COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 35

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 5 mars 2003
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président,

SOMMAIRE

 

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- Convention fiscale avec la Guinée (n° 16) - rapport

- Conventions sur le transport aérien international et la sécurité de la navigation aérienne
     (nos 554 et 555) - rapport
- Convention sur la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection
     internationale (n° 336) - rapport

- Traité France-Espagne sur la coopération transfrontalière (n° 338) - rapport
- Accord France-Espagne sur l'exploitation du tunnel du Somport (n° 342) - rapport


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Convention fiscale avec la Guinée

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacques Godfrain, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, la fortune, les successions et les donations (n° 16).

M. Jacques Godfrain a d'abord expliqué que cette convention était un instrument classique, adapté aux réalités de la Guinée, et conforme au modèle de convention de l'OCDE.

Cette convention contient des clauses figurant dans celles signées par la France avec d'autres Etats de cette zone géographique, notamment le Cameroun, la Côte d'Ivoire et le Sénégal. Ses aménagements par rapport à la convention-type de l'OCDE portent essentiellement sur la notion d'établissement stable, le pourcentage de retenue à la source pour les dividendes et pour les intérêts, et quelques dispositions dérogatoires concernant les revenus des professions indépendantes.

Puis, le Rapporteur a évoqué la situation de la Guinée, dont la politique intérieure est actuellement dominée par la succession du Président Conté et la perspective d'une élection présidentielle prévue en décembre 2003. Il a souligné les difficultés engendrées par l'appartenance de la Guinée à une zone régionale politiquement instable. L'afflux de milliers de réfugiés libériens sur le territoire guinéen et les répercussions de la crise en Côte d'Ivoire pèsent sur la Guinée.

Il a ensuite insisté sur le potentiel économique considérable de ce pays, riche en ressources agricoles, hydrauliques, en bauxite, voire en pétrole, malgré son sous-développement.

Actuellement Membre non-permanent du Conseil de sécurité qu'elle préside au mois de mars, la Guinée est un partenaire privilégié dans le cadre des discussions sur l'Irak. Ses relations avec la France sont suivies et la relance de la coopération bilatérale a été évoquée, d'autant qu'au niveau économique et commercial, la France reste le premier bailleur de fonds de la Guinée.

M. Jacques Godfrain a recommandé l'adoption de ce projet de loi, qui est examiné à un moment opportun.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 16).

Conventions sur le transport aérien international et la sécurité de la navigation aérienne

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Christian Philip, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international (n° 554) et du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole coordonnant la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960 suite aux différentes modifications intervenues (n° 555).

M. Christian Philip, Rapporteur, a présenté la convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international en indiquant qu'elle prolongeait la convention de Varsovie, qui avait été conclue en 1929. Cette nouvelle convention modifie le régime de responsabilité des transporteurs aériens pour tenir compte de l'accroissement considérable du trafic et pour unifier des règles devenues hétérogènes en raison des nombreux arrangements particuliers conclus entre les Etats parties de la convention de Varsovie. La présente convention améliore le droit existant en mettant en place un régime de responsabilité civile illimitée du transporteur aérien en cas de dommages corporels, en reconnaissant le principe d'un versement anticipé d'allocations de premiers secours, en introduisant une nouvelle possibilité de recours, en relevant le plafond d'indemnisation, en clarifiant le régime de responsabilité des transporteurs en cas de codes partagés et en généralisant l'obligation de s'assurer à l'échelle mondiale. La convention entrera en vigueur lorsqu'elle aura été ratifiée par au moins trente Etats. Il est donc important que la France ratifie ce texte dans les meilleurs délais, afin qu'il entre en vigueur au cours de l'année 2003. L'Union européenne a pour sa part signé le texte et modifié le règlement du 9 octobre 1997, afin que la législation communautaire soit pleinement compatible avec le nouveau régime de responsabilité des transporteurs aériens. La France devra quant à elle modifier la partie législative et réglementaire du code de l'aviation civile pour les mêmes raisons.

Le Rapporteur a ensuite présenté le protocole coordonnant la convention internationale pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » en indiquant qu'il visait à réformer les structures de cette organisation pour répondre au développement rapide du transport aérien. Outre l'extension du champ d'application d'Eurocontrol, le présent texte substitue à la commission permanente de cette organisation une Assemblée générale regroupant les ministres concernés des Etats membres et un Conseil, composée des directeurs des autorités aériennes civiles et militaires.

M. Roland Blum a posé les questions suivantes : en cas de dommage corporel, le montant de l'indemnité prévu par la Convention de Montréal est-il limité ? Quel sera le régime de responsabilité applicable dans les Etats qui n'auront pas signé la nouvelle convention ?

Le Rapporteur a indiqué qu'en application de cette nouvelle convention, les victimes de dommages corporels seraient automatiquement indemnisées à hauteur de 100 000 DTS (soit environ 130 000 euros), sauf en cas de faute de la victime, et qu'elle reconnaissait au-delà le principe d'une responsabilité civile illimitée du transporteur fondée sur le régime de la faute présumée. Quant à la convention, elle a d'ores et déjà été signée par 80 Etats et les Etats qui n'y seraient pas partie resteront soumis aux stipulations de la convention de Varsovie.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 554 et 555).

Convention sur la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Michel Destot, le projet de loi autorisant l'adhésion à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (n° 336).

M. Michel Destot, Rapporteur, a expliqué que cette convention datant du 14 décembre 1973 était un compromis qu'il fallait situer dans le contexte de l'époque. Elle constitue l'un des premiers instruments visant à lutter contre la multiplication des actes terroristes prenant spécialement pour cible les diplomates et les ambassades.

Il a rappelé les conditions de la négociation de la convention marquée par des oppositions très fortes sur la définition du terrorisme, entre les tenants de la primauté du droit international et ceux qui ne voulaient pas freiner les luttes de libération nationale.

Aussi, la France s'est-elle abstenue de ratifier la convention, en émettant deux objections : elle estimait que la résolution votée en même temps que la convention et annexée à celle-ci pouvait la vider de son sens, voire légitimer l'action de certains groupes à l'égard de personnes que le texte entend protéger.

La France jugeait par ailleurs que l'entraide juridique internationale mise en œuvre ne visait à protéger qu'une seule catégorie de personnes. Seuls sont concernés les chefs d'Etat et de gouvernement, les Ministre des Affaires étrangères et les agents diplomatiques ou assimilés, et leurs familles. En outre, la gravité des actes n'est pas prise en considération dans la définition des infractions.

Le Rapporteur a indiqué qu'aujourd'hui, la France entend procéder à la ratification de la convention ; elle en a pris l'engagement après les attentats du 11 septembre 2001 dans le cadre de l'Union européenne et du G8. La France est l'un des derniers membres de l'Union européenne et du G8 à n'avoir pas adhéré à cet instrument alors qu'elle est partie aux onze autres conventions de lutte contre le terrorisme international.

Il a précisé que la France assortissait son adhésion d'une déclaration pour éviter d'une part une interprétation erronée de la résolution précitée et d'autre part que le champ d'application plus large de certaines conventions ultérieures, notamment celle de 1994, ne soit réduite par cette adhésion. Selon lui, il s'agit de montrer qu'il valait mieux condamner les actes criminels graves que protéger une seule catégorie de personnes.

Dans ces conditions, le Rapporteur s'est déclaré favorable à l'adoption du projet de loi afin que la France tienne les engagements pris dans la lutte anti-terroriste.

Le Président Edouard Balladur a demandé si la convention de 1973 contenait des critères précis définissant les personnes bénéficiaires de la protection qu'elle instaure. Il a ainsi demandé si par exemple un juge chargé de lutter contre le terrorisme relevait de l'application de la convention de 1973.

M. Michel Destot a répondu qu'aucun critère n'était mentionné précisément dans la convention et que seules les personnes énumérées à l'article 1 en relevaient et que, de ce fait, les juges anti-terroristes n'en bénéficiaient pas. Il a estimé que les conventions de lutte anti-terroriste ultérieures étaient plus précises et mieux rédigées.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 336).

Traité France-Espagne sur la coopération transfrontalière

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Henri Sicre, le projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (n° 338).

M. Henri Sicre a rappelé que l'accord de Schengen, signé le 14 juin 1985, a posé le principe du libre franchissement des frontières intérieures par tous les ressortissants des Etats membres des Communautés européennes. Sa convention d'application du 19 juin 1990, comporte l'ensemble des mesures dites compensatoires à la libre circulation, parmi lesquelles le renforcement de la coopération policière et de la coopération judiciaire entre les Parties à l'accord.

L'article 39 paragraphe 4 de cette dernière convention prévoit que, dans les régions frontalières, des arrangements administratifs bilatéraux pourront être signés : un tel arrangement est effectivement intervenu avec l'Espagne en 1996. Enfin, cet article suggère la négociation d'accords bilatéraux plus complets entre Etats limitrophes : c'est l'objet du présent Traité signé à Blois le 7 juillet 1998.

L'arrangement administratif franco-espagnol de 1996 mettait en place des commissariats communs, structures d'échanges d'informations et de coordination des opérations de maintien de l'ordre public. Quatre commissariats ont été créés ou officialisés : au Perthus (Pyrénées-Orientales), à Melles-Pont du Roi (Haute Garonne), à Biriatou (Pyrénées-Atlantiques), un seul se trouvant en Espagne, à Canfranc-Somport.

Le présent traité crée des centres de coopération policière et douanière, structures bilatérales nouvelles où se nouera une coopération directe entre les unités opérationnelles des services policiers et douaniers dans la zone frontalière des deux pays. Ces centres seront installés en lieu et place des quatre commissariats communs précités. Ces centres devraient être opérationnels fin 2003.

Le premier centre a été inauguré le 25 novembre 2002 au Perthus par le Ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, et son homologue espagnol, M. Angel Acebes. Le centre est placé, pour la partie française, sous l'autorité d'un coordonnateur, commissaire de police membre de la police aux frontières.

Le traité prévoit l'échange de fonctionnaires de liaison, placés dans les unités correspondantes de l'autre pays Partie. Le Rapporteur a mentionné les agents français déjà présents en Espagne : un conseiller douanier à Madrid, chargé de faciliter la mise en œuvre et l'approfondissement de l'assistance administrative dans la lutte contre les trafics illicites et contre la fraude économique et commerciale ; un attaché de gendarmerie en poste près l'ambassade de France à Madrid, qui sera intégré au réseau des attachés de sécurité intérieure (ASI) à partir de l'été 2004. La police judiciaire disposera bientôt au total de quatre officiers de liaison à Madrid et dans d'autres villes. Leurs missions concernent la lutte contre la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants et le banditisme.

Dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, deux officiers de liaison sont placés en poste à Madrid. Pour la lutte contre l'immigration illégale, un officier de liaison de la direction centrale de la Police aux frontières est en poste à Madrid et, à titre de réciprocité, un officier de liaison espagnol est en fonction à Paris.

Les missions de la coopération directe ne sont pas expressément décrites par le traité. Cependant, comme celui-ci se réfère dans son préambule à l'Accord de Schengen de 1985, ainsi qu'à la Convention d'application de 1990, l'on en déduit que ces missions sont celles définies dans ces deux accords : la lutte contre la criminalité, en particulier le trafic de stupéfiants et le trafic de véhicules volés, la lutte contre l'immigration irrégulière et contre l'activité des réseaux organisant cette immigration, et, enfin, la garantie de la sécurité et de l'ordre public.

Le Rapporteur a évoqué la différente nature des infractions constatées dans la région frontalière.

Ainsi, dans le sens Sud/Nord, les trafics portent essentiellement sur le cannabis, la cocaïne, les cigarettes et l'alcool, ces deux derniers trafics générant des revenus très importants. Dans le sens Nord/Sud le trafic porte sur le transport d'héroïne et d'ecstasy en provenance principalement des Pays-Bas.

La pression migratoire clandestine est ressentie dans les départements frontaliers comme dans la zone frontalière. Les personnes appréhendées (5200 non-admissions et réadmissions en 2002) proviennent principalement du Maghreb, d'Afrique subsaharienne et d'Amérique du Sud.

Dans ce contexte, les missions des centres de coopération consisteront à recueillir et échanger des informations, à coopérer afin de procéder à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, à opérer la réadmission des demandeurs d'asile déboutés ainsi que des demandeurs d'asile dont la procédure est en cours, qui se trouvent en situation irrégulière sur le territoire de l'autre Etat.

Enfin, ces centres auront pour mission de coordonner les interventions pour lesquelles différentes autorités sont concernées (planification des recherches transfrontalières, harmonisation de la surveillance dans la zone frontalière). Ils participeront à la surveillance et aux poursuites transfrontalières effectuées en vertu des articles 40 et 41 de la Convention d'application Schengen.

Le traité devrait conduire à un approfondissement des contacts déjà existants entre les différentes unités. L'article 10 du traité prévoit ainsi la participation à des enquêtes communes dans le cadre de la lutte contre la délinquance frontalière.

La mise en œuvre du traité devrait avoir des répercussions positives sur la sécurité de la région frontalière. Les statistiques d'activité du premier centre de coopération policière et douanière (CCPD) en fonctionnement aujourd'hui témoignent d'une efficacité accrue. En effet, si le commissariat commun, puis le CCPD ont effectué environ 19 000 vérifications en 2002, le nombre de dossiers traités pourrait être doublé dès 2003, si l'on en croit les chiffres transmis par le centre depuis sa création fin 2002.

Le Rapporteur a cependant regretté que les aménagements prévus pour conférer de bonnes conditions de travail matérielles et techniques aux centres soient réalisés avec retard : ainsi, il conviendrait de réaliser cette année les agrandissements et constructions nécessaires pour un fonctionnement satisfaisant du centre du Perthus, travaux qui semblent prendre du retard.

Cette observation s'applique également à la mise en place des trois autres centres, qui doivent bénéficier de conditions satisfaisantes le plus rapidement possible.

Il serait enfin souhaitable que la partie espagnole complète les effectifs promis pour les centres, ce qui, semble t-il, n'est pas encore le cas au Perthus.

En conclusion, le Rapporteur a proposé de donner un avis favorable au projet de loi, tout en demandant qu'il soit rappelé au Gouvernement, lors des différents étapes de la procédure, d'assurer aux centres des locaux et des moyens, techniques notamment, permettant de travailler efficacement.

Le Président Edouard Balladur a approuvé ces dernières observations, ajoutant que le rapporteur insistait à juste titre sur la nécessité de mettre en place rapidement de bonnes conditions matérielles.

M. Bernard Schreiner a indiqué qu'un centre de coopération policière et douanière avait été inauguré il y a un mois à Kehl, sur la frontière franco-allemande. L'efficacité du travail ainsi coordonné a rapidement été constatée dans la région, ce qui atteste de l'avantage de telles structures. Il a souligné qu'en dehors des trafics énumérés par le Rapporteur, il convenait hélas de citer le trafic d'êtres humains, et l'activité des proxénètes très importante et visible dans la région frontalière alsacienne. La coordination et la coopération des polices permettent aujourd'hui aux agents d'un pays de poursuivre les proxénètes et d'intervenir dans l'autre pays, ce qui dresse un obstacle à leur pratique consistant à déposer les jeunes femmes en France pour la journée et de les ramener en Allemagne le soir.

M. André Schneider a confirmé que des dizaines d'arrestations ont été effectuées au cours des trois dernières semaines, et que l'efficacité du travail policier et des procédures semble en effet bien supérieure depuis la mise en place du nouveau centre.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 338).

Accord France-Espagne sur l'exploitation du tunnel du Somport

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean Glavany, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne relatif à l'exploitation, à l'entretien, à la sécurité et, le cas échéant, à l'évolution du tunnel routier du Somport (ensemble un échange de lettres) (n° 342).

M. Jean Glavany a rappelé que le tunnel routier du Somport, qui relie Pau à Saragosse par le biais de la RN 134, a été inauguré le 17 janvier 2003. Il est ouvert dans un premier temps aux véhicules légers et aux poids lourds, et l'ouverture au transport de matières dangereuses n'aura lieu qu'à l'issue de l'ensemble des travaux de mise en sécurité. Le tunnel, d'une longueur de 8,6 km, est situé pour deux tiers sur le territoire espagnol et un tiers sur le territoire français. C'est pourquoi l'exploitation du tunnel a été confiée à l'Espagne par un accord sous forme d'échange de lettres signées en 2001. La prise en charge des coûts d'exploitation et d'entretien s'effectuera à raison de 2/3 par la partie espagnole et un tiers par la partie française.

Compte tenu de l'expérience de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc de 1999, le comité d'évaluation des tunnels a renforcé les exigences en matière de sécurité, ce qui a pour conséquence que le tunnel du Somport sera pourvu de l'ensemble des infrastructures et équipements garantissant le plus haut niveau de sécurité. Des travaux ont eu lieu après la construction du tunnel, et certains aménagements, comme le doublement du nombre des refuges et des galeries de liaison avec le tunnel ferroviaire jouxtant le tunnel routier, doivent se poursuivre jusqu'à 2004.

Le Rapporteur a estimé que le traité signé entre la France et l'Espagne devait donc faire l'objet d'une ratification. Il a cependant souhaité attirer l'attention du parlement et du Gouvernement sur deux points.

Le premier est la nécessité du désenclavement routier de la RN 134 pour accéder au tunnel du Somport. Le Rapporteur a soutenu la démarche du député des Pyrénées-Atlantiques Jean Lassalle, précisant que celui-ci se bat depuis des années, avec d'autres élus du Béarn, pour voir aménager cette route nationale, qui, de l'avis même des concepteurs du tunnel et des gouvernements français et espagnol, n'a pas vocation à devenir un axe de grand transit international. Pourtant, la mise en service du tunnel du Somport constitue un appel d'air qui va entraîner l'augmentation du trafic, et chacun reconnaît que l'aménagement de la RN 134 est indispensable à la préservation de la vallée d'Aspe. Or cet aménagement a pris du retard.

M. Jean Glavany a ensuite souhaité resituer le tunnel du Somport dans le cadre général des voies de communication entre la France et l'Espagne. Les échanges transpyrénéens entre la péninsule ibérique et la France ne cessent de croître, et il faut préciser que 50% de ce trafic est un trafic de transit par la France à destination d'autres pays du nord. Le trafic intra-européen est un fait positif, mais actuellement l'attention est focalisée sur les difficultés du trafic à travers les Alpes, alors que celles du trafic trans-pyrénéen ne sont pas considérées. Pourtant, la situation y est infiniment plus dramatique, car le trafic y augmente plus vite que dans les Alpes, et il n'existe aujourd'hui que deux passages (le Perthus et Biriatou au Pays basque) contre quatre dans les Alpes ; enfin, la part relative du routier est encore plus importante dans les Pyrénées que dans les Alpes.

La région se trouve donc sous la menace d'une « embolie camionnaire » aux deux extrémités des passages : l'équilibre de la région pyrénéenne est donc menacé, comme de façon locale, la vallée d'Aspe, qui pourrait être dévastée.

C'est pourquoi la quasi-totalité des élus des Pyrénées, les Régions françaises et les Régions espagnoles et portugaises riveraines ont créé une association pour élaborer un projet de traversée centrales des Pyrénées par ferroutage, seule alternative crédible au développement actuel du trafic routier. La ratification de ce traité est le moment de demander que ce projet de long terme - vingt ans - soit inscrit dès cette année au schéma européen des grandes infrastructures de transport. Il est en effet urgent de commencer à étudier ce projet, car des risques considérables, notamment de catastrophe écologique, sont pris aujourd'hui avec une telle évolution du transport routier.

A une question du Président Edouard Balladur demandant si ce problème était soulevé dans l'audit commandé par le Gouvernement sur les grandes infrastructures de transport en France, M. Jean Glavany a répondu qu'il l'ignorait, l'audit n'ayant pas encore été rendu public à ce jour.

M. Michel Destot a confirmé que se posaient également dans les Alpes deux problèmes, l'un économique et l'autre de sécurité. S'il n'y a pas de nouvelle liaison transalpine ferroviaire entre la France et l'Italie - si la liaison de transport de fret Lyon-Turin n'est pas réalisée - l'axe économique principal reste le tunnel du Mont-Cenis et le tunnel du Mont-Blanc, et l'on va vers une catastrophe sur le plan de la sécurité et de l'écologie et plus généralement, vers une véritable catastrophe économique. Ces grandes infrastructures ont certes un coût très élevé, et il n'appartient pas à l'Etat français de financer à lui seul ces travaux, dans la mesure où les travaux de la partie française exigent déjà plus de 10 milliards d'euros. Ces projets ne peuvent que s'envisager dans un cadre européen, c'est pourquoi il faut en convaincre en permanence nos partenaires européens.

Le Président Edouard Balladur a demandé si le fait que la France soit un pays de transit de notre pays, traversé par des transporteurs qui ne s'arrêtent pas, lui apportait une quelconque richesse. Une bonne partie du trafic alpin supporté par la France est due au fait que la Suisse interdit le passage de poids lourds sur ses autoroutes. Une déviation d'une partie du trafic de transit porterait-elle préjudice à notre économie ? Il semble que cette question n'ait pas fait l'objet d'étude économique approfondie.

M. Jean Glavany a confirmé que notre pays devait en effet se poser la question de l'intérêt économique de ce trafic routier ; néanmoins dans le cas de la péninsule ibérique, la géographie ne laisse guère d'autre choix. La question du péage ou de la taxe sur le passage de camions doit être posée, car cette taxe existe dans d'autres pays, en particulier en Allemagne, qui fait payer aux camions en transit une taxe de passage sur ses voies gratuites.

De grandes infrastructures de transport comme l'axe ferroviaire Lyon-Turin ou la traversée centrale des Pyrénées par ferroutage sont les seules solutions possibles pour désengorger le trafic routier catastrophique en termes écologiques et de sécurité, mais ce type d'infrastructures ne peut être financé que par une contribution des routiers, système qui a déjà été mis en place dans d'autres pays d'Europe.

M. Michel Destot a ajouté qu'une infrastructure telle que le TGV Lyon-Turin a aussi pour objet de réaliser un réseau entre différentes villes : Grenoble, Chambéry, Saint-Etienne seront mieux connectées à l'ensemble du sillon alpin. Cela est vrai tant pour les voyageurs que pour le fret, pour lequel on a besoin de réseaux interconnectés et de plateformes logistiques. L'ensemble des réseaux qui permettront de circuler entre Munich, Madrid, Genève, Lyon, Perpignan et Barcelone apportera une véritable irrigation économique. Dans ce cadre plus large, il ne s'agit pas d'un simple transit sans bénéfice pour notre pays.

M. Roland Blum a demandé si les systèmes prévus pour la sécurité permettraient à l'avenir d'éviter la confusion entre l'intervention des différents services de sécurité français et italiens qui a malheureusement eu lieu lors de l'accident du tunnel du Mont-Blanc. Y a-t-il une unité de coordination des interventions en cas d'accident ?

M. Jean Glavany a précisé que la gestion du tunnel avait été unifiée entre les deux pays autant que possible : commission intergouvernementale et comité de sécurité composés de représentants des deux pays, outre les équipements de sécurité portés aux normes les plus récentes.

Le Président Edouard Balladur a ajouté que le problème était rendu plus compliqué par l'exercice des pouvoirs de police et de contrôle de la sécurité relevant de chaque Etat. Le contrôle des matières dangereuses est de la responsabilité des douanes, et la lutte contre l'incendie est de la responsabilité des communes et des départements. Le respect de la limitation de vitesse est contrôlé par la gendarmerie. En outre, deux sociétés et deux Etats sont impliqués dans l'exploitation, aussi, malgré les efforts apportés à la rédaction du traité, il est à craindre que la situation ne reste assez complexe. Une nouvelle convention sera bientôt soumise au Parlement concernant le tunnel du Mont-Blanc, qui ne remet pas en cause cette division des compétences.

M. Jean Glavany a précisé que le traité relatif au tunnel du Somport comportait cependant une nouveauté : les Etats s'autorisent mutuellement à poursuivre sur le territoire de l'autre Etat une infraction, constatée dans le premier Etat. Il y a donc là un début d'unification.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 342).

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· Guinée

· Transport aérien

· Protection internationale

· Espagne

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