COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 58

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 17 juin 2003
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Accord d'investissements France-Arabie Saoudite (n° 519)
- Convention fiscale France-Ouzbékistan (n° 548) - rapport
- Accord France-Italie sur l'observation de la Terre (n° 556) - rapport


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Accord d'investissements France-Arabie Saoudite

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Henri Sicre, le projet de loi autorisant l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Arabie Saoudite sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (n° 519).

M. Henri Sicre a expliqué que cet accord comportait des dispositions très voisines de celles des quelque quatre-vingt dix textes analogues qui lient déjà la France à des pays tiers. Il s'applique aux personnes physiques possédant la nationalité de l'une des parties contractantes et aux sociétés constituées conformément à la législation de l'Etat contractant et y possédant leur siège social. L'accord assure une protection classique pour l'encouragement des investissements par l'octroi d'un traitement juste et équitable et l'application par chaque partie d'un traitement au moins aussi favorable aux investisseurs de l'autre partie que celui accordé à ses propres investisseurs.

Les investisseurs de l'autre partie bénéficient, en cas de dépossession pour cause d'utilité publique, d'une indemnité « prompte et adéquate » et en cas de dommages et pertes provoqués par des circonstances exceptionnelles, ils ont droit à un traitement aussi favorable que celui des investisseurs nationaux. Le principe de la liberté des transferts se trouve garanti.

En cas de conflit, l'accord prévoit qu'à défaut de règlement amiable dans les six mois, le différend est soumis à la demande de l'investisseur soit aux tribunaux compétents de la partie contractante dans laquelle l'investissement a été réalisé, soit à l'arbitrage international du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI).

Le Rapporteur a évoqué les relations franco-saoudiennes en insistant sur la qualité des échanges au niveau politique. Il a souligné le déficit structurel des échanges commerciaux du fait de l'importance des achats français d'hydrocarbures, l'Arabie saoudite se classant au 2ème rang des fournisseurs de brut après la Norvège. Quant aux investissements, il a précisé que la France était placée au 8ème rang des investisseurs étrangers en Arabie saoudite, présente dans le secteur bancaire, l'agro-alimentaire et le textile. Deux projets sont en cours de réalisation : Bouygues devrait investir dans la création d'un centre de loisirs à Djeddah et Total négocie avec les autorités saoudiennes les modalités de sa participation au développement du secteur gazier saoudien.

S'agissant de la situation intérieure du pays, il a fait observé que la forte croissance démographique (+ de 3%), avait entraîné une redistribution des richesses moins généreuse et que les frustrations de la jeunesse en quête d'emploi et de reconnaissance, les tiraillements entre modernistes et conservateurs, le sort de la minorité chiite, le fort mécontentement de la population vis-à-vis de la présence militaire américaine, l'influence croissante des religieux, la dissidence de quelques-uns pesaient sur la situation politique et sociale. En outre, les attentats du 11 septembre ont soumis le régime aux pressions contradictoires des Etats Unis, de l'opinion et des réseaux islamistes.

Toutefois, selon lui, ces tensions semblent contenues par la loyauté des tribus au Prince Abdallah, le contrôle de la famille Saoud sur les structures administratives, le maillage sécuritaire et l'absence d'opposition structurée. Les réactions de la société civile à travers le manifeste de 104 intellectuels réformistes dont certains ont été reçus par le Prince Abdallah paraissent être prises en compte. Le récent discours du Roi Fadh Ben Abdelaziz devant le Conseil consultatif marque une volonté d'évolution. Aussi, dans un tel contexte, le Rapporteur a-t-il jugé opportune la ratification de cette convention.

Le Président Edouard Balladur a souhaité des précisions sur le discours du roi Fahd et sur les dispositions garantissant contre le risque de nationalisation.

M. Henri Sicre a répondu que selon toute vraisemblance ce discours avait été transmis au Conseil Consultatif par le Prince héritier et que les garanties contre le risque de nationalisation figuraient dans l'article 4 de la convention et leur respect résultait de l'ensemble des dispositions concernant le règlement des différends figurant dans la convention.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 519).

Convention fiscale France-Ouzbékistan

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Roland Blum, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Ouzbékistan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (ensemble un protocole et un échange de lettres) (n° 548).

M. Roland Blum a exposé que la convention fiscale signée le 22 avril 1996 entre la France et l'Ouzbékistan remplaçait l'ancienne convention franco-soviétique du 4 octobre 1985, que l'Ouzbékistan, indépendant depuis 1991, continue à appliquer. Il a indiqué que l'Ouzbékistan avait pris le 7 juillet 1999, un décret de ratification du nouvel accord qui s'inspire du modèle de convention de l'OCDE.

La négociation de cet instrument n'a d'ailleurs pas posé de difficultés et sa ratification tardive n'est due qu'à un problème linguistique, l'Ouzbékistan n'ayant été en mesure de fournir un texte en langue ouzbèke qu'en 1998. Des précisions ont été introduites dans le projet initial de convention sur l'imposition des revenus immobiliers, de la fortune et sur les plus-values de cessions de parts, actions ou autres droits dans des sociétés à prépondérance immobilière, afin que la convention ne fasse pas obstacle à l'application de la législation fiscale française en la matière.

L'accord contient quelques dispositions qui s'écartent significativement de la convention OCDE et qui sont des concessions faites par l'Ouzbékistan. Elles concernent les taux des retenues à la source des dividendes et des intérêts. En outre, une clause de la nation la plus favorisée a été obtenue par la France.

En contrepartie l'Ouzbékistan a demandé et obtenu que la définition du trafic international comprenne, outre les transports aériens et maritimes, les transports routiers et ferroviaires, comme le prévoit la convention qu'il a conclue avec le Royaume-Uni.

M. Roland Blum a évoqué la situation intérieure de l'Ouzbékistan et rappelé qu'il est dirigé depuis 1990 par le président Islam Karimov, confortablement réélu, en l'absence d'opposition, à la tête de l'Etat lors du scrutin présidentiel du 9 janvier 2000, après que les partis de la mouvance présidentielle eurent largement remporté les élections législatives de décembre 1999. Le Président s'appuie sur une nomenklatura héritée de l'ancien régime.

L'indépendance a entraîné la floraison de formations se réclamant de l'Islam, et le soutien des Taliban a favorisé l'émergence en 1998 du Mouvement Islamique d'Ouzbékistan (MOI), tenu pour responsable de l'attentat de Tachkent du 16 février 1999 visant le Président Karimov. L'écrasement des Taliban a amoindri les capacités opérationnelles de ce mouvement pour l'instant.

Il a signalé que l'objectif prioritaire du gouvernement ouzbek est de parvenir à l'autosuffisance alimentaire. Les surfaces consacrées à la culture de céréales représentent 45 % des terres arables. L'Ouzbékistan est doté d'importantes ressources minières (métaux non ferreux et gaz), les matières premières constituant plus des deux tiers de ses exportations. Premier producteur de gaz en Asie centrale, avec 56 milliards de m3 annuels, l'Ouzbékistan a moins souffert du choc de la transition que certains de ses voisins.

Abordant la politique étrangère de l'Ouzbékistan, le Rapporteur a précisé que celle-ci reposait sur une forte volonté d'affirmation nationale, un constant souci de sortir de tout rapport de subordination à l'égard de la Russie, des relations étroites avec les Etats-Unis et l'Union européenne, et des ambitions régionales affirmées. Lors de la crise irakienne, il est le seul pays de la CEI à avoir soutenu l'intervention américaine, ce qui lui a valu d'importants bénéfices politiques, sécuritaires et économiques.

Quant aux relations politiques franco-ouzbèkes, celles-ci reflètent une volonté partagée de diversification de la coopération bilatérale. La France a inscrit l'Ouzbékistan sur la liste des pays susceptibles de bénéficier des facilités offertes par la Réserve Pays Emergents (RPE) pour des projets bénéficiant de co-financements. Toutefois, la part de marché de la France est faible (2 %), loin après la Russie, la Corée du Sud, l'Allemagne, les Etats-Unis, le Japon et la Turquie. La structure des exportations françaises est dominée par les ventes de biens d'équipement.

Le Rapporteur a jugé que la ratification de cette convention fiscale était opportune, car elle favorise les investisseurs français dans un pays émergent d'Asie centrale, région du monde où la France n'est pas assez présente et confrontée à une concurrence accrue.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 548).

Accord France-Italie sur l'observation de la Terre

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Loïc Bouvard, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération sur l'observation de la Terre, signé à Turin le 29 janvier 2001 (n° 556).

M. Loïc Bouvard, Rapporteur, a indiqué que l'accord dont l'approbation était soumise à l'Assemblée nationale visait à organiser un partenariat entre la France et l'Italie en vue de réaliser un système d'observation à haute résolution optique et radar à des fins civiles et militaires. L'accord de coopération vise à engager un partenariat franco-italien sur une base équilibrée. Ce partenariat se fonde sur la complémentarité des savoir-faire développés de part et d'autre des Alpes en matière d'observation de la terre.

Du côté français, le programme Pléiade est un programme civil et militaire comprenant actuellement deux satellites haute résolution dont le premier lancement est prévu en 2007 ; le système Hélios vise pour sa part à répondre aux besoins de défense en matière de reconnaissance optique. Ces deux programmes souffrent d'un manque de données radar de bonne qualité. Plutôt que de développer des capacités propres en la matière, l'accord de coopération avec l'Italie permettra de répondre à ce besoin. L'Italie bénéficie, en effet, avec son programme Cosmo-Skymed, d'importants avantages comparatifs en matière de capteurs radars, tandis qu'elle souffre de lacunes en matière de capteurs optiques.

Le coût total de ce système, qui sera précisé au cours de la phase d'études, est estimé à environ 1 070 millions d'euros. La partie française contribue par la fourniture de la composante optique, dont le coût a été évalué à 440 millions d'euros et elle contribue pour 30 millions d'euros au financement du segment terrestre développé en commun. Pour l'Italie, la contribution au titre de la fourniture de la composante radar s'élève à 570 millions d'euros et le financement du segment terrestre sera également de 30 millions d'euros. La coopération engagée avec l'Italie permettra donc de faire l'économie des investissements qui auraient été nécessaires pour se doter de la capacité radar qui fait aujourd'hui défaut.

Le programme de coopération mis en place sera ouvert à plusieurs catégories d'utilisateurs : publics, institutionnels, privés et commerciaux. Il permettra également de répondre aux demandes des autorités militaires des deux pays.

La convention ne prévoit pas de délais précis de mise en œuvre. Son article III précise que la coopération aura lieu en trois phases : les études communes ; le développement, la production et le lancement ; l'utilisation des équipements mis en orbite. Le suivi sera assuré par un comité directeur (article IV) composé de représentants des deux Etats, dont au moins un représentant de chaque ministère de la défense et de chaque ministère chargé de la recherche. Il se réunira au moins deux fois par an alternativement en Italie et en France.

Cette coopération duale sera par ailleurs ouverte à tous les Etats de l'Union européenne et elle n'a pas vocation à demeurer bilatérale : la coopération en matière d'observation de la terre, essentielle en vue de la mise en place d'une politique de défense commune, pourra ainsi s'ouvrir à terme aux autres Etats intéressés et aux organisations multilatérales européennes.

Le présent accord montre l'intérêt de la coopération bilatérale entre pays européens dans le domaine de l'espace. Les moyens de chaque pays sont nécessairement limités et leurs capacités de recherche et de développement ne peuvent prétendre embrasser tous les champs requis par la technologie spatiale. Dans le même temps, l'Europe spatiale, partagée entre les institutions communautaires et l'Agence spatiale européenne (ESA), constitue une organisation lourde et encore trop peu réactive pour mener à bien des projets ponctuels. Pour cette raison, la coopération bilatérale permet de mutualiser les moyens en tirant parti des avantages comparatifs de chaque pays partenaire. Cette coopération entre pays pionniers dans certains domaines peut ensuite être étendue aux autres pays européens : il n'y a donc pas de contradiction entre démarche bilatérale et démarche européenne en la matière. Pour ces raisons, votre Rapporteur vous demande d'adopter le présent projet de loi.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 556).

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M. Serge Janquin a demandé si la Commission pourrait obtenir des précisions sur le calendrier de ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et le Chili, signé en mai 2002. Cet accord est en effet très intéressant pour la défense de nos intérêts, notamment viticoles, et il permettra au Chili d'accroître ses relations avec l'Union européenne, comme il le souhaite dorénavant.

Le Président Edouard Balladur a indiqué à M. Serge Janquin que des précisions seraient fournies à la Commission dans les meilleurs délais.

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· Arabie Saoudite

· Chili

· Italie

· Ouzbékistan


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