COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 25

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 18 décembre 2002
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président,

SOMMAIRE

 

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- Ratification de l'accord Communauté européenne-Egypte (rapport) - n° 239
- Convention sur la diversité biologique (rapport) - n° 228
- Information relative à la Commission


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Ratification de l'accord Communauté européenne-Egypte

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Claude Guibal, le projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part (n° 239).

M. Jean-Claude Guibal a indiqué que le présent accord d'association s'inscrivait dans le Processus de Barcelone, engagé en 1995 entre les quinze Etats membres de l'Union européenne et les douze pays de la rive sud de la Méditerranée, afin de rééquilibrer, au profit de cette dernière région, les relations extérieures de l'Union alors en plein essor en direction des pays d'Europe centrale et orientale.

Il a rappelé que le Processus de Barcelone comportait trois volets.

Le premier est un volet politique et de sécurité, portant notamment sur les droits de l'homme, la bonne gouvernance, les questions institutionnelles et l'Etat de droit. L'adoption d'une Charte de stabilité a été envisagée dans ce cadre, mais sa négociation est régulièrement repoussée en raison du conflit au Proche-orient. Le deuxième volet est économique et financier, avec l'instauration d'une zone de libre échange euro-méditerranéenne à l'horizon 2010/2012. On soulignera que la mise en place de cette zone n'interviendra, malheureusement, qu'avec beaucoup de retard, vraisemblablement autour de 2020. Enfin, le troisième volet est social, culturel et humain, destiné à promouvoir une implication de la société civile dans le processus de Barcelone et à prendre en compte la dimension sociale de la transition économique rendue indispensable par la perspective du libre échange.

Le Rapporteur a évoqué quelques développements récents de ce processus : la possibilité de coopérations plus intenses dans un cadre sub-régional, préconisée par la France pendant sa présidence, le projet de création d'une banque régionale de développement pour la Méditerranée et le projet de fondation culturelle, proposés par l'Espagne.

M. Jean-Claude Guibal a indiqué que le processus était appuyé par le Programme MEDA, destiné à assurer le financement de projets de coopération bilatérale et régionale, pour un montant de 8 milliards d'euros en 1996-1999 (y compris les prêts de la Banque européenne d'investissement) et un montant de 13 milliards d'euros pour les années 2000-2006. Pour la nouvelle période pluriannuelle, l'amélioration des procédures apportées par le règlement communautaire MEDA II permet d'espérer une plus grande efficacité et donc un meilleur taux de décaissement des fonds à l'avenir.

L'Egypte a été le premier bénéficiaire en volume de l'enveloppe MEDA, avec 698 millions d'euros sur la période 1996-1999, soit 26 % des montants de l'aide bilatérale du programme. Il est regrettable que le cinquième seulement de cette enveloppe ait pu être déboursé, ce qui a conduit la Commission européenne (l'Union européenne est le premier partenaire commercial de l'Egypte) à ne prévoir qu'une enveloppe triennale de 351 millions d'euros pour 2002-2004.

L'Egypte constitue pour notre pays l'un des principaux partenaires de la région. Sa volonté de constituer un pivot entre les mondes méditerranéen, arabe et africain est un élément important pour le développement des relations commerciales, économiques et politiques renforcées indispensables à la stabilité de la région.

Le Rapporteur a indiqué que le présent accord avait été signé le 25 juin 2001, soit deux ans après son paraphe. Cet accord a donné lieu à un débat intense au sein des milieux économiques et gouvernementaux égyptiens, et a nécessité l'engagement du Président Moubarak lui-même pour surmonter les réticences voire même l'opposition de certains milieux économiques. La ratification de l'accord par le Parlement égyptiens devrait avoir lieu avant le printemps 2003.

Cet accord correspond dans ses grandes lignes aux autres accords proposés par l'Union à ses partenaires méditerranéens. Il pose le principe de l'établissement progressif d'une zone de libre échange au cours d'une phase de transition de douze ans. Il se traduit par la libéralisation asymétrique des échanges industriels, immédiate pour la Communauté et étalée pour l'Egypte sur trois, neuf, douze et quinze ans selon les produits. Les modalités de la libéralisation des échanges pour les produits agricoles seront fixées trois ans après l'entrée en vigueur des accords.

L'accord instaure un dialogue politique régulier, à différents niveaux, qui pourra porter sur tous les sujets d'intérêts communs, notamment la paix, la sécurité, la démocratie et, élément auquel la France tient beaucoup, le développement régional. Une clause portant sur les droits de l'homme fait référence au respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l'homme énoncés dans la déclaration universelle des droits de l'homme, laquelle doit inspirer « les politiques internes et internationales des parties » et constituer « un élément essentiel » de l'accord.

Enfin, une coopération pour la prévention et le contrôle de l'immigration illégale est prévue, comportant une clause relative à la réadmission des ressortissants illégalement présents sur le territoire des parties.

Le Président Edouard Balladur s'est étonné du retard avec lequel la zone de libre échange allait se mettre en place.

M. Jean-Claude Guibal a expliqué que la lenteur des procédures de ratification des accords euro-méditerranéens expliquait en partie ce retard.

Le Président Edouard Balladur a fait observer qu'à Barcelone le partenariat euro-méditerranéen avait été décidé entre les quinze pays membres de l'Union européenne et les douze pays méditerranéens parmi lesquels se trouvaient Malte et Chypre qui vont entrer dans l'Union européenne.

Il a souhaité qu'on lui précise si l'Union européenne n'était engagée que si tous les pays membres avaient ratifié l'accord et si, du côté des partenaires méditerranéens, l'engagement n'était valable qu'après ratification par chacun des pays comme c'est le cas pour un accord d'élargissement.

Constatant qu'il fallait attendre que chacun des quinze pays membres ratifie un accord pour qu'il entre en vigueur, procédure qui peut durer jusqu'en 2004-2005, il a demandé si les dix nouveaux membres de l'Union européenne devraient eux aussi procéder à ces ratifications.

M. Jean-Claude Guibal a répondu que chacun des accords d'association pouvait être considéré comme un accord bilatéral entre l'Union et un pays méditerranéen, ces accords pouvant différer quelque peu l'un de l'autre. Ils entrent donc en vigueur dès la ratification par le pays concerné et par les Quinze.

Tous les partenaires méditerranéens ont à présent signé un accord, à l'exception de la Syrie. Cinq de ces accords sont en vigueur : avec la Tunisie, le Maroc, Israël, la Jordanie, ainsi que l'accord intérimaire conclu avec l'Autorité palestinienne.

Si les accords d'association actuellement signés sont ratifiés par les Quinze dans les deux prochaines années, ils seront intégrés à l'acquis et n'auront pas à être ratifiés par les nouveaux pays membres. Si des retards intervenaient, la question d'une ratification pourrait se poser, mais il est peu probable de prévoir la ratification par un pays qui n'a pas signé l'accord à l'origine. Enfin, si un accord était signé avec la Syrie après l'élargissement, les Vingt-cinq seraient parties à la signature et donc à la ratification.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 239).

Convention sur la diversité biologique

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Jacques Guillet, le projet de loi autorisant l'approbation du protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique (n° 228).

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur, a estimé que le protocole de Carthagène constituait un texte important, puisqu'il est l'un des premiers, avec le protocole de Kyoto sur le changement climatique, à mettre concrètement en œuvre le principe de précaution. Il s'inscrit dans le prolongement des principes arrêtés au sommet de la terre de Rio (1992) et au sommet de Johannesburg (2002). Ce protocole réglemente les échanges internationaux d'organes vivants modifiés, établit des procédures de traçabilité et crée des institutions chargées de centraliser et de diffuser l'information sur ces produits. Il est également important par ses conséquences : en autorisant la limitation des importations de produits génétiquement modifiés, il va à l'encontre des engagements de libéralisation des échanges prévus dans le cadre de l'OMC. Il peut, certes, engendrer des conflits commerciaux, mais ceux-ci peuvent contribuer à réduire les risques d'une mondialisation des échanges incontrôlée. Le protocole répond, enfin, à un besoin urgent dans un contexte marqué par l'évolution rapide des biotechnologies et par le développement des surfaces agricoles vouées à la culture d'OGM, qui sont passées de 0,5 % de la surface agricole mondiale en 1996 à 5 % aujourd'hui.

L'attitude des différents pays vis-à-vis de ces organismes est très diverse. Ainsi, un moratoire des autorisations de mise sur le marché a été imposé en 1998 au sein de l'Union européenne à la demande de sept pays, dont la France. Un compromis est actuellement en cours d'élaboration au niveau communautaire afin d'obtenir la levée de ce moratoire par la mise en place d'une législation assurant la traçabilité des OGM. Le conseil des ministres de l'agriculture du 29 novembre dernier et celui des ministres de l'environnement du 9 décembre ont ainsi arrêté une législation nouvelle, pleinement compatible avec les principes fixés par le protocole de Carthagène. Le principe de précaution est également défendu par l'Australie et la Nouvelle-Zélande, mais aussi par certains pays en voie de développement comme le Brésil ou le Sri Lanka, ce dernier ayant opté pour l'interdiction totale des OGM. Aux Etats-Unis, l'étiquetage n'est obligatoire qu'à la condition d'une différence substantielle entre le produit transgénique et son équivalent naturel. Le protocole n'a pas été adopté uniquement sous l'impulsion de certains pays riches, mais aussi grâce à l'action de certains pays en voie de développement qui craignent que leurs territoires ne soient utilisés à des fins expérimentales pour la mise en culture d'OGM.

Le protocole prévoit en outre une obligation d'étiquetage des organismes vivants modifiés destinés à une introduction intentionnelle dans l'environnement. Mais ceux devant faire l'objet d'un usage direct (alimentation, transformation ultérieure) doivent uniquement être étiquetés comme produit « pouvant contenir » de tels organismes. Si cette position dépasse de loin la position minimaliste de certains Etats, elle n'est pas pour autant très contraignante, laissant aux parties la possibilité d'être plus exigeantes dans leur réglementation.

Le protocole est en revanche plus contraignant sur les échanges transfrontières de produits, puisqu'il stipule que le manque de preuves scientifiques concernant des effets nuisibles potentiels des OGM sur la biodiversité et sur la santé humaine ne peut empêcher un pays signataire de restreindre ses importations. Il institue par ailleurs un cadre visant à garantir la transparence des échanges en obligeant les exportateurs à fournir des information précises sur les organismes faisant l'objet d'une transaction. Un centre d'échanges pour la prévention des risques biotechnologiques doit être créé, afin de faciliter les échanges d'informations sur ces produits et sur les réglementations applicables en la matière dans les différents pays. La sensibilisation du public est enfin encouragée, ainsi que le recours aux études d'impact socioéconomique des conséquences des importations de ces organismes. Aucune institution nouvelle n'est créée, puisque la Conférence des Parties de la convention sur la diversité biologique de 1992 reçoit la charge d'assurer l'application du protocole.

Pour entrer en vigueur, le Protocole doit avoir été ratifié par 50 pays. A ce jour, il a été signé par 103 Etats et ratifié par 37 d'entre eux, dont 6 membres de l'Union européenne (Autriche, Danemark, Espagne, Luxembourg, Pays-Bas et Suède). L'Union européenne a, pour sa part, également ratifié le protocole. A ce stade les quatre principaux pays producteurs d'OGM (Etats-Unis, Argentine, Canada et Chine, qui représentent à eux seuls 99 % de la surface plantée en OGM dans le monde) n'ont pas encore ratifié le protocole, les Etats-Unis n'en étant pas même signataires.

En donnant au principe de précaution une reconnaissance en droit international, le protocole de Carthagène soulève le problème de l'articulation entre le droit international environnemental et le droit international commercial. Ce principe peut, en effet, conduire un Etat à restreindre ses importations et le rendre passible de sanctions prononcées par l'organe arbitral de l'OMC. Le présent protocole vient donc souligner la nécessité d'une future organisation mondiale de l'environnement. Il montre également la nécessité pour l'OMC d'intégrer le principe de précaution afin d'encadrer de manière satisfaisante les échanges d'organismes vivants modifiés. Faute d'une telle avancée deux risques sont à redouter : d'une part, le manque de transparence dans la diffusion des organismes vivants modifiés ; d'autre part, l'utilisation des pays en voie de développement à des fins expérimentales pour le développement de biotechnologies non maîtrisées. L'entrée en vigueur rapide du protocole de Carthagène et le prochain cycle de négociations de l'OMC sont donc décisifs pour conforter le principe de précaution, tout en évitant son instrumentalisation à des fins protectionnistes, dans un domaine où la connaissance scientifique peut évoluer rapidement, comme nous le rappelle le récent avis rendu par l'académie des sciences et par l'académie de médecine, concluant à l'innocuité des OGM.

Dans l'attente d'une meilleure articulation entre le droit international environnemental et les règles de l'OMC, la ratification du protocole de Carthagène constitue un signal fort adressé aux pays réticents à l'égard du principe de précaution. Il consacre, en effet, la nécessité d'améliorer la transparence et l'information du public sur l'impact des biotechnologies et des manipulations génétiques. Aussi, votre Rapporteur vous propose-t-il d'adopter le présent projet de loi.

M. Jean-Claude Guibal s'est étonné du refus des Etats-Unis de signer le protocole de Carthagène, alors même qu'il se borne à améliorer la transparence en matière de commerce des OGM, sans remettre en cause la possibilité de les produire ou de les consommer.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur, a répondu que le protocole de Carthagène ne se limitait pas à une obligation d'étiquetage des organismes vivants modifiés, mais qu'il prévoyait un accès facilité à l'information sur ces produits pour les pays en voie de développement, en même temps qu'il reconnaissait la possibilité d'interdire certaines importations, y compris en l'absence de certitude scientifique sur leur innocuité. Les Etats-Unis estiment, en outre, que le principe de précaution ne saurait être opposé aux progrès technologiques, car ils pensent que ces progrès doivent permettre de trouver des solutions aux éventuels problèmes qui pourraient apparaître du fait du développement des biotechnologies.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 228).

Information relative à la Commission

Le Président Edouard Balladur a confirmé qu'une délégation de la Commission des Affaires étrangères se rendrait à Berlin du 23 au 24 janvier 2003 pour entendre, au cours d'une audition commune avec la Commission des Affaires étrangères du Bundestag, MM. Joschka Fischer et Dominique de Villepin, ministres des affaires étrangères.

Cette audition, qui se tiendra le lendemain de la séance solennelle consacrée à la célébration de l'anniversaire du Traité d'amitié franco-allemand de l'Elysée, à Versailles, suivra l'inauguration de la nouvelle ambassade de France à Berlin.

Se félicitant de cette initiative qui permettra en outre de visiter la nouvelle ambassade de France, M. François Loncle s'est enquis du nombre de parlementaires qui pourraient assister à cette réunion et de leur répartition par groupe politique.

Le Président Edouard Balladur lui a répondu que la délégation de la Commission des Affaires étrangères comporterait une quinzaine de membres, et que sa composition respecterait la clé de répartition retenue par la Commission, réservant ainsi un tiers des places à l'opposition.

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