COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 6

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 18 septembre 2002
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères, sur la situation en Irak
- Informations relatives à la Commission


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Audition de M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères, de sa venue devant la Commission des Affaires étrangères. Il a signalé la présence de M. Guy Teissier, Président de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées.

M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères, a tout d'abord rappelé que l'Irak était un pays central au Moyen-Orient, tant par son histoire que par sa géographie. Cette dernière lui confère une position stratégique indéniable, mais le prive pratiquement de débouché maritime, ce qui explique la récurrence des conflits territoriaux avec ses voisins : l'Iran de 1980 à 1988 (environ 700 000 morts) et le Koweït en 1990 et 1991. Détenant 10 % des réserves pétrolières mondiales, l'Irak se caractérise par une population connaissant une importante diversité ethnique et religieuse. Cet Etat laïc est par ailleurs dominé par le parti Baath dont le leader cumule l'ensemble des plus hautes responsabilités civiles et militaires du pays. L'Irak est en même temps un pays affaibli du fait de l'embargo décidé par les Nations unies à la suite de l'invasion du Koweït : son PIB a ainsi été divisé par cinq depuis 1990 et la mortalité infantile a fortement progressé, malgré l'adoption du programme dit « pétrole contre nourriture ». Les trois gouvernorats kurdes du Nord de l'Irak et le dispositif des zones d'interdiction de vol, auquel la France a suspendu sa participation, limitent en outre la souveraineté irakienne.

Le Ministre des Affaires étrangères a ensuite estimé que l'Irak avait mis en place une « stratégie de reconquête » par une série d'accords de libre-échange avec les Etats de la zone, doublée d'une contrebande à grande échelle produisant un revenu estimé à 2 milliards d'euros par an. Ces revenus lui ont vraisemblablement permis de se doter de capacités prohibées par les résolutions des Nations unies, notamment des armes chimiques et de destruction biologiques, sans toutefois, que des preuves irréfutables aient pu être apportées. Depuis 1991, les questions du désarmement et des disparus de la guerre du Golfe n'ont pas été résolues, d'autant que l'Irak a adopté sur ces deux points une attitude de blocage depuis 1998. Dans le même temps, la communauté internationale a agi en assouplissant l'embargo en 1995 et en mai dernier, puis en tirant les leçons de l'échec de l'UNSCOM, qui a été remplacée par la Commission de contrôle, de vérification et d'inspection des Nations unies (COCOVINU).

Depuis le 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont montré leur détermination à l'égard de l'Irak en désignant ce pays comme un soutien des terroristes, producteur d'armes de destruction massive. Après les divergences parmi les responsables américains entre « faucons » et « réalistes », le Président Bush souhaite aujourd'hui obtenir une marge de man_uvre maximale en engageant un débat au Congrès avant l'ajournement de la session le 4 octobre prochain. Son discours devant l'Assemblée générale des Nations unies le 12 septembre dernier a constitué un véritable ultimatum adressé à l'Irak en même temps qu'il a laissé paraître la volonté américaine de renverser le régime de Saddam Hussein. Il a par ailleurs constitué une mise en demeure pour les Nations unies, sommées de prendre leurs responsabilités.

La France soutient, pour sa part, une approche multilatérale fondée sur l'application des résolutions des Nations unies et sur le respect de l'autorité du Conseil de sécurité. Deux étapes doivent donc être envisagées : une première résolution doit porter sur le retour des inspecteurs, puis en cas de blocage de ce retour, une deuxième résolution devra définir les mesures qui s'imposent, sans qu'aucune ne soit a priori exclue. A l'exception notable d'Israël, les pays de la région, redoutant les effets politiques et économiques d'une intervention américaine unilatérale, ont adhéré à notre approche. La Russie et la Chine ont, pour leur part, contribué aux pressions sur Bagdad malgré leurs intérêts économiques et leur position traditionnelle de compréhension à l'égard de ce pays.

Le Ministre des Affaires étrangères a ensuite considéré que la décision irakienne du 16 septembre dernier autorisant la reprise des inspections résultait de l'action conjuguée de tous les acteurs : la menace américaine d'intervention, la position française légaliste et ferme, le rôle des pays arabes et de la Ligue arabe, confirmant le sérieux de la menace, le rôle enfin du Secrétaire général des Nations unies, engagé depuis le printemps dans un dialogue avec l'Irak. Mais, les conditions dans lesquelles la COCOVINU pourra procéder à ces inspections restent à définir, ce qui devrait prendre environ trois mois ; la Commission aura ensuite deux mois pour établir et présenter au Conseil de sécurité son programme de travail ; enfin, elle pourra dresser un premier bilan de ses inspections à l'issue d'une période probatoire de trois à quatre mois. Il faudra donc compter une période totale de neuf mois à un an avant que l'Irak ne recueille éventuellement les fruits de sa coopération.

Les obligations de l'Irak sont définies par les résolutions existantes et l'adoption d'une nouvelle résolution n'est pas nécessaire. L'introduction de nouvelles exigences à son égard risquerait par ailleurs de créer des dissensions entre les membres du Conseil de sécurité, alors même que son unité est essentielle. Il serait par ailleurs prématuré, à ce stade, d'envisager les suites à donner à un éventuel empêchement de l'action des inspecteurs. Cette démarche devrait permettre d'agir dans un souci constant de légitimité et d'efficacité dans le but de garantir la stabilité de la région dans son ensemble.

M. François Loncle, évoquant le voyage à Bagdad de trois députés français, s'est dit très attaché à la liberté d'action des parlementaires qui n'ont pas d'autorisation à demander au gouvernement. Il a estimé qu'il y avait d'un côté la responsabilité des élus et de l'autre les conditions de l'organisation de ce séjour au financement douteux et inopportun sur le plan politique. C'est pourquoi il a souhaité savoir si le gouvernement était au courant et si des instructions avaient été données au chargé d'affaires à Bagdad pour accueillir les trois élus.

Sur le fond, il a demandé à M. Dominique de Villepin de bien vouloir apporter des précisions sur la façon dont la position française a évolué face aux thèses américaines, et ce avant le changement marquant du 16 septembre.

Enfin, il a émis le v_u que la Commission des Affaires étrangères soit des plus attentives au développement de la situation en Irak.

Le Président Edouard Balladur a souligné que le bureau de la Commission des Affaires étrangères s'était réuni dès la semaine dernière pour entendre, en l'absence du Ministre des Affaires étrangères retenu à l'ONU, son Directeur de cabinet, venu faire un point de la situation et a indiqué que le Ministre s'exprimait aujourd'hui devant la Commission des Affaires étrangères au lendemain de son arrivée de New York.

Il a également rappelé que, pendant la guerre du Golfe, en tant qu'orateur de l'opposition, il avait apporté au gouvernement de l'époque son soutien à la participation de la France aux opérations contre l'Irak.

Le Ministre des Affaires étrangères a indiqué que son ministère avait adressé une claire mise en garde aux trois parlementaires qui se sont rendus en Irak, soulignant le caractère inopportun de ce déplacement, mise en garde réitérée à plusieurs reprises aux différents stades de préparation du voyage ; la notification par la France du plan de vol au Comité des sanctions des Nations unies constituant par ailleurs une procédure obligatoire qui ne saurait être assimilée à une autorisation. La position des autorités françaises, y compris celle du chargé d'affaires, qui n'a pas accueilli les trois députés, a été parfaitement cohérente. Il appartient aux parlementaires d'assumer la responsabilité de leur initiative, sans laisser entendre que le ministère des Affaires étrangères n'aurait pas exprimé clairement sa position.

M. Didier Julia a tout d'abord souhaité rapporter aux autres commissaires les choses telles qu'elles ont été vécues. La décision de partir le 9 septembre ayant été prise, les autorisations de plan de vol ont été demandées au ministère des Affaires étrangères, au ministère de la Défense et notification a été faite auprès des instances de l'ONU. Cette date de départ signifiant une présence à Bagdad le 11 septembre, le caractère déplacé de cette date a été signalé et la mission reportée de huit jours. M. Didier Julia a ensuite déclaré n'avoir reçu aucun appel du Ministre lui-même et a précisé que le risque de déplaire aux Américains, qui lui avait été opposé, ne pouvait pas constituer un argument décisif pour renoncer à ce déplacement. Sur place, le chargé d'affaires a vu la délégation tous les jours, alors qu'il ne l'avait pas accueillie à l'arrivée à l'aéroport.

Ensuite, M. Didier Julia a posé trois questions. Le Ministre des Affaires étrangères ayant annoncé qu'il faudrait quatre à cinq mois avant d'envisager la levée des sanctions, M. Didier Julia a demandé si, avec le retour des inspecteurs en Irak, une levée de l'embargo serait possible et par là même un arrêt de la mortalité infantile.

Il a également souhaité savoir si la France s'opposerait à ce que les inspecteurs soient accompagnés de journalistes.

Enfin, pendant toute la présence sur place des inspecteurs, empêchera-t-on tout bombardement du pays ?

M. Jean-Paul Bacquet a demandé au Président Edouard Balladur s'il avait été informé du déplacement des parlementaires français.

Le Président Edouard Balladur a répondu par la négative et précisé qu'il n'avait pas non plus été informé par l'administration du Quai d'Orsay.

Le Ministre des Affaires étrangères a indiqué que la Commission de contrôle serait composée d'experts dont le choix, comme celui de son chef Hans Blix, donnerait toutes garanties de sérieux et d'impartialité et que les inspections auraient lieu à l'improviste, sans que les autorités irakiennes en soient prévenues. Aussi, quelles que soient les solutions que l'on a pu imaginer - adjoindre aux inspecteurs des militaires ou des journalistes - aucune ne paraît plus satisfaisante ou plus efficace. Il appartiendra au chef de la Commission, le moment venu, de décider de la possibilité de lever les sanctions.

M. Jacques Remiller a souhaité connaître l'analyse de M. Didier Julia sur la situation sur place.

Le Président Edouard Balladur a estimé que les questions de M. Didier Julia reflétaient l'analyse qu'il faisait de la situation et qu'il convenait de passer à l'objet même du débat.

Jugeant que l'une des difficultés du règlement du problème irakien provenait de la personnalité complexe de Saddam Hussein et des divergences de fond parmi les membres du Conseil de sécurité - les Britanniques et les Américains faisant du renversement de Saddam Hussein leur objectif, alors que celui de la France est constitué par le désarmement et le retour des inspecteurs -, M. Roland Blum a exprimé sa crainte que cette échéance d'une année avant d'obtenir les résultats des investigations des inspecteurs ne fasse courir le risque de voir les Etats-Unis sortir du cadre multilatéral.

Faisant observer que les frontières de la région héritées de la première guerre mondiale étaient très largement artificielles et que les Etats-Unis avaient probablement prévu l'après-guerre, M. Jean-Jacques Guillet a souhaité obtenir des précisions sur deux points : le régime irakien lui-même - peut on par exemple s'attendre à la création d'un Kurdistan indépendant ? - et la recomposition politique de la zone qui peut avoir des conséquences importantes sur l'Iran, la Turquie et l'Arabie Saoudite notamment.

M. Paul Quilès s'est demandé si ce qui est considéré comme un ultimatum posé à l'Irak n'était pas plutôt, en réalité, un ultimatum posé à l'ONU et donc au Conseil de sécurité, car l'on sait bien que si l'ONU ne va pas dans son sens, le Président George W. Bush passera outre et agira dans un cadre unilatéral. Par ailleurs, alors que personne ne peut dire si, parmi les pays disposant d'armes de destruction massive, l'Irak est véritablement le plus dangereux, il s'est interrogé sur les raisons de la fixation des Etats-Unis sur ce pays.

Ayant le sentiment que les choses sont un peu jouées d'avance au sein du Conseil de sécurité et qu'il n'y aura pas de veto puisque le consensus et le maintien de l'unité prévalent, il a demandé au Ministre si la France accepterait une intervention unilatérale et préventive des Etats-Unis ?

Enfin, M. Paul Quilès a jugé que l'initiative des trois parlementaires français témoignait d'un malaise quant au fonctionnement des institutions de la Vème République où le Parlement est beaucoup trop tenu à l'écart des questions de défense et de politique étrangère, domaines dans lesquels son information est insuffisante. Il a demandé ce que comptait faire le gouvernement dans la période grave qui s'annonce ?

En réponse à M. Roland Blum, le Ministre des Affaires étrangères a souligné que le sentiment de vulnérabilité éprouvé par les Américains et leur crainte quant à leur propre sécurité expliquaient la position de Washington et le débat qui se déroule dans ce pays.

La position de la France est un peu différente, dans la mesure où nous situons l'affaire irakienne dans le contexte plus large du désordre mondial, face auquel la France veut affirmer le rôle des Nations unies et éviter l'action unilatérale qu'il s'agisse des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine ou de toute autre puissance. Notre position inchangée, qui fonde notre engagement, est de lutter contre le terrorisme et de prendre en compte les dangers de la prolifération des armements de destruction massive.

Il a d'autre part souligné que le conflit était beaucoup plus complexe que ne le laissait parfois paraître le débat. Le problème de l'unité de l'Irak et de la stabilité de la région sont de la plus haute importance, or il est aujourd'hui très difficile de se prononcer. Il n'existe pas de scénario clair de l'après Saddam Hussein : la vie politique irakienne n'a permis à aucune personnalité de montrer une vocation à se substituer au dirigeant irakien. Par ailleurs, le problème des populations kurdes est complexe, constituant une menace à l'unité de l'Irak et pouvant affecter la Turquie ; la question chiite est également compliquée et pourrait de son côté avoir des répercussions en Iran.

Si l'administration américaine est tentée d'agir, avec l'idée d'un cercle vertueux qui résulterait de cette intervention en Irak, la France continue d'affirmer que le seul cadre possible pour l'action reste celui des Nations unies et qu'il ne lui est pas envisageable de s'associer à une initiative unilatérale américaine.

La situation est extrêmement difficile, le Président Bush a adressé une mise en garde ferme à l'Irak et en a appelé à la responsabilité des Nations unies qui doivent prendre une décision comme elles en ont la possibilité. Pour la France, les Nations unies constituent le cadre de toute prise de décision. Celle-ci doit être collective pour avoir la légitimité nécessaire conformément à ce que souhaitent les pays arabes. Au niveau multilatéral, toutes les options restent ouvertes alors qu'une action unilatérale et préventive serait déstabilisante sur la scène internationale et sur l'ensemble de la région.

M. Hervé de Charette a salué le réexamen en cours de l'approche française traditionnelle à l'égard de l'Irak. Le penchant assez net de l'opinion publique et de la diplomatie françaises fait de faiblesse pour le régime en place, d'hostilité envers les démarches anglo-saxonnes et d'espoir que tout cela nous rapporte un jour quelque chose constitue une analyse qui a vieilli.

Il a également considéré que toute l'intelligence d'une politique étrangère consistait à garder et élargir les marges de man_uvre de notre pays pour établir et maintenir son influence face au rapport des forces diplomatiques et politiques existant.

Par ailleurs, il a mis l'accent sur le fait que les inspections à venir en Irak devaient changer de nature par rapport aux précédentes où l'équipe était aux ordres de la diplomatie américaine, travaillait pour les services secrets américains et ne donnait pas d'informations aux autres pays. A cet égard, il a insisté sur la nécessité d'intégrer des Français dans les prochaines équipes d'inspection.

Enfin, il a plaidé pour une diplomatie parlementaire tout en considérant que tout parlementaire doit faire un bon usage de sa liberté issue du suffrage universel.

M. Jacques Myard ne s'est pas déclaré outre mesure choqué par la visite des parlementaires français en Irak. Observant que la mise en condition des opinions publiques occidentales était fondée sur le fait que l'on considérait que l'Irak était réarmé, il a demandé si on disposait de preuves à cet égard. Il a par ailleurs rappelé que d'autres pays de la région ne respectaient pas plus que l'Irak les résolutions des Nations unies.

Il s'est enfin interrogé sur la position prise par le Chancelier Gerhard Schröder.

M. Gilbert Gantier s'est enquis de l'effet sur l'opinion publique de l'acceptation par Saddam Hussein du retour des inspecteurs. Il s'est également interrogé sur la position américaine à ce sujet et a voulu savoir pourquoi il fallait tant de temps pour organiser les inspections.

M. Pierre Lellouche a tout d'abord approuvé le comportement de la diplomatie française dans la crise irakienne, jugeant que le cap tracé par le Président de la République avait permis sa résolution satisfaisante à ce stade, ce qui constitue un vrai succès pour la diplomatie française et le rappel du droit.

Il a ensuite approuvé l'idée selon laquelle il fallait revoir nos conceptions de l'Irak et de son avenir. Il a craint que Saddam Hussein n'emmène l'ONU sur le terrain de l'enlisement en gagnant du temps, à l'image de ce qui s'est passé en 1990 lorsque, dans un premier temps, l'UNSCOM a pu travailler, puis progressivement a été gênée puis empêchée de faire ses inspections, sans parler de la controverse qui s'est instaurée sur sa composition. Par ailleurs, le délai étant estimé entre neuf et douze mois avant d'avoir une évaluation d'un éventuel arsenal, se pose la question du choix des inspecteurs face à une administration américaine qui, si elle doit en découdre, doit le faire vite. Les douze mois qui s'annoncent risquent d'être difficiles à faire admettre à l'opinion.

Enfin, M. Pierre Lellouche a fait part de son étonnement devant le cours pris par la diplomatie allemande qui affiche le pacifisme le plus absolu. Si le Chancelier Gerhard Schröder est réélu sur la base d'un mandat pacifiste de l'Allemagne socialiste, quelles en seront les conséquences sur la politique européenne en matière de sécurité, sur l'Europe politique et sur l'Europe de la défense ?

S'agissant de l'information du Parlement, le Ministre des Affaires étrangères a expliqué que l'essentiel se passait actuellement au sein des Nations unies et que le ministère des Affaires étrangères restait à la disposition de la Commission pour l'informer jour après jour de toute urgence. Cependant, le recours immédiat à la force ne fait pas partie des perspectives actuellement examinées par la communauté internationale.

En accord avec M. Hervé de Charette, il a estimé que la région avait beaucoup changé et qu'il convenait désormais d'élargir les marges de man_uvres de la diplomatie française. La lutte contre le terrorisme a modifié la diplomatie mondiale comme le montrent les contacts avec les pays arabes même ceux qui étaient réticents à l'origine. A cet égard, le Ministre a rappelé que depuis 1991 l'Irak faisait exception et qu'il appartenait à ce pays de prouver qu'il ne constitue pas une menace pour la région. Dans ce contexte, la France agit en contact étroit avec les pays arabes qui sont très mobilisés. Le Quartet s'est également réuni très récemment au niveau ministériel, sans résultat significatif pour l'instant.

Le Ministre a souligné le changement de nature de la mission d'inspection des Nations unies. La COCOVINU a remplacé l'UNSCOM, elle est forte de 165 inspecteurs dont 8 Français. Leurs seules préoccupations sont la vérification et le contrôle des armements irakiens et l'utilisation de la présence des inspecteurs à d'autres fins a fait l'objet d'une forte polémique aux Etats-Unis.

Selon lui les informations concordantes émanant des sources indépendantes sur le programme de réarmement de l'Irak montrent un maintien de cette activité dans le domaine chimique, biologique et, de manière moins claire, nucléaire, ce qui justifie l'attitude de la communauté internationale.

Pendant la campagne électorale le Chancelier Gerhard Schröder a fait savoir que l'Allemagne ne participerait pas à une opération militaire contre l'Irak. Le Ministre a estimé que cette prise de position ferme pouvait s'expliquer par l'engagement de l'Allemagne sur plusieurs théâtres (Balkans, Afghanistan).

Répondant à M. Gilbert Gantier sur les délais nécessaires pour effectuer les inspections, le Ministre a rappelé que celles-ci avaient cessé depuis quatre ans, qu'il était donc nécessaire de réactualiser les informations et qu'il fallait pour cela effectuer des missions de reconnaissance sur de nombreux sites, ce qui est très difficile. Les neuf prochains mois seront donc une période sensible. Dès leur retour les inspecteurs pourront rapidement commencer leur travail, c'est une question de jours. Il faudra environ trois mois pour effectuer les inspections, deux mois pour élaborer un rapport et trois mois pour tester l'Irak. Toutefois les premiers éléments sur l'attitude de l'Irak seront rapidement connus et déterminants d'autant que les médias suivront cela attentivement.

Il s'est enfin déclaré convaincu que la communauté internationale lorsqu'elle est unie peut se faire entendre. A cet égard la position française a aidé à constituer une synthèse. Le cadre multilatéral est le seul envisageable. Une intervention unilatérale aurait des conséquences déstabilisatrices dans la région et entraînerait une fracture du monde arabe.

Le Président Edouard Balladur a indiqué que, malgré son attachement aux droits du Parlement, il ne soutenait pas la notion de diplomatie parlementaire, la conduite de la politique étrangère appartenant au pouvoir exécutif. Le Parlement ayant lui-même un droit de contrôle et, s'il le juge utile, de sanctions, la Commission des Affaires étrangères doit être informée de façon précise et immédiate ; pour le reste, il s'agit d'avantage d'un état d'esprit que d'une règle écrite.

En second lieu, la situation est très mouvante, et le gouvernement doit conserver une liberté d'appréciation en fonction des circonstances. Il est donc difficile de lui demander de fixer à l'avance une position définitive sur l'issue de la crise.

La situation est aujourd'hui plus complexe et plus mouvante qu'en 1991, et le choix qui se présente plus difficile. La position de l'Irak, acceptant le retour des inspecteurs, a été présentée par tous comme un fait nouveau, mais qu'y a-t-il en réalité de véritablement nouveau ? Il incombe toujours aux Nations unies de déterminer, par une ou deux résolutions, les obligations de l'Irak, et de définir les conséquences qui devront être tirées si l'Irak ne respecte pas ses obligations. Aujourd'hui, la première résolution est presque sans objet ; mais la question fondamentale de la seconde résolution demeure : que fera t-on, et dans quel délai, si les inspections montrent que l'Irak développe une politique d'armement dangereuse pour la communauté internationale ? La récente et habile man_uvre de Saddam Hussein, si elle simplifie les données du problème, rend en même temps sa solution plus ardue. Il s'agira alors de tout faire pour conserver une unité au Conseil de sécurité, unité qui était en passe d'être atteinte avant le revirement du dirigeant irakien. Le Président Edouard Balladur a approuvé l'action du gouvernement en ce sens.

Le Ministre des Affaires étrangères a estimé qu'une partie de la communauté internationale était hostile à la délivrance d'un blanc-seing permettant une intervention militaire en Irak. Le temps constitue un élément essentiel pour le maintien du consensus, alors même que la stratégie de Saddam Hussein vise à le fissurer. S'il est indispensable de préciser le cadre des inspections, celui-ci peut être défini par des arrangements entre la COCOVINU et les autorités irakiennes. En tout état de cause, on pourra mesurer rapidement le degré de bonne volonté manifesté par l'Irak vis-à-vis des inspections, même si les délais sont incompressibles, car les inspecteurs ont besoin de plusieurs mois avant de pouvoir établir un état de la situation. Il sera alors temps de prendre les décisions qui s'imposent en cherchant à préserver l'unité de la communauté internationale et en faisant respecter l'autorité du Conseil de sécurité.

A l'issue de la réunion, le Président Edouard Balladur a rappelé qu'il souhaitait, à l'avenir, être informé par les membres de la Commission qui envisagent de se rendre dans des pays sensibles. Il a également souhaité qu'en la matière le gouvernement lui fasse part de ses éventuelles observations dans un souci de bonne information.

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Informations relatives à la Commission :

· La Commission a décidé de se saisir pour avis du projet de loi (n° 187) relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 et entendra lors d'une prochaine séance Mme Michèle Alliot-Marie, Ministre de la Défense.

· A été nommé, le 18 septembre 2002 

M. Richard Cazenave, rapporteur pour :

- le projet de loi (n° 188) autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord du 17 mars 1988, tel que modifié par l'avenant du 19 décembre 1991, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail ;

- le projet de loi (n° 189) autorisant l'approbation du troisième avenant à l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et à son protocole annexe (ensemble un échange de lettres).

L'application de l'article 107 du Règlement a été demandée sur ces deux textes.

· La composition des trois missions d'information décidées sur les thèmes suivants s'établit comme suit :

- La mondialisation et les désordres économiques et financiers internationaux :

Président M. Edouard Balladur

Rapporteur M. Renaud Donnedieu de Vabres

Membres M. François Bayrou

M. Jean-Louis Bianco

M. Louis Guédon

M. Jean-Jacques Guillet

M. René Rouquet

- L'avenir du processus euroméditerranéen

Président M. Roland Blum

Rapporteur M. Jean-Claude Guibal

Membres Mme Sylvie Andrieux-Bacquet

Mme Martine Aurillac

M Gilbert Gantier

M. Eric Raoult

M. Henri Sicre

- La coopération internationale pour lutter contre le terrorisme

Président M. Michel Delebarre

Rapporteur M. Frédéric de Saint-Sernin

Membres M. Jean-Louis Bianco

M. Loïc Bouvard

M. Jacques Myard

M. Marc Reymann

M. François Rochebloine

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