COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 7

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 25 septembre 2002
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Günter Verheugen, Commissaire européen, sur l'élargissement de l'Union européenne
- Approbation de l'avenant à l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail (n° 188), et      approbation de l'avenant à l'accord franco-algérien relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour (n° 189)      rapport
- Informations relatives à la Commission


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Audition de M. Günter Verheugen, Commissaire européen, sur l'élargissement de l'Union européenne

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Günter Verheugen de sa présence devant la Commission des Affaires étrangères.

M. Günter Verheugen a remercié le Président Edouard Balladur pour son invitation à s'exprimer devant la Commission des Affaires étrangères, rappelant qu'il était lui-même un ancien membre du Bundestag.

Il a déclaré en introduction que, né en 1944 et conservant un souvenir vivace de la période de l'après-guerre, il connaissait les raisons qui ont conduit à entreprendre l'unification européenne, qui a assuré à l'Europe la liberté, la stabilité et la prospérité, processus que la France a marqué de son empreinte. Aujourd'hui à nouveau, l'Union européenne se trouve devant une échéance historique où elle peut transposer son expérience dans les pays d'Europe centrale et orientale et les aider à établir cet espace de paix et à se développer. Pour ce faire, les Etats membres de l'Union européenne devront apporter leur aide longtemps encore, mais le coût de cette aide n'est pas si élevé si on le compare au tribut qu'il faudrait acquitter s'il fallait affronter une instabilité dans cette zone de l'Europe élargie.

Cette poursuite de l'unification du continent nous donne en outre la possibilité de formuler les objectifs et le rôle futur de l'Union ; cette intégration plus poussée contribuera à conférer un rôle plus important à l'Union sur la scène internationale, et à mieux s'imposer dans les négociations commerciales multilatérales.

Le processus d'élargissement est désormais irréversible. Les économies des Quinze s'y sont préparées : il est intéressant de noter que la France est le premier investisseur dans les pays d'Europe centrale et orientale, et non l'Allemagne comme on pourrait le supposer. Les pays candidats sont passés en une décennie seulement d'une économie planifiée à une économie de marché qui fonctionne bien, des dictatures sont devenues des démocraties.

La question est souvent posée de savoir si l'Union ne demande pas trop aux pays candidats en exigeant la reprise intégrale de l'acquis communautaire. A cette interrogation, on peut répondre que ces pays gagnent beaucoup de temps dans leur transition en reprenant la législation communautaire et évitant, par exemple, de longs débats sur leur future politique de concurrence. Le coût social important de cette transition est supporté par ces pays car ils croient en l'unification de l'Europe et acceptent cette traversée du désert.

La Commission européenne de son côté doit être exigeante sur la mise en _uvre de l'acquis. Pour préparer cet élargissement (qui sera certainement le mieux préparé de tous), elle a élaboré une nouvelle méthodologie. Les négociations se sont accompagnées d'une aide très substantielle, ciblée, qui vise à garantir la mise en _uvre des politiques et des programmes de l'Union après les adhésions. Le processus de suivi - ou monitoring - est aussi très précis. Il permet de vérifier que les engagements pris par les pays candidats sont bien traduits dans le droit et dans la pratique administrative et juridique.

M. Günter Verheugen a ensuite précisé le calendrier de réalisation du processus d'élargissement jusqu'au Conseil européen de Copenhague. D'ici la fin de l'année 2002, l'Union a prévu de clore les négociations avec les pays candidats prêts pour l'adhésion.

La première étape sera la présentation par la Commission, le 9 octobre, de ses rapports sur l'état d'avancement des pays candidats et du rapport de stratégie accompagné des recommandations d'adhésion. Ces rapports, faits avec la plus grande rigueur, constitueront la base des décisions politiques à suivre. Ils comporteront une part de prévision, car les candidats ne sont pas tenus de remplir à ce jour toutes les obligations, mais seulement au jour de leur adhésion à l'Union. Selon le Commissaire, la liste de pays candidats établie au Conseil de Laeken est réaliste et il n'y aura guère de surprises. Une pression politique sera maintenue pour que les réformes se poursuivent après 2002.

La deuxième étape sera la décision du Conseil européen des 24 et 25 octobre à Bruxelles. Elle fixera la liste des pays, qui pourraient être au nombre de dix, avec lesquels l'Union souhaite conclure les négociations. Les derniers points litigieux relatifs aux aspects financiers devraient faire l'objet d'un accord au sein de l'Union en octobre. Il s'agit des aides directes à l'agriculture, de la répartition des ressources en général et également du système de compensation permettant de garantir que la situation financière des nouveaux membres ne se dégrade pas après l'adhésion. La Commission européenne a présenté sa proposition de financement en janvier 2002. Elle se fonde sur les décisions du Conseil européen de Berlin de 1999, dont elle respecte les plafonds financiers qui n'avaient pourtant été fixées que pour six nouveaux Etats membres et non pour dix. Certains pays veulent lier le financement des aides agricoles à la réforme de la PAC, ce qui est totalement inadéquat. Les Quinze ont affirmé à Nice que l'Union sera apte à effectuer l'élargissement et cela ne peut être remis en cause, sauf à entraîner un retard incalculable ou l'échec du processus.

La troisième phase sera la conclusion des négociations lors du Conseil européen de Copenhague en décembre. L'incertitude qui demeure est liée aux résultats du second referendum qui se déroulera en Irlande. Un nouveau « non » remettrait en cause le calendrier de l'élargissement, car le traité de Nice est indispensable, contenant les éléments qui permettront à l'Union élargie de fonctionner et de prendre des décisions.

M. Günter Verheugen a ensuite évoqué le cas de la Bulgarie et de la Roumanie, qui ne feront pas partie de la première vague d'élargissement et qui craignent d'être « décrochés » par rapport aux autres candidats. Il a réaffirmé que ces deux pays participaient pleinement au mouvement inéluctable de l'élargissement, même si c'est avec un calendrier un peu différent. Il faudra donc leur donner, à Copenhague, l'assurance qu'ils ont vocation à adhérer rapidement à l'Union.

S'agissant de Chypre, il semble encore possible de trouver une solution politique avant la fin de l'année, à laquelle tous les acteurs ont intérêt, à commencer par les Chypriotes turcs qui ont tout à gagner à une adhésion. Pour autant, il faudra respecter le calendrier établi à Helsinki en 1999 et accepter l'adhésion de Chypre même en l'absence de solution politique.

M. Günter Verheugen s'est félicité des avancées réalisés par la Turquie, les réformes intervenues récemment dans le domaine des droits de l'Homme (abolition de la peine de mort, libertés d'expression, de réunion, utilisation de la langue kurde) indiquent que la stratégie décidée à Helsinki vis-à-vis de la Turquie était la bonne. Cependant, il nous faut aussi reconnaître que de nombreux progrès restent à faire dans ce pays où la torture et la détention de prisonniers politiques subsistent. Le rapport que la Commission européenne remettra le 9 octobre prochain sur la Turquie fera le point sur les progrès réalisés et les efforts encore nécessaires. Il devrait ensuite être possible de lancer, à Copenhague, une nouvelle phase dans la stratégie d'adhésion de la Turquie.

M. Günter Verheugen a insisté sur « l'après Copenhague » qu'il ne faudrait pas négliger. En effet, la phase de ratification sera essentielle : après le Conseil européen, il faudra soumettre les accords au Parlement européen, puis signer les actes d'adhésion et enfin procéder aux ratifications. Il est indispensable que le choix de la date d'adhésion effective prenne en compte la nécessité de laisser le temps pour le déroulement d'un vrai débat dans les Etats membres.

Les travaux en cours de la Convention sur l'avenir de l'Europe sont liés à la problématique de l'élargissement puisqu'une Europe à 27 sera radicalement différente de celle d'aujourd'hui. La réforme des procédures et des institutions communautaires est donc indispensable en termes d'efficacité comme de démocratie.

En conclusion, M. Günter Verheugen a estimé que le processus d'élargissement en cours constituait bien plus que l'intégration de quelques nouveaux Etats ; il s'agit d'une décision qui va permettre de dépasser la division artificielle du continent européen, et en cela elle est un pas essentiel du processus d'unification européenne.

L'importance de cette question nécessite le lancement d'un grand débat dans l'opinion publique. En effet, les citoyens ne se préoccupent pas actuellement de l'élargissement, mais ils risquent de s'y intéresser de plus en plus à mesure qu'il s'approchera. Il faut donc éviter que ne naisse le sentiment que toutes les décisions ont été prises en amont sans consultation des citoyens, sinon la réaction des opinions publiques pourrait être très négative. La France, qui a été un moteur du processus d'unification européenne, et notamment son Parlement, doit être à la pointe de ce débat indispensable.

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Günter Verheugen pour son exposé complet et dynamique sur les perspectives de l'élargissement.

M. Roland Blum a fait observer que, sur le problème de l'acquis communautaire, la transposition des législations constituait un exercice difficile dans la mesure où adapter un texte était une chose, le mettre en _uvre de façon effective en était une autre. Selon certains observateurs, aucun des pays candidats ne remplira les conditions liées à l'entrée dans l'espace Schengen en 2004. Les plus optimistes parlent de 2006. Par ailleurs les pays candidats ayant demandé des rallonges financières pour la mise en _uvre des conditions Schengen, la question se pose de savoir si la Commission européenne pourra accorder ces fonds pour 2004, voire pour 2006.

M. Roland Blum a ensuite signalé qu'il revenait d'une mission en Slovénie où, alors que des élections présidentielles sont prévues en novembre, la question de l'adhésion à l'Union européenne est peu entrée dans le débat. On peut alors se demander si les problèmes d'adhésion ne sont pas trop souvent évoqués sur le plan technique et pas assez sur le plan politique.

M. Günter Verheugen a répondu que la transposition de l'acquis communautaire dans le droit interne des pays candidats ne suffisait pas. La Commission européenne procède à des vérifications dans les pays pour constater le niveau de mise en _uvre des textes, utilisant par exemple le système de la « pair review » : des représentants de la Commission, des experts, se rendent dans les lieux concernés (administrations, postes frontières, industries, abattoirs) et examinent l'état d'application de la législation communautaire. Il existe également une coopération entre l'Union européenne et les Etats membres dans le cadre des « twining projects » où des représentants des Etats membres, ainsi par exemple des magistrats français, se rendent dans les futurs pays membres pour les conseiller.

L'entrée des nouveaux Etats membres dans l'espace Schengen n'est pas prévue en 2004 ; elle n'aura lieu qu'après une décision prise par le Conseil sur la base de la constatation que les normes sont remplies, ce qui ne pourrait avoir lieu qu'après quatre ou cinq années supplémentaires. Aucun calendrier précis n'a été établi à cet égard. Entre temps les contrôles aux frontières intérieures de l'Union européenne seront maintenus. En tout état de cause les pays candidats ont tout intérêt à garantir leurs frontières. S'agissant du coût financier lié à la mise en place du dispositif Schengen, le Commissaire a précisé qu'une fois la répartition des ressources faite, l'Union européenne ne disposait pas de fonds supplémentaires pour aider les pays candidats, la Commission européenne a toutefois proposé, qu'après les adhésions, une ligne de crédit soit prévue pour améliorer la capacité administrative des nouveaux membres qui ont un réel besoin d'adaptation.

La Slovénie est un cas particulier : ce pays, dont le niveau de prospérité est proche de celui de l'Union, pourrait intégrer celle-ci dès aujourd'hui. Aussi cette intégration fait-elle l'objet d'un consensus dans l'opinion slovène.

M. François Guillaume, sans remettre en cause l'intérêt économique et politique de l'adhésion des dix prochains candidats, a néanmoins estimé qu'il s'agissait d'un bloc d'adhésion important par rapport aux précédentes adhésions de la Grèce, de la Grande-Bretagne ou encore de la péninsule ibérique, à une époque où l'importance de l'économie européenne faisait qu'elle disposait de moyens financiers suffisants.

A cet égard, M. François Guillaume a dit avoir l'impression que les sommes programmées pour l'élargissement compte tenu du budget étaient nettement insuffisantes.

Par ailleurs, il a souhaité obtenir des précisions sur le problème de l'agriculture qui est un des plus difficiles pour plusieurs raisons. Le potentiel agricole de ces pays est élevé et ils peuvent encore développer leur production. Or, l'Union européenne s'est engagée dans une politique agricole malthusienne plutôt que de confrontation avec les Etats-Unis, ce qui va compliquer la tâche. Les pays candidats vont demander que leur soit appliquée la politique de baisse des prix accompagnée de compensations financières. Enfin se pose le problème de la qualité des produits agricoles dans ces pays qui ne pourront avant longtemps s'aligner sur les qualités sanitaires que les Quinze exigent de leurs propres producteurs.

M. Jacques Myard, tout en reconnaissant que l'élargissement était inéluctable, s'est dit convaincu que l'Union européenne ne pouvait continuer à tout régenter. Dans ces conditions, il a demandé au Commissaire européen quelle pouvait être la nouvelle économie que l'Union européenne pourrait adopter pour s'en tenir à l'essentiel et dans quels délais.

En ce qui concerne l'agriculture, M. Günter Verheugen a indiqué que le traitement qui sera accordé aux nouveaux Etats membres après leur adhésion distinguera les mesures relatives aux marchés, celles relatives aux revenus et les aides au développement rural.

En ce qui concerne les dépenses agricoles de soutien au marché, les nouveaux membres seront traités comme les Quinze, dès leur adhésion. Les charges qui pèsent sur les agriculteurs devraient diminuer et les agriculteurs des nouveaux membres devraient voir leurs revenus s'accroître, la politique agricole commune ayant pour effet de protéger le secteur agricole.

Les subventions directes aux revenus ont fait l'objet d'un débat entre la France et l'Allemagne pour savoir si elles relevaient ou non du droit communautaire, et elles en font partie en effet. Le Conseil européen de Berlin de 1999, qui a établi le cadre financier communautaire jusqu'en 2006 n'a cependant pas prévu d'accorder ces aides directes aux nouveaux membres. La Commission européenne a proposé qu'un système progressif soit mis en place au bénéfice des agriculteurs des nouveaux Etats membres, leur permettant de bénéficier d'un montant d'aide en augmentation chaque année pour parvenir à l'échéance de dix ans à 100 % des aides perçues par les agriculteurs des Quinze. Quatre Etats membres - l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède et les Pays-Bas - s'y opposent ; il faut espérer qu'un accord interviendra à ce sujet.

Quant aux fonds affectés au développement rural, il convient de fixer le montant total qui sera consacré à cet objectif et la répartition entre les nouveaux membres. La Commission européenne souhaite que ces pays reçoivent un peu plus dans ce domaine, très important, car le besoin d'infrastructures et de créations d'emplois y est très grand, certaines régions, comme par exemple l'est de la Pologne, manquant cruellement de perspectives. Dans beaucoup de régions, l'aide au développement rural sera plus efficace que les aides directes.

Quant au budget de l'Union européenne, il ne sera pas augmenté jusqu'en 2006, conformément aux engagements pris au Conseil européen de Berlin. Après cette date, on dégagera des ressources en économisant sur les politiques actuelles ou en demandant aux Quinze de contribuer un peu plus qu'avant. Il est possible et souhaitable de continuer à appliquer une stricte discipline budgétaire et la croissance qui résultera de la réalisation de l'Union européenne élargie favorisera le maintien d'une telle discipline. Les coûts liés à l'élargissement devraient augmenter, notamment avec la progression des aides directes, pendant six ou sept ans, mais il faudra rechercher les économies budgétaires réalisables, car il n'est pas politiquement réaliste d'augmenter fortement le budget communautaire.

M. Günter Verheugen a expliqué qu'il n'y aurait pas de concession sur les normes de qualité. Seuls les produits dont la qualité a été contrôlée par les services vétérinaires pourront accéder au marché unique. On ne peut en effet risquer des morts dans l'Union européenne pour des raisons sanitaires.

Il existe trois catégories d'entreprises agro-alimentaires, celles qui remplissent toutes les conditions et normes de qualité et qui de ce fait peuvent accéder au marché unique, celles qui peuvent vendre leurs produits localement en attendant de satisfaire à moyen terme aux exigences de qualité et de sécurité alimentaire exigées pour l'Union européenne, enfin celles qui doivent être fermées car elles sont dans l'incapacité de s'y conformer. Il y aura donc des pertes d'emplois, mais il faut savoir que des investissements énormes ont lieu dans le secteur agro-alimentaire.

Il ne faut pas craindre que l'entrée de nouveaux membres affaiblisse les réalisations de l'Union européenne. Ces dernières souhaitent un droit communautaire fort et des institutions fortes car leur prospérité dépend des performances de l'économie de l'Union européenne. On peut compter sur ces pays pour militer en faveur de la construction européenne telle qu'elle a été voulue par Jean Monnet.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a tout d'abord estimé que la procédure de différenciation tendant à l'examen au cas par cas des demandes d'adhésion à l'Union européenne constituait une garantie à l'égard des opinions publiques des pays membres. Cependant, certains des pays susceptibles de rejoindre l'Union étant peu connus, quel effort de communication la Commission européenne envisage-t-elle de mettre en _uvre afin d'éviter d'éventuelles manifestations de rejet ? S'agissant de l'adhésion de Chypre, quel est le calendrier de négociation avec la Turquie ? Quelle réponse est apportée aux demandes américaines tendant à l'adhésion de ce pays ? Quelles sont par ailleurs les limites envisagées pour le processus d'élargissement : celui-ci doit-il aller jusqu'à englober l'ensemble du continent européen ? Enfin, quelles réponses sont apportées à ceux qui soutiennent qu'une réforme des institutions européennes aurait dû précéder l'élargissement ?

M. René André a considéré que le processus d'élargissement allait interférer avec la réforme de la politique agricole commune, alors même que les positions soutenues en la matière par le Commissaire européen Franz Fischler avaient suscité d'importantes oppositions. Compte tenu des contraintes financières liées à l'élargissement, les économies envisagées risquent-elles d'affecter le montant des fonds structurels ou des aides agricoles ? Quelles réponses la Commission européenne entend-elle mettre en _uvre pour moderniser le secteur agricole de certains pays candidats ? Un statut intermédiaire entre celui de pays membre et celui de pays tiers ne peut-il être mis en _uvre pour appréhender le cas des autres pays qui pourraient déposer leur candidature ? Enfin, il a estimé que la Commission européenne devrait impérativement fournir une information claire et détaillée aux Parlements nationaux sur les conséquences de l'élargissement.

M. Günter Verheugen a indiqué que des rapports détaillés sur chacun des pays candidats seraient diffusés d'ici deux semaines, afin d'informer les parlements nationaux de la situation de chaque pays au regard de l'acquis communautaire. Les critères d'évaluation mis en _uvre dans ces rapports sont identiques pour chaque pays.

S'agissant de l'adhésion de Chypre, il convient de ne pas lier cette question à celle de l'adhésion de la Turquie, car cela aboutirait à un blocage du dossier. Les pressions américaines visant à imposer des négociations rapides pour l'ouverture de négociations avec ce pays en vue de son adhésion ne sont pas déterminantes, notamment au regard des échéances électorales turques et de la situation au Proche-Orient, qui sont susceptibles de modifier en profondeur la situation de ce pays.

S'agissant des limites à apporter au processus d'élargissement, il est souhaitable que l'Union ne recoupe pas les frontières culturelles de l'Europe, voire celles de l'ensemble des Etats européens, ce qui aboutirait à l'extension de son territoire jusqu'à Vladivostok. La Roumanie, la Bulgarie et les pays de l'ouest balkanique ne seront pour leur part pas abandonnés à l'issue du processus d'élargissement, mais ils ne remplissent actuellement pas les critères requis pour une adhésion rapide. Toute demande d'adhésion ne doit d'ailleurs pas donner lieu à l'ouverture systématique de négociations avec le pays concerné : il en va ainsi pour les pays d'Afrique du Nord, la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie avec lesquels il convient, le cas échéant, de trouver de nouvelles modalités de coopération.

S'agissant de la réforme de la politique agricole commune, la Commission européenne s'oppose à ce qu'elle soit liée au processus d'élargissement. La France et l'Allemagne sont d'ailleurs d'importants exportateurs nets de produits agricoles et certains pays candidats, tels la Hongrie ou la Pologne, ont sans doute plus de raisons de redouter les conséquences de l'élargissement pour leur agriculture que la France.

M. Gilbert Gantier s'est inquiété des conséquences de l'élargissement sur les industries de main-d'_uvre des pays connaissant des salaires élevés. Citant l'exemple de l'industrie automobile en France et en Allemagne, il a souligné les risques accrus de délocalisation dans ce secteur et s'est interrogé sur ses conséquences sur l'emploi.

M. Günter Verheugen a jugé qu'il convenait de distinguer les conséquences de la mondialisation de celles directement liées au processus d'élargissement. L'introduction du libre échange avec les pays susceptibles d'intégrer l'Union a déjà eu lieu et la délocalisation des chaînes de montage vers les pays à bas salaires ne constitue pas un phénomène nouveau. Les éventuelles conséquences négatives sur l'emploi sont en fait compensées par les avantages tirés de la nouvelle division internationale du travail.

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Günter Verheugen pour ses réponses claires et pragmatiques. Il a ensuite estimé que l'élargissement était confronté à deux difficultés majeures : au plan économique, la décision récente de reporter l'obligation de respecter la règle de l'équilibre budgétaire par les Etats membres de 2004 à 2006 souligne le fait qu'il sera difficile d'octroyer des aides aux nouveaux adhérents à un niveau comparable à celui mis en _uvre par le passé ; sur le plan politique, alors même que l'Europe de la défense et de la diplomatie souffre aujourd'hui d'un manque de cohérence, comme on le constate sur la question irakienne, la réforme des institutions est d'une importance décisive. L'élargissement de l'Union à dix nouveaux pays est donc compliqué par la situation économique, diplomatique et militaire actuelle, ce qui justifie une attention particulière de la Commission européenne pour éviter l'enlisement de ce processus crucial.

Approbation de l'avenant à l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail et de l'avenant à l'accord franco-algérien relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Richard Cazenave, le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord du 17 mars 1988, tel que modifié par l'avenant du 19 décembre 1991, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail (n° 188) et le projet de loi autorisant l'approbation du troisième avenant à l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et à son protocole annexe (ensemble un échange de lettres) (n° 189).

M. Richard Cazenave a indiqué que l'accord avec l'Algérie constituait un troisième avenant à l'accord du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, et que l'accord conclu avec la Tunisie était également un avenant, à l'accord du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail. Il a précisé que l'approbation de ces conventions, ainsi que de leurs premiers avenants, n'avaient pas fait à l'époque l'objet d'une autorisation parlementaire.

M. Richard Cazenave a expliqué que l'existence de ces accords sur la situation juridique des ressortissants algériens et tunisiens en France avait donc pour conséquence que la législation française en matière d'entrée et de séjour des étrangers, à savoir l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, ne s'appliquait pas entièrement à eux. En conséquence, les modifications de cette ordonnance entraînées par le vote de loi du 11 mai 1998, dite « RESEDA », ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens et tunisiens, lesquels ne peuvent donc pas bénéficier des nouveaux types de titres de séjour introduits par cette loi (portant les mentions « scientifique », « vie privée et familiale », « profession artistique », « retraité » ...).

Ainsi, les Algériens et les Tunisiens se trouvent actuellement dans une situation moins favorable que les autres étrangers en raison de l'existence de ces accords internationaux, dont la procédure d'adoption irrégulière pourrait en outre entraîner un contentieux de masse. Il est donc important de mettre fin à cette situation en approuvant rapidement ces deux avenants.

Concernant l'accord avec l'Algérie, M. Richard Cazenave a précisé qu'il rapprochait également la situation des Algériens de celle du droit commun dans un sens plus rigoureux, notamment en ce qui concerne les règles du regroupement familial. Il subsiste cependant encore dans le régime qui leur est applicable quelques spécificités.

L'accord avec la Tunisie est un peu différent car il est beaucoup plus proche du droit commun, il se réfère notamment souvent à la législation en vigueur, ce qui permettrait de faire évoluer le statut des ressortissants tunisiens en cas de modification de la loi sur l'entrée et le séjour des étrangers en France. Au contraire, les conditions d'entrée et de séjour des Algériens en France ne seraient pas modifiées par une réforme de la loi RESEDA, sauf si elle était suivie de la signature d'un nouvel avenant.

M. Richard Cazenave a conclu sur la nécessité d'approuver rapidement ces deux avenants afin de mettre fin à une inégalité de traitement au détriment des ressortissants algériens et tunisiens.

Le Président Edouard Balladur a estimé que le vote des deux projets de loi permettrait de rapprocher la situation des personnes concernées du droit commun. Il semble en effet normal que des conditions comparables s'appliquent, quelle que soit la nationalité. Certes, la situation juridique de ces accords est un peu confuse, mais l'intérêt général rend nécessaire l'approbation des avenants avec l'Algérie et la Tunisie.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les deux projets de loi (nos 188 et 189).

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La Commission a ensuite entendu M. Pierre Vimont, directeur de cabinet du Ministre des Affaires étrangères, sur les derniers développements de la crise irakienne et sur la situation en Côte d'Ivoire.

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Informations relatives à la Commission :

Ont été nommés, le mercredi 25 septembre 2002 :

- M. Alain Ferry, rapporteur pour le projet de loi n° 21 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco relatif à l'attribution et à l'utilisation par la société Télé Monte Carlo de fréquences hertziennes terrestres pour la diffusion de son programme à partir d'installations d'émission implantées en territoire français (ensemble une annexe) ;

- M. Bruno Bourg-Broc, rapporteur pour le projet de loi n° 38, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du Traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne portant délimitation de la frontière dans les zones aménagées du Rhin, et le projet de loi n° 50, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans l'exercice des missions de police de la navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin ;

- M. André Schneider, rapporteur pour le projet de loi n° 42, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil de l'Europe relatif à la protection sociale des membres du personnel employés par ladite organisation sur le territoire français ;

- M. Gilbert Gantier, rapporteur pour le projet de loi n° 43, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant n° 1 à la convention sur la sécurité sociale du 2 octobre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise ;

- Mme Martine Aurillac, rapporteure pour le projet de loi n° 44, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal ;

- M. René André, rapporteur pour le projet de loi n° 47, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense ;

- M. Gilbert Gantier, rapporteur pour le projet de loi n° 48, adopté par le Sénat, autorisant la ratification d'un accord entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à l'établissement d'une ligne de délimitation maritime entre la France et Jersey ;

- M. Louis Guédon, rapporteur pour le projet de loi n° 49, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord relatif à la pêche dans la baie de Granville entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (ensemble quatre échanges de notes) ;

- M. Gilbert Gantier, rapporteur pour le projet de loi n° 51, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie ;

- M. Michel Destot, rapporteur pour le projet de loi n° 150 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris, le projet de loi n° 151 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lituanie à Paris, et le projet de loi n° 152 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Estonie pour l'immeuble de son ancienne légation à Paris ;

- M. Philippe Cochet, rapporteur pour le projet de loi n° 185 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud relatif à la coopération dans le domaine de la défense, et le projet de loi n° 186 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République Argentine relatif à la coopération dans le domaine de la défense.

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