COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 57

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 4 juin 2003
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Compte-rendu de la mission en Israël et dans les Territoires palestiniens
- Approbation de la convention sur les effets transfrontières des accidents industriels (n° 649) - rapport


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Compte rendu de la mission en Israël et dans les Territoires Palestiniens

M. Renaud Donnedieu de Vabres a indiqué que la mission qu'il avait menée en Israël, du 16 au 20 mai 2003, avec M. Guy Lengagne, s'était déroulée dans une période de tensions exacerbées, avec l'arrivée, côté palestinien, d'un nouvel interlocuteur, Abou Mazen, et l'affirmation de la stratégie israélienne d'isoler politiquement, mais aussi physiquement, Yasser Arafat. Plusieurs attentats-suicides ont d'autre part été perpétrés pendant la durée de la mission, que la délégation a immédiatement condamnés, en déclarant « qu'aucune cause ne justifiera jamais le terrorisme aveugle et barbare et toute forme de violence d'où qu'elle vienne ».

M. Renaud Donnedieu de Vabres a fait observer que, si les demandes de rendez-vous faites par la délégation étaient totalement symétriques entre Israéliens et Palestiniens, le résultat était très déséquilibré. Le maintien de la rencontre avec Yasser Arafat et le caractère passionnel de nos relations bilatérales avec Israël expliquent de nombreux refus du côté israélien. Ainsi, par exemple, la délégation n'a pas rencontré le Président de la Commission des Affaires étrangères de la Knesset. Elle s'est néanmoins entretenue avec le Ministre de l'Intérieur israélien, M. Avraham Poraz, le Directeur de cabinet du Ministre de la Défense, le général Mike Herzog, ainsi que les anciens ambassadeurs d'Israël en France, MM. Ovadia Soffer et Avraham Pazner, aujourd'hui conseillers d'Ariel Sharon. Côté palestinien, la délégation, après avoir rencontré le Président Yasser Arafat, s'est notamment entretenue avec Ghazi Hanania, vice-président du Conseil législatif palestinien, Marwan Qalafani, Président de la commission politique, Hanna Nasser, Maire de Bethléem et trois députés de Jérusalem.

La délégation a également pu se rendre compte par elle-même, en allant sur le terrain, de ce que va représenter, géographiquement, politiquement et psychologiquement, la construction d'une barrière de sécurité et d'un mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie. Certes, la construction d'une frontière n'est pas en soi un problème, mais le tracé de cette séparation constitue une véritable provocation. Tout d'abord cette clôture ne respecte pas la « ligne verte » en passant fréquemment à 5 à 6 km à l'est de celle-ci - les Territoires palestiniens seraient ainsi diminués de 10 % - pour inclure un certain nombre de colonies du côté israélien de la barrière.

Elle entraîne, de surcroît, une rupture de la continuité territoriale des Territoires et va encercler littéralement certaines villes palestiniennes, au point que le maire de Bethléem a déclaré devant la mission que sa ville n'était plus désormais qu'une grande prison.

Il est encore trop tôt pour se prononcer sur l'avenir de cette séparation : pour certains conseillers du Premier ministre, il s'agit d'une nouvelle frontière qui se substitue à la frontière « officielle » qui ne serait pas viable, pour d'autres, au contraire, la réalisation de cette barrière de sécurité, dont le premier tronçon doit s'achever en juillet 2003, pourrait s'inscrire parmi les éléments de négociations.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a estimé que l'on se trouvait actuellement dans une véritable impasse et dans une situation où la violence quotidienne devient presque une habitude. Dans ces conditions, seule la communauté internationale peut imposer la paix et, à cet égard, l'implication des Etats-Unis ne peut être qu'une bonne nouvelle. Mais pour appliquer réellement la feuille de route, l'engagement de la communauté internationale doit être encore plus fort, peut-être même doit-il passer par l'envoi de forces internationales pour assurer le succès du processus de paix, comme cela s'est fait par exemple dans les Balkans.

En effet, il est à craindre que, sans une intervention internationale, l'objectif prioritaire assigné à Abou Mazen de faire cesser les attentats ne soit irréalisable, ce qui remettrait en cause la mise en œuvre de la feuille de route.

Par ailleurs, la question du lien ou de l'absence de lien entre les organisations palestiniennes et les mouvements islamistes fondamentalistes est essentielle pour mobiliser les Etats-Unis en faveur du règlement du conflit israélo-palestinien.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a poursuivi en regrettant l'incompréhension naissante entre la France et Israël : une conférence de Bernard-Henri Lévy présentant son ouvrage sur Daniel Pearl à l'Université hébraïque a permis de mesurer la violence de l'engagement d'une grande partie de l'assistance qui s'est montrée très critique sur l'attitude de la France vis-à-vis d'Israël. Ce moment a révélé à quel point, dans l'opinion israélienne, les relations bilatérales s'étaient malheureusement dégradées.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a d'autre part souhaité rendre un hommage particulier aux personnels administratifs et enseignants du lycée français de Jérusalem, qui parviennent, grâce au soutien des parents, à établir une cohabitation pacifique entre des élèves de différentes origines et religions. L'engagement très important réalisé pour assurer la sécurité des enfants doit être pleinement soutenu par les ministères concernés. Enfin, la visite de la mission à l'hôpital de la Sainte Famille à Bethléem a permis de voir le travail difficile accompli par les religieuses au profit de malades de différentes confessions.

M. Guy Lengagne a déclaré soutenir le principe d'une force d'interposition internationale entre Israéliens et Palestiniens. Mais, si ces derniers souscrivent pleinement à cette idée, les Israéliens rencontrés s'y sont tous opposés, surtout si cette force comporte des Européens et notamment des Français. Par ailleurs, la visite dans les Territoires a permis de mesurer les conséquences de l'implantation des colonies, dont l'importance et le nombre rendra difficile le démantèlement dans le cadre d'un partage territorial résultant d'un accord de paix.

Il a ensuite apporté quelques précisions concernant la barrière de sécurité. Officiellement, la construction de cette barrière, qui prend la forme d'un mur en béton, à la hauteur de Qalqiliya, répond exclusivement à un impératif de sécurité et doit permettre aux Israéliens de se protéger efficacement contre les attentats terroristes.

Partant du constat qu'aucun attentat palestinien n'est parti de Gaza depuis la réalisation d'une barrière dissuasive du même type, le gouvernement israélien a décidé, au cours de l'été 2002, la construction d'un ouvrage similaire tout le long de la Cisjordanie.

Actuellement, 140 km environ à partir de Salem sont en construction et après un démarrage assez lent, le chantier, qui progresse très rapidement de l'avis des observateurs, devrait s'achever à la mi-juillet 2003.

La clôture de sécurité se présente comme un ensemble d'obstacles successifs. Il s'agit d'une route bordée de chaque côté par un rouleau de barbelés d'aspect particulièrement tranchant et à la structure manifestement étudiée.

En admettant franchi ce premier barrage de métal, on se trouve ensuite confronté à la barrière proprement dite, constituée par des piquets plantés à intervalles réguliers équipés d'un dispositif électronique permettant de localiser et de photographier la personne qui chercherait à passer. Celle-ci serait ensuite appréhendée par une patrouille de police circulant en voiture car il lui serait impossible de franchir, dans un bref délai, le deuxième rouleau de barbelés qui borde l'autre côté de la route.

Au total, l'ensemble de l'ouvrage représente une saignée d'une largeur d'environ 60 mètres dans un paysage d'oliveraies ou de plantations d'arbres fruitiers détruites sans ménagement.

La barrière menace également de destruction certains ensembles immobiliers jugés trop proches de cette ligne, comme à Beit Sahour, ville voisine de Bethléem où la mission s'est rendue.

A la hauteur de Qalqiliya, la barrière fait place à un mur de béton gris suffisamment haut pour ne laisser dépasser derrière lui, lorsqu'on se trouve en territoire israélien, que le haut d'un minaret. La hauteur totale du mur serait de huit mètres mais un travail de remblai effectué à la base du mur a pour effet d'optique d'atténuer l'impression de hauteur.

A Bethléem, certains accès sont murés et des colonies se sont implantées aux portes de la ville. Celle-ci dépérit sous l'effet de l'encerclement et des contrôles qui interdisent en pratique d'effectuer dans des conditions normales tous les déplacements de la vie quotidienne.

A Jérusalem, il y a sept députés palestiniens : trois d'entre eux sont en prison pour des raisons politiques et les quatre autres ne peuvent se déplacer pour aller siéger au Conseil législatif.

M. Guy Lengagne s'est ensuite demandé s'il fallait mettre en avant Abou Mazen et marginaliser Yasser Arafat. Ce dernier affirme qu'il continue à détenir la légitimité, et Abou Mazen risque d'être perçu par les Palestiniens comme une autorité subordonnée : n'y a-t-il pas un risque à tout miser sur lui dans le processus en cours ? L'attentat suicide qui s'est produit au moment où la mission se trouvait sur place pose la question du désespoir des jeunes Palestiniens. La construction du mur et l'extension des colonies ne sont pas de nature à apaiser les rancœurs ou faire disparaître le sentiment d'humiliation. Tout cela ne contribue pas à obtenir l'arrêt des attentats et la cessation des violences. A cet égard, il a estimé que la balle se trouvait désormais dans le camp israélien, car l'Autorité palestinienne ne dispose pas actuellement des moyens minimum indispensables pour maîtriser les mouvements terroristes.

S'agissant du plan de paix, il a considéré que l'attitude des Etats-Unis serait déterminante pour faire appliquer la feuille de route et que leur influence peut être cette fois ci d'autant plus grande que la situation économique israélienne est préoccupante. Toutefois l'élection présidentielle américaine pèsera incontestablement dans les mois qui viennent.

M. Roland Blum a fait part de sa surprise face aux accusations stupides selon lesquelles la France pourrait remettre en cause l'existence de l'Etat d'Israël. Sans doute le ministère des Affaires étrangères devrait-il mieux communiquer et ne pas laisser certaines allégations se propager. Quant au règlement du conflit israélo-palestinien, force est de constater que la communauté internationale est relativement impuissante en l'absence d'implication des Etats-Unis dans ce dossier. S'ils devaient s'impliquer, peut-on pour autant atteindre une paix durable ?

M. François Loncle a estimé que la situation s'était dégradée depuis la dernière mission de la Commission des Affaires étrangères au Proche Orient il y a un an. Alors que la colonisation se poursuit, l'Autorité palestinienne ne peut agir, car elle a été volontairement désorganisée. Seuls les optimistes indéfectibles croient à la réussite de la feuille de route, or la proximité de l'élection présidentielle américaine bloque toutes les initiatives favorables à la paix. L'idée d'une force internationale de contrôle est judicieuse et elle devrait être défendue par notre diplomatie. Enfin, il s'est demandé si M. Elie Barnavi jouait un rôle important.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a apporté les précisions suivantes. Il a rappelé que les autorités israéliennes refusaient aux délégations étrangères ayant rencontré M. Yasser Arafat la possibilité de rencontrer M. Ariel Sharon. La France partageant pleinement la position européenne sur ce point, ce refus de rendez-vous a également été opposé très récemment à M. Javier Solana. Il peut donner l'impression que les délégations européennes privilégient les contacts avec les Palestiniens, mais cette dissymétrie incombe aux seules autorités israéliennes.

L'environnement général dans lequel prospèrent le terrorisme et l'intégrisme religieux n'est pas sans lien avec la situation particulière des Territoires palestiniens et cet élément est de nature à favoriser une plus grande implication des Etats-Unis dans ce dossier. L'attentat suicide intervenu le 17 mai dernier a fourni à M. Sharon une raison objective pour annuler son déplacement à Washington, alors même que la première étape de la feuille de route prévoit le gel des colonies.

Il faut se souvenir que le premier partenaire économique d'Israël est l'Union européenne, ce qui nous donne des moyens d'action, d'autant que les Etats-Unis ne peuvent prétendre régler seuls la question. Quant à M. Barnavi, il est aujourd'hui professeur d'Université et n'a pas de fonction politique officielle, même s'il conserve une certaine influence dans son pays.

M. Guy Lengagne a fait remarquer que les Israéliens avaient assorti leur acceptation de la feuille de route de quatorze réserves, ce qui montre que l'on est très loin d'une amorce de règlement du conflit.

Convention sur les effets transfrontières des accidents industriels

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Gilbert Gantier, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention sur les effets transfrontières des accidents industriels (ensemble treize annexes) (n° 649).

M. Gilbert Gantier a indiqué que la convention d'Helsinki avait été négociée et signée dans le cadre de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies qui regroupe 55 Etats allant des Etats-Unis à la Fédération de Russie. Adoptée le 17 mars 1992 et signée par 26 Etats sur 55, la Convention n'est entrée en vigueur que le 19 avril 2000, tant il fut long d'adapter les législations nationales aux dispositions prescrites.

La ratification de cette convention par la France n'a été possible qu'après l'adoption en 1996 par l'Union européenne de la directive dite Seveso II, entrée en vigueur en 1999 et dont le champ d'application est comparable à la convention d'Helsinki. Actuellement, à l'exception de la Belgique, de la France, du Portugal et des Pays-Bas, les Etats membres de l'Union européenne ont ratifié la convention. Les Etats-Unis et le Canada, bien que signataires, n'ont pas encore accompli cette démarche.

La convention définit l'accident industriel comme un risque lié à la présence de substances dangereuses, le critère de dangerosité étant établi par différents éléments qui figurent à l'annexe I de la Convention. Elle exclut notamment de son champ d'application les accidents nucléaires, les accidents survenant dans des installations militaires, les ruptures de barrage, les accidents dans les transports terrestres, les accidents liés aux activités dans le milieu marin et le déversement d'hydrocarbures ou d'autres substances nocives en mer.

La Convention prescrit l'identification des activités dangereuses et l'information des Parties, selon des modalités que l'annexe III organise. Les sites pour lesquels il convient d'informer les pays voisins sont les sites dits « Seveso ». Les Parties signataires doivent au niveau national prendre toutes les mesures législatives, réglementaires, administratives et financières pour prévenir les accidents industriels, et informer le public dans les zones susceptibles d'être frappées par un accident industriel.

En cas d'accident industriel ou de menace d'accident industriel, la Partie sur le territoire de laquelle cet accident se produit doit en faire la notification sans retard à celles susceptibles d'être touchées. Les effets d'un accident industriel doivent être évalués s'il y a lieu en commun en vue de prendre des mesures de lutte adéquates et coordonnées.

La Convention d'Helsinki est entrée dans l'ordre juridique communautaire interne. En effet, après le rejet accidentel de dioxine sur la commune italienne de Seveso en 1976, les Etats européens se sont dotés d'un système commun de prévention des risques majeurs. Une première directive 82/501/CEE a demandé aux Etats et aux entreprises d'identifier les risques associés aux activités industrielles dangereuses, d'organiser la prévention et de prendre des mesures pour y faire face. Cette directive a été complétée en 1996 par la directive dite Seveso II qui étend le champ d'application de la précédente.

La France a transposé en droit français, par arrêté du 10 mai 2000, la directive Seveso II ; aussi les dispositions de la convention n'entraîneront pas de modifications de la législation française existante, selon l'étude d'impact annexée au projet de loi.

En outre, après la catastrophe de Toulouse, le 21 septembre 2001, un projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, voté en deuxième lecture au Sénat, devrait être très prochainement examiné par l'Assemblée nationale. Ce texte apporte plusieurs aménagements au droit national qui sont susceptibles de s'inscrire dans la perspective de la convention en renforçant l'information du public.

Par ailleurs, la France a conclu des accords bilatéraux avec l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg et la Suisse qui traitent de l'assistance mutuelle en cas de catastrophe ou accident grave, comme le prévoit la convention.

Le Rapporteur a regretté que la convention ne définisse pas à proprement parler de régime de responsabilité et d'indemnisation applicables aux accidents industriels à effets transfrontaliers et indiqué que des négociations internationales ont abouti en février 2003 à l'élaboration d'un protocole sur la responsabilité civile et l'indemnisation en cas de dommages transfrontières provoqués par les activités dangereuses dans le cadre conjoint de la convention.

La ratification de la Convention sur les effets transfrontières des accidents industriels permet à la France de marquer sa préoccupation pour le droit de l'environnement. Elle montre son intérêt pour l'harmonisation des normes en matière des risques industriels de prévention, d'information du public de capacité d'alerte, d'action coordonnée en cas d'accident.

M. Guy Lengagne s'est étonné de l'exclusion des accidents industriels liés aux activités en milieu marin.

M. Gilbert Gantier a répondu que d'autres procédures et instruments internationaux tentaient d'organiser une coopération internationale, en ce qui concerne les accidents industriels provoquant des pollutions marines. Il en va de même des accidents survenant dans les centrales nucléaires.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 649).

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