une absence de concertation. Au total, le présent texte est un rendez-vous manqué : si le gouvernement avait proposé un projet de loi tenant compte de l’avis du Conseil économique et social, cela aurait constitué un véritable événement. Enfin, il est dommage que le ministre n’ait pas répondu à la question qui lui avait été adressée concernant les modalités de la manifestation par les partenaires sociaux de leur intention de négocier. Cela est aussi révélateur car cette question est de fait indissociable de celle de la légitimité des partenaires sociaux, non traitée par le présent projet de loi.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l’amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à faire du principe majoritaire une condition de validité des accords collectifs à tous les niveaux de la négociation.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l’amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz tendant à revenir sur la remise en cause du principe de faveur telle qu’elle résulte de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui autorise la conclusion d’accords collectifs dérogatoires moins favorables aux salariés.

M. Maxime Gremetz a souligné que cet amendement vise à un réel respect du principe fondamental de la hiérarchie des normes et qu’il est en outre en cohérence avec l’amendement précédent relatif au principe majoritaire.

Le rapporteur, après avoir indiqué que la loi du 4 mai 2004 comporte une « clause de rendez-vous » impliquant le Gouvernement, le Parlement et les partenaires sociaux sur l’application de l’ensemble des dispositions qu’elle consacre au dialogue social d’ici le 31 décembre 2007, a émis un avis défavorable à l’adoption de l’amendement.

La commission a rejeté l’amendement.

Article 1er : Institution de nouvelles procédures de dialogue social

La commission a examiné un amendement du rapporteur visant à ce que le chapitre unique inséré dans le code du travail par le projet de loi soit intitulé « Procédures de concertation, de consultation et d’information ».

Le rapporteur a rappelé que le projet de loi crée un nouveau titre préliminaire dans le code du travail intitulé « Dialogue social ». Le chapitre unique de ce titre est aujourd’hui dépourvu d’intitulé. Or il constituera le premier chapitre du code du travail : il est donc souhaitable de prévoir un intitulé définissant le dialogue social, qui constitue avant tout une méthode.

M. Maxime Gremetz a objecté que l’amendement omet d’inclure la notion de négociation, qui est pourtant un élément essentiel du dialogue social.

Le rapporteur a répondu que le terme de concertation intègre la notion de négociation.

M. Céleste Lett a également estimé que la sémantique conduit à inclure la notion de négociation dans celle de concertation.

M. Maxime Gremetz a souligné que, si l’objectif partagé par tous est bien de promouvoir la négociation, alors il faut la mentionner dans cet intitulé car il s’agit d’une notion capitale. La concertation, quant à elle, est proche de la consultation. Enfin, l’ordre logique serait plutôt le suivant : l’information, puis la consultation et enfin la négociation, qui est primordiale.

M. Alain Vidalies a jugé que l’objection de Maxime Gremetz est d’autant plus fondée que l’article 2 fait désormais référence à la négociation.

M. Pierre-Louis Fagniez a estimé que la concertation, la consultation et l’information sont autant d’éléments prérequis pour une éventuelle négociation.

Le rapporteur a souligné que la négociation découle bien de la concertation. La concertation en effet peut impliquer l’ouverture ou non de négociations. L’amendement proposé s’inscrit en outre dans le droit fil de la présentation des différentes procédures par le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, ainsi que dans l’esprit du texte.

La commission a adopté l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté deux amendements de M. Alain Vidalies : le premier visant à préciser que la représentativité au niveau national des organisations syndicales de salariés est appréciée à partir des résultats d’une élection de représentativité organisée tous les cinq ans au niveau des branches professionnelles ; le second prévoyant que la validité d’un accord interprofessionnel, de branche ou d’entreprise est subordonnée à sa signature par une ou des organisations syndicales représentant une majorité de salariés.

La commission a ensuite examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à soumettre à une concertation préalable avec les partenaires sociaux les projets de réforme envisagés par le gouvernement en matière de protection sociale.

M. Maxime Gremetz a précisé que l’amendement vise à répondre à une attente forte de certaines organisations syndicales, en élargissant le champ d’application du dispositif de concertation prévu par cet article aux questions relatives à la protection sociale, qui sont d’autant plus importantes qu’elles concernent l’ensemble des salariés, aussi bien sur leur lieu de travail qu’à l’extérieur. La rédaction actuelle du projet de loi apparaît en effet excessivement restrictive en la matière. Inclure la protection sociale serait un minimum.

Mme Martine Billard s’est interrogée sur le sens qu’il convient de donner aux dispositions prévoyant l’organisation d’une concertation sur les projets de réforme envisagés par le gouvernement qui concerne les relations du travail, l’emploi et la formation professionnelle. En particulier, les contrats aidés, qui emportent des conséquences au niveau des entreprises, s’agissant notamment du calcul des effectifs, relèvent-ils du champ d’application de cet article, ainsi que l’induirait une interprétation large de ces dispositions ?

Le rapporteur a répondu que tel serait effectivement le cas.

Précisant sa question, Mme Martine Billard a souhaité savoir si les dispositions prévues par cet article s’appliquent uniquement aux domaines relevant du code du travail – et dans ce cas, s’appliquent-elles à l’ensemble de ce code ? – ou également aux compléments ou précisions figurant dans d’autres codes, en particulier celui de la sécurité sociale.

Le rapporteur a tout d’abord rappelé qu’au terme d’une négociation approfondie avec l’ensemble des partenaires sociaux, il a été décidé que le champ de la négociation porte sur les projets de réforme concernant les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle, c’est-à-dire l’ensemble des questions qui relèvent du champ de la négociation collective et qui correspondent pour partie au domaine défini par l’article L. 131-1 du code du travail.

Il est vrai que les questions relatives à l’assurance maladie ou encore aux retraites de base des salariés ne relèvent pas du présent dispositif ; ces questions font en effet déjà l’objet de procédures de concertation avec les partenaires sociaux dans le cadre d’instances spécifiques compétentes en la matière. Dans l’esprit du gouvernement, il est en effet tout à fait clair que, s’agissant de la procédure de concertation prévue par le présent projet, la sphère d’intervention des partenaires sociaux doit correspondre à celle des réformes accompagnées traditionnellement par le ministère du travail.

Le président Jean-Michel Dubernard a salué la qualité des réponses apportées par le rapporteur à des questions très intéressantes.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l’amendement.

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur ayant pour objet de soumettre à la procédure de concertation tout projet de réforme qui « relève du champ de la » négociation nationale et interprofessionnelle.

Le rapporteur a expliqué que la rédaction actuelle de cet article, qui fait référence aux projets de réforme « susceptibles de donner lieu à » une négociation nationale et interprofessionnelle, peut laisser penser qu’il existerait une marge d’appréciation dans le choix des projets soumis à concertation, ce qui ne correspond pas à l’esprit du projet de loi. Il est dès lors proposé de préciser la rédaction de cet article, par une nouvelle formulation plus objective, afin de lever toute ambiguïté et de consolider ainsi le projet de loi.

La commission a adopté l’amendement à l’unanimité, l’amendement étant cosigné par Mme Martine Billard, MM. Maxime Gremetz, Francis Vercamer, Alain Vidalies, Pierre-Louis Fagniez, Céleste Lett, Frédéric Reiss et Mme Irène Tharin.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz prévoyant que le document d’orientation transmis aux partenaires sociaux au moment de l’engagement de la procédure de concertation comporte une étude d’impact sur les principales options et modalités de réforme envisagées par le gouvernement.

M. Maxime Gremetz a expliqué que l’expérience montre la nécessité, dans un souci d’efficacité, de veiller à ce qu’un tel document d’orientation soit assorti d’une étude d’impact détaillée, afin notamment d’éviter que l’on revienne a posteriori sur des dispositions législatives adoptées, au motif que toutes leurs conséquences n’en auraient pas été correctement appréhendées ex ante.

Le rapporteur s’est opposé à l’amendement, au motif que le document d’orientation défini par le projet de loi a vocation à permettre aux partenaires sociaux d’être informés précisément des intentions du gouvernement et de disposer ainsi des moyens d’engager une concertation. Toutefois, le champ de la négociation doit rester aussi ouvert que possible : dès lors, soumettre le Gouvernement à l’obligation d’accompagner ce document d’orientation d’une étude d’impact n’apparaît pas souhaitable. Par définition, il n’est pas possible de connaître dès l’ouverture des négociations les positions qui seront finalement retenues par les organisations syndicales et d’en évaluer l’impact. Tel qu’il est rédigé, l’amendement proposé n’est donc pas conforme à l’esprit du projet de loi. Toutefois, son auteur a souligné à très juste titre l’importance des études d’impact et il apparaît en effet essentiel de veiller à ce que les projets de loi soient accompagnés de telles études. Si cette question relève en vérité davantage de la circulaire administrative que de la loi, elle n’en mérite pas moins d’être posée - pourquoi pas en séance publique – afin de pouvoir être reprise très largement par les parlementaires.

M. Pierre-Louis Fagniez a estimé que M. Maxime Gremetz a eu raison de souligner l’importance des études d’impact et estimé que l’on pourrait envisager de préciser ce point dans le texte juridiquement le plus adéquat.

Après avoir rappelé que le projet de loi indique que le document d’orientation fait état des « principales options », M. Francis Vercamer a jugé que les propositions figurant dans ce document auront bien un impact sur le code du travail et qu’il ne serait dès lors pas inopportun que ce document soit assorti d’une étude sur l’impact de ces options.

Le rapporteur a rappelé que l’avant-projet de loi prévoyait initialement que la documentation d’orientation transmise par le gouvernement comporte également une présentation des « modalités » des réformes envisagées, mais que ces dispositions ont finalement été supprimées à la demande des partenaires sociaux, qui ont fait valoir la nécessité de ne pas trop encadrer le champ de la négociation.

M. Maxime Gremetz a jugé peu convaincants les éléments de réponse apportés par le rapporteur, en arguant de la nécessité que les partenaires sociaux disposent bien de toutes les informations nécessaires à l’ouverture d’une négociation approfondie. Il apparaît par ailleurs difficilement envisageable qu’une étude d’impact soit présentée par le gouvernement lors du seul dépôt d’un projet de loi, alors même qu’une telle étude n’aurait pas été réalisée dès le stade de la concertation avec les partenaires sociaux.

Après que le président Jean-Michel Dubernard a formulé le souhait que cette question soit posée en séance publique, en soulignant l’intérêt des différentes interventions des commissaires, la commission, conformément à l’avis défavorable du rapporteur, a rejeté l’amendement.

Puis, la commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à préciser que les organisations syndicales font connaître au gouvernement le moment arrêté pour l’ouverture de la négociation et la durée de celle-ci.

M. Maxime Gremetz a souligné la nécessité de clarifier les conditions de la mise en œuvre de la négociation, en jugeant plus logique de prévoir la détermination par les partenaires sociaux de la date du début et de la durée des négociations. L’amendement permettrait ainsi d’obliger les différents acteurs concernés à conduire une discussion commune sur le déroulement de ces négociations, ce qui permettrait notamment d’éviter, comme c’est aujourd’hui le cas, que l’essentiel des propositions provienne du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et, beaucoup plus rarement, de l’ensemble des organisations syndicales nationales. Il s’agit là d’une question essentielle, à laquelle le projet de loi n’apporte aucune réponse précise et qui va pleinement dans le sens du renforcement du dialogue social.

Mme Martine Billard s’est également interrogée sur les conditions d’application des dispositions prévues par cet article. Depuis près de deux ans, les partenaires sociaux sont en effet dans l’attente de l’ouverture de négociations sur la question de la pénibilité au travail : on peut se demander si les dispositions prévues par cet article permettraient véritablement à l’avenir d’apporter des solutions à ce type de situations de blocage et, le cas échéant, selon quelles modalités.

En effet, le texte ne permet en rien de préciser qui, du gouvernement ou des partenaires sociaux, sera chargé de déterminer les conditions et la durée des négociations, à moins qu’il ne soit envisagé d’apporter ces précisions par voie réglementaire, ce qui n’apparaîtrait cependant pas comme l’option la plus satisfaisante. Cette question est pourtant essentielle si l’on souhaite que ces dispositions soient effectivement mises en œuvre rapidement et qu’elles ne se résument pas à un vœu pieu.

M. Francis Vercamer a également estimé qu’il s’agit là d’un véritable problème, en rappelant qu’au moment de la préparation de la réforme engagée dans le cadre de la suspension de certaines dispositions du projet de loi de modernisation sociale, un délai de douze mois avait initialement été prévu pour la négociation par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, M. François Fillon, mais qu’il s’était ensuite avéré nécessaire de rallonger cette période de six mois.

La période de concertation doit être en effet suffisamment longue pour permettre des discussions sereines et approfondies, sans l’être cependant de façon excessive afin que puissent être réglés effectivement les problèmes soulevés. Dès lors, qui, des partenaires sociaux ou du gouvernement, sera chargé de fixer les conditions et les délais de la négociation ? Des garde-fous sont-ils prévus ? En tout état de cause, ces dispositions apparaissent trop floues et il importe donc d’en clarifier la rédaction.

Soulignant l’importance capitale de cette question, M. Alain Vidalies a estimé que la loi ne peut en aucun cas être rédigée de façon aussi imprécise, s’agissant notamment des dispositions prévoyant que les organisations syndicales « font connaître leur intention d’engager une négociation ». Aucune réponse réelle n’a été apportée sur leurs modalités d’application par M. Gérard Larcher, ministre délégué de l’emploi, du travail et de l’insertion professionnelle des jeunes, au cours de son audition par la commission.

Les partenaires sociaux, eux aussi, ont déploré le caractère très évasif des réponses qui leur ont été apportées sur cette question, relative pourtant à une problématique très concrète. Or ce flou artistique est de nature à remettre en cause les principes mêmes de la démarche engagée par le gouvernement en matière de dialogue social.

En réponse aux différents intervenant, le rapporteur a souligné la nécessité de préserver la souplesse des dispositifs proposés afin que la concertation puisse se dérouler aussi librement que possible. Du reste, il n’est pas sans intérêt de rappeler que, dans les pays étrangers où le dialogue social fonctionne bien, les règles détaillées de fonctionnement n’ont le plus souvent pas été écrites.

Le dialogue social doit par ailleurs être envisagé comme un état d’esprit. En définissant dans la loi des critères très précis relatifs à l’organisation de la concertation, s’agissant notamment des questions de délais, il est à craindre que l’on puisse donner ainsi l’impression de ne pas être totalement convaincu par les vertus du dialogue social et que le gouvernement se voie critiqué pour encadrement excessif des procédures !

C’est pourquoi le présent projet de loi pose des principes généraux concernant l’organisation de la concertation, dans le respect de la démocratie sociale. C’est d’ailleurs ce qui fait toute la beauté de ce texte car, encore une fois, les négociations pourront ainsi être engagées de façon très ouverte.

Mme Martine Billard a toutefois estimé que s’il n’est pas possible d’améliorer la rédaction de ces dispositions par voie d’amendements, afin de rendre le texte parfaitement clair et précis, mieux vaudrait alors ne rien inscrire du tout dans la loi sur cette question, sauf à vouloir faire œuvre littéraire ! Il sera au surplus particulièrement difficile de veiller à une application précise de dispositions qui ne le sont pas.

M. Maxime Gremetz a rappelé que de nombreuses grèves ont été mises en œuvre par des organisations syndicales en vue d’obtenir l’ouverture de négociations sur certains sujets : cela aussi montre combien il est souhaitable de donner la possibilité aux syndicats de préciser le calendrier des négociations, ou tout du moins d’en prendre effectivement l’initiative, et ce afin de promouvoir efficacement le dialogue social.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a ensuite rejeté l’amendement.

La commission a examiné en discussion commune trois amendements de M. Alain Vidalies, M. Maxime Gremetz et du rapporteur, ayant pour objet d’obliger le gouvernement à motiver le recours à l’urgence, procédure qui lui permet de passer outre dans certains cas exceptionnels la concertation avec les partenaires sociaux.

M. Alain Vidalies a indiqué que, sur cette question de l’urgence, la rédaction proposée par le rapporteur lui paraît constituer une meilleure solution que celle résultant de son amendement d’appel destiné à écarter tout risque constitutionnel et à pallier les difficultés liées à l’évolution du texte, qui prévoyait dans une version antérieure au présent projet, soumise à la concertation avec les partenaires sociaux, le cas de l’urgence « avérée » et qui aujourd’hui se réfère à la notion d’urgence « déclarée ». L’amendement du rapporteur constitue la vraie solution. Il s’agit d’une question majeure et on peut espérer que le gouvernement acceptera la rédaction proposée.

M. Maxime Gremetz a expliqué n’avoir pas voulu aller trop loin dans la rédaction de son propre amendement. On ne peut que se réjouir que le rapporteur souhaite préciser qu’une motivation écrite sera nécessaire avant que le gouvernement prenne sans concertation une mesure dictée par l’urgence. En conséquence, il a retiré son amendement et souhaité cosigner l’amendement du rapporteur.

M. Alain Vidalies a également retiré son amendement et cosigné celui du rapporteur.

Le rapporteur a souligné avoir, dès le début de son étude de ce projet de loi, fait savoir que le sujet de l’urgence est primordial et qu’il a effectivement beaucoup travaillé sur le sujet. La rédaction proposée est la plus complète possible et d’aucuns n’auraient, il est vrai, peut-être pas osé aller aussi loin. Elle apporte une garantie importante en visant à empêcher le gouvernement d’utiliser de manière extensive ce recours à l’urgence, dans des conditions que le Conseil d’État pourrait du reste par ailleurs contester.

L’urgence a été l’un des points les plus discutés parmi ceux évoqués au cours des auditions conduites par le rapporteur. Il faut d’ailleurs observer, s’agissant des remarques qui viennent d’être faites au sujet de l’imprécision des modalités de mise en œuvre de la procédure de concertation, que les organisations syndicales entendues ont insisté sur la nécessité de préserver une certaine souplesse ; pour la question de l’urgence, il en va différemment et l’amendement proposé vise à en tirer les conséquences. On peut supposer que le gouvernement suivra cette initiative.

M. Pierre-Louis Fagniez a indiqué être séduit par l’amendement du rapporteur. Il est important que la commission adopte cet amendement à l’unanimité pour que le gouvernement réalise le travail accompli en commission sur ce sujet important.

M. Francis Vercamer a précisé qu’il réserve sa position. Il est en effet nécessaire de prendre le temps d’analyser de manière exhaustive le texte proposé. Une abstention en commission n’implique toutefois pas un vote négatif en séance.

La commission a adopté l’amendement, cosigné par Mme Martine Billard, MM. Maxime Gremetz, Alain Vidalies, Pierre-Louis Fagniez, Céleste Lett et Mme Irène Tharin.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à améliorer la procédure de concertation s’agissant du « temps du Parlement ».

M. Maxime Gremetz a expliqué que toute la question est de donner une place véritable à la négociation et aux accords collectifs, sans pour autant que le législateur se retrouve dans une situation comparable à celle qui avait prévalu lors de la discussion législative sur la formation professionnelle en 2004, discussion au cours de laquelle aucun amendement n’avait été accepté du fait de l’existence d’un accord national interprofessionnel sur ce sujet.

L’enjeu n’est autre que la définition des rôles respectifs des partenaires sociaux et du législateur et l’établissement de liens nouveaux entre eux, notamment par le biais du développement de procédures d’information nouvelles. Il est notamment nécessaire de valoriser le rôle des syndicats, qui sont insuffisamment reçus au Parlement ès qualité.

Pour l’ensemble de ces raisons, il conviendrait, en cas de conclusion d’un accord interprofessionnel, qu’un représentant de chaque syndicat soit invité officiellement par la commission parlementaire concernée pour expliquer sa position et ainsi contribuer à mieux éclairer le Parlement. Sans cela, une barrière perdurera toujours entre les organisations syndicales représentatives et le Parlement. Il est important que chacun puisse jouer le jeu de la concertation. L’amendement proposé constitue ainsi une tentative pour améliorer le dispositif d’information des parties en présence, afin que chacun ne reste pas de son côté.

Le rapporteur a répondu avoir bien compris l’esprit de l’amendement de M. Maxime Gremetz. Il existe effectivement une réelle demande en faveur de telles auditions de la part des organisations concernées.

Il faut dans le même temps s’interroger sur l’opportunité de prévoir dans la loi, d’une manière quelque peu rigide, ce qui relève davantage de la pratique. Sur un plan juridique, ces questions relèvent d’ailleurs plutôt du Règlement de l’Assemblée nationale. Celui-ci définit déjà une procédure selon laquelle un rapporteur est désigné pour chaque texte de loi venant en discussion ; il revient alors à ce rapporteur de procéder aux auditions requises.

Il convient également de s’assurer qu’une telle réforme ne serait pas contraire à la volonté des partenaires sociaux : en effet, au cours du processus de concertation préalable à l’élaboration du présent projet de loi, l’idée de l’intervention d’une « commission mixte » réunissant organisations syndicales et parlementaires a été progressivement abandonnée. De fait, la démocratie représentative ne doit pas être confondue avec la démocratie sociale. Aussi, plutôt qu’un mécanisme complexe, la remise au Parlement d’un rapport sur l’état des procédures de concertation et de consultation serait-elle davantage à même de contribuer à cette information nécessaire, conformément à un amendement du rapporteur qui sera discuté dans quelques instants.

M. Maxime Gremetz a objecté que chacun sait que les rapports sont le plus souvent lus par quelques spécialistes seulement. Il est normal que le Parlement puisse être éclairé et se livre à de véritables échanges avec les partenaires sociaux. Ceux-ci renforceront à la fois le rôle du Parlement, celui de la commission concernée, ainsi que celui des organisations syndicales qui sont aujourd’hui surtout en contact avec le seul gouvernement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l’amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz visant à ce que le Gouvernement s’engage à soumettre à consultation les projets de textes législatifs de toutes origines.

M. Maxime Gremetz a précisé que cet amendement vise à éviter que seuls les projets de loi soient soumis aux partenaires sociaux.

Le rapporteur a fait observer qu’avec un tel dispositif, le droit d’amendement lui-même serait soumis à la procédure de consultation, ce qui pourrait engendrer un amoindrissement du rôle du Parlement.

M. Maxime Gremetz a indiqué qu’en précisant « de toutes origines », il s’agit notamment de désigner les projets de textes législatifs émanant des groupes politiques.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté l’amendement.

La commission a adopté un amendement du rapporteur assurant la publicité des travaux du Conseil national de la négociation collective à l’occasion du rendez-vous annuel entre le Gouvernement et les partenaires sociaux institué par le nouvel article L. 101-3 du code du travail, en prévoyant la publication du compte rendu de ses débats. L’amendement a été cosigné par MM. Maxime Gremetz, Céleste Lett et Mme Irène Tharin.

La commission a examiné un amendement du rapporteur prévoyant la remise par le Gouvernement d’un rapport annuel au Parlement faisant état de toutes les procédures de concertation et de consultation mises en œuvre pendant l’année écoulée.

Le rapporteur a expliqué qu’il s’agit de permettre à la représentation nationale, parallèlement au rendez-vous annuel prévu par le projet de loi entre le gouvernement et les partenaires sociaux, d’être informée précisément des différentes étapes des procédures de concertation et de consultation mises en œuvre.

M. Maxime Gremetz a estimé qu’il pourrait être opportun de prévoir, à l’occasion de la remise de ce rapport, un débat entre le Parlement et les organisations syndicales.

Le président Jean-Michel Dubernard a objecté qu’il pourrait être difficile d’imposer au gouvernement le principe d’un débat.

La commission a adopté l’amendement.

La commission a adopté l’article 1er ainsi modifié.

Article 2 : Modification des attributions de la Commission nationale de la négociation collective et du Comité supérieur de l’emploi

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

Puis la commission a adopté l’article 2 ainsi modifié.

Après l’article 2

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté successivement trois amendements de M. Alain Vidalies prévoyant respectivement :

– qu’un accord interprofessionnel est réputé valide lorsqu’il est signé par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections prud’homales ;

– qu’un accord de branche ou un accord collectif professionnel est réputé valide lorsqu’il a été signé par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés aux élections de représentativité de la branche ;

– qu’un accord d’entreprise ou d’établissement est réputé valide lorsqu’il a été signé par une ou des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés dans l’entreprise ou l’établissement aux élections de représentativité organisées dans la branche.

Préalablement au vote sur l’ensemble du projet de loi, M. Maxime Gremetz a indiqué s’abstenir, réservant son vote en séance publique, en fonction de la position du Gouvernement sur les différents amendements.

La commission a ensuite adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.