COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 61

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 24 juin 2003
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jacques Rogge, Président du Comité International Olympique


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Audition de M. Jacques Rogge, Président du Comité International Olympique

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Jacques Rogge, président du Comité international olympique (CIO), d'avoir accepté de se rendre devant la Commission des Affaires étrangères, élargie, pour l'occasion, aux députés membres d'autres Commissions. Invitant le Président Jacques Rogge à exposer les problèmes auxquels est confronté un sport de plus en plus mondialisé, il a souhaité savoir quels critères prévalaient pour la désignation des villes hôtes des Jeux olympiques. Le Président Edouard Balladur a, en outre, demandé des précisions sur les relations nouées entre les mondes sportif et politique ainsi que sur le mode de financement du mouvement olympique. Il s'est également interrogé sur la façon dont pouvait être abordé le problème du dopage au niveau international et a désiré connaître l'opinion de M. Jacques Rogge quant à une éventuelle mention des questions liées à l'organisation du sport dans la future constitution européenne.

Après avoir remercié le Président Edouard Balladur et les membres de la Commission des affaires étrangères, en particulier M. Guy Drut, de l'avoir invité, le Président Jacques Rogge, Président du Comité international olympique, a, tout d'abord, rappelé le rôle historique de la France, « fille aînée de l'olympisme », dans la renaissance des Jeux olympiques, en particulier grâce au baron Pierre de Coubertin, mais aussi dans l'histoire du sport en général. Ainsi, la France a organisé les Jeux olympiques à cinq reprises (1900 et 1924 pour les Jeux d'été, 1924, 1968 et 1992 pour les Jeux d'hiver) et a également accueilli des grandes manifestations telle que la Coupe du Monde de football, en 1998, ou s'apprête à accueillir le Championnat du monde d'athlétisme en août prochain ou le centenaire du Tour de France cycliste. A côté de cette expérience en matière d'organisation, la France a produit de grands champions, dont certains sont devenus de grands dirigeants ou se sont vus confier la responsabilité du ministère des Sports, ce qui constitue une particularité française. En outre, parmi les 116 membres du CIO, trois sont français : MM. Henri Sérandour, Guy Drut et Jean-Claude Killy. Enfin, le français, que M. Jacques Rogge s'attache à défendre, est une des langues officielles du CIO mais elle est la seule qui fait foi.

M. Jacques Rogge a, ensuite, exposé les objectifs et les défis auxquels doit faire face le CIO. Ce dernier, depuis 1980 et l'élection à sa présidence de M. Juan Antonio Samaranch, a grandi très vite, notamment grâce à l'accroissement de ses moyens financiers générés par les droits de télévision et de parrainage. Désormais, le Comité doit faire un effort de consolidation tant sur le plan administratif que financier, en particulier afin de constituer une réserve qui permettrait la survie du mouvement olympique en cas de Jeux mal organisés - ou pas organisés du tout. Le CIO s'attache donc à s'imposer les principes d'une bonne gouvernance que sont la transparence et la démocratie. De même, il s'efforce de maintenir la place prééminente des Jeux olympiques dans le sport. Cela passe par une action soutenue contre le gigantisme croissant des Jeux qui sont passés, entre 1948 et 2000, de 17 à 28 sports et de 4 000 à 10 500 athlètes... accompagnés par 195 000 personnes accréditées ! Les épreuves sont maintenant étalées sur 16 jours et sont regardées, sur cette période, par 40 milliards de téléspectateurs.

Le troisième grand axe de la politique du CIO est la défense de valeurs qu'il juge primordiales. Parmi celles-ci, la solidarité avec les pays en développement amène le comité à reverser 95% de ses bénéfices aux 200 nations membres du mouvement olympique, cette redistribution allant, bien évidemment, vers les pays qui en ont le plus besoin. Avec la solidarité, la lutte contre le dopage et la promotion de l'éthique dans le sport constituent, également, des domaines dans lesquels le CIO entend exercer une influence.

Le quatrième et dernier axe de l'action du CIO concerne ses relations avec son environnement international. Une commission chargée de ces questions a été créée en son sein, présidée par M. Guy Drut. S'agissant des relations entre le CIO et les Comités olympiques nationaux, des tensions peuvent parfois apparaître, eu égard aux enjeux en lice. M. Jacques Rogge a, par ailleurs, souligné les rapports étroits qui se sont établis entre le CIO et l'ONU, plus particulièrement entre certaines de ses organisations spécialisées telles l'OMS, l'UNESCO ou le HCR, une grande action d'insertion par le sport étant, par exemple, menée dans les camps de réfugiés.

Le Président Jacques Rogge est ensuite revenu sur les questions soulevées par le Président Edouard Balladur. En ce qui concerne les critères de sélection des villes hôtes, il a tenu à rappeler que les votes sont secrets. En outre, il est évident que certains critères non écrits existent, le premier d'entre eux étant la qualité de la candidature. Les Jeux olympiques étant d'abord faits pour les athlètes, l'organisation doit être sans reproche et la sécurité reste un objectif prioritaire. En effet, de par l'énorme engouement qu'ils suscitent, les Jeux sont une cible potentielle pour d'éventuelles actions terroristes, comme ce fut le cas à Munich, en 1972, avec l'assassinat de 11 athlètes israéliens. A qualité égale, M. Jacques Rogge a estimé que des considérations liées à une certaine rotation géographique pouvaient entrer en considération. Ainsi, pour 2008, Paris a été défavorisée par l'attribution des Jeux d'été de 2004 à Athènes et ceux d'hiver de 2006 à Turin. De surcroît, la Chine, qui représente plus d'un cinquième de la population mondiale, n'avait jamais accueilli les Jeux ! Il était donc logique que les Jeux reviennent à Pékin en 2008.

S'agissant des rapports avec le monde politique, M. Jacques Rogge a rappelé que le CIO, comme les Comités nationaux, sont des organisations sans but lucratif et, la plupart du temps, reconnues d'intérêt public par les Etats. Toutefois, si les Comités nationaux reçoivent des aides gouvernementales nécessaires à leur bon fonctionnement, le financement du CIO repose sur des bases privées, l'attribution des droits de retransmission des épreuves constituant une source importante de revenus. Entre deux Jeux, le Comité a reçu 3,5 milliards de dollars qui ont été reversés tant aux pays en voie de développement qu'aux comités d'organisation, à hauteur de 40% de leurs budgets de fonctionnement. Selon M. Jacques Rogge, aider de la sorte les comités d'organisation permet de générer des candidatures multiples (7 villes pour les Jeux d'hiver de 2010, 9 pour les Jeux d'été de 2012) et d'accroître la qualité de l'organisation par la ville choisie.

La lutte contre le dopage constitue une priorité majeure du mouvement olympique. Dans un premier temps, les instances sportives ont commencé à se battre seules contre ce fléau puis ont été progressivement rejointes par les Etats. Le scandale du Tour de France 1998 a montré que l'aide des pouvoirs publics est indispensable : seuls les Etats ont un pouvoir juridictionnel et de contrainte. De même, ils sont les seuls à avoir un réseau de structures pouvant lutter efficacement, et mener une action pérenne en matière éducative. En février 2001 a été créée l'Agence mondiale anti-dopage, prise en charge, de manière égale, par le mouvement sportif et les Etats. Selon M. Jacques Rogge, cette Agence progresse bien, même si certains gouvernements ne se sont pas encore acquittés de leur participation à son budget. Ces retards sont dus à des lenteurs liés aux procédures administratives en vigueur et non à une opposition aux objectifs de l'Agence.

Depuis de nombreuses années, les milieux sportifs souhaitaient que le Traité de l'Union européenne comportât une référence au sport, d'autant qu'il n'en était pas fait mention dans le Traité de Rome. Au cours de différentes conférences intergouvernementales, des déclarations reconnaissant le rôle du sport ont été faites, sans pour autant qu'il soit véritablement inscrit dans les textes. Il a fallu attendre la conférence intergouvernementale préalable à la signature du Traité de Nice, pour que la spécificité et le rôle social du sport soient reconnus. Mais jusqu'à aujourd'hui la Commission et la Cour de Justice des communautés européennes ne se sont intéressées au sport que pour ses aspects commerciaux, alors même que l'immense majorité des sportifs sont des amateurs et qu'ils échappent à la logique du sport professionnel. Le texte de la Convention propose d'inscrire le sport dans la Constitution européenne, mais il ne le fait pas dans un article spécifique puisqu'il mentionne le sport aux côtés des actions en faveur de la jeunesse, de l'éducation et de la formation professionnelle. Ce texte devra être renforcé par la conférence intergouvernementale chargée d'arrêter la Constitution européenne.

Mme Marie-George Buffet a déclaré qu'elle s'était constamment engagée pour que le sport soit reconnu au niveau européen et qu'elle regrettait que la Commission considère cette activité comme une marchandise ordinaire. Citant le cas des sélections nationales, elle a indiqué que la Commission avait pu y voir une entrave aux règles de libre marché. Face à cette logique, la future Constitution européenne doit reconnaître le sport comme une activité humaine spécifique en le dotant d'un statut comparable à celui des activités culturelles. Elle a également souhaité connaître le résultat de la récente mission du CIO en Afghanistan qui s'est rendue sur place pour reconnaître le comité national olympique afghan.

Le Président Edouard Balladur a demandé s'il fallait rapprocher les législations en vigueur dans les différents pays de l'Union en matière sportive ou s'il fallait laisser aux Etats une totale autonomie en la matière.

M. Jacques Rogge a répondu qu'en matière sportive, il défendait de manière farouche le principe de subsidiarité : il n'est ni utile, ni nécessaire de se doter d'un modèle sportif européen, car l'Europe est culturellement trop diverse et car les différences entre les pays sont très marquées. En revanche, il convient de reconnaître le rôle social du sport, car il est essentiel : dans les quinze pays de l'Union, on compte 500 000 clubs sportifs et 85 millions de pratiquants. Les grands athlètes dont parle la télévision ne constituent qu'une petite frange des sportifs.

Le comité national olympique afghan était le seul à avoir été suspendu par le CIO, car le régime des Talibans n'acceptait pas le sport féminin. Aujourd'hui on assiste à un retour progressif à la normale, même si la situation demeure difficile dans de nombreuses régions. En tout cas le gouvernement s'est engagé à ce que la délégation olympique afghane des jeux d'Athènes comporte des femmes.

Le Président Edouard Balladur a interrogé M. Pierre Lequiller sur les débats de la Convention au sujet du sport et lui a demandé si le texte retenu par la Convention en la matière était susceptible d'évoluer.

M. Pierre Lequiller a répondu que les Français avaient beaucoup insisté pour que le sport figure dans le texte du projet de Constitution, et que ce point avait suscité de nombreuses réticences. Cela a permis que le sport soit mentionné comme étant l'une des compétences complémentaires de l'Union, ce qui est une avancée indéniable par rapport aux traités précédents. Il n'en demeure pas moins que cette compétence sera principalement exercée par les Etats, alors même qu'une législation européenne en matière de lutte contre le dopage est souhaitable. La formule retenue constitue un compromis, qui peut susciter une certaine insatisfaction.

M. Guy Drut a remercié le Président Edouard Balladur d'avoir pris l'initiative d'inviter M. Jacques Rogge devant la Commission des Affaires étrangères. De telles rencontres permettent d'accroître les relations entre le monde sportif et le milieu politique et de faire connaître les évolutions du CIO, dont l'image est encore trop souvent celle d'une vieille organisation. Le sport permet de transmettre les valeurs républicaines que nous défendons. Le CIO joue par ailleurs un rôle essentiel d'aides aux sportifs des pays en voie de développement et 95 % de ses ressources font l'objet d'une redistribution.

M. Christian Philip a demandé quel type de relation existait entre le CIO, les comités nationaux olympiques et les fédérations internationales.

Il s'est également interrogé sur la compatibilité entre l'importance des droits de retransmission télévisée et le maintien de la dimension sportive des Jeux olympiques, qui ne doivent en effet pas seulement se transformer en événement commercial.

Le Président Jacques Rogge a répondu que les relations entre le CIO et les deux cents comités nationaux olympiques ne s'apparentaient pas aux relations qui existent entre une maison-mère et ses filiales : chaque comité a son autonomie et est reconnu - ou non - par le CIO en fonction de son respect de la charte olympique. Le CIO récuse les comités nationaux qui pratiquent le racisme ou toute forme de discrimination. Ces comités remplissent une action indispensable au quotidien : ils sont chargés de la sélection des équipes nationales aux Jeux olympiques et ils propagent dans leur pays les valeurs du sport et de l'olympisme.

En ce qui concerne les fédérations internationales, le lien n'est pas aussi fort, elles ne sont pas soumises à la Charte olympique, par exemple, mais elles font partie de ce que l'on appelle « le mouvement olympique ».

Le CIO ne cherche pas à être un gouvernement mondial du sport. Toutefois, il a une grande influence, notamment par la redistribution des profits des Jeux olympiques aux fédérations sportives et aux comités nationaux. Par ailleurs, quand un problème d'ordre général se pose dans le sport, comme le dopage par exemple, le CIO est une enceinte naturelle pour le traiter. Mais c'est davantage parce qu'il dispose d'une autorité morale que d'un pouvoir hiérarchique.

S'agissant de l'importance des droits de retransmission, ceux-ci donnent au CIO une grande indépendance, mais il s'agit d'un moyen au service du sport, non d'une fin en soi. Par exemple, le CIO a conclu avec la chaîne américaine NBC un contrat de plus de deux milliards de dollars pour la période 2008-2012. Mais, volontairement, les négociations ont été conclues avant le vote sur la ville qui accueillera les Jeux olympiques d'hiver de 2010 afin d'éviter toute interférence entre la question des droits télévisuels et le choix de la ville olympique pour 2010. Par ailleurs, il faut souligner que l'arrivée de l'argent aux Jeux olympiques a été une bénédiction pour l'universalité et la démocratisation du sport : on entend parfois des nostalgiques regretter les Jeux olympiques d'antan, mais ceux-ci oublient que les pays en développement n'avaient pas les moyens d'envoyer des athlètes en ce temps-là. Ce sont les droits de retransmission télévisée qui ont permis de subventionner les fédérations et les comités olympiques les plus pauvres. Enfin, il faut rappeler que les Jeux olympiques sont la seule compétition sportive où il n'y a aucune publicité dans les stades et où les athlètes ne reçoivent aucune récompense financière.

Le Président Edouard Balladur a demandé quelle était la part des recettes globales du CIO redistribuée aux comités nationaux olympiques.

Le Président Jacques Rogge a indiqué que 49 % de recettes étaient redistribuées aux comités d'organisation et 51 % aux mouvements sportifs : un tiers de cette dernière part est versé aux comités olympiques les plus pauvres et deux tiers aux fédérations internationales. Entre 2000 et 2002, 500 millions de dollars ont été reversés aux comités nationaux olympiques.

M. Michel Destot a demandé comment l'on devenait membre du CIO et quels étaient les facteurs importants dans le choix d'une ville candidate aux Jeux olympiques.

Le Président Jacques Rogge a expliqué qu'il y avait deux formes d'accession au Comité international olympique ; par cooptation, tout d'abord, ce qui permet de préserver l'indépendance de l'institution, et par représentation des comités nationaux olympiques, des fédérations internationales et des athlètes. Au total, les 116 membres du CIO viennent d'horizons très divers, la moitié sont d'anciens sportifs, mais il y a également des hommes politiques, des scientifiques, des hommes d'affaires, des princes, etc.

En ce qui concerne le choix des villes organisatrices, le poids et l'influence des nations est faible, dans la mesure où le vote se fait par scrutin secret. Ce qui est important dans le dossier de candidature est avant tout la valeur technique, la sécurité, les infrastructures sportives et hôtelières, mais aussi les qualités humaines.

Rappelant qu'il est élu de Marseille et plus particulièrement de la circonscription d'où est originaire M. Zinedine Zidane, M. Frédéric Dutoit a déclaré partager de nombreuses idées développées par M. Jacques Rogge et notamment celle selon laquelle l'image du sportif compte beaucoup pour les jeunes. Ainsi, le dopage et la difficulté de le combattre constituant une image négative pour ces derniers, M. Frédéric Dutoit a souhaité savoir où en était l'adhésion des fédérations internationales au code universel de lutte contre le dopage.

Le Président Jacques Rogge, exprimant son accord avec les propos de M. Frédéric Dutoit, a lui aussi relevé que l'image des sportifs avait un grand impact auprès des jeunes qui cherchent à s'identifier à leurs idoles. Or, parfois, les athlètes ne prennent pas leurs responsabilités dans ce domaine et soit se dopent, soit adoptent des comportements individuels choquants. S'agissant des fédérations internationales, toutes ont adhéré au Code mondial anti-dopage et le CIO n'accepterait pas que d'éventuelles organisations récalcitrantes participent au Jeux olympiques. Cependant, le sport professionnel nord-américain fait preuve d'un certain laxisme en la matière mais ses athlètes sont soumis aux contrôles du CIO lorsqu'ils concourent à des épreuves olympiques.

M. Henri Nayrou s'est demandé si le CIO n'oubliait pas, parfois, de freiner le gigantisme des Jeux olympiques et le Président Edouard Balladur a souhaité savoir si cela était encore possible.

Selon le Président Jacques Rogge, limiter le développement des Jeux est parfaitement possible et c'est d'ailleurs un des objectifs du CIO. Cela s'avère indispensable pour conserver la capacité audiovisuelle des Jeux, leur public étant surtout constitué par les téléspectateurs du monde entier (à hauteur de 40 milliards sur 16 jours), les villes hôtes n'accueillant généralement, quant à elles, pas plus de 1,5 million de visiteurs. Aussi, le CIO entend faire en sorte que les enceintes sportives soient dimensionnées pour avoir une capacité qui convienne à la période postérieure à l'organisation des Jeux. Le Comité entend également réduire le nombre trop élevé des 195 000 accompagnateurs pour 10 500 athlètes. Sur le plan audiovisuel, il a été demandé aux chaînes américaines, qui envoient entre 7 000 et 8 000 techniciens à chaque retour des Jeux, de réduire de 20% ce nombre en traitant directement, à l'avenir, les images aux Etats-Unis. Ainsi, d'ici 2012, les Jeux olympiques auront sans doute réduit leur taille, rendant alors possible une éventuelle organisation par des pays africains ou sud-américains.

Après avoir salué le travail accompli par le CIO et son président, M. Jean-Jacques Guillet s'est interrogé sur les moyens dont disposait le mouvement olympique pour se prémunir d'éventuelles pressions sur son mode de fonctionnement, en particulier en provenance des Etats. Il a ainsi demandé à M. Jacques Rogge si le CIO menait, en son sein, une réflexion sur ce sujet.

M. Jacques Rogge a rappelé que Pierre de Coubertin avait choisi le système de la cooptation pour éviter les pressions des gouvernements. Ce système a montré son efficacité à plusieurs reprises dans l'histoire : en 1936 pour l'organisation des jeux olympiques de Berlin, lors du boycott demandé par le Président américain pour protester contre l'intervention soviétique en Afghanistan, ou vis-à-vis de l'Afrique du Sud au moment de l'apartheid. Les membres du CIO sont cooptés ou élus par les comités nationaux olympiques et les fédérations internationales : cet équilibre permet d'allier l'indépendance avec la représentativité. Le CIO n'a pas de désir de puissance, mais d'influence. Il a d'ailleurs longtemps été question de lui accorder le statut d'observateur aux Nations Unies, ce qu'il a constamment refusé.

M. Guy Drut a fait remarquer qu'il représentait le CIO en France, mais non pas la France au CIO.

Le Président Edouard Balladur a souhaité savoir si dans la longue histoire des jeux olympiques, des petits pays avaient vu leur candidature à l'accueil des Jeux acceptée.

M. Jacques Rogge a indiqué que la Belgique les avait accueillis en 1920, la ville de Lyon ayant retiré sa candidature en gage de remerciement de la France à l'égard de la Belgique suite à la première guerre mondiale. La Finlande a accueilli des jeux en 1952 et la Norvège a été le siège des jeux d'hiver en 1994. Mais ces exemples constituent une exception : les Etats doivent avoir une taille critique d'environ 10 millions d'habitants pour les jeux d'été et de 3 à 4 millions pour les jeux d'hiver. Des infrastructures conséquentes sont en effet indispensables pour accueillir les jeux, notamment un aéroport capable d'embarquer 1,5 million de passagers en une journée.

Mme Béatrice Vernaudon a demandé s'il y avait un nombre minimal d'athlètes nécessaire pour participer aux Jeux. Un Etat doit-il être totalement indépendant pour pouvoir y participer ? La Polynésie française pourrait-elle y participer ?

M. Jacques Rogge a indiqué qu'il avait rencontré le président du comité national olympique polynésien. Le CIO a reconnu des territoires qui n'étaient pas pleinement souverains, comme Hong Kong ou Macao. Après la chute du mur de Berlin, le nombre de membres du CIO est passé de 150 à près de 200 et nombreuses ont été les demandes de territoires en sécession, comme la Tchétchénie ou le Kosovo. Il ne revient pas au CIO de répondre aux demandes de territoires souhaitant accéder à l'indépendance, car il ne doit pas interférer dans les problèmes internes aux Etats. La base d'adhésion au CIO est la reconnaissance des Etats par la communauté internationale, c'est-à-dire, en fait, par les Nations Unies. La mention aux Nations Unies n'est pas explicite car la Suisse n'en faisait pas partie jusqu'à une date récente. En tout état de cause, il ne convient pas d'accroître le nombre de membres de manière excessive, car cela deviendrait ingérable. L'identité de certains territoires peut trouver à se réaliser par l'organisation de jeux régionaux, comme c'est le cas en Océanie.

Le Président Edouard Balladur a indiqué que le CIO n'avait aucune raison de reconnaître des territoires dont la souveraineté n'est pas reconnue par les Etats. Il s'agit d'une question politique et juridique dans laquelle le CIO n'a pas à s'immiscer.

M. Jacques Rogge a déclaré que le CIO ne souhaitait pas devenir l'arbitre de luttes intestines, ce qui l'avait conduit à écarter la demande d'adhésion du Kosovo. Pour l'anecdote, le seul Etat souverain qui ne soit pas membre du CIO est le Vatican.

M. Edouard Landrain s'est demandé si, compte tenu des critères de choix des villes organisatrices, seuls les pays riches étaient en mesure d'organiser des Jeux olympiques.

Le Président Jacques Rogge a admis qu'actuellement, seuls les pays riches et développés pouvaient accueillir les Jeux olympiques. En effet, le CIO a une responsabilité vis-à-vis des athlètes, qui ne pourront participer à des Jeux olympiques qu'une ou deux fois dans leur vie. Il ne peut donc pas se permettre de prendre des risques dans le choix de la ville organisatrice. Cependant, avec la baisse souhaitable de la taille des Jeux olympiques, et l'émergence de certains pays, en Afrique ou en Amérique latine, on peut estimer qu'il devrait être possible d'organiser à l'avenir les Jeux olympiques dans un pays du Sud.

Le Président Edouard Balladur a vivement remercié le Président Jacques Rogge d'avoir fait partager à la Commission sa connaissance approfondie du monde du sport ; il a déclaré partager ses vues sur les principaux problèmes abordés.

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