COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 1

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 2 octobre 2002
(Séance de 16 heures 45)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Noëlle Lenoir, Ministre déléguée aux Affaires européennes
- Information relative à la Commission


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Audition de Mme Noëlle Lenoir, Ministre déléguée aux Affaires européennes

Le Président Edouard Balladur a accueilli Mme Noëlle Lenoir, précisant qu'outre la présentation du projet de budget communautaire pour 2003, il serait souhaitable d'évoquer le processus d'élargissement et les travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe.

Mme Noëlle Lenoir a présenté tout d'abord le projet de budget communautaire pour 2003 adopté en première lecture par le Conseil de l'Union, le 22 juillet 2002. Trois caractéristiques importantes et positives se dégagent.

La première traduit une grande volonté de coopération entre les autorités budgétaires que sont le Conseil et le Parlement européen. Cette année, le Conseil est parvenu dès la première lecture, le 19 juillet, à un accord avec le Parlement européen qui permet de régler la question sensible des dépenses administratives, importante pour la préparation de l'élargissement.

La deuxième caractéristique est un bon équilibre entre le souci de rigueur et un financement satisfaisant des politiques européennes. Le projet de budget s'établit à 99,5 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit une augmentation de 0,9% par rapport au budget 2002, et à 97 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 1,4% par rapport à 2002. Le total des crédits de paiement correspond à 1,01% du PNB communautaire. Ce projet de budget s'inscrit pleinement dans le cadre des perspectives financières arrêtées par le Conseil européen de Berlin en mars 1999, la marge sous plafond s'établissant à 2,8 milliards d'euros.

Dans une période marquée par la nécessité d'un retour à l'équilibre des budgets nationaux, le Conseil a accentué l'effort de maîtrise du budget communautaire en proposant une évolution des dépenses plus modérée que celle de l'avant-projet de budget présenté par la Commission. Le Conseil a en effet jugé excessive la hausse proposée pour plusieurs lignes de crédits, qui ne tenait notamment que très peu compte de la forte sous-consommation des crédits du budget communautaire constatée en 2000 (8,3 milliards d'euros) comme en 2001 (15,4 milliards d'euros). L'accord intervenu couvre les dépenses administratives des différentes institutions, et comme l'avaient demandé plusieurs parlementaires français, la préparation des institutions à l'élargissement doit, pour l'essentiel, être effectuée par redéploiement du personnel, et non par des embauches trop nombreuses.

Les crédits affectés aux dépenses agricoles, qui s'élèvent à 44,7 milliards d'euros, permettront de financer efficacement la PAC, qui figure toujours au premier rang des dépenses communautaires (environ 45% du budget communautaire). Le budget consacré à la solidarité extérieure de l'Union a été maintenu à 4,7 milliards d'euros. Près de 81 millions d'euros supplémentaires seront débloqués par l'Union européenne pour l'Afghanistan.

Enfin, le projet de budget s'inscrit dans un contexte de meilleure utilisation des ressources non exploitées et de mobilisation des ressources face à des situations d'urgence. La programmation des fonds structurels pour la période 2000-2006 a pris du retard et les enveloppes disponibles ont été jusqu'à présent faiblement consommées. Aussi, des efforts de gestion ont-ils été entrepris par les Etats, parmi lesquels la France - avec notamment une expérimentation menée en Alsace - afin de résorber cette sous-exécution. On constate donc un effort pour progresser vers un budget plus réaliste dans les deux sens : en réduisant la progression des enveloppes sous-consommées et en augmentant le taux d'utilisation de ces crédits.

La réaction européenne à l'occasion des inondations témoigne du même souci de mobilisation des financements inutilisés. Face aux événements tragiques qu'ont connus plusieurs pays d'Europe centrale, les fonds structurels et les crédits de pré-adhésion ont été réorientés très rapidement afin de reconstruire les zones sinistrées. La France pourrait, de même, faire jouer ces mécanismes de flexibilité après les inondations survenues dans le département du Gard.

L'ampleur des inondations a en outre suscité une réflexion sur la mise en place d'un fonds européen de solidarité, avec des ressources nouvelles, dont les modalités sont actuellement débattues.

Le montant du prélèvement communautaire s'élève à 15,8 milliards d'euros, en réduction de 6,3% par rapport à la loi de finances initiale 2002. Il est cependant en hausse de 8% par rapport à la prévision d'exécution du prélèvement sur recettes pour 2002. Ces évolutions divergentes tiennent aux incertitudes sur les soldes excédentaires.

La France reste structurellement contributeur net, à un niveau compris entre - 0,5 et - 2,5 milliards d'euros, soit moins de 0,2% du PIB national. Cette contribution nette devrait, avec l'élargissement, s'accroître légèrement puisque des pays au niveau de vie inférieur au nôtre vont nous rejoindre. Néanmoins, on ne peut mesurer les conséquences de l'élargissement à la seule aune budgétaire.

Notre pays est par ailleurs le deuxième bénéficiaire de la dépense communautaire.

Mme Noëlle Lenoir a ensuite abordé la préparation de l'élargissement en précisant les principes qui fondent les positions françaises.

Tout d'abord, les échéances doivent être respectées. Le 9 octobre, des rapports de progrès pour les 13 pays candidats (y compris la Turquie) devront identifier les pays prêts à adhérer, soit vraisemblablement les 10 pays les plus avancés dans leurs négociations d'adhésion. Puis, le Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 octobre devrait adopter une position commune de l'Union sur le paquet financier, ce qui constituera la base de la négociation finale avec les pays candidats. Enfin, la conclusion des négociations au Conseil européen de Copenhague en décembre devrait permettre la ratification des accords d'adhésion en 2003 et l'entrée des nouveaux membres en 2004.

Les deux chapitres relatifs au paquet financier de l'élargissement qui restent ouverts avec l'ensemble des pays candidats portent sur l'agriculture et les dispositions budgétaires et financières. Le Gouvernement soutient la proposition de la Commission, qu'il souhaiterait éventuellement voir ajustée à la baisse sur les fonds structurels et refuse tout lien entre le processus d'élargissement et la réforme de la PAC.

Un refus par les Irlandais de la ratification du Traité de Nice à l'issue du référendum du 19 octobre prochain perturberait ce calendrier. Il pourrait en être de même en ce qui concerne l'évolution des négociations à Chypre et de l'évolution de la situation en Turquie.

Le Gouvernement a insisté, avec succès, sur le contrôle du respect des engagements souscrits par les pays candidats (monitoring), notamment dans les domaines de la sécurité sanitaire, de la lutte contre l'immigration clandestine et la criminalité transfrontière. Ce contrôle sera poursuivi après l'adhésion.

La Ministre déléguée aux Affaires européennes a enfin évoqué la Convention sur l'avenir de l'Europe, désormais engagée dans la phase d'étude des propositions, avant d'entrer dans la phase finale d'élaboration de propositions. Le Président Valéry Giscard d'Estaing s'est engagé à présenter un « canevas » de traité constitutionnel avant le Conseil européen d'octobre, lequel sera progressivement complété à partir du résultat des groupes de travail.

Les principales positions défendues par le Gouvernement français sont les suivantes :

- un véritable traité constitutionnel intégrant la Charte des droits fondamentaux ;

- la personnalisation de l'Union européenne avec un Président et un Ministre des Affaires étrangères ;

- la construction plus poussée d'un espace de sécurité, de liberté et de justice avec la création de mécanismes pour empêcher que les frontières arrêtent les policiers et les juges mais pas les criminels et l'adoption d'une politique commune en matière d'immigration ;

- enfin, des progrès sur la gouvernance économique.

En conclusion, la Ministre déléguée aux Affaires européennes a regretté que les Français soient les plus réservés parmi les citoyens des Quinze à l'égard de l'élargissement. Une stratégie de communication, notamment ciblée sur les jeunes, est actuellement élaborée avec des initiatives régionales en association étroite avec les élus locaux et la participation de personnalités européennes, notamment des pays candidats. Une campagne ambitieuse d'information sur l'élargissement devrait ainsi être lancée par le Premier ministre dans les prochaines semaines.

Rappelant que la France occupait la deuxième position en volume avec 17 % du prélèvement communautaire, M. Roland Blum a tout d'abord souhaité savoir comment évoluait la contribution des autres Etats membres depuis la réforme des ressources propres intervenue en 2002. Il a également demandé quelles étaient les causes de la sous-exécution des programmes financés par les fonds structurels.

La Ministre déléguée aux Affaires européennes a souligné le caractère irritant du « chèque britannique ». En 1984, les quatorze Etats membres ont accepté de prendre en charge deux tiers de la contribution nette du Royaume-Uni, ce qui a représenté pour la France 1,7 milliard d'euros en 2002. En outre, l'Allemagne, la Suède et les Pays-Bas ont obtenu une ristourne entraînant mécaniquement une augmentation de la participation française à cette contribution. La France demande que cette situation soit prise en considération lors des futures négociations sur la PAC, qui ne devraient pas intervenir avant 2007. Une solution est souhaitable, le Royaume-Uni n'étant pas parmi les plus déshérités des Etats membres.

A cet égard, le Président Edouard Balladur a posé la question de savoir si la décision de 1984 concernant le « chèque britannique » avait une valeur perpétuelle.

La Ministre déléguée aux Affaires européennes a précisé que l'existence du « chèque britannique » résultait d'une décision de principe du Conseil européen de Fontainebleau en 1984 qui constituait un acquis pour les Britanniques, et ne pouvait être renégocié que dans le cadre d'un accord global.

M. Hervé de Charette a approuvé la décision du Gouvernement de lancer prochainement une campagne d'explication de l'élargissement et estimé que, même si l'élargissement était acquis, il ne fallait pas se limiter au point de vue national. Ainsi la Commission des Affaires étrangères devrait s'intéresser à la perception que les autres pays ont de cet élargissement.

En matière budgétaire, l'élargissement entraînera de nouveaux besoins et de nouvelles demandes de la part de l'administration européenne. Cependant les nouveaux membres contribueront au budget communautaire et la facture à payer pourra être divisée entre vingt-cinq pays. A ce sujet, il a souhaité obtenir des informations sur la planification budgétaire établie pour les années à venir à partir de l'élargissement.

Enfin, si 10 % de l'argent prélevé au sein de l'Union européenne n'est pas utilisé et si 45 % du budget est consacré à la PAC, se pose la question de savoir si cet argent est bien utilisé.

M. René André a tout d'abord souhaité faire quelques observations concernant les fonds structurels. D'une part, les conditions sous-tendues par les projets financés par ces fonds ne sont pas toujours en parfaite adéquation avec les besoins des régions. D'autre part, jusqu'à il y a peu, la mise en place des financements était compliquée au niveau national.

S'agissant du budget de l'Union, il a souligné que le passage de quinze à vingt-cinq membres entraînerait des dépenses d'interprétariat importantes, ce qui soulève la question de l'utilisation des langues.

Il a également demandé un point de situation sur le référendum irlandais portant sur la ratification du Traité de Nice.

De même, il a souhaité obtenir l'avis de Mme Noëlle Lenoir sur la création d'un procureur européen, dont la compétence serait limitée aux fraudes intracommunautaires et aux contrôles en matière commerciale, de contrefaçon et de protection des marques.

La Ministre déléguée aux Affaires européennes a indiqué que les fonds structurels et de cohésion, deuxième poste du budget communautaire, représentant pour la France 16 milliards d'euros sur la période 2000-2006, étaient devenus difficiles à consommer en raison du changement de leur mode d'attribution, avec la mise en œuvre d'un nouveau document unique de programmation (le docup), difficile à comprendre et à utiliser. Les élus locaux qui veulent présenter des programmes de développement éligibles à ces fonds connaissent des difficultés liées à cette période de transition.

En France, la situation est complexe du fait de la multiplication des administrations compétentes pour l'attribution des fonds : DATAR au niveau national, Secrétariat général pour les Affaires régionales (SGAR) au niveau régional. La procédure d'instruction des demandes et d'attribution des fonds est actuellement centralisée mais il est possible qu'elle soit décentralisée à nouveau ; une décision doit être prise par le Gouvernement, notamment au vu des résultats de l'expérience en cours en Alsace.

Mme Noëlle Lenoir a reconnu que les Français craignaient l'élargissement qui, pourtant, devrait être apprécié dans sa globalité. Certes, sur le plan quantitatif, la France contribuera davantage ; sur les 15,8 milliards d'euros actuellement prévus pour financer la préparation de l'élargissement, la France versera 2,5 milliards d'euros dès l'an prochain.

Du point de vue économique, l'élargissement permettra un accroissement des échanges commerciaux déjà multipliés par sept ou huit depuis 1992. Les investissements français dans les dix pays candidats ont déjà considérablement augmenté. La France est devenue l'un des premiers investisseurs dans ces pays. De nombreuses entreprises françaises s'y sont implantées et y connaissent une forte progression de leur chiffre d'affaires. De leur côté, les dix pays candidats, après avoir connu pendant plusieurs années une chute de leur PNB, ont retrouvé leur niveau de production de 1989 et connaissent une croissance moyenne de 4% environ. Le libre échange est à présent effectif pour les produits industriels, ce qui est largement profitable à notre balance commerciale, et il en sera de même à terme pour les produits agricoles.

L'importance politique de l'élargissement n'est plus à démontrer. On peut ajouter que si l'Allemagne consacre 75 milliards d'euros par an depuis dix ans pour financer la réunification, l'Union ne devrait consacrer que 15 milliards à l'élargissement actuel, beaucoup mieux préparé.

La Ministre déléguée aux Affaires européennes a expliqué qu'il existait une planification budgétaire à moyen terme et une évaluation année par année. L'augmentation des effectifs de la Commission est liée à la diversification des missions de l'Union européenne et à leur extension géographique. Le Parlement européen a souhaité limiter l'augmentation des effectifs de la Commission et des redéploiements interviendront pour couvrir les nouvelles missions.

Un résultat positif au référendum irlandais du 19 octobre n'est pas acquis. L'Irlande a bénéficié d'un volume de crédits européens très important, mais redoute l'élargissement et craint, en tant que petit pays, les réformes institutionnelles qu'il implique. Si le résultat du référendum du 19 octobre était négatif, l'élargissement serait très difficile à mettre en œuvre, puisque le Traité de Nice, qui établit les systèmes de pondération de vote et de majorité qualifiée dans une Union élargie, visait justement à le préparer.

Il existe aujourd'hui onze langues officielles au sein de l'Union européenne et l'élargissement va compliquer la situation en augmentant les frais d'interprétariat. Certes, depuis l'adhésion de la Grande-Bretagne, le français n'est plus utilisé comme langue de rédaction initiale des documents communautaires que dans 30 % des cas contre 80 % auparavant, mais il demeure l'une des principales langues de travail de l'Union et il est globalement bénéficiaire du système en place. La France soutient par ailleurs avec l'Allemagne un projet de développement du multilinguisme, en exigeant notamment des fonctionnaires européens qu'ils parlent trois langues étrangères en plus de leur langue naturelle, ce qui devrait permettre le choix de la langue française.

S'agissant de la politique pénale européenne, un mandat d'arrêt européen va être prochainement mis en place par transposition d'une directive. L'institution d'un procureur européen procède de la même logique : il s'appuierait sur Eurojust, qui permet la coordination des parquets des pays membres, et devrait pouvoir diligenter des enquêtes transfrontières pour certaines infractions - crime organisé, blanchiment, terrorisme ou traite des êtres humains. Le Gouvernement souhaite ainsi améliorer l'efficacité de la lutte contre certains crimes en étendant les attributions du procureur européen au-delà du seul traitement des affaires de fraude au budget communautaire.

M. Jacques Myard a considéré que la diversité du budget européen confinait à la dispersion des moyens dans la mesure où l'on distinguait deux grandes masses, la PAC et les fonds structurels, et pour le reste un saupoudrage. Sans contester la nécessité de venir en aide aux régions sinistrées par une catastrophe naturelle, il a estimé que les fonds structurels, et plus particulièrement le fond envisagé pour financer les catastrophes naturelles, n'avaient aucune véritable justification et que les protocoles financiers seraient plus efficaces.

Concernant la création d'un procureur européen, il a fait valoir que cela aurait pour conséquence de changer l'ordonnancement juridique de la construction européenne au regard de l'article 5 du Traité de Rome, selon lequel il revient aux Etats d'appliquer les règles normatives de l'Union européenne, et que la création d'un procureur européen constituerait l'amorce d'un pouvoir fédéral. Ce procureur devrait mettre en œuvre une politique judiciaire, ce qui pose la question de l'autorité qui définirait cette politique, alors que l'on sait tout le problème que cela pose en France.

M. François Guillaume a insisté sur le problème de la sous-consommation des crédits qui a atteint 15 milliards d'euros en 2001 par rapport à un budget d'environ 100 milliards, et a jugé qu'il ne fallait pas se réjouir de cette manne restituée aux Etats, dans la mesure où ces économies se font sur les fonds structurels et l'enveloppe agricole, en particulier le FEOGA-Garantie.

Il s'est par ailleurs inquiété du transfert progressif, soit des moyens, soit des actions du FEOGA-Garantie vers le FEOGA-Orientation, se demandant s'il n'était pas le résultat d'une manœuvre de certains Etats membres pour apparenter le FEOGA-Orientation à un fonds structurel. En effet, certains Etats souhaiteraient que certaines dépenses agricoles soient portées dans la catégorie des dépenses non obligatoires.

Enfin, il a souligné qu'il n'était pas dans l'intérêt de l'Union européenne de suivre certains Etats membres, où l'agriculture ne tient pas une place importante, qui recommandent de passer d'une agriculture productive à une agriculture plus environnementale. L'agriculture européenne est totalement intégrée depuis longtemps et le chapitre agricole doit s'adresser à toutes les agricultures de l'Union sans faire le bilan de qui reçoit et qui paie.

Mme Noëlle Lenoir a indiqué que le fonds de solidarité communautaire devait être abondé à hauteur de 500 millions d'euros pour la présente année et à hauteur d'un milliard pour les exercices suivants. Si ce fonds devait être pérennisé, le Gouvernement français a fait valoir au Conseil Affaires générales que les sommes versées ne devaient pas être gelées inutilement et que leur versement devait être conditionné par la mise en œuvre d'actions préventives et de systèmes d'assurance par les pays concernés.

Abordant la question des fonds structurels, elle a estimé qu'ils assuraient la cohésion économique et sociale entre les pays de l'Union et qu'ils constituaient un gage d'intégration pour les nouveaux Etats membres.

Revenant sur la question du procureur européen, elle a considéré qu'il ne s'agissait pas de créer une institution fédérale, mais de tirer les conséquences du principe de la libre circulation au sein de l'espace Schengen, alors même que les enquêteurs des différents pays continuent à agir dans un cadre territorial limité.

Concernant la politique agricole commune, la France a soutenu l'idée selon laquelle l'agriculture était une activité économique compétitive constituant un atout à l'exportation pour l'Europe. Conformément aux engagements pris au Conseil européen de Berlin en 1999, aucun changement des principes de la politique agricole commune ne doit avoir lieu avant la fin de l'année 2006, même si des discussions peuvent s'engager avant. A cet égard, si la protection de l'environnement constitue un objectif nouveau dont il faut tenir compte, elle ne saurait justifier une remise en cause de l'importance de la politique agricole commune au sein de l'Union européenne.

Préférant parler d'unification ou de réunification de l'Europe plutôt que d'élargissement, M. François Loncle a rappelé que l'état de l'opinion publique française était connu dans les dix pays candidats à l'élargissement, contribuant ainsi à donner une mauvaise image de notre pays. Une campagne en la matière s'avère donc nécessaire et le Parlement devrait mener ce type de projet ou du moins y être associé. Les Français souhaitent en effet savoir où sont les limites géographiques et politiques de l'Union et si les pays candidats à l'adhésion seront associés ou intégrés. Concernant l'adhésion de Chypre par exemple, on ignore toujours quelle sera l'implication de la Turquie.

M. Jean Glavany a relevé que l'élargissement était bien réglé dans le principe mais pas dans ses modalités, la reprise de l'acquis communautaire étant très variable d'un pays candidat à l'autre. La question se pose donc de savoir si le moment venu, l'Union acceptera que rentrent simultanément des pays qui sont prêts et des pays qui ne le sont pas. Ainsi, pourra-t-on résister aux pressions qui s'exerceront pour l'adhésion de la Pologne ?

S'agissant de la réforme de la PAC, il s'est dit perplexe, voire réservé, devant l'attitude de blocage du Président de la République devant toute discussion avant 2007, qui n'est que la date butoir du cadre budgétaire et financier, ce qui n'empêche nullement la Commission européenne de faire évoluer la PAC politiquement au sein de ce cadre. En adoptant une attitude de blocage sur l'agriculture, la France se met en difficulté sur tout le reste vis-à-vis de ses partenaires, et notamment de l'Allemagne dont ont peut dire que la revendication à être traitée de façon équitable est loin d'être irrecevable. Vis-à-vis des pays de l'Europe de l'Est, il faut leur expliquer comment les aides vont évoluer, tout comme vis-à-vis de l'OMC d'ailleurs.

Mme Noëlle Lenoir a indiqué que les Français étaient souvent considérés dans les pays candidats comme plutôt hostiles à l'élargissement. Il est certain qu'il sera indispensable de mener une campagne d'information ambitieuse, en mobilisant les élus locaux, en organisant des événements avec des personnalités de tous les domaines (culturel, sportif...). Il faudra aller au-delà d'une campagne uniquement institutionnelle. La Ministre déléguée aux Affaires européennes a précisé qu'elle avait rencontré récemment sur ce sujet les différentes associations d'élus locaux.

Sur Chypre, l'espoir demeure de trouver une solution politique avant la fin de l'année. Il faut d'ailleurs noter que tous les autres pays candidats qui avaient des contentieux historiques anciens (la République Tchèque avec l'Allemagne, la Slovénie avec l'Autriche) les ont réglés. De plus, la question de Chypre pose celle de la Turquie, qui a pris un relief particulier suite aux attentats du 11 septembre. En effet, l'adhésion de la Turquie est alors devenue un enjeu stratégique qui intéresse au-delà des frontières de l'Europe. En votant en août dernier une loi qui abolit la peine de mort, reconnaît la liberté d'expression et les droits des minorités, la Turquie a montré sa bonne volonté. La difficulté tient dans le fait que les Turcs souhaiteraient que les Quinze leur donnent à Copenhague une date pour l'ouverture des négociations. En tout état de cause, il faut attendre le rapport de progrès de la Commission, le 9 octobre, et les résultats des élections qui auront lieu le 3 novembre prochain.

Mme Noëlle Lenoir a estimé qu'en principe les dix candidatures envisagées seront acceptées, même si certains ont plus de mal que d'autres à mettre en œuvre l'ensemble de l'acquis communautaire. Ainsi, la Pologne, qui avait pris un très bon départ, connaît quelques difficultés. Mais il semble peu envisageable de ne pas accepter l'adhésion de la Pologne et de ses 40 millions d'habitants. Aussi faudra t-il accompagner les pays qui connaissent des difficultés : dans le domaine de la sécurité alimentaire par exemple, la France a demandé à ce qu'un système de suivi très poussé soit mis en œuvre afin de surveiller les abattoirs polonais, qui ne sont pas encore tous aux normes européennes. De toute façon, cela serait une erreur de croire que l'adhésion constituera une rupture, il s'agit au contraire d'une évolution qui se fait progressivement depuis plusieurs années déjà.

En ce qui concerne la politique agricole commune, il n'y a pas de blocage de la part de la France contre des discussions. Il nous semble cependant prématuré d'engager des négociations globales sur ce sujet. Tout d'abord, une éventuelle réforme devrait prendre en compte la question du « chèque britannique ». Ensuite, il est inopportun de mélanger les débats : une éventuelle discussion sur la réforme de la PAC pourrait ainsi avoir des conséquences catastrophiques sur l'opinion française vis-à-vis de l'élargissement, sur le modèle du télescopage en 1992 de la réforme de la PAC et du référendum sur le Traité de Maastricht. Enfin, cette réforme semble moins urgente alors que les Etats-Unis ont encore augmenté leurs aides directes agricoles, qui dépassent dorénavant de 30 à 60 % par exploitation celles accordées aux agriculteurs européens.

M. Jean-Paul Bacquet a demandé si la sous-consommation des fonds structurels était une spécificité française et cité l'exemple de sa région, l'Auvergne, où les élus locaux sont confrontés au summum de la technocratie européenne lorsqu'il tentent de monter des projets cohérents et intéressant l'Europe, où les aides du SGAR ne sont pas à la hauteur et où les fonds européens arrivent souvent alors que les autres aides cumulées (départementales et régionales) sont caduques.

Par ailleurs, il a souhaité savoir si les négociations sur Kaliningrad aboutiraient avant l'élargissement.

M. André Schneider a demandé si, dans la première partie du projet de loi de finances pour 2003, relative au prélèvement communautaire, une ligne était consacrée au soutien du rôle européen de Strasbourg. Il a fait observer que la première tranche du projet de TGV ne desservait même pas Strasbourg, s'arrêtant à Baudricourt, ce qui continue à défavoriser la liaison avec cette capitale régionale.

M. Paul Quilès a fait savoir qu'en tant qu'élu local il attendait depuis un an et demi le versement d'un financement dans le cadre des fonds structurels, et ce malgré le soutien des autorités tant au niveau national qu'européen. En attendant, les banques s'enrichissent à hauteur de 50 000 euros par mois au détriment de sa collectivité locale. Ces retards de paiement sont scandaleux et destructeurs du travail des élus.

Mme Noëlle Lenoir a considéré qu'il s'agissait là d'un cas exemplaire, illustratif d'une situation apte à décourager les esprits les plus européens. Pourtant, dans certains pays comme l'Espagne, les procédures semblent plus efficaces et les fonds davantage consommés.

La Ministre déléguée aux Affaires européennes s'est dite scandalisée de la nouvelle campagne actuellement menée contre Strasbourg comme siège du Parlement européen, puis probablement ensuite de la Cour européenne des droits de l'Homme que Luxembourg souhaiterait accueillir. Afin d'affirmer la vocation européenne de Strasbourg, Mme Noëlle Lenoir a rencontré les élus de la ville et déclaré qu'il fallait se donner les moyens de ses ambitions, notamment en liaison avec le secrétaire d'Etat aux transports, M. Dominique Bussereau. En effet, il faut reconnaître que le TGV-Est et l'amélioration de la desserte entre Strasbourg et Bruxelles ne sont pas des investissements économiquement rentables, mais qu'ils relèvent d'un choix politique. Mme Noëlle Lenoir a donc souhaité pouvoir compter sur le soutien constant de la Commission des Affaires étrangères dans la défense de cette cause.

Le problème de la sous-consommation des fonds structurels est un mal européen puisqu'ils constituent les deux tiers des dépenses non consommées. Mais, il est vrai que la situation est particulièrement mauvaise en France, problème qu'il faut lier à la problématique plus générale de la réforme de l'Etat.

Le Président de la République a insisté sur la nécessité de trouver un accord qui satisfasse la Russie sur la question de Kaliningrad, ce pays étant un partenaire très important de l'Union européenne. Un accord entre les Quinze a été obtenu au Conseil Affaires générales du 30 septembre qui essaye de concilier les différents impératifs : les habitants de Kaliningrad pourraient disposer d'un document de transit simplifié - une sorte de « pass » - au lieu d'un visa, afin de se rendre dans le reste de la Russie. De plus, une liaison ferroviaire à grande vitesse à travers la Lituanie pourrait être mise à l'étude.

Le Président Edouard Balladur a indiqué qu'ayant eu des conversations au sujet de Kaliningrad lors de la mission qu'il a conduite en Russie, il lui a semblé que les difficultés s'aplanissaient progressivement, et qu'il restait à résoudre le problème de la circulation du train reliant Kaliningrad à la Russie à une vitesse suffisante pour dissuader les tentatives de franchissement illégal de la frontière.

Il a estimé qu'une partie du problème concernant le siège du Parlement européen tenait au fait que beaucoup de réunions avaient lieu à Bruxelles, ce qui suppose de transporter des fonctionnaires, des interprètes et d'innombrables documents. Une solution consisterait à demander que toutes les réunions aient lieu à Strasbourg. Il a rappelé qu'en 1994, au moment de choisir le siège de la Banque centrale européenne, un accord implicite avait été conclu avec l'Allemagne qui acceptait que le Parlement siège à Strasbourg si la France acceptait Francfort pour la BCE.

Il a considéré que l'élargissement était inéluctable et ne pouvait se faire sans la Pologne. Il convient d'être réaliste : si l'on veut appliquer les mêmes règles et faire bénéficier des mêmes aides tous les pays, anciens ou nouveaux membres, il faudra augmenter les contributions des Etats, ce à quoi la situation budgétaire ne se prête guère. Si l'on ne le souhaite pas, alors la réforme des principales politiques communautaire s'imposera.

En conclusion, il a estimé qu'au moment où le calendrier se bouscule - l'élargissement est concomitant de la réforme des institutions, et celle-ci s'effectuera dans une Union élargie -, il convient de faire preuve du plus grand réalisme dans une situation extrêmement difficile.

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Information relative à la Commission

Le mercredi 2 octobre 2002, M. Pierre Lellouche a été nommé rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.

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