COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 5

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 octobre 2002
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères, et de M. Renaud Muselier, Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2003 et sur la situation internationale




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Audition de M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères, et de M. Renaud Muselier, Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2003

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Dominique de Villepin, Ministre des Affaires étrangères, et M. Renaud Muselier, Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, de leur présence devant la Commission des Affaires étrangères pour présenter le budget de leur département et répondre aux questions sur la situation internationale.

Le Ministre des Affaires étrangères a remercié les parlementaires pour leur soutien dans une conjoncture difficile et dangereuse. Le Gouvernement a besoin de ce dialogue et le poursuivra. La France doit être unie face à la crise mondiale. Elle est l'une des cibles du terrorisme international et il est important de faire preuve d'une forte détermination pour aider les Français de l'étranger à surmonter ces épreuves.

Il a d'abord rappelé ses ambitions pour le ministère des Affaires étrangères, qui doit être l'instance de coordination, d'impulsion et de synthèse de l'action extérieure de la France, et ce, pour trois raisons.

Premièrement, l'action extérieure de la France s'inscrit dans un monde complexe, dangereux et instable, qui doit, d'une part, répondre, politiquement et globalement, aux défis de l'après 11 septembre, et, d'autre part, faire face, dans l'urgence, à des problèmes complexes, en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique... Face à ces impératifs, la capacité de synthèse, la vision globale des différents champs de l'action internationale résident au ministère des Affaires étrangères.

Deuxièmement, la France a une responsabilité particulière, car son influence va au-delà de son statut de moyenne puissance ; elle est une alternative attendue aux visions manichéennes ; on le constate à chaque déplacement. Cependant ce message ne peut être conçu par une mosaïque de services de l'Etat à l'étranger ; il doit être cohérent. La dispersion n'est pas le fait du ministère des Affaires étrangères car, dans la plupart des pays, ses effectifs sont inférieurs à ceux des autres administrations. La complexité des enjeux et la globalité de la réponse impliquent une unité de conception, d'animation et d'évaluation qui doit s'incarner localement par les chefs de mission diplomatique et, au plan national, par le ministère des Affaires étrangères. Cette unité passe à l'étranger par l'autorité renforcée des ambassadeurs, dans le respect des attributions que les services tiennent de la loi.

Troisièmement, pour que le ministère des Affaires étrangères soit l'instance de coordination, d'impulsion et de synthèse de l'action extérieure de la France, il doit être pilote dans la réforme de l'Etat comme s'y est engagé le Gouvernement. L'optimum budgétaire implique d'ailleurs la nécessaire cohérence des services publics à l'étranger pour répondre à un impératif de modernisation et d'efficacité.

Quatrièmement, il faut que les Français de l'étranger disposent de représentations sécurisées, réactives et informées, l'impératif de sécurité étant prépondérant.

Le Ministre a ensuite indiqué le contenu de la lettre de mission du Premier ministre du 11 septembre dernier, qui assigne trois orientations : la réforme du droit d'asile, la réorganisation de la représentation de l'Etat à l'étranger et la mise en place d'une chaîne d'information télévisée en continu. Ce sont trois volets d'une même politique : modernité, cohérence et universalité du message politique de la France.

Abordant la réforme de l'action extérieure, annoncée lors de la conférence des ambassadeurs, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué qu'elle comprendrait cinq aspects.

Le premier définit l'action extérieure de l'Etat, impliquant, dès la mise en œuvre de la loi organique sur les lois de finances du 1er août 2001, d'exploiter cette opportunité donnée par le Parlement.

Le deuxième chantier concerne le réseau extérieur des administrations publiques dont la cohérence et l'efficacité doivent être renforcées, pour le réseau diplomatique et consulaire comme pour tous les autres services de l'Etat, car le ministère des Affaires étrangères compte 268 ambassades, représentations et consulats, et les autres services de l'Etat 438 implantations.

Au-delà de la carte des réseaux, l'externalisation, le regroupement des attributions, ou le rapprochement des fonctions devront être favorisés.

En outre, il convient de déconcentrer et de globaliser les crédits, d'améliorer les chaînes de contrôle, de mieux gérer les ressources humaines : mobilité, formation, filières de métiers. Rappelant les progrès déjà accomplis, le Ministre des Affaires étrangères a estimé qu'il convenait de les poursuivre. Un agenda resserré pour la réforme doit entrer en vigueur pour l'été 2003.

Ce programme repose sur deux principes : efficacité dans la concertation et réalisme, car le budget 2003 est un budget de transition, puisque, dans une conjoncture difficile, le Gouvernement s'efforce d'honorer ses engagements vis-à-vis des Français comme de nombreux pays en voie de développement. Or, l'héritage laissé comptait de nombreuses dotations budgétaires sous-évaluées et régulièrement réabondées en collectifs budgétaires : la vérité des crédits - à rétablir - a un coût que l'on paie aujourd'hui.

Aussi a-t-il a été convenu que le ministère des Affaires étrangères accentuerait son effort de modernisation lors de la prochaine négociation budgétaire.

Puis, le Ministre des Affaires étrangères a présenté les grandes lignes du budget du ministère des Affaires étrangères pour 2003, marqué par la sincérité, la cohérence, le redressement de l'aide publique au développement, les responsabilités de la France à l'étranger et la sécurité des Français à l'étranger.

Il a exposé que le projet de budget s'élevait à 4,11 milliards d'euros (+ 484 millions d'euros par rapport à la LFI 2002, soit + 13,4%) et qu'il passait ainsi de 1,5% du budget de l'Etat contre 1,3% en 2002. Le Ministre des Affaires étrangères a souligné la première caractéristique de ce budget : la sincérité. Le souci de sincérité budgétaire explique la remise à niveau des dotations provisionnelles. Cette opération « vérité des crédits », réclamée depuis longtemps par la représentation nationale et la Cour des comptes, représente un effort substantiel : l'augmentation de 13,4% du budget se répartit entre 7,8% pour la « vérité » des crédits et 5,6% pour les mesures nouvelles. Les crédits FED augmentent de 277,5 millions d'euros ; les rémunérations et charges sociales et les contributions obligatoires françaises sont garanties.

La sincérité des crédits passe par l'ajustement des crédits d'autres missions essentielles, tels l'Office de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA + 25%) et l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE + 8%).

Le Ministre des Affaires étrangères a souhaité que la vérité des crédits se traduise par l'absence de régulation ou de gel l'an prochain. Il a déploré que le gel des crédits en 2002 ait atteint une ampleur inégalée (150 millions d'euros) impliquant le blocage des actions françaises de coopération, de l'aide sociale aux Français en difficulté, de l'amélioration de la condition des personnels de recrutement local, etc. Si le ministère délégué au Budget ne donne pas satisfaction aux demandes de dégel, la plupart des dossiers seront sinistrés.

Soulignant la nécessité de mieux coordonner l'action extérieure de l'Etat, pour assurer notamment une gestion plus rationnelle des crédits qui lui sont affectés, le Ministre des Affaires étrangères a regretté que les crédits du Fonds mondial sida - tuberculose - paludisme soient imputés au budget du ministère de l'Economie et des Finances, qu'une partie de ceux de l'aide alimentaire dépendent de ceux du ministère de l'Agriculture et que ceux des contributions obligatoires aux institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et FMI) soient gérés, presque unilatéralement, par le ministère de l'Economie et des Finances.

La plus grande cohérence de l'action extérieure était la deuxième caractéristique du budget. Il faut amplifier l'effort de modernisation déjà entrepris et mobiliser le réseau à l'étranger et l'administration centrale. Le ministère des Affaires étrangères a fortement contribué à la réduction des effectifs publics : près de 1 000 emplois ont été restitués depuis dix ans, dont 400 entre 1996 et 2002. Le système d'information a progressé, grâce à l'Intranet du ministère. Un nouveau système intégré et sécurisé de délivrance des visas est lancé... Ces efforts sont des gages de productivité accrue, de sécurité renforcée, de rapidité dans l'action. Il faut étendre cette dynamique à toute la gestion.

M. Dominique de Villepin a ensuite évoqué la troisième caractéristique du budget : le redressement de l'aide publique au développement, qui a chuté de 0,57% du PIB en 1994 à 0,32% en 2000. L'engagement du Président de la République devra être tenu et l'APD majorée de 50% en cinq ans pour parvenir à 0,7% du PIB en dix ans. Avec le Projet de loi de finances de 2003, elle devrait atteindre 0,39% du PIB.

Il a rappelé que l'augmentation de la contribution au FED en 2003 (+ 277 millions d'euros) correspondait aux engagements pris à l'égard des Etats ACP aux accords de Cotonou. Cependant, la FED mobilise une part importante de l'effort en matière d'APD et les critiques justifiées sur la lenteur des décaissements du FED ont été entendues : une réforme d'envergure est engagée par la Commission.

La DGCID assurera un suivi plus attentif des projets et des engagements du FED. La montée en puissance des contrats désendettement-développement dans le cadre de l'initiative pays pauvres très endettés (PPTE) (91 millions d'euros), et surtout la forte augmentation des autorisations de programme (AP) du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) et de l'Agence Française de développement (AFD) (+ 25%, soit 190 millions d'euros pour chacun des deux chapitres), traduit l'effort de relance de l'aide bilatérale.

Sur les crédits du titre IV, des mesures nouvelles significatives sont proposées au titre de l'aide alimentaire, de l'aide budgétaire et des dons à l'ajustement structurel. L'Afrique subsaharienne et les PMA devraient représenter plus de 50% de l'enveloppe de la programmation 2003.

Soulignant la nécessité de redonner à la France les moyens de tenir son rang et son rôle, notamment à l'égard du système des Nations unies et de la promotion de la diversité culturelle, le Ministre des Affaires étrangères a indiqué que celle-ci, membre permanent du Conseil de sécurité, devait retrouver son rang dans les organisations internationales, mais que cela avait un coût, d'où l'importance des contributions obligatoires, portées à 678 millions d'euros (+ 10% par rapport à la LFI 2002). Un effort supplémentaire devra être ultérieurement consenti en faveur des contributions volontaires - contraintes par la conjoncture budgétaire au maintien de la dotation au niveau 2002 (86 millions d'euros).

Le Ministre des Affaires étrangères a considéré que, dans un monde parfois insuffisamment tolérant à l'égard des autres cultures, la responsabilité particulière de la France passait par son action culturelle et linguistique. Le réseau diversifié de plus de 1 000 Alliances françaises, 151 instituts ou centres culturels et 27 instituts de recherche, constitue à cet égard un des avantages comparatifs. En outre, le Président de la République annoncera au sommet de Beyrouth un soutien accru au Fonds multilatéral unique de la Francophonie, déjà doté à hauteur de 37 millions d'euros.

La responsabilité particulière de la France lui impose de faire mieux connaître sa position sur les grandes questions internationales et la diversité culturelle ; ses propositions doivent être mieux connues et il convient d'aller au-delà de l'action menée par les opérateurs audiovisuels traditionnels (RFI, TV5, CFI). Une chaîne d'information continue en français et en arabe, destinée prioritairement aux pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, sera lancée en début d'année prochaine.

Le Ministre des Affaires étrangères a enfin estimé que, dans un monde plus dangereux, l'action en faveur des Français de l'étranger était une priorité. Le réseau d'enseignement français à l'étranger, outil d'influence incomparable (l'AEFE représente plus de 158 000 élèves scolarisés, dont 68 000 de nationalité française, avec un nombre croissant d'enfants français, + 1 000 par an en moyenne) devrait être préservé. Les écoles françaises à l'étranger jouent un rôle essentiel pour la scolarisation des enfants à l'étranger, mais aussi pour la formation des élites locales. C'est le cas du lycée de Kaboul ou de celui d'Alger, rouverts en 2002.

A cet égard, M. Dominique de Villepin a indiqué que les crédits de l'AEFE (338 millions d'euros) augmentaient de 7,7% par rapport à 2002, mais que les besoins excédaient le montant de ces mesures nouvelles ; il s'est dit préoccupé par la fragilité découlant d'un fonds de roulement limité à 6 jours.

Il a estimé nécessaire de renforcer les dispositifs de sécurité des Français à l'étranger, par le recrutement de gendarmes et de gardes de sécurité, l'aménagement des accès, l'acquisition de matériel de sécurité (masques à gaz, radios, vivres). Ces actions de prévention devraient augmenter de 32% par rapport à 2002.

Selon lui, il convient de rester solidaire à l'égard des Français de l'étranger, d'assurer le rapatriement et l'accueil des Français atteints dans leur vie, d'accroître l'effort en faveur des plus démunis, pour leur réinsertion sociale. Les crédits d'assistance aux Français de l'étranger devraient s'élever à 24 millions d'euros, en progression de 4,3%.

Le Ministre des Affaires étrangères a enfin souligné que le Quai d'Orsay apportait sa contribution à la maîtrise des flux migratoires. Une réforme ambitieuse du droit d'asile sera soumise prochainement à l'approbation du Parlement, afin d'améliorer la condition des demandeurs d'asile, d'assurer la reconduite effective à la frontière des personnes déboutées, et de résorber le stock des dossiers de demandes (près de 60 000). La dotation destinée à l'OFPRA devrait augmenter de 7,7%.

Il s'est montré préoccupé par la situation du réseau consulaire en raison de l'augmentation de la pression des demandes de visas, avec la charge supplémentaire du paiement a priori des dossiers à partir du 1er janvier 2003. Même si la rationalisation de l'activité de délivrance des visas a été engagée, elle n'aura d'effets qu'à moyen terme. Aussi, la question du renforcement des moyens budgétaires alloués à ce volet précurseur de la lutte contre l'immigration devra être étudiée rapidement.

En conclusion, M. Dominique de Villepin a estimé que le projet de loi de finances initiale pour 2003 représentait un budget des Affaires étrangères tourné vers l'avenir.

Même si des interrogations pouvaient notamment subsister sur le redéploiement du dispositif d'enseignement français à l'étranger, l'aptitude des consulats à endiguer le flot de demandes de visas, le niveau des contributions volontaires aux organisations internationales, l'essentiel des marges budgétaires disponibles avait été alloué à des actions essentielles, comme l'aide au développement, la sécurité, l'immigration, la modernisation, préservant ainsi les métiers essentiels de la diplomatie.

M. Roland Blum a salué l'ambition réaffirmée par le Ministre des Affaires étrangères de rationaliser l'organisation de la représentation française à l'étranger dont le défaut majeur est l'éparpillement géographique dans une même ville de la chancellerie et des missions économique, culturelle et militaire. Cette ambition, pour avoir été commune à tous les prédécesseurs au ministère des Affaires étrangères et peu couronnée de succès, dispose-t-elle enfin des moyens nécessaires à sa concrétisation ?

En outre, est-il prévu de renforcer la présence audiovisuelle française à l'étranger, dont le seul vecteur demeure TV5, qui, de plus, n'émet pas partout ?

M. Richard Cazenave a souligné la nécessité de reconsidérer à la hausse les contributions volontaires de la France aux organisations internationales inscrites au budget du ministère des Affaires étrangères. A cet égard, il a demandé s'il existait une stratégie sur la méthodologie et comment la Commission des Affaires étrangères pouvait y être associée.

Par ailleurs, ayant eu l'occasion de visiter un certain nombre de consulats français à l'étranger, il s'est interrogé sur les convergences possibles avec les différents partenaires européens dans l'espace Schengen.

M. Pierre Lequiller a soulevé la question de la chaîne d'information en continu, de son fonctionnement et des zones où elle sera captée.

S'agissant de la nécessité de réfléchir à un redéploiement des établissements scolaires à l'étranger, il a remercié le Ministre des Affaires étrangères de bien vouloir faire le point en la matière. Il s'est en outre demandé si une mise en commun des efforts en investissements et en fonctionnement des établissements scolaires des différents pays européens ne permettrait pas de conjuguer la nécessité d'augmenter notre réseau à l'étranger, de mettre en synergie nos crédits et de créer des établissements européens.

M. Jacques Myard a regretté la chute des crédits du ministère des Affaires étrangères ces dix dernières années, qui a notamment touché durement les effectifs. A cet égard, il a demandé au Ministre des Affaires étrangères de bien vouloir détailler les mesures inscrites au projet 2003 en la matière.

Critiquant la pensée unique appliquée à notre carte diplomatique, il a estimé que plus la coopération européenne se faisait forte, plus la France devait marquer sa présence à l'étranger, par le rayonnement de sa langue et le développement de ses intérêts économiques, philosophiques et politiques.

Enfin, il a regretté la vente du château d'Ehrnich à Bonn pour financer l'ambassade de Berlin.

Mme Martine Aurillac a souhaité savoir dans quelles conditions se présentait le sommet de la Francophonie à Beyrouth et quelles étaient les perspectives de l'élection du nouveau Secrétaire général de la Francophonie.

M. Guy Lengagne a regretté l'état de délabrement de certains centres culturels français à l'étranger. A cet égard, il a souligné qu'il avait visité il y a quelques années à Aden la maison d'Arthur Rimbaud qui avait été rachetée par la France pour en faire un centre culturel, qui, mis en location, était devenu « Rambo Hôtel ». Il a ainsi déploré la baisse significative des crédits affectés à ces centres dans le projet de budget pour 2003.

M. Dominique de Villepin a considéré que les doutes sur la crédibilité d'une réforme souvent annoncée de l'action extérieure de l'Etat étaient compréhensibles. Mais la conjoncture actuelle est favorable. Tout d'abord, tous les responsables publics sont conscients de la nécessité, dans un monde instable, de développer une véritable synergie d'ensemble, dans le cadre de moyens constants et de renforcer l'efficacité de notre action extérieure.

Cet impératif est particulièrement évident au sein de l'Union européenne, où les structures de notre réseau diplomatique ont peu évolué depuis le début du siècle dernier. Il conviendra de tirer toutes les conséquences de la construction européenne dans la rationalisation de notre réseau diplomatique et consulaire et se demander par exemple s'il ne faudra pas réduire nos effectifs dans les pays de la nouvelle Europe. De même peut-on s'interroger sur la carte consulaire, à l'intérieur de l'Union européenne, car il doit être possible de faire des regroupements sans réduire la qualité du service.

M. Dominique de Villepin a insisté sur la nécessité de la coordination pour être à même de faire des choix politiques et d'exercer une capacité de décision.

Sur l'audiovisuel extérieur, beaucoup a déjà été fait pour réformer TV5 qui a été modernisée et dont les programmes ont été repensés, donnant une plus grande part à l'information. Mais, il ne faut pas oublier que TV5 a un statut particulier, il s'agit d'une institution multilatérale, francophone. Le projet de chaîne d'information en continu est encore dans les limbes. Alors que ce secteur est déjà assez hétéroclite, il faudra veiller à ce que cette nouvelle chaîne ne se superpose à l'existant. Une démarche progressive semble la plus utile : d'abord diffuser cette chaîne en français et en arabe dans des zones où il y a un manque et où l'investissement sera immédiatement valorisé, comme l'Afrique du Nord, pour éventuellement ensuite élargir ses ambitions.

En ce qui concerne l'ensemble des contributions aux organisations internationales, une mission conjointe a été confiée à l'Inspection générale des Finances et à celle des Affaires étrangères pour détailler et analyser l'allocation la plus efficace des moyens qui leur sont consacrés. Pour 2003, la dotation des contributions volontaires inscrite au budget des Affaires étrangères a été reconduite, faisant de la France seulement le douzième contributeur alors qu'elle est le quatrième pour les dotations obligatoires, ce qui n'est pas sans conséquence pour notre influence au sein de ces enceintes.

M. Dominique de Villepin a estimé que les projets de lycées à l'étranger commun à plusieurs pays européens ne pouvaient réussir que ponctuellement du fait des besoins divergents de ces pays, de leurs pédagogies différentes et de la difficulté de travailler dans une structure commune. Cela est cependant envisageable dans des cas particuliers (pays en crise, faible présence d'étrangers...).

En ce qui concerne les personnels du ministère, leur diminution nette recouvre des redéploiements. Plusieurs postes ont ainsi été créés dans les secteurs stratégiques de la sécurité et de la modernisation. Plus globalement, le ministère ne remplace pas systématiquement les départs en retraite.

M. Dominique de Villepin a indiqué que le ministère des affaires étrangères avait cherché un opérateur susceptible de gérer un éventuel centre culturel installé dans le château d'Ehrnich, mais sans succès.

S'agissant du Sommet de Beyrouth, à l'occasion duquel doit être désigné le futur Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie, un accord semble se dessiner autour du nom de l'ancien Président sénégalais Abdou Diouf.

En ce qui concerne le budget des centres culturels, la dotation a été maintenue, la baisse constatée traduisant un changement de nomenclature budgétaire.

Enfin, M. Dominique de Villepin a précisé que le « Rambo hôtel » n'était pas en réalité l'ancienne demeure d'Arthur Rimbaud, ce qui pouvait atténuer les regrets liés à l'absence de notre centre culturel à Aden.

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S'agissant de la situation de l'Irak, le Président Edouard Balladur a demandé si l'on pouvait espérer une solution dans les jours à venir qui permettrait un rapprochement des points de vue français et américain. Faisant référence à un article, paru la veille dans la presse française, du Ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, il s'est demandé si l'on ne pouvait pas y voir une tentative d'exercer une pression morale sur la France pour qu'elle ne joue pas les trouble-fête.

En matière de terrorisme, le Président Edouard Balladur a souhaité connaître les moyens disponibles pour arriver à un meilleur contrôle de la situation.

Enfin, concernant la Côte d'Ivoire, il s'est interrogé sur les reproches contradictoires faits à la France qui soit intervient trop, soit n'intervient pas assez.

Le Ministre des Affaires étrangères a indiqué que les consultations sur l'Irak se poursuivaient à New York, où le débat au Conseil de sécurité s'est ouvert aujourd'hui. Un grand nombre de pays soutiennent d'ailleurs la France, qui maintient une position ferme sur l'approche en deux étapes et l'importance de l'unité de la communauté internationale, laquelle conditionne la légitimité des prises de positions et des actions qui devront éventuellement être décidées ultérieurement. Nos positions sont proches de celles de la Russie, et nous gardons un contact étroit avec la Chine. Selon nous, l'efficacité de l'action à l'égard de l'Irak n'inclut pas seulement le règlement militaire, mais la préservation de l'unité du pays et cela pose la question du type d'administration qui pourrait être capable de préserver cette unité. De façon générale, la France est attentive à l'unité de la communauté internationale et à la préservation des liens avec les autres pays arabes.

Le monde est à nouveau confronté à la menace du terrorisme, à une échelle beaucoup plus grande, qui implique la mobilisation générale tant sur le plan national qu'international. Après l'attentat perpétré en Indonésie, le Ministère a d'abord mis l'ensemble des moyens possibles à la disposition des ressortissants français, afin d'assurer leur sécurité. Il convient sur un plan général d'identifier la menace terroriste : il n'existe pas de preuve de la participation de l'Irak aux derniers attentats terroristes ou de liens entre l'Irak et Al Qaïda. Nous ne lions pas terrorisme et prolifération, contrairement à d'autres pays qui considèrent que ce lien existe.

Pour combattre cette menace, il faut multiplier les efforts de coordination, ce qui a été fait au niveau de l'Union européenne sous la forme de différentes initiatives, et ce qui est fait aussi au niveau des Nations unies et du G 8. Ce dernier a mis en place un programme à caractère technique « 10+10 » qui organise le recyclage des stocks d'armes détenus par des Etats, comme la Russie par exemple, qui ne peuvent plus les gérer.

Il faut enfin agir sur les racines politiques et économiques dont se nourrit le terrorisme : il importe de proposer une grande capacité d'action dans la recherche de règlement dans les crises régionales comme celle du Proche-Orient. Enfin, il faut agir avec efficacité contre le crime organisé, le trafic de drogue et d'armes, qui ne sont pas sans lien, souvent, avec les organisations terroristes. La France est à ce titre à l'origine d'une initiative qui se déroulera en 2003, et dont l'objectif est de casser les circuits de la drogue, considérant que 80% de la drogue disponible en Europe vient d'Afghanistan.

M. Dominique de Villepin a ensuite confirmé que la situation en Côte d'Ivoire restait préoccupante. La mobilisation de la médiation africaine est un élément très positif. La France encourage actuellement toutes les parties à accepter le cessez-le-feu qui pourrait intervenir. Ensuite, le dialogue sera nécessaire pour régler des problèmes pendants depuis longtemps et conforter la réconciliation.

M. Didier Julia a souhaité que la différence soit bien affirmée entre lutte contre le terrorisme et lutte contre la prolifération, considérant que les Etats-Unis se servaient de l'émotion liée au terrorisme pour la projeter sur cette dernière.

En outre, il s'est dit étonné par le grand nombre d'organisations humanitaires dont certaines servent à transférer des capitaux d'origine douteuse et a demandé si un contrôle en la matière était envisageable.

S'agissant de la pression exercée par le Royaume-Uni sur la France, M. François Loncle a souhaité connaître l'impression du Ministre des Affaires étrangères après son entretien avec son homologue britannique.

Il lui a également demandé si les Etats-Unis lui avaient fait part de leur projet de protectorat envisagé pour « l'après-Saddam Hussein ».

Enfin, il a souhaité connaître l'attitude envisagée par la France si les Etats-Unis procédaient à une attaque unilatérale.

Soulignant que l'on reprochait souvent à la France son absence de politique africaine ou son manque de lisibilité depuis plusieurs années, M. André Schneider a demandé si le projet de budget pour 2003 allait permettre à la France de développer une vraie politique en Afrique.

M. François Rochebloine s'est intéressé au prochain sommet de la Francophonie organisé à Beyrouth, au Liban, où la situation est particulièrement difficile. On sait par exemple que la liberté n'y est pas telle qu'on pourrait la souhaiter et que la diffusion de NTV est interrompue. Dès lors, on peut se demander si l'organisation de ce sommet ne risque pas de conforter le gouvernement libanais et la présence syrienne au Liban en lui donnant un poids supplémentaire. La même question se pose d'ailleurs à propos de la prochaine visite du Président de la République dans ce pays.

Par ailleurs, M. François Rochebloine a souhaité savoir où en était la résolution 520 de 1982.

Le Ministre des Affaires étrangères a partagé le sentiment de M. Didier Julia sur la distinction entre les deux phénomènes que sont le terrorisme et la prolifération des armes, ce dernier phénomène ne se limitant pas à l'Irak. La multiplication des organisations humanitaires fait l'objet d'un « suivi » par le ministère, qui examine les missions et la raison sociale de chacune de ces organisations.

Le Gouvernement espère parvenir à un accord avec ses partenaires sur l'Irak, mais ne peut accepter que le Conseil de sécurité laisse entreprendre une action unilatérale et préventive. Notre objectif principal est le retour des inspecteurs, ce n'est pas le changement de gouvernement en Irak. La diplomatie américaine veut actuellement éviter la guerre par le recours aux mécanismes des Nations unies, elle n'évoque donc pas de schéma sur ce qui se passerait après une intervention.

Le Ministre des Affaires étrangères a rappelé qu'il s'était rendu en Afrique où il avait déjà effectué quatre déplacements. La France soutient l'ensemble des initiatives africaines de médiation et s'en félicite. Elle a également soutenu dès le début le NEPAD. Le soutien à l'Afrique restera la priorité du Gouvernement lors du prochain sommet du G 8 en France, en 2003.

Le Gouvernement est soucieux de défendre la souveraineté et la reconstruction du Liban et d'ancrer son indépendance dans les faits. Il se mobilise actuellement pour obtenir une nouvelle réunion des bailleurs de fonds afin d'aider ce pays à surmonter la période difficile qu'il traverse aujourd'hui.

Le Président Edouard Balladur a souhaité obtenir des éclaircissements sur les dernières rencontres franco-allemandes, et plus particulièrement sur la position allemande concernant la crise irakienne et l'attitude à avoir devant une décision du Conseil de sécurité, et sur les perspectives de l'élargissement de l'Union européenne.

M. Guy Lengagne a demandé des précisions sur la position de la France à l'égard de la Turquie, candidate à l'adhésion à l'Union européenne.

M. Dominique de Villepin a estimé que la France et l'Allemagne avaient sur le dossier une approche commune en ce qui concerne la place et le rôle du Conseil de sécurité dans la gestion de la crise. Ainsi, l'Allemagne approuve la position de la France d'une démarche en deux temps, qui lui semble la plus à même de résoudre le problème et de préserver la paix. L'Allemagne, qui sera membre du Conseil de sécurité en 2003 et en assurera bientôt la présidence, est consciente de ses responsabilités. Elle diffère avec la France sur la question d'un emploi de la force en dernier ressort. La France, du fait de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité, est en effet soucieuse de conserver tous les moyens de pression possibles.

Le Président Edouard Balladur a souhaité avoir confirmation qu'aucun membre du Conseil de sécurité n'avait l'obligation de participer à une action décidée par celui-ci.

M. Dominique de Villepin a indiqué que tout pays était libre de s'associer ou non à une action militaire décidée par le Conseil de sécurité, quel que soit son statut.

Sur la position allemande à propos de l'élargissement, les discussions sur la politique agricole commune (PAC) continuent afin d'éviter un blocage des nouvelles adhésions si cette question n'était pas réglée. En effet, la Commission européenne avait proposé un accès progressif des agriculteurs des nouveaux membres aux aides directes, alors que l'Allemagne souhaite lier cette question à celle de la réforme de la PAC. Nous sommes actuellement à la recherche d'un compromis satisfaisant pour les intérêts légitimes des deux pays. Il est exclu en effet de retarder l'élargissement : le Chancelier Schröder et le Président de la République se sont engagés dans ce sens lors de leur rencontre de Hanovre.

La Turquie a fait ces dernières années, et notamment depuis un an, d'immenses progrès qu'il faut saluer. Elle souhaite maintenant obtenir de l'Union européenne une date pour le début des négociations préalables à l'adhésion. Il faudra trouver un moyen de l'encourager à poursuivre ses efforts.

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